LES DATES-CLÉS POUR COMPRENDRE

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LES DATES-CLÉS POUR COMPRENDRE
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© Archives ECPAD / Defives Guy
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L’après-guerre
et
la difficile conquête des droits
Soldats marocains débarquant au Tonkin, [Vietnam], photographie, 1951.
© Deuxième Territoire / DR
La guerre s’achève en Europe, les “ troupes
indigènes ” sont de nouveau appelées pour réprimer
les soulèvements de Sétif en Algérie en 1945 puis de
Madagascar en 1947. Plus de 60 000 hommes recrutés
à travers l’AOF et l’AEF participent à la guerre que
mène la France en Indochine contre le mouvement
nationaliste vietminh. Les soldats marocains vont
également être engagés lors de ce conflit, notamment
lors des batailles de la RC4, en 1950, et de Dien Bien
Phu en 1954. En marche vers leur propre indépendance,
acquise en 1956, refusant de s’engager contre leurs
“ frères ”, peu de militaires marocains participeront à la
guerre d’Algérie ■
Les Goumiers marocains en Indochine (opération Nice), photographie du Service
de Presse et d’Information, 1953.
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1945
1950
1954
1954
: Début de l’engagement en Indochine (jusqu’en 1954).
: Bataille de la RC4 en Indochine (engagement de soldats marocains).
: Bataille de Dien Bien Phu en Indochine (engagement de soldats marocains).
: Début de la Guerre d’Algérie.
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© Tessalit Productions, photo Roger Arpajou / DR
© Coll. part. / DR
“ On a été
un formidable
prétexte pour
mettre ce sujet
sur la table.
Maintenant,
il faut que la loi
soit appliquée. ”
Jamel Debbouze,
Europe 1, mai 2009
Tabor, couverture de livre, édition France-Empire, 1954.
Indigènes, affiche du film Indigènes de Rachid Bouchareb, 2006.
Entre 1954 (Indochine) et 1960 (Afrique
sub-saharienne),
les indépendances amènent l’État
français à progressivement geler (loi de
cristallisation) les pensions des tirailleurs
de son ex-empire colonial ou à transformer
en “ pécule ” fixe (comme dans l’exIndochine) les dites pensions et retraites
futures ■
© Loïc Le Loët / DR
De l’histoire à la mémoire
Douze portraits de Chibanis, photographie de Loïc Le Loët, 2001.
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1954-1962 : Guerre d’Algérie.
1954-1955 : Premières mesures concernant les pensions en Indochine.
1956 : Indépendance du Maroc et de la Tunisie (mars).
1956 : Dissolution des Goums marocains (juin).
1958 : Les unités de tirailleurs sénégalais sont dissoutes.
1959 : Cristallisation progressive des pensions des anciens combattants.
1964 : Dispersion des tirailleurs de la dernière unité africaine.
1965 : Dissolution du 1er Régiment de tirailleurs marocains (RTM)
Depuis une dizaine d’années, de nombreux témoignages révèlent
au grand public cette injustice de l’histoire. Le photographe Loïc Le
Loët a organisé l’exposition L814 en février 2001 à partir de ses
photographies d’anciens combattants réalisées en 1999. La même
année, le journaliste Dominique Richard leur consacre plusieurs articles
dans Sud-Ouest. En 2003, le réalisateur Neus Viala dresse un portrait
sans concession de la situation avec son film D’un pays à l’autre, les
anciens combattants marocains. En 2005, le réalisateur Jean-Claude
Cheyssial offre un portrait engagé d’un de ces anciens combattants
avec Mechti le dernier combat. Enfin, en 2006, c’est le film
Indigènes, de Rachid Bouchareb, qui dénonce l’injustice dont sont
victimes ces anciens soldats, et qui relance avec vigueur le débat sur
la revalorisation des pensions d’invalidité et des retraites des combattants, obligeant le président de la République à s’engager.
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“ Vu mon âge (j’ai 90 ans),
je n’attends pas grand-chose mais
au moins pour le principe il faut
se souvenir de l’effort que nous
avons fait, nous étions comme des
frères, nous avons grandi ensemble. ”
Mohamed Mechti,
ancien combattant marocain, (1919-2010),
engagé en 1942
Mohamed Mechti,
© Les Oubliés de la République / DR - illustration Bruno Lamenca
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© Loïc Le Loët / DR
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Appel “ Les Oubliés de la République ”
photographie de Loïc Le Loët, 2009.
“ Il ne s’agit pas seulement
de reconnaître ces hommes
qui ont servi la France. Il
s’agit d’assumer l’histoire et
de réparer une injustice qui
dure depuis cinquante ans. ”
Tribune dans Libération,
5 mai 2009
cosignée par Lilian Thuram, ancien footballeur professionnel ; Stéphane Hessel,
ambassadeur de France, corédacteur de
la Déclaration universelle des droits de
l’Homme ; Alain Rousset, député de la
Gironde et président du Conseil régional
d’Aquitaine ; Naïma Charaï, conseillère
régionale et présidente des “ Oubliés de
la République ” ; Pascal Blanchard,
historien, chercheur associé au CNRS ;
Christelle Jouteau, avocate et membre
du collectif Coordination décristallisation.
