Enceintes thermostatiques et climatiques : Nouvelle
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Enceintes thermostatiques et climatiques : Nouvelle
Solutions ENCEINTES T H E R M O S T A T I Q U E S E T C L I M A T I Q U E S Nouvelle norme pour la validation des enceintes Il y a dix ans, personne ne songeait à mettre en doute l’indicateur de température d’une enceinte climatique. Aujourd’hui, 25 laboratoires sont accrédités par le Cofrac pour la caractérisation et la vérification des enceintes ; salles frigorifiques ou autres étuves. Des exigences, des normes ont incité ainsi le développement de cette nouvelle activité. Dans ce milieu en plein essor, une norme internationale l’IEC 60068-3-11 publiée en 2007 remplacera progressivement la norme française NF X 15-140. Bientôt, à Paris, Londres ou Bangkok, toutes les enceintes seront validées de la même manière. A vant, les enceintes climatiques étaient tellement pleines, qu’il n’y avait même plus la place pour mettre un thermomètre dedans. Personne ne se souciait de savoir si la circulation d’air était bien assurée. De toute façon, la plupart des enceintes thermostatiques (étuves, réfrigérateurs) étaient non ventilées. Et lorsqu’il y avait un indicateur de température, nul ne songeait à remettre en cause la valeur affichée. « Aujourd’hui, des normes sectorielles tellement drastiques ont été mises en place, que les industriels sont obligés de faire appel à des prestataires spécialisés pour valider régulièrement leurs équipements. En moins de dix ans, 25 laboratoires ont été accrédités en France par le Cofrac pour cette activité. La validation des enceintes thermostatiques et climatiques est devenue une véritable activité économique », Bernard Crétinon, responsable du laboratoire national hygrométrie au sein du Cetiat (Centre technique des Industries aérauliques et thermiques) résume ainsi le changement radical de comportement qui s’est opéré depuis quelques années dans le monde des enceintes. Et ce n’est pas fini. Le terme générique d’ “enceinte” rassemble aussi bien les étuves, les salles réfrigérées ou climatisées, les armoires frigorifiques, les congélateurs, les enceintes thermostatiques ou enceintes climatiques. On distingue généralement les enceintes thermostatiques (régulation de la température avec ou non surveillance de l’humidité relative) et des enceintes climatiques (régulation de la température et régulation de l’humidité relative). Les enceintes thermostatiques servent ordinairement à conserver des produits (stockage des produits pharmaceutiques, chaîne du froid pour la production et la distribution des denrées alimentaires…). Les enceintes climatiques touchent, quant à elles, le domaine des essais thermohygrométriques. Elles sont utilisées par plusieurs industriels pour réaliser des essais sous conditions contrôlées en température et humidité : séchage, accélération de vieillissement, test de stabilité, déverminage… Dans l’industrie pharmaceutique, les médicaments ou les principes actifs séjournent régulièrement dans une enceinte climatique dans le but de tester leur stabilité à long terme et leur résistance au vieillissement avant leur mise sur le marché. Une enceinte peut avoir toutes les dimensions. « Un laboratoire de métrologie, une salle blanche dont l’air est régulé en température et humidité sont aussi des enceintes climatiques », souligne Joël Cinier, président de Froilabo, un fabricant français d’enceintes. MESURES 806 - JUIN 2008 - www.mesures.com Froislabo Afin d’aborder le marché dans sa globalité, la norme internationale est incontournable pour les fabricants d’enceintes. Une prise de conscience lente et quelques aberrations Pendant très longtemps, donc, la surveillance de ces enceintes climatiques ou thermostatiques, n’existait pas. « La première fois que j’ai été sollicité, se souvient Bernard Crétinon, c’était au début des années 1990 par le secteur de l’aéronautique. Pour tester L’essentiel des matériaux, des ingénieurs voulaient s’assurer que les conditions préconi- Les enceintes thermostatiques ou climatiques sées en température et husont de plus en plus midité étaient bien respecsurveillées, caractérisées, tées. » Une première vérifiées… réflexion a été ainsi En France, ces caractérisalancée en France ametions se faisaient jusqu’à nant le Bureau de norprésent selon une norme malisation de l’aérofrançaise la NF X 15-140. nautique et de l’espace Une norme internationale (BNAE) à rédiger les CEI 60068-3-11 plus premières recommanou moins équivalente a été dations. publiée en 2007. Puis, d’autres besoins Malgré quelques différences sont apparus à la SNCF, et quelques lacunes, dans le domaine de la norme CEI supplantera l’électronique, de la progressivement la norme pharmacie… L’arrivée NF X 15-140. des