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Décembre 2013 · N°16
Ed. resp. : Xavier Brenez - Union Nationale des Mutualités Libres - Rue Saint-Hubert 19 – 1150 Bruxelles - Health Forum, trimestriel (décembre 2013 - janvier - février 2014)- Bureau de dépôt Bruxelles X - P911 186
Le magazine de l’Union Nationale des Mutualités Libres · trimestriel
Symposium des Mutualités Libres
Féminisation de la médecine :
quelle plus-value pour les patients ? Dossier
Dépenses de soins de santé :
agir sur les maladies chroniques
Les Mutualités Libres
Faites connaissance avec
les Mutualités Libres !
Avec plus de 2.000.000 d’affiliés, les Mutualités Libres constituent le
troisième organisme assureur du pays.
Les Mutualités Libres regroupent 7 mutualités :
OZ
Boomsesteenweg 5
2610 Antwerpen
www.oz.be
Omnimut Mutualité Libre de Wallonie
Rue Natalis 47 B
4020 Liège
www.omnimut.be
Euromut Mutualité Libre
Boulevard Louis Mettewie 74-76
1080 Bruxelles
www.euromut.be
Freie Krankenkasse
Hauptstrasse 2
4760 Büllingen
www.freie.be
Mutualité Libre Securex
Avenue de Tervueren 43
1040 Bruxelles
www.securex-mutualite.be
Partena Ziekenfonds
Coupure Links 103
9000 Gent
www.partena-ziekenfonds.be
Partenamut
Boulevard Anspach 1
1000 Bruxelles
www.partenamut.be
Verenigde-Natieslaan 1
9000 Gent
Les partis en ordre de bataille...
pour la santé ?
A l’heure où les partis politiques finalisent leurs listes d’investir dans les priorités à long terme que sont la
et travaillent à leur programme pour le grand rendez- dépendance, la santé mentale, les maladies chroniques
vous électoral de 2014, il est utile de rappeler la place et l’accès aux nouvelles technologies médicales présenqu’il convient d’accorder au secteur de la santé. La santé tant une vraie plus-value thérapeutique et économique. représente, avec l’éducation et l’emploi, la préoccupa- Dans ce contexte, rien de plus légitime que d’attendre
tion numéro un de la population,
des différentes formations politiques une vision durable
mais le contexte politique des
et ambitieuse pour le secteur des
dernières années n’a laissé que
soins de santé, qui aille bien aupeu de place à une réflexion de
delà d’une seule législature pour
Plus qu’une succession
fond sur ces questions !
s’inscrire sur une période de 10
de mesures accrocheuses
Il est maintenant grand temps
à 15 ans. Une vision qui propose
et isolées, nous attendons
de recentrer les attentions sur
plus qu’une succession de mesures
ces priorités, en espérant que
accrocheuses et isolées, mais un
un ensemble intégré de
les déclarations des uns et des
ensemble intégré de solutions nous
solutions permettant de
autres à se concentrer sur le
permettant de relever les nouveaux
relever les nouveaux défis
socio-économique soient confirdéfis de santé publique. Au vu des
de santé publique
mées dans les faits. S’agissant du
nouvelles compétences santé
socio-économique, rappelons
des entités fédérées, cette vision
que le secteur de la santé reprédevrait se décliner aux différents
sente près de 11% du PIB et de
niveaux de pouvoir et garantir la
très nombreux emplois. Il existe à cet égard, au vu du cohérence des politiques de santé. Enfin,
vieillissement de la population et de l’explosion des cette vision devrait intégrer l’importance
maladies chroniques, de nombreuses opportunités que d’autres politiques (éducation,
pour créer de nouvelles professions de santé.
emploi, environnement, logement,
Enfin, le secteur de la santé est arrivé à un tournant contrôle de la chaîne alimentaire…)
de son histoire. La nécessité d’une (r)évolution pour peuvent avoir sur la santé de tous. s’adapter à un environnement radicalement différent
d’il y a 30 ans est inéluctable. Cette adaptation implique
de dégager des moyens à court terme pour lutter contre Xavier Brenez
les soins inutiles ou inappropriés, la multiplication Directeur Général
des appareils lourds, la dispersion des moyens… afin de l’Union Nationale des Mutualités Libres
Rédactrice en chef Karima Amrous · [email protected] · T 02 778 94 33
Coordination
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Comité de rédaction
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Lay-out
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Photos
Reporters
Traduction
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Editeur responsable
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Sommaire
N°16
Décembre 2013
3 Edito
5 Le saviez-vous ?
6 Dossier
Dépenses de soins de santé :
agir sur les maladies chroniques
16 Espace Prestataires
Dossier
3 facteurs de concentration
des dépenses de soins de santé
10% des Belges concentrent à eux seuls
72% des dépenses de soins de santé ! Un
phénomène qui n’est pas propre à notre pays
et déjà mis en avant dans de nombreuses
études internationales. Les Mutualités
Libres ont voulu aller plus loin en identifiant
les sources des plus grosses dépenses.
Conclusions : maladies chroniques, comorbidités et hospitalisations devraient faire partie des
priorités des politiques de santé publique.
6
Le patient “nouveau est-il le
bienvenu ?
Le généraliste, acteur-clé de la
prévention
Le Débat
Réduire d’un jour le séjour
en maternité : une bonne
idée passée la trappe ?
Maladies rares :
accélérer l’accès aux
traitements
26 A l’étude
Alzheimer : agir à la mesure
du phénomène
30 Europe
Directive soins de santé
transfrontaliers : l’Europe
est-elle prête ?
Espace prestataires
Réduire d’un jour le séjour en maternité :
une bonne idée passée la trappe ?
Cette proposition avait fait couler beaucoup
d’encre l’été dernier : réduire d’un jour le
séjour remboursé en maternité après un
accouchement. Alors que la majorité de la
population s’offusquait de constater que la
Duchesse Kate Middleton quittait l’hôpital 24
heures après avoir accouché, le Dr Marc Moens,
Vice-Président de l’Absym, avait saisi la balle au
bond pour braquer les projecteurs sur la possibilité de faire des
économies en réduisant le séjour en maternité. Depuis lors, cette proposition a été refusée par la cellule stratégique du cabinet Onkelinx.
20
Etude
Alzheimer : agir à la mesure du phénomène
32 Event
Féminisation de la médecine :
quelle plus-value pour les
patients ? 34 Kiosque
www.mloz.be
La maladie d’Alzheimer est la forme de
démence la plus répandue. Ce syndrome
affecte la mémoire, le raisonnement, le comportement et la capacité à effectuer les actes
de la vie quotidienne. Il y aurait en Belgique
entre 100.000 et 130.000 patients atteints par
la maladie d’Alzheimer. Les Mutualités Libres
se sont penchées sur ces patients particuliers dans une étude longitudinale sur 7 années.
26
Le saviez-vous ?
38,7%
des employés admettent ne pas se
laver les mains à chaque passage aux
toilettes. D’après une enquête internationale d’Initial Services menée auprès
de 6.000 employés de bureau (514
Belges interrogés).
Accidents de la vie courante :
les hommes 2 fois plus touchés
Ce sont les accidents liés au sport
qui expliqueraient
en grande partie
cette inégalité entre
les hommes et les
femmes. Et ce sont
des hommes jeunes,
de moins de 34 ans, qui sont touchés. Fait
étonnant, si les jeunes hommes de milieux
aisés pratiquent nettement plus de sport que
les autres, la fréquence des accidents est en
revanche identique quelle que soit la classe
sociale.
Transparence oui,
mais pour tous les hôpitaux
Imaginez que nous indiquions sur
notre site le nombre de patients qui
développent chaque année une infection nosocomiale. Les gens risquent de prendre peur et
de nous considérer comme un mauvais hôpital. Les choses seraient différentes si chacun
pouvait consulter le nombre de ces infections
dans l’ensemble des hôpitaux, car on constaterait que ce problème est omniprésent. Nous
n’avons pas envie de jouer les pionniers. Mais si
d’autres hôpitaux wallons prenaient la décision
commune de publier eux aussi leurs résultats,
nous ferions de même.
Marie Eeman, coordinatrice qualité au Centre
hospitalier de Wallonie picarde, à Tournai.
(Citée dans le Test Santé de novembre 2013)
+10%
Le nombre d’admissions en hôpital
psychiatrique a progressé de 10% en
2013.
D’après une étude de l’Itinera Institute.
Bruxelles et les inégalités de santé
Dans la capitale belge, plus bas est le niveau sur l’échelle sociale, plus grand est le risque de
mortalité à la naissance ou au cours de la première année de vie. De manière peu surprenante, les
chiffres de l’Observatoire bruxellois de la santé démontrent une fois encore l’influence importante
du statut social sur l’état de santé. Ainsi, à Bruxelles, les enfants naissant dans un ménage sans
revenu du travail ont plus de deux fois plus de risque d’être mort-nés ou 1,8 fois plus de risque de
décéder avant l’âge d’un an que les enfants qui naissent dans un ménage à deux revenus. Pour
les jeunes adultes défavorisés, la santé est aussi un problème : entre 2012 et 2013, le nombre de
jeunes de 18 à 24 ans ayant droit à l’intervention majorée pour soins de santé a augmenté de 6,3
points, passant de 25,3% à 31,6%. En matière d’invalidité (incapacité de travail de plus d’un an),
en 2012, 6,6% des Bruxellois étaient concernés, plus souvent les femmes (7%) que les hommes
(6,2 %) et plus souvent les ouvriers que les employés, avec un risque 3,3 fois plus élevé pour les
hommes et 2,3 fois plus élevé pour les femmes.
www.observatbru.be
Par Stéphanie Brisson et Pascale Janssens
5
En couverture
Dépenses de soins de santé :
agir sur les maladies chroniques
3 facteurs de concentration des dépenses de soins de santé
Quelles politiques de santé actionner ? Interview Xavier Brenez - “Notre système de santé a besoin d’un check-up”
Interview Alain De Wever - “Il faudrait développer de nouveaux trajets de soins”
p7
p12
p14
p15
Dossier
3facteurs de concentration
Etude
des dépenses de soins de santé
10% des Belges concentrent à eux seuls 72% des dépenses de soins de santé !
Un phénomène qui n’est pas propre à notre pays et déjà mis en avant dans de
nombreuses études internationales. Les Mutualités Libres ont voulu aller plus
loin en identifiant les sources des plus grosses dépenses. Conclusions : maladies
chroniques, comorbidités et hospitalisations devraient faire partie des priorités
de santé publique.
L’
étude des Mutualités Libres propose une analyse
de la concentration des dépenses de soins de
santé remboursées par l’assurance maladie en
2010. Une attention particulière a été portée aux grands
utilisateurs de soins de santé (10% de la population
qui consomment le plus1) en fonction de leur profil de
pathologies. Les données des affiliés aux Mutualités
Libres ont ainsi été attentivement examinées.
Classification des pathologies
8,8% des Belges n’engendrent aucune dépense de
soins de santé remboursable en 2010. Mais 10%
induisent 72% des dépenses en soins de santé remboursées. A contrario, il faut souligner que 80% de la
population n’est responsable que de 16% des remboursements en soins de santé.
Comment expliquer une telle concentration des
dépenses de soins de santé ? La littérature internationale démontre que cette concentration est un
phénomène généralisé et non spécifique à la Belgique.
Afin d’aller plus loin dans l’analyse et pour expliquer
cette constatation, le service Etudes des Mutualités
Libres a cartographié les affiliés en fonction de grandes
affections chroniques2. Les dépenses calculées par
maladie chronique représentent toutes les dépenses
des individus souffrant au moins de la pathologie et pas
seulement les dépenses liées à celle-ci.
Les facteurs de concentration
Après cartographie des différentes affections, il a été
possible d’identifier précisément trois éléments à la
source des fortes dépenses en soins de santé remboursées. Ces trois éléments sont le fait d’être atteint d’une
maladie chronique, d’en avoir plus d’une (comorbidités)
et enfin de devoir être hospitalisé (sans qu’il y ait forcément un lien avec les deux éléments précédents).
1/ Souffrir d’une maladie chronique fréquente
23 pathologies chroniques ont été sélectionnées pour
l’étude. 23,3% de la population étudiée par les Mutualités Libres souffre au moins d’une de ces affections
chroniques, soit 457.930 patients. Ensemble, les
patients malades chroniques induisent 64,3% des
dépenses en soins de santé (soit 2,3 milliards d’euros
sur un total de 3,6 milliards d’euros).
Tableau 1
Proportion de personnes touchées par une maladie chronique (N)
et leur part de dépenses de soins de santé dans le sous-groupe
des grands consommateurs (10%) et la population totale (en 2010)
10%
Dépenses
Dépression
Affection cardiovasc. : mal. cardiaque
BPCO
Asthme
Mucoviscidose
Diabète avec insuline
Diabète sans insuline
Maladie pancréatique exoc.
Psoriasis
Arthrite rhumat. ou psorias.,
maladie de Crohn, colite ulcér.
Psychose (<=70 ans)
Psychose (>70 ans)
Parkinson
Epilepsie
VIH
Hépatite B et C chron.
Sclérose en plaques
Transpl. d'organe
Alzheimer
Insuffisance rénale chron.
Santé mentale
Maladie rare
Hypertension
Total : malades chroniques
Population tot.
