AVEC MA MERE - Editions Dangles
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AVEC MA MERE - Editions Dangles
JUIN 12 Mensuel OJD : 170214 10 BOULEVARD DES FRERES VOISIN 92130 ISSY LES MOULINEAUX - 01 41 46 88 88 Surface approx. (cm²) : 976 N° de page : 66-68 Page 1/3 Jai renoue AVEC MA MERE TRAJECTOIRE 3062532300505/GVB/MIM/2 Eléments de recherche : DANGLES ou EDITIONS DANGLES : toutes citations JUIN 12 Mensuel OJD : 170214 10 BOULEVARD DES FRERES VOISIN 92130 ISSY LES MOULINEAUX - 01 41 46 88 88 Surface approx. (cm²) : 976 N° de page : 66-68 Page 2/3 Il arrive que « couper le cordon » rime avec « couper les ponts ». Que l'incompréhension et le désamour soient si conflictuels qu'il faille s'éloigner de sa mère pour de bon. Mais pas forcément pour toujours. Nos deux témoins l'ont vécu, pour des raisons très différentes, et sont parvenues à renouer le lien défait. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour se réconcilier, comme l'explique la psychoclinicienne Yvonne Poncet-Bonissol. «Rik appelait au secours depuis toujours» Élise, 51 ans, commerciale, un enfant. « Ma mère avait le désir impérieux de tenir la première place. Enfants, mes deux frères et moi lui avons servi de faire-valoir. Tirés à quatre épingles, d'une politesse exemplaire, réussissant à l'école, nous étions parfaits, démontrant ainsi à quel point elle l'était! Dans l'intimité, le tableau était tout autre, elle ne nous touchait pas, ne nous prenait jamais dans ses bras. Nous vivions dans un climat de reproches permanents : le cadeau de la fête des Mères avait un défaut, l'anniversaire n'était pas souhaité à la bonne heure, etc. Sa quête de perfection confinait à l'absurde. Nous avions besoin de trois jours pour préparer nos départs en vacances : les valises devaient être faites au carré et nous devions être impeccables, tout comme la maison. Mon frère aîné a rompu avec elle, dès ses 18 ans. Nous, les cadets, avons résisté encore un peu. Les relations se sont dégradées avec l'arrivée de nos conjoints : ils n'étaient pas non plus à la hauteur de ses attentes. Aux yeux de ma mère, nous étions toujours en faute. Même quand elle esquissait un geste vers nous, il était assorti d'une forme de punition. Quand elle m'a offert un collier de perles, elle a pris soin de me préciser que ça portait malheur... Nos rapports se sont envenimés et se sont espaces jusqu'à se limiter finalement au téléphone. Quand je suis tombée enceinte, je me suis dit: "J'abandonne!" Je n'ai pas voulu que ma grossesse et ma maternité soient polluées par nos tensions. Ma fille n'a rencontre sa grand-mère qu'à l'âge de 6 ans, le jour de TRAJECTOIRE 3062532300505/GVB/MIM/2 l'enterrement de mon père. Un semblant de lien s'est reformé autour de cette disparition. Mais cela restait très distant. Jusqu'à ce que l'on s'aperçoive quelle se mettait en danger: elle traquait la saleté au point de se laver les mains à l'eau de Javel, ne payait plus ses loyers, ne sortait presque plus de chez elle. Il devenait évident qu'elle avait besoin de soutien. J'ai donc demande à ce quelle soit accueillie dans un service de géronto-psychiatrie. Le jour de son hospitalisation, nous avons passé quèlques heures ensemble. J'étais clairement devenue son ennemie personnelle. Ce fut effroyable de porter la responsabilité de cette décision et de sentir peser sur moi son regard de détestation. Je ne l'ai revue qu'un mois plus tard. J'étais pleine de culpabilité. Et pourtant, en arrivant dans sa chambre, sur une impulsion, je l'ai prise dans mes bras. Et elle s'est abandonnée. Aussi loin que remonte ma mémoire, je ne me souviens pas d'avoir partage un tel geste avec elle. Ce moment de tendresse inouïe a permis nos retrouvailles. J'ai compris quelle appelait au secours depuis toujours. Elle était jalouse de notre liberté et de nos choix. Cela faisait des années qu'elle portait le secret des origines de mon frère aîné qui n'avait pas le même père que nous. Elle l'avait eu très jeune, seule. L'unique moyen qu elle avait trouvé pour que cette histoire ne lui échappe pas avait été d'exercer un contrôle terrifiant sur nos vies. Trouver un lieu où sa parole pouvait être entendue lui a permis de baisser la garde et de commencer à se livrer. Je lui parle enfin sans avoir peur des conséquences de nos mots. Je peux partager des moments de complicité avec elle, aller chez le coiffeur et dîner le soir de Noël sans drame, juste dans le plaisir tout neuf de notre échange. » «Je me délecte de lapail retrouvée» Louise, 43 ans, deux enfants, restauratrice. « Quand ma mère a appris par hasard que j'étais enceinte à 15 ans, cela a scellé notre discorde. Le laboratoire d'analyses a téléphone pour me communiquer les résultats positifs de mon test de grossesse, mais c'est ma mère qui a répondu. Quand je suis rentrée, elle m'attendait, effondrée, m'assurant qu'elle m'aiderait, qu'elle élèverait le bébé avec moi, etc. Je n'étais pas très mature, mais je savais que je ne pouvais pas garder cet enfant. Je me suis fait avorter dans la clinique où ma mère avait accouché de mon petit frère. Elle a tenu à m'accompagner. Evidemment, nous avons croisé son