1986 - Accueil
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*Titre : *Journal de l'année (Paris. 1967) *Titre : *Journal de l'année *Éditeur : *Larousse (Paris) *Date d'édition : *1967-2004 *Type : *texte,publication en série imprimée *Langue : * Français *Format : *application/pdf *Identifiant : * ark:/12148/cb34382722t/date </ark:/12148/cb34382722t/date> *Identifiant : *ISSN 04494733 *Source : *Larousse, 2012-129536 *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34382722t *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %. downloadModeText.vue.download 1 sur 502 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 1988 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 502 1 CHRONOLOGIE 1986 Janvier Mercredi 1er EST!OUEST MM. Reagan et Gorbatchev expriment leur volonté de paix, dans leurs messages de voeux qui, pour la première fois, sont diffusés simultanément sur les antennes sovié- tiques et américaines. SPORT Automobile. À Versailles, 300 000 personnes environ assistent au départ du huitième rallye Paris-Dakar. CEE Membres. Naissance de l’Europe des Douze, avec l’entrée officielle de l’Espagne et du Portugal dans le Marché commun. FRANCE Sécurité routière. Les vendeurs de véhicules d’occasion de plus de cinq ans d’âge doivent dorénavant fournir un certificat de contrôle technique pour l’établissement de la carte grise. Paris. Un nouveau système d’éclairage est installé à l’intérieur de la tour Eiffel. 292 projecteurs au sodium mettent en valeur son armature métallique. NOUVELLE!CALÉDONIE Une amnistie est accordée par le gouvernement français pour les infractions commises en 1984 et 1985, lors des incidents qui avaient éclaté entre les Canaques et les anti-indépendantistes. LIBYE Relations internationales. Mis en cause dans les attentats de Rome et de Vienne par les États-Unis et Israël, le colonel Kadhafi menace d’une guerre la Méditerranée et le monde entier. Jeudi 2 ÉTATS!UNIS Monnaie. Le dollar atteint son plus bas niveau depuis 31 mois, à 7,47 francs. Vendredi 3 FRANCE Société. À Villeurbanne, de nombreux commerçants manifestent violemment contre les agressions dont ont été victimes les membres de leur profession. Presse. Le tribunal de commerce de Reims accorde à M. Philippe Hersant la location-gérance downloadModeText.vue.download 3 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 2 de l’Union, pour une période de six mois. Il est officiellement investi dans ses fonctions le 6 (! 9, 14, 29). L’empire d’Hersant Le 3 janvier, Robert Hersant fait savoir qu’il a racheté à Jean-Claude Lignel le cinquième quotidien français, le Progrès de Lyon, et les autres journaux du groupe (l’Espoir de SaintÉtienne et les Dépêches de Dijon). L’annonce de cette transaction, conclue secrètement le 30 décembre, provoque un tollé général. Par cette opération, Robert Hersant se met en infraction avec la loi du 23 octobre 1984, qui limite la concentration des entreprises de presse à 10 p. 100 de la diffusion nationale et à 10 p. 100 de la diffusion régionale, et oblige les futurs acheteurs ou vendeurs à en informer la Commission pour la transparence et le pluralisme de la presse. Député de l’Oise de 1956 à 1978, puis à nouveau en 1986, Robert Hersant siège au Parlement européen depuis 1984. Il a constitué son empire en lançant, en 1950, l’AutoJournal. En créant de nouvelles publications (l’Ami des jardins, Oise-Matin) ou en rachetant des titres en difficulté (l’Aurore ou le Figaro) il est aujourd’hui à la tête de cinq sociétés, qui contrôlent 16 quotidiens français (le Figaro, France-Soir, le Dauphiné libéré, Paris-Normandie, Paris-Turf, Nord-Éclair, Presse-Océan, Nord-Matin, France-Antilles, le Havre libre, Loire-Matin-la Dépêche, le Journal Rhône-Alpes, l’Éclair de Nantes, Havre-Presse, Centre Presse-Poitiers, la Liberté du Morbihan) et 4 journaux belges (le Rappel, l’Écho du Centre, le Journal de Mons, et la Province). Ce sont donc 38 p. 100 de l’ensemble de la presse quotidienne nationale et, avec le Progrès et l’Union, racheté par son fils Philippe, 26,4 p. 100 de celle de province qui sont administrées par son groupe. Il faut y ajouter une vingtaine de périodiques représentant une diffusion totale de 3 millions d’exemplaires. Directeur de la publication du Figaro depuis 1975, il y introduit des techniques modernes (photocomposition, offset) et la diffusion au moyen du fac-similé. L’impression est assurée par un réseau de neuf imprimeries. Outre la presse écrite, ses ramifications s’étendent sur la publicité (l’agence Publiprint) et sur l’audiovisuel (l’Agence française de communication, qui contrôle une trentaine de radios locales). Samedi 4 IRLANDE DU NORD Troubles. À Belfast, 2 000 personnes manifestent contre l’accord anglo-irlandais sur l’Ulster. Vingt policiers et plusieurs civils sont blessés. Dimanche 5 BANGLADESH Troubles. À Dacca, quatre personnes sont blessées au cours d’affrontements avec les forces de l’ordre, tandis qu’une grève, déclenchée le 22 décembre par les fonctionnaires, ingénieurs, médecins et agriculteurs, paralyse le pays. Le travail reprend le 6. PAKISTAN Opposition. À Rawalpindi, près de 3 000 opposants au régime manifestent sans incident, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance d’Ali Bhutto. D’autres rassemblements ont lieu dans tout le pays. downloadModeText.vue.download 4 sur 502 CHRONOLOGIE 3 Lundi 6 FRANCE Conflits sociaux. Une grève de 24 heures est observée par les contrôleurs aériens. Seul, le service minimal est assuré, conformément à la loi du 31 décembre 1985. Justice. Aux assises de l’Essonne, ouverture du procès de Roger Knobelspiess, qui est accusé d’avoir participé à l’attaque d’un fourgon blindé en 1983. Il est acquitté le 19 (! 19 déc.). VIÊT!NAM Relations internationales. À Hanoi, une délégation américaine entame des négociations sur la question des 1 797 Américains portés disparus pendant la guerre du Viêt-nam. Un accord entre les deux pays est conclu le 7. BOPHUTHATSWANA Conflits sociaux. 20 000 mineurs de platine sont licenciés pour avoir déclenché une grève le 1er janvier. LIBERIA Gouvernement. Le général Samuel K. Doe, élu le 15 octobre 1985, est investi officiellement dans ses fonctions de président de la République. ÉTATS!UNIS ! Viêt-nam HAÏTI Troubles. De violentes manifestations antigouvernementales se déroulent aux Gonaïves, tandis qu’une grève scolaire s’étend à toute l’île. Après la fermeture des écoles et des universités et l’annonce par le gouvernement d’une baisse des produits de première nécessité, le calme semble se rétablir le 8. Mardi 7 FRANCE Culture. Ouverture à Paris du mois du judaïsme. ÉGYPTE Troubles. Après l’annonce du suicide en prison du policier Soliman Khater, meurtrier de sept touristes israéliens dans le Sinaï, des manifestations éclatent dans plusieurs villes du pays. LIBYE ! États-Unis ÉTATS!UNIS Relations internationales. Le président Reagan annonce la rupture des échanges économiques et commerciaux avec Tripoli. Tous les citoyens américains doivent quitter la Libye, sous peine de sanctions. Le lendemain, le gel des avoirs financiers libyens aux États-Unis est décrété (! 15 et 24). Mercredi 8 FRANCE Informatique. Les trois principales banques de données juridiques, celle du CEDIJ, Juris-data et Sydoni, sont regroupées et donnent naissance à Juridial. downloadModeText.vue.download 5 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 4 Médecine. Présentation et commercialisation d’un rein artificiel miniaturisé et portable. Mode. Courrèges perd son label de maison de haute couture française. BELGIQUE Justice. À Bruxelles, l’ancien Premier ministre Paul Vanden Boeynants comparaît devant la chambre correctionnelle pour fraude fiscale. INDONÉSIE Justice. Ancien secrétaire général de l’ASEAN, le général Dharsono est condamné à dix ans de prison pour rébellion. Il avait contribué à l’accession au pouvoir du président Suharto en 1966-67. AFRIQUE DU SUD Vie politique. Lors d’une conférence de presse à Lusaka, le président du Congrès national africain, M. Olivier Tambo, annonce l’intensification de la lutte contre le pouvoir blanc. Société. Les écoliers noirs boycottent la rentrée scolaire, pour réclamer l’égalité de l’enseignement. Jeudi 9 FRANCE Société. Ouverture de la session extraordinaire du Parlement sur l’aménagement du temps de travail (! 28). Presse. La commission Caillavet, chargée d’étudier le problème du rachat du Progrès par M. Robert Hersant, statue sur l’infraction à la loi de 1984 sur la transparence et le plura- lisme de la presse (! 3, 14, 29). GRANDE!BRETAGNE Gouvernement. Le ministre de la Défense, M. Michael Heseltine, démissionne. Partisan du rachat de la société Westland par des constructeurs européens, il s’oppose aux décisions de Mme Margaret Thatcher et du ministre de l’Industrie et du Commerce, M. Leon Brittan, tous deux partisans d’une prise de participation par la société américaine Sikorsky (! 17). POLOGNE Solidarité. L’un des principaux dirigeants clandestins du syndicat, M. Bogdan Borusewicz, est arrêté à Gdansk. CHINE Société. Création d’une commission chargée de lutter contre la corruption à tous les niveaux de la hiérarchie politique. Vendredi 10 À Fès, clôture de la 16e conférence ministérielle de l’Organisation de la conférence islamique (ouverte le 6), qui compte 46 pays membres après l’admission du Nigeria le 9. Les États participants condamnent les mesures prises par les États-Unis à l’encontre de la Lybie. FRANCE Finances publiques. Le montant de l’emprunt d’État, lancé le 7, est porté de 25 à 32 milliards de francs. downloadModeText.vue.download 6 sur 502 CHRONOLOGIE 5 Outre-mer ! Nouvelle-Calédonie NOUVELLE!CALÉDONIE Vie politique. M. Jean-Marie Tjibaou annonce que le FLNKS s’abstiendra de voter aux élections législatives. Samedi 11 ANTARCTIQUE Exploration. Pour la première fois depuis l’expédition de Scott en 1911-1912, trois Britanniques atteignent le pôle Sud, après un périple de 1 400 km à ski depuis l’île de Ross. Dimanche 12 TUNISIE Syndicats. Incarcéré depuis le 31 décembre dernier, M. Habib Achour est réélu à la tête de l’Union générale des travailleurs tunisiens (! 13 déc.). ÉTATS!UNIS Espace. Après sept bia quitte rit sur la après deux conditions reports de tir la navette ColumCap Canaveral. Le 18, elle atterbase d’Edwards, en Californie, annulations de retour, dues aux météorologiques. Lundi 13 CEE Parlement. La première Assemblée européenne élargie à l’Espagne et au Portugal siège à Strasbourg. Elle compte dorénavant 518 membres. FRANCE Enseignement. À Châlons-sur-Marne, M. Jack Lang inaugure le Centre international supérieur de formation aux arts du cirque. Cinéma. À Paris, début des manifestations des- tinées à fêter le cinquantenaire de la Cinémathèque. RFA Terrorisme. À Hanovre, arrestation d’une des principales militantes de la Fraction Armée rouge, Annelie Becker, recherchée depuis 1984. ISRAËL Géopolitique. Le gouvernement accepte de demander un arbitrage international pour résoudre avec l’Égypte la question de l’enclave de Taba, dans le Sinaï. LIBAN Guerre civile. Dans la région du Metn et à Beyrouth-Est, de violents combats opposent les phalangistes aux Forces libanaises de M. Élie Hobeika, signataire de l’accord de Damas. Le 14, M. Amine Gemayel refuse d’entériner cet accord, lors d’un onzième sommet avec le président Assad à Damas. Le 15, Élie Hobeika, vaincu, est remplacé par M. Samir Geagea à la tête des Forces libanaises. YÉMEN DU SUD Guerre civile. À Aden, une rébellion est déclenchée par l’ancien président Abdel Fattah Ismail, à l’issue de laquelle il trouve la mort, qui n’est officiellement annoncée que 3 semaines plus tard. De violents combats à l’arme lourde downloadModeText.vue.download 7 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 6 nécessitent l’évacuation des ressortissants étrangers à partir du 16 (! 24). Mardi 14 FRANCE Presse. M. Paul Paclot est nommé mandataire de justice auprès de Robert Hersant par le tribunal de commerce de Paris. Il est chargé d’assister aux réunions du conseil d’administration et aux assemblées générales du Progrès. Le 17, le parquet décide de faire appel (! 3, 9, 29). Énergie nucléaire. Le surgénérateur Superphénix est connecté au réseau EDF. Sport automobile. L’organisateur du rallye Paris-Dakar, Thierry Sabine, se tue dans un accident d’hélicoptère près de Gourma Rharous au Mali. Quatre autres personnes, dont le chanteur Daniel Balavoine, trouvent la mort dans l’explosion de l’appareil. GUATEMALA Gouvernement. Premier chef de l’État élu démocratiquement après 30 ans de pouvoir militaire, M. Vinicio Cerezo est investi officiellement dans ses fonctions. Mercredi 15 FRANCE Justice. La cour d’appel de Paris condamne les journaux Libération, le Matin, le Canard enchaîné, les éditions Albin Michel et Michel Polac à des dommages et intérêts pour propos diffamatoires envers M. Le Pen, accusé d’avoir pratiqué la torture pendant la guerre d’Algérie. Télévision. La Mairie de Paris s’oppose au projet d’installation des émetteurs de la 5e chaîne sur la tour Eiffel. Sur ordre du préfet de police, les travaux commencent le 21 (! 17 et 20). URSS Relations internationales ! Japon Désarmement. À Moscou, M. Gorbatchev présente un plan dont l’objectif est de faire disparaître toutes les armes nucléaires de la planète avant la fin du siècle. Cette proposition est accueillie favorablement par M. Reagan. Le 18, le chef de l’état-major soviétique, M. Akhromeev, précise les modalités d’exécution du projet et se déclare notamment prêt à détruire les missiles SS 20 stationnés en Europe. JAPON Relations internationales. Le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Édouard Chevardnadze, se rend à Tokyo pour une visite officielle de quatre jours. Le 19, un communiqué commun fait état d’une reprise des discussions à propos du désaccord territorial sur les îles Kouriles et de la conclusion possible d’un traité de paix. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. À Washington, le secrétaire d’État George Shultz incite fermement les alliés européens à se joindre aux mesures de rétorsion américaines contre la Libye (! 7). Jeudi 16 CEE À Strasbourg, les députés européens adoptent la résolution de Luxembourg concernant le projet de réforme du traité de Rome. Celui-ci est rejeté les 21 et 28 par le Parlement danois. downloadModeText.vue.download 8 sur 502 CHRONOLOGIE 7 FRANCE Partis politiques. MM. Chirac et Lecanuet signent la plateforme commune RPR-UDF pour gouverner ensemble. Théâtre. L’un des auteurs dramatiques les plus joués en URSS, Edvard Radzinski, présente à Paris, au Petit Odéon, sa pièce Comédienne d’un certain âge pour jouer la femme de Dostoïevski. ITALIE Catholicisme. Le Parlement adopte le projet de réforme de l’enseignement catholique dans les établissements scolaires. Les heures de religion, obligatoires depuis les accords de Latran, deviennent facultatives. AFRIQUE Coopération internationale. Création à Djibouti de l’Autorité intergouvernementale contre la sécheresse et pour le développement en Afrique de l’Est (IGADD). Cette nouvelle organisation interafricaine réunit six États (Djibouti, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan). ALGÉRIE Politique intérieure. 98,37 p. 100 des votants adoptent, par référendum, le texte de la nouvelle Charte nationale, source de la politique et des lois. L’islam y occupe une place privilégiée. SALVADOR Guérilla. Pour protester contre les mesures économiques prises par le gouvernement, le FMLN bloque les axes routiers. Dans certaines régions, la circulation est paralysée à 90 p. 100. Vendredi 17 FRANCE Vie politique. M. Mitterrand intervient dans la campagne électorale et préside un rassemblement socialiste au Grand-Quevilly, en Seine-Maritime. Académie française. Élu le 18 avril 1985 au fauteuil de Pierre Emmanuel, le professeur Jean Hamburger est reçu sous la coupole par le professeur Jean Bernard. Télévision. Signature du nouveau contrat de concession de la 5e chaîne, par Georges Fillioud et Jérôme Seydoux. Malgré l’avis de la Haute Autorité, rendu le 16, le texte n’est que très légèrement modifié par rapport au précédent. Les professionnels du cinéma et du théâtre déposent un recours devant le Conseil d’État (! 15 et 20). ESPAGNE Relations internationales. En établissant des relations diplomatiques avec Tel-Aviv, le gouvernement de Madrid reconnaît Israël. Le 19, le Premier ministre espagnol, M. Felipe Gonzalez, rencontre M. Shimon Peres à La Haye. GRANDE!BRETAGNE Affaire Westland. Réunis au Royal Albert Hall à Londres, les actionnaires votent contre la proposition de rachat par Sikorsky. La veille, le Parlement européen s’était montré favorable à une solution européenne (! 9). downloadModeText.vue.download 9 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 8 ISRAËL ! Espagne Samedi 18 FRANCE Outre-mer. M. Régis Debray est nommé secrétaire général du Conseil du Pacifique Sud, organisme créé en 1985 pour coordonner l’activité stratégique et culturelle de la France dans cette région. GUATEMALA Catastrophe aérienne. Une caravelle de la compagnie guatémaltèque s’écrase dans la jungle près de San Elena ; les 93 occupants de l’appareil sont tués. Dimanche 19 SPORT Tennis. À New York, Yvan Lendl remporte le Masters en battant l’Allemand Boris Becker en trois sets. CEE ! Israël URSS ! Corée du Nord ISRAËL Relations internationales. M. Shimon Peres arrive aux Pays-Bas, première étape d’un voyage officiel de douze jours en Europe, qui le conduit ensuite à Londres (le 24) et à Bonn (le 26). Le Premier ministre israélien plaide pour un renforcement de la coopération économique et commerciale de son pays avec la CEE. AFGHANISTAN Guerre. L’Union soviétique lance une offensive contre les bases de la résistance situées près de la frontière pakistanaise. CORÉE DU NORD Relations internationales. Arrivée à Pyongyang de M. Chevardnadze, ministre des Affaires étrangères de l’URSS, qui effectue une visite officielle de quatre jours. Le 20, il lance un appel à une normalisation des relations sino-soviétiques. Lundi 20 Pétrole. Conséquence de la politique pétrolière de la Grande-Bretagne, les cours du brut tombent au-dessous de 20 dollars le baril et atteignent leur niveau le plus bas depuis 1979. Les pays de l’OPEP se déclarent prêts à laisser chuter les prix jusqu’à 13 dollars, si les pays producteurs de la mer du Nord refusent de limiter leur production. MANCHE Le tunnel : première Manche Le 20 janvier, Mme Thatcher et M. Mitterrand annoncent leur décision de relier la France et la Grande-Bretagne par un double tunnel ferroviaire. Le projet, élaboré par le consortium franco-britannique FranceManche/Channel Tunnel Group, consiste en un double tunnel de 50 kilomètres de long, foré dans la craie à 40 mètres au-dessous du niveau de la mer. Des navettes ferroviaires de 800 mètres de long, partant toutes les 3 minutes, traverseront la Manche en 30 minutes downloadModeText.vue.download 10 sur 502 CHRONOLOGIE 9 de Sangatte, près de Calais, à Cheriton, près de Folkestone. Le débit prévu est de 4 000 véhicules à l’heure dans chaque sens. Après la ratification du traité par les Parlements des deux pays, les travaux devraient commencer en 1987. L’ensemble, mis en service en 1993, doit être complété par un lien routier, après l’an 2000. La nouvelle, accueillie favorablement par les milieux politiques britanniques, est l’aboutissement de deux siècles de polémiques et d’études pour établir une liaison fixe à travers la Manche. FRANCE Télévision. MM. Seydoux et Berlusconi présentent la grille des programmes de la 5e chaîne (! 15 et 17). Opéra. À Paris, au Palais Garnier, première de la Traviata de Verdi, décorée et mise en scène par Franco Zeffirelli. LESOTHO Afrique australe : Lesotho mouvant Le 15 janvier, la capitale du Lesotho, Maseratu, est le théâtre de mouvements de troupes et de rumeurs de coup d’État, démenties par le gouvernement quelques jours plus tard. Le 17, une mutinerie, déclenchée par le colonel Sehlabo, échoue (5 morts) et 30 soldats rebelles sont arrêtés. Dans la nuit du 19 au 20, le général Justin Lekhanya, chef de la Force paramilitaire, renverse Leabua Jonathan : Premier ministre depuis 1963, celui-ci cumulait tous les pouvoirs, après avoir déposé le roi Moshoeshoe II en 1970. Le 22, un Conseil militaire, présidé à partir du 24 par Justin Lekhanya, confie les pouvoirs exécutif et législatif au roi Moshoeshoe II. État montagnard de 30 355 km 2, le Lesotho est totalement enclavé à l’intérieur de la république d’Afrique du Sud, dont il dépend à 97 p. 100 pour ses importations. Or Pretoria impose, depuis le 1er janvier, un blocus économique, en représailles contre le soutien apporté par le gouvernement aux militants sud-africains de l’ANC. Cette affaire est à l’origine des divisions apparues au sein du parti national Basotho au pouvoir et notamment entre la Force paramilitaire du général Lekhanya, favorable à une entente avec l’Afrique du Sud, et la Ligue de la jeunesse, plus radicale et partisane d’un rapprochement avec les pays communistes. Le changement de gouvernement est accueilli favorablement par l’opposition et par l’Afrique du Sud, où une délégation est envoyée le 21. Après l’expulsion des réfugiés de l’ANC, Pretoria lève le blocus économique le 25. Mercredi 22 À Paris, ouverture du neuvième festival mondial du cirque de demain, qui confronte de jeunes artistes venus de 21 pays. FRANCE Enseignement. M. Roger Fauroux, ancien P-DG de SaintGobain, succède à Simon Nora à la tête de l’ENA. Jeudi 23 IRLANDE DU NORD Partis politiques. Les protestants unionistes enregistrent une baisse de 1,2 p. 100 des voix aux législatives partielles, provoquées par la démission des downloadModeText.vue.download 11 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 10 15 députés hostiles à l’accord anglo-irlandais du 15 novembre 1985. AFRIQUE DU SUD Troubles. Au sud de Durban, de violents combats opposent Zoulous et Pondos. Le bilan des affrontements s’élève à 42 morts et 10 000 habitations détruites. Vendredi 24 ESPACE Les secrets d’Uranus Voyager II, qui a quitté Cap Canaveral le 20 août 1977, atteint Uranus le 24 janvier après un voyage de 2,9 milliards de kilomètres et deux précédents rendez-vous avec Jupiter et Saturne en 1979 et 1981. Avant de poursuivre sa course vers Neptune, qu’elle atteindra le 25 août 1989, la sonde spatiale prend près de 2 000 photos et des milliers de mesures, dont certaines sont immédiatement transmises à la Terre. Les premières informations révèlent l’existence de 10 nouveaux satellites, tous très petits (entre 15 et 130 km de diamètre) et assez proches de la planète. Les clichés rapprochés des 5 « lunes » déjà connues dévoilent des détails insoupçonnés, traces d’une importante activité géologique, peut-être même volcanique : cratères et montagne de 6 000 mètres sur Oberon, faille gigantesque sur Miranda, dépôts brillants et énorme vallée de 1 000 kilomètres de long et 100 kilomètres de large sur Titania... D’heure en heure, Uranus divulgue ses secrets : présence d’un dixième anneau, existence d’un champ magnétique égal au tiers de celui de la Terre. Demeurent cependant de nombreuses énigmes (composition précise de l’atmosphère, nature de la surface baignée dans une brume opaque), que les astrophysiciens vont tenter d’élucider, grâce à l’analyse des renseignements stockés à bord de Voyager II, qui seront transmis peu à peu au Jet Propulsion Laboratory de Pasadena, en Californie. MÉDITERRANÉE La VIe flotte américaine effectue des manoeuvres aéronavales dans le golfe de Syrte, au large des côtes libyennes (jusqu’au 30). Le colonel Kadhafi qualifie l’opération d’agression (! 7, 15 et 27). SPORT Automobile. Henri Toivonen remporte le rallye de Monte-Carlo sur Lancia. YÉMEN DU SUD Guerre civile. Après dix jours de combats, qui ont fait plus de 10 000 morts, Ali Nasser Mohamed est déchu de ses fonctions de président de la République et remplacé par l’ancien Premier ministre Haydar Abou Bakr el-Attas (! 13). ÉTATS!UNIS ET LIBYE ! Méditerranée ARGENTINE Conflits sociaux. Succès de la grève générale de protestation contre la politique économique du gouvernement. Samedi 25 Religion. Lors de la clôture, à Rome, de la semaine universelle de prières pour l’unité des chrétiens, le pape Jean-Paul II invite les chefs de downloadModeText.vue.download 12 sur 502 CHRONOLOGIE 11 toutes les religions à se réunir à Assise pour prier pour la paix (! 27 oct.). FRANCE Justice. La cour d’assises du Tarn-et-Garonne condamne à la détention à perpétuité deux des candidats légionnaires, meurtriers d’un Algérien dans le train Bordeaux-Vintimille en 1983. OUGANDA Guerre civile. Les troupes rebelles de l’Armée nationale de résistance prennent le contrôle de la capitale. Le 29, M. Yoweri Museveni devient président de la République. Les partisans du général Okello se regroupent dans le nord du pays. Dimanche 26 FRANCE Solidarité. Coluche réunit sur le plateau de TF 1 diverses personnalités politiques pour soutenir son opération les Restaurants du coeur. Plus de 20 millions de francs sont collectés. PORTUGAL Élections. Au premier tour des présidentielles, le candidat conservateur, M. Freitas do Amoral, remporte 46,8 p. 100 des voix, contre 25,5 p. 100 à Mario Soares. INDE Troubles. Au Pendjab, les extrémistes sikhs reprennent le contrôle du Temple d’or d’Amritsar. Le 19, une fusillade à l’intérieur du bâtiment, entre sikhs modérés et indépendantistes, avait provoqué l’intervention de la police. Lundi 27 AID Tiers monde. À Paris, réunion de 33 pays donateurs de l’Association internationale de développement (AID) pour débattre des problèmes posés par l’aide aux pays les plus défavorisés. CEE Politique extérieure. Malgré les exhortations du secrétaire d’État adjoint M. Whitehead, en tournée dans les capitales européennes, les ministres des Affaires étrangères de la CEE, réunis à Bruxelles, refusent de s’associer aux Américains dans les sanctions contre la Libye (! 7, 15 et 24). FRANCE Prix. Le rapport mensuel de l’INSEE indique que les prix du commerce de détail ont augmenté de 0,1 p. 100 en décembre, soit un taux d’inflation de 4,7 p. 100 pour l’année 1985. GRANDE!BRETAGNE Presse. Licenciement de 5 500 imprimeurs du groupe News International, dirigé par Rupert Murdoch. Ceux-ci s’étaient mis en grève le 24, pour protester contre le transfert de l’impression des journaux du groupe (The Times, The Sun, The Sunday Times, News of the World) de Fleet Street à Wapping, dans la banlieue londonienne. INDE Administration. Plusieurs personnalités politiques sont impliquées dans une affaire d’espionnage. Deux ministres et un haut fonctionnaire sont contraints de démissionner. downloadModeText.vue.download 13 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 12 Mardi 28 CEE ! Égypte FRANCE Société. Examen en séance publique au Sénat des amendements au projet de loi sur l’aménagement du temps de travail. Vive opposition du parti communiste. Télévision. M. Fillioud annonce la naissance de la 6e chaîne musicale, dont la concession est accordée à un consortium formé de Publicis, de Gaumont, de radio NRJ et de M. Gilbert Gross. Mode. M. Mitterrand inaugure le musée des Arts de la mode au pavillon de Marsan du Louvre. Espagne. À Melilla, l’une des deux enclaves espagnoles du Maroc, de violents affrontements opposent les membres de la communauté musulmane aux forces de l’ordre ; 17 personnes sont blessées. Les musulmans, souvent considérés comme apatrides, manifestent pour l’obtention immédiate de la nationalité espagnole pour les natifs de la ville. ÉGYPTE Relations internationales. En prononçant un discours devant les parlementaires européens à Strasbourg, le président Moubarak demande le soutien actif de l’Europe pour que soit organisée une conférence internationale sur le ProcheOrient. Poursuivant son voyage à Paris le 29, puis à Bonn le 30, il insiste sur la nécessité d’une relance du processus de paix. ÉTATS!UNIS Espace. La navette spatiale Challenger explose en vol, 75 secondes après le décollage. Les sept astronautes, dont une enseignante, sont tués. Mercredi 29 FRANCE Patrimoine. M. Chirac signe un arrêté municipal demandant l’interruption des travaux du sculpteur Daniel Buren dans la cour du Palais-Royal. Paris : 260 colonnes à la une – juin 1985 : le ministre de la Culture, M. Jack Long, passe commande à M. Daniel Buren d’un ensemble de colonnes tronquées de hauteurs diverses, striées de noir et blanc, destinées à la cour d’honneur XVIIIe siècle du Palais-Royal. – 7 octobre : la commission des Monuments historiques, organisme consultatif, oppose son veto. Le ministre passe outre. – novembre : début des travaux, alors qu’aucune déclaration n’a été déposée à la Mairie de Paris, qui seule aurait dû donner l’autorisation de construire. Le Figaro, une association de riverains et de nombreux responsables de la défense du patrimoine mènent campagne pour l’arrêt des travaux. – 20 février : le tribunal administratif de Paris ordonne l’arrêt des travaux, pour violation du code de l’urbanisme. downloadModeText.vue.download 14 sur 502 CHRONOLOGIE 13 – 12 mars : le Conseil d’État confirme la décision du tribunal administratif. – fin mars et avril : dans la presse, partisans et adversaires du projet opposent le droit moral de l’artiste à celui des créateurs de la cour d’honneur et plus généralement au respect du patrimoine national. L’Institut prie le ministre de la Culture du nouveau gouvernement, M. François Léotard, de déplacer l’oeuvre. Daniel Buren attaque le ministre en référé. – 5 mai : François Léotard décide l’achèvement des travaux. Presse. Le garde des sceaux, M. Badinter, demande au Parlement la levée de l’immunité parlementaire de M. Hersant (! 3, 9 et 14). PAKISTAN Opposition. À Lahore, plus de 70 000 personnes manifestent pour réclamer de nouvelles élections. C’est le plus important rassemblement d’opposition depuis la levée de la loi martiale, le 31 décembre. Jeudi 30 SPORT Course à pied. Parti d’Alger le 7 mai 1985 en compagnie d’autres coureurs, le Français Gérard Vacher arrive à Abidjan après 5 000 km de course à travers l’Afrique. FRANCE Édition. Réflexions sur la politique extérieure de la France de M. François Mitterrand, qui paraît chez Fayard, réunit ses principaux discours ainsi qu’une mise au point sur son action diplomatique. Syndicats. La CGT organise une journée nationale d’action contre le projet de loi sur l’aménagement du temps de travail. À Paris, un défilé rassemble de 10 000 à 12 000 personnes. ESPAGNE Monarchie. Le prince Felipe, âgé de 18 ans, prête serment devant les Cortès de respecter la Constitution et devient officiellement héritier du trône. ANGOLA ! États-Unis ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le chef du mouvement de guérilla angolais UNITA, M. Jonas Savimbi, est reçu par le président Reagan. Celui-ci promet d’apporter une aide à son organisation. Vendredi 31 GRANDE!BRETAGNE Emploi. Hausse record du chômage en janvier, qui touche actuellement 14,1 p. 100 de la population active. AFRIQUE DU SUD Société. Au Cap, le président Pieter Botha annonce un assouplissement de la politique de l’apartheid et la suppression prochaine des laissez-passer pour les Noirs. HAÏTI Troubles. Après les violentes émeutes antigouvernementales qui se déroulent dans l’île depuis le 26, M. Jean-Claude Duvalier décrète l’état de siège. Le même jour, la MaisonBlanche annonce à tort la chute du régime. downloadModeText.vue.download 15 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 14 Le mois de Bernard Kouchner Guerres et sourires de princesses, attentats et rentrée littéraire, famines et petites phrases politiciennes, conflits sociaux et tournois de tennis : Européens gavés de détails, de titres à la une, bourrés de fausses grandes nouvelles et de « science » de la communication, nous n’avons plus de mémoire. Les informations nous dévorent, cris aux oreilles, poudre aux yeux. On regarde, on oublie. On lit, on jette. Que reste-t-il des tonnes de papier abandonnées aux trains, aux poubelles ? Cela s’appelle une civilisation de consommation. Où est l’essentiel qui doit s’installer dans notre paysage mental, dans notre bibliothèque, qui doit témoigner les jours de notre vie et de celles des autres ? Ici, peut-être. J’ai feuilleté cet éphéméride de janvier 1986, ce mois si proche encore en ce début de fin d’année. J’y ai trouvé des souvenirs caducs, des ombres, des rires et des angoisses disparus trop vite... Vous souvenez-vous de la guerre entre deux fractions marxistes, soutenues par Moscou, au Yémen du Sud, qui fit 10 000 morts ? Et cet accident d’hélicoptère, au cours du ParisDakar, qui provoqua la mort de Thierry Sabine, Daniel Balavoine et François Xavier Baniou et fit pleurer la France de l’aventure et du romantisme ? Pour la première fois depuis plus de vingt ans, le Guatemala, un pays parmi les plus violents du monde, bénéficiait d’un gouvernement élu sans mitraillettes. Vous avez encore dans l’oeil cette terrifiante image en forme de scorpion : la navette Challenger qui explosa en vol, tuant ses sept astronautes et crevant le coeur de tous les Américains. C’était également en janvier 1986 et, le dernier jour de ce mois-là, JeanClaude Duvalier annonçait l’état de siège en Haïti. Ce calendrier est riche, aussi, en négatif, des événements cachés, de ceux qu’on a écartés et que, sans une recherche spéciale, nous ne retrouverons plus. L’actualité impose une curieuse alchimie d’informations avérées et d’événements masqués. Puisque décidément on ne peut pas tout dire, chaque homme de communication choisit d’éclairer ou de laisser dans l’ombre. Sa responsabilité est immense. On gagne ou on perd les guerres à la télévision. Les Sabra et les Chatila se suivent sans se ressembler. En 1984, les chrétiens du Liban massacrèrent des Palestiniens sous l’oeil des caméras du monde entier et en particulier des télévisions israéliennes. C’est là que Jérusalem perdit la guerre du Liban. Deux ans après, Les Arabes chiites prenaient d’assaut les mêmes camps et tuaient trois fois plus d’Arabes palestiniens. Mais ils avaient compris la leçon : les journalistes n’eurent pas droit au témoignage et donc l’opinion publique ne s’enflamma pas. Guerre propre et feutrée contre guerre sale et tapageuse : à ce jeu, les mouvements démocratiques se feront rarement entendre. Le malheur n’existe que télévisé. Pas d’images, pas d’événements. André Glucksmann et Thierry Wolton, dans Silence on tue, affirment que nous sommes « entrés en religion cathodique ». Relisez l’histoire de ce mois de janvier que nous avons vécu, et oublié. D’autres événements vous reviendront en tête : les vôtres. La vraie mémoire reste sélective et sentimentale. BERNARD KOUCHNER FONDATEUR DE MÉDECINS SANS FRONTIÈRES PRÉSIDENT DE MÉDECINS DU MONDE downloadModeText.vue.download 16 sur 502 CHRONOLOGIE 15 Février Samedi 1er ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II arrive à New Delhi, première étape du voyage qui, en dix jours, lui fera parcourir 15 000 km dans le souscontinent indien. Le 2, il rencontre le dalaïlama ; le 3, mère Teresa et les pauvres de Calcutta ; le 7, il se rend au Kerala, « terre des trois églises ». FRANCE Espionnage. Après l’arrestation, le 24 janvier, de Bernard Sourisseau, sous-officier de l’armée de l’air à la retraite, inculpé d’espionnage des sous-marins atomiques français au profit de l’URSS, quatre diplomates soviétiques sont expulsés de France. Le 3, en représailles, l’URSS demande le départ de quatre Français en poste à l’ambassade de France à Moscou. Photographie. Inauguration de l’École nationale de la photographie d’Arles. SUÈDE Alva Myrdal, prix Nobel de la paix 1982, meurt à Stockholm, à l’âge de 84 ans. URSS ! France Dimanche 2 LIECHTENSTEIN Élections législatives. À l’issue d’un scrutin auquel les femmes participaient pour la première fois, l’Union patriotique conserve la majorité au Parlement. URSS ! Iran IRAN Relations internationales. Pour la première fois depuis la chute du chah, un vice-ministre soviétique des Affaires étrangères se rend à Téhéran. L’URSS cherche à améliorer ses relations avec l’Iran. ÉTATS!UNIS Espace. Selon les experts de la NASA, l’explosion de la navette Challenger, le 28 janvier, serait due à la rupture d’un joint de caoutchouc synthétique dans l’une des deux fusées auxiliaires de décollage ; une flamme sortie de cette fissure aurait ensuite mis le feu au réservoir d’hydrogène liquide. COSTA RICA Vie politique. En obtenant 53,3 p. 100 des suffrages exprimés, M. Oscar Arias, représentant le Parti de libération nationale (social-démocrate) au pouvoir, remporte les élections présidentielles et succède ainsi à M. Luis-Alberto Monge. Lundi 3 FRANCE Terrorisme. À Paris, explosion criminelle à la galerie Claridge des Champs-Élysées (7 blessés) et attentat manqué au troisième étage de la tour Eiffel. Criminalité. Assassinat d’une vieille dame, Virginie Labrette, dans le 12e arrondissement de Paris, peut-être la victime du tueur du 18e arrondissement. Il s’agit du septième crime de downloadModeText.vue.download 17 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 16 ce genre depuis un mois et demi, et du seizième depuis 1984. Musique. L’Orchestre national de jazz, créé à l’initiative du ministre de la Culture, donne son premier concert au Théâtre des ChampsÉlysées de Paris. VIÊT!NAM Économie. Le sixième congrès du parti communiste est reporté de plusieurs mois, tandis que l’échec de la nouvelle politique des prix et des salaires suscite un vif mécontentement dans la population. ÉQUATEUR Économie. Le pays est choisi par les États-Unis pour tester le plan Baker, destiné à réamorcer la croissance d’une quinzaine de pays surendettés. Mardi 4 FRANCE Terrorisme. Explosion criminelle à la librairie Gibert jeune, à Paris (3 blessés). Selon les enquêteurs, cet attentat, comme ceux de la veille, serait d’origine proche-orientale et lié à l’affaire des otages français détenus au Liban. ISRAËL Défense. L’interception par la chasse israélienne d’un avion civil libyen soupçonné de transporter des personnalités palestiniennes au-dessus de la Méditerranée suscite la réprobation internationale. ÉTATS!UNIS Économie. Au cours du discours sur l’état de l’Union, le président Reagan précise son adhésion au projet d’établissement d’une conférence monétaire internationale soucieuse de stabiliser les taux de change à des niveaux « compatibles avec le développement des échanges commerciaux ». Le 5, M. Reagan présente le projet de budget pour 1987, qui prévoit de ramener de 200 à 144 milliards de dollars le déficit actuel. Espace. M. Ronald Reagan annonce solennellement que la NASA va entreprendre la mise au point d’un appareil « trans-atmosphérique », capable de voler à 25 000 km/h, dont le premier vol commercial est prévu pour la fin des années 1990. CUBA Politique intérieure. Le troisième congrès du Parti communiste cubain s’ouvre avec deux mois de retard sur la date prévue. M. Fidel Castro est réélu premier secrétaire et le bureau politique est largement remanié. Mercredi 5 Environnement. La conférence Silva, sur la forêt, qui se tient à Paris jusqu’au 7, réunit chefs d’État et personnalités politiques de tous pays. La déforestation en zone sahélienne et le dépérissement des forêts européennes sont à l’ordre du jour. FRANCE Relations internationales. Le président du Burkina Faso, le capitaine Thomas Sankara, arrivé la veille en France pour une visite officielle de vingt-quatre heures, s’entretient à l’Élysée avec le président Mitterrand. Terrorisme. Dans le magasin FNAC-sports du Forum des Halles, 9 personnes sont blessées par l’explosion d’une bombe. En trois jours, c’est downloadModeText.vue.download 18 sur 502 CHRONOLOGIE 17 le quatrième attentat de ce genre qui se produit à Paris. Justice. Deux terroristes palestiniens du groupe Abou Nidal, Assad Kayed et Husni Atem, sont libérés et expulsés après avoir bénéficié de remise de la moitié de leur peine. BURKINA FASO ! France Jeudi 6 FRANCE Anniversaires. Coup d’envoi des célébrations du centenaire de la statue de la Liberté. ESPAGNE Terrorisme. Le vice-amiral Cristobal Colon de Carvajal, âgé de 60 ans, est assassiné à Madrid, vraisemblablement par un commando de l’ETA militaire. AFRIQUE DU SUD Société. Le ministre des Affaires étrangères, M. Pik Botha, déclare à la presse qu’il ne verrait aucun inconvénient à siéger aux côtés de ministres noirs dans un futur gouvernement. Vendredi 7 FRANCE Médecine. Créée par M. Edmond Hervé en août 1983, la