normes qualité ➜ 67 Manumesure Kimo Solutions Les procédures de caractérisation des enceintes sont complexes. Pour s’assurer de leur homogénéité, les normes fixent le nombre de capteurs et leur positionnement dans l’enceinte. Les industriels sont confrontés de plus en plus à l’obligation de caractériser ou vérifier leurs enceintes thermostatiques et climatiques. ➜ ISO 9 000 a éveillé les consciences. L’industrie a commencé à se poser des questions sur la validation des équipements climatiques. Plusieurs secteurs d’activité ont alors écrit leurs propres normes pour définir entre autres les spécifications en termes de température et d’humidité à tenir au cours des essais réalisés dans ces enceintes. « Ces normes ont été rédigées à l’époque où les gens lisaient l’affichage, point final », souligne Bernard Crétinon. Les industriels n’avaient pas encore intégré toutes les connaissances nécessaires à une bonne métrologie. Ainsi, la plupart du temps, on ne tenait compte que de la résolution de l’indicateur qui, comme chacun sait aujourd’hui, n’a rien à voir avec la justesse de la mesure. « Ils ont probablement confondu dans la plupart des cas la résolution d’affichage avec l’incertitude, souligne Bernard Crétinon. On s’est donc retrouvés avec bon nombre d’aberrations. » En 1993, la norme ISO 187, pour le secteur de papier et du carton, préconisait à titre d’exemple une température à 25 °C à ± 1 °C et une humidité relative avec une erreur maximale tolérée (EMT) de ± 2 %. Les exigences en température et humidité relative (HR) ne sont pas cohérentes entre elles car dans ces conditions, une variation de 1 °C en température entraîne une variation de 3 % HR. Pour respecter l’EMT Principaux paramètres à caractériser La norme NF X 15-140 La norme CEI 60068-3-11 Caractérisation Caractérisation Le programme minimal de caractérisation en régime établi porte sur les paramètres suivants : Température de l’air dans l’enceinte : moyenne arithmétique des mesurages de la température de l’air à partir des 9 ou 15 sondes déterminant l’espace de travail. Humidité relative de l’air dans l’enceinte : moyenne arithmétique des valeurs d’humidité relative de l’air à partir des 9 ou 15 valeurs moyennes mesurées ou déterminées dans l’espace de travail. Ecart de consigne : différence entre la valeur de consigne et la valeur moyenne de chaque paramètre d’environnement mesuré dans l’espace de travail. Erreur d’indication : différence entre la valeur de l’indicateur d’environnement et la valeur moyenne de chaque paramètre d’environnement dans l’espace de travail. Homogénéité : différence maximale, obtenue en régime établi, entre les valeurs moyennes des paramètres mesurés ou déterminés (température, humidité relative) augmentées de leur incertitude élargie prenant en compte la répétabilité de la mesure (estimée par l’écart type expérimental dans l’espace de travail pendant la durée des mesures) et l’incertitude des capteurs considérés. Stabilité : valeur qui caractérise, en régime établi, les variations d’un paramètre d’environnement dans le temps. Elle est exprimée dans la même unité que le paramètre considéré. Stabilité maximale : plus grande valeur des stabilités déterminées pendant la durée des mesures. Elle est exprimée dans la même unité que le paramètre considéré. Autres paramètres pouvant être caractérisés selon le besoin : temps de récupération de la température ; dépassement transitoire de la température ; vitesse de circulation de l’air ; effet du rayonnement des parois… Le programme minimal de caractérisation en régime établi porte sur les paramètres suivants : Température de l’air dans l’enceinte : moyenne arithmétique des valeurs de température de l’air mesurées ou déterminées à partir des 8 ou 14 valeurs moyennes des sondes englobant l’espace de travail. Humidité relative de l’air dans l’enceinte : moyenne arithmétique des valeurs d’humidité relative de l’air mesurées ou déterminées à partir des 8 ou 14 valeurs moyennes correspondant aux sondes englobant l’espace de travail. Ecart de consigne : identique à NF X 15-140. Erreur d’indication : identique à NF X 15-140. Homogénéité : différence maximale, en valeur moyenne dans le temps, après stabilisation et à tout moment, entre deux points distincts situés dans l’espace de travail. Stabilité : variation de la température ou de l’humidité après stabilisation sur une période de temps en un point de l’espace de travail. Autres paramètres pouvant être caractérisés, selon le besoin : vitesse de circulation de l’air ; effet du rayonnement des parois ; dérive des instruments de la chambre d’essai ; répétabilité et résolution des instruments de la chambre d’essais. Vérification - Tolérance Tolérance Pour qu’une enceinte soit déclarée conforme, il faut que pour chaque paramètre, la moyenne des mesures de chaque capteur et son incertitude associée appartienne à l’intervalle des EMT (erreurs maximales tolérées). 