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SAMEDI ET DIMANCHE 9 et 10 mars 2013/ Edition Namur/Luxembourg / Quotidien / No 58 / EUR 1,50 (G.-D. L. : EUR 1,60) / 02 225 55 55
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DEPUIS 2 ANS DANS L’HORREUR DE LA GUERRE
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AIDEZ-NOUS
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PREMIÈRE INTERVIEW CROISÉE
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OSEZ LE TALENT
Finances En trois mois,
le budget a dérapé de
près de 3 milliards. La
baisse de la croissance
en est largement
responsable. Mais des
erreurs d’évaluation
sont évoquées. P. 6
LASOCIÉTÉ
La colonie à 3 ans
De plus en plus de parents
envoient leurs très jeunes enfants en stage. Des petits qui
ne sont pas tous prêts à être
séparés de leur famille. P. 7
Pourquoi le Belge
épargne à perte
e quart du patrimoine
financier des Belges se
trouve sur des livrets
d’épargne. Cela représente 238,6
milliards d’euros. Une situation
paradoxale : le rendement de ces
placements ne couvre pas la perte de pouvoir d’achat causée par
l’inflation. Celle-ci était de 2,6 %
LACULTURE
L’Amérique universelle
de Ron Rash
L’auteur du touchant roman
initiatique Le monde à l’endroit
est à la Foire du livre
ce week-end. P. 35
RÉGION & CINÉMAS
16-18
BOURSES & MARCHÉS
24-25
BÉDÉ, JEUX & HOROSCOPES 40
TÉLÉVISION
41-43
LOTERIE
43
MÉTÉO & PETITE GAZETTE 44
BON À DÉCOUPER
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NÉCROLOGIE
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n an après le drame de
Sierre, qui a coûté la vie
à 22 écoliers et 6 adultes, Le Soir est retourné dans
l’école Sint-Lambertus d’Heverlee. Neuf des victimes venaient
de cet établissement.
La directrice de l’école, Margriet Vanvolsem, raconte le
long travail entrepris pour accompagner enfants et enseignants marqués à jamais par ce
drame. ■
씰
P. 10 NOTRE REPORTAGE
en 2012, alors que dans beaucoup de grandes institutions bancaires, le taux de base d’un compte d’épargne classique est inférieur à 1 %. Le comportement de
l’épargnant n’est pas stupide
pour autant. Le Belge a toujours
plébiscité des placements qui lui
garantissent la sécurité. Même
e Vatican a annoncé ce
vendredi que le conclave
qui élira le successeur de
Benoît XVI après sa démission
historique s’ouvrira mardi aprèsmidi. Le communiqué précise
que « la huitième congrégation
générale du collège des cardinaux a décidé que le conclave
pour l’élection du pape débutera
mardi 12 mars ». Le matin, la
messe pro eligendo pontifice
sera célébrée dans la basilique
Saint-Pierre. Les cardinaux
entreront en conclave dans
l’après-midi.
Avant de démissionner le
28 février, Benoît XVI avait
émis un décret (motu proprio)
autorisant les cardinaux à anticiper le conclave par rapport au délai habituel de 15 jours à partir
Gratuit
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ce journal
au plus fort de la vague boursiè- argent pour dix ans. L’exonérare, la part des actions dans le pa- tion du précompte mobilier justrimoine des ménages est restée qu’à 1.880 euros d’intérêts incite
faible. La différence de rende- aussi les Belges à garder leurs
ment avec les placements à long comptes d’épargne bien garnis.
terme n’offre pas d’alternative Mais cet avantage fiscal pourrait
importante. Les meilleurs bons bientôt être en sursis. ■
de caisse rapportent à peine
2,5 %, et il faut immobiliser son 씰 P. 2 & 3 DOSSIER ÉPARGNE
du moment où le « trône de
saint Pierre » est vide, « une fois
constaté que tous les cardinaux
électeurs sont présents ». Or,
depuis jeudi soir, c’était le cas :
les 115 cardinaux électeurs (jusqu’à 80 ans) appelés à choisir le
nouveau chef de l’Eglise catholique sont tous arrivés à Rome.
Une nouvelle congrégation générale est prévue samedi matin,
a indiqué le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican,
estimant que de nouvelles sessions pourraient encore avoir
lieu lundi.