commission nationale des cancers, dirigée par le professeur Yves Cachin, remet au gouvernement son rapport sur « la lutte contre le cancer en France » qui insiste sur le rôle joué par le tabac ainsi que sur l’importance de la prévention. PHILIPPINES Exit Marcos L’élection présidentielle du 7 février, marquée par une participation massive, se déroule dans un climat de violence meurtrière et de fraude importante. La première, Mme Corazon Aquino revendique la victoire, mais, dès le 10, le président Ferdinand Marcos déclare que son parti obtient la majorité absolue. Le président Reagan dépêche à Manille un négociateur, M. Philip Habib, dans l’espoir de trouver une formule de compromis, que les partisans de Mme Aquino rejettent a priori. Le 14, la conférence épiscopale philippine désavoue le régime de M. Marcos et appelle à la « résistance non violente ». Le lendemain, l’Assemblée nationale, contrôlée par M. Marcos, proclame officiellement la victoire de celui-ci. L’opposition, entendue par un million de personnes, appelle le 16 à la « désobéissance civile ». Démissionnant de leurs fonctions, le ministre de la Défense, M. Juan Ponce Enrile, et le général Fidel Ramos, chef d’état-major adjoint des armées, se rallient à Mme Aquino et forment, avec ses partisans, une armée d’insurrection, soutenue par les États-Unis. Le 25, Mme Aquino prête serment et forme un gouvernement dirigé par M. Salvador Laurel, nommé viceprésident et ministre des Affaires étrangères. Isolé dans le palais présidentiel Malacanang assiégé par la foule, M. Marcos prête également serment, avant d’accepter de démissionner dans la soirée ; accueilli à Honolulu avec sa famille, il obtient l’asile politique des États-Unis. Tandis que le palais présidentiel est pillé par la foule, Mme Aquino lance aux insurgés un appel au cessez-le-feu et annonce downloadModeText.vue.download 19 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 18 une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques. HAÏTI La fin des Duvalier Le président à vie Jean-Claude Duvalier, « Baby Doc », est contraint de quitter l’île sur laquelle il règne depuis 1971. Après les manifestations antigouvernementales des 27-29 janvier, paroxysme d’une agitation permanente depuis 1985 dans un pays écrasé par la misère (PIB de 200 dollars par hab.), analphabète à 90 p. 100 et soumis à un régime de tortures et d’exécutions sommaires, après l’ultimatum de Washington, décidant de bloquer la moitié de son aide économique à Haïti, Jean-Claude Duvalier et sa famille s’envolent le 7 février vers la France, à bord d’un avion de l’armée américaine. La France a accepté de recevoir la famille présidentielle « afin de faciliter la transition démocratique en Haïti ». À Port-au-Prince, des scènes de pillage et de lynchage des « tontons macoutes » ont suivi le départ du chef de l’État, tandis qu’un conseil national de gouvernement est mis en place par le général Henri Namphy. Le nouveau gouvernement est formé le 10, constitué, pour une bonne part, de ministres du régime déchu. En résidence à Talloires (Haute-Savoie), Jean-Claude Duvalier, qui n’a obtenu aucun accord des pays sollicités pour un éventuel accueil, le Liberia, la Suisse, la Grèce, et qui a fait l’objet d’une demande française d’extradition le 27, réclame le statut de réfugié politique. PÉROU Guérilla. Après la vague d’attentats commis à Lima, depuis le 4, par les guérilleros du Sentier lumineux, le président Alan Garcia décrète l’état d’urgence. Samedi 8 YÉMEN DU SUD Gouvernement. M. Haydar Abou Bakr el-Attas, président par intérim depuis le 24 janvier, est nommé président de la République démocratique et populaire du Yémen par l’Assemblée du peuple (Parlement). Dimanche 9 LIBAN Terrorisme. Assassinat à Tripoli du chef musulman intégriste Khalil al-Kaoul. Lundi 10 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II achève son voyage en Inde en s’arrêtant à Bombay. Ce séjour a été pour le souverain pontife l’occasion d’exhorter à l’unité les croyants comme les citoyens. ITALIE Justice. Le plus important procès jamais intenté à la Mafia s’ouvre à Palerme : 475 des 707 inculpés sont cités le jour même. Les déclarations des repentis Tommaso Buscetta et Salvatore Contorno sont pour une bonne part à l’origine des mises en accusation. Terrorisme. Les Brigades rouges, qui observaient une trêve depuis mars 1985, assassinent l’ancien maire de Florence, M. Lando Conti. downloadModeText.vue.download 20 sur 502 CHRONOLOGIE 19 INDE Agitation. Grève générale à New Delhi. L’action, qui a été organisée pour protester contre la politique de M. Rajiv Gandhi, est la première de ce genre depuis l’arrivée de celui-ci au pouvoir. IRAQ ! IRAN Conflit. Les troupes iraniennes s’emparent de l’ancien port pétrolier de Fao. TCHAD Quand c’est fini... Après une longue trêve, les combats reprennent à partir du 10 entre les forces gouvernementales et le GUNT de M. Goukouni Oueddeï, qui, soutenu par la Libye et doté d’une escadrille de six avions légers d’appui au sol Marchetti pilotés par des Tchadiens, a lancé l’offensive au sud du 16e parallèle. Après la rencontre, le 12, entre M. Guy Penne, conseiller de l’Élysée pour les affaires africaines, et le président tchadien, M. Hissène Habré, la France décide le 13 d’accélérer ses livraisons d’armes et de matériel à N’Djamena, Le 14, M. Hissène Habré demande à Paris l’envoi de troupes françaises au Tchad et, le 16, les Jaguar français effectuent un raid aérien sur l’aérodrome de Ouadi Doum, dans le nord du pays, utilisé par la Libye pour son soutien logistique au GUNT. La riposte libyenne intervient le lendemain avec le lâcher de trois bombes par un Tupolev-22 sur l’aérodrome de N’Djamena. Dans le cadre de l’opération « Épervier », dispositif français aérien de dissuasion contre la Libye, un radar à longue portée est mis en place à N’Djamena. Un millier de militaires français, des Mirages F1 et des Jaguar sont envoyés dans la capitale pour faire fonctionner ce dispositif. Mardi 11 FRANCE Sciences. Ancien laboratoire d’essais, la boule de Chinon est transformée en musée du nucléaire. URSS Dissidents. Le mathématicien juif soviétique Anatoli Chtcharanski, interné pendant neuf ans dans les camps de travail soviétiques, est libéré sur le pont de Glienicke, à Berlin. Il gagne aussitôt Israël. LIBAN Terrorisme. Arrestation de 64 partisans de M. Élie Hobeika, l’ancien chef des Forces libanaises (FL), limogé le 15 janvier. Les FL sont considérées par les chrétiens comme les auteurs de deux attentats commis dans leur secteur. Mercredi 12 EUROPE Transports. Signature du traité prévoyant la construction du tunnel sous la Manche. FRANCE Outre-mer. M. Jacques Chirac se rend en Guadeloupe et en Martinique (jusqu’au 16). Terrorisme. Après la vague d’attentats procède à l’interpellation dans tout le pays, dans le biliser les réseaux d’aide implantés en France », qui sieurs grandes villes. parisiens, la DST de 64 personnes but de « déstaaux terroristes passent par plu- Art. Jusqu’au 5 mai, exposition Vienne, naissance d’un siècle au Centre Georges-Pompidou, à Paris. downloadModeText.vue.download 21 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 20 Musique. M. Jean-Louis Martinoty est nommé administrateur général de l’Opéra de Paris en remplacement de M. Massimo Bogianckino. Théâtre. M. Jean Le Poulain est nommé administrateur général de la Comédie-Française en remplacement de M. Jean-Pierre Vincent. Cinéma. Le réalisateur René Clément est élu à l’Académie des beaux-arts. GRANDE!BRETAGNE Aéronautique. Les actionnaires de la firme d’hélicoptères Westland se prononcent à 67 p. 100 en faveur du rachat de celle-ci par la compagnie américaine Sikorsky. URSS Défense. Le général Tchervov, porte-parole de l’étatmajor soviétique, confirme à Bonn que les SS-20 que l’URSS se propose d’éliminer dans sa zone européenne seront détruits sous contrôle international et « ne seront pas stationnés ailleurs ». BRÉSIL Politique intérieure. Le président Sarney intègre dans son gouvernement M. Celso Furtado, le théoricien économique favori de la gauche. Jeudi 13 FRANCE Audiovisuel. Accord sur la 7e chaîne, qui sera une société publique, financée en grande partie par l’argent de la redevance. Théâtre. Réouverture officielle par M. Jack Lang du théâtre du Vieux-Colombier, fermé depuis quinze ans. Il abritera une école européenne d’acteurs, dirigée par Giorgio Strehler. Vendredi 14 FRANCE Banditisme. Fin de la cavale du couple d’agresseurs sexuels meurtriers, Marc Fasquel, tué par les gendarmes, et Jocelyne Bourdin, arrêtée. Samedi 15 PORTUGAL Terrorisme. M. Gaspar Castelo Branco, directeur général des prisons portugaises, est assassiné par le mouvement Forces populaires – 25 avril. Dimanche 16 PORTUGAL Élections. M. Mario Soares est élu président de la république du Portugal. Il est le premier président civil du pays depuis 60 ans. Lundi 17 FRANCOPHONIE La francophonie au sommet Du 17 au 19 février, se tient à Versailles et à Paris le premier sommet francophone. Il réunit les représentants des 42 États ou communautés qui, aux quatre points du globe, forment la famille francophone, forte de 125 millions de locuteurs. Voulant relever le défi du monopole anglophone dans l’informatique et l’audiovisuel, le Sommet a downloadModeText.vue.download 22 sur 502 CHRONOLOGIE 21 formulé 28 résolutions pratiques, annoncées par M. Mitterrand le 19. Celles-ci concernent d’abord la télévision : création d’une « agence internationale francophone d’images de télévision », élargissement de la diffusion de la télévision par câble TV5 à l’Amérique du Nord, la Méditerranée et l’Afrique et réservation d’un des quatre canaux du futur satellite de télévision TDF1 à des « programmes francophones ». La vidéo fait également l’objet d’initiatives importantes, comme l’extension à la communauté francophone des banques de données linguistiques par vidéotexte et le développement du vidéodisque dans l’enseignement médical. La littérature et la langue françaises seront favorisées avec le lancement d’une collection populaire de 100 titres d’auteurs d’expression française, la réalisation d’une « maquette de fonctionnement de la langue » pour le traitement de textes et la création d’un prix international d’innovation linguistique. Concernant l’enseignement, enfin, il faut retenir la création d’un « baccalauréat francophone international », de « centres de formation d’agronomes en milieu rural » et de « centres de formation artisanale ». CEE Traité de Rome. L’acte de réforme est signé par neuf des douze membres de la Communauté européenne. Le Danemark, la Grèce et l’Italie se sont abstenus. FRANCE Justice. Le procureur général de Lyon critique la définition des crimes contre l’humanité adoptée par la Cour de cassation dans l’affaire Barbie, proclamant que les résistants sont des combattants. Terrorisme. À Bidarray (Pyrénées-Atlantiques), troisième attentat attribué au GAL en moins de dix jours : deux inconnus mitraillent la voiture d’un berger, accompagné d’une jeune fille de 16 ans ; tous deux sont tués. L’enquête démontre par la suite qu’il s’agit d’une erreur de la part des terroristes. LIBAN Conflit. Après l’enlèvement de deux de ses soldats dans la zone de sécurité, l’armée israélienne effectue des opérations de ratissage dans le Sud-Liban. NOUVELLE!ZÉLANDE Naufrage d’un paquebot de croisière soviétique dans le détroit de Cook. Un marin est porté disparu. Mardi 18 FRANCE Urbanisme. À La Courneuve, 600 kg de nitrate d’ammonium sont utilisés pour la démolition d’un immeuble de 180 m × 45 m dans le quartier des « 4 000 ». Il s’agit d’une première européenne. Mercredi 19 EUROPE Médecine. Lancement de l’opération Eurespoir, semaine européenne d’information et de prévention contre le cancer. FRANCE Gouvernement. M. Robert Badinter est nommé président du Conseil constitutionnel en remplacement de M. Daniel Mayer, démissionnaire. Il est remplacé au poste de garde des Sceaux par M. Michel Crépeau. Sports. Le président de l’Olympique de Marseille, M. Jean Carrieu, et M. Bernard Tapie signent l’accord aux termes duquel l’indownloadModeText.vue.download 23 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 22 dustriel doit gérer l’équipe marseillaise de football. MOYEN!ORIENT Paix. Échec des négociations jordano-palestiniennes pour la paix, et rupture de l’accord du 11 février 1985. Le roi Hussein déplore que M. Arafat n’ait pas montré la « sincérité » et la « clarté » requises. LIBAN Terrorisme. Exécution du professeur Élie Hallak, médecin enlevé en mars 1985 à Beyrouth-Ouest. Il est le quatrième otage juif assassiné en deux mois. Jeudi 20 FRANCE Économie. Inauguration à la Bourse de Paris d’un marché à terme d’instruments financiers (MATIF), destiné à couvrir le risque de fluctuation des taux d’intérêt. Industrie automobile. Suppression de 900 postes chez PeugeotTalbot. Audiovisuel. Mise en service de la 5e chaîne de télévision. Arts. Le tribunal administratif ordonne l’arrêt des travaux d’édification des colonnes tronquées du sculpteur Buren, entrepris dans la cour d’honneur du Palais-Royal, à Paris, jugeant que ceux-ci « défigurent le site ». ITALIE Banditisme. Près de Palerme, arrestation de Michèle Greco, considéré comme le chef de la Cosa Nostra et l’un des principaux accusés du grand procès contre la Mafia ouvert le 10 février. URSS ! Côte-d’Ivoire IRAQ ! IRAN Conflit. Un avion civil iranien est abattu par la chasse iraqienne près d’Ahwaz (Khouzistan). 40 personnalités du régime sont tuées. CÔTE!D’IVOIRE Relations internationales. Rétablissement des relations diplomatiques avec l’URSS, interrompues en 1968. ÉTATS!UNIS Anniversaire. L’État du Texas fête le 150e anniversaire de son indépendance. 10 000 manifestations officielles doivent attirer 40 millions de touristes. Vendredi 21 ATLANTIQUE Naufrage du Snekkar Arctic, un navirecongélateur dieppois très moderne, à 500 km à l’ouest des îles Hébrides, au nord de l’Écosse ; il y a 16 disparus, 2 morts et 9 rescapés. FRANCE Arts. Jusqu’au 30 juin, au Grand Palais, exposi- tion d’oeuvres des plus grands maîtres de la peinture hollandaise du XVIIe s., prêtées par le musée Mauritshuis de La Haye. Dans le même temps, plusieurs manifestations consacrées aux Pays-Bas ont lieu à Paris, notamment un cycle du cinéma néerlandais à la Cinémathèque. Aux Pays-Bas, une année de la culture française est organisée. downloadModeText.vue.download 24 sur 502 CHRONOLOGIE 23 ESPAGNE Industrie automobile. Le groupe allemand Volkswagen rachète 51 p. 100 de la firme Seat. PAYS!BAS ! France JAPON Shigechiyo Izumi, Japonais de 120 ans (né le 29 juin 1865), doyen de l’humanité, meurt d’une pneumonie. Samedi 22 FRANCE Espace. Sur la base de Kourou, en Guyane, la France met en orbite son premier satellite d’observation de la Terre, Spot 1, ainsi qu’un satellite suédois, Viking, lancés par le dernier lanceur de la série Ariane-1. Industrie automobile. Sortie de la Renault R 21. Audiovisuel. Mise en service de la 6e chaîne de télévision. Cinéma. Le film de Coline Serreau, Trois Hommes et un couffin, obtient le onzième césar du meilleur film. Michel Deville est sacré meilleur réalisateur pour Péril en la demeure, tandis que Christophe Lambert obtient le césar du meilleur acteur pour Subway et Sandrine Bonnaire celui de la meilleure actrice pour Sans toit ni loi. Dimanche 23 EST!OUEST Relations. À la veille du congrès du PCUS, M. Reagan propose une « élimination conjointe sur quatre mois » des missiles de portée intermédiaire Pershing 2 et SS 20. ESPAGNE Société. Trois semaines avant le référendum sur le maintien dans l’alliance atlantique, plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent à Madrid contre l’OTAN. Lundi 24 FRANCE Relations internationales. Quatre Iraniens, soupçonnés d’activités terroristes, sont expulsés. Au même moment, cinq ressortissants français sont arrêtés à Téhéran sans explication officielle. L’un d’eux est libéré peu après. IRAN ! France Mardi 25 FRANCE Économie. À Paris, le dollar tombe au-dessous de 7 F (6,9350), retrouvant ses cours de février 1983. Théâtre. Au TNP, Roger Planchon monte l’Avare, avec Michel Serrault et Annie Girardot. URSS Politique intérieure. Le 27e congrès du Parti communiste s’ouvre avec le rapport de son secrétaire général, M. Gorbatchev, qui réclame une « réforme radicale » de l’économie, critiquant l’« inertie » et la « stagnation » de l’ère Brejnev. Le numéro 1 soviétique « souhaite injecter un peu d’économie de marché dans un système planifié ». Au cours de ce congrès, précédé par des purges importantes dans les répudownloadModeText.vue.download 25 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 24 bliques, la moitié des instances dirigeantes sont renouvelées. ÉGYPTE Troubles. Pendant la nuit, la capitale est le théâtre de combats entre l’armée et des appelés de la police mutinés. Le 26, le couvre-feu est décrété dans toute l’agglomération du Caire. Le bilan est de 36 morts et de plus de 300 blessés. ÉTATS!UNIS Médecine. L’Organisation mondiale de la santé annonce officiellement l’expérimentation prochaine d’un vaccin synthétique contraceptif, mis au point par l’université de l’Ohio. Mercredi 26 FRANCE Terrorisme. Neuf lignes du métro et du RER parisiens sont sabotées par un mystérieux commando se réclamant des trois preneurs d’otages de la cour d’assises de Nantes (décembre 1985). Outre-mer. Pour la première fois depuis sa création en décembre 1985, le Conseil du Pacifique Sud se réunit à l’Élysée, sous la présidence de M. Mitterrand. Parmi d’autres mesures, la création d’une université française à Tahiti est décidée. VENEZUELA Économie. Fin de trois années de négociations laborieuses, avec la signature d’un accord permettant de rééchelonner 21,2 milliards de dollars de dettes publiques sur douze ans et demi. Jeudi 27 CEE Statuts. 56,2 p. 100 des électeurs danois approuvent par référendum la réforme de la CEE. L’acte unique de relance est signé le 28 par les trois derniers pays de la Communauté, le Danemark, la Grèce et l’Italie. FRANCE Société. Le projet sur la flexibilité du temps de travail est définitivement adopté par l’Assemblée nationale. Transports. Publication du rapport Lathière sur la crise de la marine marchande. Presse. L’assemblée de la SARL le Monde approuve l’augmentation du capital. M. Roger Fauroux présidera la société d’investisseurs. Le journal participera à une société d’études pour l’audiovisuel. Lettres. L’écrivain Michel Mohrt, élu le 18 avril 1985 au fauteuil de Marcel Brion, est reçu à l’Académie française. ITALIE Justice. Au cours du procès d’Ali Agça, le procureur demande l’acquittement des inculpés bulgares pour « insuffisance de preuves ». downloadModeText.vue.download 26 sur 502 CHRONOLOGIE 25 SAHARA OCCIDENTAL Le Front Polisario fête le dixième anniversaire de la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Vendredi 28 OTAN ! Pays-Bas PAYS!BAS Défense. Le Parlement approuve, par 79 voix contre 70, le traité américano-néerlandais sur l’installation des 48 missiles de croisières de l’OTAN. SUÈDE Gouvernement. Au sortir d’un cinéma du centre de Stockholm, le Premier ministre, M. Olof Palme, est tué d’un coup de feu et sa femme légèrement blessée. BRÉSIL Économie. Contre l’inflation et l’endettement, le président Sarney annonce un plan d’austérité : gel des prix, des salaires, des tarifs publics, pour six mois, parallèlement à l’abandon du système d’indexation et à l’instauration d’une nouvelle unité monétaire. Le mois d’Hélène Carrère d’Encausse Février serait-il pour l’URSS synonyme de changement ? Le XXVIIe congrès du parti communiste s’est ouvert le 25 février 1986, trente ans jour pour jour après la nuit dramatique où fut lu le rapport secret dévoilant les crimes de Staline. Comme en 1956, le congrès de 1986 fut dominé par un homme neuf, Mikhaïl Gorbatchev, qui rejette le passé et se pose en maître d’oeuvre d’un renouveau de l’idéologie, d’un changement des mentalités et des méthodes. L’idéologie de Marx et Lénine ne doit pas être, dit-il, figée. Elle doit nourrir une « nouvelle pensée politique », adaptée à une société éduquée et à l’âge nu- cléaire. L’ambition de développer et mettre en oeuvre le communisme des temps modernes, comment se traduit-elle dans la pratique ? Par une politique intérieure de la carotte et du bâton ; par une politique extérieure de séduction. La carotte, c’est la promesse d’une réforme économique totale qui permettrait à l’URSS de combler retards et déficiences et de donner à ses administrés une société de consommation et non plus de pénurie. Que le citoyen soviétique soit, vers la fin du siècle, aussi bien pourvu que son homologue américain, c’est l’engagement de la nouvelle équipe ; écho lointain au programme de Khrouchtchev, l’homme fort de 1956. Pour réformer, il faut décentraliser la décision, les responsabilités, les choix ; combiner plan et marché, intérêt général et aspirations particulières. Projet ambitieux qui, dans l’immédiat, se coule plutôt dans la direction indiquée par le bâton. Aux citoyens mécontents, Mikhaïl Gorbatchev indique la voie à suivre ; travailler plus, avec davantage de discipline ; renoncer à la corruption, aux petits trafics, à l’ivrognerie. Et, ici, les résultats sont immédiats : la loi punit plus sévèrement que jadis ceux qui ignoreraient ces règles de vie sociale restaurée. De même que sont remis en honneur les grands principes du patriotisme et des valeurs familiales. Ainsi, tant que les réformes promises restent limitées dans l’espace ou éloignées dans le temps, ce sera aux citoyens d’y remédier par leurs efforts redoublés, d’assumer une fois encore la responsabilité des illusions évanouies. Le monde extérieur a plus de chance, pour qui Gorbatchev déploie surtout les ressources de la séduction. Habile homme de communication, conscient de l’évolution des opinions et des réalités de l’âge nucléaire, Gorbatchev a su retrouver un dynamisme en politique downloadModeText.vue.download 27 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 26 étrangère. Dialogue sur tous les fronts : avec les États-Unis pour réduire les tensions et les arsenaux stratégiques ; reconnaissance des intérêts propres de l’Europe ; « petits pas » vers une réconciliation réelle avec la Chine ; présence croissante dans le Pacifique ; rien ne manque pour que l’URSS ait de nouveau une politique mondiale. Politique dominée, cela est vrai, par une nouvelle pensée politique, à tout le moins dans l’art de l’exprimer et de projeter au dehors l’image de l’URSS de Gor- batchev. Il est trop tôt pour juger les acquis de 1986 ; mais il faut reconnaître que, depuis trente ans, le discours soviétique n’avait jamais autant charrié d’idées et de projets dérangeants. L’expérience de février 1956 atteste que les mots peuvent être explosifs et échapper à leurs promoteurs. Khrouchtchev fut emporté par les craintes que son entreprise iconoclaste souleva chez ses pairs. Nul doute que son exemple hante l’esprit de son lointain successeur. Février, mois fatidique depuis 1917, sera-t-il cette fois-ci le mois d’un passé renié ? Ou d’un passé qui toujours se répète ? HÉLÈNE CARRÈRE D’ENCAUSSE downloadModeText.vue.download 28 sur 502 CHRONOLOGIE 27 Mars Samedi 1er FRANCE Rapatriés. Le mouvement du RECOURS recommande un vote pour l’opposition, la gauche étant accusée de n’avoir tenu que « très partiellement » ses engagements envers les rapatriés. Dimanche 2 FRANCE Politique intérieure. Évoquant les conséquences possibles des élections du 16 mars, le président Mitterrand déclare : « Je préférerais renoncer à ma fonction plutôt qu’aux compétences de ma fonction. » GRANDE!BRETAGNE ! Australie ISRAËL Cisjordanie. M. Zafer al-Masri, maire de Naplouse, qui était cautionné par la Jordanie et l’OLP, est assassiné. À la suite de ce meurtre, aucun Palestinien n’accepte plus d’être nommé maire en Cisjordanie. AUSTRALIE Institutions. Abolition des derniers liens législatifs et judiciaires avec la Grande-Bretagne, bien qu’Élisabeth II reste reine d’Australie. AUTRICHE L’affaire Waldheim Le 2 mars, le New York Times, faisant état d’informations provenant du Congrès juif mondial, accuse le candidat populiste aux élections présidentielles autrichiennes, M. Kurt Waldheim, d’avoir fait partie, pendant la guerre, d’unités ayant participé à la déportation de 60 000 juifs de Salonique et ayant massacré des résistants grecs et yougoslaves. La source de ces informations n’est autre qu’un document de 1948 de la Commission des crimes de guerre de l’ONU, organisation dont M. Waldheim fut par deux fois secrétaire général, en 1971 et 1976, avec l’appui des Américains et des Soviétiques... Mais des pièces ont disparu du dossier, qui ne contient donc pas de preuve décisive quant à la responsabilité personnelle de Kurt Waldheim, bien qu’il soit classé en catégorie « A », c’est-à-dire justiciable de poursuites prioritaires pour « meurtres » et autres exactions. Parallèlement, l’hebdomadaire autrichien Profil révèle que le candidat a été membre des SA et de l’organisation étudiante national-socialiste. M. Waldheim, qui avait toujours caché son appartenance à des organisations nazies, finit par admettre avoir menti sur ce point comme sur sa prétendue démobilisation à la suite d’une blessure à partir de 1941. Mais les accusations portées contre lui semblent bien tardives, et une partie de la presse mondiale s’étonne qu’elles n’aient pas été produites plus tôt, notamment lorsque l’ancien secrétaire général menait une politique complaisante vis-à-vis des Soviétiques, du tiers monde et des Palestiniens. Des sondages révèlent que nombre d’électeurs autrichiens sont excédés par ces ingérences, tandis que les plus âgés se sentent eux-mêmes implicitement accusés pour avoir obéi aux ordres pendant la guerre. Aussi M. Waldheim est-il élu le 8 juin, au deuxième tour, avec 54 p. 100 des voix. Les pays du bloc communiste le félicitent chaleureusement, les Israéliens rappellent leur ambassadeur en consultation. downloadModeText.vue.download 29 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 28 Lundi 3 FRANCE Société. À Beaucaire, un jeune Français, sympathisant du FN, est tué à coups de barre de fer par un groupe de Maghrébins. Le 7, un autre assassinat a lieu dans les mêmes circonstances, à Saint-Gilles, dans le Gard. ESPAGNE ! Maroc IRLANDE DU NORD Statut. Une grève générale de 24 heures est déclenchée par les protestants, pour dénoncer l’accord anglo-irlandais qui donne pour la première fois à l’Irlande un droit de regard sur les affaires de l’Ulster. LIBYE Terrorisme. Le Congrès général du peuple annonce la création de commandos suicides destinés à frapper en tout lieu « les intérêts américains et sionistes ». MAROC Le 25e anniversaire de son accession au trône est fêté par le roi Hassan II, à Marrakech. Relations internationales. Le roi Juan Carlos d’Espagne se rend au Maroc pour une première rencontre avec le roi Hassan II. Celui-ci lui réserve un accueil très chaleureux malgré le contentieux relatif aux possessions espagnoles de Ceuta et Melilla. Mardi 4 Drogue. Signature à Paris d’un nouveau protocole d’accord entre la France, l’Italie, les ÉtatsUnis et le Canada pour un renforcement de la coopération policière et de la prévention dans le domaine de la lutte contre les trafics de stupéfiants. FRANCE Société. Sortie du numéro 1 du mensuel Défendre, premier journal uniquement consacré aux problèmes d’insécurité. Ding Ling Morte à Pékin le 4 mars, Ding Ling était l’un des plus célèbres écrivains chinois du siècle. Née Jiang Binghzi en 1904 ou 1907 à Changde, dans le Hunan, au sein d’une famille de propriétaires terriens, elle rompt très jeune avec son milieu, se lance dans des études universitaires et relate ces premières expériences dans Journal de Miss Sophie (1928) et Shanghai, printemps 30 (1930). Membre du parti communiste dès 1932, elle est placée en résidence surveillée par le Guomindang de 1933 à 1936, puis rejoint Mao à Yanan, où elle est accueillie en héroïne et joue un rôle culturel important en tant que rédactrice en chef de Libération. Mais, dans Réflexions sur le 8 mars (1942), cette pionnière du féminisme en Chine dénonce la situation faite aux femmes au sein du parti. Elle reste néanmoins un écrivain officiel et Le soleil brille sur la rivière Sanggan (1948), où elle relate son expérience de la réforme agraire, lui vaut le prix Staline de littérature 1951. Après sa participation à la campagne des « cent fleurs » (1956), elle est accusée de « droitisme » (1957), exclue du Parti, expédiée pour douze ans dans un camp de rééducation du Nord, puis enfermée à la prison Qincheng no 1 de Pékin de 1970 à 1975. Toutes ces épreuves seront relatées dans l’Étable (1981). Réhabilitée en 1979, elle recommence à écrire, après 22 ans d’interruption, t publie notamment la Grande Soeur (1979), histoire d’une travailleuse downloadModeText.vue.download 30 sur 502 CHRONOLOGIE 29 modèle dévouée à la révolution. Parmi ses 300 oeuvres, on relève également Mengke la rêveuse, Inondation (1931) et Une journée de janvier. Mercredi 5 FRANCE Audiovisuel. Hachette prend le contrôle d’Europe 1 Communication, en rachetant les actions de la SOFIRAD. LIBAN Terrorisme. Le Djihad islamique revendique l’assassinat de l’otage français Michel Seurat, qui aurait été exécuté en représailles contre l’expulsion par la France vers Bagdad de deux opposants iraqiens. TCHAD Guerre. Dans la région d’Oum Chalouba-Kalait, les troupes gouvernementales d’Hissène Habré repoussent les forces armées (prolibyennes) du GUNT de Goukouni Oueddeï, qui perdent plus de 800 hommes. Jeudi 6 Taux d’intérêt. L’annonce, par la Bundesbank, d’un abaissement de 0,5 p. cent de son taux d’escompte déclenche une baisse générale des taux dans les pays occidentaux, Grande-Bretagne exceptée. Espace. À plus de 9 000 km de la comète de Halley, une première sonde soviétique, Véga 1, réussit à prendre plus de 1 000 photos d’excellente qualité. Le 9, Véga 2 prend des clichés à 8 000 km. FRANCE Justice. Verdict rendu dans l’affaire du Coral (attentats à la pudeur sur des enfants inadaptés ou handicapés mentaux) : le directeur, Claude Ségala, est condamné à deux ans de prison. ITALIE Société. Conclusion de cinq ans d’enquête parlementaire sur la loge P2. Le rapport confirme que celle-ci était bien une émanation du Grand Orient italien. URSS Politique intérieure. Clôture du 27e congrès du PC. M. Gorbatchev est réélu secrétaire général du PCUS. Les deux autres hommes forts du pays sont MM. Ligatchev (idéologie) et Zaïkov (industrie et armement), à la fois membres du Politburo et secrétaires du comité central. Le secrétariat du parti compte cinq nouveaux élus sur onze membres, le comité central 93 sur 307. Vendredi 7 FRANCE Justice. La cour d’appel de Dijon confirme le verdict rendu à rencontre des responsables de l’accident de Beaune du 31 juillet 1982 (! J.A. 1er juill./31 déc. 82). INDE Troubles. L’état d’exception est proclamé au Cachemire. AFRIQUE DU SUD L’état d’urgence est levé. Il avait été appliqué pendant plus de sept mois dans 36, puis seulement 23 des 265 circonscriptions judidownloadModeText.vue.download 31 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 30 ciaires du pays. 300 détenus environ sont libérés. ÉQUATEUR Troubles. L’ex-commandant en chef de l’armée de l’air, le général Vargas Pazzos, déclenche une mutinerie et se retranche sur la base aérienne de Manta. Sa tentative ayant échoué, il se rend le 11 mars, s’empare à nouveau d’une base, à Quito, le 13, et est finalement arrêté le 14. Samedi 8 FRANCE Outre-mer ! Guadeloupe LIBAN Terrorisme. Le Djihad islamique enlève quatre journalistes d’Antenne 2, portant ainsi à huit le nombre des otages français qu’il détient. BANGLADESH Vie politique. L’opposition lance une grève générale de six heures pour protester contre l’organisation d’élections générales, prévues pour le 26 avril, alors que le pays reste sous le régime de la loi martiale. OUGANDA Guerre civile. Avec la prise de Gulu, principale ville du Nord, et la mise en déroute de l’ex-général Okello, les forces régulières contrôlent pratiquement tout le pays. GUADELOUPE Troubles. À Capesterre-Belle-Eau, M. Gérard Peuchard, président de la chambre de commerce de Basse-Terre et candidat aux élections législatives sur la liste RPR, est très grièvement blessé par un cocktail Molotov lancé en direction de Mme Michaux-Chevry, tête de liste. Dimanche 9 PORTUGAL Vie politique. Cinq chefs d’État, dont M. François Mitterrand, assistent à la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République, le socialiste Mario Soares. ZIMBABWE Partis politiques. Le principal chef de l’opposition, M. Joshua Nkomo, appelle à la formation d’un parti unique « fondé sur les principes du socialisme ». Lundi 10 FRANCE Vie politique. M. Jean-Claude Gaudin, tête de liste UDF à Marseille pour les élections législatives, porte plainte contre X pour la falsification de 35 000 bulletins de vote. PÉROU Inondations. Le département de Puno est déclaré zone d’urgence. 50 000 foyers sont sinistrés. Mardi 11 RFA Vie politique. Dans le cadre de l’affaire Flick (dons illégaux aux partis politiques), une deuxième enquête est ouverte contre le chancelier Kohl, accusé par le député écologiste Otto Schily de faux témoignage. downloadModeText.vue.download 32 sur 502 CHRONOLOGIE 31 Mercredi 12 FRANCE Économie. Le gouvernement publie les comptes défini- tifs du budget pour l’année 1985 et annonce un déficit de 153,3 milliards de francs, soit 3,5 p. 100 du produit intérieur brut. Par ailleurs, pour la première fois depuis juin 1966, une baisse des prix est annoncée (moins 0,2 p. 100 en février). ESPAGNE Vie politique. À l’issue du référendum sur le maintien de l’Espagne dans l’OTAN, le « oui » l’emporte avec 52,5 p. 100 des suffrages, contre 39,8 pour le « non », mais 40,3 p. 100 des électeurs inscrits ne se sont pas rendus aux urnes. SUÈDE Gouvernement. M. Ingvar Carlsson est élu Premier ministre par le Parlement. IRAQ Politique intérieure. Le président Saddam Hussein gracie et fait libérer les deux opposants chiites expulsés de France le 19 février. Jeudi 13 FRANCE Paris. En compagnie de M. Giscard d’Estaing, qui était à l’origine du projet, le président Mitterrand inaugure la Cité des sciences et de l’industrie de La Villette. COLOMBIE Guérilla. Mort d’Alvaro Fayad Delgado, chef du mouvement insurrectionnel marxiste M19, tué à Bogota au cours d’un affrontement avec la police (! Éd. 1986). Vendredi 14 ESPACE La sonde Giotto, premier engin d’exploration interplanétaire européen, s’approche à 577 km du coeur de la comète de Halley et prend des milliers de mesures ainsi que 2 000 photos. ÉGLISE CATHOLIQUE Théologie de la libération. « L’Église ne peut pas s’identifier avec elle, ni se substituer au rôle des hommes politiques », déclare le pape Jean-Paul II à l’épiscopat brésilien. FRANCE ! Chine IRAQ!IRAN Conflit. Publication d’un rapport des Nations unies accusant formellement l’Iraq d’utiliser fréquemment des bombes chimiques. CHINE Transports en commun. La modernisation du métro de Pékin est confiée à une filiale de la RATP, la SOFRETU. Samedi 15 GRÈCE Conflits sociaux. La grève des transporteurs routiers, qui avait entraîné de graves pénuries dans l’ensemble du pays, est arrêtée au bout de 28 jours. downloadModeText.vue.download 33 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 32 URSS ! Chine CHINE Relations internationales. M. Ivan Arkhipov, vice-premier ministre d’URSS, se rend en visite officielle à Pékin pour signer un accord de coopération technologique et économique. C’est la plus importante personnalité soviétique reçue en Chine depuis 1969. PAKISTAN Réfugiés. Seize Afghans sont tués par une mine, à l’ouest de Peshavar. C’est l’attentat le plus meurtrier d’une série presque quotidienne dont la responsabilité incombe, selon la presse pakistanaise, aux services secrets afghans. ÉTATS!UNIS Euthanasie passive. L’Association médicale américaine, qui regroupe près de 300 000 médecins, autorise désormais ceux-ci à ne plus donner de soins aux malades plongés dans un coma irréversible, si la famille donne son accord. Dimanche 16 RFA Société. Pour protester contre la construction à Wackersdorf de la première centrale de retraitement de combustibles irradiés de RFA, un millier d’écologistes affrontent le service d’ordre à coups de pierres et de barres de fer. SUISSE Référendum. Par 76 p. 100 des suffrages exprimés, la proposition gouvernementale d’adhésion à l’ONU est rejetée. Phénomène rare, les 26 cantons ont tous voté dans le même sens. Lundi 17 FRANCE Patronat. M. Yvon Chotard, vice-président du CNPF, démissionne. Il se trouvait en désaccord avec les prises de position politiques du président, M. Yvon Gattaz. Terrorisme. Un attentat dans le TGV Paris-Lyon, au ni- veau de Brunoy (Essonne), qui fait dix blessés, est revendiqué par un Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient, qui s’était déjà déclaré responsable de trois attentats à Paris, en février. La même organisation revendique celui commis le 20 mars dans une galerie des Champs-Élysées. Alpinisme. Jean-Marc Boivin escalade dans la journée quatre faces nord dans les Alpes : l’Aiguille verte, les Droites, les Courtes et les Grandes Jorasses, en effectuant les liaisons en Deltaplane. GRANDE!BRETAGNE Conflits sociaux. 220 journalistes en grève, appartenant à deux journaux écossais, sont licenciés par M. Robert Maxwell, dirigeant du groupe de presse Mirror Newspaper. POLOGNE Économie. Entrée en vigueur des premières hausses de prix (de 8 à 20 p. 100) prévues pour l’énergie, les transports et beaucoup de produits alimentaires de base. downloadModeText.vue.download 34 sur 502 CHRONOLOGIE 33 AFRIQUE DU SUD ! États-Unis TCHAD Guerre. Selon le gouvernement, les combats qui ont lieu au nord de Koro-Toro et près du puits de Chicha entre l’armée et les membres du GUNT (prolibyen) font 235 morts parmi ces derniers. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le président Reagan reconduit les sanctions économiques, prises contre l’Afrique du Sud en septembre 1985. Mardi 18 AFGHANISTAN Guerre. Devant la commission des Affaires étrangères du Parlement de la RFA, M. Sibghatullah al-Mojaddedi, président du Front de libération nationale afghan, affirme que plus d’un million d’Afghans ont été tués et que cinq millions se sont réfugiés à l’étranger, depuis le début de l’intervention soviétique. CAMBODGE Vie politique. Le Viêt-nam repousse les propositions de négociation faites par le prince Sihanouk le 17 mars à Pékin, au nom de la coalition cambodgienne hostile au régime soutenu par Hanoi. Ces propositions prévoyaient la création d’un régime quadripartite incluant des représentants du gouvernement provietnamien. Pour la première fois, la Chine soutenait un tel compromis. VIÊT!NAM ! Cambodge Mercredi 19 PAYS!BAS Vie politique. À l’occasion des élections municipales, les étrangers ayant plus de cinq années de résidence dans le pays sont autorisés à voter pour la première fois. Le Parti socialiste (PVVA) arrive en tête avec 32 p. 100 des suffrages ; les chrétiens-démocrates en obtiennent 31 p. 100, progressant de 2 p. 100, et les libéraux 19 p. 100 ; 80 p. 100 des 300 000 électeurs étrangers auraient voté pour les socialistes ; 16 immigrés ont été élus. ISRAËL ! Égypte TURQUIE Politique intérieure. La loi martiale, qui avait été instaurée en 1978 (! Éd. 1979), est remplacée par l’état d’urgence dans les quatre provinces de Sanliurfa, Elazig, Bingol et Tunceli. Elle reste en vigueur dans les cinq autres provinces où l’armée turque est toujours confrontée aux indépendantistes kurdes. ÉGYPTE Terrorisme. Attentat, revendiqué par le mouvement Révolution égyptienne, contre des fonctionnaires de l’ambassade israélienne. Une jeune femme est tuée, trois autres Israéliens sont blessés. Jeudi 20 FRANCE Politique intérieure. M. Jacques Chirac est nommé Premier ministre. Le gouvernement qu’il forme comprend 20 membres du RPR et 17 de l’UDF. Deux décisions sont immédiatement annoncées : l’utilisation des ordonnances pour légiférer dans le domaine économique et social et le retour au scrutin majoritaire. downloadModeText.vue.download 35 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 34 ÉTATS!UNIS Politique extérieure. La Chambre des représentants rejette la demande de fonds présentée par la MaisonBlanche en faveur des « contras » (combattants antimarxistes) du Nicaragua (! 