Pour faire vivre leur famille et
compléter une pension et une retraite minimes,
des anciens combattants marocains commencent
à arriver en France dans les années 70 et 80. Ils s’installent notamment à Bordeaux, où se trouvent les archives
militaires des unités marocaines et le Tribunal des pensions militaires. Leur combat pour l’égalité est à l’époque
peu visible et il faudra attendre 1986 (loi n°86-1025) pour
qu’ils puissent bénéficier du titre de séjour de dix ans sur
le territoire français. Leurs situations “ juridiques ” les
obligent à rester neuf mois à “ minima ” sur le sol français
pour recevoir le RMI ou le minimum vieillesse. Devant des
situations sociales difficiles, ils sont alors soutenus par
des associations telles que le Diaconat, le CAIO1 et l’ATF2,
et sont pris en charge par des acteurs institutionnels, tels
que le FASILD3, la DDASS, la ville de Bordeaux, le Conseil
général de la Gironde, la Direction Départementale de
l’Équipement ou encore la Sonacotra4.
En 1996, soutenu par les associations d’anciens combattants français, Amadou Diop, ancien sergent-chef sénégalais, porte plainte contre l’État français pour avoir
perçu seulement le tiers d’une retraite d’un ancien combattant français. Le Conseil d’État lui donne raison en 2001 (à
titre posthume) et juge que la loi de cristallisation a créé
une situation de discrimination, sur la base de l’article 14 de la
123456-
Convention européenne des droits de l’homme. À partir
de 2006, un collectif d’associations, accompagné par le
Conseil régional d’Aquitaine, s’engage pour l’égalité de
tous. La retraite du combattant et les pensions militaires
d’invalidité sont décristallisées, suite à l’émotion suscitée
par le film Indigènes. Le collectif obtient, en octobre
2008, le “ jugement Mechti ” auprès du Tribunal administratif de Bordeaux, qui établit l’égalité des pensions entre
les anciens combattants originaires des ex-colonies
d’Afrique du Nord et ceux nés en France métropolitaine.
Dans le même mouvement, en 2008-2009, sous l’égide du
RAHMI5 et de la CNHI6, un important travail de collecte de
la mémoire orale est initié, permettant de rassembler les
“ récits de vie ” de vingt anciens combattants présents
depuis de longues années en Aquitaine. Après une décision du Conseil constitutionnel en mai 2010, les anciens
militaires des ex-colonies françaises pourront bénéficier
désormais des mêmes retraites que leurs homologues
français. Selon le secrétariat aux Anciens combattants,
30 000 personnes devraient être concernées par ces
mesures de rattrapage à partir de janvier 2011, pour permettre enfin à ces “ oubliés de l’Histoire ” d’obtenir “ un
juste retour des choses ” ■
CAIO : Centre d’Accueil d’Information et d’Orientation.
ATF : Association des Tunisiens de France, devenue ALIFS : Association du Lien Interculturel Familial et Social (en 2000).
FASILD : Fonds d’Action et Soutien pour l’Intégration et la lutte contre la discrimination, devenue l’ACSÉ.
Sonacotra : Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, aujourd’hui dénommée Adoma.
RAHMI : Réseau aquitain sur l’histoire et la mémoire de l’immigration.
CNHI : Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration
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1986 : La carte du combattant donne droit à un titre de séjour
de dix ans.
1988 : Le titre de « résident » ouvre un ensemble de droits
sociaux (RMI, sécurité sociale, retraite classique…).
1992 : Création du Conseil pour la défense des droits
des Anciens combattants d’Outre-mer à Paris.
2001 : Loïc Le Loët présente à Bordeaux l’exposition L814 sur
les anciens combattants coloniaux.
2002 : Revalorisation des prestations du feu selon un indice du
coût de la vie fixé par les Nations unies pour chacun des
pays concernés.
2005 : Jean-Claude Cheyssial réalise Mechti le dernier combat.
2006 : Film Indigènes de Rachid Bouchareb.
2006 : Une coordination se crée à Bordeaux, réunissant un ensemble
d’acteurs associatifs pour demander l’égalité des droits.
2007 : Loi de finances qui fixe la revalorisation des retraites,
des pensions militaires d’invalidité et de réversion des
anciens combattants.
2008 : Le Tribunal administratif de Bordeaux établit l’égalité
des pensions entre les anciens combattants originaires
des ex-colonies d’Afrique du Nord et ceux nés en France
(octobre).
2010 : Décision du Conseil constitutionnel de censurer les
dispositions législatives qui réservent un sort différent
aux anciens combattants français et étrangers (mai).
2010 : Le président de la République annonce l’alignement des
pensions de retraite de tous les anciens militaires résidant
à l'étranger, quelle que soit leur nationalité (13 juillet).
2010 : La loi de finances pour 2011 crée un droit à décristalisation
sur demande des bénéficaires.