씰
Dès mardi soir, l’un des deux poêles installés à la chapelle Sixtine brûlera
les bulletins de vote des cardinaux. En fumée blanche ou noire. © AFP
P. 14 NOTRE TOUR
DU MONDE
DU CATHOLICISME : L’ASIE
씰 P. 30 LETTRES
AU FUTUR PAPE
© N. AWADA
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P.32
« Florence
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Vous n'avez pas trop lu « Le Soir » cette semaine, vous êtes largué(e). Voici trois mini-briefings pour clouer le bec à vos compagnons de soirée ce samedi.
Le triomphe modeste de Mourinho
Les faits. Cette semaine, le match phare des
huitièmes de finale de la Ligue des champions a
opposé Manchester United au Real Madrid.
Manchester, fort de son partage à l’aller (1-1), a
mené, mais a été réduit à dix suite à l’exclusion
discutable (et discutée) de Nani, et a perdu 1-2
sur un but décisif de Ronaldo, engoncé dans sa
gêne d’éliminer le club de son cœur.
Une opinion, vite fait. L’exclusion du Portugais Nani à la 56e minute
ne peut justifier à elle seule le dérèglement subit du jeu mancunien. En trois minutes, le Real a inversé les rôles et la montée de
Rooney, étrangement cloué sur le banc jusque-là, n’y a plus rien
changé. Nani qui s’éclipse, Modric qui monte : deux faits tout
aussi cruciaux car l’artiste croate a insufflé de la créativité et de la
vitesse dans les manœuvres madrilènes tout en égalisant d’un
maître tir. Il a métamorphosé un Real appliqué, besogneux, frileux
en une équipe conquérante et virevoltante.
Le détail qui tue. Ronaldo n’a pas exprimé sa joie sur le 1-2 et José
Mourinho, l’entraîneur... portugais (encore un !) du Real, a encensé... l’adversaire. « Les meilleurs ont perdu et Sir Ferguson a eu raison
sur tous ses choix tactiques. La preuve, il devait gagner. » Cette brosse
à reluire cache-t-elle une arrivée de « Spécial One » accompagné
de « CR7 » à Old Trafford ? C’est plus qu’une rumeur... G.M.
La facture électrique des clients
wallons devrait encore augmenter
Les faits. Le gestionnaire du réseau haute tension, Elia, va demander au régulateur de lui
permettre d’augmenter le « tarif de transport
pour l’obligation de service public pour le financement des mesures de soutien aux énergies
renouvelables en Wallonie ». La hausse devrait
avoisiner 8 euros, faisant passer le tarif de 13,8 euros à plus de 21
euros par mégawattheure. La troisième augmentation en six mois.
Qui devrait représenter environ 30 euros de hausse de facture sur
base annuelle par ménage wallon.
Une opinion, vite fait. La production d’électricité renouvelable
elle-même n’est pas en cause ici. C’est plutôt la politique de soutien à l’énergie verte qui a dérapé. Précisément le mécanisme de
soutien aux panneaux photovoltaïques (les certificats verts) : le
robinet n’a pas été fermé à temps et la note atteint actuellement
2,5 milliards d’euros pour les quinze prochaines années. Une facture que les consommateurs wallons ont commencé à acquitter.
Via les tarifs de transport.
Le détail qui tue. Le robinet coule toujours... Le mécanisme de
soutien actuel ne sera « périmé » qu’au 1er avril. En attendant,
notamment à la faveur de Batibouw, la facture gonfle. Jo. C.
Très vives tensions
entre les deux Corées
Les faits. Les tensions entre les deux Corées
sont au plus haut. Cette détérioration intervient
au lendemain du vote à l’ONU de nouvelles
sanctions contre Pyongyang, après son troisième essai nucléaire réalisé le 12 février. Depuis, le régime communiste multiplie les menaces de guerre avec la Corée du Sud et les
Etats-Unis. Il a menacé de dénoncer l’accord d’armistice qui a mis
fin à la guerre de Corée en 1953, brandi le spectre d’une « guerre
thermonucléaire » et averti les Etats-Unis qu’ils s’exposaient à une
« frappe nucléaire préventive ». Hier, il a fait savoir qu’il considérait
désormais comme nuls et non avenus « tous les accords de nonagression entre le Nord et le Sud ».
