Entretien avec René FABRE Réalisé par Catherine

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Entretien avec René FABRE Réalisé par Catherine
Entretien avec René FABRE
Réalisé par Catherine Beauville et Christophe Giffard
René Fabre, fils d’anciens maraîchers,
habite le quartier depuis toujours. Il
évoque l’histoire maraîchère du quartier
mais aussi les remparts, la guerre …
Monlong, il y avait des sources tout le long. Ces
sources allaient dans les étangs et ces étangs
lâchaient l’eau dans un ruisseau qui passait sur
la route ici et qui suivait la route jusqu’à la
Garonne.
Cathy : Vous êtes né où ?
Cathy : Et cette rue c’est la rue Henri Desbals
Je suis né là en 1924, au 76, ma mère était née en c’est ça ?
face en 1900 et toutes les maisons y étaient.
Par la suite, ça s’est appelé la rue Henri Desbal,
Cathy : Ca s’appelait comment là ?
Ca s’appelait chemin Fontaine Lestang dans le
temps. Au départ, j’ai fait des recherches, je
pensais que le chemin Fontaine Lestang venait
du chemin qui amenait aux fontaines et aux
étangs. Or ce n’était pas ça, j’ai fait une
connerie, je me suis arrêté. Il paraît que c’est un
châtelain qui s’appelait Fontaine Lestang. Moi
je pensais que c’était Fontaine Lestang, parce
que d’antan il y avait que des fontaines et des
étangs tout le long - au Mirail, à Reynerie, à
Fontaine, Clairfontaine et Bellefontaine. Tout
ça, c’était des châteaux avec des fontaines et
des étangs.
puis, quand ils ont fait la rocade, ils ont coupé la
rue Henri Desbals, ils ont fait une rue qui part de
la Cépière et qui atterrit au coin, c’est la rue
Vauquelin. Dans le temps c’était la rue Henri
Desbal qui partait de la Cépière et encore avant
c’était la rue Fontaine Lestang qui allait du
chemin de ronde jusqu’à la rue Lalanne.
Cathy : Et donc vous quand vous étiez petit ça
s’appelait Fontaine Lestang ?
Ca s’appelait chemin Fontaine Lestang, ça
s’appelait pas rue, après on a un peu … ça faisait
moins campagne rue. Elle allait jusqu’à la rue
Lalanne à Lafourguette, c’était une des rues les
plus longues de Toulouse, elle faisait 3 km et
même davantage ...
Cathy : Elle avait une identité, tous ceux qui
habitaient dans cette rue se connaissaient?
Si je connaissais les gens de cette rue ? Ben oui.
Je prenais cette rue pour aller à l’école à
Lafourguette, je connaissais tout le monde.
Cathy : Alors, vous preniez cette rue pour
aller à l’école, qui se trouvait où, cette école ?
Cathy : Et ça vous les avez connu ?
A Lafourguette, l’école Buffon.
Oui, ça je l’ai connu. Il y avait des ruisseaux qui
captaient l’eau de toutes ces fontaines, parce Cathy : Donc tout le quartier ici était très
que c’étaient des sources qui coulaient à flanc relié à Lafourguette ?
de coteaux, à partir de la Cépière jusqu’à
Mais les gens de plus loin allaient à l’école de
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Lafourguette, de l’autre côté de la rocade ... On
faisait partie de Lafourguette, maintenant on
nous a exclus. On a recalibré Lafourguette et on
est exclu de Lafourguette... Lafourguette c’était
une banlieue rurale où il n’y avait que des
jardiniers et l’église.
Christophe : C’était pas un village
Lafourguette ?
Si, c’était une banlieue qui dépendait de
Toulouse.
Cathy : Je crois qu’on allait à Lafourguette
parce qu’il y avait la messe aussi non ?
Même l’église ne dépend plus de Lafourguette,
on a séparé Lafourguette par la route de
Seysses, Lafourguette côté gauche et l’église
côté droit fait partie de Bellefontaine.
Cathy : Donc il n’y avait que des maraîchers,
et qu’est-ce que c’était leur travail ?
Ici c’étaient des maraîchers, ils faisaient
pousser des légumes et allaient les vendre à
Arnaud Bernard à ce moment là.
Cathy : Avec l’esprit de village quand même,
parce que la mairie … ?