27). HAÏTI Troubles. À Port-au-Prince, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre font cinq morts. Vendredi 21 BULGARIE Politique intérieure. Élection de M. Gueorgui Atanassov à la présidence du Conseil des ministres, en remplacement de M. Gricha Philipov. IRAQ!IRAN Guerre du Golfe. Le conseil de sécurité de l’ONU condamne l’Iraq pour avoir utilisé des armes chimiques contre l’Iran, violant ainsi le droit international. Selon l’Iran, plus de 12 000 de ses combattants auraient été victimes des gaz. CHINE Nucléaire. Le Premier ministre, M. Zhao Ziyang, déclare que la Chine ne procédera plus jamais à des essais nucléaires dans l’atmosphère. Samedi 22 ESPAGNE Politique extérieure. Le gouvernement accorde un statut diplomatique à la représentation de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à Madrid. Cette décision contrebalance celle du 17 janvier par laquelle des relations diplomatiques avec Israël avaient été établies. ITALIE Faits divers. L’ancien banquier sicilien Michele Sindona, lié à la Mafia new-yorkaise et à la loge maçonnique P2, meurt en prison d’un empoisonnement au cyanure. Lundi 24 Pétrole. La conférence de Genève est suspendue jusqu’au 15 avril, sans que les treize pays de l’OPEP aient pu se mettre d’accord sur la limitation de leur production. Cinéma. Out of Africa, de Sidney Pollack, obtient six oscars à Hollywood. TURQUIE Kurdes. Dans le sud-est du pays, plusieurs milliers de soldats turcs déclenchent une vaste offensive contre les rebelles kurdes, qui ont tué une vingtaine de personnes en quelques jours. Le 28 mars, on annonce la mort, survenue au cours d’un accrochage, de l’un des principaux chefs indépendantistes, Mahsun Kokmaz, du Parti des travailleurs kurdes. LIBYE Cinq missiles sont tirés contre des avions américains en manoeuvre dans le golfe de Syrte. En riposte, ceux-ci coulent une vedette libyenne et attaquent une base de missiles Sam-5 en Libye. Le 25, des missiles libyens sont encore tirés contre des chasseurs de la VIe flotte. Les Américains endommagent alors deux autres vedettes. Mardi 25 PHILIPPINES Politique intérieure. Une Constitution provisoire est promulguée, qui supprime l’Assemblée nationale et permet à la présidente, Mme Corazon Aquino, downloadModeText.vue.download 36 sur 502 CHRONOLOGIE 35 de légiférer par décrets jusqu’à l’entrée en vigueur d’une Constitution définitive. Mercredi 26 Médecine. Découverte par des chercheurs français et américains, de deux nouveaux virus du SIDA, en provenance d’Afrique. GRANDE!BRETAGNE Société. Naissance à Londres des premiers quintuplés-éprouvette du monde. CHINE Dissidents. La romancière Yu Luojin demande l’asile politique à l’Allemagne fédérale. Jeudi 27 FRANCE Syndicalisme agricole. Élection de M. Raymond Lacombe à la présidence de la FNSEA, en remplacement de M. François Guillaume, nommé ministre de l’Agriculture. RFA Défense. Signature d’une série d’accords avec les États-Unis sur la participation de la République fédérale à l’initiative de défense stratégique (IDS). TCHÉCOSLOVAQUIE Église catholique. À Prague, le cardinal Frantisek Tomasek, primat de Bohême, demande aux prêtres de quitter l’association procommuniste Pacem in terris. Avant son interdiction par le Vatican en mars 1982, cette organisation regroupait trois évêques et quelque 1 500 prêtres, soit la moitié du clergé catholique. AUSTRALIE Terrorisme. À Melbourne, six bombes explosent en dix minutes, faisant 22 blessés, dont huit graves. Aucune revendication n’a été formulée. RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Violentes manifestations antifrançaises, après l’accident d’un Jaguar de l’armée de l’air française qui s’est écrasé dans un quartier populaire de Bangui, en provoquant la mort de 35 personnes. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le Sénat américain vote l’octroi de 100 millions de dollars aux « contras » antimarxistes du Nicaragua (! 20). Défense ! RFA Vendredi 28 FRANCE Lutte antiterroriste. Arrestation à Lyon d’André Olivier, l’un des fondateurs et chef présumé d’Action directe. TCHÉCOSLOVAQUIE Politique intérieure. Cinquième réélection de M. Gustav Husak comme secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, au terme du 17e congrès. Samedi 29 ÉGLISE CATHOLIQUE Discipline. La curie romaine décide de « suspendre la condamnation à un an de silence » qu’elle avait prononcée, le 8 mai 1985, à l’encontre du franciscain brésilien Leonardo Boff, prodownloadModeText.vue.download 37 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 36 moteur de la théologie de la libération par son livre : Église : charisme et pouvoir. FRANCE Espace. La fusée Ariane s’envole de la base de Kourou avec deux satellites (un américain et un brésilien) qu’elle met en orbite. Terrorisme. Treize attentats, revendiqués par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), sont commis à Marseille, Nice et Aix-enProvence. Du 23 au 27, une première série d’explosions avait détruit deux centres de vacances et un supermarché, à Porticcio, Ajaccio et Algajola. ITALIE Justice. Les trois Bulgares impliqués dans l’attentat contre le pape Jean-Paul II sont acquittés, pour insuffisance de preuves. PAYS!BAS Société. Près de Rotterdam, un hôtel est totalement détruit par un incendie, et deux personnes sont grièvement blessées après l’attaque par une centaine d’extrémistes de gauche d’une réunion du Centrumpartij, parti hostile à l’immigration. URSS Politique économique. La Pravda révèle que le gouvernement a pris une série de mesures pour intéresser les responsables et les travailleurs des sovkhozes et des kolkhozes à l’accroissement de la production. Lundi 31 CEE ! États-Unis GRANDE!BRETAGNE Patrimoine. Une partie du célèbre palais de Hampton Court, situé près de Londres, est détruite par un incendie. ÉTATS!UNIS Commerce extérieur. Pour répliquer aux limitations apportées aux exportations agricoles américaines vers l’Espagne et le Portugal, le président Reagan annonce des représailles douanières visà-vis de la CEE. MEXIQUE Catastrophe aérienne. Un Boeing 727 de la Mexicana de aviación s’écrase au nord de Mexico. Il n’y a aucun survivant parmi les 166 passagers. Le mois de René Rémond Une date domine le mois : le dimanche 16, jour fixé pour le renouvellement de l’Assemblée nationale élue les 14 et 21 juin 1981 et dont le mandat expire. L’échéance tire son importance de la convergence de trois interrogations. Après vingthuit ans de scrutins majoritaires qui n’ont cessé de renforcer la bipolarisation, on revient au scrutin proportionnaliste de la IVe République : quelles en seront les conséquences sur le rapport des forces ? En second lieu, les électeurs confirmeront-ils la victoire de la gauche en 1981 ou ramèneront-ils une majorité de droite ? Du résultat dépend la signification dernière du résultat de 1981 : accident passager ou premier acte d’une alternance durable ? Enfin – et peut-être surtout –, si la droite gagne les élections et que s’accomplisse ainsi l’éventualité périodiquement envisagée depuis vingt ans et toujours différée, d’un divorce entre président et Assemblée, qu’adviendra-t-il des institutions ? La Constitution surmontera-t-elle downloadModeText.vue.download 38 sur 502 CHRONOLOGIE 37 cette ultime épreuve, la plus redoutable de toutes celles qu’elle eut à connaître dans son histoire ? Et où sera le pouvoir ? Au soir du 16 mars, les résultats sont dans l’ensemble conformes à ce qu’annonçaient depuis quatre ans toutes les élections et tous les sondages : la droite l’emporte. Mais de peu : UDF (129 élus) et RPR (148) ont obtenu un peu moins que les 43 p. 100 de suffrages que l’on s’accordait à définir comme le seuil pour enlever la majorité des sièges : ils la dépassent, de justesse, avec l’appoint des divers droites. Le parti socialiste a mieux résisté qu’on ne pensait à l’érosion produite par l’usure du pouvoir : près de 32 p. 100 des suffrages et plus de 200 élus. Il reste le premier parti de France. Quant au parti communiste, il repasse pour la première fois depuis 1932 au-dessous de la barre des 10 p. 100 : son déclin paraît bien irrémédiable. À l’extrême droite, le Front national, absent de l’Assemblée sortante, y pénètre en force : il fait jeu égal avec le parti communiste en voix (près de 10 p. 100) et en sièges : 35. Il a assez d’élus pour constituer un groupe. La défaite de la gauche affaiblit le président, mais la courte victoire de la droite la contraint aussi à modérer ses exigences : plus question d’obliger F. Mitterrand à démissionner. Les électeurs ont imposé la recherche d’une solution de compromis. Le président appelle le leader de la principale composante de la majorité, Jacques Chirac, président du RPR, qui a déjà été Premier ministre de 1974 à 1976. En retour, celui-ci reconnaît implicitement au président un droit de regard sur le choix des ministres et un pouvoir de récusation. Pour les deux ministères de la Défense et des Affaires étrangères, qui touchent de plus près aux compétences du chef de l’État, on choisit des hommes capables de travailler avec le président et le Premier ministre. Ainsi débute, contrairement aux pronostics alarmistes ou sceptiques, une originale expérience de cohabitation entre les pouvoirs qui accomplit une virtualité encore inexplorée de la Constitution et qui paraît répondre au voeu de la majorité des électeurs. RENÉ RÉMOND Météo : l’Hiver Après un vrai « Noël au balcon » et un mois de décembre plus doux que la normale, la période allant du 27 décembre 1985 au 1er janvier 1986 est marquée par un refroidissement intense, quasi généralisé, qui atteint son paroxysme le 31 décembre et le 1er janvier. On note : – 7,9 °C à Paris-Montsouris, – 10,4 °C à Mont-de-Marsan, – 14,3 °C à Châteauroux (ancien record – 14 °C en 1938), – 16,5 °C à Poitiers et à Romorantin. Les seules régions épargnées par cette vague de froid brève mais sévère sont le littoral breton, la région niçoise et la Corse. Des Cévennes aux Pyrénées, neige épaisse et plan ORSEC Dès le 2 janvier, le temps s’améliore. Jusqu’au 25, l’ensemble du territoire connaît des températures assez douces, souvent supérieures aux moyennes. Les trois premières semaines de janvier se caractérisent surtout par des précipitations abondantes, consécutives à des perturbations actives, fréquentes et rapprochées, parfois accompagnées de vents forts (plus de 30 m/s). De tels vents ont été enregistrés tant sur le littoral de la Manche et de la Bretagne que dans les Cévennes : le 5 à Dinard et à l’île de Bréhat, le 6 au mont Ai- goual, le 14 à Dunkerque, au cap de la Hève et au mont Aigoual. À partir du 25 janvier, on note un refroidissement sensible. La recrudescence des intempéries (fortes averses, vents violents, chutes et bourrasques de neige dans le Roussillon, les Cévennes et les Alpes) entre le 29 et le 31 est imputable à la dépression qui, après avoir traversé la France du Cotentin à l’Aquitaine, s’est positionnée sur le golfe du Lion. Les downloadModeText.vue.download 39 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 38 chutes de neige sont très abondantes dès le 29 en Ardèche (Loubaresse : 180 à 200 cm), en Lozère, dans le Gard et dans les PyrénéesOrientales. Dans le sud-est du Massif central, la neige entraîne de sévères perturbations pour la circulation routière et ferroviaire, les communications téléphoniques et surtout l’approvisionnement en électricité. En effet, le phénomène de neige fondante associé à des vents forts a provoqué la rupture de câbles et de pylônes électriques : 400 000 foyers ont été privés d’électricité après la rupture de 2 000 supports, soit 1 p. 100 de ceux qui sont installés dans cette région. Le plan ORSEC est mis en place dans les quatre départements déjà cités, ainsi que dans l’Aude et dans l’Ariège. Tout au long du mois de février, un froid exceptionnellement intense a régné sur une grande moitié nord de la France, comme d’ailleurs sur l’ensemble de l’Europe. Ce mois de février a été plus froid que celui de 1963, mais moins rigoureux qu’en 1956 et 1985. Mars : de Nantes à Mulhouse, une frontière climatique Plusieurs records de froid locaux attestent la rigueur de la saison : – 7,6 °C à Dax et – 8,1 °C à Ajaccio le 11, – 16,1 °C à Romorantin, le 20, – 24,8 °C à Colmar le 27... ; on enregistre aussi un record de hauteur de neige au sol (30 cm de neige à Pornic le 7), un record de durée de neige au sol (onze jours consécutifs – du 18 au 28 – à Nantes) ; le nombre de jours de gel confirme ces observations inhabituelles (voir cartes ci-dessous). L’enneigement a été remarquable par sa durée et son caractère exceptionnel en Bretagne, dans les Pays de Loire et l’Orléanais, régions situées au contact de l’air froid continental et de l’air méridional doux et humide. La neige et les pluies verglaçantes ont rendu la circulation difficile du 13 au 18 et du 23 au 28 février. Le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse, à l’écart du temps anticyclonique qui a prévalu dans le nord du pays, ont été parcourus par de nombreuses perturbations ; les précipitations ont été supérieures aux moyennes : 22 jours de pluie à Biarritz (moyenne : 14), 15 jours à Nîmes (moyenne : 6), 18 jours à Bastia (moyenne : 2). Le mois de mars a été, en général, plus froid que la normale, sauf dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse. Les précipitations, très inégalement réparties dans le temps et dans downloadModeText.vue.download 40 sur 502 CHRONOLOGIE 39 l’espace, ont été excédentaires en Corse et au nord d’une ligne Nantes-Mulhouse. La fraîcheur et la pluviosité caractéristiques de mars sont imputables aux variations du champ de pression très favorable aux temps perturbés d’ouest. Il est à noter que des vents assez forts à forts, observés à la fin du mois, ont occasionné des dégâts matériels et même des accidents mortels : un mort et trois blessés par chute d’arbre dans le Haut-Rhin, le 24. Les conséquences financières, économiques, humaines et écologiques de l’hiver 19851986 – au cours duquel se sont succédé des périodes « chaudes », très froides, plus ou moins pluvieuses, selon les régions – sont très inégales. Bien que les dernières barrières de dégel aient été levées seulement à la fin du mois de mars, les travaux de restauration du réseau routier ont entraîné des dépenses très inférieures à celles qui avaient été engagées à l’issue de l’hiver 1984-1985 (600 millions de F pour le réseau national). Les réparations du réseau EDF dans le Midi sont chiffrées à 300 millions de F environ ; les dépenses énergétiques supplémentaires induites par le froid de février représentent, selon l’Agence pour la maîtrise de l’énergie, 7 milliards de francs. PHILIPPE CHAMARD downloadModeText.vue.download 41 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 40 Avril Mardi 1er ÉNERGIE Pétrole. Pour la première fois, le prix du baril descend au-dessous de 10 dollars. Le secrétaire d’État américain à l’énergie, M. John Harrington, rend l’Arabie Saoudite responsable de cette évolution. FRANCE Politique extérieure. Annonce officielle du retrait immédiat des 45 observateurs français en poste à Beyrouth depuis mars 1984. Prisons. Pour la première fois depuis la Libération, le nombre des détenus est supérieur à 45 000 ; 48,72 p. 100 d’entre eux sont, en fait, des prévenus. La capacité de détention reconnue ne dépasse pas 32 500 places. GRANDE!BRETAGNE Administration locale. Suppression du Conseil du Grand Londres, dont les pouvoirs sont attribués aux 33 municipalités de la région. Il constituait une coûteuse bureaucratie employant près de 80 000 personnes. Six autres assemblées métropolitaines sont également supprimées. LIBAN ! France AFRIQUE DU SUD L’apartheid est officiellement supprimé dans les hôtels, restaurants et tous débits de boissons en général, mais le droit d’admission reste à la discrétion des gérants. ÉTATS!UNIS Société. Selon le rapport de la commission d’enquête sur le crime organisé, nommée par le président Reagan, le « chiffre d’affaires » des gangs atteint 100 milliards de dollars, un chiffre supérieur à celui d’industries comme celles du caoutchouc ou de la papeterie. Leurs activités privent le pays de 414 000 emplois et coûtent 80 dollars à chaque contribuable. CHILI Terrorisme. Une vingtaine de bombes explosent à Santiago. Mercredi 2 Terrorisme. Une bombe explose à bord d’un Boeing 727 de la TWA assurant la liaison RomeAthènes-Le Caire. L’attentat, qui a fait quatre morts et neuf blessés, est revendiqué par les cellules révolutionnaires arabes al-Kassam, organisation inconnue qui se déclare palestinienne. FRANCE Politique intérieure. M. Jacques Chaban-Delmas est élu président de l’Assemblée nationale. Terrorisme. Un attentat au plastic est commis contre un pont à Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise), commune où réside M. Massoud Radjavi, l’un des principaux opposants iraniens. downloadModeText.vue.download 42 sur 502 CHRONOLOGIE 41 Affaires culturelles. Le secrétaire d’État, M. Philippe de Villiers, décide le retour à Paris des Plans-Reliefs. Plans-Reliefs : Paris-Lille... et retour Début avril, le nouveau ministre de la Culture, M. François Léotard, décide d’arrê- ter le transfert du musée des Plans-Reliefs, dont 80 maquettes sur 102 ont déjà été transportées des Invalides à Lille. Le 25, M. Philippe de Villiers, secrétaire d’État auprès du ministre de la Culture, indique que les plans-reliefs seront rendus aux Invalides où doit être créé « le premier musée mondial des villes-maquettes », en doublant la superficie d’exposition actuelle (car, faute de place, 57 plans-reliefs seulement étaient présentés) et en recourant aux technologies sonores et visuelles les plus récentes. Le secrétaire d’État souligne également que l’opération ne nécessitera que deux ans au lieu de quatre à Lille, ce qui limite les risques – élevés – de moisissure, et qu’elle coûtera 20 millions de francs, au lieu de 74. De son côté, le ministre de la Justice, M. Chalandon, rappelle que la convention entre Lille et l’État avait été signée sans que la mise en place des moyens de financement ait été assurée. Le maire socialiste de Lille, M. Mauroy, réplique qu’il n’accepte pas l’oukase du maire de Paris et, dans ce Nord à la conscience régionale affirmée, il se pose en champion de la décentralisation face au « parisianisme ». Avec succès, car une partie de l’opposition municipale, dirigeant RPR en tête, approuve sa position. Le 26, M. Mauroy, estimant que « la convention entre l’État et la ville n’a pas été dénoncée dans les formes juridiques légales », déclare que, « si l’on vient reprendre les maquettes, la sirène de la ville alertera la population » et il laisse entendre que la police municipale s’opposerait à tout déménagement... L’ex-ministre Jack Long parle de « droit à l’insurrection ». Le lendemain, 20 000 personnes défilent à l’hospice général, où devait s’installer le musée, pour signer une pétition. Les défenseurs de l’option lilloise font notamment observer qu’un quart des maquettes représente des villes du Nord, de Belgique ou des Pays-Bas ; mais des élus de Grenoble, Brest, Toulon, Nîmes etc., commencent à réclamer les modèles réduits de leur ville, au cas où les plans resteraient à Lille. Le 29, lors d’une rencontre avec M. Mauroy, M. Chirac lui oppose que la convention entre sa ville et l’État, signée précipitamment le 14 mars, soit deux jours avant les élections et alors que 80 p. 100 des maquettes avaient déjà fait le voyage, est un contrat rétroactif, donc nul M. Mauroy réplique qu’un engagement de l’État, même tardif, doit être tenu et, le 2 mai, il fait déposer « un mémoire en annulation pour illégalité » devant le tribunal administratif de la municipalité. BULGARIE Minorités. Amnesty International publie les noms de plus de 100 personnes d’origine turque tuées depuis le début de la campagne de bulgarisation, en décembre 1984. Jeudi 3 ITALIE Faits divers. À ce jour, quinze personnes sont mortes et une quarantaine d’autres ont été hospitalisées pour avoir consommé du vin contenant du méthanol. Des viticulteurs et cinq grossistes sont impliqués dans cette affaire. downloadModeText.vue.download 43 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 42 IRAN L’ayatollah Chariatmadari, principal dignitaire chiite de la tendance conservatrice, meurt à l’âge de 82 ans. ÉTATS!UNIS ! Haïti HAÏTI Relations internationales. Le gouvernement américain annonce la fourniture prochaine d’une aide alimentaire. Vendredi 4 YOUGOSLAVIE Minorités. À Kosovo-Polje, un faubourg de Pristina, une manifestation serbe d’ampleur exceptionnelle réunit 7 000 personnes – selon les autorités – pour réclamer la libération de Kosta Bulatovic, initiateur d’une pétition de 60 000 signatures, dénonçant les exactions des nationalistes albanais à l’encontre des Serbes. K. Bulatovic est libéré dès le lende- main (! 11). Samedi 5 Église catholique. La congrégation pour la Doctrine de la foi publie l’instruction « Liberté chrétienne et libération », privilégiant la résistance passive par rapport à la lutte armée, considérée comme « recours ultime ». Cette instruction évoque également « l’amour de préférence pour les pauvres ». RFA Terrorisme. À Berlin-Ouest, un attentat à l’explosif détruit une discothèque fréquentée par des militaires américains. On relève deux morts et une trentaine de blessés graves. L’ambassadeur américain en RFA, puis la police ouest-allemande mettent en cause la Libye. SOUDAN Justice. L’ancien vice-président, M. Omar al-Tayyeb, est condamné à la prison à perpétuité pour avoir facilité le transit par le Soudan des juifs d’Éthiopie en partance pour Israël. ÉTATS!UNIS ! RFA Dimanche 6 EUROPE Monnaies. À la demande de la France, les ministres de l’Économie de la CEE décident une dévaluation de 3 p. 100 du franc français et une série de réévaluations : 3 p. 100 pour le mark allemand et le florin, 1 p. 100 pour la couronne danoise et le franc belgo-luxembourgeois. IRLANDE DU NORD Troubles. La police investit le quartier général de la principale organisation paramilitaire protestante, l’Association de la défense de l’Ulster. En une semaine, plus de 100 maisons de policiers ont été attaquées par des protestants loyalistes. Lundi 7 ISRAËL ! Liban LIBAN Représailles. Pour la troisième fois depuis le début de l’année, l’aviation israélienne bombarde des downloadModeText.vue.download 44 sur 502 CHRONOLOGIE 43 bases de l’OLP au Sud-Liban, tuant deux combattants et en blessant six autres. Mardi 8 GRÈCE Terrorisme. M. Dimitri Anghelopoulos, président de la plus grande aciérie du pays, est assassiné à Athènes par l’Organisation révolutionnaire du 17 novembre, groupe déjà responsable du meurtre d’agents américains et de membres des services de sécurité du régime des colonels. CHINE ! États-Unis ÉTATS!UNIS Commerce extérieur. Le gouvernement annonce la vente à la Chine d’équipements électroniques à usage militaire pour une valeur de 550 millions de dollars. Mercredi 9 FRANCE Politique intérieure. Le Conseil des ministres adopte un projet de loi autorisant le gouvernement à rétablir par ordonnance le scrutin majoritaire à deux tours. LIBAN Otages. Disparition d’un enseignant français, M. Michel Brian. C’est le neuvième Français enlevé en treize mois. L’opération est revendiquée par une Organisation islamique Siffini inconnue jusque-là. Le 12, M. Brian est libéré à la suite d’un accrochage entre ses ravisseurs et un groupe chiite très proche de la Syrie. LIBYE ! Afrique du sud AFRIQUE DU SUD Relations internationales. Le gouvernement accuse la Libye d’entraîner 250 terroristes noirs sud-africains. Deux d’entre eux, qui devaient assassiner des responsables noirs, ont été arrêtés. Jeudi 10 FRANCE Vie politique. M. Chirac obtient la confiance de l’Assemblée nationale par 292 voix contre 285. Académie française. M. Bertrand Poirot-Delpech, chroniqueur littéraire du Monde, est élu au fauteuil de Jacques de Lacretelle. ÉTHIOPIE Collectivisme. Le président Mengistu révèle que près de trois millions de paysans ont déjà été déplacés vers des villages de regroupement, afin de faciliter la collectivisation des terres. PAKISTAN Politique intérieure. Fille de l’ancien Premier ministre Ali Bhutto, Mlle Benazir Bhutto arrive à Lahore après deux ans d’exil. La présidente du Parti du peuple pakistanais, accueillie par plusieurs centaines de milliers de par- tisans, réclame des élections anticipées et la démission du président Zia ul-Haq. downloadModeText.vue.download 45 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 44 Vendredi 11 FRANCE Terrorisme. Libération d’un des fondateurs de l’organisation Action directe, Frédéric Oriach, condamné en novembre 1983 à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs, après avoir été impliqué dans une série d’attentats à Paris pendant l’été 1982. Santé. Le docteur Chermann, de l’Institut Pasteur, indique que 200 000 Français sont porteurs du virus du SIDA, sans symptôme apparent. URSS Énergie nucléaire. Après un nouvel essai américain, l’URSS lève le moratoire unilatéral qu’elle s’était imposé en août 1985. YOUGOSLAVIE Minorités. À Pec, neuf personnes d’origine albanaise sont condamnées à des peines de quatre mois à sept ans de prison pour avoir milité en faveur de l’attribution d’un statut de république au Kosovo. Trois des condamnés étaient également accusés d’espionnage au profit de l’Albanie (! 4). Samedi 12 FRANCE Relation internationales ! Côte-d’Ivoire CÔTE!D’IVOIRE Relations internationales. Visite officielle à Yamoussoukro de M. Jacques Chirac. Le Premier ministre français annonce la reprise d’une coopération prioritaire avec l’Afrique francophone. Dimanche 13 ÉGLISE CATHOLIQUE OEcuménisme. À Rome, le pape Jean-Paul II est reçu par le grand rabbin Elio Toaff. Pour la première fois, un souverain pontife se rend officiellement dans une synagogue. ITALIE Partis politiques. À Florence, le 17e congrès du PCI s’achève par l’élection à l’unanimité de M. Alessandro Natta au poste de secrétaire général. Lundi 14 OEcuménisme. Au Vatican, le pasteur Emilio Castro, secrétaire général du Conseil oecuménique des Églises, rencontre le pape Jean-Paul II pour la première fois. EUROPE Terrorisme. À La Haye, les Douze, dénonçant « tout État clairement impliqué dans le soutien au terrorisme », annoncent des sanctions diplomatiques contre la Libye. FRANCE Relations internationales. Jusqu’au 16, voyage officiel du président Chon Tuhwan. C’est la première visite en France d’un dirigeant sud-coréen. Politique économique. La Banque de France déclenche une baisse des taux d’intérêt en diminuant son taux d’intervention d’un demi-point. Partis politiques. M. Jean-Pierre Chevènement annonce le changement d’appellation du CERES (Centre d’études, de recherches et d’éduca- downloadModeText.vue.download 46 sur 502 CHRONOLOGIE 45 tion socialiste). L’aile gauche du PS se nommera désormais Socialisme et République. Lettres. À Paris, décès de l’écrivain Simone de Beauvoir, à l’âge de 78 ans. INDE Faits divers. À Hardwar, plus de 50 personnes sont tuées au moment de la ruée de plusieurs millions de pèlerins vers le Gange, à l’occasion de la fête traditionnelle de la Khumba Mela. AFRIQUE DU SUD Terrorisme. Dans le bantoustan du Lebowa, la police découvre deux charniers de 32 corps carbonisés. Certaines victimes ont vraisemblablement été tuées par le supplice du « collier » (pneu passé au cou, arrosé d’essence et enflammé), infligé habituellement par les partisans de l’ANC aux Noirs qui coopèrent avec le régime. Église anglicane. L’évêque de Johannesburg, Mgr Desmond Tutu, est élu par un collège de 500 prêtres et laïcs chef de toute l’Église anglicane d’Afrique australe. Premier Noir élevé à cette dignité, il devient ainsi archevêque du Cap. LIBYE Raid américain. Dix-huit avions F-111 basés en GrandeBretagne bombardent des « cibles liées au terrorisme » à Tripoli et à Benghazi. Le gouvernement français a refusé le survol du territoire aux bombardiers, mais la République fédérale allemande et la Grande-Bretagne approuvent le raid. Le 15, deux missiles libyens sont tirés en direction de l’île italienne de Lampedusa, mais manquent leur objectif. Mardi 15 FRANCE Terrorisme. Au Vésinet, dans les Yvelines, le vice-président du CNPF, M. Guy Brana, échappe à un mitraillage. Le 18, six suspects sont déférés au parquet. Le 19, l’organisation Action directe revendique l’attentat. Littérature. À Paris, mort de l’écrivain Jean Genet, à l’âge de 76 ans. Mercredi 16 Justice. Lionel Cardon est condamné à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de deux policiers. FRANCE Télévision. Le Conseil d’État interdit à la 5e chaîne de diffuser des films. RFA Terrorisme. Devant le Bundestag, le chancelier Kohl affirme détenir la preuve que la Libye est responsable de l’attentat de Berlin-Ouest qui avait fait deux morts et 240 blessés dans la nuit du 5 au 6 avril. URSS La fille de Staline, Mme Svetlana Alliloueva, revient s’installer aux États-Unis, qu’elle avait quittés pour l’URSS fin 1984. SYRIE Terrorisme. Dans différentes villes du nord du pays, huit attentats auraient fait 150 morts. Le gouvernement de Damas accuse Israël d’en être le responsable. downloadModeText.vue.download 47 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 46 PAKISTAN Raid aérien. Quatre avions afghans bombardent le village frontière de Saidgi, dans le secteur du Waziristan, tuant cinq Pakistanais ; 51 maisons sont détruites. Jeudi 17 FRANCE Marcel Dassault, constructeur d’avions, meurt à Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 94 ans. LIBAN Terrorisme. Deux otages britanniques ainsi qu’un citoyen des États-Unis sont assassinés en représailles contre le raid américain sur la Libye. Le 18, le meurtre d’un cameraman britannique est annoncé. Le 20, tous les ressortissants du Royaume-Uni sont évacués de Beyrouth-Ouest. AUSCHWITZ Dialogue pour des carmélites Le 18 avril, à Paris, M. Aely Steg, président de l’Alliance israélite universelle, lance un appel à la hiérarchie catholique pour qu’elle renonce à l’installation d’un couvent dans l’ancien théâtre municipal de la ville d’Auschwitz, à proximité du camp. En fait, un carmel accueillant dix moniales existe déjà depuis le 1er août 1984. Implantation qui avait connu un certain retentissement à l’époque du voyage du pape au Bénélux, lorsque le père Werenfried Van Straaten, animateur d’Aide à l’Église en détresse, avait organisé une collecte ayant pour thème : « Un don pour le pape : un couvent à Auschwitz ». Il s’agissait d’effectuer des réparations pour consolider le bâtiment. Des organisations juives belges avaient alors dénoncé l’« annexion » du lieu par les catholiques, obtenant un large écho parmi les communautés de France et de Belgique, beaucoup moins en Israël. M. Steg dénonce maintenant une « généralisation » et une « banalisation » qui, selon lui, font fi de la spécificité d’Auschwitz, à savoir que « seuls les juifs (y) ont été tués pour ce qu’ils étaient et non pour ce qu’ils faisaient » ; il demande qu’Auschwitz devienne « le seul lieu, dans tout l’univers, où il ne serait pas concevable que s’élève une prière d’aucune sorte ». Parmi les défenseurs du carmel, le père Werenfried met en garde les juifs « contre le danger de revendiquer un monopole » et « d’empêcher ainsi que la mort des Polonais, prisonniers de guerre russes Tsiganes etc., soit elle aussi commémorée ». Le primat de Pologne, Mgr Glemp, déclare pour sa part : « Il y a eu 6 230 000 Polonais exterminés à Auschwitz. La destruction du catholicisme polonais et celle du judaïsme ont été des génocides parallèles » En définitive, la proportion des juifs parmi les morts d’Auschwitz reste controversée : 1 500 000 victimes, selon G. Wellers, président de l’Amicale des déportés d’Auschwitz III ; trois millions, selon David Susskind, président du Centre communautaire laïque juif de Bruxelles. Sans parler des chiffres très inférieurs avancés par les historiens révisionnistes. À Genève, le 22 juillet, les archevêques de Cracovie, Bruxelles, Lyon et Paris (Mgr Lustiger, dont la mère est morte à Auschwitz) rencontrent des personnalités juives comme M. Théo Klein, président du CRIF (Comité représentatif des institutions juives de France), et le grand rabbin de France, M. Sirat. L’archevêque de Cracovie donne son accord pour que les travaux du carmel soient arrêtés. De plus, les participants signent une « déclaration d’Auschwitz » qui reconnaît ce site comme le lieu symbolique du martyre des juifs, « morts dans l’abandon et l’indifférence du monde ». downloadModeText.vue.download 48 sur 502 CHRONOLOGIE 47 Samedi 19 LIBAN Église maronite. Élection d’un nouveau patriarche, Mgr Nasrallah Sfeir, qui succède au cardinal Khoraiche. ÉGYPTE Politique intérieure. Le Parlement reconduit pour deux ans la loi d’urgence instaurée après l’assassinat du président Sadate. AUSTRALIE Biologie. L’hebdomadaire médical australien The Lancet révèle que, à l’université Flinders d’Adélaïde et pour la première fois au monde, une grossesse a été obtenue par fécondation in vitro à partir d’ovules congelés. Dimanche 20 PHILIPPINES Vie politique. À Manille, 20 000 partisans de M. Marcos manifestent pour réclamer son retour. Lundi 21 ESPAGNE Politique intérieure. Le Premier ministre, M. Felipe Gonzalez, dissout les Cortes et annonce de nouvelles élections. Mardi 22 FRANCE Police. Arrestation et mise en garde à vue d’un journaliste de VSD, M. Marc Francelet, après l’attentat d’Action directe contre le vice-président du CNPF. Le 23, le chef adjoint du service « société » du journal Libération, M. Gilles Millet, est appréhendé à son tour, puis libéré le lendemain. Des perquisitions sont effectuées dans les bureaux des deux publications. Enseignement. Le ministre de l’Éducation, M. René Monory, annonce l’abrogation de la réforme Chevènement pour les lycées et collèges. ESPAGNE ! Grande-Bretagne GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. Alors qu’un règlement semble s’esquisser dans la question de Gibraltar, la reine Élisabeth accueille le roi Juan Carlos d’Espagne, qui prononce un discours, le 23, devant le Parlement britannique. AFGHANISTAN Guerre. L’agence soviétique Tass annonce la chute de Zhawar, place forte de la Résistance, située près du Pakistan. Mercredi 23 AFRIQUE DU SUD Société. Abolition des laissez-passer, que les Noirs devaient détenir pour pénétrer dans les zones blanches. Jeudi 24 FRANCE La duchesse de Windsor meurt à Neuillysur-Seine, à l’âge de 89 ans. La veuve du roi Édouard VIII d’Angleterre, qui avait abdiqué pour pouvoir l’épouser, lègue la plus grande partie de sa fortune à l’Institut Pasteur. downloadModeText.vue.download 49 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 48 Vendredi 25 EUROPE Politique agricole. À Luxembourg, les ministres de l’Agriculture de la CEE parviennent à un accord pour une réforme du marché des céréales et pour un gel des prix en 1986-87. FRANCE Faits divers. À Écully, dans la banlieue de Lyon, assassinat du directeur de Black et Decker en France, M. Kenneth Marston. ESPAGNE Terrorisme. Un attentat à la voiture piégée, imputé à l’ETA militaire, provoque la mort de cinq gardes civils et fait une dizaine de blessés. SWAZILAND Vie politique. Couronnement du nouveau roi, Mswati III, âgé de 18 ans. Samedi 26 FRANCE Terrorisme. À Lyon, une bombe détruit l’immeuble abritant American Express. URSS Nucléaire. Catastrophe de Tchernobyl. Tchernobyl en fusion Le 2 mai, M. Petrossiants, responsable soviétique à l’énergie atomique, reconnaît que l’accident de Tchernobyl est « le plus grave de l’histoire ». L’explosion, qui s’est produite le 26 avril, a provoqué la fusion du coeur du réacteur 4 de la centrale, l’incendie du graphite qui le protégeait et d’importantes émanations de gaz radioactifs. Ces particules toxiques, dont une grande partie s’est déposée aux alentours de Tchernobyl, ont été poussées vers la Scandinavie, où des taux élevés de radioactivité ont été mesurés le 28 avril, puis vers l’Europe de l’Est et du Sud. Le 29 avril, l’accident est brièvement évoqué à la télévision soviétique et, le 14 mai, M. Gorbatchev consacre une allocution télévisée à la catastrophe et confirme le décès de neuf personnes. Les populations soit 135 000 habitants, sont évacuées d’une zone fortement contaminée située dans un rayon de trente kilomètres autour de la centrale. Une dizaine de jours après l’explosion, les habitants de la ville de Kiev sont invités à prendre des précautions particulières, tandis que les enfants sont envoyés dans des camps de vacances. Le 13, Moscou annonce que les fuites radioactives ont cessé. Sur les lieux de l’accident, de gros travaux sont mis en oeuvre pour neutraliser et éviter la dispersion des matières radioactives dans les sous-sols et dans l’atmosphère : le réacteur a été enseveli sous 5 000 tonnes de sable et sera enfermé dans un gigantesque coffrage de béton. Quatre mois après la catastrophe, des poussières radioactives s’échappent encore du réacteur, mais les travaux de coffrage devraient être achevés à la fin du mois de septembre. Plusieurs incertitudes subsistent encore en ce qui concerne la contamination de la chaîne alimentaire et des végétaux. Quoi qu’il en soit, la zone irradiée ne pourra être habitée avant au moins quatre ou cinq années et, à Kiev, les mesures prophylactiques sont toujours en vigueur. Le bilan s’élève à 31 morts et 233 blessés En outre, les 135 000 personnes évacuées devront être surveillées pendant toute leur vie et les Soviétiques évaluent à 6 530 le nombre des cancers et des leucémies dus à l’irradiation qui pourraient apparaître dans les prochaines années. downloadModeText.vue.download 50 sur 502 CHRONOLOGIE 49 En Europe, les réactions sont très vives. La peur qui s’empare de la population se manifeste, dans certains pays, par l’observation de mesures sanitaires strictes, un accroissement des ventes de produits surgelés et de lait en poudre, l’apparition de compteurs Geiger et des demandes accrues d’avortements. Dès les premiers jours de mai, plusieurs pays d’Europe occidentale décident individuellement de fermer leurs frontières au bétail et aux produits alimentaires en provenance d’Europe de l’Est, la décision de la CEE n’intervenant que le 12, tandis que la consommation de certains légumes et du lait frais est déconseillée, voire même interdite. Le 15, la Communauté européenne demande à l’Union soviétique le remboursement des dommages causés aux agriculteurs, dont nombre de récoltes ont été détruites, en raison de leur taux trop élevé de radioactivité ou de la mévente enregistrée sur les marchés de fruits et légumes et même de la viande et du lait. En France, les réac- tions sont plus tardives et plus modérées. Le 10, le gouvernement annonce que tout le pays a été touché dès le 1er mai, à l’exception de l’extrémité de la Bretagne, et que les taux de radioactivité ont atteint 400 fois la normale dans certaines régions, notamment en Alsace, où la consommation des épinards est interdite le 13. La seconde conséquence de l’accident est la remise en cause de l’exploitation de l’énergie nucléaire. Pendant tout le mois de mai, de nombreuses manifestations se déroulent sur le site de futures implantations nucléaires et dans la plupart des capitales y compris dans celles des pays de l’Est. Sous la pression de l’opinion publique et de certains partis politiques, plusieurs États, dont la Suède, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, annulent leurs projets de construction de centrales. QATAR Raid aérien. Quatre hélicoptères qatariotes attaquent l’îlot de Facht al-Dibel et enlèvent 30 techniciens de la compagnie néerlandaise Ballast Nedam, qui travaillaient à la mise en place d’un poste de défense bahreini. Situé à 20 km de Bahrein, ce rocher d’une dizaine de kilomètres carrés est revendiqué depuis deux siècles par Qatar et par Bahrein. Après la médiation de l’Arabie Saoudite, les otages sont libérés le 12 mai. Dimanche 27 FRANCE Police. Près de Biarritz, arrestation du terroriste espagnol Domingo Iturbe Abacolo, dit Txomin, considéré par la police espagnole comme le principal chef de l’ETA militaire. Le 29, il est inculpé d’infraction à arrêté d’assignation à résidence et écroué. Lundi 28 FRANCE Scandale. Le ministre de la Coopération, M. Michel Aurillac, déclare que, le 18 avril, il a saisi le procureur général près la Cour des comptes du dossier de l’affaire du Carrefour du développement. Carrefour dangereux 28 avril : Le nouveau ministre de la Coopération, M. Michel Aurillac, révèle et transmet à la Cour des comptes une affaire de détournement de fonds publics réalisé par une association, le Carrefour du développement, destinée en principe à favoriser l’aide downloadModeText.vue.download 51 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 50 au tiers monde... Le trésorier de cette association n’était autre que M. Yves Chalier, chef de cabinet de l’ancien ministre socialiste de la Coopération, M. Christian Nucci. En décembre 1985, M. Chalier a acheté le château d’Ortie (Loir-et-Cher), payé en partie avec de l’argent du Carrefour transitant par une deuxième association, la Promotion française, fondée par une voyante, Mme Lucette Norbert, et l’ancien chef de cabinet d’Yvette Roudy, Mme Marie-Danielle Bahisson. Au total, ce sont 250 millions de francs de dépenses du Carrefour qui restent injustifiées. 