N
Dépenses
N
21,4%
13,9%
9,8%
2,4%
0,2%
6,0%
7,2%
0,2%
0,0%
17,8%
10,9%
8,3%
2,8%
0,1%
5,6%
7,4%
0,2%
0,0%
17,7%
10,8%
8,0%
2,6%
0,1%
4,7%
6,6%
0,2%
0,0%
5,1%
2,1%
2,0%
1,7%
0,0%
0,9%
2,7%
0,0%
0,0%
1,6%
1,5%
1,3%
0,3%
4,8%
2,1%
2,9%
5,8%
0,8%
0,1%
0,5%
0,5%
2,7%
3,5%
7,7%
3,1%
50,3%
74,7%
3,4%
1,4%
2,2%
4,5%
0,6%
0,0%
0,5%
0,3%
2,1%
0,9%
3,2%
0,8%
45,8%
65,1%
3,8% 0,7%
1,5% 0,2%
2,1% 0,3%
4,5% 0,9%
0,6% 0,1%
0,0% 0,0%
0,4% 0,0%
0,4% 0,0%
2,0% 0,3%
2,5% 0,1%
5,5% 0,4%
2,2% 0,1%
43,5% 16,2%
64,3% 23,3%
1. Parmi le groupe des 10% de plus grands utilisateurs, les sous-groupes des 1% et 5% ont également été analysés en détail.
Dans le cadre de cet article, seul le groupe des 10% est mentionné.
2. Plus d’infos sur la méthodologie en fin d’article
7
Dossier
Comme on le voit dans le tableau 1, les affections
chroniques les plus fréquentes sont : l’hypertension
(16,2% ), la dépression et autres troubles de l’humeur
(5,1%), le diabète type 1 et 2 (3,6%), les deux principales
affections chroniques pulmonaires (BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) et asthme ensemble 3,7%) et les maladies cardiaques (2,1%).
Les personnes souffrant d’une des pathologies chroniques les plus courantes sont également celles qui
engendrent les dépenses les plus importantes pour
l’assurance obligatoire.
Au niveau de la population totale, le pourcentage de
dépenses générées par les patients atteints de ces
pathologies est de 43,5 % pour l’hypertension, de
17,7% pour la dépression, de 10,8% pour les maladies
cardiaques, de 6,6% pour le diabète sans insuline, de
8% pour la BPCO et de 2,6% pour l’asthme. Ce qui est
confirmé par la littérature3.
Dans la population totale, toutes les pathologies chroniques ont une proportion des dépenses supérieure à
leur prévalence.
Un facteur déterminant de la prévalence des maladies
chroniques est l’âge, comme on peut l’observer dans
la figure 1.
Tableau 2
Dépense moyenne des patients atteints
d’une pathologie chronique (en 2010)
Dépression
Affection cardiovasculaire : maladie
cardiaque
BPCO
Asthme
Mucoviscidose
Diabète avec insuline
Diabète sans insuline
Maladie pancréatique exocrine
Psoriasis
Arthrite rhumat. ou psorias.,
maladie de Crohn, colite ulcér.
Psychose (<=70 ans)
Psychose (>70 ans)
Parkinson
Epilepsie
VIH
Hépatite B et C chronique
Sclérose en plaques
Transplantation d'organe
Alzheimer
Insuffisance rénale chronique
Santé mentale
Maladie rare
Hypertension
Total : malades chroniques
Total : sans affection chronique
Total : population
10%
Dép.moyenne
15.798
Population tot.
Dép.moyenne
6.396
16.678
9.648
15.533
11.691
23.665
14.311
12.845
17.722
17.154
7.243
2.798
20.700
9.959
4.474
11.488
7.176
14.030
7.085
18.427
19.250
17.272
16.981
15.990
14.864
14.212
19.659
17.094
48.627
31.808
49.564
14.467
15.133
9.532
13.177
10.168
15.544
12.812
9.039
15.616
14.731
14.140
19.635
12.840
40.429
28.643
48.476
4.938
5.076
859
1.843
Figure 1
pour 1.000 personnes
Prévalence des pathologies chroniques par classe d’âge (en 2010)
700
600
500
400
300
200
100
0
0-19 ans
Dépression
Affection cardiovasc. : mal. cardiaque
BPCO
Asthme
Mucoviscidose
20-39 ans
Psoriasis
Arthrite rhumat. ou psorias.,
maladie de Crohn, colite ulc
Psychose (<=70 ans)
Psychose (>70 ans)
60-79 ans
80 ans et plus
Sclérose en plaques
Transpl. d’organe
Alzheimer
Insuffisance rénale chron.
Parkinson
Santé mentale
Diabète avec insuline
Epilepsie
Maladie rare
Diabète sans insuline
VIH
Hypertension
Maladie pancréatique exoc.
Hépatite B et C chron.
3. Notamment par Stanton and Rutherford (2005).
8
40-59 ans
Dossier
Le tableau 2 montre que la facture annuelle moyenne
de remboursements en soins de santé de la population des Mutualités Libres (malades chroniques et
non-chroniques) s’élève à 1.843 euros.
Les dépenses moyennes pour certaines maladies
chroniques peuvent être élevées. La dépense annuelle
moyenne est de 859 euros pour une personne sans
affection chronique et de 5.076 euros pour un malade
chronique, certaines pathologies peuvent entraîner
des dépenses de plus de 20.000 euros. C’est le cas
des pathologies moins courantes, à savoir les troubles
mentaux ("santé mentale" dans le tableau), l’insuffisance rénale et les maladies rares. Ces pathologies
sont également particulièrement coûteuses dans le
sous-groupe des 10% des plus grands utilisateurs de
soins de santé. Le poids considérable de la maladie
chronique sur les dépenses en soins de santé permet
donc d’expliquer une bonne partie de la concentration
des dépenses en soins de santé.
2/ Comorbidités
Les dépenses en soins de santé augmentent en
fonction du nombre de pathologies chroniques dont
souffre le patient (figure 2). Les remboursements annuels des soins de santé pour une personne s’élèvent
en moyenne à 3.449 euros pour une seule affection
chronique, à 6.501 euros pour les patients atteints
de 2 affections chroniques… pour atteindre 21.751
euros lorsque l’affilié présente au moins 5 affections
chroniques !
La littérature relative4 à l’impact des maladies
chroniques démontre bien que plus le nombre de
pathologies est grand, plus les dépenses en soins
de santé sont élevées. L’évolution du coût moyen par
patient en fonction du nombre de pathologies chroniques est présentée sur la figure 2 et confirme cette
relation.
Le nombre de combinaisons de maladies dans la
population étudiée est très grand. L’analyse s’est donc
concentrée sur les catégories de pathologies les plus
fréquentes, qui contiennent la majorité des malades
chroniques. A ces catégories, a été ajoutée celle “sans
pathologie chronique” : elle représente les affiliés qui
n’ont aucune des 23 pathologies chroniques étudiées.
En regardant plus en détail les différentes catégories
de pathologies retenues, il est apparu sans surprise
qu’elles ne sont constituées que de pathologies à
prévalence élevée et/ou induisant une part importante
des dépenses. Dans la population totale, les catégories étudiées engendrent une proportion de dépenses
supérieure à celle des individus concernés.
Certaines catégories ne sont composées que d’une
Figure 2
Dépenses moyennes par personne
Dépense moyenne selon le nombre de pathologies chroniques (en 2010)
25.000€
20.000€
15.000€
21.751 €
16.333 €
11.310 €
10.000€
6.501 €
5.000€
3.449 €
859 €
0€
0
Nombres de maladies chroniques
1
2
3
4
5 et plus
4. Voir notamment Holly (2009) et Stanton and Rutherford (2005).
9
Dossier
seule pathologie telle que l’hypertension, les troubles
mentaux, les maladies rares, la dépression, l’épilepsie, la BPCO et l’insuffisance rénale. L’hypertension,
la dépression, la psychose sont les pathologies qui
ressortent le plus de l’ensemble. L’hypertension est
la pathologie la plus couramment associée à d’autres
pathologies, telles que les affections cardiovasculaires
(ACV) de type maladies cardiaques, la dépression,
l’insuffisance rénale, la BPCO, le diabète avec/sans
insuline et les maladies rares.
Dans la population totale, 6 pathologies entraînent
des durées annuelles moyennes de séjours supérieures à 15 jours : il s’agit des psychoses (<= 70 ans
et > 70 ans), de la maladie de Parkinson, de l’Alzheimer, des troubles mentaux et des maladies rares. Les
troubles mentaux conduisent à des hospitalisations
relativement longues : en moyenne plus de 2 séjours
hospitaliers avec une durée moyenne par séjour de
41 jours. Dans la population des 10% de grands utilisateurs de soins, la durée de séjour est de 42,5 jours
pour ces individus.
Dans ce même groupe, la moitié des dépenses de
soins de santé concerne les remboursements des
frais de séjour et de prestations (médicales, chirurgicales, actes techniques et diagnostiques,….) réalisées
lors d’hospitalisations classiques, c’est-à-dire des
hospitalisations avec au moins une nuit passée à
l’hôpital.
Les dépenses induites par les hospitalisations
varient selon que le patient souffre de l’une ou l’autre
affection chronique. Les patients avec des problèmes
cardiaques avérés ont 47% de leurs dépenses de
santé remboursées qui sont liées à des hospitalisations, les “dépressifs” 41% et les personnes souffrant
d’une sclérose en plaques 11%.
3/ Hospitalisations & consultations
Les dépenses à l’hôpital des affiliés aux Mutualités
Libres représentent 40% de l’ensemble de leurs
dépenses de soins de santé. Ce pourcentage est similaire pour les patients chroniques et non chroniques.
Les séjours hospitaliers induisent des dépenses de
soins de santé très importantes, il semble évident
qu’ils soient relativement plus nombreux parmi la
population des 10% plus grands utilisateurs de soins.
Dans la population totale, le nombre annuel moyen
d’hospitalisations est de 0,15 tandis qu’il s’élève à 1,1
dans la sous-population des 10%, pour une moyenne
de 12 jours (voir tableaux 3 et 4).
Le nombre moyen d’hospitalisations est plus important parmi les malades chroniques. En effet, ils sont
hospitalisés en moyenne 3 fois plus que les non chroniques. Cet écart relatif disparaît lorsqu’on se déplace
vers les sous-populations de grands utilisateurs. Selon
l’affection chronique, la durée moyenne de séjour varie
fortement et augmente systématiquement, pour une
même affection, dans chaque sous-population. Par
exemple, les patients traités pour dépression restent
en moyenne 14 jours à l’hôpital mais 15 jours dans le
groupe des 10% des grands utilisateurs de soins.
Au niveau des consultations médicales, un patient
sans affection chronique voit environ 2 fois par an
un généraliste et un spécialiste tandis qu’un patient
chronique voit un médecin généraliste 6 fois par an et
un spécialiste 4 fois par an. Si le patient fait partie des
grands utilisateurs de soins de santé, il consulte alors
son généraliste 8 fois sur l’année s’il souffre d’au
moins une affection chronique et 4 fois sur l’année
en l’absence d’affection chronique.
Tableau 3
Nombre moyen de consultations, d’hospitalisations et de jours d’hospitalisation,
par type de patient (en 2010)
10%
Population totale
Chronique
Non Chron.
Chronique
Non Chron.
Consultation généraliste
8,0
4,2
6,0
2,1
Consultation spécialiste
6,7
7,4
3,9
1,9
Jour d’hospitalisations
(classiques)
14,1
7,6
13,1
5,5
Nombre d’hospitalisations
1,1
1,1
0,3
0,1
5. Un nombre d’hospitalisation inférieur à 1 signifie nécessairement qu’une partie de la population n’est pas concernée par l’hospitalisation.
10
Dossier
Tableau 4
Nombre d’admissions et nombre de jours d’hospitalisations (total et moyen), par pathologie chronique et (sous-)population (en 2010)
Dépression
Affection cardiovasc. : mal. cardiaque
BPCO
Asthme
Mucoviscidose
Diabète avec insuline
Diabète sans insuline
Maladie pancréatique exoc.
Psoriasis
Arthrite rhumat. ou psorias., maladie de Crohn, colite ulcér.
Psychose (<=70 ans)
Psychose (>70 ans)
Parkinson
Epilepsie
VIH
Hépatite B et C chron.
Sclérose en plaques
Transpl. d'organe
Alzheimer
Insuffisance rénale chron.
Santé mentale
Maladie rare
Hypertension
Total : malades chroniques
Total : population
N
37.829
25.930
19.834
6.159
151
10.068
14.789
358
10
1.966
8.844
1.911
3.409
9.877
422
48
278
672
3.077
3.064
14.036
2.740
96.001
138.071
216.130
10%
Hospitalisation
Jour
570.328
314.215
227.199
56.832
1.585
111.681
156.624
4.336
96
18.820
224.499
37.726
58.066
144.933
4.691
346
3.006
5.599
51.289
38.373
596.623
44.285
1.116.526
1.951.568
2.546.404
Moy.
15,1
12,1
11,5
9,2
10,5
11,1
10,6
12,1
9,6
9,6
25,4
19,7
17,0
14,7
11,1
7,2
10,8
8,3
16,7
12,5
42,5
16,2
11,6
14,1
11,8
N
40.771
26.730
20.944
7.601
151
10.187
15.910
366
12
2.092
9.126
1.921
3.450
10.358
422
48
278
672
3.124
3.077
14.548
2.755
103.767
151.196
279.396
Population totale
Hospitalisation
Jour
575.596
315.553
229.333
59.628
1.585
111.921
158.484
4.349
98
19.044
225.358
37.747
58.202
145.749
4.691
346
3.006
5.599
51.372
38.394
599.330
44.302
1.130.163
1.976.463
2.679.962
Moy.
14,1
11,8
10,9
7,8
10,5
11,0
10,0
11,9
8,2
9,1
24,7
19,6
16,9
14,1
11,1
7,2
10,8
8,3
16,4
12,5
41,2
16,1
10,9
13,1
9,6
En résumé
• Derrière une dépense moyenne en soins de santé de
1.843 euros par affilié des Mutualités Libres en 2010,
se dissimule une grande disparité dans l’intensité du
recours aux soins de santé.
