Télévision locale et TNT
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Télévision locale et TNT
INSTITUT DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN DROIT DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION TELEVISION LOCALE ET TNT Chronique Télévision réalisée par Emmanuelle EURIEULT 18 décembre 2006 Master Professionnel « Droit et Métiers de l’Audiovisuel » Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille Aix-en-Provence 2006-2007 Université Paul Cézanne U III C ertaines dispositions de la loi du 1er août 2000 modifiant et complétant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prennent en compte l’arrivée de la TNT dans le paysage audiovisuel français. À cette période, il a fréquemment été rappelé que le développement de la télévision numérique devait se faire sans pour autant nuire à la télévision analogique, la France étant d’ailleurs le seul État à ne pas avoir fixé de date signant l’arrêt de l’analogique 1. Bien qu’aucun texte en vigueur n’annonce de manière explicite la disparition du mode traditionnel de diffusion des programmes, l’évolution de la technique tend cependant implicitement mais aussi irrémédiablement vers ce résultat 2. Le déploiement du numérique sur le territoire promet de belles perspectives d’évolution du paysage audiovisuel, notamment pour les télévisions de proximité actuellement en situation économique précaire. Ce phénomène est en train d’insuffler un nouvel élan et des enjeux économiques non négligeables. La télévision locale faisant partie intégrante du projet TNT, elle devient un élément essentiel destiné à contrer les interventions d’une information globalisante. Le Conseiller d’État Michel Boyon, dans un rapport rendu en 2003, décrivait en effet la télévision de proximité comme étant « un extraordinaire observatoire sur le monde », « une fenêtre ouverte sur l’entourage, le proche, le familier, là où se noue le lien humain social » 3. Cette description contribue à nous montrer l’importance d’une telle présence au sein d’un système en plein remaniement ; l’un des aspects de la reconstruction trouvant son fondement dans un mouvement de décentralisation de la démocratie. Le problème, en l’espèce, se pose donc de savoir par quels moyens la TNT parviendra à une démocratie décentralisée effective et par extension à une égalité réelle des téléspectateurs devant l’information de proximité. Cependant, un tel sujet ne trouve pas son intérêt dans la construction d’une réflexion seulement axée sur la notion d’égalité des téléspectateurs. Il paraît en revanche plus intéressant de décrire les difficultés que la télévision locale rencontre et parallèlement, montrer comment la TNT contribue à son essor car ce n’est qu’une fois que la télévision locale aura franchi toutes les étapes nécessaires à son développement que naîtra une véritable démocratie décentralisée. Malgré une construction 1 DENIS-LAROQUE B., Télévision numérique terrestre, Dunod, collect. Audio-Photo-Vidéo, Paris, 2005, p. 80. 2 Bien qu’à l’époque, aucun texte ne prévoyait de date concernant l’arrêt de l’analogique, actuellement, le projet de loi sur la télévision du futur, prédit la disparition de l’analogique entre le 31 mars 2008 et le 30 novembre 2011. 3 BOYON M., La télévision numérique terrestre, rapport complémentaire à celui rendu sur le même sujet en 2002, 2003, www.ddm.gouv.fr/article.php3?id_article=693, le 10 novembre 2006. 2 encore inachevée, cette démocratie affiche, à l’heure actuelle, les prémices de sa croissance : depuis octobre 2006, près de 65 % de la population est desservie par les réseaux de fibre optique. Cette construction devant aboutir à l’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité, elle ne sera accomplie que lorsque l’ensemble du territoire recevra les programmes de la TNT et seulement dans le cas où les télévisions locales réussiront à financer leur activité. Le respect du principe d’égalité des téléspectateurs dépend donc de l’étendue (Section I) ainsi que de la santé (Section II) de la TNT. Section I - L’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité : un principe lié à l’étendue de la TNT locale La mise en place d’un maillage serré de télévisions locales couvrant l’ensemble du territoire jusque dans les zones d’ombre, conditionne le principe d’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité. Le respect de ce principe se heurte néanmoins à une difficulté géographique (A) ainsi qu’à la règle de la disponibilité des fréquences (B). A) Le respect de l’égalité se heurtant à des considérations géographiques Afin d’organiser la diffusion des chaînes locales de la TNT sur l’ensemble du territoire, les différentes régions de France devront se doter, les unes après les autres, de leur propre télévision de proximité (1). L’Île-de-France représentait jusqu’à présent une tache blanche dans le paysage audiovisuel français, dû notamment aux spécificités géographiques et démographiques qui la caractérisent. Cette région doit être considérée comme un cas isolé (2). 