Nouvelles de Sophie en Haïti et l`ouragan Matthew
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Nouvelles de Sophie en Haïti et l`ouragan Matthew
Nouvelles de Sophie en Haïti Lettre N° 5 décembre 2016 Bonjou tout moun (prononcez bonjou toute moune ; ce qui se traduit, vous l’aurez compris, par « bonjour à tous » !) Kounye a, mwen ka pale kreyol yon ti kras paske yon zanmi m’ fè m’ pale kreyol chak jou. Mwen ka konprann de pli zan pli sa ke moun di men mwen poko kapab pale anpil pase ke tout moun pale franse, se poutèt sa mwen pa fè efo sa a pou pale ak yo nan kreyol ! Si vous buttez en lisant dans votre tête, relisez ça à voix haute pour essayer de comprendre ! Les premières fois, quand je lisais du créole, je n’y comprenais rien, puis en le lisant tout haut j’arrivais à distinguer des formes connues ! Voilà en outre un petit lexique pour les éléments qu’on peut difficilement deviner : kounye a : maintenant anpil : beaucoup ka : pouvoir, être capable se poutèt sa : alors yon ti kras : un peu yo : ils, eux, leur M’ : contraction de "mwen" : je, moi, mon/ma Et voilà ici les règles de prononciation : La/les lettres b ch d f g j k l m n p r s se prononce(nt) toujours b ch d f g j k l m n p w, r s comme dans ballon chafouin dragon famille guidon, gâteau jasmin, gentil képi, copain, qui lumière maman nappe papa William, rester souris, coussin, création, ci La/les lettres t v z a e è o ò ou an en on se prononce(nt) toujours t v z a é è o o ouvert ou an in on comme dans table ville zouave, maison avion école ère optimal bol ours ampoule, antilope examen, intrus oncle Autre indice : les « r » sont souvent élidés en créole, si vous en rajoutez par ci par là vous trouverez des mots français. Allez, je vous donne la traduction : « maintenant, j’arrive un peu à parler créole parce qu’une amie me fait parler chaque jour. Je comprends de plus en plus ce que les gens disent mais je ne parle pas encore très bien parce que tout le monde parle français, alors je ne fais pas d’efforts pour parler créole avec eux ! » Bon, voilà, avec cette initiation au créole, vous avez la raison principale de ma médiocrité dans cette langue : comme tous les gens que je côtoie parlent français, je ne fais pas l’effort de parler créole ! Quid des enfants, me direz-vous ; ce à quoi je répondrai qu’ils doivent parler français à l’école, le créole est proscrit : ça ne les empêche pas de s’exprimer dans leur langue maternelle, mais en tout cas les enseignants leur répondent en français. Vous pourrez vous entraîner au créole avec trois photos qui sont jointes à cette lettre ! Outre de légers progrès en créole, j’ai fait pas mal de choses depuis ma dernière lettre, notamment des choses qui m’ont sortie de la routine maison-école-église, pour mon plus grand bonheur ! Déjà, on est pas mal sorties avec Dianna et parfois ses frère/soeurs et belle-soeur/beaux-frères. On est allés à plusieurs fêtes chez des amis : anniversaires d’enfants, baptême, baby-shower, bridal-shower. Les baby-shower et bridal-shower sont des fêtes organisées en l’honneur respectivement de futures mamans et de futures mariées pour passer des moments entre amis, offrir des cadeaux à la fêtée… C’est très américain ! Au cours de la baby-shower, on dévoile souvent le sexe du bébé : à celle où on est allés, les parents avaient fait faire un gâteau (en forme de ventre de femme enceinte, soit dit en passant !) dans lequel le pâtissier avait caché un glaçage rose ou bleu en fonction de l’information que les parents lui avaient transmise, mais les parents eux-mêmes n’étaient pas au courant ! J’imagine que l’échographe leur a mis un papier avec la réponse dans une enveloppe qu’ils ont donnée au pâtissier, toujours est-il que les parents ont appris la nouvelle en même temps que tous les invités. Bref, vers la fin de la soirée, il y a eu le moment fatidique du couper du gâteau et on a su que c’était un garçon ! On a passé de très bons moments. Un mercredi, je suis partie avec 4 personnes de l’UEBH (petit rappel, l’Union Evangélique Baptiste d’Haïti, la mission haïtienne qui est en partenariat avec la Mission Biblique) aux Cayes, une ville du sud qui a été particulièrement touchée par l’ouragan. On est allés rendre visite à une mission soeur pour leur apporter de l’aide de la part de la Mission Biblique et de l’UEBH : des fonds pour financer une partie d’un trimestre d’école pour 456 enfants. C’était ma première sortie de Port au Prince. La