Lutte d`influence membranaire pour inhiber ou - iPubli

Transcription

Lutte d`influence membranaire pour inhiber ou - iPubli
MAGAZINE
NOUVELLE
Lutte d’influence
membranaire pour inhiber
ou activer le lymphocyte
Armand Bensussan
> L’activation des lymphocytes T
consécutive à l’engagement du TCR
(T cell receptor) est sous le contrôle
de co-récepteurs, dont les ligands
respectifs sont multiples, et qui interviennent pour modifier qualitativement et quantitativement la réponse
cellulaire. On connaissait les récepteurs membranaires CTLA-4, BTLA
(B and T lymphocyte attenuator) et
PD-1 comme atténuateurs de l’activation des lymphocytes T. Il faut à
présent ajouter à cette liste le récepteur CD160 qui est ancré à la surface
cellulaire par une liaison phosphatidylinositol-glycane [1]. CD160 a été
initialement décrit à la surface des
lymphocytes NK (natural killer) cytotoxiques et d’une sous-population de
lymphocytes T CD8+ et de lymphocytes TCRγδ [2]. Par la suite, il a été
montré que CD160 liait les molécules
du CMH de classe I avec une faible
affinité, son engagement ayant pour
conséquence d’induire l’activation
des lymphocytes NK [3]. Les résultats
de l’équipe de G.J. Freeman, publiés
dans la revue Nature Immunology [4],
révèlent qu’après engagement à l’aide
d’un anticorps monoclonal spécifique, le récepteur CD160, bien que très
faiblement exprimé à la surface des
lymphocytes CD4+ activés, est capable
d’inhiber totalement l’activation lymphocytaire induite lors du recrutement
de CD3 seul ou en association avec
CD28. Les auteurs démontrent que
CD160, qui se lie aux molécules du CMH
de classe I avec une faible affinité,
interagit avec une plus grande affinité
avec le récepteur HVEM (herpes virus
entry mediator). Ce dernier sert de
voie d’entrée pour le virus de l’herpès,
mais peut aussi interagir avec les protéines BTLA, LIGHT et la lymphotoxine
α (Figure 1). Le récepteur CD160, tout
comme BTLA, interagit spécifiquement
avec le CRD1 (cystein rich domain 1)
d’HVEM, alors que LIGHT se lie aux
CRD2-CRD3 de HVEM. De façon très
élégante, en utilisant des molécules
chimériques, cette équipe établit la
conséquence fonctionnelle de l’ensemble de ces interactions moléculaires au cours de la réponse spécifique
d’un lymphocyte T CD4+ mis en présence d’une cellule présentatrice de
l’antigène portant HVEM : la résultante
est la dominance du co-signal inhibiteur délivré par BTLA et CD160 sur le
puissant co-signal activateur dépendant de LIGHT. Néanmoins, plusieurs
questions se posent à la lecture de ce
travail. Les mécanismes moléculaires
du signal inhibiteur consécutif à l’engagement de CD160 sont peu explorés.
Notamment, il est important de savoir
s’il est différent de celui qui implique
le récepteur BTLA. Concernant l’inte-
Inhibition
de l’activation
Activation
Lymphocyte T CD4
CD160
HVEM
+
LIGHT
BTLA
CD160
CRD1
CRD2
NOUVELLES
Inserm U841, Université Paris XII,
Faculté de Médecine de Créteil,
8, rue du Général Sarrail, 94010 Créteil, France.
[email protected]
BTLA
CD160
HVEM
BTLA
HVEM
Δ CRD1
Cellule présentatrice de l’antigène
Figure 1. Co-récepteurs de la réponse lymphocytaire. Après engagement à l’aide d’un anticorps
monoclonal spécifique, le récepteur CD160, bien que très faiblement exprimé à la surface des
lymphocytes CD4+ activés, est capable d’inhiber totalement l’activation lymphocytaire induite
lors du recrutement de CD3 seul ou en association avec CD28. CD160, qui se lie aux molécules du
CMH de classe I avec une faible affinité, interagit avec une plus grande affinité avec le récepteur
HVEM (herpes virus entry mediator). Ce dernier sert de voie d’entrée pour le virus de l’herpès, mais
peut aussi interagir avec les protéines BTLA, LIGHT et la lymphotoxine α.
M/S n° 4, vol. 24, avril 2008
Article disponible sur le site http://www.medecinesciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/medsci/2008244361
361
raction de CD160 avec HVEM, CD160
qui est exprimé sous une forme multimérique à la surface cellulaire va-t-il
interagir avec la forme monomérique
de HVEM comme le fait BTLA, ou avec
la forme trimérique qui est induite
lors de son interaction avec LIGHT ?
Par ailleurs, ces résultats soulèvent
le problème du seuil de détection de
récepteurs fonctionnels à la surface
cellulaire en cytométrie en flux. Au
dire des auteurs CD160, bien qu’il ne
soit pas détecté en cytométrie en flux,
est exprimé à la surface de l’ensemble
des lymphocytes T CD4 + activés et
surtout, il est capable de se lier au
récepteur HVEM et d’induire une inhibition presque totale de l’activation
cellulaire. Enfin, il reste à expliquer
comment l’engagement de CD160 à la
surface des lymphocytes NK induit une
activation cellulaire [3]. ‡
CD160 binding to HVEM triggers an
inhibitory signal to the activated T cell
RÉFÉRENCES
released from human activated NK lymphocytes and
inhibits cell-mediated cytotoxicity. J Immunol 2007 ;
178 : 1293-300.
