Combat pour la Paix n°498 - France : "Vérité et justice: une loi pour

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Combat pour la Paix n°498 - France : "Vérité et justice: une loi pour
Combat pour la Paix n°498 – France : « Vérité et
justice: une loi pour les victimes des essais
nucléaires »
France
« Vérité et justice : une loi pour les victimes des essais
nucléaires »
Le CDRPC, Moruroa e Tatou et l’AVEN ont lancé début septembre une campagne intitulée « Vérité et Justice. Une loi pour les victimes des essais nucléaires ». Cette campagne, soutenue par 14 associations
dont le Mouvement de la Paix, a pour objectif d’obtenir une loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires de la France au Sahara et dans le Pacifique. Bruno Barillot, directeur du CDRPC nous en dit plus
sur cette campagne.
Le CDRPC anime cette campagne avec le soutien de plusieurs organisations. Pourquoi cette campagne ?
Bruno Barillot : Depuis sa création, en 1984, le CDRPC a centré ses activités sur la mise en question des armes nucléaires. Dans la même période, en 1986, un énorme scandale allait secouer la France avec l’attentat contre
le Rainbow Warrior *dans le port d’Auckland en Nouvelle-Zélande.
Cette actualité nous a plongé littéralement dans le bain des essais nucléaires : nombreuses missions en Polynésie à partir de 1989, suivis d’articles, de brochures et de livres. A l’époque et jusqu’à une
date récente, les problèmes de santé des anciens travailleurs polynésiens des sites de Moruroa et Fangataufa et des Polynésiens n’intéressaient pas grand monde en Métropole. Et pourtant, ils étaient bien
réels : leucémies, cancers de la thyroïde, fausses couches… Mais pour les autorités françaises, « nos » essais sont particulièrement propres et ne peuvent, en conséquence, avoir aucune répercussion sur la
santé et l’environnement !
En 1996, les associations polynésiennes, l’Eglise protestante, le Conseil Oecuménique des Eglises, le réseau Solidarité Europe Pacifique et le CDRPC ont fait réaliser une enquête sociologique auprès des
Polynésiens publiée sous le titre « Moruroa et nous ». C’était la première fois qu’on demandait leur avis aux Polynésiens, 30 ans après le premier essai nucléaire du 2 juillet 1966 ! En 1999, les mêmes
organisations ont voulu interpeller les hommes politiques français par un premier colloque à l’Assemblée nationale. Avec la création de l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) et de
l’association Moruroa e tatou à Tahiti, l’interpellation de la classe politique s’est fait plus pressante : une proposition de loi a été déposée en 2002 par Les Verts et redéposée en 2003 par les groupes
communistes à l’Assemblée et au Sénat.
Dès leur création en 2001, les associations ont reçu le soutien de nombreux médias : presse écrite, radios et télévisions. Grâce aux nombreux reportages, les revendications des vétérans et des anciens
travailleurs polynésiens ont pu être mieux connues et ont permis le développement des associations : Moruroa e tatou compte actuellement en Polynésie près de 3500 membres et l’Aven un peu plus de 3000
membres en Métropole. Reste un problème, le soutien aux victimes algériennes – anciens employés sur les sites d’essais du Sahara et populations voisines – qui reste difficile à organiser. Il ne faut pas
oublier que l’immense majorité des personnels qui ont travaillé aux essais nucléaires étaient des appelés du contingent, non volontaires et non informés des dangers encourus et des employés civils recrutés
localement au Sahara et en Polynésie. L’enquête de santé réalisée par l’Aven montre que l’on dénombre 30 % de cas de cancers parmi les vétérans alors que le taux pour la même tranche de population, selon
l’INSERM, est de 17 %. Les cas de cancers du sang (leucémies, myélomes, lymphomes) sont 100 fois plus importants chez les adhérents des deux associations que dans la population française.
Quels sont les principaux objectifs retenus?
B.B. : La campagne « Vérité et justice. Une loi pour les victimes des essais nucléaires » reprend le mot d’ordre de l’association Moruroa e tatou lors de la visite de Jacques Chirac à Tahiti en juillet 2003. Elle
vise à faire pression sur les parlementaires et les dirigeants de ce pays afin que justice soit enfin rendue et la responsabilité de l’Etat reconnue.
L’objectif principal de la campagne est de faire inscrire à l’ordre du jour du Parlement la proposition de loi déjà déposée. Celle-ci vise à faire prendre en compte par l’Etat les conséquences sanitaires
des essais nucléaires, à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes et à la mise en place d’une commission spécifique de suivi où se concerteraient des représentants du gouvernement, du Parlement
et des associations concernées.
La campagne « Vérité et justice » permet également d’appuyer la dimension judiciaire de l’action des associations. En effet, l’instruction de la plainte contre X déposée en novembre 2003 devant le Parquet
de Paris vient juste de débuter en octobre 2004. De plus, dans les mois qui viennent, de nombreux tribunaux, en France et en Polynésie, vont devoir se prononcer sur les demandes de pension et de réparation
déposées par les vétérans.
Comment amplifier encore la campagne ces prochaines semaines ?
B.B. : Les associations à l’initiative de cette campagne souhaitent qu’un mouvement d’opinion se crée en France pour le soutien de toutes les victimes des essais nucléaires. Elles invitent les militants et leurs
amis à interpeller les élus en utilisant les moyens proposés : un document d’information et une série de trois cartes postales pré-imprimées et destinées au président de la République, au premier ministre
et à son député. Ces documents sont disponibles au siège de l’Aven mais aussi auprès des associations qui soutiennent la campagne dont le Mouvement de la Paix.
De nombreux « vétérans », actuellement répartis sur toute la France, sont prêts à venir témoigner lors de réunions locales. Des livres, vidéos et DVD permettent également de compléter l’information et les
témoignages. L’AVEN dispose d’un site internet : www.aven.org
* le Rainbow Warrior état le bateau de Greenpeace, plastiqué par des agents français dans un attentat qui causa la mort d’un photographe.
Entretien réalisé par Jacques Le Dauphin
AVEN
: Association des Vétérans des Essais Nucléaires
CDRPC : Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix
et les Conflits
MORUROA E TATOU (Moruroa et nous) : Association créée en 2001
par les anciens travailleurs des sites nucléaires de Moruroa
et Fangataufa