L`ultime attaque surprise des Français

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L`ultime attaque surprise des Français
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MARDI 19 AOÛT 2014
BW
1914-1918
(6/10)
Le lieutenant Giesche
remonte dans son
avion. Il ne peut que
constater les dégâts
causés par sa méprise.
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Le bois de Buis est
interdit à la
circulation pendant trois
jours, tant il est jonché
de cadavres.
Le dernier
combat de la
guerre 14-18 en
Brabant wallon
L’ultime attaque surprise des Français
Le 1er corps de cavalerie
français, sous les ordres
du général Sordet, mène
un dernier baroud
d’honneur du côté de
Perwez.
●
Baptiste ERPICUM
14-18
Le 19 août
1914, les Alle­
mands se pen­
sent à l’abri
d’une nouvelle
attaque
des
troupes fran­
çaises. Une reconnaissance aé­
rienne leur permet de voir
que le corps de cavalerie em­
mené par le général Sordet
semble abandonner le com­
bat. Le général allemand Otto
von Emmerich décide alors
d’établir ses quartiers au sein
de la ville de Perwez. Il fait dé­
filer des régiments de cavale­
rie et d’infanterie, flanqués
d’au moins deux régiments
d’artillerie de campagne, dans
les rues de la cité braban­
çonne.
Par acquit de conscience, le
général allemand laisse tout
de même une partie de l’artil­
lerie pilonner le bois de Buis,
où des arrière­gardes françai­
ses ont été repérées la veille.
En l’absence de riposte, les Al­
lemands continuent leur pro­
gression, sans aucun souci,
vers Gembloux et Wavre, en
passant par Orbais.
Mais le silence des Français
n’est qu’une ruse. Le général
Sordet est en fait bien décidé à
repartir à l’attaque (voir les
combats du 18 août dans no­
tre édition de lundi). Il a ali­
gné 13 000 hommes, en ordre
de bataille. Une première divi­
sion de cavalerie progresse
entre le bois de Grand­Leez et
le bois de Buis. Une deuxième
division fonce sur ce dernier.
Et une troisième division
avance en direction de Tou­
rinnes­Saint­Lambert.
Des combats au milieu
de la forêt
Après avoir patiemment at­
tendu que les canons alle­
mands se taisent, les Français
prennent pour cible la tête
d’une colonne allemande qui
avance sur Orbais. Leurs tirs
sont précis et dévastateurs.
Des unités allemandes, prin­
cipalement de l’infanterie et
des groupes cyclistes, se por­
tent alors vers le bois de Buis
pour empêcher un groupe de
cyclistes français d’en sortir.
Les pelotons de cavalerie met­
tent pied à terre. D’intenses
combats de tirailleurs écla­
tent aux lisières, puis à l’inté­
Les remords d’un pilote allemand
Le 19 août 1914, le corps
du lieutenant Giesche
est retrouvé à bonne
distance de la
carcasse de son avion.
Accident ou suicide ?
L
e jeune pilote allemand, à
l’origine de l’erreur d’obser­
vation qui a mené à la mort
de centaines de ses camarades, se
serait­il suicidé, accablé par les
remords ? C’est ce que prétend la
rumeur qui court à Perwez, quel­
ques jours après son décès.
Retour sur les faits : le 19 août
1914, vers 10h30, le lieutenant
Herbert Giesche revient d’un vol
de reconnaissance et signale
qu’il a vu les troupes françaises
quitter le champ de bataille. Les
Allemands, soulagés, baissent
leur garde. Mais, une heure plus
tard, ils se retrouvent pris sous le
feu de l’artillerie française, alors
qu’ils ne s’y attendent pas du
tout.
Le lieutenant Giesche remonte
dans son appareil et survole no­
tamment Aische­en­Refail. Il ne
peut que constater les terribles
dégâts causés par sa méprise.
À ce moment précis, des tirs
frappent son avion qui s’écrase
au sol. Giesche, lui, n’est plus à
bord.Il a été éjecté. Ou alors il a
décidé de sauter, soit pour met­
tre fin à ses jours, soit, en tablant
peut­être sur un miracle, pour
tenter de s’en sortir vivant, mal­
gré la chute vertigineuse.En
1914, le parachute n’est pas en­
core utilisé… ■
B.E.
rieur du bois. L’artillerie alle­
mande
pilonne
les
campagnes situées entre le
bois de Buis et le bois de
Grand­Leez pour empêcher
toute avance sur Perwez. L’ar­
tillerie française cause des dé­
gâts à quelques immeubles
d’Orbais et de Thorembais­
Saint­Trond.
Vers 12 h 30, le général Sor­
det décide de replier ses trou­
pes en direction de Gem­
bloux.
Dès 15 h, plusieurs régi­
ments français dépassent
Gembloux. Vers 18 h, ces
Français cantonnent autour
de Fleurus, de Boignée et de
Balâtre­Saint­Martin. Ils se re­
tirent ensuite en direction de
Charleroi. Plus rien ne peut
freiner la progression alle­
mande vers Gembloux, ni
vers le centre du Brabant wal­
lon. ■
Le charnier du bois de Buis
Autour d’Orbais, les tirs des
batteries des 3e et 5e divisions
du corps de cavalerie français
ont fait mouche. Les combats
livrés aux lisières du bois de
Buis ont également provoqué
de lourdes pertes du côté
allemand.
Selon les curés de ThorembaisSaint-Trond et d’Orbais,
plusieurs centaines de soldats
allemands sont morts ou
blessés. Ces derniers sont
principalement emmenés à
Perwez où cent vingt-sept
d’entre eux arrivent dans la
soirée. Ils sont soignés dans
les locaux des écoles
communales occupés par une
ambulance de la Croix-Rouge.
Selon le curé de Perwez,
plusieurs Allemands y
mourront. Autour d’Orbais, on
remplit trois chariots avec des
corps sans vie, mais, après le
19 août 1914, on retrouve
encore plusieurs cadavres
allemands éparpillés ça et là.
Le bois de Buis est un véritable
charnier. Il est interdit à toute
circulation pendant trois jours.
Les victimes allemandes
seront inhumées dans une
fosse commune, en un lieu
demeuré inconnu.