1) La multiplication des chaînes locales, la volonté d’une couverture totale de la France par la TNT Dans le but d’assurer un égal accès des citoyens français à l’information de proximité, les projets et travaux en cours de réalisation devront aboutir à une couverture totale ou quasitotale de la France par la TNT. La création de télévisions locales éparses ne pouvant garantir 3 une telle couverture, il s’agit en réalité d’établir un maillage serré faisant participer la majorité des villes de France. Un projet aussi complexe représente des années de mise en place. Un calendrier a ainsi été conçu afin de fixer les étapes, en terme de date et de population, à franchir dans la construction de ces multiples réseaux 4. En effet, la diffusion de la TNT ayant débuté en mars 2005, elle arrose aujourd’hui 65 % de la population française 5. Ce chiffre est dû, notamment, à l’ouverture d’une vingtaine de sites nouveaux suite au déclenchement de la quatrième phase du déploiement de la TNT. Grâce au lancement de nouveaux sites dans l’aventure, au cours de l’année 2007, 70 % de la population sera desservie par la diffusion numérique terrestre. À terme, ce chiffre atteindra 85 % 6. Actuellement, cette estimation peut paraître purement hypothétique, la diffusion numérique terrestre ne parvenant pas jusqu’aux frontières Est et Nord du territoire pour des raisons de droit international. En effet, « les frontières sont perméables aux ondes et ces ondes, en l’espèce, portent loin » 7. L’attribution de fréquences dans ces régions frontalières se trouve ainsi subordonnée à la conclusion de négociations entre la France et les pays limitrophes. Avant la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, la transposition des chaînes locales analogiques au numérique aurait certainement été beaucoup plus lente puisque la loi du 1er août 2000 disposait que seules les télévisions autorisées avant cette date pourraient être reprises sur la TNT. Cela « créait une différence de régime juridique suivant la date de création des télévisions locales » 8. En 2004, ces dispositions ont été étendues. Ainsi, toutes les télévisions analogiques locales ont été admises à bénéficier d’un droit de reprise, qu’elles aient déjà commencé à émettre ou non leurs programmes 9. Seul bémol : encore faut-il qu’une fréquence soit disponible et que le CSA procède à un appel aux candidatures 10. Dans l’éventualité où le 4 « Calendrier de déploiement de la TNT et zones de couverture », www.ddm.gouv.fr/article.php3?id_article=926, le 15 novembre 2006. 5 Ce chiffre représentant la couverture du territoire français englobe à la fois les télévisions locales et les télévisions nationales. 6 « La diffusion de la TNT », www.csa.fr/themes/zoom/tnt/index.php, le 9 novembre 2006. 7 RAPONE D. et RAUDE P., Accélération du déploiement de la télévision numérique terrestre et extension de la disponibilité des chaînes de la TNT sur le territoire, Sénat, 2005, p. 9. 8 BELOT C., Pour le développement des télévisions de proximité en France, Sénat, rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le financement des télévisions locales, n° 417, 2004-2005, p. 32. 9 Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. 10 BELOT C., Pour le développement des télévisions de proximité en France, Sénat, loc. cit, 2004-2005, p.32. 4 projet de loi sur la télévision du futur serait adopté, l’article 5 modifiant l’article 96 de la loi du 30 septembre 1986 faciliterait une fois encore le passage au numérique terrestre. Cet article prévoit, en effet, « que les éditeurs de services locaux de télévision pourront dorénavant faire jouer leur droit à une diffusion intégrale et simultanée en mode numérique de leur programme analogique à tout moment, hors appel à candidatures » 11. Bien que les chaînes locales en mode analogique et leur reprise en numérique terrestre se multiplient, la construction d’un quadrillage étroit couvrant l’ensemble du territoire reste une tâche longue et difficile à réaliser. La région Île-de-France, dû aux spécificités qui la caractérisent, a notamment posé problème au développement de la TNT. 2) La région Île-de-France, un cas particulier entre exigences locales et nationales Est considéré comme un service à vocation locale « tout service dont