Assainissement des sols contaminés par le
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Assainissement des sols contaminés par le
Plantes Agroscope | 2016 Assainissement des sols contaminés par le perchlorate dans les serres Auteurs: Reto Neuweiler, Jürgen Krauss (Agroscope) et Lutz Collet (Grangeneuve) Février 2016 La présence indésirable de perchlorate, substance largement inconnue jusque-là, a été détectée pour la première fois dans des échantillons de légumes et de fruits en 2013. Suite à cette découverte, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) s’est efforcé de déterminer les éventuelles sources d’apport, en collaboration avec Agroscope. Les examens ont confirmé le soupçon selon lequel les engrais contaminés constituaient la principale cause de la présence de perchlorate dans les légumes et les fruits en Suisse. L’utilisation d’engrais contaminés par le perchlorate en culture couverte dans le sol, provoque une accumulation de perchlorate dans ce dernier. À la fin 2014, Agroscope et Grangeneuve ont lancé, d’entente avec le Forum Recherches Légumes, un projet Extension commun, afin d’élaborer et d’examiner des mesures pour assainir les sols contaminés par le perchlorate dans les serres. Les résultats des essais obtenus entre-temps sur deux exploitations privées montrent que le problème du perchlorate peut être atténué avec une stratégie ciblée d’arrosage avant le début de la culture, de même manière que pour les sols riches en sel en culture sous serre (Sonneveld et Vogt 2009). Les engrais, source principale d‘apport Les analyses d’engrais effectuées à large échelle au sein de la branche confirment l’hypothèse selon laquelle, en Suisse, le perchlorate est principalement introduit par des engrais contaminés dans les cultures maraîchères. Selon des études réalisées à l’étranger, l’eau d’arrosage contaminée par le perchlorate constitue aussi un facteur de risque non négligeable (Zunker et al. 2015). Un tel lien n’a pas pu être établi jusqu’à maintenant dans les conditions prévalant en Suisse. En Suisse, le perchlorate a essentiellement été détecté dans des engrais hydrosolubles contenant du nitrate de potassium, qui sont officiellement autorisés. Ces engrais sont surtout utilisés en culture couverte. Soulignons que la contamination d’autres engrais commerciaux par le perchlorate ne peut pas être exclue (Trumpolt et al. 2005). Afin d’éviter autant que possible tout dépassement des valeurs maximales fixées par l’OSAV pour le perchlorate dans les produits récoltés, il est recommandé aux maraîchers de faire analyser les engrais avant leur achat afin de détecter une présence éventuelle de perchlorate. Il est indiqué de contacter le fournisseur d’engrais en premier, ce dernier possédant en général les résultats des analyses portant sur les différentes charges d‘engrais, respectivement sur les matières premières utilisées pour la fabrication. Les cultures sous serre en sol sont les plus touchées En culture hors sol, le problème du perchlorate peut être rapidement atténué en lavant les installations de fumure et d’arrosage et en utilisant systématiquement des engrais exempts de perchlorate. Différents exemples tirés de la pratique montrent que l’utilisation d’engrais contaminés provoque une accumulation durable de perchlorate dans le sol des serres ou tunnels, dans lesquels les cultures sont mises en place. Le perchlorate s’introduit dans la plante avec le flux d’eau et est stocké dans les organes dans lesquels l’évaporation de l’eau est la plus forte, avant tout dans les feuilles (Seyfferth et al. 2008). En général, ce sont donc surtout les légumes-feuilles et les légumes-tiges qui sont touchés par le problème du perchlorate. Les légumes-tubercules peuvent néanmoins aussi être concernés : du perchlorate a été détecté à plusieurs reprises dans des radis ces dernières années. De propres analyses ont confirmé que la teneur en perchlorate dans les feuilles était beaucoup plus élevée que dans la partie comestible des radis. Il est difficile de définir les cultures et produits de récolte particulièrement concernés par la problématique du perchlorate, ce dernier dépend de sa teneur dans le sol, des effets saisonniers et de l’utilisation des organes récoltés ainsi que des valeurs maximales en vigueur pour les légumes. Assainissement des sols contaminés par le perchlorate dans les serres Le lessivage comme mesure d’urgence Les essais réalisés jusqu’à présent montrent que la teneur en perchlorate des sols contaminés sous serre peut être fortement réduite, du moins temporairement, grâce à des mesures d’arrosage ciblées avant le début de la culture. Notons néanmoins qu’il n’existe toujours pas d’expériences sur le long terme. Le lessivage du perchlorate se trouvant dans la couche supérieure du sol réduit de manière avérée la teneur en perchlorate dans les légumes cultivés ensuite. Soulignons que la teneur en perchlorate du sol était plutôt moyenne sur les deux sites d’essai et se situait autour de 0.01 mg/kg de substance de sol. Avec des sols plus fortement contaminés, tels que rencontrés uniquement à l’étranger jusqu’à présent, on peut se demander si la teneur en perchlorate de la couche supérieure du sol peut être réduite suffisamment par lessivage pour pouvoir respecter les valeurs maximales prescrites dans les légumes cultivés ensuite. Différents procédés d’arrosage pour tester le transfert du perchlorate (photo : Lutz Collet). Lessivage du perchlorate : voilà comment ça marche ! Attention : Le comportement