Une opinion vite fait. Les traditions se maintiennent bien. Le fils est
digne de son père. Ce n’est pas tranquillisant pour autant…
Le détail qui tue. La star américaine du basket Dennis Rodman
avait défendu dimanche sur une chaîne de télévision américaine
son récent voyage en Corée du Nord, affirmant que le dirigeant
Kim Jong-Un (le fils de l’ancien dictateur Kim Jong-Il, décédé fin
2011), décrit comme « un ami », ne voulait pas la guerre mais un
simple appel téléphonique de Barack Obama. Voilà une fine analyse politique. M. Li.
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Florence et sa mère, Jacqueline Aubenas,
ont toujours refusé l’interview croisée. Aujourd’hui,
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Le Soir Samedi 9 et dimanche 10 mars 2013
Le Soir Samedi 9 et dimanche 10 mars 2013
« Florence, je l’entends rire et j’ai envie de rire »
Florence, vous étiez une rebelle ?
Florence Aubenas. Comme tout le
monde, je séchais l’école.
Jacqueline. Tu ne voulais pas aller
aux scouts, tu brossais, tu rentrais en
grognant et la cheftaine venait me
dire : votre fille est un principe de dissipation. J’ai admis ce principe.
Votre relation était intense ?
Florence. On est très proches, c’est
une réponse spontanée, ça ne se discute même pas.
Jacqueline. On a envie.
Florence. C’est une relation simple.
Quand on a envie de s’appeler, on
s’appelle, quand on n’a pas le temps,
on ne le fait pas. On sait très bien que
chacune fait le maximum pour l’autre
et pour que la relation soit vivante.
C’est pour moi, l’intérêt d’une rela-
Avez-vous le souvenir d’une mère qui
luttait ?
F. C’était assez présent, mais nous
n’étions pas une famille où on allait
manifester comme on va à la messe.
On ne discutait pas politique à table.
J’ai d’ailleurs toujours fait la différence entre militant et engagement.
Pour ma mère, c’était un groupe de copines qui faisaient plutôt des bêtises,
sortaient des bouquins, des journaux,
étaient assises ici, se tapaient un café,
un verre de blanc. C’était peu joyeux.
Il y avait pour moi un côté un peu
transgressif. On voyait que l’entourage de chacune d’elles n’était pas follement ravi qu’elles soient là (C’est un
euphémisme, dit Jacqueline). Mon
tion. Il n’y a pas de faux semblant, de
fausse fête. On ne se fête ainsi jamais
nos anniversaires.
Les relations mère-fille ne sont pourtant pas faciles ?
Jacqueline. En tout cas, pas nous.
Florence, c’est l’autre semblable.
C’est-à-dire ?
Jacqueline. Je l’entends rire et j’ai envie de rire. Si elle s’embête dans un
film qui ne vaut rien, c’est que ça ne
vaut rien. Il y a une porosité d’intérêts, qui n’est pas pesante.
La prise d’otages a enlevé des barrières entre vous ?
Jacqueline. Non. Ce qui était une re-
père rentrait, il faisait un peu la
gueule de voir tout ça dans son salon.
C’est ça qui m’amusait dans l’histoire.
J. C’était très joyeux. J’avais une amie
de plaisir et de pensée, Françoise Colin, qui vient de mourir et avec elle,
c’était une complicité du soir au matin. Il y avait l’idée d’inventer des
« Un musée
imaginaire »
lation privée, est devenue publique.
Et ça, ça change tout. A cette
époque, ma vie était enténébrée, je
ne peux pas dire autre chose. Il y
avait un poids sur mes épaules qui
n’était jamais une pensée claire et
précise, mais une grisaille quotidienne. Il n’y avait plus de bonheur.
Mais la vie continuait. Je ne suis
pas rentrée comme une pleureuse
méditerranéenne en me tordant les
bras du matin au soir, mais tout
devenait noir. La seule chose que je
me disais, était : « Qu’est-ce que je
peux faire pour être utile ?». Ce
n’est pas simple, regardez les otages
au Mali. Mais j’étais portée par
l’idée de lutte. Lutter, ça vous structure quand vous êtes démuni. Là, le
mur était dur, je pouvais cogner dedans. Je n’aime pas les murs mous.
tout le potentiel. Et puis, je devais
lutter contre les gens qui me disaient : « Pourquoi l’avez-vous laissée partir ? ». Ces questions m’exaspéraient. Comme si Florence n’était
pas une femme libre. Je ne vois pas
pourquoi Florence m’empêcherait
de faire quelque chose, et pourquoi
je l’empêcherais de faire quelque
chose ! Quand elle est repartie à
Alep (Syrie) pour Le Monde, on m’a
dit « Vous auriez du lui dire, elle est
folle, elle ne va pas nous faire ça !»