la zone géographique équivaut à une partie du territoire métropolitain » 12. Aux termes de l’article 301 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, « les zones géographiques [doivent être en effet] préalablement déterminées par le conseil supérieur de l’audiovisuel. » 13. La région francilienne répond à cette définition, la zone géographique destinée à recevoir les programmes locaux étant bien délimitée. En revanche, bien que la diffusion des télévisions locales établies en Île-de-France ne couvre pas la totalité du territoire français, cette diffusion est malgré tout problématique. La zone de diffusion présente, en effet, des aspects démographiques très particuliers : le bassin de population desservi est supérieur à dix millions d’habitants. Or, dans le cadre de l’appel aux candidatures lancé en région francilienne, l’autorité de régulation rappelle le principe suivant : « Pour l'application du dispositif anticoncentration et conformément au 5e de l'article 41-3 de la loi susvisée, un service de télévision qui dessert une zone géographique dont la population recensée est supérieure à 10 millions d'habitants est regardé comme un service à caractère national. » 14 11 De BROISSIA L., Projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, Sénat, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, n° 69, 2006-2007, p.53. 12 « Appel aux candidatures TNT en région parisienne pour des chaînes locales », décision du 25 juillet 2006, www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=118287, le 9 novembre 2006. 13 Article 30-1 modifié par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004. 14 « Appel aux candidatures TNT en région parisienne pour des chaînes locales », décision du 25 juillet 2006, www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=118287, op. cit. 5 L’annexe 2 de cet appel lancé par le CSA contient les dispositions relatives au dispositif anticoncentration : « Les dispositions de l’article 41-1-1 interdisent qu’une autorisation soit délivrée à une personne qui se trouverait dans plus de deux des situations suivantes : 1° Etre titulaire d’une ou de plusieurs autorisations relatives à des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint quatre millions d’habitants ; 2° Etre titulaire d’une ou plusieurs autorisations relatives à des services de radio permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint trente millions d’habitants ; 4° Editer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d’information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale, sur le territoire nationale, des publications quotidiennes imprimées de même nature, appréciée sur les douze derniers mois connus précédant la date à laquelle la demande d’autorisation a été présentée. Toutefois, une autorisation peut être délivrée à une personne qui ne satisferait pas aux dispositions du présent article sous réserve qu’elle se mette en conformité avec ces dispositions dans un délai qui est fixé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et qui ne peut être supérieur à six mois. » 15 En résumé, l’Île-de-France est un cas spécifique puisque d’un point de vue géographique, les chaînes couvrant cette zone sont considérées comme étant à caractère local mais d’un point de vue démographique, elles sont soumises au respect du dispositif anticoncentration applicable habituellement aux seules télévisions nationales. Non seulement l’efficacité du principe d’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité dépend de données géographiques générales mais encore, le respect de ce principe reste subordonné à la règle de la disponibilité des fréquences. B) Le respect de l’égalité confronté à la rareté des fréquences Bien que la TNT vise à accroître le nombre de télévisions locales, la ressource radioélectrique reste limitée. C’est pour cette raison qu’il est envisagé des travaux de réaménagement des fréquences dans le but d’élargir l’offre en bandes passantes et donc, de permettre à davantage de chaînes d’être diffusées (2). En attendant la fin effective de ces 15 Annexe 2 modèle de dossier de candidature, in « Appel aux candidatures TNT en région parisienne pour des chaînes locales », décision du 25 juillet 2006, www.csa.fr/upload/decision/annexes.pdf, le 9 novembre 2006, p. 5. 6 travaux, le CSA demeure compétent pour sélectionner les chaînes qui jouiront d’une autorisation d’émettre (1). 