• Parmi les affiliés des Mutualités Libres, 8,8% n’ont
aucun remboursement en soins de santé en 2010.
• 20% de la population engendrent 84% de l’ensemble
des dépenses médicales, 10% concentrent 72% de
ces dépenses.
• Les personnes sans pathologie chronique bénéficiant au moins d’un remboursement des dépenses
en soins de santé représentent 68% de la population
totale des Mutualités Libres en 2010.
• 16% de la population est atteinte d’hypertension et
près de la moitié de ces hypertendus souffre aussi
d’une ou plusieurs autres affections chroniques (7%).
• Les dépenses par type de soins diffèrent selon le
niveau global de consommation médicale, quelle(s)
que soi(en)t la ou les pathologies sous-jacentes.
Ainsi, lorsque nous passons des petits aux grands
utilisateurs de soins, la facture liée aux hospitalisations augmente plus rapidement que les soins
ambulatoires.
• Plus d’un tiers des malades chroniques (34%) ont
plus d’une pathologie chronique et induisent 56%
de l’ensemble des dépenses de soins de santé
remboursées. Les malades chroniques avec plusieurs pathologies coûtent environ 2,5 fois plus que
les malades chroniques avec une seule affection
chronique. Ce cumul de plusieurs pathologies chroniques joue un rôle important dans l’explication de la
concentration des dépenses de soins de santé.
• Les affiliés porteurs d’une maladie rare, souffrant
d’une insuffisance rénale chronique ou d’une maladie
mentale coûtent en moyenne plus de 20.000 euros
par an. Les autres affections chroniques étudiées
engendrent des dépenses moyennes très variables
comprises entre 3.000 euros et 20.000 euros. L’écart
de dépenses moyennes entre un patient chronique et
un non chronique tend à s’amenuiser avec le degré
de consommation de soins.
• Les dépenses à l’hôpital des affiliés des Mutualités
Libres représentent 40% de l’ensemble de leurs
dépenses de soins de santé. Ce pourcentage est
similaire pour les patients chroniques et les non
chroniques, mais nous constatons des variations
des dépenses induites par les hospitalisations (classiques) selon que l’affilié souffre de l’une ou l’autre
affection chronique.
11
Dossier
Quelles politiques de santé actionner ?
A première vue, les pathologies qui semblent les plus intéressantes en termes
d’actions à mener par les pouvoirs publics sont celles qui concernent un grand
nombre de patients et qui engendrent des coûts moyens importants. Mais cette
approche est-elle suffisante ?
La figure ci-dessous représente de manière synthétique le nombre de personnes atteintes d’une pathologie
chronique et les dépenses moyennes en soins de santé à charge de l’assurance obligatoire(*).
Graphique 4
Nombre et coût moyen des personnes atteintes d’une pathologie chronique (en 2010)
10
100
1.000
10.000
6.049
30.000
100.000
400.000
Maladie rare
Nombre de patients
40.000
Insuffisance rénale chron.
Santé mentale
Mucoviscidose
Hépatite B et C chron.
Sclérose en plaques
VIH
Maladie pancréatique exoc.
Psoriasis
20.000
Transpl. d'organe
16.000
Psychose (>70 ans)
Alzheimer
Parkinson
Psychose (<=70 ans)
Diabète avec insuline
Epilepsie
Arthrite rhumat. ou psorias.,
maladie de Crohn, colite ulcér.
11.488
Affection cardiovasc. :
mal. cardiaque
10.000
8000
BPCO
Dépression
6000
Affection cardiovasc. :
hypertension
Diabète sans insuline
4000
Asthme
Dépenses moyennes (euros)
2000
(*) Les quadrants sont délimités par les valeurs médianes des coûts moyens des pathologies chroniques étudiées et les valeurs
médianes du nombre de personnes atteintes par ces pathologies.
A première vue, les pathologies qui semblent les
plus intéressantes en termes d’actions à mener sont
celles qui concernent un grand nombre de patients et
qui engendrent des coûts moyens importants. Mais
le positionnement d’une pathologie par rapport à une
autre dans le schéma ne permet pas de produire des
recommandations ou des leviers directement actionnables en termes de santé publique. Pour cela, il faut
étudier la prise en charge actuelle de chaque pathologie (médicale, médicamenteuse, hospitalière…) et
voir dans quelle mesure des filières de soins plus
efficientes existent, tout en ne portant pas atteinte à
la qualité des soins bien sûr.
12
Il faut analyser aussi l’opportunité d’investir davantage dans la prévention (éducation, promotion de la
pratique d’un sport….) ou l’accompagnement, notamment par le développement de nouveaux trajets de
soins et le disease management. Un certain nombre
de pathologies chroniques (principalement celles
qui se situent dans le quadrant inférieur de droite)
sont en effet identifiables comme les conséquences
d’un certain style de vie : comportement alimentaire,
sédentarité, stress, tabagisme, consommation excessive d’alcool... La prévention de ces pathologies devra
donc aller au-delà de l’aspect médical (éducation,
promotion de la pratique d’un sport…).
Dossier
3
pathologies à l’étude
Trois pathologies ont fait l’objet d’une analyse approfondie des Mutualités Libres afin de dégager des
pistes d’actions spécifiques ou des recommandations pour les décideurs politiques : la dépression,
l’insuffisance rénale chronique et la maladie d’Alzheimer.
La dépression chez les adolescents
Nous recommandons la prise en charge de la
dépression des adolescents par des praticiens
ayant l’expertise et l’expérience nécessaires.
Le remboursement des séances de psychothérapie
réalisées par un psychothérapeute non-psychiatre
devrait être accordé moyennant les critères suivants :
• détermination des types de psychothérapie pouvant faire l’objet d’un remboursement sur base
de critères Evidence-Based medecine (y compris
l’avis d’experts);
• prescription et suivi de la psychothérapie par un
praticien possédant l’expertise et l’expérience
nécessaires.
L’insuffisance rénale chronique
Nous recommandons d’encourager la pratique de la
dialyse à domicile encore peu répandue en Belgique.
Pour cela, nous insistons sur la nécessité d’une
information pré-dialyse objective et complète du
patient et sur son implication dans le choix éclairé
de la modalité de dialyse.
Nous recommandons également de :
• revoir le remboursement des différentes modalités de dialyse afin d’en assurer un financement
durable, transparent et coût-efficace (en considérant l’impact sur le financement hospitalier);
• fixer des objectifs chiffrés et datés pour les différentes modalités de dialyse (résultats à atteindre);
• développer des directives “evidence-based medicine” pour une prise en charge intégrée de
l’insuffisance rénale;
Méthodologie
• adapter le trajet de soins “insuffisance rénale”
en intégrant l’information pré-dialyse et en évaluant régulièrement l’impact de cette information sur la pratique.
La maladie d’Alzheimer
Nous recommandons :
• que les initiatives existantes au profit des aidants proches (répit, psychoéducation…) et
pouvant favoriser le maintien au domicile, soient
préservées et surtout étendues à travers le développement de nouvelles initiatives;
• de favoriser le diagnostic précoce de la maladie
et de sensibiliser la première ligne à cette problématique;
• de créer un encadrement spécialisé et multidisciplinaire (psycho-médico-social) pour le
malade mais aussi pour les aidants proches
dès l’annonce du diagnostic;
• que si une institutionnalisation doit avoir lieu,
elle doit se faire dans des structures financièrement abordables et spécifiquement adaptées
pour permettre la prise en charge optimale
pour tous les malades Alzheimer;
• la mise en place d’un registre épidémiologique
national ou, à défaut, régional des patients. Il
devrait permettre de prévoir et d’ajuster l’offre
de soins spécifiques.
Certaines pathologies sont en cours d’analyse
aux Mutualités Libres : l’hypertension, la santé
mentale, la dépression chez l’adulte, les maladies
cardiovasculaires et le diabète. D’autres seront
étudiées ultérieurement.
Güngor Karakaya, Ingrid Umbach, Vanessa Vanrillaer & Rudy Van Tielen
Service Etudes et Stratégie des Mutualités Libres
Afin d’identifier la population atteinte d’une maladie chronique et en l’absence de données de
diagnostic, le service Etudes des Mutualités Libres a créé des “proxy de diagnostics” (23 au total).
Les personnes identifiées comme malades chroniques l’ont donc été sur base de quelques critères. D’une part, un critère de consommation de médicaments spécifiques pendant au minimum
90 jours dans l’année ou 120 jours dans le cas de la dépression. D’autre part, sur base de certains
codes de la nomenclature de l’INAMI (pour l’insuffisance rénale par exemple), de certains types de
médicaments (pour les maladies rares) ou d’une hospitalisation spécifique (pour la santé mentale).
Plus d’infos sur la méthodologie dans l’étude complète disponible sur www.mloz.be/pages/etudes
13
Dossier
3
questions à Xavier Brenez
Directeur Général de l’Union Nationale
des Mutualités Libres
Notre système de santé
a besoin d’un check-up
Quelles conclusions tirez-vous de cette étude ?
Cette étude était importante pour nous : nous voulions illustrer les priorités pour le secteur de la santé.
Que ce soit d’un point de vue social ou économique,
rien de plus légitime que de s’intéresser aux patients
faisant l’objet de soins lourds. Ces personnes, et les
pathologies dont elles souffrent, doivent figurer au
plus haut de l’agenda politique. En se penchant sur les
patients qui concentrent 10% des dépenses de soins
de santé, on peut dégager deux grands groupes de
pathologies : les très coûteuses et relativement peu
fréquentes (insuffisance rénale, sclérose en plaque,
mucoviscidose,...) et les coûteuses et plus fréquentes
(BPCO, diabète, affections cardiovasculaires,...). Pour
la première catégorie, la grande préoccupation est de
voir dans quelle mesure il existe des filières de soins
plus efficientes, sans porter atteinte à la qualité des
soins. Et dans ce domaine, nous savons qu’il existe
une marge de progression en développant des alternatives aux soins institutionnalisés, comme la dialyse
à domicile par exemple. Dans la deuxième catégorie,
on retrouve les maladies chroniques fréquentes, ce
qui renforce la nécessité d’accélérer le mouvement
en matière de prévention et d’accompagnement des
malades chroniques. Ceci demande une évolution
de la pratique médicale par rapport à ce que nous
connaissons aujourd’hui.
Selon vous, notre système doit-t-il passer une
sorte de “check-up” ?
Effectivement, il serait sain à un moment de prendre
du recul par rapport à notre système de soins de santé
et se demander si, après plus de 50 ans d’évolutions
et de développements, il répond encore aux grands
besoins de santé et de la population. L’approche
économique que nous avons suivie ici est une des
dimensions à prendre en considération. Idéalement,
elle devrait être complétée par d’autres dimensions
importantes. Celle de perte de bien-être par exemple.
Investissons-nous les moyens sur les pathologies qui
touchent le plus le bien-être des patients, exprimés
en DALY’s (perte d’années en bonne santé) ? On serait
probablement surpris du résultat. Un autre axe qui se
développe est celui des préférences sociétales : dans
le secteur de la santé, faisons-nous vraiment les choix
qui correspondent aux préférences des patients et de
la population ? Tout ceci nous ramène au débat sur la
vision des soins de santé. Où devons et voulons-nous
être dans 10 ou 20 ans, quels sont les manques, à
quels ajustements soumettre le système,...? Débattre
pour savoir, demain, quel poids mettre sur l’hôpital,
la première ligne, les médicaments, les traitements
innovants ou encore sur la prévention. Et au-delà de
ça, réfléchir à mieux se coordonner avec les autres
politiques publiques ayant un impact sur la santé :
éducation, environnement, contrôle de la chaîne alimentaire, emploi, logement, etc.
Cette analyse souligne le manque de disponibilité
des données de santé dans notre pays…
Les mutualités ne disposent pas des données de
diagnostics des pathologies. Nous avons été obligés
d’”extrapoler” sur base des données de remboursement des médicaments parce que nous estimions que
cet exercice était pertinent et important. Nos conclusions concordent d’ailleurs avec celles de la littérature
internationale. Mais ces limites méthodologiques
illustrent quand même le manque de disponibilité,
dans notre pays, de données sur les pathologies. Dans
le secteur ambulatoire, nous n’avons aucun enregistrement des pathologies. Nous avons les données
dans le secteur hospitalier mais elles sont difficiles
à exploiter parce qu’elles sont centralisées à la santé
publique et compliquées à coupler avec les données
INAMI ou avec l’échantillon permanent de l’agence
inter-mutualiste. Nous manquons donc de données
pertinentes pour pouvoir gérer au mieux les choix en
soins de santé.
propos recueillis par Stéphanie Brisson
14
Dossier
Il faudrait développer
de nouveaux trajets de soins
Interview avec Alain De Wever, professeur émérite ULB – Ecole de Santé publique
A la
lumière de
cette étude,
comment
mieux
gérer les
dépenses liées aux maladies
chroniques, selon vous ?
mentale doit être soignée grâce
à des structures ambulatoires de
psychiatrie chronique. L’hôpital
doit être réservé aux cas aigus.
Le développement d’alternatives
ambulatoires vaut d’ailleurs pour
toutes les maladies chroniques.
Les patients souffrant de maladies chroniques sont ceux qui
dépensent le plus et qui ont le
plus de dépenses non couvertes
par l’assurance obligatoire. Sur
l’exemple des trajets de soins, je
pense que les remboursements
des soins de santé chroniques
devraient être forfaitaires. Ce qui
a été fait est une réussite, particulièrement pour l’insuffisance
rénale. Il faudrait développer de
nouveaux trajets de soins pour
d’autres maladies chroniques,
comme pour la BPCO ou les soins
oncologiques.