route était superbe, bien qu’un peu longue (7h aller-retour avec 2-3h sur place !). On a traversé des zones inhabitées, j’avais presque oublié que ça existait après 2 mois dans la capitale grouillante d’activité, et de très beaux paysages : les montagnes, très vertes, arrondies mais pleines de reliefs de tous les côtés, la mer, les plaines avec les plantations… J’ai eu du mal à voir les effets de Matthew, mis à part quelques champs dévastés et quelques toitures de tôle toutes neuves, parce que je n’ai jamais vu la région avant ; cependant Gaston (l’administrateur de l’UEBH) m’a dit qu’elle était méconnaissable. Les routes sont en bon état, mais comme beaucoup de tap-taps les empruntent aussi, la sécurité est toute relative : les tap-taps sont pleins à craquer de passagers ou de marchandises (parfois même les deux !), et les gens optimisent la place : certains sont debout à l’arrière, et ne tiennent qu’à la force des bras ! C’est assez effrayant sur des routes nationale où on roule vite… Et le soir, la nuit est tombée avant qu’on n’arrive, on a donc roulé plusieurs kilomètres dans le noir complet (il n’y a pas de lampadaires), certains véhicules (quelques voitures, mais surtout des motos) n’ont pas de phare et parfois des piétons traversent en courant : on les voit au dernier moment ! Malgré quelques frayeurs (exclusivement pour moi, les autres passagers étaient très sereins !), on est arrivés à bon port à l’aller et au retour. Cette sortie m’a vraiment donné envie d’en découvrir encore plus d’Haïti ! Surtout les montagnes… Parce que je me rends compte que je suis un peu frustrée de toujours les voir tout autour de Port au Prince et de ne pas pouvoir m’y balader ! Et un vendredi de semaine, j’ai accompagné les enfants de maternelle au Parc de Martissant, à deux pas du collège. Ce parc est un mémorial du séisme du 12 janvier 2010, qui avait fait plus de 300 000 morts. Les enseignantes y ont emmené les enfants plus pour leur faire voir de la verdure que pour le côté souvenir. Ce n’est pas très grand, mais c’est très beau ! Il y a pas mal de plantes, d’arbres, de fleurs que je n’avais jamais vus ; ce qui m’a le plus marquée était un calebassier, un grand arbre où pendaient plein d’énormes, mais vraiment énormes, calebasses, dont on se sert pour faire des récipients : c’est impressionnant de voir de si gros fruits sur un arbre, on se demande comment ils tiennent ! Il y a deux semaines, Jean-Claude Raynaud, le président de la Mission Biblique, est venu à Port au Prince avec Serge Oulaï, un autre membre du comité, pour rencontrer les différents responsables avec qui la Mission Biblique échange et travaille et pour faire le point sur ma mission : on a pu ainsi discuter des choses qui allaient bien et en réorienter d’autres pour que ça aille encore mieux ! (Pour la petite anecdote, comme Jean-Claude est blanc lui aussi, beaucoup d’enfants ont cru que c’était mon père !) Ma frustration principale était le manque de temps passé à Lékol pou yo tou : la classe commence à 14h30 et dure jusqu’à 17h mais M. Armand quitte le campus à 16h, donc je ne pouvais pas rester jusqu’à la fin des cours. Je trouvais ça vraiment dommage parce qu’en ce moment, je fais la lecture individuelle avec les enfants de mise à niveau, qui, pour la plupart ne lisent pas chez eux parce qu’ils n’ont personne pour les aider ; et comme ils sont une vingtaine d’élèves, ça prend beaucoup de temps, alors je ne peux pas les faire lire plus d’une fois par semaine chacun… Donc ils ne progressent pas beaucoup, en tout cas ceux qui sont au tout début de l’apprentissage et qui n’ont pas encore compris le mécanisme ; au bout de quelque temps le déclic se fait et ça va beaucoup plus vite, mais le début est fastidieux ! J’étais donc frustrée de partir plus tôt, alors qu’eux sont toujours très motivés pour venir lire : quand je leur disais que je ramassais les « Ti-Malice », leur livre de lecture, ils se précipitaient pour me le donner ! Enfin, au début… Parce qu’ils ont vite compris que quand j’avais le tas de livres, je les prenais dans l’ordre à partir de celui qui était tout en haut, donc ils voulaient tous être dans les derniers à me le donner pour être sûrs de lire le jour-même ! J’ai fini par m’organiser avec une liste, comme ça ce n’est plus la foire d’empoigne (enfin je crois que certains n’ont toujours pas compris le fonctionnement, bien que ça fasse 1 mois que j’aie mis ce système en place !) et ils