30 avril : M. Mitterrand fait rembourser à Renault une R25 blindée commandée par l’Élysée pour le sommet franco-africain de Bujumbura qui avait été payée (un million de francs) par le Carrefour du développement ! Selon un document signé Nucci, l’association aurait dépensé plus de 50 millions pour cette réunion. Or, les fausses imputations de dépenses y abondent M. Aurillac mettra en cause l’Élysée en la personne du conseiller pour les Affaires africaines, M. Guy Penne. 13 juin : M. Yves Chalier, en fuite, écrit à M. Aurillac et accuse M. Nucci et M. Mermaz, l’ancien président de l’Assemblée, d’avoir puisé dans les fonds publics affectés au Carrefour pour financer la campagne électorale du PS dans l’Isère. Deux fêtes données à Beaurepaire par M. Nucci sont également évoquées. Coût : un million de francs. 27 juin : Mmes Bahisson et Norbert sont inculpées de recel et d’abus de confiance. 9 juillet : Un mandat d’arrêt international est lancé contre M. Chalier, pour abus de confiance, faux et usage de faux. 31 juillet : M. Nucci reconnaît avoir payé ses cotisations au PS, pour un montant supérieur à 100 000 F, à partir d’un compte bancaire commun avec M. Chalier. Il porte plainte contre son ancien chef de cabinet. 5 août : M. Nucci est l’objet d’une « procédure conservatoire » engagée par le parquet à propos du financement de sa campagne électorale dans l’Isère. Terrorisme. À Paris, un attentat à l’explosif fait deux blessés et provoque des dégâts importants au siège de Laissez-les vivre – SOS futures mères, association opposée à l’avortement. Enseignement. Le ministre de l’Éducation nationale, M. René Monory, annonce la suppression du recrutement des PEGC (professeurs d’enseignement général des collèges), qui devront désormais passer le concours du CAPES et recevoir un an de formation professionnelle. SRI LANKA Catastrophe. Le secrétaire de la Croix-Rouge norvégienne indique que 2 500 personnes sont portées disparues et 7 800 autres sont sans abri à la suite de la rupture d’un barrage. Le gouvernement avait annoncé moins de 150 morts. Le Parti communiste révolutionnaire de l’Eelam, jusqu’alors inconnu, revendique la responsabilité de la catastrophe. Mardi 29 FRANCE Économie. Diffusion du rapport sur l’état des finances publiques, qui fait apparaître un déficit budgétaire de 159 milliards de francs, somme dépassant largement les 145,3 milliards inscrits dans la loi de finances initiale de 1986, présentée en septembre 1985. Audiovisuel. Henri de France, inventeur du procédé de télévision SECAM, meurt à l’âge de 74 ans. downloadModeText.vue.download 52 sur 502 CHRONOLOGIE 51 PAYS!BAS Vie politique. Dans cinq villes du pays, des militants d’extrême gauche tentent sans succès d’interdire l’entrée des élus du Centrumpartij (parti opposé à la politique d’immigration) dans les conseils municipaux. SYRIE Justice. Pendaison d’un Libanais accusé d’avoir fait exploser un camion piégé à Damas le 13 mars, attentat qui avait fait près de 60 morts. L’accusé avait avoué agir pour le compte de l’Iraq. INDE Minorités. Réfugiés dans l’enceinte du Temple d’or d’Amritsar, les indépendantistes sikhs proclament un « État souverain du Khalistan » (« pays des purs ») et annoncent la formation prochaine d’un « gouvernement parallèle ». Le 30, la police fait évacuer le Temple, qui était occupé depuis le 26 janvier. INDONÉSIE Relations internationales. À Bali, le président américain Reagan s’entretient avec le vice-président des Philippines, M. Salvador Laurel. JAPON L’empereur Hiro-Hito fête le même jour ses 85 ans et ses 60 années de règne. NOUVELLE!CALÉDONIE Statut. M. Bernard Pons, ministre des DOMTOM, arrive à Nouméa pour une visite de trois jours. Le plan qu’il expose devant le Congrès du territoire renforce les prérogatives du haut-commissaire et réduit celles des conseils de région, dont trois sur quatre sont contrôlés par le FLNKS indépendantiste. ÉTATS!UNIS ! Indonésie SRI LANKA Tamouls contre Tamouls Au nord du pays le processus de « libanisation » prend une nouvelle dimension, à partir du 29 avril, lorsque de véritables batailles au fusil-mitrailleur et au lance-roquettes opposent les deux plus importantes organisations indépendantistes tamoules, entraînant la mort de plusieurs centaines de guérilleros en quelques jours. Regroupant 2 000 combattants bien entraînés le principal groupe séparatiste – les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET) – prend d’assaut le quartier général de son principal rival, l’OLET (Organisation de libération de l’Eelam tamoul), qui perd son chef, Sri Sabaratnam, dans l’affrontement. Au total, 4 000 maquisards d’une vingtaine d’organisations, dont les quatre principales affichent une inspiration plus ou moins marxiste, sont confrontés à 40 000 soldats cinghalais dans le nord et l’est du pays. L’Inde les appuie (55 millions de Tamouls vivent dans l’État indien voisin du Tamil Nadu), et ils sont bien fournis en Kalachnikov neuves. Quant au gouvernement sri-lankais, il reçoit fournitures et aide militaires de nombreux pays : Grande-Bretagne, Israël, Pakistan, Chine et même Afrique du Sud et Singapour. En trois ans les affrontements ont fait 10 000 morts des centaines de villages ont été rasés et au moins 130 000 Tamouls ont fui vers l’étranger. downloadModeText.vue.download 53 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 52 Mercredi 30 GRANDE!BRETAGNE Prisons. Graves mutineries dans une vingtaine de pénitenciers, dont de nombreux bâtiments sont saccagés. Plusieurs dizaines de détenus réussissent à prendre la fuite. La GrandeBretagne détient le record de la population carcérale dans la CEE : 274 prisonniers pour 100 000 habitants, contre 140 en France. Le mois de Bernard Tapie Tchernobyl signe avec gravité les limites de tout pouvoir. À la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen devrait s’ajouter un codicille essentiel : le droit pour les citoyens de contrôler leur propre destinée et de regarder d’un peu plus près les ingrédients de la sauce à laquelle ils risquent en permanence d’être mitonnes. Que l’énergie nucléaire soit pour le moment nécessaire à notre développement, cela n’est désormais contesté par personne : encore faut-il informer vraiment et ne pas considérer la société civile comme un ramassis de gamins irresponsables, tout juste aptes à l’acceptation d’une passivité d’autant plus néfaste qu’elle renforce cette mentalité d’assistés que les gouvernants ne manquent jamais une occasion de dénoncer avec vigueur, alors que souvent ils l’engendrent. Tchernobyl résonne comme un véritable signal d’alarme pour nos démocraties. Le système totalitaire y a apporté une fois de plus la preuve de ses béances, en jetant sur le coeur du réacteur en fusion la chape de plomb d’un silence d’autant plus terrifiant que les enjeux signifient directement la survie ou la mort de centaines, voire de milliers d’hommes, de femmes ou d’enfants. Plus que jamais, dans la conduite des affaires de la nation comme dans la direction d’une entreprise, la transparence s’impose, avec son inévitable corollaire : un appel à la responsabilité de chacun. À trop vouloir traiter les citoyens en mineurs, craignons qu’ils n’aient un jour qu’une envie : casser tous leurs jouets. Tchernobyl prouve encore, si besoin en était, que « l’ère du monde fini » est bien commencée, que le nucléaire est bien devenu, pour le meilleur et pour le pire, le premier gouvernement mondial de la planète, et qu’il faudra, là aussi, apprendre à gérer l’incertitude. En comparaison, l’affaire du Carrefour du développement peut prêter à sourire, si ne s’y manifestait une fois de plus cet étrange sentiment d’impunité qui semble contaminer tout être humain arrivé « au pouvoir ». Sommesnous si loin du nucléaire ? Ici encore, le secret domine : à l’ombre propice des subventions en fleur, des associations loi de 1901, des congrès internationaux pavés de bonnes intentions, fleurissent les manipulations en tout genre, champignonnent copains et co- quins, au nom du soi-disant droit du plus fort à disposer librement de l’argent des citoyens contribuables La transparence s’impose donc plus que jamais, et la nécessité pour chacun de savoir d’emblée où vont ses impôts. Pour le reste, terrorisme et apartheid, prisons surpeuplées et faits divers : litanie sanglante du monde comme il va. Il reste heureusement les millions de bonheurs conquis chaque jour sur la grisaille des abandons. Mais chacun sait que le bonheur n’a pas d’histoire... BERNARD TAPIE downloadModeText.vue.download 54 sur 502 CHRONOLOGIE 53 Mai Jeudi 1er FRANCE Fête du Travail. À Paris, les défilés traditionnels organisés par les syndicats ne rassemblent, au total, que 16 000 personnes. Défense. Les Mirage IV des forces aériennes stratégiques, basés à Mont-de-Marsan, sont dorénavant équipés de missiles air-sol à moyenne portée (ASMP). Ce missile, à vitesse supersonique et à statoréacteur, est le premier missile de croisière français. GRANDE!BRETAGNE Prisons. À la suite d’une grève des heures supplémentaires, déclenchée par les gardiens, des révoltes éclatent dans dix-huit prisons. IRAQ!IRAN Conflit. Dans le sud du golfe arabo-persique, un pétrolier saoudien est touché par deux roquettes tirées d’un hélicoptère, vraisemblablement iranien. PHILIPPINES Manifestations. Pour la première fois depuis 21 ans, les centrales syndicales célèbrent la fête du Travail par un rassemblement unitaire, à Manille. Des affrontements opposent les partisans de Mme Aquino à ceux de l’ancien président Marcos (1 mort). THAÏLANDE Politique intérieure. Le Parlement est dissous, après le rejet d’une mesure financière proposée par le gouvernement. NOUVELLE!CALÉDONIE Statut. Lors d’une visite de trois jours dans l’île, le ministre des DOM-TOM, M. Bernard Pons, multiplie les mises en garde à l’adresse des indépendantistes et annonce le transfert des attributions du pouvoir régional au profit du haut-commissaire. AFRIQUE DU SUD Conflits sociaux. Réclamant la reconnaissance du 1er-Mai comme fête du Travail, les ouvriers noirs déclenchent une grève générale. Vendredi 2 FRANCE Police. M. Philippe Massoni est nommé directeur central des Renseignements généraux. NORVÈGE Gouvernement. Après la démission du gouvernement conservateur de M. Kaare Willoch, mis en minorité au Parlement, Mme Gro Harlem Brundtland est nommée Premier ministre. Le 9, elle forme un nouveau gouvernement travailliste. PORTUGAL Diplomatie. Cinq diplomates libyens sont expulsés de Lisbonne. En même temps, les mouvements des autres fonctionnaires de l’ambassade sont limités à 30 kilomètres de la capitale. INDE Troubles. Près d’Amritsar, sept personnes sont tuées par des extrémistes sikhs, en représailles downloadModeText.vue.download 55 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 54 contre l’intervention de la police dans l’enceinte du Temple d’or (! 29 avr.). LIBYE ! Portugal Samedi 3 ÉGLISE CATHOLIQUE Doctrine. Publication, à Rome, d’un rapport sur le développement des sectes. FRANCE Terrorisme. À Marseille, deux explosions d’engins de faible puissance, près d’un commissariat, sont revendiquées par une organisation inconnue, les commandos contre l’invasion maghrébine. GRANDE!BRETAGNE Conflits sociaux. À Londres, 8 000 personnes manifestent contre le licenciement, en janvier, de 5 500 employés des imprimeries de Rupert Murdoch. Dans la nuit, de violents affrontements opposent les ouvriers du livre à la police devant les nouvelles imprimeries de Wapping (plus de 200 blessés). CHINE Réfugiés. Le commandant Wang, réfugié à Taiwan depuis 1949, se pose à Canton aux commandes d’un Boeing de la compagnie nationale taiwanaise et demande asile à la Chine (! 17). SRI LANKA Terrorisme. À l’aéroport de Colombo, une bombe explose dans un avion (22 morts, 23 blessés). L’attentat est revendiqué le lendemain par le groupe séparatiste tamoul des Tigres libérateurs. Le 7, nouvel attentat à la bombe dans un bureau de poste en plein centre de la capitale (10 morts). ÉTATS!UNIS Espace. Porteuse d’un satellite d’observation météorologique, une fusée Thor-Delta explose 91 secondes après son lancement. C’est le troisième échec de la NASA depuis le début de l’année. Le 9, celle-ci reconnaît avoir perdu un autre lanceur, la fusée Nike Orion, le 25 avril. Dimanche 4 Le 12e sommet des sept pays industrialisés s’ouvre à Tokyo, où il se tient jusqu’au 6. Deux propositions, relatives à l’intensification de la lutte antiterroriste et à la sécurité nucléaire, sont adoptées le 5. La déclaration finale propose un renforcement de la coopération économique et monétaire entre les États. SPORT Course à pied. 11 000 concurrents participent au marathon de Paris, remporté par le Djiboutien Ahmed Salah. FRANCE Solidarité. Invitée de l’émission télévisée 7 sur 7, Mme Danielle Mitterrand présente la fondation France Liberté, qu’elle a créée pour la défense des droits de l’homme dans le monde. AUTRICHE Élections. Au premier tour des présidentielles, le candidat conservateur, M. Kurt Waldheim, obtient 49,64 p. 100 des voix contre 43,66 p. 100 au socialiste, M. Kurt Streyer (! 8 juin). downloadModeText.vue.download 56 sur 502 CHRONOLOGIE 55 AFGHANISTAN Gouvernement. M. Babrak Karmal est remplacé, à la tête du PC, par l’ancien chef de la police politique, M. Mohamed Najibullah. M. Karmal, qui séjournait à Moscou depuis le 30 mars, pour raisons de santé, était rentré à Kaboul le 1er. Des manifestations sont organisées pour réclamer son retour (! 15). Lundi 5 FRANCE Politique économique. L’Assemblée nationale vote la privatisation de l’agence Havas et des neuf principaux groupes industriels français. Terrorisme. Les premières assises européennes contre le terrorisme se tiennent dans les locaux de l’Assemblée nationale. Organisées par l’Association des victimes du terrorisme, elles réclament une meilleure indemnisation des dommages corporels. Patrimoine. M. François Léotard décide d’achever la mise en place des colonnes de Buren. JORDANIE Relations internationales. Pour la première fois depuis 1977, le chef de l’État syrien, M. Hafez el-Assad, se rend en visite officielle à Amman. SYRIE ! Jordanie Mardi 6 FRANCE Partis politiques. Élu député du Nord, le 16 mars, sur la liste du Front national, M. Bruno Chauvierre démissionne du parti et rejoint les non-inscrits. Assurances. Le groupe AXA prend le contrôle de la Providence SA et devient le troisième assureur français. Médecine vétérinaire. Commercialisation du vaccin contre la piroplasmose, maladie parasitaire du chien véhiculée par les tiques. C’est le premier vaccin mis au point contre une maladie parasitaire. BELGIQUE Conflits sociaux. Organisée pour protester contre le plan d’austérité du gouvernement, la grève générale de la fonction publique est largement suivie (! 16 et 31). URSS Espace. Les cosmonautes Leonid Krzim et Vladimir Soloviev quittent la station Mirv pour celle de Saliout 7, en utilisant comme vaisseau de transport la capsule Soyouz T15. ISRAËL ! États-Unis SOUDAN Gouvernement. Le général Sewar el-Dahab remet ses pouvoirs à un gouvernement civil. Ahmed Ali el-Mirghani est élu président du Conseil de souveraineté et occupe les fonctions de chef de l’État. Le 15, le Premier ministre Sadek el-Mahdi, président du parti Oumma, présente son nouveau gouvernement, qui ex- clut totalement le Front national islamique. ÉTATS!UNIS Défense. Après la Grande-Bretagne et la RFA, Israël signe à Washington un protocole d’accord downloadModeText.vue.download 57 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 56 prévoyant la participation de ses industries à l’Initiative de défense stratégique (IDS). Anniversaires. Atlanta fête pendant quatre jours le centenaire de la naissance de Coca-Cola. Mercredi 7 FRANCE M. Gaston Defferre meurt à Marseille à l’âge de 75 ans. Le 12, le président Mitterrand assiste aux obsèques. Gaston Defferre Maire de Marseille pendant 33 ans, directeur du quotidien le Provençal depuis 1951, ministre sous la IVe et la Ve République, Gaston Defferre meurt à Marseille le 7 mai. Issu d’une famille protestante de Marsillargues, dans l’Hérault, où il est né le 14 septembre 1910, Gaston Defferre est avocat au barreau de Marseille de 1931 à 1951. Dès 1941, il participe activement à la Résistance et, à partir de 1942, organise et dirige le réseau Bru tus qui couvre tout le sud de la France. Après la libération de Marseille en août 1944, il s’installe à la mairie jusqu’en 1945. Élu aux municipales de 1953, il devient maire de Marseille, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Par une politique municipale rigoureuse, il dote la deuxième ville de France d’un plan d’équipement et y entreprend de grands travaux (logements, tunnel routier sous le Vieux-Port, métro, Corniche, plage du Prado...). Fidèle militant socialiste depuis 1933, date à laquelle il adhère à la SFIO, il siège à l’Assemblée nationale en tant que parlementaire des Bouches-du-Rhône de 1946 à 1958, puis au Sénat de 1959 à 1962, avant d’être réélu député, successivement en 1962, 1967, 1968, 1973, 1978 et 1981. Secrétaire et sous-secrétaire d’État en 1946 et 1947, ministre de la Marine marchande en 1950-51, il entre, en 1956, au cabinet de Guy Mollet, en tant que ministre de la France d’outre-mer. Il élabore et fait adopter la loi-cadre du 23 juin 1956, qui porte son nom, sur la réforme du statut de l’Afrique-Occidentale française et de Madagascar, première étape vers l’indépendance de ces pays. En désaccord avec la politique coloniale de Guy Mollet, il quitte son gouvernement en 1957. Désigné par la SFIO comme candidat officiel à la présidence de la République en 1965, il retire sa candidature au profit de Guy Mollet, après l’échec de sa politique de regroupement avec les centristes Candidat aux élections présidentielles de 1969, Gaston Defferre ne remporte que 5,01 p. 100 des voix. Il se met alors au service de François Mitterrand et soutient son élection à la tête du PS en 1971. Nommé ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation en 1981, il est l’instigateur de la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation. En 1984, il prend les fonctions de ministre d’État, du Plan et de l’Aménagement du territoire, poste qu’il occupera jusqu’en mars 1986. Politique économique. L’Assemblée nationale adopte le projet de loi sur la privatisation de 65 sociétés appartenant à l’État (notamment les banques et les compagnies d’assurances). Économie. Le groupe BSN, premier groupe alimentaire français, prend le contrôle de Générale Biscuit. Police. L’ancien chef de la brigade antigang, M. Robert Broussard, est nommé directeur central des polices urbaines. downloadModeText.vue.download 58 sur 502 CHRONOLOGIE 57 URSS Relations internationales. À Moscou, M. Gorbatchev conclut, avec le président angolais Dos Santos, un accord liant pour deux ans le PC soviétique et le MPLA. IRAQ!IRAN Conflit. L’aviation iraqienne effectue un raid sur le centre de Téhéran et bombarde la raffinerie de pétrole. LIBAN Terrorisme. Un retraité français, M. Camille Sontag, est enlevé à Beyrouth-Ouest, devenant ainsi le neuvième Français détenu au Liban (! 11 nov.). BANGLADESH Vie politique. Les élections législatives se déroulent dans un climat de tension et de violence : des affrontements mettent aux prises les partis d’opposition et celui du Jatiya actuellement au pouvoir (25 morts, 500 blessés). Le Jatiya remportant 152 sièges sur 300, un nouveau gouvernement, semblable au précédent, est formé le 25. ANGOLA ! URSS Jeudi 8 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II entame un voyage de trois jours en Émilie-Romagne, qui est la région la plus anticléricale d’Italie. SUD!SUD La deuxième conférence Sud-Sud, réunie à Kuala Lumpur, dénonce la dégradation du dialogue Nord-Sud. GRANDE!BRETAGNE Partis politiques. Lors des élections locales et des législatives partielles, le parti conservateur enregistre un net recul. INDE Partis politiques. Conséquence de l’occupation par la police de trois temples sikhs du Pendjab, 27 des 73 députés du parti sikh modéré l’Akali Dal décident de former un nouveau parti (! 2). Vendredi 9 FRANCE Relations internationales. Rappelé à Paris le 24 juillet 1985, l’ambassadeur de France à Pretoria, M. Pierre Boyer, regagne l’Afrique du Sud. Justice. Incarcéré depuis 1985 pour trafic de drogue, François Cecchi avoue être le meurtrier du juge Michel, abattu à Marseille en 1981. Six autres personnes sont arrêtées pour complicité. Le mobile du crime semble être la vengeance de petits trafiquants de drogue. Audiovisuel. Dix-huit mois après sa création, Canal plus accueille son millionième abonné. ESPAGNE Sécurité. Le consul de Libye à Madrid, M. Saed Mohamed Alsalam Esmail, est expulsé, et un responsable militaire, le colonel Carlos de Meer de Rivera, est arrêté. Tous deux sont accusés de complot contre la sûreté de l’État. downloadModeText.vue.download 59 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 58 GRANDE!BRETAGNE Défense. Le gouvernement décide de réduire des deux tiers les effectifs militaires stationnés aux Malouines. AFRIQUE DU SUD ! France LIBYE ! Espagne Samedi 10 FRANCE Nucléaire. À Plouézec, Côtes-du-Nord, 2 000 à 3 000 personnes manifestent pour protester contre l’implantation d’une centrale dans la commune. Dimanche 11 SPORT Automobile. Alain Prost remporte le Grand Prix de Monaco pour la troisième fois consécutive. Tennis. À New York, Yannick Noah remporte le tournoi de Forest Hill. ARCTIQUE Exploration. Au terme d’un périple solitaire de 63 jours et après avoir parcouru 750 kilomètres à skis, le médecin français Jean-Louis Étienne atteint le pôle Nord géographique. FRANCE Terrorisme. Habid Maamar, auteur des attentats contre les magasins Marks and Spencer de Londres et de Paris, est arrêté à Nancy et inculpé le 14. GRANDE!BRETAGNE ! Syrie URSS ! États-Unis SYRIE Relations internationales. Damas ordonne l’expulsion de trois diplomates britanniques, en réponse au renvoi par Londres de trois diplomates syriens, soupçonnés d’avoir participé à l’attentat manqué contre El-Al à Heathrow. ÉTATS!UNIS Dissidents soviétiques. Arrivé le 8 pour une visite de douze jours, au cours de laquelle il doit rencontrer le président Reagan, Anatoli Chtcharanski est acclamé et porté en triomphe à New York. Lundi 12 CEE Commerce extérieur. Après la catastrophe de Tchernobyl, les pays du Marché commun décident de fermer leurs frontières (jusqu’au 31) aux produits frais et aux animaux en provenance d’Europe de l’Est, RDA exceptée. FRANCE Vie politique. Lors de la réunion du Comité central du PC, M. Georges Marchais annonce qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections présidentielles. YOUGOSLAVIE Justice. À Pristina, capitale du Kosovo, ouverture du procès de 27 Albanais, accusés d’avoir créé une association hostile à la Yougoslavie. downloadModeText.vue.download 60 sur 502 CHRONOLOGIE 59 QATAR Otages. Enlevés le 26 avril par des hélicoptères de l’armée du Qatar, les 30 employés de la compagnie néerlandaise Ballast Nedam sont libérés. CHINE Relations internationales. Le ministre des Affaires étrangères, M. Wu Xueqian, entreprend un voyage de 24 jours en Europe (jusqu’au 4 juin). INDE Gouvernement. Lors d’un important remaniement ministériel, M. Rajiv Gandhi nomme un sikh, M. Buta Singh, au poste de ministre de l’Intérieur. Cinq musulmans figurent dorénavant au gouvernement. JAPON Monnaie. Après la forte ascension du yen par rapport au dollar (160,20 yens pour 1 dollar), qui inquiète les exportateurs japonais, le ministre des Finances, Noioru Takeshita, annonce que son pays interviendra pour soutenir la monnaie américaine. LIBYE Relations internationales. Le gouvernement annonce l’expulsion de 36 diplomates, appartenant à sept pays de la CEE. Les diplomates européens encore en poste à Tripoli ne pourront plus quitter la région sans autorisation. Le même jour, le colonel Kadhafi encourage les Libyens à boycotter les produits japonais et européens. Mardi 13 FRANCE Politique intérieure. Pour mettre un terme au débat commencé le 22 avril à l’Assemblée nationale, M. Jacques Chirac engage la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi d’habilitation économique et sociale. Le 16, la motion de censure, déposée par les socialistes, est rejetée et le texte considéré comme adopté en première lecture. PAYS!BAS Lettres. Publication de l’édition originale intégrale du Journal d’Anne Franck. Cette édition a été mise au point par l’Institut d’État néerlandais pour la documentation de guerre, afin de faire cesser les polémiques quant à l’authenticité du Journal. ÉTATS!UNIS Sciences. Près de 6 500 scientifiques, dont quinze prix Nobel, publient un manifeste par lequel ils s’engagent à ne pas participer aux recherches sur l’Initiative de défense stratégique (IDS). Mercredi 14 FRANCE Emploi. Le Conseil des ministres adopte le projet de loi sur l’autorisation administrative de licenciement, qui supprime le contrôle du bien-fondé du motif économique par l’inspection du travail. Audiovisuel M. François Léotard présente le projet de loi sur la communication, qui prévoit la privatisation de TF1, la transformation du statut de FR3, le remplacement de la Haute Autorité par une commission Communication et Libertés, la suppression de la taxe sur les magnétoscopes et l’annulation des contrats de concession des 5e et 6e chaînes. Le projet de privatisation de TF1 provoque downloadModeText.vue.download 61 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 60 de vives protestations parmi les spécialistes et les usagers de l’audiovisuel (! 21). Loto. Record absolu des gains atteignant plus de 32 millions de francs. Le précédent record était de 17 millions. YOUGOSLAVIE Justice. Andrija Artukovic, surnommé le boucher des Balkans, est condamné à la peine de mort pour crimes de guerre. IRAQ!IRAN Conflit. L’aviation iraqienne bombarde un train dans la gare de Haft Tapet, au sud-ouest de l’Iran (77 morts, 250 blessés). INDE Relations internationales. M. Rajiv Gandhi entreprend un voyage en Afrique, qui doit le conduire en Zambie, au Zimbabwe, en Angola et en Tanzanie. AFRIQUE ! Inde Jeudi 15 CEE ! États-Unis FRANCE Finances publiques. M. Édouard Balladur annonce une série de mesures financières destinées à inciter le patronat à investir : baisse des taux d’intérêt de 1,5 p. 100 et allégement considérable du contrôle des changes. Terrorisme. Après avoir pris en otages 30 personnes et fait évacuer les lieux, un commando de l’ex-FLNC fait exploser les bâtiments d’un complexe touristique à Cargèse (Corse-duSud). Deux personnes sont tuées en tentant de désamorcer l’une des bombes. YOUGOSLAVIE Gouvernement. Un Albanais du Kosovo, M. Sinan Hasani, est nommé président de la direction collégiale de l’État. Le 16, formation d’un nouveau gouvernement, dirigé par M. Branko Mikulic. AFGHANISTAN Gouvernement. Formation d’une direction collective, qui comprend le nouveau chef du PC, M. Mohamed Najibullah, le Premier ministre, M. Ali Kishtmand, et M. Babrak Karmal, qui a conservé son poste de président du conseil révolutionnaire (! 4). JORDANIE Troubles. À Yarmouk, de violents affrontements opposent les forces de l’ordre aux étudiants, rassemblés sur le campus universitaire pour protester contre le renvoi de 32 de leurs camarades (3 morts). ÉTATS!UNIS Commerce extérieur. Pour rétorquer aux réductions des exportations céréalières américaines vers le Portugal, imposées depuis son entrée dans le Marché commun, M. Reagan annonce l’application, dès le 19, de quotas sur les importations de certaines denrées de la CEE (chocolat, vin, jus de fruits, bière). Vendredi 16 FRANCE Police. M. Robert Pandraud annonce une augmentation substantielle des récompenses pour downloadModeText.vue.download 62 sur 502 CHRONOLOGIE 61 rémunérer les informations susceptibles d’aider à lutter contre le terrorisme. Terrorisme. À Saint-Cloud, deux bombes explosent au siège d’Interpol. L’attentat est revendiqué par Action directe. Opéra. À Lyon, Jean-Claude Fall met en scène l’Obéron de Carl Maria von Weber, qui n’avait plus été interprété en France depuis 30 ans. BELGIQUE Conflits sociaux. Grève générale des services publics. Dès le 15, des débrayages affectent les établissements scolaires et les transports ferroviaires. Le 23, le gouvernement fait connaître les mesures d’austérité prises pour réduire les dépenses publiques de 200 milliards de francs belges (! 6 et 31). ÉTATS!UNIS Faits divers. À Cokeville, Wyoming, 150 enfants sont pris en otages dans une école, par un couple qui, armé de pistolets et de deux bombes, réclame une rançon de 300 millions de dollars. L’explosion accidentelle d’une des deux bombes tue les deux forcenés et blesse 75 enfants. NICARAGUA Guérilla. Le chef militaire de l’ARDE, Eden Pastora, surnommé le commandant Zéro, dépose les armes et demande l’asile politique au Costa Rica. Cette décision survient après le retrait de son organisation de six chefs militaires, qui ont rejoint les rangs de la principale force armée antisandiniste, la Force démocratique nicaraguayenne. RÉPUBLIQUE DOMINICAINE Politique intérieure. Les élections générales opposent M. Joaquin Balaguer, ancien chef du Parti réformiste social-chrétien, à M. Jacobo Majluta, candidat du parti au pouvoir, le Parti révolutionnaire dominicain. Après une interruption du dépouillement et de fortes contestations, M. Balaguer est déclaré élu président de la République le 26. ARGENTINE Armée. Trois membres de la junte militaire qui avait déclenché la guerre des Malouines en 1982 sont inculpés de négligences dans la conduite du conflit, rétrogrades et condamnés à des peines de huit à quatorze ans de prison. Samedi 17 FRANCE Vie municipale. Au terme d’une lutte au sein du PS marseillais, M. Robert Vigouroux, partisan de M. Defferre, est élu maire de Marseille, contre le clan rival de M. Michel Pezet. IRAQ!IRAN Conflit. Les troupes iraqiennes réussissent une percée en territoire iranien et s’emparent de la ville de Mehran. CHINE Relations internationales. Pour la première fois depuis 1949, une rencontre officielle est organisée à Hongkong entre des responsables de la Chine et de Taiwan, pour discuter du problème de la restitution de l’avion détourné (! 3). Un accord intervient le 19. INDE Religion. Accusé de mauvaise conduite pour avoir donné l’ordre à l’armée d’investir le Temple d’or en 1985, le Premier ministre du Pendjab, M. Surjit Singh Barnala, est condamné, par les grands prêtres sikhs, à nettoyer downloadModeText.vue.download 63 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 62 les chaussures des fidèles pendant une semaine. SRI LANKA Guerre civile. L’armée lance une vaste offensive contre la péninsule de Jaffna, contrôlée par les séparatistes tamouls (jusqu’au 21). Le 21, les maquisards font sauter la cimenterie de Batticaloa, dans l’est de l’île. TAIWAN ! Chine AFRIQUE DU SUD Troubles. Dans le camp de Crossroads, près du Cap, de sanglants affrontements entre Noirs opposent les militants antiapartheid aux vigiles. Les combats se poursuivent jusqu’à la fin du mois (plus de 42 morts et 35 000 sans-abri). Dimanche 18 RFA Troubles. Une importante manifestation devant le site de la future usine de retraitement des combustibles irradiés de Wackersdorf dégénère en violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. Plus de 400 personnes sont blessées au cours de batailles qui se déroulent jusqu’au 20. SUISSE Protestantisme. La ville de Genève fête le 450e anniversaire de la Réforme. Des expositions et de grands spectacles sont organisés jusqu’au 25. ÉGYPTE Archéologie sous-marine. L’épave du Patriote, un des plus gros navires de la flotte française, échoué lors de l’expédition de Bonaparte en Égypte, est retrouvée à l’ouest d’Alexandrie. AMÉRIQUE CENTRALE À Panamá, les pourparlers de paix entre le groupe de la Contadora et les cinq pays d’Amérique centrale sont suspendus en raison du refus du Nicaragua de négocier un désarmement (! 25). Lundi 19 ESPAGNE ! URSS URSS Relations internationales. Visite officielle du Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez (jusqu’au 21). NOUVELLE!ZÉLANDE Politique extérieure. M. Lange annonce la rupture des négociations avec la France sur le sort des faux époux Turenge. AFRIQUE DU SUD Raid aérien. L’armée sud-africaine bombarde des installations de l’ANC, à Harare, au Zimbabwe, ainsi que des camps de réfugiés, à Lusaka, en Zambie, et à Gaborone, au Botswana. Le 22, la CEE condamne le raid, et l’Argentine rompt ses relations diplomatiques avec Pretoria. Le 23, les États-Unis expulsent l’attaché militaire sud-africain à Washington. Mardi 20 FRANCE Politique intérieure. À l’Assemblée nationale, ouverture des débats sur le projet de loi rétablissant le scrutin majoritaire à deux tours et autorisant le redécoupage des 577 nouvelles circonscriptions. Après une séance houleuse marquée par de nombreux incidents, M. Jacques downloadModeText.vue.download 64 sur 502 CHRONOLOGIE 63 Chirac engage la responsabilité du gouvernement. Le 22, la motion de censure, déposée par le PS et votée par le PC et le FN, est repoussée. Le projet est considéré comme adopté en première lecture. Relations internationales. Le vice-Premier ministre iranien, M. Ali Reza Moayeri, arrive à Paris pour une visite officielle de trois jours. Cinéma. La Palme d’or du festival de Cannes est décernée au film britannique de Roland Joffé, The Mission. IRAN ! France CORÉE DU SUD Asie : fièvre sud-coréenne Le 20 mai, à Séoul, un étudiant s’immole par le feu au cours d’une manifestation. Une bataille oppose ensuite les forces de l’ordre aux quelque 5 000 étudiants rassemblés pour commémorer le sixième anniversaire du soulèvement populaire de la ville de Kwangju (17-27 mai 1980). Depuis près de deux mois le « pays du matin calme » est en proie à une agitation croissante de l’opposition, représentée, d’une part, par le Nouveau Parti démocratique de Corée (NPDC), et, d’autre part, par les contestataires étudiants. L’opposition étudiante, qui condamne la dictature du général Chon Tuhwan et l’interventionnisme américain, se révèle de plus en plus violente et radicale. Déjà, le 28 avril, deux étudiants s’étaient immolés par le feu à Séoul. Le NPDC, plus modéré, réclame une démocratisation de la Constitution et notamment l’élection du président au suffrage direct. Stimulée par la chute du président Marcos aux Philippines la population se rassemble massivement autour de la campagne du NPDC, qui bénéficie de l’appui des Églises protestante et catholique. Au cours du mois de mai, la plupart des grandes villes de Corée sont le théâtre de sanglantes émeutes estudiantines et d’importants rassemblements de l’opposition. Le 3, dans la ville d’Inchon, à l’ouest du pays 4 000 étudiants affrontent les forces de l’ordre pendant six heures 105 personnes sont blessées et 129 autres arrêtées Le 6, à Séoul, deux policiers sont tués pendant une importante démonstration anti-américaine. Les manifestants protestent contre l’arrivée, le lendemain, du secrétaire d’État américain, George Shultz, qui réaffirme le soutien des États-Unis au régime du président Chon Tuhwan. Le 10, un meeting organisé par le NPDC rassemble près de 25 000 personnes à Masan. De nouveaux heurts mettent aux prises étudiants et policiers à Kwangju et à Séoul, le 14 et le 15. Le 29, le gouvernement accepte de ren- contrer le chef du NPDC, M. Lee Min Woo, pour discuter d’un éventuel amendement à la Constitution. Mercredi 21 FRANCE Audiovisuel. À l’appel des deux principaux syndicats de l’audiovisuel, un programme minimum est imposé sur toutes les chaînes de télévision, publiques et privées. Une manifestation rassemble 5 000 personnes pour protester contre le projet de privatisation des chaînes de télévision (! 14). Outre-mer ! Nouvelle-Calédonie DANEMARK Politique intérieure. Le Parlement ratifie le projet de réformes institutionnelles de la CEE, qu’il avait rejeté en janvier. downloadModeText.vue.download 65 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 64 GRÈCE Politique intérieure. Le compositeur Mikis Theodorakis annonce sa démission du Parlement, qu’il estime incapable d’appliquer le changement de politique. IRLANDE Faits divers. Onze toiles de maîtres (dont un Goya, un Vermeer et deux Rubens) sont volées à Russborough House, près de Dublin. Ce vol, le troisième en six mois, serait l’oeuvre de nationalistes irlandais. PAYS!BAS Élections législatives. Victoire de la coalition de centre droit, comprenant le CDA (chrétiens démocrates) du Premier ministre M. Ruud Lubbers et le WD (libéraux conservateurs). NOUVELLE!CALÉDONIE Statut. Le Conseil des ministres présente le projet de loi sur le statut de la Nouvelle-Calédonie. À cette occasion, M. Mitterrand réitère ses réserves. ALGÉRIE Population. Le gouvernement déclare avoir expulsé, depuis le 9 avril, près de 10 000 Touareg, originaires du Niger et du Mali et réfugiés dans le Sud algérien pour fuir la sécheresse. ÉTATS!UNIS Médecine. Des médecins du Massachusetts General Hospital utilisent avec succès des rayons lasers pour détruire les calculs rénaux. Jeudi 22 OTAN Défense. Entériné le 15 par les ambassadeurs des pays membres de l’OTAN, sauf la France, le projet américain sur la modernisation des armes chimiques est ratifié par les ministres de la Défense, qui émettent toutefois de sérieuses réserves. FRANCE Commerce international. Publication au Journal officiel du décret rétablissant l’anonymat pour les transactions d’or. YOUGOSLAVIE Justice. À Pristina et à Titova-Mitrovica, 46 Albanais du Kosovo, accusés d’activités nationalistes, sont condamnés. Le 26, à Skopje, neuf étudiants sont condamnés pour les mêmes raisons. LIBAN Guerre civile. À Beyrouth-Ouest, reprise de la guerre de camps entre les chiites d’Amal et les Palestiniens, notamment à Borj Barajneh. Les combats s’intensifient le 26. Vendredi 23 UNESCO Membres. Au cours de la session du conseil exécutif, la Grande-Bretagne obtient le statut d’observateur. FRANCE Défense. À Paris, devant la presse diplomatique, M. Jacques Chirac déclare que la France ne doit pas rester à l’écart de l’Initiative de défense stratégique américaine. Le 27, à SaintCyr-Coëtquidan, M. Mitterrand réaffirme son opposition à la participation française à ce projet. Opéra. À Lille, première de The Rake’s Progress d’Igor Stravinski, mis en scène par le cinéaste Robert Altman. downloadModeText.vue.download 66 sur 502 CHRONOLOGIE 65 ITALIE Diplomatie. En application des décisions prises par la CEE envers Tripoli, huit diplomates libyens sont expulsés. AFRIQUE DU SUD ! États-Unis LIBYE ! Italie ÉTATS!UNIS Commerce extérieur. General Motors décide de ne plus fournir à l’Afrique du Sud certains de ses produits, notamment les véhicules pour la police et l’armée. 38 sociétés américaines ont déjà cessé toute activité commerciale directe avec l’Afrique du Sud en 1985. Samedi 24 FRANCE ! Tunisie GRANDE!BRETAGNE ! Israël ISRAËL Relations internationales. Visite officielle de trois jours de Mme Thatcher, premier chef de gouvernement britannique à se rendre dans le pays. TUNISIE Relations internationales. Le Premier ministre français, M. Jacques Chirac, effectue une visite éclair à Tunis, où il est reçu par le président Bourguiba. Au terme des entretiens portant sur la relance de la coopération entre les deux pays, M. Chirac garantit l’aide de la France en cas d’agression étrangère. La veille, l’ambassadeur de France, M. Éric Rouleau, avait été rappelé à Paris en consultation. HAÏTI Confiscations. Le gouvernement annonce la mise sous séquestre par la justice française de propriétés de l’ancien président Duvalier : le château de Théméricourt dans la région parisienne et, prochainement, ses appartements parisiens. D’autre part, un bateau de plaisance amarré à Miami a été saisi par la justice américaine et une somme de 367 millions de dollars a été bloquée par les autorités suisses. Dimanche 25 AUTRICHE Affaire Waldheim. Le Congrès juif mondial publie le document de la commission des Nations unies sur les crimes de guerre dont se serait rendu coupable M. Kurt Waldheim. AFRIQUE Solidarité. Organisée par Sport Aid et l’UNICEF, la « course contre le temps » rassemble 20 millions de personnes dans 75 pays du monde. ÉTATS!UNIS Solidarité. De New York à Los Angeles, une chaîne humaine de 6 000 kilomètres de long parcourt le pays pour manifester contre la pauvreté aux États-Unis. AMÉRIQUE CENTRALE À Esquipulas, au Guatemala, les chefs d’État des cinq pays d’Amérique centrale décident de créer un Parlement centraméricain. Le 26, le Nicaragua accepte de négocier une réduction de son armement lourd (! 