Le rôle du généraliste n’est pas
uniquement de gérer des urgences ou des gardes. Mais aussi
de suivre les maladies chroniques
comme le diabète, l’hypertension
grâce à des trajets de soins et en
axant sa fonction encore plus vers
la prévention. Pour agir sur les
dépenses, il faudrait donc investir
dans une nouvelle orientation du
généraliste, plus préventive, plus
orientée vers le soin aux malades
chroniques. C’est lui aussi qui
sera le plus à même de gérer les
comorbidités, grâce au Dossier
Médical Global. Un DMG
qui va devenir électronique
et qui doit être géré par le
patient. C’est ça l’avenir.
Quelle approche préconiseriez-vous pour les maladies
chroniques les plus
fréquentes telles l’hypertension et les troubles mentaux ?
En matière d’hypertension, la
première chose à faire est de développer la prévention secondaire.
Un hypertendu bien soigné sera
bien protégé. “Bien soigné” signifie qu’il prend ses médicaments
et qu’il est bien suivi. C’est crucial
parce que les conséquences de
l’hypertension sont sournoises :
infarctus, accident cardiovasculaire, perte d’autonomie avec un
coût énorme pour la société. Ce
rôle du généraliste est crucial. En
ce qui concerne la santé mentale,
la politique de dés-hospitalisation le fameux “article 107”, est
tout à fait pertinente. La maladie
Quel rôle pour le généraliste ?
que prennent les patients en
ambulatoire, qui prescrit et ce
que l’on prescrit. Par contre, il
nous manque les diagnostics
ambulatoires. La solution réside
dans le DMG électronique. Avec
ces données en plus, on pourrait connaître parfaitement
l’épidémiologie de ce pays, qui
est vraiment approximative pour
le moment. Couplées aux données sociales des mutualités, peu
accessibles actuellement, cela
pourrait même permettre de dessiner un plan de santé publique
et d’élaborer des recommandations officielles, basées sur des
données épidémiologiques indéniables et non uniquement sur
des critères budgétaires.
propos recueillis
par Stéphanie Brisson
Le rôle du généraliste c’est aussi de suivre les
maladies chroniques comme le diabète.
Un DMG qui, à long
terme, pourrait aussi
être un outil de suivi
épidémiologique de la
population ?
Oui! Parce que même si
aujourd’hui on vit dans un
pays où il y a beaucoup
de données, il reste des
choses à débloquer. Le
résumé clinique minimum
est quelque chose de
génial : on connaît tous les
diagnostics hospitaliers et
on sait ce qui a été tarifé.
Aucun pays n’a ce type
de données ! On a aussi
les données Pharmanet :
on sait exactement ce
15
Espace prestataires
30 millions d’euros
C’est le subside que l’hôpital
universitaire d’Anvers (UZA) a reçu
de la Commission européenne afin
de coordonner une vaste recherche
internationale sur les lésions
traumatiques cérébrales.
1.300.000.000 e
C’est la somme des investissements réalisés
par les hôpitaux belges publics et privés en
2012. Selon l’étude Maha de Belfius.
Important : les affiliés flamands et bruxellois
néerlandophones d’Euromut changent de mutualité!
Information importante à noter : au 1er janvier 2014, les assurés de la Région flamande ainsi que les
assurés néerlandophones de la région bruxelloise d’Euromut feront l’objet d’une mutation collective vers
Partena Ziekenfonds.
Des règles particulières ont été élaborées pour :
• Les hôpitaux : les changements seront communiqués via Carenet.
• Les infirmières : les informations peuvent être obtenues via MyCarenet. Les accords médicaux et notifications des patients concernés seront automatiquement repris par Partena Ziekenfonds. • Pharmaciens : la facturation étant basée sur les engagements de paiements, elle ne sera pas impactée. • Prestataires en facturation électronique: ils sont invités à consulter le portail www.4cp.be afin de
d’identifier la mutualité d’appartenance de leurs patients.
• La facturation du tiers-payant des médecins généralistes : pour les médecins qui pratiquent le tierspayant manuel, la correction se fera automatiquement par l’organisme assureur lorsque la vignette
précisera un identifiant Euromut (509) au lieu de Partena Ziekenfonds (526). Pour les offices de tarification qui assurent le traitement du tiers-payant manuel pour les médecins, ils sont invités à consulter le
portail www.4cp.be afin de déterminer la mutualité d’appartenance des patients concernés.
Pour de plus amples informations, vous pouvez nous contacter au n° 02 778 95 55 ou via [email protected]
Assistant en soins bucco-dentaires :
un nouveau métier à venir ?
Une bonne hygiène buccale est essentielle dans la prévention des inflammations
de la bouche. De plus en plus, la prévention est nécessaire, que ce soit dans le
cabinet du dentiste ou pour les patients institutionnalisés (personnes âgées et/
ou handicapées). Le dentiste pourrait être utilement aidé dans cette tâche par
un assistant en soins bucco-dentaire. Celui-ci constitue aussi un soutien nécessaire des cabinets de groupe. Le Conseil de l’Art dentaire a remis un avis dans
ce sens au SPF Santé publique. Cet avis détaille, entre autres, les tâches qui
incomberaient à l’assistant en soins bucco-dentaire : contacts avec les patients,
information en matière d’hygiène buccale, collecte de données de santé, prise
d’empreintes, parmi d’autres. Un avis actuellement à l’étude.
www.health.belgium.be
16
75%
des médecins
estiment que
l’homéopathie n’a
pas sa place dans
les soins de santé
officiels.
Selon une étude du
Journal du Médecin.
Espace prestataires
Nutrition et santé : 50.000 internautes belges recherchés !
Parler de ses habitudes alimentaires et de ses
activités physiques afin d’aider au progrès de la
recherche et de la prévention en nutrition et santé.
Et ça à une échelle européenne. Telle est l’ambition
de l’étude Nutrinet–Santé qui est à la recherche de
500.000 internautes francophones européens qui
seront suivis pendant 5 ans. Cette étude publique
non commerciale souhaite pouvoir mieux étudier
les liens entre la nutrition et la santé pour faire face
aux enjeux majeurs de santé publique que sont les
cancers, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le
diabète, l’hypertension ou encore le vieillissement.
Les coordinateurs belges de l’étude recherchent
50.000 Belges pour répondre à des questions sur
l’alimentation (3 enregistrements alimentaires de
24h), l’activité physique, les poids et taille, l’état
nutritionnel et sur les facteurs influençant les
comportements alimentaires. Dans le cadre de
leur suivi, les “Nutrinautes” recevront chaque mois
un e-mail les informant de l’avancement de l’étude
et les invitant à remplir d’éventuels questionnaires
complémentaires (20 minutes maximum par mois
pour remplir un questionnaire). Des données seront
également collectées sur la santé des participants.
En Belgique, le projet est soutenu par la Fédération
Wallonie-Bruxelles et coordonné par le Professeur
Jean Neve (ULB Bruxelles) et le Professeur Véronique
Maindiaux (Institut Paul Lambin, Bruxelles).
Plus d’infos et inscription à l’étude
sur www.etude-nutrinet-sante.be
Voici les champions de la “littératie en santé” !
Ecole de la Sclérose
en Plaques : mieux
vivre avec la maladie
Un cycle de 5 matinées d’informations sur la sclérose en plaques
sera organisé dès janvier 2014 pour
les personnes diagnostiquées depuis
moins de 2 ans et leur entourage.
L’objectif de ces sessions est de
répondre aux interrogations sur la
maladie et son évolution, sur les traitements, sur les conséquences sur la
vie familiale et professionnelle. Les
thèmes suivants seront donc abordés : les symptômes, la recherche
sur la maladie, la qualité de vie,
l’impact sur les divers aspects de la
vie sociale et enfin, un focus sur le
bien-être lors de la dernière matinée.
La littératie en santé ou “Health Literacy” est un terme qui désigne
la capacité d’une personne à chercher, comprendre et utiliser
l’information santé. 35 projets visant l’amélioration de la littératie
en santé ont été proposés lors de la première édition des Well Done
Awards, lancée au printemps 2013. Ce sont 3 de ces projets qui ont
été distingués par un jury composé de 12 partenaires de la santé
dont les Mutualités Libres.
• Le Centre d’expertise des soins de maternité Volle Maan
(Bruxelles) a développé un kit de prévention qui tient compte
des différences culturelles pour les femmes vulnérables (issues
de l’immigration ou menacées d’exclusion). Le projet propose
également d’accompagner les organisations qui s’adressent
à ce groupe cible pour leur apprendre à travailler avec le kit
d’éducation.
• Le Centre de digestion Maria Middelares (Gand) a imaginé une
application web spécialement conçue comme moyen de communication complémentaire afin d’améliorer la transmission
d’informations entre le médecin et le patient hospitalisé. Pour
rendre l’information médicale plus accessible, le centre a ajouté
sur son site web des dossiers interactifs illustrés. Ceux-ci sont
aussi disponibles au chevet du patient hospitalisé.
• Le CHU St. Pierre (Bruxelles) a soutenu la création d’un journal
trimestriel publié par les jeunes atteints de l’infection par le VIH
suivis au service de pédiatrie du CHU Saint-Pierre. Ce projet vise
à aider ces jeunes à comprendre leur maladie. Avec “L’Indétectable”, ils peuvent partager leurs difficultés et questions, ce qui
préoccupe leur esprit et se sentir moins stigmatisés.
www.welldoneawards.be
www.ms-sep.be, rubrique “activités”.
17
Espace prestataires
Le patient “nouveau” est-il le bienvenu ?
Yvo Nuyens
L
Le paysage des soins de santé a fort changé ces dernières années. Les médecins
sont aujourd’hui confrontés à des patients informés et assertifs, qui ne posent
pas seulement des questions, mais exigent des réponses. Le monde médical
reconnaît une amélioration des soins de santé lorsque les patients y sont
activement impliqués. Mais le système des soins de santé belge est-il prêt à
partager les commandes avec le patient ?
e temps où le médecin
généraliste délivrait son
diagnostic dans un jargon
médical incompréhensible au
patient qui opinait de la tête et se
taisait, est définitivement révolu.
À l’heure actuelle, beaucoup de
patients savent déjà plus ou moins
ce qui ne va pas avant d’entrer
dans le cabinet du médecin.
Yvo Nuyens, ancien professeur
en sociologie médicale et exdirecteur de programme de
l’OMS, a suivi cette évolution
de près. Quarante ans après un
premier ouvrage sur la question,
il présente un nouveau livre sur
l’implication du patient, écrit en
collaboration avec une vingtaine
d’autres auteurs.
“Les individus deviennent de plus
en plus loquaces et critiques,
18
déclare Yvo Nuyens. Cela vaut
aussi pour les soins de santé :
les patients demandent à être
écoutés et à recevoir de leur
médecin une réponse adaptée.
L’offre pure et simple de services
de soins se transforme en soins
organisés selon la demande, avec
une attention accrue sur l’aspect
participatif.”
Participation à trois
niveaux
Les citoyens et patients peuvent
participer aux soins à trois
niveaux. Au niveau de la relation
de soins individuelle (niveau
micro), des hôpitaux et institutions de soins (niveau méso) et
de la politique de soins fédérale
et régionale (niveau macro).
“En ce qui concerne le niveau
micro, de nombreux progrès
ont déjà été accomplis, affirme
Yvo Nuyens. Depuis 2002, les
droits du patient sont fixés : libre
choix du prestataire de soins,
droit à des informations claires,
accès au dossier médical… La
responsabilité accordée au
patient est toujours plus grande.
Être malade ou en bonne santé
dépend aujourd’hui davantage
de notre mode de vie (tabagisme,
activité physique, alimentation…)
que des bactéries et virus. Le
médecin généraliste devrait donc
davantage conseiller, mais la
nomenclature ne le rembourse
pour l’instant que pour des prestations techniques, et pas pour
des prestations intellectuelles.
Le ‘paiement à l’acte’ qui domine
Espace prestataires
les soins de santé belges est donc
contreproductif pour les patients.
Il suffit parfois que le médecin
généraliste discute calmement
avec son patient.”
D’importants développements ont
également récemment eu lieu au
niveau meso. “Dans un avenir
proche, les hôpitaux devraient
impliquer les représentants des
patients dans l’évaluation des
traitements ou l’amélioration de
leur politique générale, estime
Nuyens. ICURO, la coupole
flamande de 27 hôpitaux avec
des partenaires publics, a déjà
élaboré des recommandations
quant à l’implication de la
représentation des patients
dans les hôpitaux. Les autorités flamandes sont d’autre
part en train de développer des
indicateurs de qualité pour les
hôpitaux.” Côté francophone, la
Ligue des usagers des services
de santé (LUSS) a lancé, en
collaboration avec les acteurs
du secteur, une réflexion sur la
participation des patients au sein
des hôpitaux.
Le bât blesse toutefois au niveau
macro. À l’heure actuelle, la prise
de décision en Belgique est un
modèle impliquant plusieurs
acteurs (représentants des prestataires de soins, mutualités,…)
qui siègent au sein d’une commission de concertation. Ils sont
censés défendre les intérêts des
citoyens et patients, mais leur voix
a-t-elle suffisamment de poids ?
Trop souvent, nous entendons
que des décisions dans le secteur des soins sont prises sans
tenir compte de l’avis du citoyen,
très certainement en matière
de remboursements ou de priorités de santé. “A l’étranger, il y
a quelques beaux exemples de
participation du citoyen, explique
Yvo Nuyens. J’ai déjà participé à
un citizens’ panel à Manchester.
L’administration locale y organisait, dans le cadre du ‘National
Health Service’ anglais, une série
de réunions publiques qui abordaient des thèmes comme les
soins aux plus âgés et les listes
d’attente. Tout le monde était le
bienvenu et pouvait participer
à la discussion et apporter sa
contribution.”
