Bloquer Facebook au bureau, est-ce bien légal

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Bloquer Facebook au bureau, est-ce bien légal
Bloquer Facebook au bureau, est-ce bien légal ?
Nombre de sociétés interdisent l'accès à certains sites, comme Facebook ou YouTube,
au grand dam des salariés.
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22/03/13
Par Boris Manenti
Stéphane, 23 ans, est irrité. Chargé de communication dans une grande entreprise de services
technologiques, il ne peut accéder ni à Facebook ni à YouTube sur son lieu de travail. "Tous les employés
sont soumis à ce même filtrage frustrant qui oblige à se concentrer toute la journée sur le boulot", raconte-til. "C'est infantilisant et contre-productif."
Selon une étude de l'éditeur d'antivirus Panda Security, près de 62% des PME américaines interdisent
l'accès aux réseaux sociaux, Facebook en tête, sur le lieu de travail, dans une recherche de productivité.
Une étude de l'éditeur de solutions de filtrage Olfeo affirme même que les employés des entreprises qu'il
équipe passent en moyenne 1h37 par jour sur internet, dont 53 minutes (59% du temps) pour un usage
personnel. La productivité chuterait de 13,6%, soit un coût de 13.150 euros pour un cadre.
Des chiffres qu'il convient de relativiser. Une étude de la société spécialisée dans le bien-être au travail Keas
met, elle, en lumière que les salariés ayant un accès libre aux réseaux sociaux sont 16% plus productifs que
les employés n'ayant pas accès à internet.
"Un problème de management"
"Aller sur Facebook, ça détend, c'est faire une petite pause", plaide Stéphane. Ce n'est pas l'avis d'Alexandre
Souillé, président d'Olfeo : "naviguer sur internet n'a pas les mêmes vertus apaisantes que sortir s'aérer pour
une pause. Et si le temps moyen passé est d'une heure et demie, il y a des salariés qui sont clairement en
situation d'abus, passant plus de 5 heures par jour sur internet sans travailler. Mais là, il y a surtout un
problème de management."
Sans surprise, les sites les plus visités par les salariés sont Facebook et YouTube. "Ce sont aussi les plus
bloqués chez nos clients, avec les sites illégaux", précise le président d'Olfeo, dont le logiciel de filtrage
équipe des ministères, des mairies, mais aussi des grandes entreprises comme Relais, Cofinoga ou Sodebo.
"Notre produit n'est là que pour limiter la tentation spontanée, pas pour mettre les gens au travail", relativise
Alexandre Souillé.
En matière de blocage ou de filtrage, une entreprise peut-elle tout bloquer ? La réponse est oui. "Un
employeur peut faire tout ce qu'il veut pour bloquer ou limiter l'accès à des sites internet", explique l'avocat
Eric Barbry, responsable du pôle numérique du cabinet Bensoussan. "La loi, notamment l'Hadopi, prévoit
que les entreprises doivent veiller à l'utilisation faite de leur accès internet, en particulier en matière de
téléchargement."
"Des risques juridiques"
L'entreprise peut ainsi bloquer de manière unilatérale l'accès aux demandes réseaux sociaux ou webmails.
Via différents logiciels, la société peut aussi opter pour un filtrage plus fin de certains sites précis, voire
n'autoriser qu'un quota d'heures ou une tranche horaire d'accès. Peu importe la formule, l'entreprise doit
toujours "prévenir le salarié de l'existence d'un contrôle, des mécaniques de filtrage et de toutes les données
que l'employeur garde pour lui", précise Me Eric Barbry.
Cela passe par une charte des systèmes d'information ou le règlement intérieur. "Un employeur ne peut
interdire que les outils mis à disposition du salarié soient utilisés à des fins personnelles, comme pour le
téléphone ou les e-mails", poursuit l'avocat. "Mais il peut effectivement regarder les e-mails professionnels
de ses collaborateurs, après avoir défini les règles du jeu. Le salarié peut, par exemple, envoyer des e-mails
personnels depuis sa messagerie professionnelle mais doit mentionner 'Personnel' ou 'Privé' en objet."
Pour Alexandre Souillé, pas de doute : le filtrage est essentiel en entreprise. "Sans limitations, les sociétés
s'exposent à des risques juridiques en cas d'activité illicite d'un salarié, comme le téléchargement illégal ou
de consultation de sites pédopornographiques", explique-t-il. "Il ne faut pas se focaliser sur la productivité à
tout prix, surtout quand le temps professionnel passé chez soi augmente considérablement, notamment avec
les smartphones qui réceptionnent en permanence les e-mails."
Au-delà du boulot ramené à la maison, le filtrage apparait de plus en plus caduc face au phénomène du
"Bring your own device" qui consiste à utiliser au bureau son ordinateur personnel, et face à la
multiplication des smartphones qui possèdent leur propre accès à Facebook ou YouTube. Une faille dans le
système que Stéphane ne se prive pas d'exploiter : "Vu que je ne peux pas y aller sur mon ordi de bureau, je
me connecte sur mon téléphone."