68 La norme CEI ne parle pas de vérification mais de mesures dans une enceinte ayant des tolérances (chapitre V)… MESURES 806 - JUIN 2008 - www.mesures.com Solutions en humidité relative (± 2 % HR), il faudrait des EMT en température de l’ordre de ± 0,5 °C, ce qui est totalement impossible dans des salles climatisées avec du personnel à l’intérieur. « De mon point de vue, les auteurs des normes à l’époque ont traité les deux paramètres, température et humidité relative, comme s’ils étaient indépendants », précise Bernard Crétinon. Or, seule l’humidité absolue est indépendante de la température. Autre exemple, la norme ISO 139 pour l’industrie du textile préconisait, jusqu’en 2005, les mêmes EMT que la norme déjà citée ISO 187, mais pour une température de 23 °C et une humidité relative de 65 %. Dans ces conditions, on ne peut pas faire mieux qu’un écart à ± 4 %. La norme a été révisée en 2005 donnant une température à ± 2 °C et une humidité relative à ± 4 %. « C’est mieux, souligne Bernard Crétinon, mais je pense qu’on ne peut tenir les ± 4 % uniquement par le fait que l’on est capable de réaliser des mesures de température dans des écarts meilleurs que ± 2 °C. » Pour l’industrie électrique, la norme CEI 682-38 préconise une température de 60 °C avec une EMT de ± 2 °C et une humidité de 93 % à ± 3 % HR. Là encore, on peut constater une anomalie. Dans ces conditions d’humidité relative, une baisse de la température de 2 °C (soit 58 °C), induit une augmentation de l’humidité relative à plus de 100 %. Alors, on risque la condensation, ce qui n’est pas recommandé dans une enceinte climatique. Toujours est-il, que dans les années 95 pour se conformer à ces normes sectorielles, les industriels ont été obligés de mettre en place une stratégie de caractérisation des enceintes climatiques. Comment faire ? Devant l’exi- Au-delà de l’industrie « Avant seul le milieu industriel nous demandait des caractérisations d’enceintes », souligne Eric Cartalas, directeur commercial et marketing de JRI, fabricant de capteurs mais également prestataire en caractérisation d’enceintes. D’autres marchés commencent tout juste à être sensibilisés. Ainsi, les quelque 24 000 pharmacies de ville en France ont toutes au minimum un ou deux réfrigérateurs, pour le stockage entre 2 et 6 °C des médicaments thermosensibles. Etonnamment, les pharmacies n’ont jusqu’à aujourd’hui aucune obligation en matière de surveillance et caractérisation de leurs équipements. Certaines sont équipées d’un simple réfrigérateur premier prix et ne se soucient pas de la stratification de la température. Plusieurs degrés d’écarts séparent facilement l’étagère du haut et l’étagère du bas, gence en termes de spécifications, beaucoup d’industriels n’ont ni les compétences, ni les moyens pour réaliser ces essais. A normes sévères, caractérisations difficiles La plupart font alors appel à des prestataires externes. Les experts travaillent pour l’élaboration d’une norme française, la NF X 15-140 (mesure de l’humidité de l’air, enceintes climatiques et thermostatiques, caractérisation et vérification) qui fixe les procédures et propose un calcul d’estimation des incertitudes pour chacun des paramètres. Bon an mal an, celle-ci a été validée en octobre 2002. MESURES 806 - JUIN 2008 - www.mesures.com sans compter que l’ouverture de la porte des dizaines de fois dans la journée perturbe également les conditions. Pourtant, un vaccin qui congèle n’est plus efficace, tout comme un anticancéreux à quelques milliers d’euros l’ampoule. De fortes recommandations de la part de l’ordre des pharmaciens commencent cependant à susciter un intérêt. « Il est certain qu’un jour ils n’auront plus le choix », souligne Bernard Crétinon du Cetiat et Joël Cinier de Froilabo. Les milieux hospitaliers, les laboratoires d’analyses médicales, les laboratoires de bactériologies prennent également conscience de la nécessité de vérifier leurs mesures. Enfin, tous les acteurs de la chaîne du froid dans le domaine de l’agroalimentaire de la distribution ont eux aussi de plus en plus de compte à rendre sur leurs valeurs de température et d’humidité. Parallèlement, pour répondre au développement de cette nouvelle activité et à l’apparition de laboratoires prestataires, le Cofrac (Comité français d’accréditation) a mis en place lui aussi un groupe de travail en charge d’établir un programme d’accréditation. Pour cela, il s’est appuyé sur cette norme française qui est donc devenue le véritable référentiel. Le besoin était bien réel ; aujourd’hui, quelque 25 laboratoires sont accrédités par le Cofrac pour la caractérisation et la vérification