1) L’appel à candidature du CSA, pour une délivrance des autorisations d’usage À l’heure actuelle, seule la région Île-de-France a fait l’objet d’un appel à candidature. Suite à cet appel lancé par le CSA le 25 juillet 2006, quatre chaînes locales doivent être retenues dans le cadre d’une diffusion numérique terrestre en région francilienne. D’une manière très succincte, la procédure d’autorisation se résume ainsi : une fois les dossiers déposés, le CSA procède à une audition publique des candidats, laquelle donne lieu à un processus de présélection. Une convention est ensuite négociée entre l’autorité de régulation et les chaînes présélectionnées 16. In fine, les autorisations d’usage leur sont délivrées puis publiées au Journal Officiel. Il convient de préciser qu’à chaque procédure d’autorisation, le CSA apprécie « l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence » 17. Les quatre chaînes qui bénéficieront d’une autorisation sont, à l’heure actuelle, indéterminées puisque la clôture des dépôts de dossier, initialement prévue le 16 octobre, a été repoussée au 13 novembre. Il est néanmoins avéré que le CSA a enregistré un nombre de 30 dossiers dont 8 reçus après la date fixée, ayant connu des difficultés d’acheminement par voie 16 Convention prévue par l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « La délivrance des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation. Dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d'eux, ainsi que du développement de la radio et de la télévision numériques de terre. » 17 DEBBASCH Ch., ISAR H., AGOSTINELLI X., Droit de la communication, Audiovisuel-Presse-Internet, Dalloz, collect. Précis Droit public-Science politique, Paris, 1ère éd. 2002, p. 131. 7 postale 18. C’est aux alentours de mars 2007 que la présélection des candidats sera achevée et en mai 2007 que les autorisations seront octroyées 19. Parmi les candidats officiels, on retrouve, par exemple, le groupe Hersant Media en partenariat avec la Caisse d’épargne et Lagardère. TF1 a également postulé à l’obtention d’une autorisation, en s’alliant avec La Poste. En revanche, Amaury n’a pas souhaité faire partie de l’aventure TNT, préférant conquérir la Toile 20. Le paysage audiovisuel français évolue lentement grâce au déploiement de la TNT, se métamorphosant ainsi en une structure délocalisée. La procédure d’autorisation et le réaménagement des fréquences en freinent le développement. 2) Le réaménagement des fréquences et canaux, pour un plus grand nombre de bandes passantes La multiplication des chaînes à vocation locale est aujourd’hui confrontée au principe de la rareté des fréquences. Les ondes du spectre hertzien étant, en effet, limitées, une réorganisation des fréquences s’impose. Un rapport établi à la demande du premier ministre prévoit la possibilité de recourir à des normes de compression en MPEG-4, au lieu des normes en MPEG-2 traditionnellement utilisées pour la diffusion des programmes 21. Cette solution permettrait une « consommation spectrale diminuée de moitié » et donc une augmentation considérable du nombre de bandes 18 « Appel aux candidatures TNT francilienne : les dossiers déposés le 13 novembre 2006 », communiqué de presse, www.csa.fr/actualite/communiques/communiques_detail.php?id=120528, le 18 novembre 2006. « TNT locale, le CSA examinera 30 candidatures pour l’Ile de France », www.mediabb.com/2006/11/23/tntlocale-le-csa-examinera-30-candidatures-pour-lile-de-france/, le 23 novembre 2006. 19 « TNT Ile-de-France : les candidats », www.satmag.fr/affichage_module.php?no_news=7806&no_theme=1&id_mod=50, le 28 novembre 2006. 20 GARRIGOS R. et ROBERTS I., « Télés locales en Ile-de-France : ça se bouscule au portillon », 16 novembre 2006, www.teleplaisance.org/?news=371, le 28 novembre 2006. 21 La norme MPEG-4 ne sera utilisée que pour la diffusion des chaînes locales. En effet, les chaînes traditionnelles ainsi que les chaînes gratuites resteront sur la norme MPEG-2. La norme MPEG-4 permettant de libérer des ressources hertziennes, les télévisions locales vont ainsi pouvoir être diffusées sur la TNT. Il est prévu que France 4 soit déplacée du multiplexe R1 vers un autre et que lui soient, par conséquent, substituées les chaînes locales sur le R1. L’Île-de-France, connaissant un régime particulier, se verra probablement attribuer un septième multiplexe. 