Sexion d`Assaut: les dessous d`une polémique

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Sexion d`Assaut: les dessous d`une polémique
Ecole de journalisme de Sciences Po
Sexion d'Assaut: les dessous d'une polémique
Soumis par BERTIN Adeline
Depuis le 23 octobre se succèdent concerts, spectacles d'arts graphiques et de danse sur la scène du plus ancien
festival hip-hop de France, Cité Rap, à Saint-Brieuc. Ces fameuses "rencontres des cultures urbaines" doivent s'achever
samedi 30 octobre par un concert du groupe de Rap Sexion d'Assaut. La particularité de cette 12ème édition? Elle a
bien failli ne pas avoir lieu. Pourquoi? Parce que le groupe programmé pour la clôturer est toujours englué dans une
polémique pour avoir tenu des propos homophobes. Ce sont les déclarations du rappeur Lefa, de son vrai nom Karim
Fall, qui sont en cause. Il a lâché, en juin dernier, dans une interview accordée au magazine "International HipHop": "Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu'on est homophobe à cent pour cent et qu'on
l'assume". La communauté gay et les associations de lutte contre l'homophobie et les discriminations ont aussitôt
condamné les propos violents du rappeur, sans toutefois appeler au boycott des concerts du groupe. L'association
organisatrice de Cité Rap, la Contremarche, a ensuite confirmé la participation des huit rappeurs Lefa, L.I.O,
MaîtreGims, Doumams, Maska, Black Mesrimes, Barack Adama et Jeryzoos au festival, mais uniquement sous certaines
"conditions non négociables". Les membres de la Sexion devront participer à un débat public samedi après-midi, en
présence de plusieurs associations de lutte contre l'homophobie. La Contremarche explique son choix dans un
communiqué de presse:
"Si la Contremarche, ses administrateurs, bénévoles, salariés et partenaires associés n'acceptent, ni ne cautionnent
en aucun cas les propos tenus par les membres du groupe et condamnent fermement et sans ambiguïté le caractère
homophobe des prises de position, l'association considère qu'elle doit agir avec responsabilité et engagement et
proposer une manière alternative à la seule condamnation et annulation simple du concert, pour que la question de la
lutte contre les exclusions soit abordée d'une manière efficace".
Crédit Photo: capture d'écran Dailymotion
Edité par Amandine Briand
A l'origine: un tweet
"Je ne suis pas une femme voilée je suis une NINJA". C'est ainsi que se présente Ouarda sur son compte Twitter, une
dénomination peut-être due à la polémique qu'elle a dévoilée et qui continue aujourd'hui de faire le buzz. Après avoir lu
une ancienne édition du magazine "International Hip-Hop" datée de juin dernier, Ouarda avait décidé, le 23 septembre,
de poster sur le fameux réseau social un extrait de l'interview de Lefa, rappeur du groupe Sexion d'Assaut, dans
laquelle il tient des propos ouvertement homophobes:
"Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu'on est homophobes à cent pour cent et qu'on
l'assume. Mais on nous a fait beaucoup de réflexions et on s'est dit qu'il était mieux de ne plus trop en parler parce que
ça pouvait nous porter préjudice. [...] Imagine, il y a même des gays qui viennent nous voir! On ne peut donc pas se
permettre de dire ouvertement que pour nous, le fait d'être homosexuel est une déviance qui n'est pas
tolérable".(Interview intégrale)
Ces paroles violentes ont été aussitôt condamnées par la communauté gay - qui a décidé d'interpeler la maison de
disque du groupe Sony Music France - des élus politiques ainsi que des stations de radio. Une quinzaine de concerts
programmés au mois d'octobre ont alors été annulés, plusieurs radios ont décidé de ne plus passer les titres de la
Sexion et NRJ a suspendu une opération de promotion avec le groupe. Après le succès cet été de leur dernier album
"L'école des points vitaux", la décision de MTV de retirer leur candidature de ses "Europe Music Awards 2010" (EMA) a
constitué l'ultime retour de bâton pour le groupe.