Préférences sociétales à
l’étude
Le Centre fédéral d’expertise
des soins de santé (KCE) plaide
également pour davantage
d’implication des citoyens. Le
centre estime que les décisions
politiques en matière de soins de
santé doivent refléter les valeurs
sociétales. Impliquer directement
les citoyens et les
Trop souvent, des
décisions dans le
secteur des soins sont
prises sans tenir compte
de l’avis du citoyen.
patients dans la prise
de décision semblerait déjà être
une manière d’atteindre cet
objectif. Le KCE analyse toutefois
actuellement d’autres modèles
possibles de collaboration, explique Raf Mertens, directeur
général du Centre d’expertise.
“Nous collaborons de manière
intensive avec l’université de
Twente (Pays-Bas), qui dispose
d’une grande expertise en matière
de participation du citoyen. Les
citizens’ panels sont très certainement des sources d’inspiration,
même si pour le contexte belge,
nous n’envisageons pas encore
des réunions ou des débats. Nous
analysons plutôt une possibilité
d’approche via des enquêtes, qui
permettraient d’évaluer les préoccupations des individus”.
Début de cette année, le KCE a
analysé la faisabilité et l’acceptabilité de la participation des
citoyens et patients au niveau
macro. Dans ce contexte, il a
interrogé les acteurs du système
de santé, y compris ceux qui ne
participent pas encore à la prise
de décision. Les avantages de la
participation sont clairs : une
meilleure compréhension et une
plus grande prise de conscience
publique des intéressés, ce qui
peut déboucher sur une plus
grande responsabilité individuelle
et collective. “Selon notre enquête,
les patients doivent de préférence
être consultés pour les décisions
relatives au remboursement de
produits et services, tandis que
les citoyens doivent de préférence
l’être pour les décisions relatives
à l’établissement des priorités
budgétaires, explique Raf Mertens. Les deux peuvent donc jouer
un rôle important, mais d’un point
de vue différent : le patient en tant
que représentant du terrain et le
citoyen en tant que contribuable.”
Peur du changement
Le système de soins belge est-il
prêt pour cette participation ?
L’enquête du KCE révèle à ce propos qu’un quart des acteurs est
fermement opposé à la participation directe du citoyen aux débats
relatifs aux remboursements et
priorités en matière de soins de
santé.
“Il n’est pas étonnant que les
réactions ne soient pas toutes
positives, explique Raf Mertens.
La peur du changement et de
l’inconnu joue clairement un
rôle. Certains craignent que
cette participation entraîne une
démocratisation complète de
l’offre de soins et qu’une culture
de consommation des soins
s’installe. Les réactions négatives
sont surtout celles des personnes
sans expérience dans le domaine.
Les répondants expérimentés
sont généralement favorables à la
participation du patient/citoyen.”
Hellen Smeets
[email protected]
19
Espace prestataires
Le généraliste,
acteur-clé de la prévention
Un des moyens d’agir sur les maladies chroniques et les coûts qu’elles engendrent
est de miser plus sur la prévention. Qu’elle soit primaire ou secondaire, elle a toute sa
place dans le cabinet du généraliste. Dépistages, promotion de la santé, hypertension,
maladies cardio-vasculaires sont autant de domaines dans lesquels la contribution du
médecin généraliste est cruciale.
R
égulièrement mise à jour, la définition européenne de la profession de généraliste de la
WONCA* proclame la promotion de la santé et
la prévention des maladies comme une des composantes du métier. Une position défendue et soutenue
chez nous tant par la Société scientifique de Médecine
générale (SSMG) que par Domus Medica.
“La SSMG défend le rôle central du médecin de
famille dans la prévention. Il est le professionnel de
santé le plus proche, le plus accessible et le plus
souvent rencontré par la population, explique Thierry
Van der Schueren, médecin généraliste et secrétaire
général de la SSMG. De plus, c’est lui qui détient le
plus d’informations à propos des patients, un rôle
centralisateur renforcé et reconnu par l’existence du
dossier médical global (DMG)”.
Diversité des missions de prévention
Que ce soit en termes d’éducation à la santé ou
d’accompagnement d’une maladie, le médecin généraliste peut intervenir dans de nombreuses actions de
prévention. La liste est longue : “Soutenir et encourager un mode de vie sain en termes d’alimentation,
d’exercice physique, de tabac ou d’alcool, veiller à la
vaccination, contrôler les facteurs de risque cardiovasculaire, assurer le dépistage du cancer chez les
patients à haut risque familial, proposer les dépistages
du cancer validés à certains groupes cibles (sein, col
de l’utérus et cancer colorectal), poursuit Thierry
Van der Schueren, décourager le sur-dépistage
comme la mammographie tous les ans, déconseiller
les dépistages non validés (cancer prostate, cancer
du poumon) ou encore éviter la surmédicalisation,
source de stress et d’irradiations inutiles”.
Des éléments qui ont clairement été remis entre les
mains du médecin généraliste dans le cadre du DMG+,
un dossier médical agrémenté d’un volet préventif
pour les patients de 45 à 75 ans. Le DMG+ remporte
un succès encore débutant, notamment en Wallonie
où seuls 3% des patients sont suivis (pour comparaison : 4,3% en Flandre et 3,6% à Bruxelles). Au sein
des sociétés de médecine générale, de gros moyens
ont été mis en œuvre pour soutenir les généralistes
dans la mise en place du DMG+. Des formations et
de l’information online du côté francophone et un
“gezondheidsgids” en Flandre, un kit qui permet au
médecin de suivre un trajet de prévention complet
avec son patient.
Un rôle crucial mais difficile à tenir
“Le médecin généraliste perçoit actuellement la prévention comme faisant partie de son rôle en étant un
conseiller scientifique de proximité : il informe son
patient de ce qui est utile pour sa santé, pour éviter
la survenue de pathologies chroniques en lui suggérant des modifications de comportement “, explique
Thierry Van der Schueren.
Pour la profession, la mission de prévention est donc
clairement intégrée même s’il n’est pas toujours
facile d’y consacrer du temps. “Comme les contacts
avec les patients sont motivés par des plaintes, les
généralistes ne s’occupent de prévention que quand
ils ne sont pas surchargés. Cette activité vient donc
souvent au second plan, rapporte le représentant
de la SSMG. Le manque de temps et le manque de
demande explicite du patient sont en effet les deux
freins les plus souvent cités par les généralistes pour
expliquer leur faible activité préventive”. Peut-être
est-il enfin temps d’assurer une meilleure convergence des démarches préventives entre les médecins
qui doivent être plus impliqués, les patients plus
demandeurs, les mutualités encore plus proactives
en matière d’information et les autorités qui devraient
mieux sensibiliser le public.
*World Organization of National Colleges, Academics and Academic Associations of General Practitioners
Stéphanie Brisson
[email protected]
20
Espace prestataires
Le Débat
Dr Koen Verhofstadt,
médecin généraliste à Gand
Bien que les médecins généralistes ne soient pas toujours
d’accord avec le comportement prescripteur des spécialistes,
il est délicat pour eux de ne pas prolonger leurs prescriptions.
Cette situation soulève des questions sur le rôle, la responsabilité et l’identité du premier prescripteur. Le Dr Koen Verhofstadt,
médecin généraliste à Gand, et le Professeur Guy Van Camp,
président de la Belgian Society of Cardiology, nous exposent
leur vision sur le sujet.
Prof. Guy Van Camp,
président de la Belgian Society of Cardiology
”Pas de discussion sur la base
de la hiérarchie !”
“Conclure des accords dans le
respect mutuel”
“Rilatine, antidépresseurs,… Il est exaspérant de
constater que les médias pointent souvent le médecin généraliste du doigt pour son comportement
prescripteur. Qu’en est-il des pédiatres, internes,
gériatres, psychiatres et neurologues ? La responsabilité d’une prescription relève en effet toujours du
prescripteur, peu importe qu’il s’agisse d’un médecin
généraliste ou d’un spécialiste.
La première question essentielle est la relation entre
le patient, le médecin généraliste et le spécialiste.
C’est elle qui définit à qui incombe la responsabilité
finale. Dans l’intérêt des personnes qui prennent
beaucoup de médicaments prescrits par différents
spécialistes, le généraliste doit souvent “assainir”.
L’éventuelle différence d’opinion entre le médecin
généraliste et le spécialiste doit être basée sur
l’”Evidence Based Medicine” (EBM). L’influence et
la hiérarchie jouent aussi un rôle important. Les
médecins généralistes qui suivent toujours ce que le
spécialiste dit, un interne qui suit les directives d’un
hôpital,… En agissant de la sorte, ils ne font pas de
l’EBM leur critère principal. Ce principe a pourtant
permis l’émancipation du médecin généraliste et la
réévaluation de son rôle. Si un spécialiste propose
des médicaments avec lesquels le médecin généraliste n’est pas d’accord, il dispose des arguments EBM
pour amorcer une discussion rationnelle. Celle-ci sert
l’intérêt du patient avant tout. Je plaide donc pour une
discussion adulte entre médecins, sur la base de la
science et non sur la base de la hiérarchie et encore
moins sur la base de l’industrie.
Je recommande également un dialogue avec le patient
qui choisit qui il souhaite “suivre”. En cas de divergence d’opinion, nous devons informer le patient des
arguments du spécialiste et du médecin généraliste.
Au bout du compte, la décision finale lui revient.”
“La responsabilité de la prescription médicale relève
uniquement du prescripteur. Nous ferions dès lors
mieux de discuter de l’influence qu’un médecin
prescripteur peut avoir sur le comportement et les
attentes du patient vis-à-vis de la consommation
future de médicaments. Il n’est en effet pas aisé
pour un patient de comprendre qu’un médecin soit
en faveur d’un certain médicament, alors qu’un autre
le déconseille formellement.
Tout comme la relation entre le patient et le médecin,
la relation entre le spécialiste et le médecin généraliste est très importante. L’objectif final est simple :
fournir des soins de qualité optimaux, en tenant
compte des dernières preuves médicales disponibles.
L’EBM fait toutefois encore défaut dans de nombreux
domaines, la médecine est encore un “art” et pas une
science exacte. Les avis entre médecins peuvent dès
lors diverger et ce n’est pas honteux. Le médecin a
la liberté individuelle d’expliquer son choix médical
au patient et de le défendre. Et le patient a le droit de
faire ses propres choix dans le cadre d’une relation
de confiance entre patient et médecin.
Ceci étant dit, il va de soi qu’il est préférable de
conclure des accords entre spécialistes, hôpitaux et
médecins généralistes pour gérer le comportement
prescripteur de la manière la plus collégiale possible,
sans porter atteinte à la liberté thérapeutique. Les
spécialistes vont ainsi souvent plutôt donner des avis,
formuler des propositions et rédiger une première
prescription, alors que le médecin généraliste se
chargera du suivi. Comme souvent, il n’existe toutefois pas de loi dans ce domaine et le respect mutuel
est donc de mise !”
Avertissement : les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leur signataire.
21
Espace prestataires
Réduire d’un jour le séjour en maternité :
une bonne idée passée la trappe ?
Cette proposition avait fait couler beaucoup d’encre l’été dernier : réduire d’un jour
le séjour remboursé en maternité après un accouchement. Alors que la population
s’étonnait de constater que la Duchesse Kate Middleton quittait l’hôpital 24 heures après
avoir accouché, le Dr Marc Moens, Vice-Président de l’Absym, avait saisi la balle au bond
pour braquer les projecteurs sur la possibilité de faire des économies en réduisant
le séjour en maternité. Cette proposition a été refusée par la cellule stratégique du
cabinet Onkelinx.
C
ertes, l’objectif du Dr Moens n’était pas de compa- et au développement des soins à domicile. “Quand j’ai
rer la situation de son Altesse royale la Duchesse commencé, la durée du séjour était de 8 à 10 jours,
de Cambridge, de retour dans son palais entourée
révèle le Dr Michel Masson. Aujourd’hui, on est à une
des meilleures nurses, avec celle des futures mamans moyenne de 4,5 jours. Existe-t-il un niveau incombelges. Mais plutôt de mettre en lumière l’économie pressible ? Dans certains pays, on va encore plus
importante que représenterait la diminution d’une seule
loin. Aux USA, la journée d’entretien est tellement
journée sur le séjour en maternité. En Belgique, après chère que les femmes accouchent, passent une nuit
un accouchement normal (par voie basse), une jeune à l’hôpital et puis s’en vont “.
mère séjourne en moyenne
Et que dire des autres pays
4,5 jours en maternité*. Ce
européens ? D’après les
qui place notre pays en tête
chiffres 2012 de l’OCDE, la
du classement des séjours
France suit notre pays avec
Au Danemark, les jeunes mamans
les plus longs sur les 12 pays
une moyenne de 4,2 jours
européens étudiés par l’OCDE.
tandis qu’au Royaumeséjournent en moyenne 1,6 jour à
Si l’on considère qu’environ
Uni, ce chiffre n’est plus
la maternité, en Suède 2,2 jours et
120.000 accouchements ont
que de 1,5 jour ! Que ce
en Espagne 2,5 jours.
lieu sur une année pour un
soit en hôpital public ou
prix moyen de 275 euros par
en clinique privée, toutes
jour, une réduction d’une
les femmes britanniques
seule journée d’hospitalisasont logées à la même ention permettrait de réaliser une économie de 33 millions seigne. Au Danemark, les jeunes mamans séjournent
d’euros par an. Un montant non négligeable en ces
en moyenne 1,6 jour à la maternité, en Suède 2,2 jours
temps difficiles, mais qui ne doit pas être considéré et en Espagne 2,5 jours. Aucune raison médicale ne
comme pur bénéfice. “Un calcul coût-efficacité doit être peut justifier une telle différence de pays à pays dans
réalisé, explique le Dr Michel Masson, gynécologue- la durée du séjour en maternité après un accoucheobstétricien et secrétaire général de l’ABSYM. Mettre ment normal.
en place des équipes de soins à domicile a un coût, “Nous sommes favorables à une réduction d’un
mais probablement moins élevé que l’hospitalisation”. jour du séjour en maternité, révèle le Dr Johan Van
Wiemeersch, gynécologue obstétricien et président
de l’Association professionnelle des obstétriciens et
Tendance à la baisse
gynécologues belges. Si on passe de 4,5 à 3,5 jours,
Ces dernières années, avec l’évolution des techno- cela n’aura aucune conséquence négative sur la santé
logies médicales, la tendance est pourtant à une
des mamans. On élimine juste un jour d’hôtel. Bien
diminution de la durée de l’hospitalisation en général entendu, les femmes qui ont subi une césarienne, un
* Chiffres 2012 de l’OCDE
22
Espace prestataires
accouchement compliqué, une grande épisiotomie,
un travail de plus de 24 heures, etc. n’entrent pas
en ligne de compte. On ne parle que des accouchements sans complications, qui représentent la grande
majorité.”
