En institution, vie sociale-vie privée : quelle limite ? Apprendre à la

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En institution, vie sociale-vie privée : quelle limite ? Apprendre à la
EREMA – appel à publication août 2011
Thème : Reconnaitre la personne : des passerelles vers la vie sociale
En institution, vie sociale-vie privée : quelle limite ? Apprendre à la respecter.
Exemple de la mise en œuvre de la Méthodologie de soin Gineste-Marescotti® à la maison de
retraite de Marcols-les-Eaux
Co-auteurs : I. Caussignac, directrice Maison de retraite Publique de MARCOLS-LES-EAUX, D. Williot,
médecin coordonnateur, S. Gely, cadre de santé, V. Mounier Galli, IDE, M. Perrier, IDE, M.-A.Touron,
AMP, F. Gounon, AS, C. Lozac’h, IPRIM
Les formations à la méthodologie de soin Gineste-Marescotti® visent à ce que les établissements qui
accueillent des personnes âgées deviennent de véritables milieux de vie, substituts du domicile. Dans
l’idéal, la liberté, l’autonomie, l’intimité, l’expression des besoins et des désirs des personnes qui y
vivent sont pleinement reconnus, pris en considération dans des limites consensuelles de respect
mutuel.
Un milieu de vie substitut du domicile se veut ouvert sur « l’extérieur », sur la « vie sociale ». Pour
qu’une personne qui réside en établissement puisse aller vers cette vie sociale, y participer, s’y
intégrer, elle doit être reconnue en tant que citoyen. Pour cela, elle doit se reconnaitre elle-même en
tant que citoyen, et donc avoir conscience qu’elle est un membre de cette société, entièrement libre
d’y circuler, et d’y rester.
A domicile, la chambre est l’espace où l’on peut vivre, sans le regard d’un tiers, sans le biais provoqué
par une autre présence. Elle est le lieu de rencontre avec soi-même, de reconnaissance de soi. C’est
en partie, à la maison, dans ce lieu privé, que se structure ce sentiment d’identité, c’est très visible à
l’adolescence.
La chambre est un espace de liberté, prolongement du soi. C’est aujourd’hui reconnu, pour les
institutions, lorsque les programmes de réhabilitation prévoient des chambres particulières, et que
tout est mis en œuvre pour que la personne s’approprie ce nouveau « domicile », en l’aménageant à
sa guise, en y introduisant « l’objet transitionnel ».
A partir de ce lieu, lorsque l’assurance est perçue de la sécurité, du respect de l’intégrité, de
l’attention portée à l’identité individuelle, la décision peut se prendre d’agir, de se mouvoir, de
recevoir, de sortir pour aller vers la « vie sociale », de revenir avec plaisir.
Notre expérience de formateurs auprès des professionnels exerçant en établissement, nous montre
cependant que ce droit fondamental, le respect d’un espace privé, de l’intimité, est bien souvent mis
à mal : les professionnels, plusieurs fois par jour, signifient aux résidents, sans en avoir vraiment
conscience, qu’ils ne sont pas véritablement « chez eux ».
Nous observons que les portes des chambres en établissement ne sont pas toujours fermées pour
certains soins ou lors des temps de repos, pour des raisons diverses et souvent sécuritaires, d’autant
que la personne a besoin d’aide ou ne manifeste pas son désir de voir la porte fermée. Lorsque les
portes sont fermées, les professionnels frappent la plupart du temps avant d’entrer. Mais rares sont
ceux qui entrent dans la chambre après avoir été invités à le faire. L’occupant risque fort d’être
surpris par l’irruption d’un soignant. Il se peut d’ailleurs que regarder la télévision devienne le seul
acte individuel possible, quasiment en public, en regard d’une activité comme écrire, regarder des
photos ou « s’occuper de son intérieur ».
Les préliminaires aux soins, première phase d’un module essentiel de la formation à la méthodologie
de soin Gineste Marescotti® dénommé « capture sensorielle® », sont une formalisation de l’entrée
en relation avec la personne à qui s’adressent les soins. Ils sont introduits par les pré-préliminaires,
Publication août 2011 - EREMA
IPRIM – Institut pour la recherche et l’information sur la Méthodologie de soin Gineste-Marescotti
32 rue de l’Echiquier - 75010 PARIS
Contact : Dr Nicole Sicard
Tel : 06 70 15 18 27 - Fax : 01 42 46 07 60 – mail : [email protected]
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Thème : Reconnaitre la personne : des passerelles vers la vie sociale
qui consistent à reconnaitre la nécessité de cette séquence et à la ritualiser : on n’entre pas dans la
chambre sans avoir frappé à la porte 3 coups, attendu la réponse. Si la personne ne répond pas, et
seulement après un second essai, le professionnel entrera dans la chambre en faisant en sorte de
s’annoncer le plus clairement possible. La personne peut ainsi se mettre en condition pour recevoir
un visiteur. Si elle a besoin d’un délai, elle peut demander d’attendre un peu. Si elle ne veut pas
qu’une personne entre, elle a la possibilité de le manifester. Pour le professionnel, ce geste, ce
moment, permet de se mettre en condition d’entrer chez quelqu’un, chez cette personne en
particulier, de se concentrer sur ses particularités, sur ce qu’elle est en mesure d’attendre compte
tenu des pathologies qu’elle présente, sa compréhension de l’environnement en cas de troubles
cognitifs ou sensoriels, d’adopter l’attitude la plus adaptée...