"Ce que je voulais dire c'est que nous étions cent pour cent hétéros"
La polémique autour des déclarations du rappeur Lefa a circulé très vite sur le Web. Des groupes se sont créés sur
Facebook pour appeler au boycott de Sexion d'Assaut, et une parodie de leur tube "Désolé", par "Sexion d'homo", a
déjà été visionnée plus de 1 600 000 fois sur youtube. Lefa s'est excusé de ses propos le 6 octobre, en présence du
producteur Dawala et devant les caméras de PresseOcéan, quotidien régional de Loire Atlantique. Sa casquette,
comme à l'accoutumée, lui cachait la moitié haute du visage de telle sorte que l'on n'a jamais pu voir ses yeux pendant le
conférence de presse. Extraits:
"J'ai dit effectivement que nous étions homophobes, et je tiens aujourd'hui à m'excuser de ces propos. C'est un mot très
lourd, très grave, que je ne maîtrisais pas à l'époque. J'ai revérifié pour la première fois sa définition dans le dictionnaire ça en a d'ailleurs fait rire beaucoup - et je tiens à dire aux médias aujourd'hui que ni moi ni aucun membre du groupe n'est
homophobe. Quand j'ai utilisé ce mot, ce que je voulais dire c'est que nous étions cent pour cent hétéros".
Des excuses dont la sincérité a été critiquée. En effet, ce n'est pas la première fois que le groupe est accusé
d'homophobie. En 2006, on trouvait ainsi dans le titre "On t'a humilié" les paroles suivantes, qui ont immédiatement
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provoqué un tollé: "Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe leur le pénis, laisse les morts,
retrouvés sur le périphérique". Puis dans "Cessez le feu", tiré de l'album "L'écrasement de tête" (2009), on pouvait
entendre: "Lointaine est l'époque où les homos se maquaient en scred. Maintenant, se galochent en ville avec des
sappes arc-en-ciel. (Mais vas-y bouge, vas-y bouge. Toutes ces pratiques ne sont pas saines, Nos corps ne seront qu'un
tas de cendres, la mort ne sera qu'une passerelle".
Les associations prises au piège?
Alors cette affaire est-elle celle d'un malheureux dérapage sur une définition mal maîtrisée, ou au contraire un énorme
coup marketing pour le groupe? Parmi toutes les associations de lutte contre l'homophobie et les discriminations qui ont
réagi face aux propos et rencontré le groupe de Rap, l'association Ensemble pour l'égalité n'est pas dupe. Anthony
Bosser et Thibault Fallait, respectivement président et vice-président de l'association, invités de Jean-Marc Morandini
sur Direct 8, ont déclaré: "On sait que le communiqué de presse c'est du foutage de gueule, ils se foutent de nous c'est
clair!"
Mais face à la spirale médiatique, et l'effet pervers des annulations qui ont provoqué chez les fans un sentiment de
colère contre les associations, ces dernières ont préféré la pédagogie et la prévention à la sanction. Louis-Georges Tin,
président du comité IDAHO (en anglais International Day Against Homophobia, journée internationale contre
l'homophobie), a par exemple déclaré "avoir confiance" dans le groupe, avec lequel un "dialogue est possible".
S'ils échappent à l'annulation de la majorité de leurs concerts, les rappeurs devront néanmoins respecter plusieurs
engagements. Le premier est évident: ne plus tenir de propos homophobes. Les prochains concerts du groupe seront
d'ailleurs filmés et enregistrés. Un deuxième engagement consiste à inviter les associations à assister aux prochains
concerts de Sexion d'Assaut, pour qu'elles puissent constater qu'il n'y a pas de discriminations. Les rappeurs devront
aussi sensibiliser le public, à travers une manifestation artistique qui porterait un message à l'opposé des propos
controversés, et l'organisation d'un débat avant chaque concert de la tournée.
Un dernier rebondissement... Avec plus de 1400 000 fans sur leur page officielle Facebook, le groupe est toujours très
apprécié et soutenu par les jeunes. Le 12 octobre, ils ont publié sur leur compte youtube une vidéo intitulée 'le Relais",
qui a fait rebondir la polémique. En effet, juste après le témoignage d'un opposant au groupe, qui sert de bande-son au
début de la vidéo, Lefa lance: "Tu vas être déçu si tu voulais qu'on se barre, T'as été très con de croire que tu pourrais
nous barrer la route. T'inquiète les crocs j'les ai toujours. Ceux qui disent qu'on a changé sont peut-être tous sourds".
Bien qu'il n'y ait pas de lien direct établi entre les propos homophobes du rappeur en début de mois et ceux prononcés
ici, les associations contre l'homophobie et les discriminations sont rapidement montées au créneau. La Fédération
LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) ainsi que le Collectif Contre l'Homophobie ont tout de suite appelé
au boycott des dernières dates de la tournée du groupe...
Et vous, qu'en pensez vous?
Sexion d'assaut: confusion maladroite ou véritable coup de pub? Laissez vos commentaires...
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