Et les hôpitaux ?
120.000 journées d’hospitalisation économisées, c’est
aussi 120.000 journées d’hospitalisation en moins
pour les hôpitaux. L’accouchement est en effet l’acte
médical le plus fréquent en milieu hospitalier. Réduire
le séjour en maternité impliquerait de revoir la politique de financement des hôpitaux. “Le financement
des hôpitaux est en train d’évoluer vers un système
de forfaitarisation, explique le Dr Van Wiemeersch. Si
on applique ce système à l’accouchement, le coût ne
serait plus lié au nombre de jours d’hospitalisation
et cela permettrait de compenser la réduction d’une
journée. Pour les gynécologues, il n’y aurait pas d’impact financier car les honoraires de l’accouchement
comprennent les honoraires de surveillance pendant
5 jours”. L’été dernier, la tâche d’évaluer l’intérêt de
diminuer le séjour en maternité avait été dévolue à un
groupe de travail de l’INAMI, réunissant médecins et
mutuelles. Peu de temps après, la proposition a été
rejetée par la cellule stratégique du cabinet Onkelinx
parce que ce projet ne visait qu’un service hospitalier
en particulier et que l’investissement dans des soins
spécifiques à domicile impliquait un coût supplémentaire pour lequel aucun financement n’existait…
Affaire à suivre.
Retour précoce
En Belgique, plusieurs hôpitaux proposent déjà un système de suivi à domicile, mis en place par les équipes
de sages-femmes, pour les jeunes mères qui souhaitent
quitter la maternité de manière précoce. Ce ne sont
encore que des initiatives locales. Certaines sagesfemmes indépendantes sont également spécialisées
dans les soins et la surveillance à domicile juste après la
naissance. La grande majorité des sages-femmes étant
conventionnées, les soins à domicile sont entièrement
remboursés, excepté le déplacement et éventuellement
le matériel. “Cela représente une sérieuse économie
pour la patiente, confie Christine Johansson, présidente
de l’Union professionnelle des sages-femmes belges.
Une journée d’hospitalisation sans les soins, c’està-dire rien que le fait d’être dans un lit et l’hôtellerie,
revient déjà à environ 275 euros par jour. En termes de
récupération de la maman et du bébé, du confort, de la
réussite de l’allaitement, je pense qu’il est bénéfique
d’être à la maison. Cela permet aussi d’avoir un suivi
plus personnalisé plutôt que d’avoir plusieurs intervenantes”. A l’heure actuelle, le retour précoce à domicile
(au jour 1) ou la diminution de son séjour à la maternité
sont des alternatives qui existent déjà, mais qui sont peu
connues des jeunes mamans. “Les gynécologues n’en
parlent pas à leurs patientes et les hôpitaux sont méfiants, ils préfèrent se couvrir. Il y a vraiment un manque
d’information auprès des structures hospitalières et
médicales”, souligne Christine Johansson.
Nathalie Renna
[email protected]
L’avis des Mutualités Libres
Budget plus important pour les sages-femmes
et respect des recommandations de bonne pratique
Il est vrai que pour un accouchement normal, la
durée du séjour pourrait être écourtée. Il vaut
cependant mieux se concentrer sur la qualité des
soins apportés à la mère et à l’enfant. Si le prix
d’un accouchement normal pouvait être proposé
en forfait, cela devrait se faire sur base des recommandations de bonne pratique. Bien entendu, un
accouchement avec complications devrait toujours
bénéficier de soins sur mesure.
Une condition indispensable du retour précoce
de la mère et de son enfant à la maison est aussi
l’organisation optimale des soins postnataux par
des sages-femmes. Ce qui nécessiterait un budget
plus important pour cette profession. Actuellement,
le budget prévu pour les soins effectués par les
sages-femmes (pré- et post-nataux et accouchement) s’élève à seulement 0,066% du budget total
des soins médicaux. Le KCE est occupé à travailler sur une analyse du modèle intégré des soins du
post-partum dans un contexte belge comprenant
une optimalisation des coûts et de la qualité des
soins prodigués à la mère et à l’enfant. Attendons
les résultats pour nous positionner.
23
Espace prestataires
Maladies rares :
accélérer l’accès aux traitements
Tant au niveau européen que national, la mise sur le marché de médicaments est
strictement réglementée. Quid des affections rares pour lesquelles il faut agir
rapidement ? Pour ces “besoins médicaux non satisfaits”, une procédure accélérée
est nécessaire pour permettre une plus grande sécurité légale aux prescripteurs et
diminuer les délais de remboursement. Des exemples internationaux existent déjà.
En Belgique aussi on se penche sur cette question.
P
our de nombreux patients
atteints d’une maladie rare
grave, les médicaments
efficaces font défaut. Il est alors
question d’un “besoin médical non
satisfait” (unmet medical need).
Depuis 2007, il existe dans notre
pays un cadre juridique qui permet de délivrer un médicament
avant son autorisation de vente
et sa mise sur le marché pour
une indication particulière. On
parle alors d’”usage compas-
24
sionnel” ou de “programmes
médicaux d’urgence”. Mais seul
un petit nombre de patients peut
faire appel à ces programmes.
Plusieurs pays testent des procédures expérimentales afin d’offrir
aux prescripteurs une meilleure
sécurité juridique et de réduire
les délais durant lesquels aucune
forme de remboursement n’existe.
Citons par exemple les “autorisations temporaires d’utilisation”, en
France.
Et en Belgique ?
Une procédure accélérée est également en cours d’élaboration en
Belgique. En septembre, ce point
était à l’ordre du jour du Conseil
des Ministres et la nouvelle réglementation verra sans doute le jour
à la nouvelle année.
Important : cette procédure est
exclusivement destinée aux maladies graves qui menacent la vie
et pour lesquelles il n’y a pas de
Espace prestataires
traitement alternatif, et ce pour
des patients pour lesquels la procédure habituelle retarde l’accès
au traitement pour de nouvelles
indications. Les procédures et délais de remboursement habituels
ne sont pas impactés. Le principal
défi consistera à maintenir ce
système gérable d’un point de vue
administratif et économique et
d’éviter qu’il n’entre en conflit avec
les procédures régulières.
Quelques éléments-clés
Le développement technique de
cette procédure accélérée passe
par le Fonds spécial de solidarité (FSS). Ce fonds comporte une
section “technologies innovantes”,
mais les médicaments n’en font
pas partie. Un article spécifique va
changer les choses. Une Commission spécifique sera mise en place
pour développer des propositions
de cohorte, dont des critères d’in-
clusion/exclusion, les montants
des interventions, les exigences
vis-à-vis du prescripteur/centre,
les délais pour les demandes de
mise sur le marché/remboursement, la tenue d’un registre,…
En concertation avec le service
Budget, il est possible aussi de
proposer un contrat de maîtrise
des coûts (“cost-containment”).
Tant les sociétés pharmaceutiques que la Ministre de la Santé
publique peuvent introduire des
demandes d’inscription sur la
liste des besoins médicaux non
satisfaits. Ils ont jusqu’au 15 mai
pour le faire et le Conseil général
établira la liste définitive pour
l’année suivante le 31 octobre.
Pour ce faire, il tient compte des
avis de la nouvelle Commission et
du Collège des médecins-directeurs (CMD). L’impact économique
et médical joue bien évidemment
également un rôle.
La décision finale relative aux dossiers présentés relève du Collège
des médecins-directeurs (CMD).
Les cohortes approuvées seront
ensuite publiées sur le site de
l’INAMI. Une fois le dossier accepté, tous les patients qui répondent
aux critères ont droit aux mêmes
modalités de remboursement.
Si un patient ne remplit pas les
critères, une demande individuelle auprès du Fonds spécial de
solidarité est toujours possible.
Un budget distinct de 3,5 millions
d’euros est prévu pour le financement du projet, complété par un
transfert (pas encore précisé) de
moyens entre le FSS et le budget
médicaments.
Chris Van Hul,
Expert à l’Union Nationale des
Mutualités Libres
L’avis des Mutualités Libres
Le débat doit se poursuivre
Cette procédure accélérée pour les besoins médicaux non satisfaits est une bonne chose, mais les
Mutualités Libres émettent cependant quelques suggestions :
1. La formule reste une question d’offre et non
de demande. C’est pourquoi il est nécessaire
que la procédure impose un regroupement des
demandes. Un planning peut ainsi être établi, les
demandes peuvent être comparées entre elles,
une liste de priorités peut être établie.
2. Une décision ne peut pas constituer une menace
pour la solidarité en acceptant des interventions
trop élevées. Bien qu’il n’existe pas de prix ou de
montants maximum. Des choix devront être faits
et le débat sociétal doit continuer.
3. L’apport financier de l’industrie pharmaceutique est limité. Certains médicaments qui sont
délivrés gratuitement par les firmes seront
dorénavant financés par l’INAMI. Un partage
des risques serait donc plus approprié. Un cofinancement de l’INAMI et de l’industrie permet
d’augmenter le budget disponible et ces moyens
financiers peuvent être utilisés pour l’innovation
réelle.
4. L’impact de cette procédure accélérée est
difficile à estimer. Les lobbyistes et les sociétés
vont-ils y percevoir un nouveau marché en soustraitance ? Selon quelles directives les sociétés
vont-elles se référer à un scénario de “besoins
médicaux non satisfaits” ?
5. Pour de nombreux médicaments et dans de
nombreuses situations, le prix officiel ne correspond à ce que paye l’assurance maladie. Pour
la procédure relative aux besoins médicaux non
satisfaits, la base de remboursement sera également indépendante du “prix d’achat”. C’est
sans conteste une bonne chose pour le caractère
abordable de notre système de santé, mais les
économistes de la santé repenseront avec nostalgie au temps où ils pouvaient calculer le coût
pour l’INAMI en fonction du prix sur la boîte.
6. Pour la première fois, la possibilité d’un
“enregistrement obligatoire de données” sera
introduite au sein du Fonds spécial de solidarité.
Ces données seront très utiles pour l’appréciation
finale du dossier de remboursement régulier.
25
Etude
Alzheimer : agir à la mesure du phénomène
La maladie d’Alzheimer est la forme de démence la plus répandue. Ce syndrome
affecte la mémoire, le raisonnement, le comportement et la capacité à effectuer les
actes de la vie quotidienne. Il y aurait en Belgique entre 100.000 et 130.000 patients
atteints par la maladie d’Alzheimer. Les Mutualités Libres se sont penchées sur ces
patients particuliers dans une étude longitudinale sur 7 années.
C
ette maladie chronique constitue un véritable
problème de santé publique, tant en nombre de
personnes touchées qu’en termes de coûts directs
et indirects en soins de santé et autres. Les personnes
âgées sont les premières concernées même si dans
certains cas, la maladie peut se déclarer avant 65 ans.
Sur la période 2006-2012, le service Etudes des Mutualité Libres a analysé les caractéristiques et les coûts
pour l’INAMI des consommations en soins de santé de
14.855 affiliés traités par un médicament spécifique
pour la maladie d’Alzheimer. Le remboursement de ce
médicament a été utilisé comme un facteur de diagnostic (proxy) de la maladie d’Alzheimer. Les malades
qui n’ont pas eu de traitement médicamenteux remboursé ne sont donc pas inclus dans l’analyse.
L’évolution des nouveaux cas d’Alzheimer traités
présente une caractéristique qui interpelle. Elle augmente de 2007 à 2010 puis baisse en 2011 et surtout
en 2012.
En l’absence de raisons épidémiologiques ou thérapeutiques, nous identifions deux causes probables :
• En juin 2011 : modification des modalités de remboursement des médicaments spécifiques pour la
maladie d’Alzheimer : le remboursement pour un
Alzheimer sévère a été supprimé.
• En 2012 : contrôle renforcé du chapitre IV dans le
cadre des mesures d’économies imposées par le
gouvernement.
La population a aussi été analysée en fonction de
l’institutionnalisation et de la poursuite du traitement
pour voir s’il y avait des différences entre la prise en
charge à domicile et en institution (tableau 2).
Tableau 1
Caractéristiques “épidémiologiques” générales
Individus Alzheimer
décédés dans l’année
Baseline
population
Cas incidents
Prévalents
en vie en fin
d’année
Prévalence patients
traités par 100.000
affiliés
Incidence patients
traités par 100.000
affiliés
2006
340
4520*
4180
214,4
2007
643
1790
5327
270,4
90,9
2008
904
1766
6189
314,2
89,6
2009
990
1806
7005
355,6
91,7
2010
1165
1819
7659
388,8
92,3
2011
1233
1727
8153
413,9
87,7
2012
1397
1427
8183
415,4
72,4
* L’année 2006 constitue la “photo” initiale de la population étudiée. Les cas prévalents et incidents ne peuvent pas être dissociés.