8 passantes 22. Cette nouvelle norme serait ainsi compatible avec l’arrivée en masse, sur la TNT, des chaînes locales. Selon ce rapport, le MPEG-4 présenterait de sérieux avantages, notamment celui de réduire le temps usuel nécessaire à l’octroi d’une autorisation puisqu’il donnerait l’avantage de s’affranchir des appels à candidature. Il permettrait également, et entre autre, de réduire « le nombre de réaménagements et donc leur coûts » 23. Ce second avantage est, en effet, non négligeable puisque ce sont les chaînes de la TNT qui supportent le coût des réaménagements 24. Les télévisions locales étant encore économiquement fragiles, le décret du 4 juillet 2003 contient des dispositions déterminant la répartition de ces coûts proportionnellement à la population desservie dans chaque zone de diffusion. Le Sénateur Claude Belot, dans son rapport relatif au développement des télévisions de proximité, relevait : « En effet, il est appliqué, pour chaque service, un plafonnement à 1/33ème du total des charges, corrigé du rapport entre la population recensée de la zone desservie et la population nationale du territoire métropolitain. L’intégralité de la différence sera supportée par les éditeurs nationaux. » 25 Selon cet unique critère, une télévision telle que TV8 Mont-blanc ayant une large zone de diffusion, devrait supporter un coût élevé de réaménagements. Ce seul critère apparaît donc insuffisant. Il conviendrait de l’additionner à un second qui prendrait, quant à lui, en compte le chiffre d’affaire des télévisions de proximité concernées. Arriver à une forme de démocratie décentralisée par l’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité, implique la création de multiples télévisions locales, desservant l’ensemble du territoire, faisant ainsi face aux difficultés géographiques et techniques auxquelles elles seront confrontées. 22 RAPONE D. et RAUDE P., Accélération du déploiement de la télévision numérique terrestre et extension de la disponibilité des chaînes de la TNT sur le territoire, Sénat, op. cit, 2005, p. 22. 23 Ibid, 2005, p. 23. 24 L’article 70 de la loi n° 2002-1576 de finance rectificative du 30 décembre 2002 a ajouté l’obligation suivante à l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « les éditeurs de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique (…) supportent l’intégralité du coût des réaménagements nécessaires à la diffusion de ces services ». 25 BELOT C., Pour le développement des télévisions de proximité en France, Sénat, op. cit, 2004-2005, p. 33. 9 Atteindre une égalité effective des téléspectateurs devant l’information de proximité ne repose cependant pas seulement sur la seule étendue de la TNT. L’état de santé de ce nouveau mode de diffusion joue également un rôle essentiel dans l’accomplissement de cet objectif. Section II - L’égalité des téléspectateurs devant l’information de proximité : un principe assujetti à la santé de la TNT locale L’émergence de télévisions locales contribue à la création d’une véritable démocratie décentralisée. Celle-ci fut cependant longtemps retardée par des évènements historiques auxquels ont été confrontées les chaînes de proximité (A). L’avènement de la TNT offre de nouvelles perspectives à la France, lui conférant enfin les moyens de combler ce retard qui la sépare de ses voisins européens (B). A) La télévision locale marquée par des crises antérieures Le retard que la France a connu dans le développement des télévisions de proximité semble trouver son fondement dans la survenance d’évènements antérieurs : l’échec du plan câble (1) ainsi que la rencontre de formes d’expression locale concurrentes (2) ayant joué ici un rôle déterminant. 1) L’échec du plan câble, une atteinte sévère portée aux collectivités locales Comme l’avait dénoncé Frédéric Aurand, Président du Directoire du Groupe Hersant Media, dans une interview réalisée lors de l’émission « La vie des médias » sur TF1, seule une place réduite était jusqu’alors concédée aux télévisions locales dans le paysage audiovisuel français 26. Selon lui, cette quasi absence s’explique notamment par l’échec du plan câble de 1982. 26 Interview de Frédéric AURAND, Président du Directoire du groupe Hersant Média, dans l’émission « La vie des médias » du 29 octobre 2006. 10 Ce nouveau mode de distribution qui avait pour objectif de couvrir l’ensemble du territoire français, s’est, en effet, avéré être une fâcheuse expérience, sa mise en place ayant rencontré des problèmes de diverses natures. Ainsi, la difficulté principale résidait sans doute dans le défaut d’un cadre juridique approprié : la loi du 29 juillet 1982 n’en faisant qu’une référence mineure 27. Les collectivités locales qui étaient censées jouer un rôle majeur dans le développement de la télédistribution, ont en fait été reléguées au second plan n’ayant que pour seul choix d’opter ou non pour « la création d’un réseau câblé sur leur territoire et pour financer en grande partie sa construction » 28. Cette impression d’une contribution locale effacée se trouve renforcée par un contrôle direct de l’État sur le développement de la câblodistribution. Ce bref et très incomplet rappel historique n’est aujourd’hui qu’un mauvais souvenir, la technologie optique ayant su évoluer au fil des législations. Cet échec de 1982 a malgré tout grandement joué en la défaveur des services télévisuels de proximité. La concurrence des autres formes d’expression locale est venue appuyer ce coup porté à l’encontre des télévisions locales. 