Florence (dans un éclat de rire).
Mais c’est pas possible cette fille…
Jacqueline. Et vous sa mère, à
quoi vous servez ? » Mais c’est exactement l’inverse. Quand on aime
quelqu’un, on le laisse libre dans les
lieux où il est bien, où il se définit
lui-même.
La relation que vous avez aujourd’hui est celle que vous aviez avant
la prise d’otages ?
Jacqueline. Je l’ai trouvée encore
plus épatante que je ne croyais. Ce
n’était pas une découverte, même
pas une amélioration, car il y avait
Depuis qu’elle est petite, vous lui
avez gardé la liberté de conneries ?
Florence. Je suis payée pour faire
des conneries aujourd’hui, c’est la
différence (elle rit à gorge déployée). Avant, c’était gratuit.
transgression, la dichotomie. Après il
a fallu se « rassembler » : les maris
sont partis et les femmes sont restées.
C’était difficile comme ado de porter
cette modernité ?
F. Pas du tout. C’était hyperclasse,
vous voulez rire (elle le fait évidemment !). J’avais la pilule !! Et c’est ma
mère qui m’avait dit que je devais
l’avoir. Mais on ne savait pas trop
quoi en faire.
Où naît votre engagement féministe ?
F. J’étais partie avec le père de Florence six mois aux USA au moment
du mouvement Woman’s lib.
« Après il a fallu se rassembler, les maris sont partis
et les femmes sont restées. » JACQUELINE
choses violentes et nécessaires –
« Dans mon ventre, c’est chez moi »,
« Faire le ménage c’est travailler » –
contre notre vie familiale, bourgeoise,
plan plan. C’était ça qui était la
LE LOFT
C’était quoi vos combats de l’époque ?
J. C’était toujours lié au corps d’abord.
F. Des trucs sexuels je me rappelle, la
pilule, l’avortement.
Vos autres combats ?
J. Je suis descendue à Aix-en-Provence
pour le premier procès pour viol en
France. On était au premier rang et
on se disait : “ Le corps d’une femme ce
n’est pas une marchandise, il doit être
heureux. ” C’était très neuf. La maîtrise de son corps qui vous donnait la
liberté de votre pensée. Tout a com-
Florence, cela a changé quelque
chose dans votre relation à votre
maman ?
Florence. Pas du tout. Il n’y a pas
d’avant ou d’après. C’est même très
curieux. Avec certaines personnes,
par contre, oui, ça a changé des relations. On a de l’un et de l’autre
une autre opinion. J’avais plus de
40 ans quand j’ai été enlevée et la
prise d’otages a rebattu les cartes :
des gens m’ont vue autrement que
ce qu’ils imaginaient de moi. Mais
vis-à-vis de ma mère, non. C’est
étonnant, car quand vous êtes enlevée, vous culpabilisez à fond, c’est
vraiment « le truc ».
Florence. On se dit « Ça y est, j’ai
été enlevée, c’est terrible : ça va être
la cata pour le journal. Qu’est-ce
que je vais emmerder l’Etat français. Et ma famille, tout le monde
va pleurer, mes proches, c’est pareil
! » On fait beaucoup de mal à ceux
qu’on aime.
On se dit : « Pourquoi je me suis
mise dans ce merdier. »
Florence. Je n’ai jamais pensé ça.
mencé par là. Maintenant encore, je
vois certaines femmes, coiffées comme
la reine Fabiola, en tailleur Chanel,
bourrée de bijoux et qui parlent de
choses qui ne m’intéressent pas, et je
me dis ce ne sont pas de vraies
femmes, mais des masques, des zombies. J’ai une grande pitié pour ces
femmes qui ne pensent pas pour elles
mais se demandent ce que le type en
face va penser d’elles. Moi, j’aime bien
le type en face, mais j’existe face à lui !
Ce n’est pas devenu ringard, le féminisme ?