2. Bensussan A, Gluckman E, el Marsafy S, et al. BY55
monoclonal antibody delineates within human cord
blood and bone marrow lymphocytes distinct cell
subsets mediating cytotoxic activity. Proc Natl Acad
Sci USA 1994 ; 91 : 9136-40.
3. Le Bouteiller P, Barakonyi A, Giustiniani J, et al.
Engagement of CD160 receptor by HLA-C is a
triggering mechanism used by circulating natural
killer (NK) cells to mediate cytotoxicity. Proc Natl
Acad Sci USA 2002 ; 99 : 16963-8.
4. Cai G, Anumanthan A, Brown JA, et al. CD160 inhibits
activation of human CD4+ T cells through interaction
with herpesvirus entry mediator. Nat Immunol 2008 ;
9 : 176-85.
1. Giustiniani J, Marie-Cardine A, Bensussan A. A soluble
form of the MHC class I-specific CD160 receptor is
:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:
> Tel est le
titre (évocateur de celui
d’un film-culte de Billy Wilder) qui sert de présentation à une récente publication de Nature sur le rôle de la température dans la détermination du sexe de
certaines espèces au cours de l’incubation [1]. La TSD (temperature-dependant
sex determination) fut découverte pour la première fois chez un lézard africain
à tête rouge (Agama agama), puis chez des sauriens et des tortues [2]. En fait,
les sauropsidés dans leur ensemble sont soumis à l’influence de déterminants
sexuels, indépendants des gonosomes. Des hypothèses ont été émises sur leur
utilité et sur les avantages adaptatifs qu’ils pouvaient procurer. Charnov et Bull,
par exemple, avancent l’idée que la variation de la taille induite par le milieu
peut intervenir dans la détermination sexuelle adaptative (ESD), dans le sens
mâle ou femelle, selon les conditions environnementales et se maintiennent
à l’âge adulte [3]. Toutefois, entre l’éclosion et la maturité, l’importance du
développement est telle qu’il semblait difficile de démontrer un quelconque
avantage de la TSD et du sex
ratio à l’âge adulte. Aucun travail expérimental n’avait permis
de le prouver. Mais une récente
publication australienne vient
enfin d’apporter une preuve de
l’avantage adaptatif de la TSD
chez un lézard, le jacky dragon
ou Amphibolurus muricatus, de
la famille des agamidés [4].
L’animal a été soigneusement
choisi pour sa vie brève (3-4
ans), car on peut supposer que
les effets différentiels de l’incubation retentissent plus netAgama agama un lézard mâle à tête rouge
tement chez les animaux à vie
brève que chez ceux à vie longue. L’incubation à basse (23°-26°C) et à haute
(30°-33°C) température produit des femelles et, entre 27° et 30°C, on obtient
des mâles et des femelles. Comme il fallait pouvoir observer les deux sexes à
« Certains l’aiment chaud »
362
M/S n° 4, vol. 24, avril 2008
différentes températures, 1. Crews D, Bull JJ . Nature 2008 ;
451 : 527-8.
les auteurs ont eu recours
2. Morreale SJ, et al. Science 1982 ;
à une molécule qui inter216 : 1245-7.
fère avec la biosynthèse des 3. Charnov EL, Bull JJ. Nature 1977 ;
: 828-30.
hormones stéroïdiennes, 4. 266
Crews D, Bul JJ. Nature 2008 ;
la fadrozole, inhibitrice de
451 : 566-8.
l’aromatase. Après incuba- 5. Bateson P, et al. Nature 2004 ;
430 : 419-21.
tion aux trois températures
mentionnées ci-dessus, les lézards une fois éclos (une
trentaine par groupe) sont élevés séparément et leur
développement, leur accouplement et leur production
d’œufs sont suivis pendant une période de 3 ans et demi.
Un génotypage par microsatellite est effectué pour
pouvoir identifier leur descendance et la dénombrer. Le
succès reproductif a révélé quelques surprises : les femelles obtenues après incubation à température élevée sont
plus grosses et ont un pouvoir reproductif plus important mais aucune différence n’a été observée entre les
femelles obtenues aux températures moyenne et basse.
Pour les mâles, ceux incubés à température moyenne
sont les plus performants. La température d’incubation
a des effets multiples sur le comportement, l’anatomie
et la physiologie. De plus, quel que soit le sexe gonadique, les taux d’hormones sont d’abord conditionnés par
la température d’incubation. Cette étude peut paraître
bien ponctuelle, mais il ne faut pas oublier toutefois que
les conditions d’incubation et la TSD ont dû préexister
à la détermination sexuelle génotypique et que, chez
les humains, l’environnement gestationnel a des effets
durables tout au long de la vie, influençant des troubles
tels que maladies coronariennes, obésité, diabète, et…
infertilité [5]. ◊
Simone Gilgenkrantz
médecine/sciences
:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷:÷: [email protected]