18). COLOMBIE Politique intérieure. Le candidat du parti libéral, M. Virgilio Barco, est élu président de la République. downloadModeText.vue.download 67 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 66 Il remplacera M. Belisario Betancur le 7 août prochain. Lundi 26 FRANCE Mme Elena Bonner est reçue par M. Jacques Chirac, puis à l’Académie des sciences, où il lui est remis le diplôme de membre associé décerné à son mari Andreï Sakharov, en 1981. Le 27, elle rencontre le président Mitterrand. Administration. M. Michel Aurillac, ministre de la Coopération, porte plainte pour détournement de fonds publics par le Carrefour du développement. Le 14, une information contre X avait été ouverte pour abus de confiance, faux et usage de faux. Prisons. Michel Vaujour s’évade de la prison de la Santé à Paris, à bord d’un hélicoptère piloté par sa femme. Bourse. À Paris, chute des valeurs françaises, la plus importante depuis le 11 mai 1981. L’indicateur de tendance perd 6,7 p. 100, avec quatorze valeurs incotables sur le marché et des baisses allant jusqu’à 20 p. 100. Mardi 27 ONU Afrique. Ouverture d’une session spéciale consacrée aux problèmes de développement de l’Afrique. La question africaine Le 27 mai, s’ouvre à New York la session spéciale de l’ONU consacrée aux problèmes de développement de l’Afrique, dont M. Abdou Diouf, chef de l’État sénégalais et président de l’Organisation de l’unité africaine, est l’instigateur. Tandis que, deux jours auparavant, 20 millions de personnes dans le monde, répondant à l’appel de Bob Geldof et de l’UNICEF, ont participé à des courses de dix kilomètres par solidarité avec l’Afrique qui a faim, l’Assemblée générale des Nations unies s’intéresse, pour la première fois, aux difficultés de tout un continent. La situation est alarmante. Alors que 29 États de l’Afrique subsaharienne sont classés parmi les 36 pays les plus pauvres du monde, les prévisions des experts annoncent un appauvrissement au cours des prochaines années. Les obstacles au développement sont multiples : le chômage, qui touche plus de la moitié de la population active, l’analphabétisme, l’urbanisation démesurée, le nombre important de réfugiés (4 millions), les taux de fécondité et de mortalité infantile, qui sont les plus élevés du monde, le service de la dette extérieure, qui atteint 100 milliards de dollars et surtout les carences de l’agriculture, victime dans certaines régions de la sécheresse et qui ne peut nourrir une population doublant tous les 24 ans. 18 millions d’Africains sont aujourd’hui dans une situation d’urgence vitale. Le 1er juin, les 159 pays membres de l’ONU adoptent un programme de redressement économique et de développement à long terme, consistant en un pacte entre les États africains et le reste du monde. L’Afrique s’engage à procéder à des réformes économiques majeures, dont la plus importante concerne la relance de l’agriculture, qui bénéficiera de la plus grande part des investissements. Par ailleurs, les gouvernements devront appliquer une politique d’austérité et améliorer leur gestion économique. Les pays industrialisés promettent d’aider l’Afrique à atteindre ces objectifs, mais ne prennent aucun engagement précis à propos des problèmes de la dette et de l’aide financière supplémentaire downloadModeText.vue.download 68 sur 502 CHRONOLOGIE 67 de 45 milliards de dollars, requise pour la mise en place de ce plan. FRANCE Audiovisuel. La Haute Autorité renvoie à une date indéterminée le réexamen de la situation des radios locales de la région parisienne, dont les autorisations arrivent à échéance le 29. ESPAGNE Terrorisme. Une bombe explose dans un hôtel de Torremolinos. Trois jours plus tard, une nouvelle explosion se produit dans un autre hôtel de la Costa del Sol, à Fuengirola. Ces attentats font suite à la menace de l’ETA militaire de s’attaquer aux sites touristiques. NOUVELLE!ZÉLANDE Relations internationales. Le Premier ministre, M. David Lange, entame une tournée en Europe, qui le conduira en RFA, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suède, au Danemark, en Grande-Bretagne et en Irlande. Le 30, à Bruxelles, il déclare que les époux Turenge ne seront pas libérés. ÉTATS!UNIS Relations internationales. Lors d’entretiens avec le président du Honduras, M. Azcona, M. Reagan s’engage à maintenir son aide militaire et à soutenir le pays, en cas d’agression par le Nicaragua. HONDURAS ! États-Unis Mercredi 28 FRANCE Politique intérieure. Le Conseil des ministres adopte quatre projets de loi sur la sécurité, qui prévoient notamment l’autorisation des contrôles préventifs d’identité, un durcissement de l’application des peines et la lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance. Culture. À Paris, le Haut Conseil de la francophonie se réunit jusqu’au 30, sur le thème Francophonie et opinion publique. URSS Relations internationales. Lors de la visite officielle du vice-président syrien, M. Abdelhalim Khaddam, l’Union soviétique promet son soutien à la Syrie et la poursuite des livraisons d’armes. Sciences. À Moscou, des savants américains et soviétiques signent un accord prévoyant l’installation de stations d’observation, près des sites d’expériences nucléaires du Kazakhstan et du Nevada. Ces stations seraient placées sous le contrôle scientifique des deux pays. SYRIE ! URSS Jeudi 29 FMI Membres. La majorité des pays membres se prononce en faveur de l’adhésion de la Pologne. FRANCE Politique économique. M. Jacques Chirac engage la responsabilité de son gouvernement sur l’adoption de la loi de finances rectificative pour 1986. La motion de censure, déposée par les socialistes, est rejetée le 2 juin. ESPAGNE ! Libye ITALIE ! Libye downloadModeText.vue.download 69 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 68 LIBAN Terrorisme. Après les assassinats de quatre Arméniens à Beyrouth-Ouest, l’ASALA lance des menaces de représailles et la communauté arménienne entame une grève générale de trois jours. LIBYE Corps diplomatique. Douze diplomates libyens sont priés de quitter l’Italie et seize autres ressortissants sont déclarés indésirables. Le même jour, le départ volontaire du chargé d’affaires à Madrid réduit à deux personnes la représentation libyenne en Espagne. Relations internationales. ! Vanuatu VANUATU Relations internationales. L’archipel établit des relations diplomatiques avec la Libye. BARBADE Politique intérieure. Après la nette victoire du parti travailliste démocratique lors des élections législatives du 28, M. Errol Barrow est nommé Premier ministre, en remplacement de M. Bernard Saint-John. Vendredi 30 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II publie sa cinquième encyclique, Dominum et vivificantem consacrée à l’Esprit-Saint. EUROPE Énergie ! Norvège FRANCE Conflits sociaux. Une grève des cheminots perturbe le trafic ferroviaire. Mode. Au musée des Arts de la mode, à Paris, la rétrospective Yves Saint-Laurent retrace les 28 années de création du couturier. DANEMARK Commerce extérieur. Le Parlement décide d’interrompre, à partir du 15 juin, toutes les relations commerciales avec l’Afrique du Sud. ITALIE Partis politiques. M. Ciriaco De Mita est réélu à la tête du parti démocrate-chrétien. NORVÈGE Énergie. À Stavanger, quatre pays européens (France, RFA, Belgique et Pays-Bas) signent un important contrat pour leur approvisionnement en gaz. Celui-ci prévoit qu’en l’an 2000, la France achètera 40 p. 100 de son gaz à la Norvège. RFA Énergie nucléaire. La centrale nucléaire de Hamm est arrêtée. Une importante fuite radioactive s’était produite au début du mois. SRI LANKA Terrorisme. Une bombe explose en plein centre de Colombo, tandis qu’un autocar, occupé par des soldats, saute sur une mine près de Trincomalee. Ces deux attentats, qui tuent 34 personnes, sont attribués au mouvement séparatiste tamoul. Le lendemain, un engin explosif placé à bord d’un train, à VeyandownloadModeText.vue.download 70 sur 502 CHRONOLOGIE 69 goda, à 40 km de la capitale, cause la mort de douze personnes. HAÏTI Troubles. À Port-au-Prince, de nombreux manifestants réclament le départ du ministre de l’Intérieur, le colonel Williams Regala. COLOMBIE Guérilla. Dans la province de Valle, de violents combats opposent l’armée aux partisans du mouvement M 19 (26 morts). Samedi 31 SPORT Football. Au stade Azteca de Mexico, ouverture de la 13e coupe du monde, qui doit se dérouler jusqu’au 29 juin. FRANCE Espace. À Kourou, en Guyane, échec du 18e tir de la fusée Ariane, porteuse d’un satellite de télécommunications Intelsat-5. BELGIQUE Conflits sociaux. À Bruxelles, 100 000 personnes participent à la manifestation contre le plan d’austérité du gouvernement (! 6 et 16). POLOGNE Syndicats. Le plus haut dirigeant clandestin de Solidarité, M. Zbigniew Bujak, est arrêté à Varsovie. URSS Espace. Les deux cosmonautes installés à bord de Saliout 7 effectuent un travail de cinq heures dans l’espace. Le mois de Harlem Désir Dans un mois, SOS-Racisme veut réussir un nouveau pari : rassembler en musique, comme l’année dernière à la Concorde, tous les antiracistes. Cette année, le génie de la Bastille veillera sur la fête. Tout SOS est en ébullition. Un accord est conclu avec la 5 pour la retransmission du concert. On cherche des sponsors. On négocie des espaces publicitaires dans les journaux. Journaux que j’ai à peine le temps de feuilleter. Ce mois de mai se déroule trop vite. Il commence dans le fracas des bombes à Marseille, attentats racistes revendiqués par de mystérieux « Commandos de France contre l’invasion maghrébine ». La peur s’installe dans nos comités du Midi. On redoute même un attentat en plein concert. Coups de téléphone menaçants ou inquiets se succèdent au local de SOS. Mais nous sommes lancés, et rien ne peut désormais contrer la fête. De cette actualité du mois de mai, je ne retiendrai en France que l’adoption, le 28, de quatre projets de loi relatifs à la sécuri- té. La nouvelle loi prévoit l’autorisation des contrôles préventifs d’identité et le durcissement de l’application des peines. C’est le retour au délit de faciès. Cela n’aura pour effet que d’envenimer les rapports entre policiers et citoyens. Le prétexte de la lutte contre le terrorisme fait sourire. Qui croit encore que les terroristes voyagent en clandestins et sans papiers ? À quelques jours de la fête de la Bastille, nos amis de la 5 font grise mine. François Léotard a présenté son projet de loi sur la communication, qui prévoit, entre autres, la privatisation de TF1 et l’annulation des concessions de la 5 et de la 6. Je regrette ce rétrécissement du fameux paysage audiovisuel français, et la manière dont s’est engagé le débat sur la 5 – sur un fond de xénophobie et d’intolérance culturelle. downloadModeText.vue.download 71 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 70 Culture justement... Le 30 mai s’ouvre à Paris, au musée des Arts de la mode, l’exposition consacrée à Yves Saint-Laurent, qui, depuis peu, s’est joint à notre combat. Pierre Berge vient en effet d’accepter de financer la radio des potes, « Ça bouge dans ma tête », qui verra le jour le soir du concert. Un soutien qui étonne certains, mais qui ne peut que nous conforter. Des détails de dernière minute à régler : l’emplacement de l’écran géant, l’ordre de passage des artistes et, au milieu de tout cela, les flashes radio et télé : l’enlèvement d’un Français au Liban, Camille Sontag, et le coeur qui se serre pour Joëlle, Grégoire et Alexandre parce que toujours sans nouvelles de JeanPaul Kauffmann... Cette image aussi qui, cette fois, fait plaisir : l’accueil triomphal réservé par New York à Anatoli-Nathan Chtcharanski, dissident juif soviétique qui, il y a quelques mois encore, n’était qu’un de ces noms qu’on égrène devant les ambassades et qui, maintenant, a pu rejoindre les siens. Un mois de mai toujours marqué par les mêmes violences, au Liban ou en Afrique du Sud. Un sentiment d’impuissance devant Pretoria qui s’accorde le luxe de bom- barder des bases de l’ANC au Zimbabwe, en Zambie et au Botswana. La nuit multicolore de la Bastille comme un gigantesque pied-de-nez. HARLEM DÉSIR PRÉSIDENT DE SOS-RACISME downloadModeText.vue.download 72 sur 502 CHRONOLOGIE 71 Juin Dimanche 1er FRANCE Salaires. Le SMIC est relevé de 2,1 p. 100, le taux horaire passant de 26,04 F à 26,59 F. Il n’avait pas été augmenté depuis le 1er juillet 1985. Industrie. Le ministre, M. Alain Madelin, annonce le gel de l’aide publique apportée à la papeterie de la Chapelle-Darblay. Sport automobile. Le Britannique Derek Bell, associé à Hans Stück et Al Holbert, remporte sa quatrième victoire aux 24 Heures du Mans, sur une Porsche 962C d’usine. POLOGNE Société. Plusieurs milliers de personnes manifestent dans les principales villes du pays après l’arrestation, le 31 mai, de M. Zbigniew Bujak, responsable clandestin de Solidarité. Lundi 2 FRANCE Transports. M. Jacques Douffiagues, ministre délégué aux Transports, demande à M. Claude Quin, président de la RATP, de lui remettre sa démission, ce que celui-ci fait le 4. Le 10, M. Paul Reverdy lui succède. Communication. Ouverture à Paris du « mois de l’affiche », organisé par le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Paris et l’Union de la publicité extérieure. Il s’agit là d’une première mondiale. Culture. Le ministre, M. Léotard, inaugure les appartements restaurés du château de Versailles. À partir du 4, le public peut visiter l’exposition « Deux Cents Ans d’histoire de France » dans le musée rénové. URSS Mme Elena Bonner regagne Moscou après un séjour de six mois aux États-Unis, où elle a subi un sextuple pontage coronarien. Mardi 3 FRANCE Logement. Le ministre, M. Pierre Méhaignerie, annonce l’abrogation de la loi Quilliot, la modification de la loi de 1948, de nouvelles déductions fiscales en faveur des investissements locatifs et l’extension des prêts conventionnés aux logements anciens. Son projet est approuvé par le Conseil des ministres, le 25. Faits divers. L’incendie du collège privé Saint-Ouen de Pont-Audemer (Eure) fait quinze blessés parmi les élèves et un mort, une lycéenne gravement brûlée, décédée le 12. Médecine. Une enquête présentée à l’Académie de médecine révèle que 53 p. 100 des drogués par voie intraveineuse de la banlieue nord de Paris sont atteints par le virus du SIDA. RFA Environnement. Après la catastrophe de Tchernobyl, le chancelier Kohl annonce la création d’un superministère de l’Environnement, chargé downloadModeText.vue.download 73 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 72 notamment de la sécurité des centrales nucléaires. Mercredi 4 FRANCE Élections. Après l’adoption par le Sénat du projet de loi rétablissant le scrutin majoritaire pour l’élection des députés, celui-ci est définitivement adopté. Les socialistes saisissent le Conseil constitutionnel. Économie. Le Conseil des ministres fixe les objectifs du budget pour 1987. Le déficit sera réduit de 20 milliards de francs et les impôts diminués d’autant. PHILIPPINES Économie. Le secrétaire d’État américain George Shultz rend hommage à la politique de la présidente Corazón Aquíno et appelle les hommes d’affaires à investir aux Philippines. Jeudi 5 FRANCE Nucléaire. À Évry, jusqu’au 8, réunion de la 5e convention sur le désarmement nucléaire en Europe (CODENE). Médecine. On apprend que deux chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris travaillant dans des laboratoires de biologie moléculaire et de manipulations génétiques sont morts de cancer et qu’un troisième est actuellement atteint de cette même maladie. Le 17, l’Institut Pasteur reconnaît officiellement que cinq chercheurs ont été atteints de cancer. PHILIPPINES Terrorisme. Enlèvement d’un missionnaire français, le père Michel de Gigord, aumônier à l’université de Mindanao. Il est libéré le 25. Vendredi 6 FRANCE Audiovisuel. RTL et Europe 1 diffusent sur modulation de fréquence à Paris et dans la région parisienne. Culture. Au lycée autogéré de Paris, jusqu’au 9, premier festival d’Art ado (adolescent). Cinéma. Journée du documentaire. URSS Diplomatie. Un consulat chinois est ouvert à Leningrad (! Chine). CHINE Diplomatie. Un consulat soviétique est ouvert à Shanghai (! URSS). Samedi 7 FRANCE Relations internationales. Le gouvernement contraint le chef des Moudjahidin du Peuple iraniens, M. Massoud Radjavi, qui vient de passer cinq ans en exil, à quitter la France pour l’Iraq. Cette initiative répond à l’une des conditions posées par Téhéran à la normalisation de ses relations avec la France. Une deuxième downloadModeText.vue.download 74 sur 502 CHRONOLOGIE 73 exigence, le paiement de la dette d’Eurodif à l’Iran, est en cours d’examen. Justice. À Ajaccio, le procès d’Antoine Recco, accusé des meurtres de Monique Clément et d’Isabelle Cauchon, s’achève par la condamnation de celui-ci à la réclusion à perpétuité. Faits divers. À Douai, incendie du CES Streinger, provoqué par un élève mécontent. Le bâtiment, de type « Pailleron », s’est entièrement consumé en quelques instants. Musique. Semaine des Musiques du monde arabe, organisée par l’Institut du monde arabe de Paris. RFA Environnement. Jusqu’au 8, violentes manifestations antinucléaires autour de diverses centrales. On procède à une centaine d’arrestations et 100 personnes environ sont blessées. IRAN ! France Dimanche 8 FRANCE Emploi. Le projet de loi supprimant l’autorisation administrative de licenciement, présenté par M. Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales, est adopté par l’Assemblée nationale. Sports. Le Tchécoslovaque Ivan Lendl remporte les Internationaux de France de tennis en battant le Suédois Mikael Pernfors. Chez les femmes, Chris Evert-Lloyd a obtenu son septième titre après sa victoire sur Martina Navratilova (le 7). Roger Quemener remporte la 40e édition de la marche Paris-Colmar en 62 heures 27 minutes (8,278 km/h). AUTRICHE Élections présidentielles. Le candidat conservateur, M. Kurt Waldheim, remporte les élections avec 53,9 p. 100 des voix, malgré les révélations faites sur ses activités pendant la période nazie. Lundi 9 FRANCE Mer. 300 chalutiers espagnols bloquent le port d’Hendaye, en protestation contre l’interdiction qui leur est faite par le gouvernement français d’accéder à une zone de pêche située au large de l’embouchure de la Bidassoa. Le blocus est levé le 12. AUTRICHE Gouvernement. Après l’élection de M. Kurt Waldheim, le chancelier Fred Sinowatz démissionne. Le ministre des Finances, M. Franz Vranitzky, lui succède. MM. Leopold Gratz, ministre des Affaires étrangères, et Günter Haiden, ministre de l’Agriculture, démissionnent le 10. AFRIQUE DU SUD Troubles. Reprise des affrontements entre « pères » (vigiles noirs) et Noirs anti-apartheid, au township de Cross-roads, près du Cap. 17 morts, plusieurs dizaines de blessés et 6 000 sans-abri. ÉTATS!UNIS Espace. La commission d’enquête sur la destruction de la navette Challenger rend son verdict officiel. C’est bien la défaillance des joints du réservoir d’appoint droit qui est à l’oridownloadModeText.vue.download 75 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 74 gine de l’accident. Le rapport met en cause les négligences de la NASA. Mardi 10 FRANCE Scandale. L’ancien ministre de la Coopération, M. Christian Nucci, est maintenant directement impliqué dans l’affaire du Carrefour du développement. Culture. Inauguration du musée consacré à Napoléon Ier au château de Fontainebleau. IRLANDE DU NORD Troubles. Nouveaux attentats de l’IRA près de la frontière avec la République d’Irlande. L’armée et la police de l’Ulster sont visées. Le Parlement d’Irlande du Nord est dissous le 12. NOUVELLE!CALÉDONIE Statut. Le Sénat français adopte en première lecture le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie après l’avoir modifié, notamment pour rétablir certains pouvoirs des conseils de région. Mercredi 11 EST!OUEST À Budapest, lors du sommet du pacte de Varsovie, M. Gorbatchev propose de réduire d’un quart les forces nucléaires et conventionnelles des deux camps stationnées en Europe « de l’Atlantique à l’Oural ». De son côté, soucieux de rassurer le Congrès et ses alliés, M. Reagan assouplit son attitude sur le contrôle des armements. FRANCE Immigration. Le ministre de l’Intérieur, M. Pasqua, présente son projet de loi sur le statut des étrangers. Syndicats. À Paris, une grève de la RATP, d’une ampleur sans égale depuis 1977, suivie par six syndicats sur sept, paralyse la quasi-totalité du trafic. En rapport avec l’éviction de M. Paul Quin de la direction de la régie, elle traduit le refus du plan gouvernemental d’économies de 80 millions de F. du budget de fonctionnement et celui de la suppression de 200 emplois et de 200 millions de francs dans son budget d’investissement. Communication. Le Conseil des ministres adopte le projet de loi « relatif à la liberté de la communication » de M. Léotard. Une « Commission nationale de la communication et des libertés » de neuf membres doit succéder à la Haute Autorité. Celle-ci contrôlera la privatisation de TF1, la réattribution de la « 5 » et de TV6, la création des télévisions locales, la politique du câble et des satellites. LIBAN Conflit. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, M. Mohammad Becharati, parraine la première opération d’évacuation de blessés palestiniens du camp de Bourj elBarajneh, près de Beyrouth, heureuse issue d’une opération de médiation entre le mouvement chiite Amal et les organisations palestiniennes. CORÉE DU SUD Droits de l’homme. Publication d’un rapport d’Amnesty International sur la répression des opposants au régime. downloadModeText.vue.download 76 sur 502 CHRONOLOGIE 75 SRI LANKA Tamouls. Dans le nord-est du pays, 18 personnes sont tuées et 70 autres blessées lors de l’explosion de bombes placées dans deux autocars. À Colombo, trois autres personnes sont tuées dans l’explosion d’un cinéma. Ces attentats sont attribués aux séparatistes tamouls. NICARAGUA Otages. Les huit coopérants ouest-allemands détenus depuis le 17 mai par les « contras », les guérilleros opposés au régime, sont libérés. Jeudi 12 FRANCE Transports. La grève de la SNCF, orchestrée par la seule CGT, ne connaît pas l’ampleur de celle de la veille, à la RATP On dénombre environ 20 p. 100 de grévistes. Enseignement. MM. René Monory et Alain Devaquet présentent les grandes lignes du projet de loi sur l’enseignement supérieur, qui doit être soumis au Conseil des ministres du 25 juin. Il vise à accorder une plus grande autonomie aux universités, notamment pour le recrutement des étudiants, tout en réaffirmant le droit de tout bachelier d’accéder à l’université. Ce projet est mal reçu par la gauche comme par la droite. AFRIQUE DU SUD Troubles. Quatre jours avant le dixième anniversaire des manifestations de Soweto, le président Pieter Botha décrète l’état d’urgence dans l’ensemble du pays. Vendredi 13 FRANCE Justice. Le vigile meurtrier du clochard des Halles (24 décembre 1981), Gilles Gérunville, est condamné à huit ans de réclusion. Administration. M. Jean Méo est nommé nouveau président de l’Institut français du pétrole (IFP), en remplacement de M. Pierre Desprairies. POLOGNE Solidarité. M. Viktor Kulerski remplace M. Zbigniew Bujak (arrêté le 31 mai) au sein de la direction du syndicat. Samedi 14 ITALIE Terrorisme. 19 personnes liées à des organisations d’extrême droite italiennes sont inculpées pour l’attentat contre la gare de Bologne de 1980. Lettres : Borges L’écrivain argentin Jorge Luis Borges s’éteint à Genève le 14 juin. Né à Buenos Aires le 24 août 1899, Borges complète son éducation en Europe de 1914 à 1921, en Suisse notamment, avant de retourner dans sa ville natale et de se consacrer à la carrière littéraire qui a fait de lui, loin des préoccupations sociales des auteurs hispano-américains de son temps, un maître du fantastique. Sa culture universelle, son attirance pour les écrivains oubliés ou apocryphes pour la kabbale, son humour et son goût pour les jeux cérébraux donnent naissance dans son oeuvre à d’étonnantes parodies d’érudition. Outre ses nouvelles (Fictions, 1944 ; l’Aleph, 1949 ; le Livre de sable, 1975) où, dans un univers tissé de downloadModeText.vue.download 77 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 76 symboles, l’anachronique et la mystification se combinent avec la précision logique de l’écriture dans une tentative de résolution des problèmes de l’identité et du temps outre ses poèmes (Fervor de Buenos Aires, 1923 ; Obra poetica, 1964), il donne des nouvelles policières et des essais avec A. Bioy Casares, sous le pseudonyme de H. Bustos Domecq. Pratiquement aveugle à la suite d’un accident en 1938, il devient directeur de la Bibliothèque nationale en 1955, après la chute de Péron, à laquelle il n’est pas étranger, en dépit de prises de position souvent provocatrices en faveur des dictatures, qui traduisent surtout son refus de tout engagement. Dimanche 15 FRANCE Terrorisme. À Bastia, le FLNC fait exploser l’immeuble de la Direction départementale de l’équipement après avoir évacué les gardiens et pris en otage leur fils de 10 ans. CHINE Espace. À la suite d’un accord passé avec la compagnie américaine Hughes Aircraft, la Chine accepte de lancer des satellites américains avec ses fusées « Longue Marche II », à partir d’un centre de lancement qui serait construit à Hawaii. Lundi 16 ONU Conférences. À Paris, jusqu’au 20, se tient la conférence mondiale réunie pour décider d’éventuelles sanctions contre l’Afrique du Sud. Les ÉtatsUnis, la Grande-Bretagne et la RFA ne sont pas représentés. FRANCE Relations internationales. Dans le cadre d’une tournée qui le conduit dans les pays de la CEE : Grande-Bretagne jusqu’au 13, RFA jusqu’au 15, Italie les 19 et 20, le secrétaire général du parti communiste chinois, M. Hu Yaobang, arrive en France pour une visite officielle de trois jours. Sociétés. Les frères Willot quittent le groupe Boussac en vendant leur participation de 16 p. 100 dans le capital de la Société foncière et financière Agache-Willot (61,2 p. 100 de Boussac). Affaire Greenpeace. Le secrétaire général de l’ONU, M. Javier Perez de Cuellar, accepte de jouer un rôle de médiateur entre la France et la Nouvelle- Zélande sur le sort des époux Turenge. Théâtre. Jusqu’au 29, le théâtre Mogador de Paris accueille, pour la première fois en France, les deux plus grands acteurs du théâtre kabuki japonais, Takao et Tamasaburo. CHINE ! France INDE Communautés. 10 000 hindous défilent dans les rues de New Delhi en protestation contre les assassinats des leurs par les sikhs indépendants du Pendjab. Leurs slogans poussent M. Rajiv Gandhi à l’action ou à la démission. AFRIQUE DU SUD Troubles. Au cours de la journée anniversaire des émeutes de Soweto et pendant la nuit qui suit, onze personnes sont tuées au cours d’incidents isolés, qui ont lieu pour la plupart à l’est de la province du Cap. downloadModeText.vue.download 78 sur 502 CHRONOLOGIE 77 Mardi 17 FRANCE Justice. Le ministre, M. Albin Chalandon, précise son projet de privatisation des prisons. Grâce au financement privé, remboursable par un système de leasing, M. Chalandon estime que 20 000 places supplémentaires devraient être créées rapidement. Seul, le gardiennage resterait du domaine public. Syndicats. La grève des fonctionnaires organisée par la CGT, la CFDT et FO touche plus particulièrement les PTT. Transports maritimes. Le secrétaire d’État à la Mer, M. Ambroise Guellec, signe l’arrêté qui rend officielle l’immatriculation des navires français sous le pavillon des îles Kerguelen. Cette possibilité est offerte à tous les navires de transport, sauf à ceux qui acheminent du pétrole brut. Art. Au musée des Beaux-Arts de Dijon, la donation Granville vient enrichir les collections de 300 peintures, dessins, sculptures et objets d’art. ESPAGNE Terrorisme. Trois militaires sont assassinés par le « commando Madrid » de l’ETA. Parmi les victimes figure le commandant Ricardo Saenz de Inestrillas, officier ultra, auteur, plusieurs années auparavant, d’une tentative de coup d’État contre le Premier ministre Adolfo Suarez. Mercredi 18 FRANCE Syndicats. Dans la matinée, grève surprise de la SNCF sur trois lignes de la région parisienne, à la suite d’une sanction prise par la direction à rencontre d’un conducteur. 120 000 banlieusards sont en difficulté. Construction navale. Le naufrage des chantiers navals En confirmant, le 18, sa décision de ne plus verser d’aides exceptionnelles à la construction navale française, M. Alain Madelin, le ministre de l’Industrie, entend mettre fin à une situation d’aberration économique qui pèse sur ce secteur depuis dix ans, en même temps qu’il fait faire d’appréciables économies à l’État. Au cours des trois dernières années, les deux groupes français, Normed, chantiers de Dunkerque, de La Seyne et de La Ciotat, en situation de dépôt de bilan fin 1983, et Alsthom, Nantes et Saint-Nazaire, ont reçu 12,5 milliards de francs d’aides publiques. La surcapacité de la flotte marchande française a expliqué la crise de la construction navale. Trop de navires – près de 300, une surcapacité de 25 p. 100 selon les rapports –, pour trop peu de marchandises à transporter, donc une demande de bâtiments neufs réduite d’autant, une situation qui entraîne des coûts de fonctionnement inutilement élevés Les aides de l’État, équivalentes à 300 000 francs par an et par salarié, ont perdu leur raison d’être dans le cas d’une entreprise comme la Normed, au carnet de commandes désespérément vide. Après la décision du ministère de l’Industrie, Normed se déclare en cessation de paiement le 24. Le 26, M. Madelin annonce un plan social qui propose notamment un contrat de reconversion de deux ans ou l’attribution d’un capital de départ de 200 000 francs au moins, pour ceux qui le préféreraient. Les sites de downloadModeText.vue.download 79 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 78 Dunkerque et de La Seyne seront transformés en « zones franches d’entreprises », à la disposition d’éventuels repreneurs. Médecine. À l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, naissance de Vincent et de Camille, les deux premiers jumeaux français issus de deux embryons congelés. ITALIE Terrorisme. À Gênes, ouverture du procès des pirates de l’Achille-Lauro (7 octobre 1985). Abou Abbas, chef du Front de libération de la Palestine et principal accusé, est absent. SRI LANKA Administration. Adoption par le gouvernement d’un plan de « réorganisation administrative » qui ne satisfait ni les séparatistes tamouls ni les nationalistes cinghalais. PÉROU Troubles. Jusqu’au 19, mutineries dans trois prisons proches de Lima, conduites par les condamnés politiques du Sentier lumineux. 700 prisonniers au total se révoltent. La répression militaire, à l’aide de missiles antichars et de roquettes, fait environ 300 morts. Jeudi 19 FRANCE Presse. Dans la nuit du 18 au 19, vote par les députés du RPR, de l’UDF et du FN de la proposition de loi sénatoriale réformant le statut juridique de la presse. Après l’adoption définitive de celle-ci par le Sénat, le 27, la loi Fillioud est abrogée, ainsi que l’ordonnance de 1944. La liberté de la presse est en passe d’être rétablie, la situation du groupe Hersant régularisée, le texte de loi autorisant les concentrations jusqu’à 30 p. 100, pour la diffusion des quotidiens. Faits divers. Près de Grasse (Alpes-Maritimes), Michel Colucci, dit Coluche, se tue dans un accident de moto. Il était âgé de 41 ans. TCHAD Guerre civile. Le vice-président du GUNT, le colonel Wadal Abdelkader, donne sa démission. TUNISIE Gouvernement. À l’issue du 12e congrès du parti socialiste destourien, le président Bourguiba impose sa maîtrise totale du pouvoir et maintient le Premier ministre, M. Mohammed Mzali, à son poste. Par contre, il écarte du pouvoir la plupart des collaborateurs de ce dernier. ÉTATS!UNIS Défense. La Chambre des représentants adopte une résolution invitant le président Reagan à respecter, en matière d’armements stratégiques, les limites du traité soviéto-américain Salt 2, qui avait été conclu en 1979. Au même moment, M. Reagan reconnaît que les dernières propositions soviétiques de désarmement pourraient marquer un tournant dans les négociations. Vendredi 20 FRANCE Emploi. Dans la nuit du 19 au 20, le projet de loi relatif à la suppression de l’autorisation administrative de licenciement est adopté au Sénat. Criminalité. Nouvel assassinat d’une vieille dame, Maria Poullard, dans le 5e arrondissement de Paris, downloadModeText.vue.download 80 sur 502 CHRONOLOGIE 79 le quatrième en moins d’une semaine, et le dixième depuis le début de l’année. Sociétés. Après trois mois de tractations, clôture de l’« affaire » Valéo avec la reprise de la firme par l’Italien Carlo de Benedetti, P-DG d’Olivetti, qui disposera de 19 p. 100 du capital. M. de Benedetti s’est engagé à ne pas revendre ses parts à des constructeurs automobiles étrangers. Théâtre. Jean-Claude Brialy succède à Nicky Lancel à la direction des Bouffes-Parisiens. LIBAN Otages. Les otages Philippe Rochot et Georges Hansen, deux des quatre membres de l’équipe d’Antenne 2 enlevés le 8 mars 1986, sont libérés le 20 juin. Les deux journalistes, détenus depuis 104 jours par la mystérieuse Organisation de la justice révolutionnaire, ont retrouvé indirectement la liberté grâce au renversement de la tendance politique après les élections législatives du 16 mars : hostiles au socialisme, le Djihad islamique et le régime iranien plus généralement, qui n’a pas manqué de clamer sa satisfaction après le changement de majorité du gouvernement, se sont trouvés alors mieux disposés à l’égard de la France. Même si la nature des rapports entre l’Iran et l’Organisation de la justice révolutionnaire reste obscure, l’idée d’un contrôle des pays islamiques sur le terrorisme de même confession est vraisemblable. Les ravisseurs des otages du Liban, dans les exigences desquels figuraient l’arrêt du soutien à l’Iraq en guerre contre l’Iran et la libération des membres du commando qui, en 1982, avait tenté d’assassiner M. Bakhtiar, ont déclaré, après la libération de MM. Rochot et Hansen, qu’ils entendaient, par ce geste, marquer leur satisfaction après le changement de politique de la France au Moyen-Orient et ajouté que cette remise en liberté était redevable aux interventions de l’Iran, de la Syrie et de l’Algérie : la Syrie, par laquelle les deux otages ont transité avant de regagner Paris et avec qui la France s’applique, en la personne du président Mitterrand particulièrement, à entretenir de bons rapports ; l’Iran, qui a fait l’objet de toutes les attentions diplomatiques françaises – visite à Paris, le 20 mai, du vice-Premier ministre, M. Ali Reza Moayeri, départ, le 7 juin, de M. Massoud Radjavi, le chef de l’opposition iranienne en exil, pour l’Iraq, volonté de résoudre le contentieux financier, qui porte principalement sur le remboursement du prêt d’un milliard de dollars consenti du temps du chah, pour la réalisation du projet Eurodif. Après le retour à Paris de MM. Rochot et Hansen, il reste sept otages français au Liban, Aurel Cornea et Jean-Louis Normandin, d’Antenne 2, Marcel Fontaine et Marcel Carton, tous deux diplomates, Jean-Paul Kauffmann, journaliste, Michel Seurat, chercheur, présumé exécuté le 5 mars, Camille Sontag enfin, dont l’enlèvement n’est pas revendiqué, plus vingt autres prisonniers, de différentes nationalités M. Chirac, qui a assumé la responsabilité des négociations immédiates pour cette victoire, déclare qu’il entend redoubler d’efforts avec ses collaborateurs pour ce qu’il reste à faire : accélération de la discussion pour le règlement du contentieux financier et normalisation des rapports avec Téhéran et Damas. PÉROU Troubles. À Lima, l’ouverture de la réunion de l’Internationale socialiste est précédée par cinq attentats. Européens et Latino-Américains downloadModeText.vue.download 81 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 80 sont divisés sur les questions de la dette et du désarmement. Samedi 21 FRANCE Faits divers. À Honfleur, on retrouve la voiture d’un industriel ouest-allemand, Ulrich Beck, mystérieusement disparu. La personnalité de ce dernier – il s’agit de l’inventeur d’un alliage à base de cobalt et de tungstène capable de résister à de très hautes températures – fait avancer l’hypothèse d’un enlèvement lié à l’espionnage industriel. Dimanche 22 ESPAGNE Élections législatives. À l’issue du scrutin, le parti socialiste de M. Felipe Gonzalez conserve la majorité absolue aux Cortès. Lundi 23 FRANCE Relations internationales. Le professeur Burhannudin Rabbani, porte-parole de la résistance afghane, est reçu par M. Chirac. C’est la première fois qu’un représentant officiel des moudjahidin est reçu à Matignon. Économie. La Bourse de Paris inaugure un marché de cotation en continu. Police. Arrestation de Serge Gaillard (25 ans), le meurtrier de Germaine Charbonnier, l’une des quatre vieilles dames assassinées chez elles à Paris, au cours des huit derniers jours. Il s’agit, semble-t-il, d’un acte criminel isolé. Médecine. À Paris, jusqu’au 25, deuxième conférence internationale sur le SIDA. SIDA et MST Le 23, la deuxième conférence internationale sur le SIDA, qui rassemble 2 800 spécialistes, s’ouvre au palais des Congrès de Paris, suivie, du 25 au 28, du deuxième congrès mondial sur les MST (maladies sexuellement transmissibles). Le docteur Alphan Mahler, directeur de l’OMS, donne des chiffres alarmants : 5 à 10 millions de personnes infectées sont susceptibles de transmettre le virus ; il y a environ 100 000 cas de malades avérés. L’Afrique, où 6 p. 100 de la population est contaminée, est le continent le plus touché. L’Europe connaît une augmentation continue des cas de 163 p. 100 depuis 1981. Aux ÉtatsUnis, 22 000 personnes ont été atteintes en cinq ans et l’on a enregistré 12 000 décès ; là, le coût du SIDA dépasse le coût total du budget pour l’ensemble de toutes les maladies infectieuses. En France, on a recensé 700 cas sur 2 500 en Europe, 100 000 à 200 000 personnes sont contaminées. Si, dans les pays développés 70 p. 100 des sujets infectés sont homosexuels, le SIDA peut être néanmoins contracté au cours de relations hétérosexuelles. Transmissible par le sperme, le virus du SIDA l’est aussi par le sang et les cas de SIDA dus à la toxicomanie ont triplé en un an. En réponse à ces données inquiétantes, la recherche a nettement progressé sur les vaccins que l’on tente de mettre au point. Si la maladie est mortelle – elle est basée sur une défaillance du système immunitaire –, les médecins commencent à élaborer des lignes de défense combinant les antiviraux, les imdownloadModeText.vue.download 82 sur 502 CHRONOLOGIE 81 muno-modulateurs, les greffes de moelle et les transfusions cellulaires. Bien moins préoccupant en revanche est l’état de la recherche sur les MST Toutes sont connues et curables C’est l’ignorance des populations à risque qui explique leur extension. Pour minimiser les risques de contamination, pour les MST comme pour le SIDA, l’OMS préconise l’usage des préservatifs. Le 23, le ministre français de la Santé, Mme Michèle Barzach, annonce l’abrogation de la loi interdisant la publicité sur les préservatifs. AFGHANISTAN ! France Mardi 24 EUROPE Agriculture. Accord entre les Douze pour la suppression des montants compensatoires négatifs sur le porc. FRANCE Sécurité. À l’Assemblée nationale, début de la discussion du premier des quatre projets de loi sur la sécurité du nouveau ministre de la Justice, M. Albin Chalandon, concernant la lutte contre le terrorisme. Immigration. Les autorités religieuses, dont Mgr Decourtray, archevêque de Lyon, et Cheikh Abbas, recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris, se