F. Je n’ai jamais pensé que c’était ringard. En revanche, ma génération a
pensé que la conquête des droits so28
« Nous avons tous, je suppose,
un musée imaginaire fait
d’images vives et tremblées, de
paysages, de voix chères et de
parfums, de fragments de vie
ou de films (…). Un bric-à-brac
émotionnel dans lequel il suffit
de puiser pour qu’immanquablement, le battement du cœur
s’accélère. Je ne crois pas être
le seul à avoir inclus dans un
tel musée, les yeux et le sourire
de Florence, un dimanche à
Villacoublay. Les yeux étaient
bleus (…). Quant au sourire !
On nous avait dit qu’il était irrésistible, mais qui songeait à
lui résister ? Bref, elle marchait
à grandes enjambées sur le
tarmac, déliée (dans tous les
sens du mot), belle antilope
fendant l’air, et elle rigolait !
C’est fou ce qu’elle a ri ces
jours-ci, Florence. »
« La cuisine du Cahier bleu », Les Impressions
Nouvelles.
LES ÉPATANTES
LA FEMME D’ÉTAT
© FRANÇOIS GUILLOT/AFP.
L’AMBIGUË
B. Dx.
© AFP.
SELON YVON TOUSSAINT
« Je n’attends pas qu’elle me dise comment faire le poulet. Tout se révolte !
C’est pas le registre dans lequel on fait
les trucs. Nous n’avons pas été élevées
comme des princesses mais apprendre à
passer le balai, c’était comme une trahison à la cause. » Jacqueline intervient :
© BERTRAND GUAYU/AFP.
Toulousaine d’origine, Jacqueline Aubenas vit à
Bruxelles depuis les années
60. Historienne et critique
de cinéma, journaliste, elle a
publié plusieurs ouvrages,
notamment sur Chantal
Ackerman et les frères Dardenne. Elle est professeur à
l’Insas. Engagée dans la lutte
féministe, elle a fait partie
des fondatrices des cahiers
du Grif et du magazine
Voyelles. Elle a trois enfants.
©
Florence Aubenas est devenue une
icône, en se faisant rare et en étant investie dans le fond des choses, pas à leur
surface. Sa mère est d’accord. Quand on
demande à cette militante féministe, de
citer son icône féminine, elle répond :
« A part Florence, je ne vois personne. »
La première fois que nous les avons
vues réunies, c’était un soir de l’été
2005, lorsqu’elles étaient venues au
Soir, dès le retour de l’ex-otage d’Irak,
pour décrocher le calicot que nous
avions placé sur la façade durant sa captivité. La deuxième fois que nous les
avons retrouvées « collées » l’une à
l’autre, c’est il y a quelques semaines
dans la préface du livre de cuisine que
Jacqueline vient de dédicacer à Florence, sa sœur Sylvie et son frère Olivier. « De Bagdad à la tête de veau »
plaisante Florence. Elles ont jusqu’ici
refusé toutes les propositions d’interview croisée. Cette fois, elles sont partantes. Dans le salon bruxellois de cet
appartement bourré de livres, petits
bancs et tableaux, elles vont nous dire
combien elles s’aiment, et elles vont surtout beaucoup éclater de rire
Jacqueline Aubenas.
Je suis une mère heureuse, parce que
j’aime mes enfants, ils me plaisent. Je
ne suis pas dans le bêlant, mais une
indéfectible affection. Je me souviens
de leur enfance, d’une très grande
complicité, à travers les livres, leurs
lieux de résistance. Ils faisaient des
bêtises et je faisais comme si je ne le
savais pas. Ça me plaisait beaucoup
de leur laisser cette liberté de la connerie. Celle des enfants. Il y a des bêtises
intelligentes et nécessaires qu’il faut
laisser faire. Vous ne pouvez pas tout
interdire. De temps en temps je recevais des petits mots de l’Ecole européenne disant que Florence n’avait
pas été parfaite. Je préférais les oublier.
Florence Aubenas (52 ans),
née à Bruxelles, est grand
reporter au Monde où elle
est très impliquée dans la
Monde Académie, qui forme
de jeunes diplômés pour
renforcer le quotidien et son
site. Elle était à Libération
lorsqu’elle fut prise en otage
en 2005, jusque juin, avec
son fixeur en Irak. Elle a écrit
plusieurs livres, dont Le
Quai de Ouistreham, immersion comme femme de
ménage sur les ferrys.