obstétricien. Et devant lui, elle s'est écroulée sur le thème "J'ai tout raté dans l'éducation de ma fille", "Je vis le pire des scénarios", etc. J'étais devenue sa honte. A partir de ce moment, j'ai mené une vie qu'elle ne pouvait que désapprouver: je sortais, je consommais tomes sortes de Eléments de recherche : DANGLES ou EDITIONS DANGLES : toutes citations JUIN 12 Mensuel OJD : 170214 10 BOULEVARD DES FRERES VOISIN 92130 ISSY LES MOULINEAUX - 01 41 46 88 88 Surface approx. (cm²) : 976 N° de page : 66-68 Page 3/3 témoignages drogues, j'avais les cheveux multicolores... Bref, j'étais en révolte. Je ne supportais pas les choix de ma mère : son remariage avec un homme alcoolique et sa volonté de faire face alors que tout se fissurait autour d'elle. J'ai tant bien que mal passé mon bac après avoir change trois fois de lycée. Quand je lui ai annonce ma réussite, elle s'est exclamée : "Comment ont-ils pu te le donner!" Rien de ce que je faisais ne lui convenait. Je suis partie vivre en Amérique du Sud. J'ai ouvert un restaurant, rencontre plein de gens et mené ma vie dans une grande liberté. Au bout de sept ans, je suis rentrée en France, assagie. J'ai rencontre le père de mes enfants avec lequel j'ai vécu pendant deux ans avant d'avoir le premier enfant. J'ai revu ma mère de lom en lom. Quand je lui ai annonce ma grossesse, elle m'a répondu : "Tu connais le père ? " Nos relations n'avaient guère changé: j'étais une fille-mère, même pas fiancée et déjà enceinte ! Juliette, ma fille, est née très en avance, au bout de trente-deux semaines. Son papa était retenu à l'étranger; j'étais toute seule à Paris. J'avais besoin d'aide, j'ai appelé ma mère et elle est venue. La présence de Juliette a gommé tout ce qui n'allait pas dans notre histoire. Les soins qu'elle a déployés autour de mon enfant m'ont permis de reconnaître ses qualités. Je pouvais enfin ouvrir mon cœur. J'avais été dans une telle colère! Depuis, nous sommes devenues très proches. Elle vient d'ailleurs de s'installer à côté de ma maison, dans le sud de la France, elle est une grand-mère coolissime. Je me délecte chaque jour de la paix retrouvée. » • RIEN N'EST FIGÉ NI IRRÉVOCABLE DECRYPTAGE DE LA PSYCHOCLINICIENNE YVONNE PONCET-BONISSOL, AUTEUR DE LA RELATION MÈRE-FILLE (DANGLES ÉDITIONS). TRAJECTOIRE 3062532300505/GVB/MIM/2 Qu'est-ce qui se joue dans les disputes mères-filles? Yvonne Poncet-Bonissol. La mère est un modèle pour la fille Emettre des critiques, affirmer sa personnalité, ce n'est pas facile quand on s'adresse à son modèle Se fâcher, c'est souvent une manière inconsciente de lui dire «Ta vie n'est pas la mienne, je suis différente, alors laisse-moi vivre autrement1» En d'autres termes, c'est une façon de prendre ses distances C'est ce qui fait d'ailleurs que ces conflits sont si fréquents. Ils sont mstrumentalisés par les filles qui peuvent ainsi couper le cordon C'est un chemin vers l'autonomie Cette tension est bien moins présente dans les rapports fils-mères, parce qu'il n'y a pas le même jeu de miroirs entre eux le conflit s'exprime ll peut se conjuguer à un sentiment de rivalité de la mère à l'égard de sa fille, ce qui vient alors l'accentuer Arrivent ensuite les choix amoureux, qui sont également une grande source de disputes et enfin, la naissance des petits-enfants La première maternité réactive l'image de toute-puissance de sa mère C'est un moment de régression la fille s'attend à être cocoonée par sa mère, et ce n'est pas toujours le cas ll y a un espoir deçu A fortiori, quantité de conflits se nouent autour de l'intrusion de la mère dans les modes d'éducation choisis par sa fille Maîs ce sont indéniablement les mères qui souffrent le plus de ces dissensions Elles sont plus démunies et ont moins de ressources pour alter de l'avant Sait-on autour de quels grands thèmes s'articulent ces fâcheries? Pour les adolescentes, c'est souvent autour de la prise d'indépendance et de la féminité naissante que Se réconcilier après s'être fâchées, est-ce primordial ? D'abord, il est important de signaler qu'il y a des parents toxiques et que la réconciliation n'est pas toujours faisable Maîs en dehors de ces cas, Eléments de recherche : DANGLES ou EDITIONS DANGLES : toutes citations une cicatrice, même belle parce qu'elle nous a fait grandir, reste enfouie en nous. Un conflit larvé perdure et se déplace Je croîs qu'il est important de pouvoir s'en libérer pour être apaisée, pour être libre et réaliser ses choix en dehors des options maternelles. Quelles sont les conditions de cette réconciliation? Oser être soi 1 Maîs on n'a pas forcément besoin de mots, car cela peut se faire a travers de toutes petites choses prendre l'avis de l'autre, évoquer une lecture commune, etc On commence par mettre en actes son pardon en faisant de petits pas Le grand déballage salvateur est souvent une illusion Pour qu'il fonctionne, la relation doit être apaisée au préalable À ce moment-la, l'on peut enfin se dire ce que l'on pense Le lien mère-fille est en mouvement constant, rien n'est figé ni irrévocable Une réconciliation est toujours possible, vingt ans, trente ans après la dispute, peu importe.