lisent plus régulièrement. Bref, je voulais trouver un moyen de passer plus de temps en classe et Jean-Claude a trouvé une solution (me faire ramener par quelqu’un de confiance qui part du campus plus tard et qui passe vers chez les Louis ; ça paraît simple comme ça mais en fait pas tant que ça !), on n’a plus qu’à s’organiser et je ne serai plus frustrée : bonne nouvelle ! (enfin je vous rassure, ça m’empêchait pas de dormir non plus !) Cette semaine-là, je n’ai pas été tous les jours à l’école, j’ai passé pas mal de temps avec Jean-Claude et Serge pour rencontrer les responsables de plusieurs organisations, c’était très intéressant ; je me suis rendue compte de tout ce que font l’UEBH et ses partenaires sur place dans l’éducation des enfants, la formation des enseignants, l’alphabétisation des adultes, l’accès à la santé, à l’eau potable, la construction de maisons… Quel travail ! Et fait par des gens qui ne comptent pas leurs heures pour leurs frères et soeurs haïtien(ne)s et pour la gloire de Dieu… C’est impressionnant ! On a aussi passé une journée dans les hauteurs de Port au Prince, dans un coin plus frais et beaucoup moins peuplé que le centre ville : ça fait vraiment du bien ! On avait vue sur les montagnes (appelés mornes ici) qui cette fois n’étaient pas du tout surchargées de maisons qui s’encastrent les unes dans les autres, comme à Port au Prince, mais elles accueillaient des cultures, j’avais la sensation de respirer, d’avoir de l’espace ! Pour la petite histoire, au début, Port au Prince s’est développée sur une partie plate entre la mer et la montagne, mais plus elle s’est agrandie plus elle est montée dans les hauteurs ; maintenant il y a plein de mornes qui sont couverts de maisons, et quand on les voit de loin, on dirait un jeu de construction, il n’y a pas un espace libre et ça part dans tous les sens. Ici, personne ne demande d’autorisation pour construire, chacun fait un peu où il veut et comment il peut, en tout cas dans les quartiers les plus défavorisés. Plus haut, je parlais des baby et bridal-shower en disant que c’était très américain : il y a vraiment une influence américaine sur le mode de vie. Il y a quelques années cette influence était plus française, et elle est encore un peu présente, en témoignent en particulier les programmes scolaires où les élèves lisent les classiques de la littérature française, mais de plus en plus des habitudes américaines prennent leur place dans la vie de tous les jours ; un exemple autre que les fêtes et moins rigolo serait la malbouffe : partout dans les rues on peut acheter des petits paquets de gâteaux salés pleins de cochonneries, des boissons sur-sucrées, des bonbons tout ce qu’il y a de plus chimiques… Bon ça c’est ce que je vois tous les jours, qui plus est avec mon filtre de française ; pour compléter le tableau et vous donner une analyse plus juste, parce que « la belle culture française » versus « l’horrible malbouffe américaine » c’est quand même un peu trop manichéen, j’ai posé la question à M. Armand : quelles sont les bonnes et mauvaises influences françaises et américaines en Haïti ? Je ne m’attendais pas à ce qu’il parte si loin dans l’histoire, mais c’était très intéressant, et j’ai fait quelques recherches en plus pour essayer de bien comprendre ; voilà le résultat (attention, c’est un peu long !). Haïti a une histoire un peu compliquée avec la France. Christophe Colomb découvre l’île en 1492 : elle appartient donc aux Espagnols (évidemment, on ne demande pas l’avis des quelque 500 000 Indiens qui y vivent). La cohabitation ne s’est pas bien passé et les Indiens ont vite été réduits en esclavage. 100 ans plus tard, il ne restait plus qu’un millier d’indigènes. Vers la fin du XVII, Louis XIV jette son dévolu sur Haïti (qui ne s’appelait pas encore Haïti) et s’arrange avec les Espagnols pour qu’ils lui cèdent la partie occidentale de l’île. Vers la moitié du XVIII, les Français commencent la culture de la canne à sucre, qui requiert beaucoup de main d’oeuvre : ils « importent » alors des esclaves d’Afrique. Fin XVIII, les esclaves se révoltent contre les Français, et cette révolte se transforme en guerre de libération. Après la Révolution, la France entre en guerre contre les Espagnols, et le conflit se répercute dans la colonie. Sonthonax, le commissaire d’une république en péril, décide de rallier les esclaves à sa cause et il abolit l’esclavagisme. A l’annonce de cette