Non, on dépendait de Lafourguette, il n’y avait
pas de mairie, ce n’était qu’une banlieue. Il y
avait l’école et l’église mais pas de mairie,
comme Lardenne et Saint Simon.
Cathy : Vous étiez en relation avec Lardenne
et Saint-Simon ?
C’est-à-dire que Lafourguette est satellite de
Saint Simon. Dans le temps, les gens de
Lafourguette allaient à l’église à Saint Simon.
Lafourguette dépendait de Saint Simon. Par la
Cathy : Il n’y avait pas de marché ici avant ?
suite on a bâti l’église et c’est devenu une
C’était rural, il n’y avait que des fermes et des banlieue mais, autrefois, ça dépendait de Saint
jardins et on allait se ravitailler à la ville. Il n’y Simon, je ne l’ai pas connu.
avait pas le Géant Casino et tous les super
marchés qu’il y a maintenant. A Lafourguette, il
y avait une épicerie qui faisait bureau de tabac, Cathy : Mais ici le quartier vous l’appeliez
épicerie, mercerie et un peu de tout. C’était Reynerie ?
quand j’allais à l’école, en 1930, ça existait.
Reynerie c’était le château, mais ce n’était pas un
quartier ...
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Cathy : Vous disiez quoi, j’habite Reynerie ?
cyclomoteur.
Non. Maintenant on appelle ça le quartier « la
Reynerie » mais avant ça n’existait pas. Ici ça Cathy : Et pour amener, pour acheminer les
n’avait pas de nom.
…?
Cathy : Alors pour reparler de l’ambiance des
maraîchers ; comment ça se passait, on se
connaissait tous j’imagine ? Racontez nous.
Les légumes …, mes parents avaient une
camionnette, une C4 Citroën...
Ici, on faisait venir des légumes qu’on allait
vendre à Arnaud Bernard ou aux Carmes, il y
avait plusieurs marchés et la vie se passait
comme ça. Il n’y avait pas beaucoup de
discussions entre voisins, il fallait gagner le
pognon, enfin non la croûte, il fallait travailler
dur et c’était dur.
Christophe : Mais vos parents avaient déjà
une exploitation ?
Oui, mon père était maraîcher et tout le rond- Christophe : C’était des petits propriétaires, il
point là c’était le jardin de mes parents.
y avait plusieurs petits propriétaires
d’exploitation ?
Cathy : Et c’était une grosse exploitation ?
Oh oui, il y avait plus d’un hectare…
Cathy : Et vous aviez des spécialités de
légumes … ?
J’ai fait le maraîcher jusqu’à trente ans. Je faisais
de tout selon la saison et je travaillais aussi à
l’hôpital Marchand parce que ça ne gazait pas
au jardin et mon père est tombé malade. J’ai
exploité la propriété pendant 15 ans pour
subvenir aux besoins de mes parents parce
qu’ils n’avaient pas l’âge de la retraite, ils
n’étaient pas fortunés.
Non, petit, non, parce que … ou alors c’était des
gens qui travaillaient ailleurs et qui dans la
journée exploitaient le peu de terrain qu’ils
avaient. Il n’y avait pas de petits propriétaires, il
n’y avait que de grands propriétaires parce qu’il
fallait vivre de la terre…
Christophe : Donc il y en avait combien ici de
propriétaires, d’exploitants agricoles ?
Il y avait une trentaine de maraîchers et
d’ailleurs aujourd’hui sur le journal il y avait
une rubrique sur les noms de famille les plus
répandus, dont Fabre, qui vient de forgeron en
patois. Lafourguette, au départ, il n’y avait pas
de nom, mais dans le temps il y avait une petite
forge que j’ai pas connu et les gens y allaient,
Cathy : t vous y alliez à pied, vous faisiez
sinon il fallait aller à Saint Cyprien, en-dedans
comment ?
du mur de ronde. Parce que dans les années 30,
Oh non. En vélo au départ après j’avais un Saint Cyprien était fortifié, il y avait le mur de
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ronde en torchis, haut comme le plafond qui
partait de la Garonne, boulevard Kœnig et
jusqu’à la Garonne à Croix de Pierre. C’était la
fortification de Saint Cyprien. J’ai même connu
les portails qu’il y avait aux grandes entrées. Il
y avait une entrée de Toulouse avenue de
Bayonne, une autre route de Saint Simon, une
avenue de Lardenne et une route de Seysses et
le soir on fermait les grands portails. Il fallait
être deux pour pousser les portails et si on
voulait rentrer la nuit en ville il fallait montrer
patte blanche.