mobilisent contre le projet de loi Pasqua-Pandraud sur l’immigration. NOUVELLE!CALÉDONIE Justice. La cour d’assises de Nouméa condamne à dix ans de réclusion criminelle Sylvestre Némouaré, le principal accusé de la fusillade de Koindé qui, le 10 juin 1983, coûta la vie à deux gendarmes. Mercredi 25 FRANCE Économie. Le collectif budgétaire est définitivement adopté par le Parlement. Industrie. Le rapport que M. Jean Gandois remet au gouvernement prévoit quelques milliers de suppressions d’emplois dans la sidérurgie. Criminalité. Virginie Couturier, 5 ans, est violée et noyée dans la Sarthe. Médecine. À Paris, jusqu’au 28, deuxième congrès mondial sur les MST. BELGIQUE Scandale. Ancien Premier ministre, M. Paul Vanden Boeynants est accusé de fraude fiscale. YOUGOSLAVIE Politique intérieure. Le 13e congrès du Parti communiste se tient jusqu’au 28, au milieu du malaise politique et économique, accru par le problème des nationalités. AFGHANISTAN Guerre. À Herat et dans le Sud-Est, violents combats entre les troupes soviétiques et afghanes. Les Soviétiques tentent de reprendre la ville d’Herat, occupée par les résistants le 16 juin. CUBA ! Brésil MEXIQUE Économie. La Banque centrale américaine approuve l’allocation d’un crédit supplémentaire de 1,5 milliard de dollars au Mexique pour lui downloadModeText.vue.download 83 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 82 permettre de poursuivre le paiement de sa dette extérieure. BRÉSIL Diplomatie. Rétablissement des relations avec Cuba, interrompues en 1964. PÉROU Guérilla. À Cuzco, un attentat des guérilleros du Sentier lumineux contre un train de touristes fait huit morts. Jeudi 26 CEE Au sommet de La Haye (jusqu’au 27), où MM. Mitterrand et Chirac sont présents, la priorité est donnée à l’Afrique du Sud et à la sécurité nucléaire, à l’ordre du jour après la catastrophe de Tchernobyl. FRANCE Politique intérieure. Le Conseil constitutionnel valide « avec des réserves » la loi d’habilitation économique et sociale, adoptée par le Sénat le 2, qui autorise le gouvernement à agir par ordonnances dans le domaine économique et social, notamment pour ce qui concerne la privatisation. Académie française. Élection de M. Jacques Laurent au fauteuil de Fernand Braudel. RÉPUBLIQUE D’IRLANDE Société. La légalisation du divorce, examinée par référendum, est rejetée par une majorité de 63,5 p. 100 des suffrages. JAPON Construction navale. D’après un rapport récent, la capacité de production devra être diminuée de moitié pour 1988, et plusieurs milliers d’emplois devront être supprimés dans ce secteur. Vendredi 27 FRANCE Presse. Adoption par le Sénat de la proposition de loi modifiant le statut juridique de la presse. Les députés socialistes saisissent le Conseil constitutionnel. ITALIE Gouvernement. Mis en minorité après le rejet par la Chambre des députés d’un projet de loi gouvernemental organisant la répartition des fonds de l’État entre les collectivités locales, le président du Conseil, M. Bettino Craxi, démissionne. AFRIQUE DU SUD Sanctions. Au sommet de La Haye, la CEE décide d’accorder trois mois au président Botha pour libérer Nelson Mandela et reconnaître l’ANC. NICARAGUA Gouvernement. Après le vote par le Congrès américain, le 25, d’une aide de 100 millions de dollars à la contra, le gouvernement riposte en décrétant l’état d’urgence et en fermant le principal journal d’opposition, la Prensa. Samedi 28 FRANCE Partis politiques. Au Pré-Saint-Gervais, réunion de la convention du Parti socialiste. Ce dernier crée un conseil national de la gauche, ouvert aux communistes, aux centristes et aux écologistes. downloadModeText.vue.download 84 sur 502 CHRONOLOGIE 83 Dimanche 29 SPORT Football. Vainqueurs, à Mexico, de la République fédérale d’Allemagne par 3 buts à 2, les Argentins remportent la Coupe du monde. La France est troisième. FRANCE Catastrophes. À Villeurbanne, un transformateur EDF prend feu. On redoute particulièrement l’écoulement du pyralène, qui, sous l’effet de la chaleur, se transforme en dioxine. POLOGNE Vie politique. Ouverture à Varsovie du 10e congrès du Parti ouvrier unifié. M. Gorbatchev est invité. Lundi 30 EUROPE Technologie. Quarante ministres des 19 pays participant au programme Eurêka sont réunis en sommet à Londres. Ils examinent 60 nouveaux projets de coopération technologique. LIBYE ! États-Unis ÉTATS!UNIS Politique extérieure. À la demande de M. Reagan, toutes les compagnies américaines présentes en Libye cessent leur activité. Le mois de Michel Hidalgo Le football n’est plus seulement un jeu, c’est un phénomène social incomparable, un tissu qui rassemble les hommes. Le football réunit dans son contenu toutes les passions du monde. Toute la folie généreuse dont ils ont besoin pour se dérider. Les Grecs avaient créé les jeux Olympiques. Les Romains les jeux du cirque. Qu’y a-t-il de changé aujourd’hui, sinon que les gladiateurs du parc des Princes, de Maracana ou du stade Asteca portent des souliers à crampons et des maillots de soie ? Les hommes ne sont plus dans l’arène. Mais il y a le jugement du public qui condamne ou qui sauve. Et la terrible pression des médias. Le treizième rendez-vous au sommet, celui du Mundial de Mexico, n’a fait que confirmer les effets d’une amplitude qui conduit le football vers la cinquième dimension. Il a construit en quelques jours des réputations. Il en a défait. Il a sorti des révélations de ses pochettes surprises, il a fait naître des déceptions cruelles. Au milieu de son tumulte, il nous a offert des images d’une pureté artistique exceptionnelle et des situations dramatiques aux dénouements inattendus. C’est son charme. Ce sont ses secrets. Et c’est la certitude de sa continuité. Pourtant, au milieu de la fête perpétuelle qui nous entraînait au rythme des Mariachis, je n’ai pas aimé la découverte de la misère à Neza. Quel anachronisme, ce stade émergeant comme un défi au milieu du plus grand bidonville du monde ! J’ai été ému par cette population modestement endimanchée, regardant défiler, sans haine ni rancune, les privilégiés se rendant au match dans de belles autos. J’aurais aimé emmener un de ces enfants avec moi. Je n’ai pas aimé davantage la prudence excessive des techniciens, l’attentisme languissant du premier tour et j’ai même détesté quelques matches où le football et l’esprit du jeu ont été réellement assassinés. Mais j’ai aimé la spontanéité et la vie de la Corée du Sud venue élargir les frontières de notre sport. J’ai apprécié la performance historique du Maroc et j’ai pris du plaisir en admirant la qualité, l’enthousiasme, la joie de jouer du Danemark et de l’URSS. Deux équipes qui avaient renoncé aux sombres calculs stratégiques dans une compétition downloadModeText.vue.download 85 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 84 trop souvent sous l’emprise d’un jeu économique. J’ai beaucoup aimé l’équipe de France, discrète, puis souveraine pour arracher la couronne de champion du monde des ténors italiens. J’ai été ému par la parfaite expression collective de son talent devant le Brésil chatoyant et j’ai été triste lorsque les Allemands sont venus briser notre beau rêve. La troisième place m’a réconforté, parce qu’une équipe a dessiné à travers elle, à Puebla, d’autres lendemains. Mais j’ai d’abord tressailli de bonheur lorsque le gamin de Buenos Aires, Diable et Bon Dieu de nos grand-messes, a sublimé l’Argentine pour la mener jusqu’à la conquête suprême. Diego Maradona, équipier de luxe, oubliant son orgueil pour mettre tous ses dons au service des autres. C’est cela, la vérité du football. MICHEL HIDALGO Météo : le Printemps Avril 1986 restera dans les mémoires : ce mois n’avait jamais été plus hivernal depuis... 1879. Les températures ont été inférieures, voire très inférieures aux normales sur l’ensemble du territoire. Ainsi de nombreux records de froid ont-ils été enregistrés pendant la première quinzaine : – 4,1 °C à Lorient, – 3,3 °C à Deauville et – 7,9 °C à ChâteauChinon le 12. Les précipitations, quant à elles, imputables à la permanence d’un temps perturbé, sont globalement excédentaires. Toutefois, les réserves en eau du sol restent faibles en Languedoc-Roussillon, Côte d’Azur et Beauce ainsi que dans les départements de Loire et du Puy-de-Dôme ; le rapport R/RU de la réserve en eau disponible à la réserve utile n’est que de 70 p. 100 dans ces régions. Les chutes de neige ont été fréquentes et abondantes sur les massifs montagneux : sur les Pyrénées le 6, dans le sud-ouest du Massif central le 8, sur les Alpes les 8 et 9 et entre le 19 et le 28. Entre le 11 et le 13 avril, il a également neigé en Picardie, dans le Nivernais et le Berry et même dans le Midi toulousain. L’insolation est anormalement faible et de nombreux records de déficience ont été battus : 86 heures à Lyon et 99 heures à Mâcon, au lieu de 104 et 113 heures, records de 1983. L’abondance des pluies a provoqué la crue de nombreux cours d’eau dont la Saône, le Doubs, le Rhône, la Seine, la Meuse, la Dor- dogne et la Durance ; ces crues n’ont heureusement revêtu aucun caractère exceptionnel. Avalanches, glissements et écroulements de terrain, effondrement de chaussées, rupture de câbles électriques due à la neige (65 000 abonnés du Midi toulousain ont été privés d’électricité à la fin de la première décade), interruptions locales et temporaires du trafic routier et ferroviaire, ont été les autres conséquences des intempéries d’avril. downloadModeText.vue.download 86 sur 502 CHRONOLOGIE 85 Printemps tardif canicule quand même ! Le printemps ne s’est réellement manifesté qu’en mai : le mois a été caractérisé par des températures moyennes voisines des normales sur la façade atlantique et supérieure dans les autres régions. Des températures inhabituelles ont été relevées : 32,3 °C à Mont-de-Marsan le 17, 31,3 °C à Cazaux le 19 pour les températures maximales, 15,3 °C à Saint-Dizier et 16,1 °C à Millau pour les températures minimales. Les précipitations ont été déficitaires dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse, normales sur le reste du pays. Le nombre élevé de jours de pluie et la fréquence des orages s’expliquent par les caractères de la circulation atmosphérique au-dessus de l’Europe occidentale. À la fin du mois de mai, le rapport R/RU est inférieur à 30 p. 100 dans le Languedoc-Roussillon ; ce déficit en eau du sol, qui explique le démarrage précoce de l’irrigation des cultures, crée déjà des conditions favorables aux feux de forêts. L’insolation n’a été supérieure à la moyenne que dans le Nord et dans les régions littorales de l’Atlantique et de la Méditerranée. En somme, un mois de mai doux et modérément pluvieux. L’événement climatique du mois de juin 1986 fut sans conteste le vigoureux contraste entre la fraîcheur de la première quinzaine et les très fortes chaleurs de la seconde moitié du mois. Des températures minimales exceptionnellement basses ont été mesurées le 1er et le 2 et du 5 au 9 : 6,5 °C à Hyères le 1er ; 3,5 °C à Mont-Saint-Vincent le 5 ; 1,1 °C à Romorantin le 7..., alors que des températures maximales particulièrement élevées ont été relevées du 25 au 30 : 35,8 °C au Mans, 35,9 °C à Bourges, 34,4 °C à Paris le 28. Alors que la canicule sévissait tant en France que sur l’Europe occidentale, le sud de l’URSS (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) a connu une vague de froid sans précédent. La grêle dévaste le vignoble d’Anjou Les pluies ont été excédentaires en Bretagne, Haute-Normandie et Corse et déficitaires dans le Centre-Est, le Sud-Ouest et le Sud-Est. À partir du 15, l’insolation, les températures supérieures aux normales et l’advection d’air océanique tiède ont été à l’origine de plusieurs épisodes pluvio-orageux, du 12 au 18, du 19 au 23 et du 29 au 30 juin. Le 21 juin, les orages et les tornades de grêle, très localisés, qui se sont abattus sur le Maine-et-Loire ont dévasté les cultures et ravagé en partie les vignobles d’Anjou. Au terme de la 3e décade de juin le déficit en eau du sol est important (R/RU ≤ 40 p. 100) dans les régions Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse, Centre, Pays de Loire, PoitouCharentes et Midi-Pyrénées (à l’exception des Pyrénées atlantiques et centrales). Juin 1986, en raison de ses caractères climatiques contrastés, a assuré une brutale transition entre le printemps froid et pluvieux et l’été qui s’annonce chaud et sec. PHILIPPE CHAMARD downloadModeText.vue.download 87 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 86 Juillet Mardi 1er ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II se rend en Colombie pour un voyage officiel d’une semaine. EUROPE Relations internationales. Jusqu’au 26 juillet, tournée du Premier ministre chinois Zhao Ziyang en Roumanie, en Yougoslavie, en Grèce, en Espagne et en Turquie. Affaires culturelles. Visite de M. Mitterrand à Florence, consacrée « capitale européenne de la culture ». CEE ! Chine FRANCE Sécurité sociale. M. Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales, présente son plan de financement. Il est prévu que la cotisation vieillesse augmente de 0,7 p. 100 le 1er août, et une contribution de 0,4 p. 100 sur les revenus imposables de 1986 et 1987 est instituée. Au total, ce sont 20 milliards de francs de prélèvements supplémentaires qui viendront combler les déficits prévus pour 1986 et 1987. ITALIE ! Europe YÉMEN Relations internationales. À Tripoli, en Libye, première rencontre depuis la guerre civile, entre les présidents des deux Yémens. CHINE Idéologie. Le secrétaire général du PC, M. Hu Yaobang, qualifie la Révolution culturelle de « catastrophe pour le parti et l’État » et reproche à Mao Zedong son intolérance. Relations internationales. M. Jacques Delors, président de la Commission européenne, arrive à Pékin pour une visite officielle de cinq jours. CHINE ! Europe AFRIQUE DU SUD Opposition. La COSATU, principale fédération de Syndicats noirs (500 000 adhérents revendi- qués), annonce un « programme d’action » contre le régime. Le même jour, une bombe explose à Johannesburg, près d’un arrêt d’autobus, blessant huit personnes, dont deux jeunes enfants. PÉROU Gouvernement. Le ministre de la Justice, M. Luis Gonzales Posada, démissionne. Il avait été mis en cause par l’opposition après le massacre de plusieurs dizaines de guérilleros maoïstes du Sentier lumineux emprisonnés à Lima. Mercredi 2 ÉGLISE CATHOLIQUE À Bogota, en Colombie, le pape JeanPaul II dénonce la tentation de la violence ainsi que la lutte des classes et plaide pour la justice sociale. CEE Commerce international. Les États-Unis sont autorisés à poursuivre leurs exportations de maïs vers l’Espagne. La Communauté européenne espère ainsi bénéficier du report des représailles comdownloadModeText.vue.download 88 sur 502 CHRONOLOGIE 87 merciales annoncées par Washington à son encontre. FRANCE Université. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, M. Alain Devaquet, annule la soutenance de thèse de M. Henri Roques selon laquelle l’existence des chambres à gaz nazies ne serait pas formellement établie. URSS Musique. À Moscou, un jeune violoniste français, M. Raphaël Gly, remporte le premier prix de violon du concours Tchaïkovski. IRAQ!IRAN Conflit. Téhéran annonce la reprise de la ville de Mehran, dans l’ouest du pays. ÉTATS!UNIS ! CEE PHILIPPINES Vie politique. Début des pourparlers officiels entre le gouvernement Aquino et la guérilla communiste. COLOMBIE ! Église catholique Jeudi 3 FRANCE Politique intérieure. Publication au Journal officiel de la loi autorisant le gouvernement à agir par ordonnances dans le domaine économique et social. Politique sociale. M. François Mitterrand signe la loi supprimant l’autorisation administrative de licenciement. Société. L’Assemblée nationale adopte le projet de loi rétablissant les contrôles d’identité. Environnement. À Villeurbanne, à la suite de l’incendie des transformateurs d’EDF, plusieurs centaines de litres de pyralène pénètrent dans le soussol de la région (! 29 juin). Faits divers. Une agression contre la Banque de France de Saint-Nazaire rapporte 88 millions de francs à ses auteurs. C’est le plus important hold-up jamais commis en France, après celui de la Société générale à Nice en 1976 (46 millions, soit 100 millions de francs actuels). KOWEÏT Politique intérieure. L’émir Cheikh Djaber el Ahmed el Sabah dissout l’Assemblée nationale et accepte la démission du gouvernement. Vendredi 4 Biologie. À Adélaïde (Australie), des jumeaux sont les premiers enfants au monde à naître après congélation d’ovule. FRANCE Relations internationales. ! États-Unis Faits divers. Près de Bollène (Vaucluse), un jeune gendarme auxiliaire est tué et un autre blessé par des malfrats qui venaient de commettre un hold-up et dont l’un se révèle appartenir au conseil municipal de Carros (Alpes-Maritimes). downloadModeText.vue.download 89 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 88 LIBAN Occupation syrienne. Pour la première fois depuis 1982, des soldats syriens ont fait leur réapparition à Beyrouth-Ouest. ÉTATS!UNIS Relations internationales. À l’occasion de sa visite officielle à New York pour le centenaire de la statue de la Liberté (le 3), M. François Mitterrand s’entretient avec le président Reagan. Extradition de M. José Lopez Rega, éminence grise du gouvernement Peron de 1973 à 1975 et considéré comme responsable de huit meurtres commis par l’Alliance anticommuniste argentine dont il aurait été le chef. Samedi 5 SPORT Tennis. L’Américaine Martina Navratilova remporte la finale dames de Wimbledon devant la Tchécoslovaque Hana Mandlikova. Le lendemain, l’Allemand de l’Ouest Boris Becker, 18 ans, est vainqueur de la finale masculine. FRANCE Faits divers. À Paris, un jeune homme de 28 ans, Loïc Lefebvre, après avoir emprunté un sens interdit avec son véhicule et fui à pied pour éviter un contrôle de police, est finalement abattu par un CRS qui invoque la légitime défense, mais est inculpé et placé sous contrôle judiciaire. CHINE Politique économique. Une dévaluation du yuan de 15,8 p. 100 est effectuée dans le but de réduire le déficit commercial (7,6 milliards de dollars en 1985). ÉGYPTE Économie. Le président de la Compagnie du canal de Suez, M. Mohammed Ezzat Adel, annonce que, pour la première fois, les revenus du canal de Suez ont dépassé le milliard de dollars au cours de l’année fiscale 19851986. Ils constituent la troisième source de devises, après les envois des Égyptiens de l’étranger et l’exploitation du pétrole. Dimanche 6 FRANCE Vie politique. Les élections cantonales partielles de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) sont remportées au second tour par le candidat RPRUDF, M. Rastoin (57,6 p. 100 des voix), grâce au retrait du candidat du FN, M. Domenech (26,4 p. 100 des voix au 1er tour). Terrorisme. Le mouvement Action directe revendique deux attentats commis à Paris contre les sociétés Thomson et l’Air liquide, et réclame l’arrêt de la « collaboration capitaliste » avec l’Afrique du Sud. Sport automobile. Au Castellet (Var), l’Anglais Nigel Mansell, sur Williams, remporte le 72e Grand Prix de France de formule 1, avec 17 secondes d’avance sur le Français Alain Prost, qui occupe la première place au Championnat du monde des conducteurs. TCHÉCOSLOVAQUIE Catholicisme. 100 000 personnes participent nage de Levoca, en Slovaquie. tions religieuses s’aggravent downloadModeText.vue.download au pèleriLes persécu: actuellement, 90 sur 502 CHRONOLOGIE 89 70 p. 100 des prêtres sont emprisonnés ou empêchés d’exercer leur sacerdoce. JAPON Élections générales. Victoire triomphale des conservateurs soutenant le Premier ministre, M. Yasuhiro Nakasone, à l’issue des élections législatives et sénatoriales. PHILIPPINES Vie politique. À Manille, échec d’une tentative de putsch visant à porter à la présidence M. Arturo Tolentino, ancien colistier du président Marcos. Lundi 7 FRANCE Relations internationales. M. Jacques Chirac révèle qu’un accord, conclu le 19 juin avec le gouvernement néo-zélandais, vient de permettre le règlement de l’affaire des « époux Turenge » par l’entremise du secrétaire général de l’ONU, M Javier Perez de Cuellar. Le commandant Mafart et le capitaine Prieur, dont la libération doit intervenir prochainement, seront toutefois assignés à résidence sur l’île de Hao, en Polynésie française, pendant trois ans (! éd. 1986). Relations internationales. ! URSS Médecine. Le professeur Jean-François Bach, de l’hôpital Necker, présente à l’Académie des sciences les résultats d’une étude sur les effets de la ciclosporine dans le traitement du diabète, maladie jugée jusqu’ici irréversible. RFA Scandale politique. Le Spiegel révèle que des industriels ont financé illégalement le parti social-démocrate (SPD), à concurrence de plusieurs dizaines de millions de DM. URSS Relations internationales. Jusqu’au 10, visite officielle de M. Mitterrand, qui fait l’éloge de M. Gorbatchev et présente son hôte soviétique comme « un homme de son temps, moderne (et) qui prend les problèmes comme ils sont ». JORDANIE Palestiniens. Le gouvernement ordonne la fermeture de 25 bureaux du mouvement palestinien Fath, dont le numéro 2, Abou Jihad, est expulsé. MALAISIE Drogue. Deux Australiens, qui avaient été trouvés en possession de 179 grammes d’héroïne, sont pendus. Depuis 1975, 36 Malaisiens et autres Asiatiques condamnés pour trafic de drogue ont subi le même sort. NOUVELLE!ZÉLANDE ! France Mardi 8 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II s’arrête à Sainte-Lucie en revenant de Colombie (! 1er juillet). SPORT Saut à la perche. À Moscou, le Soviétique Serguei Bubka améliore son propre record du monde en franchissant 6,01 mètres. FRANCE Vie politique. Le Conseil constitutionnel annule pour fraudes les élections législatives de HauteCorse et de Haute-Garonne. downloadModeText.vue.download 91 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 90 Énergie. Invoquant le prix trop élevé de l’électricité fournie par EDF, Aluminium Péchiney annonce la fermeture de deux usines, à Noguères (Pyrénées-Atlantiques) et à Rioupéroux (Isère). TUNISIE Vie politique. Le président Bourguiba renvoie son « dauphin » et Premier ministre, M. Mohamed Mzali, qu’il remplace par le ministre de l’Économie, M. Rachid Sfar. Le 24, M. Mzali est écarté du bureau politique du Parti socialiste destourien. ÉTATS!UNIS Marine. À Arlington (Virginie), décès de l’amiral Rickover. Rickover Quand le président Eisenhower annonce au monde entier, le 8 août 1958, le passage du Nautilus sous la banquise, la presse des États-Unis s’attache presque autant à protester contre l’absence, ce jour-là, de celui qu’elle a consacré « père du sous-marin nucléaire », qu’à relater l’événement. Il est vrai que Hyman George Rickover s’est toujours refusé à être un officier de marine conforme à la tradition ; l’US Navy lui rendit bien son anticonformisme en écartant par deux fois son nom de la Commission de sélection des futurs amiraux. Né à Makov, dans l’Empire de Russie (auj. en Pologne), Rickover ne connaît de la mer, à son entrée à l’école navale d’Annapolis, que l’entrepont surpeuplé d’un navire d’émigrants. Là s’arrête de toute évidence sa vocation de marin. Après avoir obtenu une licence d’électricité mécanique, il entre à l’école des sous-marins et embarque successivement sur un submersible, puis sur un vieux dragueur de mines. Plus soucieux d’efficacité technique et mécanique que pénétré des traditions maritimes, il demande à opter pour le cadre spécial des officiers ingénieurs mécaniciens. Affecté à la section électricité du service technique des constructions et armes navales (Bureau of ships), Rickover révolutionne ce département, impose la standardisation de l’équipement radioélectrique des navires et soumet le matériel nouveau à des épreuves de résistance sévères. Encore une fois, il se bat contre la routine, le formalisme et la bureaucratie. En avril 1946, une note de service demande un volontaire pour effectuer un stage aux laboratoires d’Oakridge, afin d’étudier les possibilités d’application du nucléaire à la propulsion navale. Rickover sera le seul candidat à cette affectation considérée par tous comme une voie de garage. Il déclare alors au directeur d’Oakridge : « Vous accordez trop d’importance aux scientifiques... Pour moi, 95 p. 100 des difficultés sont d’ordre technique et les 5 p. 100 restants seulement sont d’ordre scientifique. » Il propose alors un plan devant aboutir à la réalisation d’un sous-marin nucléaire au bout de 5 à 8 ans. Bien que ce plan n’obtienne pas l’assentiment de la hiérarchie, Rickover ne désarme pas. Il s’assure l’appui d’Edward Teller et expose la question au directeur du Bureau of ships. En butte à une faction rivale, il est écarté de la Nuclear Power Division. Persuadé de l’avenir de son projet, Rickover réussit à attirer l’attention de l’amiral Nimitz : il est chargé de constituer l’équipe pour la réalisation d’un réacteur naval atomique. La première manche était gagnée ; on connaît la suite. Mercredi 9 FRANCE Terrorisme. À Paris, un attentat à l’explosif commis par Action directe dans les locaux de la Brigade de répression du banditisme fait 1 mort (un downloadModeText.vue.download 92 sur 502 CHRONOLOGIE 91 commissaire) et 22 blessés, dont 4 graves, parmi les policiers. Justice. Un mandat d’arrêt international est lancé contre M. Yves Chalier, trésorier du Carrefour du développement. Musique. À Nîmes, création française du Corsaire de Verdi. RFA Terrorisme. À Munich, l’un des dirigeants du groupe Siemens, spécialiste des questions nucléaires, M. Karl Heinz Beckurts, et son chauffeur sont tués dans un attentat à la bombe revendiqué par le Fraction armée rouge. Jeudi 10 ITALIE Justice. Pour le détournement du paquebot AchilleLauro (! éd. 1986), Aboul Abbas, chef du Front de libération de la Palestine, est condamné par contumace à la réclusion perpétuelle par la cour d’assises de Gênes et Madjid el-Molki à trente ans de réclusion pour le meurtre du paraplégique américain Léon Klinghoffer. Le 11, le procureur de la République fait appel, jugeant la sentence trop clémente. VIÊT!NAM Parti communiste. Mort de M. Le Duan, qui avait succédé à Ho Chi Minh à la tête du PC vietnamien. Le 14, M. Truong Chinh, 80 ans, devient le nouveau secrétaire général. Vendredi 11 ÉTATS!UNIS Justice. Pour la première fois, une mineure (Paula Cooper, 16 ans) est condamnée à mort. Elle avait poignardé une femme de 78 ans pour lui voler dix dollars et sa voiture. Samedi 12 ATLANTIQUE Titanic. À 900 km au large de Terre-Neuve et par 4 000 m de fond, une équipe scientifique américaine commence l’exploration de l’épave du paquebot retrouvée le 1er septembre 1985. FRANCE Justice. Condamné le 24 juin à un an de prison, l’un des chefs de l’ETA militaire, Domingo Iturbe Abasolo, dit « Txomin », est expulsé vers le Gabon. CHINE Catastrophe naturelle. Dans le Sud, le typhon Peggy provoque la mort de 172 personnes et détruit 264 000 maisons. Dimanche 13 Sports équestres. À Aix-la-Chapelle, la Canadienne Gail Greenough, 26 ans, devient la première femme championne du monde de saut d’obstacles. INDE Troubles. Dans le Gujerat, et à Ahmadabad en particulier, des affrontements entre musulmans et hindous dégénèrent en de véritables downloadModeText.vue.download 93 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 92 batailles rangées, au cours desquelles périssent plusieurs dizaines de personnes. Lundi 14 FRANCE Politique intérieure. M. François Mitterrand déclare qu’il ne signera pas l’ordonnance sur les dénationalisations. ESPAGNE Terrorisme. À Madrid, un attentat à la voiture piégée au passage d’un car d’élèves de la garde civile fait 11 morts et 55 blessés, dont 43 gardes civils. Le 16, l’ETA revendique l’opération. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. Début d’une visite de trois jours du chef de la diplomatie soviétique, M. Edouard Chevardnadze. URSS ! Grande-Bretagne ÉTATS!UNIS Esthétique. Mort de Raymond Loewy, inventeur du « design ». Raymond Loewy Raymond Loewy, pionnier américain de l’esthétique industrielle, est mort à Monaco le 14 juillet. Sa société, Raymond Loewy Associates, était devenue la première entreprise mondiale d’une activité qu’il définissait ainsi, non sans humour : « Le design industriel, c’est assurer la satisfaction du consommateur, la prospérité du client et donner du travail au designer. » Objectifs largement atteints : avec un éclectisme extraordinaire et souvent avec 40 ans d’avance sur son époque, le Léonard de Vinci de la beauté fonctionnelle dessina ou transforma près de 1 500 objets, du tube de rouge à lèvres au transatlantique en passant par les boulons, les réfrigérateurs, les cabines spatiales Skylab ou les locomotives, auxquelles il consacra d’ailleurs tout un livre en 1938 : The Esthetics of the Locomotive. Mais son succès le plus spectaculaire reste sans doute la fameuse Studebaker Starlight de 1947, dont il est bien difficile de distinguer l’avant de l’arrière. Très renommé aux États-Unis (Time lui consacre sa couverture dès 1949, Life le désigne comme « l’une des cent personnes qui ont fait l’Amérique »), Loewy reste un homme peu connu en France, où pourtant tout le monde connaît son oeuvre : le coquillage Shell, le sigle astucieux de New Man, les « logos » de Lu et de BP, la bouteille de Cocacola, c’est lui Né à Paris le 5 novembre 1893, d’un père venu d’Autriche et d’une Française, il renonce à une carrière d’ingénieur dès sa démobilisation et débarque à New York en 1919, avec 40 dollars en poche. Dessinateur de mode pour Vogue et Harper’s Bazaar pendant dix ans, il ouvre un jour, à Manhattan, le premier atelier de modélisme industriel et séduit l’Anglais Sigmund Gestetner, son premier client, en révolutionnant la silhouette d’un duplicateur particulièrement disgracieux au départ. Les ventes s’envolent. C’est pour Raymond Loewy le début de 50 ans de succès ininterrompus. En 1929, il fonde la Raymond Loewy International Inc., véritable banque d’idées pour l’esthétique du quotidien, dont il renouvelle l’expérience en créant, à Paris en 1952, la Compagnie de l’esthétique industrielle, qui aménagera notamment l’intérieur du Concorde (1963). downloadModeText.vue.download 94 sur 502 CHRONOLOGIE 93 Conseiller auprès de 250 firmes américaines, il est aussi l’auteur de la bible du design : La laideur se vend mal (1952). PHILIPPINES Catastrophe naturelle. Le typhon Peggy ravage la région du Nord provoquant la mort de 119 personnes et laissant 350 000 sans-abri (! Chine, le 12). Mardi 15 FRANCE Relations internationales. Arrivée du vice-président syrien, M. Abdelhalim Khaddam. C’est la première visite officielle en France depuis dix ans d’un dirigeant syrien. Télévision. La privatisation de TF1 est votée par le Sénat. Musique. Tancrède, opéra d’André Campra (1702), est présenté au festival d’Aix-en-Provence. SYRIE ! France Mercredi 16 FRANCE Vie politique. L’Assemblée nationale vote le projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Politique sociale. M. Mitterrand signe l’ordonnance sur l’emploi des jeunes, destinée à faciliter l’embauche des moins de 25 ans. Jeudi 17 FRANCE Justice. Le ministre de la Justice, M. Albin Chalandon, annonce la création de nouveaux chantiers de la jeunesse, destinés à accueillir 30 000 à 40 000 jeunes de 15 à 25 ans, petits délinquants, désoeuvrés ou mineurs « en danger ». ITALIE Justice. Le psychanalyste Armando Verdiglione, dont la fondation organisait des colloques réunissant de nombreux intellectuels, est condamné à quatre ans et demi de prison pour « extorsion continue et aggravée » aux dépens de ses malades. Une autre procédure a été ouverte, pour association de malfaiteurs, sur les conditions de financement de sa fondation. Il a reçu l’appui de MM. Marek Halter, Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann. Vendredi 18 URSS Faits divers. Conséquence de l’accident de la centrale de Tchernobyl : l’agence Tass annonce le limogeage du président de la Commission d’État pour la sécurité dans l’industrie atomique. Le lendemain, toute une série de sanctions contre les responsables de l’industrie nucléaire est annoncée. Samedi 19 FRANCE Justice. Extradition du terrorisme basque espagnol José Lopez Barona, dit Txema. Quatre nouvelles extraditions sont effectuées du 22 au 31. downloadModeText.vue.download 95 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 94 GUINÉE!ÉQUATORIALE Vie politique. 25 militaires sont arrêtés à la suite, de l’échec d’une tentative de coup d’État. Trois anciens ministres seraient impliqués, ainsi que des proches du président Teodoro Obiang Nguema. Les putschites auraient été hostiles au rapprochement établi avec la France. BOLIVIE Coca, holà ! C’est une opération militaire américaine d’un genre très particulier qui est lancée le 19 juillet en Bolivie. Ce jour-là, en effet, 160 GI, appuyés par des avions et 8 hélicoptères Black Hawk, participent, au côté des forces boliviennes, au lancement d’une vaste opération antidrogue couvrant 200 000 km 2 de forêt amazonienne dans le département de Béni, près de la frontière brésilienne. L’« ennemi » : les milliers de paysans qui vivent de la production de feuilles de coca, dont des trafiquants tirent la cocaïne destinée aux États-Unis et au Canada. L’enjeu est de taille : la moitié de la cocaïne produite dans le monde provient des feuilles de coca boliviennes. Mais, jusqu’à présent, la lutte contre la drogue avait été freinée par le lobby des trafiquants, dont les dollars, accumulés par milliards exerçaient une pression déterminante sur le monde politique, la justice et la police... Influence qui se révèle dès l’intervention militaire : une véritable tempête politique se lève en Bolivie ; plusieurs dizaines de députés accusent le président Paz Estenssoro d’avoir autorisé une violation de la souveraineté bolivienne ; un dirigeant du parti gouvernemental MNR demande même que le président soit jugé par le Congrès pour avoir agi sans consulter le Parlement. Pour de très nombreux agriculteurs la destruction des cultures de coca pose un problème social réel, sur lequel se greffe la persistance d’un fort sentiment anti-yankee. C’est pourquoi, à Cochabamba, ce ne sont pas moins de 20 000 paysans qui défilent dans les rues pour protester contre la participation des soldats américains aux opérations. Des réactions que le président avait bien prévues lorsqu’il déclarait : « Si nous n’attaquons pas le problème de la cocaïne d’une manière radicale, nous risquons de voir la mafia de la drogue s’emparer du contrôle du pays même par des moyens démocratiques. » D’où des entretiens entre le gouvernement Reagan et les dirigeants latino-américains, et la décision d’une action internationale, à laquelle la police brésilienne participe également sur sa frontière en empêchant la fuite des planteurs et des trafiquants. En Bolivie, les opérations sont rapidement étendues à la région du Centre, provoquant la fuite de onze mille paysans peu désireux d’être confrontés aux policiers boliviens des unités spéciales antidrogue. Dès le 24 juillet, dans le seul département de Chapare, 16 laboratoires de cocaïne – certains traitant une tonne et demie par semaine – sont repérés par hélicoptères et détruits. Dimanche 20 Catholicisme. À Versailles, jusqu’au 23, congrès de l’union mondiale des anciens élèves des Jésuites. Lundi 21 EUROPE Agriculture. À Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères des Douze acceptent de négocier avec les États-Unis pour faciliter les exportations américaines d’agrumes vers le Marché commun. downloadModeText.vue.download 96 sur 502 CHRONOLOGIE 95 FRANCE Terrorisme. Les trois Arméniens de l’ASALA, qui avaient été condamnés à sept années de réclusion en janvier 1984 pour la prise d’otages du consulat de Turquie à Paris (24 septembre 1981), sont libérés. L’organisation Action directe revendique un attentat à la voiture piégée devant le siège de l’OCDE à Paris. ESPAGNE Terrorisme. À Madrid, série d’attentats à l’explosif. L’ETA répond ainsi à l’expulsion d’un de ses membres par la France (! 19). ISRAËL ! Maroc GUINÉE!BISSAU Justice. Six personnes sont fusillées pour leur participation à la tentative de coup d’État d’octobre 1985. Ce sont les premières exécutions depuis le renversement du président Cabrai par le général Vieira. MAROC Relations internationales. Jusqu’au 23, visite du Premier ministre israélien Shimon Pérès, qui s’entretient avec le roi Hassan II. Cette « trahison » est dénoncée par l’Algérie, la Libye et la Syrie, qui rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc. Le 26, le roi Hassan II présente à la Ligue arabe sa démission de président du sommet arabe. ÉTATS!UNIS ! Europe Mardi 22 EUROPE Commerce. Les ministres des Affaires étrangères des Douze aboutissent à un accord valable pour deux années, sur les importations de beurre néo-zélandais. SRI LANKA Terrorisme. Dans le Nord de l’île, l’explosion d’une mine posée par des indépendantistes tamouls provoque la mort des 31 passagers d’un autobus. Mercredi 23 FRANCE Relations internationales. Le Premier ministre du Pakistan, M. Mohammed Khan Junejo, est reçu par M. Jacques Chirac, qui promet un accroissement de l’aide aux réfugiés afghans accueillis par le Pakistan. Privatisation. Remplacement des P-DG des douze principales entreprises nationalisées privatisables. Terrorisme. À Paris, arrestation de quatre terroristes irlandais de l’INLA (Irish National Liberation Army), dont le chef d’état major de l’organisation, Harold Basher Flynn. Rainbow Warrior. Le capitaine Dominique Prieur et le commandant Alain Mafart, libérés par la Nouvelle-Zélande, sont transférés sur l’île de Hao, en Polynésie française (! 