Écrivain
« On ne parlait pas à Mr Propre ! » Florence raconte : « Quand j’ai écrit Le
Quai de Ouistreham, consacré aux
femmes de ménage et que je passais le
balai, tout le monde me disait : “Mais
t’es pas capable, tu n’as pas la base !” Et
c’était vrai. A l’ANPE, quand ils m’ont
dit : “A 50 ans, vous n’avez jamais travaillé, que savez-vous faire ?” Un grand
vide s’est ouvert devant moi. Eux se disaient : c’est une femme, elle saura bien
faire le ménage. Eh bien même pas !
Quand vous dites comme femme, que
vous faites du grand reportage, on vous
fête, c’est très agréable. Et pour la première fois en faisant ce livre, j’étais ramenée à ma condition, à l’histoire de la
femme de base. » ■
© D. R.
F
’est un livre de recettes peu ordinaire que Jacqueline Aubenas a
concocté. Poule au pot et piperade voisinent avec l’histoire de leurs inventeurs, le grand-père Jules, la Tante Andrée, Maryse, mère de Jacqueline. Ces
recettes ont été consignées dans le Cahier bleu, au fil du temps. Féminin,
mais pas très féministe ? « L’un n’exclut
pas l’autre », s’insurge Jacqueline Aubenas. « La cuisine, c’est accablant
quand c’est un rôle : mettre un tablier,
remplir la soupière sans personne pour
vous aider. Mais être gourmande, se
souvenir que tripoter un poulet, c’est
jouissif : c’est le bonheur. Ma liberté,
c’est d’aimer faire à manger et de le faire
quand je veux. » Florence a-t-elle des
plats favoris ? « C’est plus une façon de
manger qu’un plat particulier ». Et
avoue : elle cuisine rarement et n’a jamais demandé une recette à sa mère.
© SYLVAIN PIRAUX.
Alain Berenboom
Valérie Trierweiler
Marcela Iacub
Les Femen
Christiane Taubira
Jacqueline Aubenas sur
Valérie Trierweiler, la compagne de Hollande. « Elle est
d’une ambiguïté absolue : elle
veut être dedans et dehors,
avec son mec. Etre une femme
libre mais elle l’empêche d’être
un homme libre car il ne peut
plus
voir
l’autre,
celle
d’avant. »
Pour Florence, avec cette
dernière amante de DSK, on
n’est plus dans le monde
réel. « C’est le loft. Ils ne
nuisent à rien du tout, ils
jouent une partie entre eux. Et
on regarde comme au spectacle. » Pour Jacqueline, « le
faux cul, c’est dire que c’est de
la vraie littérature. »
Jacqueline : « Je les trouve
épatantes. C’est une revendication burlesque, vivante et
drôle. Le féminisme est une
pensée vivante, pas un catéchisme ». Florence : « C’est
une espèce de happening, souvent à côté la plaque, raté. Ça
ne sert à rien mais c’est pas
grave. »
Jacqueline : « La différence
entre une femme politique et
une femme d’Etat, ce sont les
actes qui vous mettent en situation de vous faire garder
votre siège, ou de le perdre, et
qui font avancer la société.
Taubira est ainsi une femme
bien. Ou Hannah Arendt, très
importante et pas assez
connue. »
Extrait de la chronique d’Yvon
Toussaint, parue dans Le Soir le 20
juin 2005 et dans Contrepieds (2012)
Genèse Edition.
Ma hantise, quand je suis rentrée,
était autre. Serge July (directeur de
Libé) m’attendait à l’aéroport à
Chypre, lors du changement d’avion.
Quand je l’ai vu s’avancer vers moi, je
m’attendais à un savon. Je me rappelle dans l’avion où il y avait Douste
Blazy, le ministre des Affaires étrangères. Je leur parlais sans fin, en me
disant «Si je les laisse en placer une,
ils vont m’engueuler. » Je m’étais dit
qu’il y avait des gens fragiles de la famille et que j’étais en train de leur
faire un mal épouvantable. Mais pour
ma mère, jamais, pas une seconde.
C’est terrible à dire mais j’ai pensé:
elle, elle va savoir faire (Jacqueline
rit). C’est très rassurant: « Là, on est
sur la terre ferme, cela ne va pas la
fracasser. »
Jacqueline. J’ai lutté.