2) Les autres formes d’expression locale, de sérieuses concurrentes pour les télévisions de proximité Selon Louis de Broissia, Sénateur de la Côte d’Or, l’un des facteurs du retard de la France dans le développement des télévisions de proximité semble provenir de la concurrence acerbe des autres formes d’expression locale et en particulier celle de la presse quotidienne régionale 29. En effet, avant de souffrir d’une baisse significative de son lectorat, la presse locale, a connu sa période faste en France. La PQR était alors hostile à la création de télévisions locales 27 ISAR H., dir. DEBBASCH Ch., Le service public et la communication audiovisuelle, Presses Universitaires d’Aix-Marseille Économica, collect. Droit de l’audiovisuel, Aix-Marseille, 1995, p.160. « Seul l’article 17 de la loi du 29 juillet 1982 fait indirectement mention de la câblo-distribution en précisant la compétence de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle en matière de délivrance des autorisations relatives aux services locaux de radiotélévision par câble. » 28 Ibid, 1995, p. 161. 29 « Pour une télévision de proximité », interview de Louis de BROISSIA, Sénateur de la Côte d’Or, www.senat.fr/jds_archives/jds_04_06/initiatives.html, le 9 novembre 2006. 11 qui l’aurait ainsi concurrencée. Celle-ci craignait, en effet, d’avoir à se livrer à une course aux annonceurs sur le terrain du marché publicitaire local. Or, la PQR ayant récemment constaté une diminution de ses ventes et parallèlement un engouement croissant pour les nouveaux médias, elle a ainsi révisé son jugement et a commencé à prendre part à l’émergence des télévisions locales 30. L’ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée à la grande distribution a également renforcé sa volonté de s’investir dans un tel projet 31. C’est ainsi qu’aujourd’hui, « La PQR est l'actionnaire principal de Télé Lyon Métropole, via le groupe Le Progrès (filiale de la Socpresse : 66,56 % du capital début 2005), de Clermont 1ère (groupe La Montagne : 48 %), de TV7 Bordeaux (via Atlantel, filiale du groupe Sud Ouest, actionnaire à 49,58 %), de Nantes 7 (Presse Océan, filiale de la Socpresse : 49 %) et de Canal 32 à Troyes (groupe France Antilles : 41,54 %). » 32. Malgré ces quelques crises antérieures, le retard qui lui était auparavant préjudiciable ne semble pourtant plus être aujourd’hui un obstacle à son développement. B) La télévision locale en voie de guérison Même s’il enregistre toujours des pertes, le secteur des télévisions locales est aujourd’hui un secteur en plein essor. Divers indicateurs reflétant l’état de santé des chaînes de proximité laissent présumer, en effet, que l’écart creusé par leurs consoeurs étrangères se réduit peu à peu. En témoignent la diversification des programmes ainsi que la réduction des coûts de diffusion d’une part (1), et l’explosion des modes de financement d’autre part (2). 30 Interview d’Éric DEBEVE, responsable technique et de production à Télé-Toulouse, 8 août 2000, www.tvnt.net/operateurs.php, le 12 novembre 2006. 31 De par l’ouverture de la publicité télévisée à la grande distribution, une baisse des ressources publicitaires est à craindre pour le secteur de la presse écrite. À long terme, la viabilité de ce support pourra s’en trouver fortement compromise. 32 BELOT C., Pour le développement des télévisions de proximité en France, Sénat, op. cit, 2004-2005, p. 40. 12 1) La diversification des programmes et réduction des coûts de diffusion, des conséquences liées à l’arrivée de la TNT L’arrivée de la TNT au sein du PAF permet une mise en place progressive aussi bien quantitativement que qualitativement de l’offre proposée par les chaînes locales. D’un point de vue qualitatif, la diffusion par voie numérique terrestre contribue à améliorer la réception des programmes, notamment dans les zones dites « d’ombre ». D’un point de vue quantitatif, le multiplexage des programmes télévisés concourt à une réduction considérable des coûts d’émission ; le groupe de normalisation internationale Digital Video Broadcast a prévu, en effet, une réorganisation des flux de données dans le but de limiter le gaspillage des fréquences et, par conséquent, de concentrer une offre plus large de programmes sur un même canal 33. La chaîne Télé-Toulouse constitue une bonne illustration de ce phénomène, jonglant entre un faible budget et des coûts d’émission avoisinant un million de francs. L’avènement de la TNT et le multiplexage des programmes conduisent à une diminution des coûts de diffusion d’environ 20 % selon une estimation de TDF 34. Malgré la diversification des programmes ainsi que la réduction des coûts de diffusion, les chaînes locales ne disposent pas de ressources suffisantes pour leur permettre d’assumer seules les dépenses liées à leur fonctionnement et d’assurer ainsi leur épanouissement. En revanche, cet élargissement de l’offre à moindre frais contribue à attirer les divers investisseurs. 