Cathy : Ils étaient contre la muraille ou avant
? Ils étaient placés où ces grands portails ?
Entre le mur des fortifications. Et après comme
c’était en torchis, pour aller de l’autre côté il
fallait faire le tour si on voulait rentrer dans la
ville, alors les gens ont commencé à trouer le
mur à coups de pioche et de marteau pour
passer une personne juste et après on a fait
tomber les murs.
fortifications ?
Saint Cyprien j’ai dit, parce qu’il y avait la
Garonne, c’était un faubourg, c’était un peu en
dehors de la ville déjà, maintenant on y trouve
de tout mais au départ il y avait quelques
forgerons, c’est tout.
Cathy : Et là aussi il y avait des vaches ?
Au boulevard de Séverac, là où il y a le lycée
technique, il y avait des vaches et à la place du
Lycée technique, il y avait un laitier. Je le
connaissais et j’avais entendu une réflexion
venant de lui « gentil n’a qu’un œil », on dit
souvent ça, c’était un fermier qui n’avait qu’un
oeil et qui s’appelait Gentil.
Cathy : et ici, il y avait une épicerie ?
Sur le mur de ma maison, il y avait une
inscription « Epicerie, Mercerie », la maison a été
bâtie en 1850. C’est la maison qui fait l’angle
maintenant et dans le temps il y avait un laitier à
la maison d’après. Il était plus jeune que moi, il
est allé à l’école assez tard vers 7 ans passé parce
Cathy : On le voit plus du tout, c’est
qu’il ne savait pas parler le français. On ne
simplement le tracé des boulevards …
parlait que le patois. Le jour où il est allé à
Oui, c’était le boulevard Déodat de Severac, par l’école, c’est sa sœur qui l’y a amené, il a fait une
exemple, était un mur de ronde il y avait le allergie à la porte de l’école et il est reparti en
mur, une rue intérieure et une rue extérieure. courant jusqu’à la maison…
On appelait ça le mur de ronde et la nuit il y
avait un gardien qui faisait la ronde, on m’a
raconté qu’il criait « Toulousains dormez en Cathy : Vous alliez à pied à Lafourguette, à
paix, je veille » toute la nuit.
l’école … ?
On allait à pied à Lafourguette et il y avait
tellement de choses à voir : tous ces ruisseaux,
Christophe : Et il avait quelles fonctions au
avec des poissons, des grenouilles, des allées de
fond ?
cerisiers qui allaient partout. A la Reynerie, il y
Il garde, comme un garde champêtre. Il était avait 3 allées de cerisiers, ça en faisait des cerises
vieux, mais ça je l’ai pas connu.
! Chez moi on me serrait, il fallait que j’arrive à
l’heure de l’école, alors je partais en courant de
l’école pour aller manger les cerises et arriver à
Cathy : Et vous vous sentiez de Toulouse en la maison à l’heure du repas évidemment.
vivant en banlieue parce que avec ses
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Cathy : Ils étaient où ces cerisiers ?
Il y avait une allée de cerisiers au-dessus du lac,
au pigeonnier de la Reynerie, une allée en face
de l’orangerie et une autre dans l’autre sens qui
bordait la vigne. Il y avait une femme qui
habitait au château en face et quand elle rentrait
le soir avec le panier elle choppait mon père «
on a vu René aux cerises ! »…
Cathy : Et
château ?
qu’est-ce
qu’elle
faisait
On était sous l’occupation à ce moment là. Il y
avait des allemands un peu partout. Les
allemands étaient dans une cité qui a été démoli
là où il y a la rocade, dans des maisons assez
basses, genre Récébédou à la Cépière, des
maisons longues. Ils s’étaient appropriés ça et il
y en avait aussi à Fontaine où il y a le lac
maintenant sur l’île [carré des Douves].
au
Elle entretenait, elle nettoyait … femme de
ménage. Au départ, dans toutes les maisons il y
avait une remise et une écurie pour remiser le
cheval et le chariot. Dans le temps il y avait un
chiffonnier où on était toujours fourré, chez un
chiffonnier il y a toujours quelque chose à voir,
il y avait des gants de boxe, des vélos...