d’enceintes. « Le succès de la norme a largement dépassé nos frontières, souligne Bernard Crétinon. Faute de norme internationale, elle ➜ 69 Solutions Trescal Près de 25 laboratoires sont aujourd’hui accrédités Cofrac en France pour la caractérisation et la vérification des enceintes. ➜ est aujourd’hui reconnue dans d’autres pays » tels que le Luxembourg, la Belgique, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Suisse, la Croatie… Il serait faux de dire que les autres pays ou les autres instances internationales ne se sont pas penché sur le sujet. Un groupe d’experts internationaux travaillant dans le domaine électrique a mis en place toute une série de normes CEI en 2002 concernant la caractérisation des enceintes thermostatiques CEI 60060-3-5, climatiques - CEI 60060-3-6, et avec charge -60060-3-7. Mais, contrairement à la NF X 15-140, aucune de ces normes ne traite des moyens, des méthodes de mesure, ni des déterminations d’homogénéité, de stabilités ou surtout d’incertitudes associées. Cette lacune vient juste d’être comblée. La norme CEI 60060-3-11, traitant des incertitudes de mesure, a été publiée l’an dernier, en mai. De facto, cette norme concurrence la norme NF X 15-140. Entre les deux, il y a bien quelques différences techniques de taille. Pour Joël Cinier, il s’agit de deux lectures différentes : « Sur certains 70 aspects, la norme CEI est plus contraignante que la norme française. Notamment, le paramètre de la stabilité a une incidence beaucoup plus forte sur le bilan global de l’incertitude dans la norme internationale. Ceci oblige les fabricants à renforcer leurs spécifications ». Avec la nouvelle norme, selon Jean-Luc Terrioux responsable métrologie chez Manumesure, l’enceinte n’est plus considérée comme un équipement mais comme un appareil de mesure : « Ceci sous-entend la notion de dérive. Aujourd’hui, avec la norme française, on fait une photo d’une enceinte à un instant donné. La norme internationale impose de prendre en compte la dérive et de suivre les caractérisations de l’enceinte dans le temps. Ceci obligera l’industriel à réaliser un cahier de vie pour chacun de ses équipements ». Pour Bernard Crétinon, une différence fondamentale vient du fait que la norme CEI n’aborde pas réellement l’aspect de vérification. Elle ne traite que de la caractérisation mais pas de la vérification. Or, plus de 90 % des enceintes sont vérifiées par rapport à des EMT (définis par des normes ou dans une relation clients-fournisseurs). Autre particularité, pour la détermination de l’homogénéité, la norme CEI n’intègre pas les incertitudes de mesures de la température et de l’humidité relative, ce qui est nettement plus favorable par rapport à la norme NF X 15-140 qui, elle, les prend en compte. Ainsi, pour une vérification d’une machine avec des tolérances de 40 °C à ± 2 °C et 85 % à ± 5 HR, la norme NF inclut les valeurs extrêmes de la détermination de l’homogénéité à partir de 9 sondes, alors que la CEI utilise l’écart type de la détermination de la valeur moyenne à partir de 8 sondes. Cette dernière ne tient pas compte de la sonde placée au centre de l’enceinte. « Cet écart type peut se révéler pénalisant particulièrement pour les équipements non ventilés », souligne Bernard Crétinon. Celui-ci, qui fut l’un des principaux auteurs de la norme NF X 15-140 dans les années 1990, ne remet pas cependant en cause l’utilité de la norme CEI, malgré ces lacunes et ses différences. « Il est préférable d’avoir une norme commune permettant ainsi d’harmoniser des procédures dans le monde entier ». Pour les fabricants d’enceintes, cette norme leur offre un marché à l’échelle mondiale. « Nous ne pouvons pas nous permettre de rester sur le seul marché français, affirme Joël Cinier (Froilabo). Il est certain que la norme française partira un jour aux oubliettes. » En effet, toute norme internationale (CEI), est reprise d’une manière automatique en norme européenne (EN). Ce qui signifie que dans le cadre de directives européennes, les normes EN prévalent sur les normes nationales. Quant aux laboratoires, ils devront eux aussi un jour franchir le pas. « Nous sommes accrédités selon le programme 122.2 du Cofrac qui s’appuie sur la norme française. Nous nous conformerons à cette norme tant que le Cofrac ne changera pas de référentiel, souligne Jean-Luc Terrioux (Manumesure). Mais, le moment venu, nous saurons nous adapter. » Du côté du Cofrac, un guide est en cours d’élaboration qui tiendra compte des exigences de la norme internationale. « Les laboratoires auront ainsi le choix entre les deux référentiels », indique Bernard Crétinon. Du moins, tant que l’AFNOR n’aura pas pris la décision de supprimer la norme française NF X 15-140. Marie-Pierre Vivarat-Perrin MESURES 806 - JUIN 2008 - www.mesures.com