Et quand vous rentrez ?
Florence. Je me suis rendu compte
qu’elle avait su (elles éclatent de rire
toutes les deux). Rien de nouveau ! La
relation n’avait pas changé. Parce que
passé la première joie du retour, il y a
des gens qui vous font des reproches :
« Mais alors, avec tout ce qu’on a fait
pour toi ! » L’addition vient quand
même assez vite. Cela ne vaut pas
pour tout le monde évidemment. Mais
parfois, en une seconde on vous le dit,
même des inconnus. Encore aujourd’hui, combien d’années après, un
type vous demande : « En 2005, j’ai
fait une manif pour vous sur telle
place, j’ai lancé des ballons, donc là je
pense que vous devriez… » (Elle rit).
Je dis toujours oui, parce que j’estime
ciaux était un progrès constant. Sur le
temps du travail, l’avortement, c’était
acquis. Et il y allait avoir un prochain but, encore mieux, vers un épanouissement de tout. C’est de cela
qu’on est revenu : il n’y a pas d’acquis.
Et qu’on a fait marche arrière sur
beaucoup de choses. Les droits sont
une conquête permanente.
partir plus tôt ”. C’est ce qui m’intéresse
aujourd’hui : sur quoi il faut tenir, ou
s’adapter ?
J. La société est encore vivante et c’est
très bien. Quand on est sûr, on ne pense
Douloureux ?
F. Non parce que les périodes sont
mouvantes. Quand le contexte économique n’est pas le même, les droits
changent. La gauche a du mal à renoncer à cette surenchère des droits.
Comme pour les retraites, qui vivent
aujourd’hui le renoncement à “ on va
pas. Un progrès acquis, c’est presque,
pas une perte, mais une paralysie. J’ai
aujourd’hui une très grande vigilance.
Face au recul d’une certaine génération
de femmes, exaspérée par leur mère et
qui croit au retour du Prince charmant. Face à la non avancée professionnelle des femmes, dans le monde
que je paye mes additions.
Votre mère ne vous a pas dit de ne
plus bouger au-delà de 500 kms autour de Paris ?
Florence. Pas du tout. Mais je n’ai
même pas pensé que cela aurait lieu.
C’est important pour repartir ?
Florence. Mais, c’est important pour
tout ! Sinon, cela pourrit les relations.
Avoir été otage, c’est quelque chose qui
fait partie de ma vie. Il y en a qui
disent : « Il faut tourner la page ».
Moi, je m’en fiche de tourner les pages.
Si ça se tourne, ça se tourne, ce n’est
pas un problème lourd. Quand on me
dit « Vous avez été otage, pardon je l’ai
dit, je ne devais pas ». Ben non, ça
m’est absolument égal qu’on le dise.
J’ai été otage, c’est vrai, je ne vois absolument pas le problème.
Jacqueline. C’est un accident professionnel
Florence. Exactement. Je ne le souhaitais pas, ça s’est passé. Si j’avais été
chauffeur de bus, j’aurais pu avoir un
accident de la circulation, voilà.
Cela n’a rien changé professionnelle-
économique, politique.
La religion musulmane multiplie les
interdits aux femmes ?
J. Je me dis que nous, nous avons lut-
« C’est de cela qu’on est revenus : il n’y a pas d’acquis.
Les droits sont une conquête permanente. » FLORENCE
té. C’est à elles désormais de le faire.
Voilées, cela ne me dérange pas tellement mais tchadorisées ou coupées du
monde, oui. Mais elles ont chez nous,
un appareil de lois dont il faut
qu’elles s’en servent. J’ai un devoir de
complicité et d’aide, mais d’intervention, non. Je ne peux pas mener la vie
ment ? La peur de retourner dans ces
endroits-là ?
Florence. Non, j’aime beaucoup ça.
Je suis allée depuis en Afghanistan,
au Kosovo et en Syrie récemment. Le
problème que j’avais à mon retour –
plus au Monde aujourd’hui – c’est que
les journaux ne voulaient plus m’envoyer. C’était du non dit, mais le type
pensait : « Si elle perd son portefeuille, je suis viré ! (elles rient). Elle a
une migraine, je suis cuit (rerires) ».