7 et éd. 1986). Logement. L’Assemblée nationale vote le projet de loi Méhaignerie sur l’investissement locatif. Outre-mer. ! Nouvelle-Calédonie downloadModeText.vue.download 97 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 96 GRANDE!BRETAGNE Monarchie. Le mariage du prince Andrew et de Sarah Ferguson est suivi par 400 millions de téléspectateurs dans plus de 40 pays. IRLANDE DU NORD ! France POLOGNE Solidarité. À Varsovie, le professeur Bronislaw Geremek, principal conseiller de M. Lech Walesa, est inculpé de participation à une association illégale. Il risque trois ans d’emprisonnement ferme. PORTUGAL Terrorisme. Après une vague d’attentats de plusieurs mois, le Parlement renforce la législation antiterroriste en créant notamment un Conseil supérieur de la sécurité intérieure, constitué de ministres et de responsables de plusieurs administrations, et en facilitant l’expulsion des étrangers aux activités incompatibles avec l’intérêt national. PAKISTAN ! France NOUVELLE!CALÉDONIE Le haut-commissaire, M. Fernand Wibaux, est remplacé par M. Jean Montpezat. ÉTATS!UNIS Santé. L’administration américaine annonce que, pour la première fois, un vaccin humain produit par manipulation génétique va être mis en vente sur le marché. Il s’agit d’un vaccin contre l’hépatite virale de type B. Pas de précipitations Les Indiens pratiquaient la danse de la pluie ; les cow-boys d’aujourd’hui s’en remettent aux prières publiques, encouragées par les autorités, dans l’espoir de juguler un fléau qui frappe tout le sud des États-Unis. Depuis le début de l’année, les précipitations ont en effet été deux fois moindres qu’à l’accoutumée. La Géorgie et la Caroline du Sud subissent plusieurs semaines consécutives de températures variant entre 30 et 40 °C. Le 23 juillet, on dénombre déjà plus de 40 morts, dont 14 en Géorgie. Le bilan matériel est également très lourd : près de la moitié de la récolte de maïs du Sud, soit plus d’un milliard de dollars, est anéantie. Pour la seule Géorgie, les pertes en arachides atteignent 100 millions de dollars. Au total, on estime à 2 milliards de dollars les dommages causés aux champs de maïs, soja ou arachides ainsi qu’au bétail, vendu à perte, en catastrophe. Les fermiers n’ont souvent plus d’autre espoir que les distributions gratuites de fourrage, expédié en gage de solidarité par les fermiers du Middle West, et les livraisons du gouvernement fédéral, effectuées par avions-cargos militaires. Une centaine de comtés sont déclarés « zones sinistrées », ce qui permet l’attribution de prêts fédéraux à faible taux d’intérêt, mais seuls peuvent en bénéficier les fermiers qui ne sont pas déjà trop endettés. La situation est désastreuse pour beaucoup d’entre eux : le retour des périodes de sécheresse est fréquent et la chute des prix agricoles, en trois ans, a contraint 200 000 agriculteurs à quitter leurs terres sur l’ensemble du territoire national. Jeudi 24 COMMONWEALTH Crise. À Édimbourg, l’ouverture des XIIIe Jeux de Commonwealth est boycottée par 32 des 48 pays membres, en raison du refus de downloadModeText.vue.download 98 sur 502 CHRONOLOGIE 97 Mme Thatcher de prendre des sanctions économiques contre l’Afrique du Sud. FRANCE Audiovisuel. Le Sénat vote le projet de loi Léotard sur la liberté de communication. FEUX DE FORÊTS Sur la Côte d’Azur, au cours de deux journées d’incendies, deux personnes trouvent la mort et 7 000 hectares de forêt sont détruits. Les dégâts s’élèveraient à une centaine de millions de francs. Vendredi 25 FRANCE Terrorisme. À Bayonne, des terroristes séparatistes d’Iparretarak lancent des explosifs contre le palais de justice et mitraillent les CRS de garde, blessant grièvement l’un d’entre eux. Ils entendent ainsi protester contre l’extradition récente de deux membres de l’ETA. ITALIE Affaires sociales. Tous les syndicats du secteur public, à l’exception de celui des médecins du Service national de santé, signent un accord visant à mettre hors la loi les grèves sauvages. RFA Terrorisme. À Friedrichshafen, la Fraction armée rouge fait exploser une bombe de 30 kilos devant l’immeuble de la société aéronautique Dornier. SOUDAN Guerre civile. Les rebelles de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) encerclent totalement la ville de Juba, capitale du sud du pays. CHILI Terrorisme. Devant le palais de la Moneda, à Santiago, un attentat à la bombe fait 36 blessés. Samedi 26 LIBAN Otages. Libération d’un Américain, le père Martin Lawrence Jenco, enlevé un an et demi auparavant par l’organisation pro-iranienne du Djihad islamique. INDE Troubles. À Delhi, des affrontements entre sikhs et hindous font 6 morts et 60 blessés. Un millier de personnes sont arrêtées. Ces violences font suite au massacre de 13 passagers hindous d’un bus par des sikhs, au Pendjab. AFRIQUE DU SUD Terrorisme. M. Zondi Molapa, l’homme le plus recherché du pays, est abattu par les forces de l’ordre, au cours d’une fusillade. La police estime maintenant que la plupart des responsables des récents attentats ont été tués ou arrêtés. Dimanche 27 SPORT Cyclisme. Greg Lemond est le premier Américain vainqueur du Tour de France. Dans l’ordre, il devance son coéquipier Bernard Hinault et le Suisse Urs Zimmermann. Le Tour d’Hinault Le 27 juillet, The Star Spangled Banner retentit sur les Champs-Élysées. Cet hymne downloadModeText.vue.download 99 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 98 salue un vainqueur historique : Greg Lemond, premier Américain à remporter le Tour de France. Pourtant, aux yeux de tous, Bernard Hinault restera le vainqueur moral de la compétition. À partir de Nantes, le 13, les événements se succédèrent à toute allure durant près de deux semaines. Sur les 61,500 km de l’épreuve contre la montre, Hinault l’emporta devant son équipier Lemond, et Laurent Fignon disparut de la tête du classement. Lors de la première étape pyrénéenne Bayonne-Pau, le « Blaireau » attaqua à 80 km du but. En compagnie de l’Espagnol Pedro Delgado, à qui il laissa la victoire, il creusa des écarts importants sur ses suivants immédiats. Fignon, malade, abandonna le soir même. Le lendemain, au pied de l’Aspin, il se lança dans une incroyable échappée, alors qu’il restait encore trois cols à gravir. Péché d’orgueil ou tactique de génie ? se demanda le directeur du Tour, Jacques Goddet. Défaillant dans la montée vers Superbagnères, dernière difficulté de la journée, il conserva seulement 40 secondes d’avance au classement général sur Lemond et 2′ 58″ sur le Suisse Zimmermann. Bilan de l’opération : 5 minutes perdues et, par voie de conséquence, sa sixième victoire dans le Tour ? Le dimanche 20, il fut à la peine sur les pentes de l’Izoard et dans l’escalade finale du Granon. Il souffrait du genou ! Son dauphin s’empara du maillot jaune. Ragaillardi, Hinault reprit l’offensive au cours de l’étape suivante. Seul Lemond fut capable de le suivre. Les deux « rivaux » franchirent la ligne d’arrivée à l’Alpe-d’Huez main dans la main, donnant à leur comportement une image fraternelle. Au terme de la dernière bataille contre la montre, à Saint-Étienne, l’Américain s’inclina de 25 secondes derrière le champion français qui, fair-play, déclara devant les caméras de la télévision : « À présent, Greg est digne du maillot. Je l’ai volontairement poussé jusqu’au bout de sa résistance physique et nerveuse. Il l’a supporté et l’épreuve l’a fortifié. » Tout était donc pour le mieux ; Lemond avait gagné le Tour et Hinault une immense popularité. THAÏLANDE Vie politique. Victoire du Parti démocrate de M. Bhichai, membre de la coalition gouvernementale, qui remporte 100 sièges sur 347 à l’issue des élections législatives anticipées. COLOMBIE Guérilla. Dans la province du Caucu, découverte d’un charnier de 22 cadavres, victimes d’un règlement de compte entre membres du groupe Ricardo-Franco. Lundi 28 URSS Armée. À Vladivostok, M. Gorbatchev annonce que le rapatriement de six régiments stationnés en Afghanistan sera effectué avant la fin de l’année. Il déclare également qu’un retrait important des troupes soviétiques de Mongolie est envisagé. LIBAN Terrorisme. À Beyrouth-Est, une voiture piégée tue 35 personnes et en blesse 140 autres. Le lendemain, à Beyrouth-Ouest, un autre attentat fait 22 morts et 163 blessés. AFRIQUE OUA. À Addis-Abeba, ouverture du 22e sommet. Le président du Congo, M. Denis Sassou Nguesso, succède au président sénégalais, M. Abdou Diouf, à la tête de l’organisation. downloadModeText.vue.download 100 sur 502 CHRONOLOGIE 99 Mardi 29 FRANCE Presse. Le Conseil constitutionnel déclare que deux dispositions de la loi sur le régime juridique de la presse sont non conformes à la Constitution. AMÉRIQUE DU SUD Économie. Les présidents Alfonsin et Sarney signent les premiers accords d’intégration économique entre l’Argentine et le Brésil. Mercredi 30 FRANCE Politique économique. Le gouvernement annonce une réduction du montant des aides à l’industrie. Le Fonds industriel de modernisation est supprimé. ITALIE Drogue. La police révèle qu’un important réseau européen de trafic d’héroïne, destiné à financer l’insurrection tamoule au Sri Lanka, a été démantelé. Vingt-quatre Sri-Lankais ont été arrêtés et 25 kilos d’héroïne saisis dans plusieurs villes d’Europe. Les trafiquants répandaient chaque mois plus de 30 kilos de drogue sur le marché italien. Jeudi 31 SPORT Escrime. À Sofia, le Français Philippe Riboud remporte la médaille d’or du tournoi individuel à l’épée. FRANCE Audiovisuel. L’Assemblée nationale et le Sénat votent le projet de loi sur les privatisations. Faits divers. À Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), un homme de 24 ans, William Normand, soupçonné d’avoir commis un vol à l’arraché, est abattu par un gardien de la paix au cours d’une poursuite. SOUDAN Guerre civile. À Addis-Abeba, rencontre pour des négociations officieuses entre le Premier ministre soudanais, M. Sadek el Mahdi, et le chef des insurgés sudistes de l’Armée populaire de libération du Soudan, le colonel John Garang. TUNISIE Justice. Un lieutenant et un civil se réclamant tous deux du Djihad islamique, condamnés à mort pour attaque à main armée et détention d’armes et d’explosifs, sont fusillés. ÉTATS!UNIS/JAPON Industrie électronique. Signature d’un accord américano-japonais sur les circuits intégrés, qualifié d’« historique » par le président Reagan. La CEE craint un partage du marché mondial entre ces deux pays. COLOMBIE Terrorisme. À Bogota, assassinat d’un magistrat de la Cour suprême de justice de Colombie, M. Hernando Baquero Borda. Il est le treizième magistrat tué dans la capitale en moins d’un an. Le mois de Maurice Rheims En juillet, à New York, on ne parle que de la dispersion des meubles d’Antenor Patiño, grand collectionneur décédé l’an dernier. On murmure que des pièces présentées comme downloadModeText.vue.download 101 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 100 ayant appartenu au Grand Roi seraient nées, en fait, il y a moins de 30 ans. Chacun de nous a tendance à nourrir ses fantasmes, les gaver de la farce de la vie pour ensuite mieux les dévorer. Pour moi, mon mille-feuille demeure l’objet et la crème Chantilly ses rapports avec la société marchande. Cette alliance de l’art et de l’argent remonte à l’ancienne Rome, où déjà l’on spéculait allègrement sur la peinture ou l’orfèvrerie. Trafiquer sous couvert d’art, se remplir les poches a toujours été une manière élégante de faire avaler des couleuvres qui ne sont pas forcément en bronze et fondues vers 1900 par Brandt. La fortune ! Il est agréable de l’habiller en marqueterie, en bronze doré, recouverte de marbre tronchin, à la condition de prendre garde. Apprenez à regarder la beauté, à exercer votre sensibilité, à prendre vous-mêmes vos propres responsabilités. Ne vous fiez pas aux certificats. Une fois pour toutes, ils ne sont que des billets à ordre sur la foire aux illusions. Au XVIIe siècle, lorsque Mazarin et le roi de France acquéraient ces belles choses, ils le faisaient fort de leur oeil, se fiant à leur instinct. Les amateurs pouvaient bien se tromper, le roi aussi. En réalité, ce qui intéressait surtout ces gens de goût, c’était plus le Beau que l’authentique ; d’une certaine manière, il régnait un climat de pureté ; on n’achetait pas dans l’espoir de faire quelques bénéfices, on était trop élégant. De nos jours, on acquiert des objets afin de briller, on va à la foire aux antiquaires pour être vu ; il y a quelques semaines, on demandait de certains meubles 5 ou 7 millions de francs, prix qui n’atteignaient pas le dixième, il y a une quinzaine d’années. La spéculation d’aujourd’hui sur les oeuvres d’art ressemble à celle pratiquée par les sous- cripteurs à l’époque de Law. Il y a peut-être trop d’argent dans le monde. L’objet pourrait apparaître alors comme une serpillière prête à éponger le trop-plein. Curieusement, il n’y a pas que les gens fortunés qui excitent la cupidité de certains et, du petit porteur de jadis, on pourrait bien faire un collectionneur. Observez les affiches qui tapissent les murs des grandes villes, elles annoncent que, dans tel grand hôtel, on peut trouver des gravures de ce peintre célèbre, frappé de sénilité et dont l’entourage veille sur un marché si bien organisé qu’il n’y a guère de cités en Europe où l’on ne propose de ses gravures qui ne sont, parfois, que de simples reproductions. À la multiplication des pains a succédé celle des pseudo. Dans le domaine de l’ébénisterie, on constate l’apparition sur le marché de « merveilles » qui, à entendre les vendeurs, auraient vu le jour à la cour de Louix XVI, peut-être, sinon qu’on en trouve en si grand nombre qu’on se demande si des pièces entières de Versailles ne se sont pas volatilisées, car elles seules méritaient d’abriter tant de chefs-d’oeuvre. Ouvrez les tiroirs, humez les bronzes. Rien à dire, ils sont parfaits, mieux façonnés encore que ceux exécutés au temps de Molitor ou de Leleu, mais parfois fabriqués avanthier. Après-tout, avant-hier, c’était 1960 et le 1960, en l’an 2000, sera sûrement à la pointe de la mode. MAURICE RHEIMS DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE downloadModeText.vue.download 102 sur 502 CHRONOLOGIE 101 Août Vendredi 1er FRANCE Société. Le Sénat adopte le projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des immigrés en France, qui est déféré au Conseil constitutionnel par les socialistes. Transports. Les lignes régulières des Chargeurs réunis sont rachetées par la Compagnie générale maritime (CGM). Culture. M. Jean Le Poulain devient administrateur général de la Comédie-Française, en remplacement de M. Jean-Pierre Vincent. ITALIE Politique intérieure. Après 35 jours de crise gouvernementale, M. Bettino Craxi forme son nouveau gouvernement, dont la composition diffère peu de celle du précédent. ÉTATS!UNIS Agriculture. M. Ronald Reagan décide de subventionner la vente de 4 millions de tonnes de blé à l’URSS. Cette décision est critiquée par le secrétaire d’État, M. George Shultz, et par le Canada et l’Australie, gros exportateurs de céréales. Samedi 2 FRANCE Télévision. Publication au Journal officiel de deux décrets résiliant les contrats de concession de la 5 et de TV6. RFA Terrorisme. Membre de la Fraction armée rouge et recherchée pour le meurtre d’un responsable de la firme Siemens, Eva Sybille HauleFrimpong est arrêtée à Russelsheim, près de Francfort. IRAQ!IRAN Conflit. Dans une lettre ouverte, le président iraqien M. Saddam Hussein appelle les dirigeants iraniens à opter pour une « paix honorable ». Cette proposition est rejetée par le président Ali Khamenei le 4, et par l’imam Khomeyni le 7. La guerre économique Le 2, tandis que le président iraqien, M. Saddam Hussein, offre aux autorités de Téhéran de conclure la paix, l’aviation iranienne bombarde les installations pétrolières d’Aqrah, au nord-ouest de l’Iraq. L’escalade militaire, entre les deux belligérants, se poursuit avec la recrudescence des attaques dirigées contre des objectifs économiques. La raffinerie d’Ispahan est bombardée le 7, et à nouveau le 10. L’Iran riposte par des tirs d’artillerie contre les stations de pompage du pétrole de Bassora le 7, tandis que, le 11, un missile sol-sol, destiné à la raffinerie d’AlDowra, atteint la banlieue de Badgad. Le 12, les Mirage F1 iraqiens attaquent le terminal flottant de Sirri, situé à près de 1 000 km des côtes iraqiennes, près du détroit d’Ormuz. Deux navires-citernes sont touchés. L’île de Sirri, jusqu’à présent hors de portée de l’aviation iraqienne, était devenue le principal lieu d’enlèvement du brut de l’Iran, après les assauts répétés contre le terminal de l’île de Kharg. Le régime de Bagdad, qui tente d’asphyxier l’économie iranienne en bloquant ses exportations de pétrole, a lancé depuis downloadModeText.vue.download 103 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 102 août 1985 plus d’une centaine de raids contre Kharg, dont le dernier a eu lieu le 7. Le 13, Téhéran accuse les pays du Golfe d’avoir aidé l’Iraq et profère des menaces à l’encontre de leurs installations pétrolières. Les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe, qui se réunissent à Abha, en Arabie Saoudite, du 25 au 27, s’inquiètent de l’intensification de la « guerre des pétroliers ». 59 navires ont été touchés depuis le début de l’année. Les attaques, de plus en plus nombreuses, surtout à partir de la miaoût, sont aussi de plus en plus meurtrières et de plus en plus lointaines. Par ailleurs, un an après la trêve instaurée dans la « guerre des villes », celle-ci reprend le 6, avec l’attaque par l’artillerie iranienne de la ville de Sirouan, dans le Kurdistan iraqien ; 86 civils sont tués Le 8, des localités des gouvernorats de Diyala et de Missane, au centre et au sud de l’Iraq, sont bombardées. Le même jour, l’aviation iraqienne touche la ville d’Armara, située près de la fron- tière. Bassora est pilonnée le 9, à nouveau le 19. L’Iraq, qui semble être le plus touché par la reprise des actions militaires contre les zones civiles fait état de 121 morts et de 360 blessés. Malgré l’appel lancé le 14 par le secrétaire général de l’ONU, M. Javier Peréz de Cuellar, pour que les deux États cessent l’escalade des représailles, une trêve n’est instaurée que le 15 septembre, après plusieurs autres bombardements meurtriers. Bassora est attaquée le 8 et le 9 septembre, tandis que l’aviation iraqienne prend Tabriz pour objectif le 9 et le 10, puis Kerend le 12, quelques heures après l’envoi d’un missile iranien sur le centre de Bagdad. Dimanche 3 COMMONWEALTH À Londres, sommet restreint de sept chefs d’État et de gouvernement, pour discuter des sanctions à appliquer à l’Afrique du Sud. Le 5, Mme Margaret Thatcher transige sur des sanctions limitées, alors que les six autres pays s’entendent pour adopter des mesures plus radicales. FRANCE Incendies. Attisés par la sécheresse et la forte chaleur, plusieurs foyers se déclarent dans le Midi (Drôme et Pyrénées-Orientales), ainsi qu’en Seine-et-Marne. CHYPRE Terrorisme. La base aérienne britannique d’Akrotiri, au sud de l’île, est touchée par des obus de mortier et des roquettes. L’attaque est revendiquée par une organisation prolibyenne, l’Organisation nassérienne unifiée. MALAISIE Politique intérieure. Lors des élections générales, la coalition gouvernementale du Front national remporte 148 des 177 sièges du Parlement. Lundi 4 OPEP À Genève, les États membres se mettent d’accord sur la réduction de leur production pétrolière, qui passera de 20,3 millions de barils par jour à 16,6 millions le 1er septembre. Dès le 8, les prix du brut remontent de 9 à 12 dollars le baril. Le Mexique, qui n’adhère pas à l’organisation, décide de suivre la même politique. Mardi 5 FRANCE Politique intérieure. À l’Assemblée nationale, M. Jacques Chirac engage, pour la cinquième fois, la responsabilité de son gouvernement, afin de faire adopter en première lecture le texte du projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel. La downloadModeText.vue.download 104 sur 502 CHRONOLOGIE 103 motion de censure, déposée par les députés socialistes, est rejetée le 8 (! 13). Relations internationales. ! Espagne et Viêt-nam ESPAGNE Relations internationales. À Madrid, rencontre entre le ministre français délégué à la Sécurité, M. Robert Pandraud, et le ministre de l’Intérieur, M. José Barrionuevo, puis le Premier ministre, M. Felipe Gonzalez. Les entretiens portent sur le renforcement de la lutte et de la coopération antiterroriste, notamment contre l’ETA. VIÊT!NAM Relations internationales. La radio annonce la signature d’un accord avec la France, concernant l’exhumation et le rapatriement des corps des 30 000 soldats français tués en Indochine. Mercredi 6 À Ixtapa, au Mexique, ouverture du sommet du groupe des Six sur la paix et le désarmement. Le 7, les chefs d’État du Mexique, de l’Argentine, de l’Inde, de la Suède, de la Grèce et de la Tanzanie adoptent une déclaration commune, exigeant un contrôle strict des expériences nucléaires. FRANCE Société. Le Conseil des ministres adopte l’ordonnance sur les facilités d’embauche, les contrats de travail à durée déterminée et le travail à temps partiel et temporaire. ALBANIE Transports. Inauguration de la voie ferrée Shköder-Titograd, qui relie le pays à la Yougoslavie, et par conséquent au réseau européen. ESPAGNE Troubles. À Vitoria, au Pays basque, de violents affrontements opposent la police aux manifestants, qui protestent contre l’extradition, fin juillet, de cinq militants basques espagnols par la France (38 blessés). ÉTATS!UNIS Médecine. M. de 25 de William Schroeder, doyen des porteurs coeur artificiel, qui avait été opéré le novembre 1984, meurt après 620 jours survie. Jeudi 7 ONU Environnement. À Rome, la FAO met en place un centre antiacridien d’intervention d’urgence, chargé de coordonner les opérations de lutte contre les sauterelles et les criquets, qui menacent l’Afrique. FRANCE Société. Trois des quatre projets de loi sur la sécurité sont adoptés par le Sénat. Le 8, des sénateurs socialistes saisissent le Conseil constitutionnel. Politique économique. La loi sur la privatisation de 65 entreprises est publiée au Journal officiel. Commémorations. Chamonix célèbre avec éclat le bicentenaire de la première ascension du mont Blanc. URSS Espionnage. M. Edward Lee Howard, agent américain de la CIA, obtient l’asile politique. downloadModeText.vue.download 105 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 104 COLOMBIE Politique intérieure. Investiture de M. Virgilio Barco Vargas dans ses fonctions de président de la République ; il forme un nouveau gouvernement libéral le 10. Le même jour, le mouvement de guérilla M19 affronte l’armée dans la province de Cauca (14 morts). Vendredi 8 ARABIE SAOUDITE Troubles. Accusés d’avoir organisé des manifestations à La Mecque et à Médine pendant le Hadjdj, 103 pèlerins iraniens sont arrêtés. Ils sont libérés le 28. LIBAN Guerre civile. Tandis que les combats et les bombardements reprennent aux abords de la ligne de démarcation, 25 personnes sont tuées et 60 autres blessées dans un attentat à la voiture piégée, à Beyrouth-Ouest. PACIFIQUE À Suva (îles Fidji), les treize pays membres du Forum du Pacifique Sud demandent au comité de décolonisation de l’ONU l’examen d’urgence du statut de la Nouvelle-Calédonie. Samedi 9 MONGOLIE Relations internationales. À Oulan-Bator, signature avec la Chine d’un traité consulaire, le premier depuis 1949. Dimanche 10 SPORT Automobile. À Budapest, le premier Grand Prix de Hongrie remporte un énorme succès. Près de 200 000 spectateurs assistent à la victoire de Nelson Piquet. CEE Commerce international. Les pays du Marché commun signent avec les États-Unis un accord abrogeant les surtaxes douanières imposées sur certains produits alimentaires (pâtes européennes ; noix et citrons américains). LIBAN Guerre civile. À Beyrouth-Est, de violents combats de rue éclatent entre miliciens chrétiens des Forces libanaises. INDE Terrorisme. Le général Vaidya est assassiné à Poona. Il était chef d’état-major de l’armée lors de l’assaut contre les Sikhs du Temple d’or en 1984. ÉTATS!UNIS ! CEE Lundi 11 POLOGNE Opposition. Le dirigeant de l’opposition Adam Michnik, incarcéré depuis le 13 février, est libéré dans le cadre de la loi d’amnistie du mois de juillet. ISRAËL ! Liban LIBAN Raid aérien. L’aviation israélienne bombarde des positions du Fath dans la plaine de la Bekaa (5 morts, 7 blessés). La veille, des hélicoptères venus d’Israël avaient effectué un raid sur le camp de réfugiés palestiniens d’Aïn Heloué, près de Saïda (7 blessés). downloadModeText.vue.download 106 sur 502 CHRONOLOGIE 105 SRI LANKA ! Canada TUNISIE Vie politique. Divorce du président Habib Bourguiba et de Mme Wassila bent M’Hamed ben Ammar, dont l’influence a été déterminante dans la vie politique du pays. CANADA Réfugiés. 155 Tamouls, venus du Sri Lanka, et transférés clandestinement de RFA au Canada à bord d’un caboteur, sont recueillis en mer au large de Terre-Neuve. Le 13, le gouvernement leur accorde une autorisation de séjour d’un an. Mardi 12 FRANCE Culture. Après un mois d’interruption, les travaux reprennent à la Bastille, après la décision de M. François Léotard d’y installer une « grande salle de théâtre à vocation musi- cale, chorégraphique et lyrique », tandis que le palais Garnier conservera sa « vocation lyrique ». INDE Divisions administratives. Le Parlement adopte le projet de loi qui fait du territoire du Mizoram le 23e État de l’Union indienne. SOUDAN Les deux Soudan Le 16, un avion de la Compagnie nationale Sudan Airways est abattu par un missile SAM 7, au moment de son décollage de l’aéroport de Malakal, au sud-est du pays. Les 60 passagers et membres de l’équipage sont tués. Cette attaque survient 24 heures après l’ordre, lancé par le colonel John Garang, de l’Armée populaire pour la libération du Soudan (APLS), d’abattre tout avion, civil ou militaire, qui survolerait les zones qu’il contrôle. Le 18, à Londres, l’APLS revendique la destruction de l’appareil. Branche armée du Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS), l’APLS a été créée en 1983 par le colonel John Garang, qui combattait la politique de l’ancien président Numayri, jugée trop favorable au Nord et à sa population musulmane, tandis que le Sud, à majorité chrétienne, était négligé. Après le coup d’État du général Sewar elDhahab, le nouveau gouvernement a engagé un processus de négociations de paix avec les rebelles du Sud, marqué par la signature, en mars, de la déclaration de Koka-Dam (Éthiopie), puis par la création, en mai, d’un ministère de la Paix et du Congrès institutionnel, chargé des contacts avec le colonel Garang. Début août, à Addis-Abeba, des pourparlers s’engagent entre le Premier ministre, M. Sadek el-Mahdi, et le colonel Garang. Ils s’achèvent, le 12, sans qu’aucun accord ne soit intervenu, le MPLS posant comme condition préalable l’abolition de la loi islamique et le retour à la Constitution de 1956. Bénéficiant de l’appui logistique et matériel de l’Éthiopie et disposant d’un contingent de 15 000 hommes environ, l’Armée populaire pour la libération du Soudan contrôle une partie des trois provinces du Sud, à l’exception des grands centres urbains. Les opérations antiaériennes sont destinées à asphyxier les troupes de l’armée régulière, en garnison dans les villes de Bentiu, Juba, Wau et Malakal. Le 19, l’APLS annonce une offensive contre ces villes et invite la population civile à les évacuer. Le lendemain, la ville de Wau est bombardée et 117 soldats sont tués. La situation alimentaire des populations du Sud est préoccupante, surtout dans la région downloadModeText.vue.download 107 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 106 de Wau, où les habitants assiégés, auxquels s’ajoutent 30 000 à 50 000 réfugiés, sont menacés de famine. La Croix-Rouge, qui avait mis en place un pont aérien, à partir de l’aéroport d’Entebbe, pour ravitailler la ville, cesse ses livraisons le 18, en raison des menaces d’attaque aérienne. Le 20, l’ONU annonce le retrait de son personnel ; les derniers camions de vivres, acheminés de l’Ouganda, parviennent à Juba le 27, avant que les autorités ougandaises n’interdisent le transit. Le 2 septembre, la CEE décide de tenter de livrer des céréales aux habitants de Wau, à partir du Zaïre. Mercredi 13 EST!OUEST Commémorations. Le 25e anniversaire de la construction du mur de Berlin est célébré à l’Ouest et à l’Est. Berlin : les vingt-cinq ans du mur Le 13 août, la commémoration du vingtcinquième anniversaire de la construction du mur de Berlin est célébrée dans les deux parties de la ville, à l’Est par un défilé militaire et, à l’Ouest, par une cérémonie au Reichstag, présidée par le chancelier Helmut Kohl, et par le dépôt de 74 croix, en souvenir des victimes du mur. Malgré divers appels invitant à l’organisation de vastes manifestations de masse, la population du secteur occidental est peu mobilisée. Le 9, quelque 3 000 jeunes chrétiens-démocrates manifestent et, au point de passage internatio- nal de Check Point Charlie, certains tentent d’escalader le mur et de brûler des drapeaux est-allemands. Malgré ses 160 km de béton et de fils barbelés, ses 294 miradors, les 10 000 vopos qui le gardent, le mur a été le témoin de nombreuses tentatives d’évasion. Le 28 août, un couple est-allemand, accompagné de son enfant, parvient à le franchir à bord d’un camion, en forçant le passage et le poste de contrôle de Check Point Charlie. Au total, 4 909 fugitifs, dont 554 militaires, ont réussi à gagner le secteur occidental, 3 000 ont échoué et 74 sont morts au cours de leur tentative. Symbole de la permanence de la question allemande, le mur de Berlin est actuellement l’objet d’une nouvelle querelle entre les deux Allemagnes. Celle-ci concerne l’utilisation du statut quadripartite de la ville, garantissant la libre circulation entre les quatre secteurs, pour favoriser le passage à l’Ouest de milliers d’immigrés du tiers-monde. Pour les autorités d’occupations occidentales, le mur est une simple ligne de démarcation, tandis que le gouvernement de la RDA voudrait le faire reconnaître comme frontière nationale. Ainsi, tout étranger arrivé à Berlin-Est par les avions d’Interflug ou d’Aeroflot peut pénétrer dans le secteur occidental sans visa ni contrôle. Les autorités ouest-allemandes s’inquiètent de l’afflux chez elles des demandeurs d’asile, dont la moitié transite par Berlin. En juillet, 4 451 réfugiés, la plupart originaires d’Iran, ont emprunté cette voie. Au début du mois d’août, les trois puissances occidentales occupant la ville (États-Unis, France et Grande-Bretagne) ont demandé à l’Union soviétique, quatrième État responsable du statut de Berlin, qu’elle limite les « abus de la liberté de circulation » par le secteur oriental. FRANCE Audiovisuel. Adoption définitive du projet de loi sur la reforme de l’audiovisuel, dont le nouveau texte a été mis au point le 11 par une commission mixte composée de députés et de downloadModeText.vue.download 108 sur 502 CHRONOLOGIE 107 sénateurs. Le 18, la loi prévoyant la privatisation de TF1 est déférée au Conseil constitutionnel par 60 députés socialistes. ISRAËL Politique extérieure. Le gouvernement entérine l’accord israéloégyptien d’arbitrage international pour le règlement du litige de Taba. JAPON Espace. Le lanceur H1, première fusée de fabrication à 80 p. 100 japonaise, met en orbite deux satellites à partir de la base de l’île de Tanegashima. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Malgré l’opposition de nombreux congressistes, le Sénat vote une aide de 100 millions de dollars aux antisandinistes du Nicaragua. NICARAGUA ! États-Unis Jeudi 14 CEE Agriculture. La commission de Bruxelles décide de mettre en vente 950 000 tonnes de stocks de céréales, destinées à l’exportation. 400 000 tonnes supplémentaires sont cédées à bas prix, pour venir en aide aux éleveurs français victimes de la sécheresse. LIBAN Guerre civile. À Beyrouth-Est, l’explosion d’une voiture piégée fait 20 morts et une centaine de blessés. PAKISTAN Opposition. Les manifestations prévues pour réclamer des élections anticipées se déroulent, malgré leur interdiction la veille par le gou- vernement. Le 13 et le 14, des centaines d’opposants sont arrêtés, dont Mlle Benazir Bhutto (! 10 avr.). Les émeutes qui éclatent, notamment dans le Sind et le Pendjab, et se poursuivent jusqu’au 22, causent la mort d’au moins 28 personnes et d’importants dégâts matériels. ÉTATS!UNIS Drogue. Après être intervenu en Bolivie, le gouvernement américain, qui a lancé, le 4, une croisade nationale contre la drogue, apporte son aide au Mexique, pour détruire les champs de marijuana et de pavot. Cette campagne, baptisée « Opération alliance », doit durer jusqu’en 1987. Vendredi 15 FRANCE Drogue. Les douaniers des aéroports d’Orly et de Roissy saisissent 63 kilos de cocaïne en provenance de Colombie. AUTRICHE Musique. Au festival de Salzbourg, création du Masque noir, du compositeur polonais Krzysztof Penderecki, dans une mise en scène de Harry Kupfer. IRAQ ! Turquie TURQUIE Raid aérien. L’aviation bombarde des bases kurdes situées en territoire iraqien. Plusieurs centaines de personnes sont tuées. ÉTATS!UNIS Politique intérieure. Devant le Congrès, la politique du président Ronald Reagan est mise en échec à deux reprises, par l’adoption au Sénat de sanctions économiques contre l’Afrique downloadModeText.vue.download 109 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 108 du Sud et par le refus de la Chambre des représentants d’augmenter les crédits de la défense. Le 16, la Chambre approuve son vaste projet de réforme de la fiscalité. Espace. M. Ronald Reagan annonce que la NASA se consacrera désormais aux missions scientifiques et militaires ; le lancement des satellites commerciaux devra être effectué par des entreprises privées. PÉROU Dette extérieure. Le Pérou est radié du FMI, pour n’avoir pas remboursé la totalité des arriérés de 180 millions de dollars, qu’il s’était engagé à régler avant le 15. Au total, la dette du Pérou au Fonds monétaire s’élève à 750 millions de dollars. Samedi 16 IRAN Terrorisme. À Qom, un attentat à la voiture piégée provoque la mort de 13 personnes. Le 19, ce sont 20 personnes qui périssent lors de l’explosion d’une voiture en plein centre de Téhéran. RÉPUBLIQUE DOMINICAINE Gouvernement. Élu le 16 mai, M. Joaquin Balaguer (78 ans) prend officiellement ses fonctions de chef de l’État ; c’est son cinquième mandat présidentiel. Dimanche 17 FRANCE Météorologie. Une tornade s’abat sur la ville de La Charité-sur-Loire, dans la Nièvre ; elle provoque la mort d’une personne et d’importants dégâts matériels. Lundi 18 EST!OUEST Désarmement. À Stockholm, lors de l’ouverture de la dernière session de la Conférence sur le désarmement en Europe, qui doit s’achever le 19 septembre, l’URSS accepte le principe d’une inspection sur place de certaines activités militaires par les Occidentaux. Le 29, elle approuve également un projet de surveillance aérienne. SUD!SUD Au Caire, ouverture de la conférence du groupe des 77, consacrée à la coopération économique entre les pays en voie de développement. FRANCE Terrorisme. À Toulon, quatre personnes sont tuées par l’explosion de la bombe qu’elles transportaient. Les victimes appartenaient à l’organisation SOS-France, qui se révèle être la couverture légale des commandos de France, auteur de plusieurs attentats dans la région. Énergie. Début de la campagne de prospection pétrolière, entreprise par la société Elf à Paris et en banlieue. La détection, par engins vibrateurs, sera effectuée, de nuit, jusqu’au mois de décembre. Culture. Fermeture du musée du Jeu de paume, dont les collections sur les impressionnistes seront exposées au musée d’Orsay à partir de décembre. Le Jeu de paume sera réaménagé pour abriter des expositions contemporaines. downloadModeText.vue.download 110 sur 502 CHRONOLOGIE 109 ESPAGNE Incendies. Un violent incendie, revendiqué par le mouvement Milice catalane, se déclare dans le parc naturel de Catalogne et menace le monastère de Montserrat. 8 000 hectares de forêts sont détruits. URSS Désarmement. M. Gorbatchev annonce la prorogation du moratoire sur les essais nucléaires, jusqu’au 1er janvier 1987. Relations internationales. ! Israël ISRAËL Relations internationales. Pour la première fois depuis 1967, des entretiens officiels entre diplomates soviétiques et israéliens ont lieu à Helsinki. Mardi 19 SPORT Natation. Lors des championnats du monde de Madrid, le Français Stephan Caron remporte la médaille d’argent du 100 mètres nage libre, et améliore le record de France. FRANCE Gouvernement. Un remaniement ministériel crée deux ministères délégués, l’un aux Affaires européennes, l’autre à la Réforme administrative, ainsi qu’un secrétariat d’État à la Défense. Manifestations. Dans le Finistère, les éleveurs bretons manifestent violemment contre les pénalités infligées pour dépassement des quotas laitiers. Sécurité sociale. Publication au Journal officiel de la loi sur le financement des retraites et pensions, instituant deux prélèvements de 0,4 p. 100 sur les revenus des années 1985 et 1986. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. Après cinq années de rupture, reprise des relations diplomatiques, au niveau consulaire, avec le Guatemala. AUSTRALIE Commerce extérieur. Instauré il y a trois ans, l’embargo sur les ventes d’uranium à la France est levé. ÉTATS!UNIS Catholicisme. Le père Charles Curran, titulaire d’une chaire de théologie morale à l’université de Washington, est interdit d’enseignement par le Vatican, en raison de ses prises de positions libérales sur la sexualité. Mercredi 20 FRANCE Chômage. Le nombre des demandeurs d’emploi accuse une progression de 0,7 p. 100 en juillet et atteint 2 474 000 en données corrigées des variations saisonnières, chiffre jugé « incompressible » par M. Philippe Seguin, ministre des Affaires sociales et de l’Emploi. ÉTATS!UNIS Économie. Le taux de croissance du premier semestre atteint seulement 0,6 p. 100. C’est le résultat le plus faible qui ait été enregistré depuis 1981-1982. Quelques heures après sa publidownloadModeText.vue.download 111 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 110 cation, le taux d’escompte est ramené de 6 à 5,5 p. 100. ARGENTINE Justice. Le général Pablo Riccheri, ancien chef de la police de la province de Buenos Aires pendant le régime militaire, est arrêté et inculpé de violation des droits de l’homme. Le 14, un autre général, Ramon Camps, avait été incarcéré pour les mêmes raisons. Jeudi 21 FRANCE Vie politique. Après son voyage dans les Hautes-Alpes, M. François Mitterrand rend visite aux marins du secours en mer dans le Finistère. URSS Accident nucléaire. Les autorités déclarent que l’accident de Tchernobyl est imputable à une erreur humaine et à « l’irresponsabilité, l’incurie et l’indiscipline » du personnel de la centrale. Vendredi 22 SPORT Natation. Aux cours des championnats du monde de Madrid, une épreuve de 50 mètres nage libre est organisée pour la première fois. Elle est remportée par l’Américain Tom Jager. FRANCE Justice. M. Albin Chalandon signe le décret d’extradition des deux ravisseurs de M. Heineken. URSS Politique économique. Le gouvernement décide de s’associer aux décisions de l’OPEP et de réduire ses exportations pétrolières. CAMEROUN Catastrophe naturelle. Des émanations de gaz toxique d’origine magmatique, provenant du lac volcanique de Nyos, au nord-ouest du pays, provoquent la mort de plus de 1 700 personnes et de milliers de bovins. TCHAD Guerre civile. De violents combats opposent les partisans de M. Goukouni Oueddeï et ceux du chef du Conseil démocratique révolutionnaire, Cheikh ibn Oumar, qui s’empare de la ville de Fada. BOLIVIE Conflits sociaux. Après le mot d’ordre de grève de 48 heures lancé par les syndicats, 20 000 manifestants protestent, à La Paz, contre la politique minière et fiscale du gouvernement et contre la récente intervention de l’armée américaine dans la lutte antidrogue. Le même jour, 6 000 mineurs environ, réclamant la réactivation des mines d’étain, entament une marche « pour la vie » de 230 km, qui doit les conduire d’Oruro à La Paz (! 28). Samedi 23 FRANCE Énergie nucléaire. Les essais de la centrale de Cattenom, en Moselle, sont interrompus en raison de l’inondation de galeries souterraines. L’implantation de cette centrale, dont le premier réacteur doit être mis en service en octobre, est vivement critiquée par les pays voisins (Luxembourg et RFA). Feux de forêts. Un violent incendie, sans doute d’origine criminelle, détruit, en deux jours, la presque totalité du massif du Tanneron, dans le Var et les Alpes-Maritimes, et provoque la mort de quatre personnes. Le 26, le Premier ministre, M. Jacques Chirac, se downloadModeText.vue.download 112 sur 502 CHRONOLOGIE 111 rend sur les lieux ; il annonce le renforcement des mesures préventives, et notamment la création d’un Conservatoire de la forêt méditerranéenne. ITALIE Musique. Le festival Rossini de Pesaro présente, pour la première fois depuis 150 ans, Bianca e Falliero, dans une mise en scène de Pier Luigi Pizzi. Dimanche 24 MÉDITERRANÉE Des manoeuvres aéronavales égypto-américaines, baptisées Sea Wind, se déroulent en Méditerranée, au large des côtes libyennes (jusqu’au 28). FRANCE Vie politique. Réélection de M. Pierre Pasquini (RPR) et de M. Émile Zuccarelli (MRG) aux législatives partielles de Haute-Corse. Les élections du 16 mars avaient été annulées par le Conseil constitutionnel le 8 juillet. PHILIPPINES Relations internationales. Tandis que Mme Corazon Aquino effectue son premier voyage à l’étranger et se rend en Indonésie et à Singapour, de violents combats dans le sud du pays mettent aux prises l’armée et les guérilleros communistes de la Nouvelle Armée populaire. Lundi 25 AGRICULTURE À Cairns (Australie), 14 pays producteurs de céréales tiennent une « Conférence des exportateurs agricoles loyaux », pour examiner les moyens de faire face à la crise que traverse le commerce agricole mondial (jusqu’au 27). NUCLÉAIRE À Vienne, en Autriche, la conférence de l’Agence internationale de l’énergie atomique réunit les experts de 51 pays, pour analyser le rapport sur l’accident de Tchernobyl, transmis par l’URSS le 14. La réunion s’achève le 29 par la lecture de 13 recommandations, destinées à accroître la coopération internationale pour la sûreté des réacteurs. FRANCE Variétés. Au Zénith, plus de 7 000 personnes font un triomphe à la vedette américaine du rock, Prince. Mardi 26 FRANCE Politique intérieure. Le rapport de la Commission des « sages » sur le projet de redécoupage électoral est rendu public et transmis au Conseil d’État. La commission, composée de six magistrats, émet un avis défavorable pour 63 départements. La gauche, mais aussi l’UDF et le FN critiquent le projet. Agriculture. Le gouvernement décide de consacrer 1,3 milliard de F à l’aide aux agriculteurs victimes de la sécheresse. 