nouvelle, Toussaint Louverture, ancien esclave passé au service de l’Espagne change de camp et rejoint les Français, et il réussit à renverser la situation en faveur des Français. Reconnaissante, la France le récompense en le nommant vice-gouverneur de l’île ; il profite de son autorité pour établir en 1802 une constitution qui le proclame gouverneur général à vie de Saint-Domingue. Napoléon ne l’entend pas de cette oreille et envoie une armée à Saint-Domingue pour calmer Louverture et rétablir l’esclavagisme. Louverture est capturé et déporté en France où il meurt en 1803, il est remplacé sur l’île par Jean-Jacques Dessalines pour diriger les troupes contre les Français. Le 18 novembre 1803, l’armée de Napoléon est vaincue par les troupes d’anciens esclaves ; quelques semaines plus tard l’indépendance est proclamée, le peuple adopte le nom « Haïti » et Dessalines est proclamé gouverneur général à vie. Haïti est la première république Noire. En 1825, le président Jean-Pierre Boyer entame les négociations avec Charles X pour que l’indépendance d’Haïti soit vraiment reconnue, ce qui est accepté en échange d’une somme d’argent colossale. Donc M. Armand m’a dit que les Haïtiens l’avaient eu mauvaise contre les Français à cause de l’esclavagisme et de cet arrangement (les 90 millions de francs-or contre l’indépendance) ; mais malgré tout il y a aujourd’hui de bonnes relations et les Haïtiens restent attachés à la culture française qui fait partie intégrante de leur culture, ne serait-ce déjà que par la langue. Les intellectuels haïtiens ont pratiquement tous étudié en France. Les relations avec les Etats-Unis sont beaucoup plus récentes : de 1915 à 1934, Haïti passe sous la domination des Etats-Unis et de ses banques : ils tentent de rétablir la stabilité du pays parce qu’ils craignent pour leurs investissements bancaires. Cependant ils font l’unanimité contre eux et certains Haïtiens se révoltent ; les Américains finissent par partir. Malgré tout, ils reviennent dans l’histoire en soutenant la dictature des Duvalier, père puis fils qui font régner la terreur dans le pays en commettant des massacres, des pillages, des exécutions. Les Etats-Unis voient cette dictature meurtrière comme un rempart contre le communisme (Cuba les inquiétait). Après la chute des Duvalier, il semble que les Américains tentent de garder un oeil sur Haïti pour contrôler de près ou de loin l’économie pour qu’elle ne leur soit pas trop défavorable. Outre ces liens, il y a aux Etats-Unis une importante communauté haïtienne (environ 500 000) : M. Armand m’a dit que rares sont les Haïtiens qui n’ont pas de parent là-bas, et cette diaspora contribue grandement à l’économie nationale avec d’importants transferts d’argent. De plus, les jeunes Haïtiens se tournent de plus en plus vers la culture américaine : cinéma, musique. Donc globalement, je dirais (et vous me pardonnerez la piètre qualité de cette analyse socio-culturello-économico-politique très simpliste, mais je suis orthophoniste, pas analyste ; malgré tout je résume pour moi, pour essayer de garder une trace de cette réflexion en mémoire, et je partage quand même cette synthèse avec vous !) qu’aujourd’hui, les relations d’Haïti avec la France sont culturelles, et avec les Etats-Unis elles sont politiques et économiques. Retour sur un sujet plus terre à terre et qui me concerne directement : la cuisine haïtienne ! Je pense que je ne vous apprends rien en vous disant qu’on mange beaucoup, beaucoup de riz. En même temps, c’est le plat national : du riz cuit à l’eau avec des haricots rouges et revenu avec des épices, et à la maison souvent accompagné d’une sauce de pois rouges ou blancs : fameux ! C’est donc le plat national, mais chacun le fait à sa manière, de sorte qu’il n’a pas le même goût en fonction des familles où je le mange. On mange aussi beaucoup de maïs (on dit « maï », ici), sous différentes formes : en soufflé, en bouillie (sorte de polenta), moulu… La banane est présente à presque tous les repas, sous différentes formes elle aussi : bouillie (pas en bouillie mais entière et bouillie), pesée (coupée en petits bouts qu’on aplatit et frite à l’huile), frite (comme des frites de pomme de terre sauf que c’est de la banane), en morceaux dans un bouillon… Côté protéines, on trouve de la viande (porc, volaille, cabri, boeuf), du poisson, des fruits de mer. Pour cuisiner la viande, souvent on la laisse mariner, on l’assaisonne puis on la cuit