26
Etude
Tableau 2
Répartition des individus selon l’institutionnalisation et le traitement (TTT).
Alzheimer institutionnalisé vivant
Arrêt TTT ds l’année
en traitement
2006
310
1137
2007
2008
2009
2010
2011
2012
385
460
493
496
626
1179
1405
1633
1814
1965
1948
1241
2007
2008
2009
2010
2011
2012
19%
18%
16%
15%
17%
31%
69%
64%
61%
58%
53%
33%
Alzheimer non institutionnalisé vivant
n’est plus en
traitement
En 2007, 87,3% des patients étaient traités à domicile
et 68,9% dans une institution (MRS/MRPA). En 2010
(l’année précédant les modifications législatives et de
contrôle), ces pourcentages étaient respectivement
de 78,3% et 58,2%. En 2012, le taux de traitement
n’était plus que de 57,8% à domicile et 33,1% en
institution.
Plus globalement, fin 2012, sur les 8.183 patients en
vie, 3.805 sont en traitement (46,5%) alors qu’en 2010,
ils étaient 5.317 sur 7.658 (69,4%) (graphique 1).
La baisse du nombre de patients traités est la
conséquence de la diminution du nombre de patients
nouvellement traités et de l’augmentation des arrêts
de traitement en 2012.
Par ailleurs, nous avons remarqué que l’âge moyen
des individus incidents a tendance à augmenter (+1
an à domicile et +2 ans en institution).
Arrêt TTT ds
l’année
en traitement
n’est plus en
traitement
226
2507
249
454
689
915
1118
1327
281
311
342
396
452
1021
2872
3056
3262
3352
3338
2564
135
275
404
534
670
851
12%
18%
23%
27%
30%
35%
9%
9%
9%
9%
10%
23%
87%
84%
81%
78%
75%
58%
4%
8%
10%
12%
15%
19%
Cette constatation paraît surprenante car les experts
de la pathologie préconisent un diagnostic précoce
de la maladie1.
Il n’existe actuellement pas de traitement curatif de la
maladie d’Alzheimer. Les médicaments2 disponibles
ont uniquement un effet symptomatique et peuvent
permettre de préserver plus longtemps l’autonomie
des patients et d’alléger la charge de l’entourage .
La compliance au traitement
Pour analyser la consommation des médicaments,
nous avons utilisé le DDD (Defined Daily Dose ou
dose quotidienne recommandée établi par l’OMS
pour un individu de 70 kg dans l’indication primaire
du médicament).
Graphique 1
Pourcentage des individus en traitement ou non selon leur statut
2007
2010
2008
2011
2009
2012
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
rrêt TTT ds l’année
A
en traitement
n’est plus en traitement Arrêt TTT ds l’année
en traitement
n’est plus en traitement
Patient Alzheimer institutionnalisé vivant
Patient Alzheimer non institutionnalisé vivant
1 M. Prince, R. Bryce and C. Ferri, Alzheimer’s Disease International, World Alzheimer Report 2011, The benefits of early diagnosis
and intervention. www.alz.co.uk/worldreport2011
2 Donepezil, Rivastigmine, galantamine et memantine
27
Etude
Tableau 3
Consommation annuelle et coût annuel des médicaments Alzheimer
DDDs par individu/an
Patient Alzheimer à domicile
Patient Alzheimer
institutionnalisé
277
335
342
334
336
348
366
275
335
342
344
336
350
375
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Le tableau 3 détaille le nombre de DDDs (potentiellement) pris par un individu sur base des
conditionnements remboursés.
La compliance des patients Alzheimer à leur traitement est excellente (> 90%). En effet, la consommation
moyenne par individu est proche de 365 jours par an.
Les patients semblent traités de manière adéquate ce
qui peut s’expliquer par le fait que ces médicaments
spécifiques ne doivent être prescrits que lorsque la
prise effective de ceux-ci est vérifiée par l’entourage3.
Que coûte à l’INAMI un patient atteint de la
maladie d’Alzheimer ?
Les dépenses pour les médicaments contre l’Alzheimer montrent que le coût du traitement annuel se
stabilise en 2012 aux alentours de 700 euros en
moyenne. L’arrivée des génériques et des grands
conditionnements a permis de réduire le coût du
traitement (tableau 3).
D’autre part, nous avons collecté l’information sur le
remboursement de toutes les prestations en soins de
santé des affiliés des Mutualités Libres traités pour
la maladie d’Alzheimer.
Le graphique 2 reprend, pour les deux groupes de
notre analyse (patients à domicile et patients institutionnalisés) :
• les dépenses moyennes de soins de santé pour
l’ensemble des prestations remboursables (médecins, hospitalisations, examens techniques, forfait
maison de repos, infirmières à domicile,…) (en
rouge)
• les dépenses moyennes pour l’ensemble des médicaments (en vert)
• la dépense moyenne pour les médicaments spéci-
fiques pour la maladie d’Alzheimer (en mauve)
• la ligne bleue représente le nombre de patients
pour chaque année.
Un patient Alzheimer qui est en institution induit une
dépense moyenne INAMI trois fois plus élevée qu’un
patient Alzheimer qui vit à domicile. Cette constatation
est valable pour chaque année étudiée. La différence
d’âge (4-5 ans) constatée entre les patients à domicile
et en institution pourrait expliquer une partie de la
différence de coûts.
En 2012, la dépense INAMI moyenne globale par
patient est de 18.000 euros par an en institution et
6.000 euros à domicile. Entre 2006 et 2012, ce coût
a augmenté de 4.500 euros par personne en in­
stitution, contre 1.500 euros à domicile. Malgré ce
constat favorable à la prise en charge à domicile, la
proportion des patients Alzheimer séjournant en in­
stitution a continué à croître, passant de 41% en 2006
à 50% en 2012, soit une augmentation de 9%. Cette
constatation contraste avec les données collectées
par la Fondation Roi Baudouin qui estiment à 30%
les patient en institution. Ceci peut s’expliquer par le
mode de sélection de la population de notre étude.
Nous observons également que les dépenses totales
en soins de santé des patients à domicile se stabilisent au cours du temps alors qu’en institution, ces
dépenses augmentent chaque année. Le principal
inducteur des coûts en institution s’avère être le
forfait attribué aux MRS/MRPA. Tous les autres coûts
(consultations, hospitalisations, examens techniques,..) augmentent mais dans une moindre mesure
et sont comparables à domicile et en institution.
De manière générale, les coûts de soins de santé
totaux à charge de l’INAMI des patients Alzheimer
vivant à domicile sont plus faibles chez les patients
traités par médicament que chez ceux qui ont arrêté
3 Cf. Notice et RCP (Résumé et caractéristiques du produit) sur www.afmps.be
28
Dépenses moyennes pour les médicaments pour Alzheimer
689.53€
824.92€
836.79€
823.23€
799.18€
805.85€
675.95€
712.82€
841.29€
855.65€
847.57€
805.34€
822.76€
723.99€
Etude
Graphique 2
Les dépenses moyennes INAMI des patients traités pour la maladie d’Alzheimer
Montant total en soins de santé
Dépenses médicaments
Dépenses médicaments Alzheimer
N
20000
18000
16000
14000
12000
5000
4500
4000
3500
3000
10000
8000
2500
2000
6000
4000
1500
1000
2000
0
500
0
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2013
Arrêt TTT ds l’année
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2013
en traitement
Patient Alzheimer non institutionnalisé (= à domicile)
le traitement (différence de 20% en 2012). Plusieurs
hypothèses pourraient expliquer cette constatation :
• soit les médicaments ont un effet;
• soit on ne traite que les stades plus légers (les coûts
augmentent avec la sévérité de la maladie);
• soit le traitement est arrêté en raison d’autres
problèmes médicaux ou d’une aggravation de la
maladie d’Alzheimer, ce qui expliquerait les coûts
médicaux plus élevés des patients qui arrêtent dans
l’année.
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2013
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2013
Arrêt TTT ds l’année
en traitement
Patient Alzheimer institutionnalisé vivant
Les dépenses moyennes pour l’ensemble des médicaments remboursables sont stables dans le temps et
comparables d’un groupe par rapport à l’autre. Il n’y
a pas de différence notable entre les patients traités
à domicile et ceux traités en institution.
Rudy Van Tielen
Dr. Ingrid Umbach
Service Etudes des Mutualités Libres
L’avis des Mutualités Libres
Favoriser le maintien à domicile et soutenir les aidants L’étude montre que les dépenses INAMI des patients Alzheimer vivant à domicile sont 3 fois moindres
que celles des patients Alzheimer séjournant en institution. Il semble logique de favoriser le maintien à domicile lorsque cela est possible. Pour cela, il est important d’assurer un support optimal
aux aidants proches afin de soulager la charge, dans tous les sens du terme, imposée par la maladie
d’Alzheimer. Il convient donc de stimuler la volonté politique, nationale ou régionale, pour prendre
le problème à bras le corps. A court terme, les mesures prises en 2011 et 2012 (limitation du remboursement du médicament et contrôle renforcé du chapitre IV) ont permis de dégager des montants
appréciables que nous avons estimés à 5 millions d’euros.
Les Mutualités Libres recommandent aussi de :
• développer et financer des initiatives au profit des aidants proches notamment en ce qui
concerne le répit et la psychoéducation qui
peuvent aider au maintien au domicile;
• favoriser le diagnostic précoce de la maladie et sensibiliser la première ligne à cette
problématique;
• créer un encadrement spécialisé et multidisciplinaire (psycho-médico-social) pour le
malade et les aidants proches dès l’annonce du
diagnostic;
• développer des institutions financièrement
abordables et spécifiquement adaptées pour
la prise en charge optimale des malades
Alzheimer;
• mettre en place un registre épidémiologique
national ou, à défaut, régional des patients afin
de prévoir et d’ajuster l’offre de soins spécifiques ;
• affecter exclusivement au bénéfice de la prise
en charge de la maladie d’Alzheimer l’économie réalisée par les mesures relatives au
remboursement des médicaments.
29
Europe
L’Europe est-elle prête ?
La directive européenne sur les soins transfrontaliers devait être transposée dans les réglementations des Etats membres pour la fin octobre 2013. Cette réglementation instaure des règles pour
les individus qui souhaitent se faire soigner dans un autre Etat membre. Des experts européens se
sont réunis à Bruxelles pour faire le point sur ce dossier.
A
la mi-septembre 2013, les
Mutualités Libres et l’Association Internationale de la
Mutualité (AIM) ont organisé un atelier international sur la conversion
de la directive européenne relative
aux soins de santé transfrontaliers. Lors de cette journée, 63
participants de 13 Etats membres
européens, dont des représentants
de la Commission européenne et
de l’INAMI, ont partagé leurs expériences sur la question (voir article
Health Forum septembre 2013) .
Importantes différences
L’objectif de la directive n’est pas
seulement d’éclaircir les règles
pour les patients qui souhaitent
se faire soigner dans un autre
Etat membre, mais également
d’encourager une meilleure collaboration entre les Etats concernés.
Sa transposition dans les réglementations nationales n’est pas
évidente.
L’approche respective des Etats
membres est très différente. La
Tchéquie est par exemple, l’un
des seuls Etats membres à avoir
décidé de ne pas introduire de
procédure d’accord préalable de
la mutualité, alors que la Belgique
l’a fait. Selon l’INAMI, le principal
défi est d’accorder les différents
textes de loi réglant les soins
transfrontaliers (réglementation
30
européenne, directive européenne,
législation belge). Les discussions relatives aux instructions
destinées aux mutualités belges
pour les remboursements et les
accords préalables ont débouché
sur des modifications de loi et une
circulaire de plus de 70 pages.
De son côté, la Croatie a encore
beaucoup de pain sur la planche.
Pour les Croates, l’obligation de
rembourser les soins médicaux
dans les hôpitaux privés est une
véritable révolution, puisque,
auparavant, ils ne remboursaient
que les soins chez des prestataires
publics.
Défis
Lors de l’atelier, tous les participants s’accordaient à dire que l’un
des principaux défis était de bien
informer les citoyens. Il est en effet
risqué d’annoncer une ouverture
totale des frontières pour le patient
européen. Les autorités (via les
points de contact nationaux), mais
également les mutualités, devront
bien expliquer aux assurés que
certains risques existent.
La Commission européenne a fait
savoir qu’elle était consciente des
nombreux défis que la directive
comporte pour les États membres.
Elle a également annoncé qu’elle
contrôlerait les États sur la base
du Traité de Lisbonne et qu’elle
entamerait des procédures de
mise en demeure à l’égard de
ceux qui n’auraient pas terminé la
transposition de la directive.
Encore du travail
La création des réseaux de référence européens fut une mission
difficile. Les conditions imposées
par la Commission européenne
pour les hôpitaux participants
étaient en effet lourdes et exigeantes sur le plan administratif.
Les experts se sont demandé si,
dans ces conditions, les hôpitaux
souhaiteraient encore participer
à ce type de réseau de référence.
En raison de la variété des prescriptions, leur reconnaissance
mutuelle représente un réel défi
et les procédures d’information
des pharmaciens et prescripteurs
par rapport à ces changements ne
sont pas très claires. La création
d’un réseau européen pour le
Health Technology Assessment
(HTA) est également l’occasion
pour les mutualités de s’impliquer
davantage. En un mot, il reste
beaucoup à faire et la principale
inconnue est de savoir comment
la Commission européenne va
évaluer les États membres dans
les prochains mois.