Christophe : Et donc vous avez commencé à
Christophe : Et les premières constructions,
exploiter quand même pendant …?
elles sont arrivés quand ?
Ah, j’ai pas commencé, j’ai continué pendant la
Les buildings ? En 1960, il y a eu les
guerre.
expropriations, ils ne sont pas devenus vieux
tous ces gens-là, habituer toute sa vie dans des
hectares de terre et les parquer un jour dans 500
Christophe : Mais c’était la famine, moi je sais
mètres.
que ma grand-mère, elle est de Toulouse aussi,
elle avait une épicerie, c’était chaud, le
Christophe : C’était en quelle année, ça a marché noir et compagnie, comment ça s’est
commencé comment ? Parce que déjà pendant passé ?
la guerre … ?
Les gens avaient faim. Quand les gens vous
Ah non, pendant la guerre il n’y avait pas de demandent une salade vous pouvez pas refuser.
building, il n’y avait rien. J’ai évité la guerre
comme je l’ai pu. Mon père avait fait 9 ans, 2
ans de service militaire, 5 ans de guerre, 2 ans Christophe : Et alors vous arriviez à nourrir
d’occupation, ça fait 9 ans. C’était la guerre 14- tout le monde, à vous nourrir vous, les gens de
18. Moi j’ai toujours été antimilitariste, j’ai fait votre compagnie …?
un chantier de jeunesse, c’est tout.
Ah ben, faut bien vendre les légumes pour
Cathy : Et ici comme on était à la campagne …
, on le dit ça …, la guerre … ?
bouffer. A l’époque il n’y avait pas de
motoculteurs, il y avait le cheval.
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Toutes les maisons étaient criblées de petits
obus. Ils se sont fait arrêtés aussi route de
Seysses au Fer à cheval, là aussi ils ont dérouillé
Oh non, moi j’avais pas d’atomes crochus avec les Allemands !...
les allemands. Les allemands étaient corrects
avec nous et vice-versa.
Cathy : Et les allemands, ils sont venus vous
voir ici ?
Cathy : Et eux ils habitaient dans le château
de Reynerie ?
Les allemands, non. Ils avaient fait des
baraquements à Fontaine et au Mirail, parce
que je me rappelle, il y avait un avion qui s’était
abattu au Mirail, et je me rappelle que les
allemands sont venus, moi j’étais venu voir de
suite et les allemands me demandaient combien
j’avais vu de parachutes en l’air, mais je ne me
souviens pas très bien combien ils étaient au
château. Ils sont partis comme ils ont pu, les
allemands, mais pas tous. Ils sont tombés sur
les FFI [Force Française de l’Intérieur].
Cathy : Oui, j’ai entendu dire qu’il y avait un
réseau de résistance dans le coin ?
Pas ici. Vous savez les allemands avaient des
antennes partout, alors il y avait des résistants
mais en dehors de Toulouse. Si c’est vrai qu’il y
avait une résistance mais cachée. Et quand ils
ont essayé de partir, tout le monde sortait les
armes, enfin tout le monde … ceux qui étaient
contre et ils se sont retrouvés bloqués à
Toulouse et il y a eu des dégâts.
Je me rappelle ils ont arrêté une colonne
d’Allemands à Roguet, il y avait une gare de
plusieurs petits trains ... Il y avait Lévignac, …
enfin bon soit. Il y avait des forces pour
nettoyer les machines à vapeur et des résistants
s’étaient infiltrés dans ces forces et quand la
colonne des allemands s’est faite arrêtée, ils se
sont réfugiés dans Roguet, à mesure qu’ils
arrivaient ils ont tous été liquidés. Je me
rappelle qu’il y avait un mur rue de Cugnaux et
toutes les balles qui sautaient ou traversaient le
mur se fichaient dans les maisons d’en face.
Christophe : Et donc après, il y a eu une
reconstruction ? Ca s’est passé comment
après la guerre ?
Il n’y a pas eu de reconstructions. Le quartier a
commencé à changer quand l’ONIA a ouvert,
l’AZF. C’est une usine qui a été bâtie par les
Allemands en même temps que la guerre de
1914, Ils ont démonté l’usine en Allemagne et
sont venus la rebâtir ici en dette de guerre. On y
fabriquait l’engrais. Et là, le quartier a changé,
beaucoup y sont venus travailler, on l’appelait
l’ONIA. Cette usine a ouvert en 1924 et
beaucoup de gens de ce quartier sont allés y
travailler…
Christophe : Mais c’est à partir de 1960 qu’ils
ont commencé à exproprier?
