l`analyse strategique des ressources humaines - e-RH

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l`analyse strategique des ressources humaines - e-RH
L’ANALYSE STRATEGIQUE DES RESSOURCES HUMAINES
D’après Les stratégies des Ressources Humaines
Bernard GAZIER
Les indices et les analyses montrent que les ressources humaines (RH) recèlent un
potentiel stratégique et relèvent de choix à long terme engageant l’avenir de
l’entreprise. Pourtant l’intégration des RH dans les choix globaux de stratégie est
souvent inexistante ou réduite à sa plus simple expression.
Sur quelles bases la réflexion dans le domaine de stratégie des Ressources
Humaines peut-elle se développer ?
STRATEGIE GENERALE ET STRATEGIE DES RESSOURCES HUMAINES
Depuis les années 80, le terme de stratégie a beaucoup de succès. L’idée de
stratégie est à mi-chemin entre :
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les représentations de l’acteur qui l’enserrent dans des déterminismes
globaux (ex. structure de classe dans le capitalisme),
le sujet totalement autonome (ex. l’homo oeconomicus).
La stratégie pose la liberté du décideur, mais dans un cadre et selon des
interactions qu’il subit et aménage.
Les stratégies entre extension et pertinence.
Le terme de stratégie est d’origine grecque et militaire : il s’agit des choix
fondamentaux vis-à-vis de l’ennemi ; les décisions prises au cours de la bataille relèvent
de la tactique. Vers les années 40, la stratégie est utilisée dans la théorie des jeux pour
désigner la séquence des coups prévus ou effectués par les joueurs. Au cours des
années 60, l’usage de la stratégie se confirme en économie par l’application de
décisions prises dans les entreprises expliquant les choix fondamentaux.
A partir de 1980, tout ou presque est devenu stratégie et se rapproche des
Ressources Humaines sur 2 points :
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les Ressources Humaines ont des stratégies, par groupes de salariés ou
d’individus (ex. stratégie de carrière des cadres),
le terme stratégie ouvre des interactions plus riches et plus complexes au
sein du fonctionnement des entreprises.
Distinguer les niveaux et les acteurs.
La notion de stratégie de vulgarise et fait perdre de sa profondeur au sens.
Il est difficile d’articuler les stratégies générales des entreprises avec les stratégies
des Ressources Humaines :
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à très long terme, le développement du potentiel humain génère ses
propres choix d’adaptation ; dans ce cas il y a fusion entre les choix des
hommes et des entreprises,
à court et moyen terme, il y a des degrés d’autonomie importants par
rapport aux décisions des concurrents, des produits ou des marchés.
Sans compter le risque de ‘reniement’ du rôle social de l’entreprise : l’intégration
des RH à la stratégie d’ensemble ne tient pas compte de la diversité des aspirations du
personnel en subordonnant tout au choix de la Direction.
Un usage limité et structuré des stratégies des RH
L’usage du terme stratégie doit être circonscrit : Se limiter aux groupes et aux
organisations. Le stratégie est généralement identifiée au ‘chef’ prenant les décisions
pour le groupe. Ceci sous entend donc :
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Distinguer les champs stratégiques
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stratégies générales
stratégies sectorielles (même zone de concurrence)
stratégies fonctionnelles (ex. stratégies des RH).
Construire et repérer des stratégies ‘génériques’ par catégories de
stratégies :
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abaissement des coûts par une production de masse,
différenciation sur le marché (qualité, image, marque, ...),
concentration de l’activité (cible de la clientèle),ou par grandes options
stratégiques :
ð spécialisation,
ð intégration verticale,
ð diversification,
ð innovation,
ð alliance et coopération,
ð acquisition et retrait.
Les orientations peuvent constituer un ‘menu’ dans lequel les acteurs peuvent
puiser, tout en sachant que les éléments combinés peuvent contrarier l’effet recherché,
par exemple : développer une ‘ culture de l’excellence ’ avec une politique de salaire endessous du marché.
Combiner l’économie du travail et l’économie des organisations.
Ce type de liaison peut être illustré par une comparaison entre 2 synergies de
base dans la gestion du personnel. On peut à titre d’exemple citer l’opposition entre Le
Creusot et Billancourt entre 1900 et 1914.
SCHNEIDER-Le Creusot
Une ville à la campagne - 14.000 salariés en 1900, soit 80 % de la population
active du Creusot
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Logique paternaliste avec patronage - logement - enseignement des enfants
(jusqu’aux études d’ingénieurs)
Santé -loisirs et couverture sociale
Hégémonie de la famille SCHNEIDER (ex. contrôle municipal) et pas de
syndicalisme.
RENAULT-Billancourt
Bassin d’emploi parisien - 5.000 salariés en 1914 - puise dans le vaste vivier de
la main d’œuvre qualifiée parisienne.
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Salaires > 10 % ceux de la métallurgie
Embauche rapide (le jour même)
Licenciement
Pas d’œuvres sociales.
L’opposition entre les deux usines se justifie par la différence du marché du
travail :
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à Paris, main d’œuvre en quantité et qualité : il suffit de l’attirer,
au Creusot, il faut faire venir la main d’œuvre des environs, la former et l’inciter à
rester sur le site.