à l’eau (boeuf, chèvre ou dinde tasso) ou on la frit (griots de porc). Les petits déjeuners (appelés déjeuners ici) sont salés, comme tous les autres repas, bien qu’on y trouve des fruits ; au déjeuner (dîner ici) et au dîner (souper), il n’y a pas de dessert. Je mange donc peu de fruits, mis à part le matin, ou alors je les consomme en jus, de bons jus de fruits bien frais : un délice ! J’ai le droit à une salade tous les midis (salade verte, tomate, concombres), et heureusement parce que je ne mange pas beaucoup de légumes non plus… En tout cas pas à chaque repas. Après le manque d’autonomie, c’est la nourriture qui me « manque » le plus ! Un soir de fête (l’anniveraire de M. Armand), on a eu droit à une tarte à l’oignon et du poulet à la crème et aux champignons : comme à la maison (enfin pas les deux dans le même repas mais quand même) ! C’est là que j’ai réalisé que la cuisine française me manquait ! Mais JeanClaude m’a apporté un comté lors de sa visite, alors j’ai eu une petite parenthèse enchantée. Enfin encore une fois, ce n’est pas le bagne non plus, hein ! J’aime bien la cuisine haïtienne, tout particulièrement les omelettes qu’on me prépare certains matins, les purées de pomme de terre maison, les bouillons de légumes avec des boys (des sortes des gnocchis), mais incontestablement si je devais citer un plat je dirais le pâté, qui est de la pâte (sablée, celle que prépare Cédélia (la cuisinière) est incroyablement bonne, mais il paraît que tout le mérite revient à M. Armand parce que c’est lui qui lui a appris à la faire !) fourrée de toutes sortes de choses (de la viande, du poisson, des légumes…) selon l’humeur, et frite : un régal ! En tout cas ceux de Cédélia, je n’en ai pas mangé d’aussi bons en dehors de la maison. Pour ce qui est des habitudes de repas, chacun mange dans sa chambre, ce qui m’a un peu surprise au début ! Tout le monde se fait porter un plateau dans sa chambre, sauf moi qui prends mes repas sur la table de la cuisine. On ne mange donc jamais tous ensemble, sauf pour les grandes occasions (anniversaires) ou quand il y a des invités. Pour ce qui est des heures de repas, je crois que je n’ai pas encore saisi la régularité ! Enfin le matin ça va, je mange quand je me lève ; pour le dîner, en semaine j’ai ma boîte à lunch à l’école, je dîne dans le bureau de Dianna entre midi et deux, mais les WE on dîne vers 15h et il n’y a pas de repas après, ce qui m’a fait bizarre au début mais en fait je m’y suis faite ! Et pour le souper, en semaine il est prêt pour moi dès mon retour de l’école, à 17h30… Mais en général j’attends 19h pour manger, parce que même si tout est décalé, psychologiquement je n’arrive pas à m’attabler à 17 ou 18h ! Dernière chose, les élections : elles ont bel et bien eu lieu le 20 novembre ! Les Haïtiens craignent un peu les journées d’élection parce qu’il y a eu des antécédents de violences, apparemment instituées par certains candidats pour empêcher les gens de se rendre aux urnes ; donc tout le monde a été très prudent ce 20 novembre. Les résultats sont tombés une semaine après : un candidat l’emporte haut la main (55% !) devant tous les autres : il n’y aura pas de second tour. Mais ce n’est pas encore terminé : les trois candidats suivants n’acceptent pas leur défaite, et de la même manière qu’ils ont contesté les résultats après les élections de 2015 (celles qui avaient été annulées pour cause de fraude) ils contestent encore une fois, et parfois violemment : il y a des manifestations en ville, où des partisans brûlent des pneus, cassent les vitres des voitures, des maisons ; deux journalistes ont même été agressés. Enfin bon, tout le monde espère que ça va se calmer et que le candidat élu va pouvoir être investi de ses fonctions le 7 février (la date officielle de passation de pouvoir dans les élections haïtiennes). Ceci est probablement la dernière lettre de l’année, si je maintiens le rythme d’une lettre par mois ; je vous souhaite donc un peu en avance de très belles fêtes de fin d’année ! Profitez de la neige, des feux de cheminée, des repas de famille et de la joie de Noël ! De mon côté, je vais être bien occupée pendant les vacances : je pars dix jours en République Dominicaine avec Dianna et deux de ses amies (que je connais aussi et avec qui je m’entends très bien) : je vous raconterai tout ça à mon retour ! Merci beaucoup pour vos prières qui m’apportent beaucoup de soutien ! Portez-vous bien, Sophie