En 1960, on a commencé à exproprier les gens
qui habitaient là pour bâtir ces cages à poules et
maintenant on chasse les gens pour les démolir.
En 40 ans d’intervalles, il faut le faire !
Christophe : Et donc vous vous avez réagit
comment aux premières expropriations ?
Ils sont venus mesurer ma maison pour faire
l’estimation et les tractopelles sont arrivés. Il y
avait un chef de chantier à qui j’ai dit « si vous
venez demain avec le tractopelle, je vous fusille
». Et quand je parle gras, je parle gras ! Ils ont
tout arrêté, l’équipement est venu me voir et ils
m’ont dit « si vous laissez passer les engins on
vous garde la maison » et j’y suis toujours, ils
m’ont pris les terres d’accord, mais j’y suis
toujours ! La terre j’ai été obligée de la vendre,
l’expropriation c’est ça, ils donnent le prix qu’ils
veulent et vous êtes obligés de la fermer !
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Christophe : C’était qui à l’époque le maire ?
A l’époque le maire c’était Louis Bazerque.
Cathy : Et il y a plein de gens qui, par contre,
ont vraiment été expropriés, qui ont dû avoir
une autre maison ? On leur a donné un autre
terrain, une autre maison ? Qu’est-ce qui
sont devenus ?
Les gens qui ont été expropriés ont été parqués
dans un terrain à Lafourguette où on a fait des
parcelles, ils ont bâti ce qu’ils ont voulu. C’était
rue Huguenot, excepté un : quelque temps
après, ils ont essayé de me reprendre la maison
à nouveau, j’ai accepté en échange d’un terrain
là-bas mais il n’y en avait plus, or il y avait
quelqu’un d’autre qui n’avait jamais été
exproprié et qui avait bâti une maison, alors ça
a bardé ! J’aurais descendu quelqu’un ! Je suis
de la Forge, il ne faut pas me chatouiller !...
Cathy : On peut revenir sur … avant les
transformations. Dans le livre là, j’ai vu qu’il y
avait des baloches. Alors c’était où ces
baloches ?
baloches, à Saint-Simon, à Lardenne, à Croix-dePierre, au Fer à cheval, etc.
Cathy : Mais chaque quartier avait un jour de
baloche ?
Oui. Il y avait des fois 2 quartiers qui se
chevauchaient comme Fontaine Lestang avait la
baloche le 15 août en même temps qu’Empalot, il
fallait choisir ...
Cathy : Pendant les baloches est-ce qu’on
portait les habits traditionnels ?
Non, les gens s’habillaient comme ils s’habillent
tous les jours. C’était un village campagnard, les
gens venaient pas en bleu mais presque.
Cathy : Et cette réputation que les gens de
banlieue étaient pas faciles, un peu
bagarreurs, fort en gueule ?
Oh, non. Enfin à Saint-Cyprien, il y avait des
jeunes qui faisaient la castagne un peu.
D’ailleurs les baloches étaient faites pour ça,
pour se défouler, c’était surtout le lundi qu’il y
avait des bagarres…
Oui, à Lafourguette, place de l’école. C’était une
fois par an, le deuxième dimanche de
Septembre.
Cathy : Et le quartier de Saint-Cyprien … moi
on m’a dit qu’il y avait une ambiance d’immigrés
avec beaucoup d’italiens, d’espagnols qui
Cathy : Et il y avait du monde qui venait ?
étaient venus dans ce quartier ?
Tout Lafourguette, tout le monde y descendait
de Fontaine Lestang à Lafourguette. Ca Il y avait des Italiens surtout dans les fermes,
réunissait. Et je me rappelle que le jour de la mais à Saint-Cyprien il n’y en avait pas
baloche on ne travaillait pas, c’était le seul jour beaucoup Les immigrés travaillaient un peu
chez les maquignons, les marchands de bêtes ;
férié au jardin.
les abattoirs étaient à côté et aux allées Charlesde-Fitte il y avait un marché pour les chevaux.
Cathy : Alors qu’est-ce qu’il y avait à la
baloche ?