Les professionnels, lorsqu’ils évoquent leurs pratiques, conviennent qu’ils attendent rarement
l’autorisation du résidant avant d’entrer dans sa chambre. Combien sont réellement incapables de
répondre, soit parce qu’ils n’entendent pas, soit parce qu’ils ne comprennent pas ? En cours de
formation, lorsque ce geste est systématiquement appliqué, les stagiaires sont régulièrement surpris
de voir des résidents, dont ils n’imaginaient pas qu’ils en seraient capables, répondre pour certains
dès la première sollicitation, pour d’autres, à la seconde, étonnés de ce changement de pratique.
Dans sa dynamique continue d’amélioration des pratiques soignantes, la Maison de Retraite Publique
« Camous-Salomon » de Marcols les Eaux, en Ardèche, a choisi d’engager, depuis juin 2008, une
démarche au long cours d’implantation de la méthodologie de soin Gineste Marescotti, dite
« Humanitude ». Celle-ci passe par la formation de l’ensemble de son personnel. Pour pérenniser les
acquis des formations et consolider les savoir-faire, l’établissement a constitué un groupe ressource
qui, par la mise en œuvre régulière d’actions ciblées, vise à optimiser l’implantation des outils de la
méthodologie dans les pratiques soignantes. L’objectif est toujours d’évoluer vers un milieu de vie
véritablement substitut du domicile. Le choix prioritaire de l’établissement s’est porté sur le droit des
résidents à disposer d’un espace privé, où leur intimité sera respectée, autour du protocole du « Toc
Toc Toc ».
En décembre 2009 et 2010, le groupe ressource a donc organisé des campagnes de sensibilisation au
respect du domicile, en direction du personnel, des 110 résidents et de leurs proches. La démarche
est double :
- Rappeler à tous, soignants, résidents, visiteurs, l’importance de frapper à la porte et surtout
d’attendre la réponse avant d’entrer au domicile du résident. Quelles que soient ses
capacités à répondre, il doit être prévenu de notre arrivée.
- Mettre en lumière les bénéfices attendus par une évaluation, en début et en fin de
sensibilisation, de la réponse des résidents, afin de consolider, par les résultats, la motivation
du personnel à poursuivre dans le même sens.
La campagne a comporté un affichage varié dans les unités, à l’entrée de chaque chambre, sur les
accès de l’établissement, ainsi que par l’intermédiaire du logiciel « dossier de soin ».
Ont été mesurés :
- Le nombre de personnes répondant au premier, au deuxième « Toc Toc Toc », ou ne
répondant pas,
- L’attitude des personnes, classées souriantes, indifférentes ou mécontentes.
Les résultats ont montré, lors de la première campagne, en décembre 2009, une augmentation à la
fois du nombre de personnes qui répondent aux soignants et du nombre de personnes qui
accueillent les soignants avec le sourire.
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Thème : Reconnaitre la personne : des passerelles vers la vie sociale
Lors de la seconde campagne, en décembre 2010, l’évaluation a montré une stabilité des résultats de
début de campagne par rapport à ceux de la fin de campagne 2009, et une évolution positive peu
significative entre le début et la fin de cette seconde campagne, particulièrement sur le nombre de
réponse à la première sollicitation et l’absence de réponse en miroir.
Ceci reflète le bien-fondé de cette initiative, qui, malgré une mise en œuvre tardive par rapport au
début des formations, a porté ses fruits en suscitant, dès la première étape, une belle amélioration
des pratiques, qui s’est par la suite maintenue durant l’année, grâce à la mise en évidence de
l’impact sur l’attitude des résidents : la seconde campagne n’a pu faire beaucoup mieux, elle a sans
doute contribué à maintenir le niveau d’exigence.
Au sein de l’ensemble des actions menées par l’établissement, l’intérêt de ce geste, si simple, est à ce
jour réel et partagé. D’autres campagnes ne seront sans doute pas inutiles pour maintenir
l’engagement des professionnels et les résultats obtenus.
Cet exemple nous montre en outre, que nombre de personnes (environ 1/3), qui ne répondaient pas
lorsque l’action s’est mise en place, ont vite répondu par la suite : comme si, par la répétition, ils
prenaient conscience, progressivement, qu’ils détenaient ce pouvoir, d’autoriser ou non une
personne à entrer. Parmi les personnes qui ne répondent toujours pas, dont le nombre diminue
cependant régulièrement, seules deux personnes manifestent leur mécontentement à l’entrée du
soignant. L’une est atteinte de troubles cognitifs, l’autre personne a refusé de répondre. A noter que
deux personnes présentant une surdité. L’une d’elle s’est mis à répondre dès la première
sollicitation, l’autre ne répondait toujours pas mais accueillait le soignant avec le sourire. Le mode
d’entrée en communication lui convenait sans doute mieux. Dans les cas de surdité complète, il peut
être proposé d’installer un système déclenchant l’allumage d’une lampe dans la chambre, pour
remplacer le fait de frapper à la porte.
Vie publique – vie privée, la porte fermée en symbolise la frontière, tant dans l’esprit du résident que
dans celui du visiteur, professionnel ou proche. Un acte si banal, respecté lorsque nous nous
présentons au domicile d’un inconnu, manifeste le souci de solliciter l’autorisation de passer cette
limite. Nous n’en prenons bien souvent pas la mesure dans le quotidien des institutions et la course
des soignants.
Le protocole du « Toc Toc Toc » prend une belle place en tant que socle du maintien de l’intégrité
identitaire, et donc de l’autonomie, et de la capacité à s’aventurer dans la « vie sociale ». La vie
sociale et l’intimité constituent des besoins et des droits fondamentaux particulièrement précieux en
institution, ils se nourrissent l’un de l’autre.
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