Christian Horemans
Expert Affaires internationales
Mutualités Libres
L’actu des Mutualités Libres
Une semaine 100% ressourcement
Après un cancer, les conséquences de la maladie et du traitement ne disparaissent pas tout de suite. Les
chamboulements de la vie quotidienne et relationnelle subsistent encore et les personnes convalescentes
ont besoin d’être bien encadrées et accompagnées pour retrouver une certaine qualité de vie. C’est dans
cet esprit que les Mutualités Libres ont imaginé les semaines santé. Celles-ci se déroulent dans le cadre
maritime et rafraichissant de Dunepanne, résidence de soins à De Haan. Au programme : 5 jours d’ateliers
de groupe et de moments individuels de bien-être et 2 jours de repos dans le centre. Ces semaines sont
organisées en collaboration avec l’association “Au sein des Femmes Belgique” pour des personnes ayant
terminé leur traitement depuis au moins 1 mois. En 2014, elles auront lieu du 17 au 24 mars et du 10 au 17
novembre. Plus d’infos via [email protected]
Un jeu coloré sur l’alimentation
Dustin Tieser est une super­
star. Oui, mais une superstar
qui a de mauvaises habitudes :
il ne mange jamais à heures
fixes, il grignote beaucoup
entre les repas et va régulièrement à la friterie tard le soir
après ses concerts. Ces derniers temps, la superstar n’a
pas beaucoup d’énergie, elle a un peu grossi et peut à
peine suivre ses danseurs sur le podium. Son cuisinier
personnel, Chef Marcel, va avoir besoin d’aide pour
composer des repas sains afin de redonner du tonus à
Dustin Teaser. Voilà en quelques mots planté le décor du
jeu “Vis ta mine”. Répartis en 5 équipes, les élèves de
la classe joueront les aides-cuistots pour composer au
jeune chanteur un menu équilibré, bon et sain, selon les
principes de la pyramide alimentaire. Le jeu est destiné
aux enfants de 8 à 12 ans.
Enseignants, éducateurs ou animateurs peuvent se le
procurer gratuitement auprès du service promotion
santé des Mutualités Libres au 02 778 92 11 ou via
[email protected].
Une journée pour mettre le
cancer entre parenthèses
3 ateliers pour se ressourcer, se découvrir et se nourrir.
Le tout dans un centre wellness de qualité. C’est le
programme de la Parenthèse Zen, un concept imaginé
par les Mutualités Libres à destination des personnes
atteintes d’un cancer encore en traitement ou en
rémission. Les ateliers ont lieu en une journée dans
un centre de bien-être de Liège (le 28 mars 2014),
Limelette (le 25 avril) ou Tournai (le 20 juin) et seront
animés par des thérapeutes de l’association Au sein
des Femmes Belgique. Pour tout renseignement et
inscriptions : [email protected]
Des outils pour aborder la
santé mentale des adolescents
• La brochure “Ado en crise ou en détresse ?
Soyons à l’écoute !” s’adresse aux parents
ou à l’entourage d’adolescents et propose un
aperçu des enjeux qui
se jouent durant cette
période cruciale de la
vie ainsi qu’une liste
de signaux d’alarme
à prendre en considération, les troubles
les plus fréquents et
quelques conseils
pour réagir de manière adéquate. Cette
brochure a également
pour but de servir de
“relais” entre les
parents ou l’entourage et les spécialistes, les
institutions, les associations, etc. en fournissant une liste très fournie d’adresses utiles.
Brochure à commander ou télécharger sur
www.mloz.be
• La prise en charge de la dépression chez
l’adolescent n’est pas optimale dans notre
pays. C’est ce qui ressort d’une étude sur la
consommation d’antidépresseurs par les adolescents, réalisée par les Mutualités Libres.
On y apprend entre autre que seul 1 jeune
sous antidépresseurs sur 10 est également
suivi par un psychothérapeute. Or, d’après les
recommandations, la prise en charge de la
dépression chez les 12-18 ans devrait d’abord
reposer sur la psychothérapie, en association avec un antidépresseur dans les cas de
dépression sévère.
Etude à télécharger sur www.mloz.be”.
Par Stéphanie Brisson - [email protected]
31
Event
Symposium des Mutualités Libres
Féminisation de la médecine :
quelle plus-value pour les patients ? Après un premier symposium à succès en 2012, les Mutualités Libres ont, cette année, orienté la
réflexion sur l’influence du genre sur la relation patient-médecin. Quatre orateurs sont venus présenter leur point de vue sur le sujet. Résumé des interventions et photos d’ambiance de l’événement.
Le sexe du médecin : pour
les patients, ça compte !
En guise d’ouverture au symposium, Xavier Brenez, directeur
général de l’Union Nationale des
Mutualités Libres, a exposé les
principaux résultats d’une enquête
réalisée par les Mutualités Libres
sur les « Perceptions de la féminisation par le grand public belge ».
Il ressort en effet de cette enquête
que 30% des Belges affichent clairement une préférence soit pour
un médecin homme, soit pour un
médecin femme. Xavier Brenez
est également revenu sur les
avantages cités par les sondés :
57% estiment que la féminisation
de la médecine permet une plus
grande égalité hommes-femmes,
23% attribuent aux femmes médecins un meilleur contact avec les
enfants et 19% pensent qu’elles
confèrent un côté plus humain à
la médecine.
Un petit coucou de Genève
Elle n’a malheureusement pas pu
faire le déplacement, mais voulait
quand même être parmi nous.
Marleen Temmerman, directeur
à l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), s’est donc adressée à
la salle via un message vidéo. “Les
femmes ont déjà parcouru un long
chemin dans la médecine. Lorsque
je faisais mes études, seuls 10 %
des étudiants en médecine étaient
des femmes, actuellement, il
s’agit déjà de 74 %”, précise Mme
Temmerman. “On s’organise
maintenant autrement et cela
32
ne vaut pas uniquement pour les
femmes. Les médecins masculins ont également envie d’avoir
autre chose dans leur vie que
leur boulot“. D’après le docteur
Temmerman, c’est une bonne
chose, tant pour l’être humain,
pour la famille que pour la société.
Les questions de
genre en médecine
Gaëtan Cousin, Docteur en psychologie à l’Université d’Oxford
(Grande-Bretagne), a poursuivi le
débat par une question : “Pourquoi
se préoccuper des questions de
genre en médecine ? “ Dans ses
recherches, le Dr Cousin s’est
intéressé aux effets liés au genre
du médecin, au genre du patient
et aux interactions entre les
deux. Son exposé a révélé que les
médecins femmes transmettent
davantage d’informations d’ordre
psychosocial à leurs patients,
mais également que les patients
hommes sont traités de manière
moins empathique quel que soit le
genre du médecin. D’après Gaëtan
Cousin, “il est nécessaire d’être
conscient que les stéréotypes
et attentes liés au genre jouent,
encore aujourd’hui, un rôle dans
la relation médecins-patients afin
de continuer à faire évoluer la
société”.
Point de vue des patients
L’opinion des patients était
également au centre des préoccupations lors de ce symposium.
Pour en débattre, Micky Fierens,
Directrice de la Ligue des Usagers
des Services de Santé (LUSS), a
évoqué les critères qui dictent généralement le choix des patients.
Elle a insisté sur l’importance pour
les patients d’être accompagnés
dans leur parcours de santé et pas
seulement pris en charge lorsque
la maladie frappe.
Des valeurs qui n’ont
rien à voir avec le genre
La dernière oratrice était
Birgitte Schoenmakers, professeur
à la faculté de médecine générale
de la KULeuven. Elle a quelque peu
relativisé la thèse que les valeurs
de la médecine seraient sujettes à
des changements, liés au sexe des
médecins. “L’empathie et l’écoute
sont des valeurs que j’essaie de
transmettre à tous mes étudiants.
Ce sont des sensibilités que l’on
attend de tous les médecins généralistes en passe de terminer leurs
études, qu’ils soient masculins ou
féminins“. Elle constate toutefois
qu’il y a un glissement au niveau
de notre société : d’un modèle
‘cure’ (guérison), nous évoluons
vers un modèle ‘care’ (soins) dans
la médecine : “l’accent est mis
beaucoup plus sur les soins, mais
cette préoccupation ne vient pas
uniquement des médecins féminins. Cette dernière présomption
est liée au fait que les femmes
sont plus souvent considérées
comme des “êtres soignants”,
conclut Birgitte Schoenmakers.
Nathalie Renna
Hellen Smeets
Event
Marleen Temmerman, directeur à l’OMS a
laissé un message vidéo depuis Genève.
Xavier Brenez, directeur général de l’Union Nationale des Mutualités Libres
Gaëtan Cousin, Docteur en psychologie à l’Université d’Oxford
Les orateurs
Professeur Birgitte Schoenmakers
Hanne Decoutere, animatrice du débat
Nicolas de Pape, rédacteur en chef du Journal du médecin
Micky Fierens, Directrice de la LUSS
Francis Bries, @dvice
Le public
Photos : Reporters
33
Kiosque
Livres
Burn-out ?
L
e burn-out, syndrome d’épuisement professionnel, affecte l’ensemble des catégories sociales :
le dirigeant à haut niveau de responsabilités
mais aussi les soignants, les commerçants, les mères de famille… Dépisté trop tardivement, ce syndrome peut déboucher
sur une dépression
sévère, souvent accompagnée de répercussions physiques
sérieuses. Mais, pour
celui qui a la capacité de s’arrêter et
d’analyser ce qu’il a
vécu et ce qu’il est en
train de vivre, la prise
de conscience de son
épuisement professionnel se révèle une
chance de modifier
sa trajectoire de vie
avant qu’il ne soit trop
tard.
Cet ouvrage dresse
un panorama exhaustif et détaillé de la prise charge
du burn-out. Il propose un traitement en dix phases
pour avancer à son rythme.
Ce guide pratique prodigue de nombreux conseils
aux personnes affectées de près ou de loin par ce
syndrome mais il intéressera également les thérapeutes, les psychologues ou encore les responsables
des ressources humaines.
“Comment traiter le burn-out ?” par Michel
Delbrouck aux Editions De Boeck.
T’es malade et tu travailles ?
D
u fait de la crise économique, un phénomène
méconnu est en pleine croissance : le “surprésentéisme”, c’est-à-dire le fait de travailler
malgré un état de santé qui nécessite un arrêt maladie.
Ce livre constitue la première enquête menée en
France sur le sujet. Il
révèle qu’un peu plus
de la moitié des Français sont venus travailler au moins une
fois dans l’année tout
en étant malades.
Le surprésentéisme
compterait ainsi une
moyenne de 10 jours
par personne et par
an.
La montée du surprésentéisme en dit
long sur l’évolution
du monde du travail.
À travers de nombreux témoignages,
l’auteur expose les
causes de ce phénomène et dresse une typologie des surprésentéistes. Il
souligne également les dangers que ce type de comportement représente pour soi mais aussi pour ses
collègues.
Ce livre s’adresse, entre autres, aux entreprises et
aux pouvoirs publics afin de les sensibiliser à ce nouvel enjeu de santé publique.
“Le surprésentéisme - Travailler malgré la maladie” par Denis Monneuse aux Editions De Boeck.
Etude
Faut-il vacciner les enfants contre la grippe?
L
e Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé
(KCE) a évalué différentes stratégies de vaccination antigrippale afin de déterminer celles
qui génèreraient les plus grands bénéfices en termes de santé par euro dépensé. Des chercheurs de
l’Université d’Anvers et de l’Université de Hasselt ont
modélisé plus de 5600 scénarios potentiels de vaccination. La vaccination universelle des enfants contre
la grippe pourrait présenter un rapport coût-efficacité comparable à celle d’autres vaccins récemment
introduits dans le calendrier vaccinal des enfants,
pour autant que le coût de la vaccination puisse être
réduit d’au moins 25%. Une telle diminution de coût
pourrait être obtenue en administrant le vaccin par
les services de santé scolaire ou par l’ONE, et en
réduisant le prix des vaccins. Une augmentation de la
vaccination des adultes de plus de 50 ans réduirait de
manière significative le nombre d’hospitalisations et de
décès liés à la grippe, mais entraînerait un coût élevé
compte tenu du nombre de personnes concernées.
Le rapport “KCE Reports 204 BS” est disponible sur le site du KCE : https://kce.fgov.be
par Pascale Janssens - [email protected]
34
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• Vous disposez d’une certaine expérience clinique.
• Une formation en médecine d’assurance ou
une autre spécialisation complémentaire est
considérée comme un atout.
Le contact avec les patients est essentiel en tant
que Médecin-conseil. Votre fonction impliquera
entre autres :
• L’évaluation de l’incapacité de travail : analyser les possibilités de réinsertion professionnelle, en concertation avec les partenaires
concernés comme les médecins généralistes,
les médecins du travail, ACTRIS, le Forem, le
VDAB… ;
• L’information et le conseil aux patients par
rapport à la législation sociale, aux remboursements médicaux et aux problèmes d’assurance ;
• Le traitement des demandes de soins de santé.
Notre offre
• Nous vous offrons un statut d’employé à temps plein,
assorti d’un package salarial attrayant (un temps partiel
peut être pris en considération)
• Vous évoluez dans un cadre de travail étendu et agréable
à la culture d’entreprise dynamique. Le respect de
l’équilibre entre le travail et la vie privée est primordial.
Le télétravail est possible.
• Vous travaillez au sein d’une équipe motivée, permettant
un épanouissement personnel.
Intéressé(e) ?
Envoyez votre candidature à :
Union Nationale des Mutualités Libres
Recruitment
Rue Saint-Hubert 19 -1150 Bruxelles
[email protected]
www.mloz.be
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