Cathy : Et il n’y avait pas de foire ici, pas de
Il y avait des manèges, de la musique, des marché, il n’y avait rien … ? Donc les
stands, etc. Il y en avait un peut partout des
animations ici c’était les baloches, et les
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aéroplanes dont vous m’avez parlé ?
Cathy : Le château était à Charlie.
Il n’y avait pas beaucoup d’avions à Francazal, Oui, le château était à Charlie et il avait trois
il y avait 2 ou 3 coucous, c’est tout.
enfants et le dernier il s’appelle Babou.
Pourquoi, je ne sais pas. Charlie il avait une
usine de boutons à Prague je pense, seulement il
Cathy : Oui mais c’était l’endroit où on venait a fait faillite. Je les connaissais les Ricard avec
boire un coup quand même, où les gens se tous les cerisiers et toutes les cerises qu’il y avait,
ils avaient du travail à nous faire sortir des
retrouvaient … c’était un lieu important.
cerisiers, notre grand plaisir c’était de faire
Non, c’était tellement commun qu’on y allait courir les fils Ricard, surtout Roger. Ils doivent
pas, Francazal faisait partie de Lafourguette et être morts depuis longtemps… Je me souviens il
c’était vulgaire : parce qu’il y avait 4 ou 5 y avait un tout petit cerisier, pas très haut, il était
coucous et on les connaissait, alors on n’y allait allé chercher sa femme et prendre un panier
pas. C’était l’aviation civile à Francazal, après il pour ramasser les cerises, pendant ce temps on
y a eu la caserne qui s’est monté avec les avions lui a tout bouffé. Quand il est arrivé aux cerisiers
militaires, ça faisait partie de Lafourguette et de et qu’il n’a pas vu les cerises il était fou et en
Saint Simon, après il y a eu la caserne militaire plus on se foutait de lui. Il nous a suivi, on s’était
avec les Noirs et tutti quanti. Mais au départ il y caché sous une charrette sous le foin pour se
avait 2 hangars en tôle, chemin Ducos, à Saint planquer … J’avais 12 ou 13 ans.
Simon. C’était de la ferraille avec des coucous
qui avaient des propriétaires dont Marcel
Doré...
Il y avait un voisin qui avait quatre enfants
et qui ne travaillait pas, ça ne nous regardait pas
et on s’en foutait, mais on l’accusait de voler par
Cathy : Et vous n’aviez pas de rapport avec là. Il y avait 2 jardiniers près de la rocade de
les propriétaires des châteaux ?
maintenant qui se sont mis à surveiller les
Non, c’étaient des châtelains les propriétaires jardins la nuit. Ils se relayaient une nuit chacun
des châteaux, ils n’avaient besoin de personne. et, l’un deux, un jour a vu quelqu’un en train de
Je me rappelle de Meterrain à Fontaine. Il chaparder, il a foutu un coup de fusil en l’air et il
passait en voiture et ne disait jamais rien à a entendu un choc. Il est rentré chez lui en disant
personne. En vieillissant il avait acheté un « vite, donnez-moi à boire, j’ai tué quelqu’un »,
solex. Il était tout de travers dessus et il passait alors toute la famille a été chercher ce fameux
des journées entières dans les palabres, à mort et c’était le type qui chapardait les légumes
discuter, mais dans le temps c’était un qui avait laissé tomber le sac plein de légumes.
C’était le choc qu’il avait entendu, il n’y avait
châtelain, il ne disait bonjour à personne.
pas de mort c’était le sac du chapardeur qu’il a
entendu et d’ailleurs ce type n’était pas
Dans le temps le parc [de Reynerie] était commode. On lui avait fait une blague un jour,
sauvage et c’était joli le château et le parc, on on lui avait pendu un serpent mort autour de la
ne pouvait pas passer entre 2 allées, il y avait poignée de la porte, une couleuvre plus grosse
des ronces partout, il y avait un jardinier pour que le bras, on l’a fait sortir et quand il l’a vue, il
l’entretenir … Il avait 2 fils dont un avait mon est allé chercher le fusil et le révolver et il a foutu
âge, on était copain, je connais le château des coups de fusil au serpent. A partir de ce jourcomme ma poche. Les Ricard, ils étaient quatre là on ne l’a plus emmerdé, quand on a vu qu’il
: Max, Roger, Charlie et … je me rappelle pas. Il avait un revolver ça a été fini …
y en a un qui vit à Paris et un à Toulouse.

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