Chambre des communes Ottawa (Ontario) Canada K1A 0A6
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Chambre des communes Ottawa (Ontario) Canada K1A 0A6
le19mai2016 Le très honorable Justin Trudeau, C.P., M.P. Premier Ministre du Canada Chambre des communes Ottawa (Ontario) Canada K1A 0A6 Monsieur le Premier Ministre, Je vous écris au sujet du projet de construction d’un barrage hydroélectrique (projet du site C) sur la rivière de la Paix dans le nord de la Colombie-Britannique. Un groupe d’érudits canadiens, y compris plusieurs membres de la Société royale du Canada, ont exprimé de vives inquiétudes au sujet du processus d’approbation utilisé dans le cadre de ce projet (voir le site www.sitecstatement.org). En tant que président de la Société royale, je suis d’accord sur les principales objections soulevées. Bien que le projet du site C ait reçu les approbations réglementaires de la province et du fédéral (y compris certains des permis nécessaires), la Société royale du Canada est extrêmement préoccupée par la façon dont elles ont été obtenues. En effet, l’approbation du projet va à l’encontre de l’objectif du gouvernement canadien de fonder ses décisions sur des éléments probants et du principe selon lequel ces éléments doivent guider et éclairer ses actions. La création de la Commission d’examen conjoint par les deux ordres de gouvernement semble avoir été simplifiée dans le but d’accélérer l’examen du projet du site C. Composée de trois personnes, la Commission a dû travailler dans des délais serrés et avec des ressources et des pouvoirs limités, ce qui a rendu difficile la réalisation d’une analyse complète et approfondie du projet. Malgré tout, elle a mis en évidence un certain nombre de problèmes environnementaux qui exigent un examen plus poussé en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et la Clean Energy Act (loi sur l’énergie propre). Il faut également se demander pourquoi un projet de cette envergure et de cette nature n’a pas fait l’objet d’une évaluation de la part de la British Columbia Utilities Commission. Cela aurait dû être une priorité. Pourquoi l’assemblée législative de la Colombie-Britannique a-telle adopté une loi pour empêcher cet examen essentiel? Le fait d’avoir omis de soumettre ce projet à un examen rigoureux soulève de sérieuses questions à savoir si le projet devrait recevoir le feu vert avant qu’un examen plus exhaustif ne soit entrepris. Il est tout aussi troublant de constater que le projet de barrage du site C avance malgré le fait que des questions de droits ancestraux et de droits issus de traités des Premières nations ne sont toujours pas réglées. Des projets ont souvent négligé ou ignoré les Autochtones et leurs préoccupations par le passé, ce qui a eu des conséquences négatives persistantes. Cette époque est censée être révolue. Le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique ont tous deux pris l’engagement public et solennel non seulement de consulter les peuples autochtones de façon significative et concrète, mais aussi de reconnaître leurs droits fondamentaux et leurs intérêts et d’en tenir compte. Pourquoi, dans ce cas, ces droits et intérêts n’ont-ils pas été pris en compte apparemment dans l’analyse de la Commission d’examen conjoint et, s’ils l’ont été, où en parle-t-on dans le rapport? Et pourquoi les travaux de construction ont-ils débuté alors que ces questions n’ont toujours pas été examinées par les tribunaux dans le cas de deux Premières Nations? Cette situation à elle seule semble être un non-respect des intérêts des Autochtones. Cela mine également toute la bonne volonté entourant les efforts d’accommodement et de réconciliation investis au cours des dernières années. Ce n’est pas l’orientation que veut se donner le Canada au XXIe siècle, surtout à la lumière de sa décision récente d’appuyer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les travaux du projet du site C devraient être interrompus, ne serait-ce que pour cette raison. Je suis conscient du fait que le projet du site C a reçu l’approbation du cabinet fédéral par voie de décret, mais cela ne signifie pas que les gouvernements fédéral et britanno-colombien ne peuvent faire marche arrière. Ainsi, d’une part, un examen réglementaire et un processus d’évaluation complets auraient lieu et, d’autre part, cela permettrait de prendre en compte les droits ancestraux et issus de traités des Premières nations comme l’exigent certaines décisions judiciaires récentes. En avril dernier, le premier ministre Justin Trudeau a rencontré de jeunes Autochtones à l’école secondaire Oskayak, à Saskatoon, et leur a dit : [traduction] Nous devons nous montrer responsables en matière d’environnement, nous devons respecter les préoccupations des communautés et nous devons établir des partenariats avec les peuples autochtones » (Saskatoon Star Phoenix, 28 avril 2016, p. A7). Le projet du site C doit être soumis à ces principes. Maryse Lassonde, O.C., C.Q., FRSC, FCAHS Présidente de La Société royale du Canada