Il n’y avait plus que les défilés de
mode.
Florence. Et encore, elle va se faire
bousculer. » Personne ne le disait jamais, mais chaque fois que je proposais un truc comme ça, c’était « Tu
voudrais faire ça ? Moi j’avais pensé :
il y a un truc bien dans l’Ariège, sur
des femmes qui renouent avec les traditions ». Je me disais, c’est pas possible ! Mais au Monde, les gens assument, j’y suis venue pour être grand
reporter. C’est pour cela que je suis
contente d’être là. Si je ne faisais pas
ça, j’estime que je ne ferais pas mon
métier. ■
Propos recueillis par BEATRICE DELVAUX
des autres et elles viennent d’une
culture qui n’est pas la mienne et au
nom de quoi je leur dirais, vous ne
pouvez pas mettre le voile ?
F. C’est différent en Iran ou en Arabie
saoudite ou là quand elles sont obligées, c’est un signe de soumission. Ici
par contre, la révolte est parfois de le
porter. Quand on dit le voile, on voudrait lui donner une seule dimension.
Or je pense qu’en France, certaines
jeunes filles ou femmes le portent non
en signe de soumission mais en signe
de révolte. Il n’y a pas chez nous, un
voile, mais des voiles. ■
es hommes et femmes politiques
ouvrent-ils encore un livre depuis qu’ils ont découvert Tweeter ? A
la pointe des technologies modernes
comme tous les eurocrates, Herman
Van Rompuy s’est empressé de
convertir ses discours en haïkus.
Mais, devant la popularité et la lisibilité de sa politique, on se dit qu’il
devrait peut-être puiser son inspiration dans un autre rayon de sa bibliothèque.
D’autres se veulent plus chics et
s’empressent de picorer dans l’un ou
l’autre « classique » dont les
« meilleures » phrases, libres de
droits, apparaissent d’un simple clic
dans les dictionnaires des citations
sur la toile. Citer Montaigne ou Chateaubriand permet d’apparaître à la
fois rassurant (on se réfère aux « anciens »), intelligent (on sait lire) et
très classe.
On ne s’étonnera donc pas d’entendre Bart De Wever utiliser
quelques propos de Tocqueville plutôt que de Tom Lanoye ou de Dimitri
Verhulst. Et dire tout le mal qu’il
pense des intellectuels flamands tant
qu’ils sont vivants. Et qu’ils
n’avancent pas dans le sens des aiguilles de sa montre.
Ne boudons cependant pas les auteurs anciens. A Steven Vanackere,
on pourrait conseiller la lecture de
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman (Actes Sud) même si ses collègues ont préféré lui donner comme
cadeau d’adieu Les mémoires
d’Outre-Tombe de Chateaubriand.
« Je me suis rencontré entre deux
siècles comme au confluent de deux
fleuves », écrivait l’écrivain-politicien romantique.
Il n’y a pas de fleuve à Bruxelles.
Et, avec le départ de Vanackere et
bientôt celui de Charles Picqué, plus
beaucoup d’hommes politiques
« zinneke » au confluent de nos deux
cultures.
Tous ceux qui, faute d’autres idées,
proposent de déchirer le pays feraient bien de lire Chimamanda
Ngozi Adichie. A 35 ans, déjà la plus
brillante des écrivains africains. Née
au Nigeria, elle raconte dans ses
deux romans et un superbe recueil
de nouvelles qui vient de paraître
(Autour de ton cou, Gallimard), les
blessures laissées par la guerre civile
qui a ensanglanté son pays il y a cinquante ans et qui expliquent que,
malgré sa manne pétrolière, le Nigeria piétine dans la violence, la division, l’incapacité de construire une
démocratie, bref, la barbarie. « Comment une histoire aussi vraie pouvait-elle être dépassée ? » demande
un personnage. Magnifique pouvoir
de la fiction d’expliquer le monde.
De le faire sentir. Mais aussi de le
faire aimer même quand il vous
prend à la gorge. « Grace réfléchirait
longuement à cette histoire, avec une
grande tristesse, et elle en viendrait à
établir un lien très clair entre éducation et dignité, entre les faits évidents
et tangibles qui sont imprimés dans
les livres, et ceux, doux et subtils, qui
se déposent dans les âmes. »
www.berenboom.com
Propos recueillis par
B. Dx
H=f
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