Il s’agit d’une primauté de la contingence, par le hasard ou les particularités. Les
moyens de ces choix font synergie et se renforcent mutuellement sans être formalisés, il
s’agit bien de stratégies des Ressources Humaines.
LES APPORTS DE L’ECONOMIE DU TRAVAIL
L’offre et la demande
A partir des mécanismes de base du marché,
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offre : candidats au travail
demande : besoins des entreprises
on peut expliquer l’établissement :du prix : le salaire en fonction des quantités
échangées : heures travaillées ou emploi. La demande de travail, selon les niveaux de
salaires possibles, exprime les quantités échangées (bas salaires contre davantage de
recrutement). Symétriquement, l’offre de travail présente les quantités selon les niveaux
de salaires ; plus le salaire est élevé, plus les offreurs se multiplient et plus la demande
se rétracte. Mais RENAULT, par exemple, combine le choix d’un salaire durable audessus du marché avec un tri de la main d’œuvre.
Le pouvoir des ‘insiders’
Les salariés peuvent augmenter leurs facultés productives (‘ capital humain ’) à la
suite de formation. Ces aptitudes peuvent être :
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soit transférables d’une entreprise à l’autre. Dans ce cas l’entreprise initiale
a intérêt à retenir le salarié,
soit spécifiques à l’entreprise et inutilisable après. Dans ce cas le salarié
doit rester s’il veut valoriser sa formation et l’entreprise bénéficie d’un
avantage du marché.
L’embauche, l’usage et le débauchage des salariés sont des activités coûteuses
pour l’entreprise (coûts appelés ‘ quasi-fixes ’). Des choix modulables peuvent se
dessiner, par exemple. on peut conserver un salarié compétent et efficace, même si l’on
n’a pas besoin momentanément de lui pour éviter d’être contraint d’en rechercher un
autre ultérieurement.
Les salariés déjà embauchés sont coûteux à remplacer. Ce sont les ‘ insiders ’,
ceux de l’intérieur. Si des ‘ outsiders ’ du marché externe :
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sont embauchés à un coût moindre, à la place des insiders licenciés, mais il
faut tous les mettre au courant, ce qui coût cher,
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si quelques outsiders sont embauchés à un salaire inférieur, les insiders
peuvent leur mener la ‘ vie dure ’ et bloquer les avantages financiers.
De plus, le salaire n’a pas pour seule fonction de rémunérer une contribution
productive, mais il joue un rôle d’incitateur à l’effort des salariés. Une baisse de salaire
peut être neutralisée par une baisse de production.
Des marchés internes au dualisme
Le marché interne est le processus d’affectation et de rémunération des salariés
au sein des entreprises. Il repose sur des règles plus ou moins formalisées, déconnectées
du marché du travail. L’intérêt du marché interne est de stabiliser le collectif de travail.
Les capacités d’intégration sont privilégiées ainsi que le développement des valeurs
communes. Le marché interne, ou marché ‘primaire’, construit des itinéraires aménagés
à travers des échelons et des grilles (ex. carrières à l’EDF) ; le marché externe
correspond aux ajustements de l’offre et de la demande. C’est le marché ‘ secondaire ’.
Le dualisme du marché du travail oppose le marché primaire et le marché
secondaire. Les fondements de cette dichotomie sont à la fois :
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technico-économiques (les grandes entreprises ont intérêt au marché
interne),
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socio-politiques (la constitution du collectif passe par un filtrage
d’intégration).
‘Exit & Voice’
Quand un conflit intervient, les salariés ont le choix entre :
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la défection (exit) ou choix du marché
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la prise de parole (voice) ou protestation sur le lieu du travail.
Le marché interne va privilégier le type voice pour conserver ses salariés, ce qui
n’est pas contradictoire puisqu’avec l’apparition du syndicalisme, le turn over baisse.
Hiérarchie et information
L’économie des organisations analyse les modalités de coordination à l’intérieur
des unités productrices et étudie l’information et ses rapports à la hiérarchie. Au niveau
de l’information dans l’entreprise, la notion de réseau est importante. Un réseau
informel vient doubler et compenser le réseau formalisé qui est celui de l’organigramme
(échanges de trucs pour améliorer la production ; pour une réaction rapide, il vaut
mieux s’adresser à Untel ....). Il ne faut donc pas en rester aux organigrammes formels.
L’information verticale (qui remonte la filière hiérarchique) est :
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lourde et rigide
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déresponsabilisante
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incitatrice à la rétention d’information.
Elle a aussi des avantages puisqu’elle permet :
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de mobiliser un large éventail de connaissances,
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de recouvrir à des opérateurs peu coûteux,
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d’avoir une vue d’ensemble des opérations de production.
L’information horizontale s’établit entre travailleurs d’un même niveau
hiérarchique. Ses exigences mettent en cause l’ensemble de l’entreprise. Elle permet :
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de responsabiliser
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d’avoir un circuit de réaction court.
Par contre, la vue d’ensemble est plus difficile à obtenir
Les apports de l’économie du travail et de l’économie des organisations montrent
les nombreuses marges de manœuvre et les contraintes spécifiques des entreprises.
Ainsi, les stratégies des RH sont à analyser dans leur autonomie relative.