en savoir plus - Un toit pour tous

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en savoir plus - Un toit pour tous
La Croix1er avril 2016
Le difficile accueil des SDF dans le 16e arrondissement de Paris
Alors que la Ville de Paris maintient coûte que coûte son projet de centre d’hébergement, le
maire du 16e arrondissement propose maintenant d’autres implantations.
Dans un combat dont l’issue est de savoir si 200 SDF doivent être accueillis ou pas en lisère du
bois de Boulogne, à Paris, chacun prépare la riposte. Sur le site envisagé, la mairie de Paris vient
de planter le panneau du permis de construire, et réaffirme son intention de créer un centre
d’hébergement dans ce secteur huppé de la capitale. En face, le collectif d’associations de
riverains « Sauvons le bois de Boulogne », constitué de juristes de premier ordre, vient de saisir
le tribunal administratif pour dénoncer cette autorisation à bâtir, après avoir attaqué la
délibération de la mairie de Paris donnant le feu vert au projet. « Ces recours ne sont pas
suspensifs, ils ne nous empêcheront donc pas de procéder aux aménagements nécessaires pour
une ouverture dès cet été », garantit Ian Brossat, adjoint (PCF) chargé du logement et de
l’hébergement à la mairie de Paris.
L’espace visé est une allée bitumée en lisière de bois. Cette bande de terrain est entourée au sud
par l’hippodrome d’Auteuil, à l’ouest par le périphérique, à l’est par des demeures cossues
occupées par l’ambassade de Corée, la famille royale d’Arabie saoudite et autres grandes
fortunes. On y croise surtout des promeneurs, à vélo, avec leur chien, ou équipés de bâtons de
randonnée, comme Jean-Pierre, qui habite le quartier.
« Tout a été fait pour attiser une haine de classe que je trouve à la fois obsolète et malsaine »,
explique ce banquier à la retraite. « Il existait un terrain tout indiqué pour ce genre de projet
porte de la Muette, à seulement 400 m de là. » Classé, le bois de Boulogne est non constructible,
sauf aménagement temporaire. Aussi le centre d’hébergement est-il prévu pour une durée de trois
ans. Mais ici, beaucoup n’y croient pas.
Une véritable bataille d’opinion fait rage sur Internet entre partisans et opposants au projet. En
réplique à la pétition de 40 000 signataires engagés contre le projet solidaire sous la houlette du
député et maire LR du 16e arrondissement, Claude Goasguen, une autre a mobilisé près de
51 000 défenseurs du centre d’hébergement.
La seconde initiative vient d’une jeune femme de 21 ans, Morane Shemtov. Le 14 mars, étudiante
en master à l’université Dauphine toute proche, elle était aux premières loges, dans le grand
amphithéâtre de son université, lorsque la réunion publique a tourné au fiasco, sous les injures de
riverains hostiles au projet. « J’ai été choquée par leur violence, sur fond d’opposition entre
riches et pauvres. Normalement, notre université est un lieu démocratique où s’expriment les
idées », regrette-t-elle.
« En paroisse, il n’y a pas grand monde pour prendre position. Tous craignent de faire le jeu des
uns ou des autres dans ce dossier très politisé », regrette Bernard Bouchez, bénévole au Secours
catholique. Lui veut le dire haut et fort : « J’ai honte du comportement de quelques concitoyens
du 16e où je suis né et où j’habite. »
En réaction à cette contestation, Claude Goasguen a adouci sa position. Désormais, l’élu ne
brandit plus le danger de voir apparaître dans l’ouest parisien un nouveau « Sangatte ». Il
demande dorénavant à être associé à la démarche, regrettant l’absence de concertation préalable.
« Pour l’accueil de migrants ou de sans-abri, j’ai envoyé à la préfecture de région trois sites
alternatifs à l’implantation envisagée », explique-t-il.
Claude Goasguen préfère garder l’adresse de ces lieux « confidentielle ». Les espaces disponibles
dans l’arrondissement sont cependant connus. Il y a le Musée des arts et des traditions populaires,
un espace vide de 15 000 m2 – mais ce lieu, qui doit être désamianté avant de retrouver un
public, est peu compatible avec un hébergement d’urgence – ; un bâtiment public situé avenue
de Versailles ; une friche encore libre dans les deux années à venir ; la caserne d’Exelmans qui
se libère…
Du côté de la mairie de Paris, Ian Brossat ironise sur ces contre-propositions. « Si l’idée est
d’ouvrir encore davantage de lieux pour les plus démunis, nous sommes preneurs ! Le 16e a du
retard à rattraper par rapport au reste de Paris. » On estime qu’entre 60 et 100 SDF errent dans
les rues de l’arrondissement, pour une population de 160 000 habitants et seulement… 28 places
d’hébergement d’urgence. Le reste de Paris en propose plus de 9 000.
Jean-Baptiste François