2) L’appel aux investisseurs, une condition de viabilité des chaînes locales L’ingénieur-conseil Bernard Denis-Laroque distingue trois types de ressources tirées de la TNT : l’achat, par les téléspectateurs, de l’équipement nécessaire à la réception des programmes ainsi qu’éventuellement, l’abonnement à des services payants ; l’achat, par les annonceurs, des espaces publicitaires ; les dépenses faites par les chaînes de télévision ellesmêmes relatives aux programmes et à l’aménagement des réseaux de la TNT 35. 33 DENIS-LAROQUE B., Télévision numérique terrestre, op. cit, 2005, p. 37. 34 Interview d’Éric DEBEVE pour Télé-Toulouse, du 8 août 2000, op. cit. 35 DENIS-LAROQUE B., Télévision numérique terrestre, op. cit, 2005, p. 124. 13 Il serait bon de s’attarder sur la deuxième source de financement énoncée par Bernard Denis-Laroque afin d’essayer de comprendre comment les annonceurs ont décidé d’investir dans l’achat d’espaces publicitaires au sein de télévisions locales. Les publicitaires considéraient qu’ils n’avaient pas un grand intérêt à soutenir des médias locaux épars. Or, depuis le lancement de la TNT, les chaînes se multiplient et celles-ci sont amenées à gagner leur légitimité par un exercice prolongé de leur activité. De plus, avec l’arrivée de la grande distribution sur le marché de la publicité télévisée en 2007, les annonceurs étendront enfin leur influence y compris sur les chaînes locales 36. En effet, comme l’indique le rapport du sénateur Claude Belot, « le secteur de la distribution pourrait représenter jusqu’à 40 % des ressources publicitaires (…). Le potentiel de recettes publicitaires des télévisions locales est estimé entre 125 et 160 millions d’euros bruts d’ici 2007 » 37. Actuellement, l’expérience de la syndication paraît être en adéquation avec l’objectif de progression des télévisions de proximité sur le marché publicitaire national. Le défi que ces chaînes doivent relever se résume ainsi : élargir l’offre publicitaire sans pour autant perdre leur fonction première qu’est la diffusion de messages de proximité. C’est ainsi que début 2005, Interdeco, Socprint et un certain nombre de télévisions locales hertziennes se sont regroupés en une régie publicitaire, baptisée alors Télévisions locales et régionales (TLR) 38. Il convient d’ajouter la participation des collectivités territoriales dans l’économie des chaînes de proximité, le double caractère public-privé d’un financement paraissant constituer un gage d’équilibre et de stabilité. Certes, les télévisions locales sont amenées à se développer grâce à leur entrée dans le numérique terrestre et à la volonté de garantir au sein de ce nouveau mode de diffusion une information de proximité. Mais, comment être sûr que ces chaînes en ont fini avec les fantômes de leur passé ? La TNT est, en effet, censée couvrir à terme 85 % de la population française ; cela représente un chiffre correct mais laisse tout de même 25 % de la population à l’écart de ce projet. Une fois la mort de l’analogique prononcée, le seul moyen, 36 Interview d’Éric DEBEVE pour Télé-Toulouse, du 8 août 2000, op. cit. 37 BELOT C., Pour le développement des télévisions de proximité en France, Sénat, op. cit, 2004-2005, p. 47. 38 Interdeco est une filiale de Lagardère. Socprint fait partie du groupe de la Socpresse. Parmi les télévisions locales hertziennes ayant participé à la création de cette régie publicitaire, on peut citer Télé Lyon Métropole, Télé Toulouse, Clermont 1ère, TV7 Bordeaux et Nantes 7. 14 pour cette partie de la France lésée, de recevoir des programmes télévisés sera de souscrire auprès des plus proches concurrents de la TNT ; le satellite en est un exemple. Une fois encore, la concurrence de médias voisins, en particulier celle des nouvelles techniques de diffusion pourrait bien être un frein à l’épanouissement des télévisions locales. Plus largement, cette concurrence pourrait faire partie des diverses causes qui, combinées, conduiraient à un éventuel échec de la TNT. 15