du perchlorate en matière d’accumulation dans les parties comestibles des cultures ainsi que les valeurs maximales prescrites sont décisifs. Dans certains cas, le processus de lessivage devra éventuellement être répété, à savoir si les valeurs maximales sont toujours dépassées dans le produit récolté de la culture suivante. Travail du sol en surface avant l’arrosage : Si la surface du sol est croûteuse ou envasée, il est nécessaire de briser la croûte superficiellement au préalable avec un cultivateur, un déchaumeur ou une bêcheuse. Il faut veiller à ne pas faire de sillons profonds afin que l’eau d’arrosage s’écoule à travers les pores moyens et grossiers naturels et ne s’infiltre pas directement en profondeur par des canaux artificiels. Pas de travail intensif du sol : Il ne faut en aucun cas travailler intensivement le sol avant les mesures d’arrosage. Une surface du sol trop fine tend fortement à s’envaser. Dans ce cas l’eau d’arrosage ne peut pénétrer que difficilement dans les pores naturels du sol et il s’ensuit une accumulation d’eau en surface même avec de petites quantités d’eau d’arrosage. Quantité d’eau suffisamment grande : Les essais effectués jusqu’à présent ont montré que dans des sols moyennement lourds à lourds 200 mm étaient plutôt insuffisants pour transférer le perchlorate de la couche supérieure du sol à une profondeur adéquate. Selon les connaissances actuelles, environ 400 mm paraissent judicieux. Répartition en apports partiels : Afin d’éviter une accumulation et un écoulement en surface de l’eau d’arrosage, il faut répartir la quantité d’eau. L‘ampleur des différents apports doit être fixée sur place en tenant compte de la capacité d’infiltration du sol. Si l’arrosage intervient trop rapidement, l’eau s’accumule en surface, cette dernière s’envase et les pores se bouchent. Il faut donc interrompre l’arrosage dès que l’eau cesse de s’infiltrer. Pause jusqu’à la culture suivante : Les grandes quantités d’eau provoquent une inondation temporaire de tout le profil du sol. Selon la granulométrie de ce dernier, cela peut durer des semaines jusqu’à ce que la couche supérieure puisse de nouveau être travaillée et que la culture suivante puisse être semée ou plantée. Les sols lourds sèchent notamment lentement. Durabilité du succès de l’assainissement : Avec le temps le perchlorate transféré vers les couches inférieures du sol peut remonter dans le secteur des racines principales suite à la remontée capillaire de l’eau. Dans les sols avec beaucoup de pores fins, on ne peut exclure que ce processus fasse fortement augmenter la teneur en perchlorate de la couche supérieure et des légumes, pendant les périodes de chaleur et de sècheresse en été. Afin de ne pas favoriser inutilement la remontée du perchlorate, il faut donc éviter un dessèchement de la couche supérieure du sol pendant les périodes sans culture. 2 Agroscope | 2016 Assainissement des sols contaminés par le perchlorate dans les serres Bibliographie : Jackson W.A., Joseph P., Laxman P., Tan K., Smith P.N., Yu L. und T.A. Anderson, 2005 : Perchlorate Accumulation in Forage and Edible Vegetation. J. Agric. Food Chem. 2005 53, 369 - 373 Seyfferth A.L. und D.R. Parker, 2008. Uptake und Fate of Perchlorate in Higher Plants. Advances in Agronomy, 102 -120 Sonneveld C. und W. Voogt, 2009. Plant Nutrition of Greenhouse Crops. Springer Verlag 431 pp. Trumpolt C.W., Crain M., Cullison G.D., Flanagan S.J.P., Siegel L. und S. Lathrop, 2005. Perchlorate : Sources, uses and occurrences in the environment. Remediation 2005, 65 – 89 Il faut interrompre l’arrosage dès que l’eau s’accumule en surface (photo : Lutz Collet). Zunker M., Reetz J., Lehneis T. und T. Nagel, 2015: Fundaufklärung Chlorat. Abschlussbericht, Landwirtschaftliches Technologiezentrum Augustenberg (LTZ) 34 pp. Les cultures et les couverts végétaux font fonction de pièges Les diverses espèces végétales se différencient concernant l’absorption et l’accumulation de perchlorate (Jackson et al. 2005). Les essais réalisés avec différentes espèces végétales comme plantes pièges dans le cadre du projet Extension décrit ci-dessus montrent que les cultures et couverts végétaux absorbent des quantités limitées de perchlorate se trouvant dans sol. La majeure partie du perchlorate absorbé peut être éliminée avec les produits récoltés et les résidus de récolte pour autant que ces derniers soient enlevés des surfaces sous tunnel et sous serre. Une certaine quantité du perchlorate accumulé dans le sol peut ainsi être éliminée sur plusieurs années dans le cadre de l’assolement sous serre. Remerciements : Nous remercions les entreprises et organisations ci-après de leur soutien pour la réalisation et le financement des analyses de perchlorate : COOP, Bâle Association SwissGAP, Berne Union maraîchère suisse (UMS), Berne Pour des raisons économiques, la mise en place de couverts végétaux comme plantes pièges sur des surfaces couvertes peut se faire entre deux cultures principales. Les cultures intercalaires peuvent accélérer le processus d’assainissement pour autant que le matériel végétal soit enlevé de la surface. Impressum Agroscope Schloss 1, case postale 8820 Wädenswil www.agroscope.ch Renseignements : Reto Neuweiler : [email protected] 058 460 64 53 Éditeur : Les espèces végétales se différencient concernant leur aptitude à accumuler le perchlorate (photo : Lutz Collet). Conception : Lutz Collet : [email protected] 026 305 58 78 Brigitte Baur Copyright : © Agroscope 2016 Agroscope | 2016 3