Catalogue 2006. Des images gravées 1. Le Château d`après Franz
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Catalogue 2006. Des images gravées 1. Le Château d`après Franz
Catalogue 2006. Des images gravées 1. Le Château d’après Franz Kafka Olivier Deprez A ce jour, l’ensemble du catalogue représente un ensemble de plus de trois cents gravures. L’essentiel du corpus prend sa source dans la rencontre de la littérature et des arts graphiques. C’est un art de l’image qui promeut une poétique forte encore baignée par l’esprit de la modernité. Le rapport au texte marque une bonne partie des gravures. Il s’agit de prolonger le geste de l’écriture par le geste de la gravure. La gouge remplace la plume (et/ou le clavier). Le souci du mouvement caractérise également les images. Loin du dogme de la belle image unique, les gravures prennent place dans un ensemble rythmé par la séquence. Les supports sont multiples : du port-folio à l’écran en passant par le livre de bande dessinée. La gravure est ainsi reconsidérée et décadrée. S’il fallait trouver des ancêtres, on citerait Masereel (il va de soi), mais aussi Olga Rozanova, Kurt Schwitters et Raoul Hausmann. “Le Château, d’après Franz Kafka” est le premier opus gravé créé par Olivier Deprez. Si le choix d’un premier ouvrage s’est porté vers les textes de Kafka, c’est que ceuxci semblent fonctionner sur un registre poétique similaire au registre de la gravure sur bois. La phrase de Kafka creuse le texte, elle s’avance pour s’évanouir. Elle s’écrit pour mieux s’effacer si bien que le texte que nous lisons est moins le résultat d’une logique de l’accumulation que le reste d’un geste qui retire. En quelque sorte, la phrase rehausse le blanc. Cette manière rétractile du texte kafkaïen le disposait à se métamorphoser tôt ou tard en gravure. Du roman “Le Château”, il a été tiré quelques deux cents gravures sur bois. Le tout constitue une bande dessinée. Gravant “Le Château”, on a moins tenté de retrouver l’histoire que le mouvement de la phrase kafkaïenne. Il ne s’agit donc pas explicitement d’une adaptation mais plutôt d’une transcription. Au fond, on a gravé pour écrire comme Franz Kafka avait écrit pour graver. 2. Traverses (avec des poèmes de Jan Baetens) Créées pour accompagner un cycle de poèmes de Jan Baetens consacrés à la construction d’une ligne TGV, les “traverses” se veulent être autant des éléments de continuité que de rupture. La pièce de bois (ou de béton) qui rythme le bolide devient le prétexte à des développements séquentiels qui ouvrent sur le monde du cinéma muet (cf. les références à Murnau). Les “traverses” sont aussi l’occasion pour la graveur de méditer sur le matériau et sur le geste qui fonde son acte de création. 3. Ecrire comme à Lisbonne (avec 2 poèmes de Jan Baetens) Dans ce recueil gravé, Lisbonne ne transparaît que dans les vers du poète. Le graveur a adopté une stratégie toute rousselienne qui consiste à fermer les rideaux quand l’exotisme menace l’image de ses stéréotypes. On ne voit donc pas Lisbonne. Ou plutôt Lisbonne n’est pas montré. Graver comme à Lisbonne, ce devait être un geste métafictionnel, un geste commis dans l’interstice du visible et du lisible. Là où les signes perdent de leur transparence, là où tremble le sens de ce qui est vu et de ce qui est lu. Au-delà de ces considérations, l’enjeu profond aura aussi été d’inventer une entité mixte, oscillant entre l’écrivain, le lecteur et le graveur. 4. L’enterrement de Kazimir Malevitch. Sur une lithographie de Kazimir Malevitch conçue pour servir de couverture à l’anthologie futuriste de Troïé, surmontant une virgule un personnage vu de dos semble s’éloigner vers le fond blanc de la page. Le graveur a repris ce personnage de Malevitch et en fait le prétexte à une méditation sur la création, sur la modernité, sur le livre, sur les signes (les mots et les images). Le récit (car récit il ya ) serait totalement muet s’il n’était rythmé par les apparitions scandées d’un récitant dadaïste qui dit l’éloge funèbre de K.M. En un certain sens, cet ouvrage se conçoit sur le mode du commentaire et de la glose. 5. Autoportraits Souvent, la méditation s’attarde au geste, mais qu’en est-il du graveur? Quid de celui qui peine à la tâche? Le graveur s’est donc penché sur l’épineux problème de l’autoportrait choisissant de se dévoiler au travers du prisme de personnages plus ou moins célèbres. “Personnage”! La notion est ambiguë, voire caduque. Les personnages modernes sont abolis par le langage ; mais, qui lit La Métamorphose ne peut s’empêcher pourtant de s’identifier au malheureux Grégoire Samsa. C’est dans la confusion d’une telle identification que le graveur se trouve...et se perd!