Simone de Beauvoir

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Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir (1908-1986)
Simone de Beauvoir appartient à la bonne bourgeoisie parisienne ; sa mère très catholique fait éduquer
ses deux filles au cours Désir, chic et strict. Simone aurait dû être promise au destin normal d’une
« jeune fille rangée », celui d’épouse dotée, de mère de famille et de maîtresse de maison. En effet ce
milieu social n’envisage guère le travail de l’épouse, sauf cas rares (Louise Weiss en a obtenu
l’autorisation). Le temps se partage entre la gestion de la maison, l’éducation des enfants, le salon
(certaines bourgeoises ont encore leur « jour »), les amies, le piano, la lecture, les ouvrages de dames.
C'est la vie que la mère de Zaza, l'amie proche de Simone de Beauvoir, prépare à sa fille. Cela implique
des revenus confortables pour le chef de famille, complétés par ceux de la dot de sa femme. La guerre a
fortement diminué certaines fortunes, amenant des familles à réduire leur train de vie et à prévoir un
avenir différent pour leurs enfants. C’est le cas de George de Beauvoir qui voit une déchéance dans la
perspective que sa fille travaille : il doit néanmoins se résigner à son orientation vers l'enseignement.
C’est en préparant l’agrégation de philosophie, obtenue en 1929, qu’elle noue sa relation exceptionnelle
avec Jean-Paul Sartre.
Alors que Zaza, éloignée des études par sa mère, meurt à Berlin à 21 ans, toute la vie de
Simone de Beauvoir est désormais en rupture avec la vie féminine "normale". Pas de mariage, pas de
vie commune, une très grande liberté préservée pour le "contingent". La complicité affective et
intellectuelle avec Sartre constitue leur amour "nécessaire". Ils vivent désormais dans un petit réseau
complexe d'amitiés et de liaisons. Tout en témoignant d'un grand appétit pour la vie, les découvertes
multiples, les voyages et les rencontres, elle est également passionnée par le travail et décidée à
consacrer l'essentiel de son activité à l'écriture.
Trois catégories d'écrits, romans (Les Mandarins ont le prix Goncourt en 1954), essais philosophiques
(elle est partie prenante de la réflexion existentialiste) et mémoires se succèdent à partir de 1943. Les
mémoires témoignent de la prodigieuse accumulation d'expériences et d'activités qui lient dans sa vie le
privé, le public et l'engagement politique (après 1945).
Le Deuxième Sexe paraît en 1949, essai fondamental sur la condition des femmes, le plus important
jamais consacré au sujet, véritable tournant intellectuel du féminisme au XXe siècle. À cette époque,
Simone de Beauvoir ne se présente pas comme féministe, elle affirme que sa féminité ne l’a gênée en
rien et que d’ailleurs la question est close (droit de vote et égalité proclamés dans la nouvelle
constitution de 1946). Mais elle analyse la hiérarchisation des sexes et l’oppression des femmes à
travers la biologie, l’histoire, les mythes, l’éducation et le quotidien imposé. La condition des femmes
résulte d’une construction sociale et historique, non des données biologiques. La phrase si souvent
citée, « on ne naît pas femme, on le devient » ouvre le tome II. La société et les éducateurs imposent
aux femmes passivité et soumission, mutilent et briment la petite fille qui apprend à attendre tout de
l’homme et à être enfermée dans la séduction et le domestique, vouée à la répétition et à la routine. Le
scandale est considérable, les réactions très violentes, parfois d’une grossièreté inouïe, à droite comme
à gauche. « Aux limites de l’abject » (François Mauriac), « insulte aux ouvriers » (Jeannette ThorezVermeersch), « insulte au mâle latin » (Albert Camus)… S’ouvrant sur l’avortement, le chapitre sur la
maternité est celui qui lui a été le plus reproché : elle n’y voit que piège et ne l’accepte pas pour ellemême. Attitude certes difficilement généralisable, mais elle analyse finement la condition ordinaire des
femmes.
Cet ouvrage a fait fonction de révélateur et exercé une influence décisive sur plusieurs générations de
lectrices et d’intellectuelles. Il va progressivement apparaître comme l’ouvrage fondateur du nouveau
féminisme, une charnière dans l’histoire des mouvements de femmes. Traduit aux États-Unis en 1953, il
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y devient rapidement un classique très travaillé dans les universités et contribue à la construction du
concept de « gender », le genre, le sexe socialement construit. Le cinquantenaire récemment fêté a
montré la persistance de son influence.
Dans les années 1970, Simone de Beauvoir ne se contente plus de son statut de femme hors norme et
de théoricienne reconnue : elle rejoint les féministes, leur donne l'appui de sa notoriété et crée en 1974
la Ligue du droit des femmes. Elle affronte avec lucidité, dans ses derniers écrits, les événements d'une
fin de vie : La Vieillesse, et La Cérémonie des adieux (la mort de Sartre).
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