24 départements du Centre et du Sud sont déclarés sinistrés. Pays basque. Deux militants basques espagnols, qui venaient d’être arrêtés, sont expulsés vers l’Espagne. Des manifestations ont lieu au Pays basque espagnol le 27 et à Bayonne le 30. ESPAGNE ! France downloadModeText.vue.download 113 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 112 URSS Désarmement. À Wellington, l’Union soviétique se déclare prête à signer les protocoles du traité de dénucléarisation du Pacifique Sud. ISRAËL ! Cameroun CORÉE DU SUD Gouvernement. Le président Chon Tuhwan procède à un important remaniement ministériel, en écartant la tendance dure du régime. CAMEROUN Relations internationales. À l’occasion de la visite à Yaoundé du Premier ministre israélien, M. Shimon Pérès, les relations diplomatiques sont rétablies entre les deux États. Mercredi 27 CEE Commerce international. La Commission de Bruxelles impose une taxe provisoire sur les photocopieurs japonais, dont les constructeurs sont accusés de concurrence déloyale. RFA Population. Le gouvernement adopte des mesures draconiennes pour limiter l’afflux des demandeurs d’asile, dont une grande partie transite par Berlin-Est. AFGHANISTAN Guerre. 40 soldats sont tués par l’explosion d’un dépôt de munitions à Qargha, près de Kaboul. Le 30, l’attentat est revendiqué par les résistants du Hezb islami. JAPON ! CEE Jeudi 28 FRANCE Politique extérieure. M. Jacques Chirac saisit l’ONU du problème de la FINUL. Enseignement. M. René Monory annonce la création d’un statut des directeurs d’écoles maternelle et élémentaire, qui de « chargés d’école » deviendront des « maîtres-directeurs ». BOLIVIE Politique intérieure. Tandis que la marche des mineurs est bloquée par l’armée à Calamarca, à 60 km de la capitale, l’état de siège est proclamé et des dirigeants syndicaux sont arrêtés. Le 29, les syndicats lancent un mot d’ordre de grève de 24 heures (! 22). Vendredi 29 FRANCE Outre-mer. Le Premier ministre, M. Jacques Chirac, arrive en Nouvelle-Calédonie, où il rencontre les représentants des deux mouvements rivaux, le RPCR et le FLNKS. Le 31, il se rend à Wallis-et-Futuna. Bourse. L’indice de la Compagnie des agents de change bat son record absolu à 412. Depuis le début de l’année, les cours ont enregistré près de 57 p. 100 de hausse. Incendies. Plusieurs foyers éclatent en Corse, notamment près de Porto-Vecchio. Ils sont maîdownloadModeText.vue.download 114 sur 502 CHRONOLOGIE 113 trisés le 1er septembre, après avoir détruit 8 000 hectares de forêts. Faits divers. Adjoint au maire de La Seyne-sur-Mer et conseiller régional de la Région Pro- vence-Alpes-Côte-d’Azur, M. Daniel Perrin est assassiné devant son domicile, à Sanary-sur-Mer. LIBYE ! Maroc MAROC Relations internationales. Le roi Hassan II rompt le traité d’union avec la Libye, signé le 13 août 1984 à Oujda. Cette décision est consécutive à une déclaration syro-libyenne, qualifiant la rencontre avec M. Shimon Pérès de « trahison ». Samedi 30 SPORT Voile. À Newport, 25 concurrents prennent le départ de la deuxième course autour du monde en solitaire, qui devrait s’achever en avril 1987. Athlétisme. À Stuttgart, le Français Stéphane Caristan devient champion d’Europe du 110 mètres haies. URSS Relations internationales. À Moscou, un journaliste américain, M. Nicholas Daniloff, est arrêté « pour espionnage ». ÉTATS!UNIS ! URSS Dimanche 31 FINLANDE Le père de la patrie M. Urho Kekkonen, qui a été chef de gouvernement et chef de l’État de la Finlande pendant plus de 30 ans, meurt à Helsinki, dans la nuit du 30 au 31. Fils de forestier, il est né à Pielavesi, petit village de la province de Savo, le 3 septembre 1900. Très tôt, il combat en faveur de la liberté de son pays et, lorsque, en 1918, éclate la révolution, il rejoint les rangs de l’Armée blanche. Conseiller juridique, militant du parti agrarien, il est élu député de Carélie en 1936 et entre, la même année, au gouvernement comme secrétaire d’État à l’Agriculture. Il occupe ensuite plusieurs postes ministériels : celui de la Justice en 1936 et 1937, puis de 1944 à 1946, et celui de l’Intérieur de 1937 à 1939. Retiré de la vie politique pendant la Seconde Guerre mondiale, il publie des articles politiques sous le pseudonyme de Pekku Leitsi. En 1943, alors que la Finlande est entraînée dans la guerre aux côtés de l’Allemagne, Urho Kekkonen, dans un discours prononcé à Stockholm, définit sa politique étrangère, à laquelle il restera fidèle jusqu’à sa retraite. Pour conserver son indépendance, la Finlande, qui possède avec l’U.R.S.S. une frontière de plus de 2 000 km de long se doit d’établir des relations étroites avec son voisin, tout en se tenant à l’écart des conflits entre grandes puissances. Cette stratégie, qu’il élabore à partir de 1944 avec le président Paasikivi, baptisée ligne Paasikivi-Kekkonen, aboutit à la signature, le 14 septembre 1944, d’une paix séparée avec l’Union soviétique, grâce à laquelle la Finlande n’est pas englobée parmi les États satellites de l’URSS. En 1948, il est l’un des négociateurs, à Moscou, downloadModeText.vue.download 115 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 114 du traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle finno-soviétique. Nommé Premier ministre en 1950, il dirige cinq gouvernements, jusqu’à son élection à la présidence de la République, le 15 février 1956. Élu (en 1956, par une majorité très étroite de 151 voix contre 149), il est ensuite réélu sans difficulté jusqu’en 1978, réalisant même peu à peu l’unité de la plupart des partis politiques. Le 27 octobre 1981, il démissionne de ses fonctions pour raison de santé. Durant ses cinq mandats présidentiels il renforce les relations finno-soviétiques par la prolongation du traité d’amitié et par la signature d’un traité de coopération avec le Comecon. En même temps, il noue des liens avec le bloc occidental : entrée de la Finlande à l’ONU et au Conseil nordique en 1955, à l’OCDE en 1969 et accord de libre-échange avec la CEE en 1973. Intransigeant sur la neutralité finlandaise, Urho Kekkonen joue un rôle déterminant dans la tenue, en 1975, de la Conférence d’Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe. Aucun de ses successeurs n’a remis en cause sa politique extérieure, fondée sur une neutralité absolue. Le pont qu’il a établi entre l’Est et l’Ouest reste solide. ROUMANIE Catastrophes naturelles. Un violent tremblement de terre, dont l’épicentre se situe à Vrancea, à 180 km de Bucarest, est ressenti jusqu’en Turquie, en Yougoslavie et en Moldavie soviétique, où il aurait fait des victimes. IRAQ!IRAN Conflit. L’Iraq propose à l’Iran un nouveau plan de paix, sous garantie du Conseil de sécurité de l’ONU. Le 2 septembre, la proposition est rejetée par le président iranien, M. Ali Khamenei. CHINE Recherche spatiale. Les scientifiques s’apprêtent à entraîner des astronautes, après avoir réalisé le premier simulateur chinois d’une cabine de vaisseau spatial. ÉTATS!UNIS Catastrophe aérienne. 85 personnes au moins sont tuées dans une collision entre un DC 9 de la compagnie Aero Mexico et un avion de tourisme audessus de la banlieue de Los Angeles. Après avoir pris feu, les deux appareils se sont écrasés sur la ville de Cerritos, détruisant 16 maisons (! éd. 1986). Le mois de Jean Le Poulain Août ! La liberté. Je retrouve avec délices une vie toute virgilienne dans ma vieille maison provençale, au milieu des vignes, près de Vaison. Mais, cette année, ce ne seront pas d’insouciantes vacances : depuis le premier de ce mois, je suis devenu, pour trois ans, le dix-neuvième administrateur général de la Comédie-Française. Cette longue dynastie, qui a commencé en 1849 avec Arsène Houssaye, m’impressionne beaucoup. Ma rustique paix romaine n’est que relative. Comment se fait-il que, chaque jour, immanquablement, l’actualité nous apporte surtout des mauvaises nouvelles ? On se bat au Liban, rien ne s’arrange en Afrique du Sud, des forêts brûlent dans le Midi, en Corse, en Espagne... Ne nous laissons pas distraire de notre devoir par des problèmes qui nous dépassent. Le secret de ma philosophie, ce sont les méditations « siestiques » : allongé à l’ombre sur la terrasse, je pense à ma future tâche downloadModeText.vue.download 116 sur 502 CHRONOLOGIE 115 et j’apprivoise doucement les difficultés. Au chant des cigales se mêlent d’autres rumeurs : Nelson Piquet vient de remporter le premier Grand Prix automobile de Hongrie devant 200 000 spectateurs enthousiastes, sans compter des millions de téléspectateurs, probablement. Quel spectacle ! De nos jours, le théâtre a de bien puissants rivaux. Pour survivre, il a voulu rivaliser avec le cinéma, parfois maladroitement, en particulier sur le plan des décors et des éclairages. Mais l’acteur dans tout cela ? Il arrive qu’on ne le voit qu’à peine, parfois uniquement en contre-jour ; et on l’entend de moins en moins, parce qu’il a adopté un jeu plus intériorisé, et aussi parce que la diction est un art qui se perd. Je veux lui redonner la première place, car ce qui fait la richesse et l’attrait du théâtre, c’est la présence de l’acteur vivant, et cette sorte de communion qui s’établit entre la scène et la salle, au fil du texte. Les Chinois commencent à entraîner des cosmonautes ; plus modestement, pour assurer l’avenir de la Troupe, nous aurons notre propre école et formerons de jeunes comédiens pour les besoins spécifiques de la Comédie-Française. Le talent est un don du ciel, mais avoir une diction parfaite, savoir dire les vers, c’est le fruit d’une longue discipline. Les bulletins d’information me rappellent à la réalité immédiate. On commente inlassablement l’explosion nucléaire à Tchernobyl. Les esprits chagrins qui se penchent avec suspicion sur les radis du marché ne manqueraient pas de trouver mes préoccupations bien futiles dans cette époque si menacée. C’est vrai. Mais le monde ne sera pas meilleur si nous devenons lugubres. Au contraire, il a besoin de pitres pour faire diversion... Allons, il va y avoir beaucoup à faire. Encore quelques jours et nous allons nous remettre à jouer : Molière bien sûr, et aussi Racine, Shakespeare, Becque, Genêt, Dostoïevski, Schnitzler, sans compter les représentations au Petit Odéon et au Petit Montparnasse, les tournées, les enregistrements pour la radio et la télévision. Je me hâte de profiter des dernières siestes, car, comme dit Irina à la fin des Trois Soeurs : « Bientôt ce sera l’hiver, la neige couvrira tout, mais je travaillerai, je travaillerai ! » JEAN LE POULAIN downloadModeText.vue.download 117 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 116 Septembre Lundi 1er NON!ALIGNÉS À Harare (Zimbabwe), ouverture du 8e sommet du mouvement des non-alignés, dont c’est le 25e anniversaire. Les représentants des 101 pays membres doivent se prononcer sur une liste de 13 sanctions contre l’Afrique du Sud. Le 3, le colonel Kadhafi, qui se dit prêt à « armer les combattants » contre l’apartheid, conteste l’idée même du non-alignement et suggère d’abolir le mouvement. M. Robert Mugabe, Premier ministre zimbabwéen, succède à M. Rajiv Gandhi comme président pour trois ans. La réunion s’achève le 7. SPORT Cyclisme. À Colorado Springs (États-Unis), la Française Jeannie Longo obtient le titre de championne du monde de poursuite (! 7). FRANCE Emploi. Le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, M. Philippe Séguin, commence à Épinal un tour de France destiné à promouvoir son plan pour l’emploi des jeunes ; 400 000 personnes devraient en bénéficier avant la fin de 1987. URSS Catastrophes. Éperonné sur le flanc par un cargo soviétique, le paquebot Amiral-Nakhimov, de même pavillon, fait naufrage en mer Noire. Le bilan varie de 300 à 400 morts, suivant les sources. Accusés de négligences, les deux commandants sont emprisonnés. AFRIQUE DU SUD Attentat. Une bombe explose dans un supermarché de Durban (19 blessés graves). ÉTATS!UNIS Relations internationales. Le général Vernon Walters, ambassadeur des États-Unis à l’ONU, entreprend une tournée des capitales européennes. Il commence ses entretiens le 1er à Madrid ; il est le 2 à Paris, où il rencontre M. Mitterrand, les 3 et 4 aux Pays-Bas, en RFA, en Italie et en Grande-Bretagne, et achève son voyage le 4 à Paris. Mardi 2 EST!OUEST À Moscou, jusqu’au 3, entretiens américanosoviétiques sur l’Afghanistan. LIBAN Otages. Le Djihad islamique dépose au bureau de Beyrouth de la chaîne de télévision américaine ABC une vidéocassette où JeanPaul Kauffmann supplie le gouvernement de céder aux exigences des ravisseurs. Le communiqué qui accompagne la vidéocassette exige notamment le retour en France de deux Iraqiens expulsés le 19 février ; le ministère des Affaires étrangères réplique que les deux intéressés ont déjà reçu leur visa de retour. Mercredi 3 FRANCE Justice. Le Conseil constitutionnel entérine l’essentiel du nouveau dispositif pénal ; le régime spécial antiterroriste ne sera pas étendu aux atteintes à la sûreté de l’État. Banque. 29 nouveaux banquiers, parmi lesquels figurent 15 personnalités proches de la nouvelle majorité, sont nommés à la tête des grands groupes bancaires voués à la privatisation. downloadModeText.vue.download 118 sur 502 CHRONOLOGIE 117 Faits divers. À Paris, 26, avenue Gambetta, grave incendie d’origine criminelle : 7 morts, dont 2 enfants, et 17 blessés. Jeudi 4 EST!OUEST À Genève, jusqu’au 5, entretiens américano-soviétiques sur les armes chimiques (! 5). FRANCE Terrorisme. Paris : l’offensive terroriste Le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA), qui avait revendiqué sept attentats à Paris de décembre 1985 à mars 1986, relance l’offensive le 1er septembre. Dans un communiqué parvenu au siège de l’AFP, il menace de reprendre les attentats si la France ne libère pas trois terroristes : Anis Naccache, auteur d’une tentative d’assassinat contre l’ancien Premier ministre iranien, Chapour Baktiar, l’Arménien Waroudjian Gardidjian, qui avait participé à l’attentat d’Orly, et surtout Georges Ibrahim Abdallah, chef présumé des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL) en Europe. C’est une série de six attentats successifs que Paris va alors connaître : – le 4, à 18 h 30, à la station gare de Lyon du RER, tentative manquée, le détonateur ayant fait long feu ; – le 8, à 19 h, dans le bureau de poste de l’Hôtel de Ville, l’explosion d’une bombe fait 1 mort et 18 blessés ; – le 12, à 12 h 30, dans une cafétéria « Casino » de la Défense, 41 blessés dont 2 graves ; – le 14, à 17 h 30, au Pub Renault, sur les Champs-Élysées, deux gardiens de la paix sont tués, un maître d’hôtel blessé ; ils avaient emporté la bombe au sous-sol de l’établissement ; – le 15, à 14 h, au service « Permis de conduire » de la Préfecture de police, 1 mort et 51 blessés ; – le 17, à 17 h 25, au magasin Tati, rue de Rennes, 7 morts et 51 blessés. Tous ces attentats sont revendiqués, de Paris ou de Beyrouth, par le CSPPA, proche des FARL, ou par les Partisans du droit et de la liberté (PDL), inconnus jusque-là. Dès le 5, les mesures de sécurité sont renforcées dans la capitale. M. Chirac menace ceux qui « manipulent les terroristes » ; le 14, il annonce le rétablissement des visas d’entrée pour tous les étrangers (sauf pour les ressortissants de la Suisse et de la CEE). Le 16, M. Pasqua décide le placardage de 200 000 affiches qui diffusent les portraits de Robert et de Maurice, deux frères de Georges Ibrahim Abdallah, recherchés comme témoins ou suspects, et promet un million de francs à qui aidera à l’arrestation des poseurs de bombes. Un autre frère Abdallah, Émile, est soupçonné d’avoir participé à l’attentat de la rue de Rennes ; un témoin affirme l’avoir reconnu au départ d’un vol pour Vienne, le 17 au soir, à Orly. Les trois frères, ainsi que l’aîné, Joseph, nient toute participation aux actions terroristes ; ils affirment n’avoir pas quitté leur village de Kobayat au Liban depuis deux ans. Le CSPPA fait part cependant de son intention de frapper désormais en Italie, où l’extradition de Georges Ibrahim Abdallah est réclamée, et aux États-Unis. Pendant ce temps, du côté des politiques français, on avance à petits pas. Le gouvernement, de plus en plus convaincu de la responsabilité du clan Abdallah, n’exclut pas des complicités syriennes, sans pour autant mettre en cause officiellement un gouvernement. Le 23, le ministre de la Coopération, M. Michel Aurillac, puis, le 26, le directeur de la DST, M. Bernard Gérard se rendent à Damas. Le 22, Mgr Hilarion Capucci, proche de l’OLP et du président downloadModeText.vue.download 119 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 118 syrien Assad, s’entretient, dans sa cellule de la Santé, avec Georges Ibrahim Abdallah ; il rencontre aussi le ministre de la Sécurité, M. Robert Pandraud. Certains reprochent au gouvernement de négocier avec des États soupçonnés d’aider les terroristes. LIBAN ! FINUL. La FINUL Le 11 août, une sentinelle française de la FINUL (Force d’Intervention des Nations Unies au Liban) abat deux membres du mouvement chiite Amal qui tentaient de forcer un barrage français à Abassieh, à l’est de Tyr. Les incidents s’enchaînent jusqu’au 13 : quatre miliciens d’Amal sont tués et treize soldats de la FINUL blessés. Il s’agit des affrontements les plus graves entre le mouvement Amal et la FINUL depuis la création de la force internationale, en 1978. Le 15 août, le gouvernement suédois donne son accord à l’envoi de troupes qui relèveront peu à peu les soldats français au Sud. Le 16, M. JeanClaude Aymé, responsable des affaires politiques aux Nations unies, est attendu au QG de la FINUL à Nakoura. Tandis que, le 21, la France demande à l’ONU de procéder à une « réflexion d’ensemble » sur les conditions dans lesquelles les « Casques bleus » exercent leur mission, le chef du mouvement Amal, Nabih Berri, fait connaître, le 22, son plein attachement au rôle de la FINUL, et à celui du contingent français en particulier ; il est imité, le 26, par M. Amine Gemayel, chef de l’État libanais Le 28, au lendemain de nouveaux tirs de harcèlement contre les Français, épreuve de force entre Amal et les extrémistes pro-iraniens du Hezbollah, hostiles à la FINUL, M. Marrak Golding, secrétaire général adjoint de l’ONU, est reçu à Paris pour une série d’entretiens sur l’avenir de la force au Liban ; le même jour, M. Denis Baudouin, porte-parole de M. Chirac, réaffirme qu’il n’est pas question d’évacuer le contingent français. Dès le début du mois de septembre, les attaques contre la FINUL se multiplient : le 4, trois « casques bleus » français sont tués et un quatrième blessé dans leur base de Jouaya, près de Sour, huit Népalais blessés le 11, un nouveau mort et cinq blessés parmi les Français le 13, deux nouveaux blessés français le 27, deux encore, le 28, à Aaïtit. Il faut rappeler quelle a été la mission initiale de la FINUL lors de sa création, en 1978 : la résolution 425 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui stipulait un retrait israélien total du Liban, lui avait donné pour tâche de se déployer avec l’armée libanaise le long de la frontière internationale ; ce déploiement n’a jamais pu se faire en raison du refus israélien. Le 17 août précisément, à l’issue de la manifestation colossale de soutien à la FINUL organisée à Tyr par Nabih Berri, l’octroi d’un bataillon libanais supplémentaire pour protéger la force internationale a été décidé. La position des dirigeants libanais dans leur ensemble est simple : le meilleur moyen pour l’ONU de protéger la FINUL est de forcer Israël à évacuer le Liban Sud. Le Hezbollah, de son côté, accuse la FINUL d’empêcher, par sa présence, les militants nationalistes de repousser l’armée du Liban Sud (ALS), financée par Israël. Le Conseil de sécurité de l’ONU, convoqué le 19 septembre à la demande de la France, se prononce le 22 en faveur de l’évacuation du territoire libanais de tous les éléments israéliens et pro-israéliens, afin de faciliter aux « casques bleus » français leur redéploiement dans le Sud ; Israël masse alors plusieurs centaines de soldats le long de sa frontière avec le Liban, pour soutenir l’ALS. Remplacés par des Népalais aux postes qu’ils abandonnent, les 600 soldats français à la fin de leur opération de redéploiement, le 26, n’occupent plus que 3 positions sur 32. downloadModeText.vue.download 120 sur 502 CHRONOLOGIE 119 AFRIQUE DU SUD Société. La population de Soweto observe une jour- née de deuil et de contestation, pour obtenir le soutien des États favorables à l’ANC lors de la conférence des pays non-alignés qui s’est ouverte à Harare le 1er septembre. ÉTATS!UNIS Enseignement. L’université Harvard fête ses 350 ans. Vendredi 5 EST!OUEST À Washington, jusqu’au 6, entretiens américano-soviétiques sur les armes nucléaires et spatiales (! 4). FRANCE Cinéma. Ouverture du 12e Festival du film américain de Deauville. PAKISTAN Terrorisme. Sur l’aéroport de Karāchi, détournement d’un Boeing de la Pan Am par quatre pirates de l’air, libyens ou palestiniens, qui exécutent un passager. L’assaut donné le soir par les forces pakistanaises provoque la mort de 20 autres passagers et de deux terroristes, et fait une centaine de blessés. ÉTATS!UNIS Espace. Expérience réussie de destruction télécommandée de deux satellites lancés et mis sur orbite à partir d’une fusée Delta. ÉGYPTE Les mystères de Kheops C’est la lecture de la B.D. d’Edgar P. Jacobs, le Mystère de la grande pyramide, qui a décidé deux architectes d’Arras, férus d’archéologie, Gilles Dormion et Jean-Patrice Goidin, à étudier de plus près l’énigme de la pyramide de Kheops et particulièrement la présence d’anomalies architecturales dans une construction aussi parfaite. Courant mai déjà, la direction des études et recherches d’EDF et la Compagnie de prospection géophysique française (CPGF) ont mis en évidence l’existence probable de trois ou quatre magasins dans le couloir menant à la chambre de la reine. Dès le 1er septembre, commencent les travaux de forage, destinés à faire passer un endoscope qui révélera si ces cavités-magasins existent ou non, de même qu’une entrée inconnue de la pyramide, d’autres corridors, une chambre du roi. Le 5, en réalité, au lieu des trésors espérés, les chercheurs n’ont trouvé dans les parois que du sable très fin. Dans la multitude des explications données à sa présence figure une supposition captivante : il aurait pour but, par écoulement, de manoeuvrer des herses de pierre qui ouvriraient sur on ne sait quoi d’inconnu ; l’entrée de la pyramide et les herses faciles, trop faciles à trouver, ne seraient qu’un leurre, ayant pour rôle d’attirer d’éventuels pilleurs. Ces hypothèses ont provoqué de vives controverses de la part des scientifiques, qui admettent seulement l’existence de petites cavités, les « serdabs », chambres qui servaient à entreposer la statue du kâ, double du mort. Les fouilles ont cessé le 8, sans résultats. Mais le procédé d’investigation utilisé, la microgravité, qui permet de déceler d’infinies variations d’intensité du champ de pesanteur, a conquis les Égyptiens qui veulent l’employer pour fouiller Saqqarah, et aussi la Direction des antiquités égyptiennes qui envisage une nouvelle mission, à Kheops, pour le mois de novembre. downloadModeText.vue.download 121 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 120 Samedi 6 PROCHE!ORIENT Palestiniens. Le Fatah de M. Yasser Arafat, le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine) de M. Nayef Hawatmeh et le PCP (Parti communiste palestinien) dénoncent l’accord jordano-palestinien de février 1985. TURQUIE Terrorisme. À la synagogue d’Istanbul, deux terroristes ouvrent le feu sur les fidèles en prière ; 21 personnes sont tuées, ainsi que les deux terroristes. Les Israéliens attribuent cette action criminelle aux dissidents palestiniens du groupe Abou Nidal. Dimanche 7 FINLANDE Sport automobile. Le Finlandais Timo Salonen remporte le rallye des « Mille Lacs » sur Peugeot 205 Turbo 16, permettant ainsi à sa firme de conserver le titre de champion du monde des marques. ÉTATS!UNIS Sports. Aux championnats du monde de cyclisme sur route, à Colorado Springs, l’Italien Moreno Argentin remporte le titre masculin ; chez les femmes, victoire de la Française Jeannie Longo. Le Tchécoslovaque Ivan Lendl est vainqueur des Internationaux de tennis de Flushing Meadow. L’Américaine Martina Navratilova remporte le titre féminin. CHILI Terrorisme. Près de Santiago, le général Pinochet échappe à un attentat revendiqué par le « Front patriotique Manuel Rodriguez », d’extrême gauche ; il n’est que légèrement blessé. L’état de siège est décrété sur l’ensemble du pays pour 90 jours. Lundi 8 PAKISTAN Opposition. Libération de Mlle Benazir Bhutto (! 14 août). Mardi 9 FRANCE Relations internationales. Entretien entre MM. Jacques Chirac et Helmut Kohl à l’hôtel Matignon ; il porte sur la baisse des taux d’intérêt allemands, les questions agricoles, le TGV, l’Airbus, l’armement et le nucléaire (centrale de Cattenom). Communication. Démission de Mme Michèle Cotta, présidente de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. M. Marc Paillet, doyen d’âge de la Haute Autorité, dont la suppression est annoncée, lui succède pour quelques semaines. RFA ! France JAPON Défense. Le gouvernement japonais se déclare prêt à participer au programme IDS, mais exige des garanties pour son utilisation. LIBAN Terrorisme. Enlèvement à Beyrouth de M. Frank Herbert Reed, le directeur américain de la Lebanese International School ; quatre Américains sont maintenant détenus en otages au Liban. Le 11, le Djihad islamique rejette la responsabilité de cette action. downloadModeText.vue.download 122 sur 502 CHRONOLOGIE 121 Mercredi 10 FRANCE Économie. Invité à l’Heure de vérité d’Antenne 2, M. Balladur prévoit une baisse moyenne des impôts de 3 p. 100 pour 1987, puis de 5 p. 100 pour 1988. Parmi les principales mesures figurent l’allégement des prélèvements en faveur des bas revenus, la réduction du taux d’imposition des hauts revenus de 65 à 58 p. 100, l’extension de la décote aux couples mariés afin d’exonérer deux millions de foyers supplémentaires. Agriculture. Une équipe scientifique française met au point un test génétique qui permet de déterminer le sexe des embryons bovins. Cinéma. Le Rayon vert d’Éric Rohmer obtient le Lion d’or du 43e festival de Venise. ESPAGNE Pays basque. À Ordizia, assassinat de Maria Dolores Gonzales Catarain, dite Yoyes, ancienne dirigeante de l’ETA. Le 11, l’organisation revendique l’attentat. CHINE Culture. Première Foire internationale du livre de Pékin. IRAN Guerre économique. Bombardement de la raffinerie de Tabriz par l’aviation iraqienne. LIBAN Conflit. En représailles contre l’attentat à la synagogue d’Istanbul (! 6), l’aviation israélienne effectue un double raid sur les camps palestiniens de Tyr et de Saïda. Jeudi 11 FRANCE Justice. Dans l’affaire Villemin, au terme de deux ans d’instruction, le juge Jean-Michel Lambert refuse le non-lieu à la mère de Grégory et transmet le dossier à la chambre d’accusation de Nancy. POLOGNE Vie politique. Le ministre de l’Intérieur annonce la libération immédiate de tous les prisonniers politiques. ISRAËL ! Égypte ÉGYPTE Relations internationales. À Alexandrie, jusqu’au 12, entretiens entre MM. Moubarak et Pérès ; il s’agit du premier sommet égypto-israélien depuis cinq ans. La normalisation des relations entre les deux pays et l’envoi d’un ambassadeur égyptien à Tel-Aviv sont décidés. Vendredi 12 FRANCE Justice. Expulsion de José Antonio Guinéa, terroriste de l’ETA. Photographie. Lartigue Jacques-Henri Lartigue meurt à Nice le 12 septembre, à l’âge de 92 ans. Avec Henri Cartier-Bresson et Robert Doisneau, il a été l’un des trois photographes français les plus downloadModeText.vue.download 123 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 122 célèbres du siècle. Ses premières photos il les fait au bois de Boulogne, à l’âge de huit ans, avec une drôle de boîte en bois verni, dont son père, banquier à Neuilly, lui a fait cadeau. Épinglées dans son album d’alors – nous sommes en 1902 – elles constituent le début de son Journal, qui représente à lui seul toute son oeuvre, riche de 200 000 photos, qu’il offrira à l’État en 1979. Éternel enfant au regard émerveillé, chroniqueur du plaisir, de la douceur de vivre, d’un certain bonheur, riche et mondain, photographe de l’instantané, il fut celui qui captait le mouvement, quand il lui plaisait, pour s’éloigner de toute angoisse. Ses photographies ont pu être trouvées légères et lui trop amateur ; s’il prit un vif plaisir à photographier les femmes il s’intéressa également aux premiers avions, aux premières voitures. Photographe à l’âge de 8 ans, il ne fut pourtant remarqué qu’à 68, lorsque le musée d’Art moderne de New York lui consacra en 1962 une exposition, et révélé au grand public français à 80 ! Il fut aussi peintre, comme l’indiquait son passeport... IRAQ!IRAN Guerre. Dans la nuit du 11 au 12, un missile solsol iranien atteint Bagdad (21 morts et 81 blessés). Samedi 13 FRANCE Partis politiques. Réunion du Comité directeur du Parti socialiste ; les différents leaders s’opposent sur leur comportement dans l’opposition. La fête de l’Humanité, qui dure jusqu’au 14, est marquée par la présence de « contestataires ». Culture. Avec Pli selon pli, de Pierre Boulez, inauguration du Musica 86 de Strasbourg, festival de musique contemporaine. GRÈCE Catastrophes naturelles. À Kalamata, dans le sud du Péloponnèse, un tremblement de terre qui atteint une magnitude de 6,2 points cause d’importants dégâts et provoque la mort de 17 personnes (300 blessés). Dimanche 14 SPORT Athlétisme. Le premier triathlon international de Paris, qui a réuni 570 participants, est remporté par le Français Serge Lactique. FRANCE Industrie. M. Francis Mer est nommé président unique d’Usinor et de Sacilor, qui regroupent 95 p. 100 de la production sidérurgique française. RFA Terrorisme. À Munich, dans la nuit du 15, attentat à la voiture piégée, revendiqué par la Fraction armée rouge. CORÉE DU SUD Terrorisme. À l’aéroport de Séoul, explosion d’une bombe, qui aurait été posée par des agents de la Corée du Nord (5 morts et 26 blessés). Lundi 15 GATT À Punta del Este (Uruguay), ouverture de la conférence ministérielle du GATT, qui réunit les représentants des États-Unis, de la CEE et de l’Australie. downloadModeText.vue.download 124 sur 502 CHRONOLOGIE 123 EUROPE Médecine. À Marseille, lors du 10e congrès européen sur les neurosciences, une équipe suédoise annonce qu’elle va procéder à la greffe de cellules de foetus humain dans des cerveaux de patients atteints de la maladie de Parkinson. FRANCE Économie. Le Conseil des ministres adopte le projet de budget pour 1987. Culture. Le directeur de la Musique et de la Danse, M. Maurice Fleuret, remet sa démission. AUTRICHE Vie politique. À la suite de la nomination de M. Jörg Haider, nationaliste, à la présidence du parti libéral (FPO), le chancelier Vranitzky annonce la rupture prochaine de la coalition entre socialistes et libéraux, au pouvoir depuis 1983. Cette décision entraîne des élections législatives anticipées, prévues pour le 23 novembre. ITALIE Justice. À l’issue du procès contre la Camorra, la cour d’appel de Naples acquitte le présentateur de télévision Enzo Tortora, ainsi que 113 autres accusés. PHILIPPINES ! États-Unis ÉTATS!UNIS Relations internationales. Jusqu’au 20, visite officielle de Mme Corazon Aquino, chef de l’État philippin. Société. Le président Reagan et son épouse donnent le coup d’envoi d’une « croisade nationale » contre la drogue. CUBA Politique intérieure. Libération de 60 prisonniers politiques, mesure sans précédent depuis 15 ans. Mardi 16 ONU Ouverture de la 41e session de l’Assemblée générale. CEE Sanctions. À Bruxelles, les Douze aboutissent à un accord de compromis sur les sanctions à infliger à l’Afrique du Sud ; celles-ci sont plus légères que les mesures envisagées au Conseil européen de La Haye des 2627 juin, notamment en ce qui concerne l’interdiction des ventes de charbon sudafricain dans la CEE. FRANCE Partis politiques. À Toulouse, jusqu’au 18, premières journées parlementaires du Front national. Aménagement du territoire. Le ministre de l’Équipement, M. Méhaignerie, autorise le préfet de la CharenteMaritime à signer la déclaration d’utilité publique du pont de l’île de Ré. Industrie automobile. Sortie de la Citroën AX. PAKISTAN Attentat. À Islamabad, assassinat de l’attaché militaire soviétique, le colonel Fedor Gorenkov. downloadModeText.vue.download 125 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 124 AFRIQUE DU SUD Relations internationales. ! CEE Catastrophes. Explosion d’un cylindre de gaz dans une mine d’or de Kinross (Transvaal) : 177 morts et 235 blessés. NICARAGUA Politique intérieure. Le ministre de l’Intérieur révèle que les prisons nicaraguayennes renferment 3 910 prisonniers politiques. Mercredi 17 FRANCE Relations internationales. ! Indonésie Nucléaire. ! Indonésie Culture. Le Festival d’automne de Paris accueille la Chine après quatre ans de négociations. Le Pavillon des pivoines, opéra kunqu du XVIIe s., est présenté en ouverture. CHINE ! France INDONÉSIE Relations internationales. À Djakarta, au cours de son voyage officiel en Indonésie (du 16 au 19), M. Mitterrand affirme que la France poursuivra ses essais nucléaires dans le Pacifique. MEXIQUE Dette. Le Mexique obtient du Club de Paris un accord qui lui permet le rééchelonnement de sa dette pour un montant de 1,8 milliard de dollars. Jeudi 18 FRANCE Audiovisuel. Le Conseil constitutionnel rend sa décision sur le projet de réforme de l’audiovisuel présenté par M. Léotard, qu’il juge conforme à la Constitution dans sa presque totalité. Toutefois, deux articles jugés contraires au pluralisme sont supprimés ; ils sont remplacés par un nouveau projet de loi limitant les concentrations dans l’audiovisuel et la presse, qui est adopté par le Conseil des ministres, le 1er octobre. LIBAN Terrorisme. À Beyrouth-Est, en secteur chrétien, assassinat de l’attaché militaire français, le colonel Christian Goutierre. Vendredi 19 EST!OUEST À Washington, entretiens entre le secrétaire d’État George Shultz et le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Édouard Chevardnadze (jusqu’au 30). Samedi 20 GATT Conférence. À Punta del Este, un accord sur les questions agricoles est conclu, et un nouveau cycle de négociations commerciales internationales (NCM) est lancé. FRANCE Protestantisme. Jusqu’au 27, campagne d’évangélisation du pasteur baptiste Billy Graham, au Palais omnisports de Bercy, à Paris. downloadModeText.vue.download 126 sur 502 CHRONOLOGIE 125 Culture. Au Grand Palais, à Paris, rétrospective du peintre François Boucher. ASIE Sports. À Séoul (Corée du Sud), ouverture des dixièmes Jeux asiatiques. Lundi 22 EST!OUEST La Conférence de Stockholm sur le désarmement en Europe s’achève. Elle avait été ouverte le 17 janvier 1984. ÉTATS!UNIS Monnaie. Lors des réunions monétaires de Washington, le président Reagan lance un appel pour la stabilisation des changes, et se heurte à la résistance des Allemands. Le dollar reste orienté à la baisse. Le règlement de l’octroi de six milliards de dollars à Mexico ne peut se faire dans les délais imposés par le FMI. Mardi 23 FRANCE Société. M. Albin Chalandon, ministre de la Justice, définit son plan de lutte contre la drogue. Consistant en une application stricte de la loi de 1970, qui considère que l’usager est d’abord un délinquant, celui-ci prévoit une aggravation des peines contre les trafiquants, mais aussi contre les toxicomanes. ITALIE Industrie. La Libye cède la part de 15 p. 100 qu’elle avait acquise en 1976 dans la société FIAT. LIBYE ! Italie TOGO Politique intérieure. Tentative de coup d’État à Lomé. 7 personnes sont tuées, 3 autres blessées par les commandos, constitués de 70 hommes. Le 25, le président Eyadema obtient l’envoi de 200 parachutistes français. Mercredi 24 EUROPE Médecine. L’assemblée du Conseil de l’Europe édicté un règlement pour l’utilisation des embryons humains. FRANCE Politique intérieure. Le Conseil des ministres adopte l’ordonnance portant sur le nouveau découpage électoral. Industrie. M. Jacques Maisonrouge, ancien directeur d’IBM, est nommé directeur général de l’Industrie. Audiovisuel. La Haute Autorité refuse de donner son autorisation à Paris-Câble, qui devait entrer officiellement en fonction le 1er octobre. Jeudi 25 FRANCE Politique économique. Le gouvernement annonce la mise en vente en Bourse de 11 p. 100 du capital d’Elf Aquitaine, sur 66,8 p. 100 détenus par l’État. Terrorisme. Arrestation de Frédéric Oriach, l’un des fondateurs d’Action directe. downloadModeText.vue.download 127 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 126 Vendredi 26 FRANCE Banditisme. Quatre mois après sa spectaculaire évasion de la prison de la Santé à bord d’un hélicoptère piloté par sa femme, Michel Vaujour est arrêté à Paris, au cours d’une tentative de hold-up. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le président Reagan oppose son veto aux sanctions économiques votées par le Congrès contre l’Afrique du Sud. Celui-ci est rejeté par la Chambre des représentants. Samedi 27 LIBAN Troubles. À Beyrouth, de violents combats opposent deux milices chrétiennes, les Forces libanaises de Samir Geagea et les partisans d’Elie Hobeika, ralliés à la Syrie, qui tentent de s’infiltrer dans le secteur chrétien de Beyrouth-Est (65 morts et 200 blessées). Dimanche 28 SPORT Cyclisme. L’Irlandais Sean Kelly s’adjuge le Grand Prix des nations, devant Laurent Fignon. FRANCE Élections. Premier test électoral depuis le 16 mars, l’élection législative partielle de Haute-Garonne consacre la victoire de Dominique Baudis ; la majorité et l’opposition obtiennent le même nombre de sièges, mais la liste PS stagne, alors que l’union RPR-UDF bénéficie d’un nouvel apport de voix. Sénat. À l’issue des élections pour le renouvellement triennal, la majorité obtient 89 sièges sur 120 ; nette poussée du RPR, stabilité de l’UDF, recul de la gauche. Course à pied. Le Français Pierre Lévisse remporte Paris-Versailles. ISRAËL Administration locale. Après la nomination par Jérusalem de trois maires palestiniens en Cisjordanie, à Hébron, à Ramallah et à El-Bireh, toutes les municipalités de cette région sont de nouveau entre les mains d’édiles arabes. LIBAN Terrorisme. À Beyrouth, enlèvement d’un journaliste français, M. Jean-Marc Sroussi, neuvième otage français détenu au Liban ; celui-ci réussit à s’évader le 1er octobre. TURQUIE Vie politique. Élections législatives partielles, à l’occasion desquelles, pour la première fois depuis le coup d’État de 1980, tous les partis légaux peuvent présenter des candidats : le Parti de la mère patrie (ANAP) du Premier ministre, M. Turgut Ozal, remporte la victoire ; le Parti de la juste voix (PJV) de l’ancien Premier ministre, M. Demirel, effectue une nette percée. Lundi 29 EST!OUEST Espionnage. Le journaliste américain Nicholas Daniloff, accusé d’appartenir à la CIA et appréhendé le 30 août à Moscou, en riposte à l’arrestation par les Américains, le 23 août, de Guennadi Zakharov, fonctionnaire soviétique de l’ONU convaincu d’espionnage, est relâché. L’heureux dénouement de cette affaire, downloadModeText.vue.download 128 sur 502 CHRONOLOGIE 127 qui prévoit aussi la libération du dissident soviétique Iouri Orlov, favorise le sommet Reagan-Gorbatchev, prévu pour les 11 et 12 octobre à Reykjavik, qui doit préparer le voyage du no 1 soviétique aux États-Unis. Le 17, Washington avait exigé le départ de 25 diplomates soviétiques de l’ONU. FRANCE Partis politiques. À Nancy, journées parlementaires de l’UDF, marquées par un appel à l’unité. Justice. Expulsion vers l’Espagne de Joaquim Martinez Jimenez, terroriste de l’ETA. LIBAN Terrorisme. Dans la banlieue de Beyrouth, assassinat du général Khalil Kanaan, commandant de la 5e brigade de l’armée libanaise. Lié, semblet-il, à l’accrochage du 28, entre des miliciens des Forces libanaises, chrétiennes, et des soldats de la 5e brigade, cet assassinat altère les rapports entre l’armée et les FL. Mardi 30 FRANCE Partis politiques. Journées parlementaires du RPR à Épinal, jusqu’au 1er octobre, et du PS à Mâcon. Syndicats. La journée nationale d’action de la CGT affecte principalement la SNCF. POLOGNE ! Chine CHINE Relations internationales. En visite à Pékin pour deux jours, le chef de l’État polonais, le général Jaruzelski, amorce le rétablissement des relations entre les PC polonais et chinois ; il est le premier dirigeant d’un pays de l’Est à effectuer un tel rapprochement. MAROC Gouvernement. M. Assedia Laraki est nommé Premier ministre, en remplacement de M. Mohamed Lamrani. Le mois de Madeleine Chapsal Septembre 1986 : première Foire internationale du livre à Pékin. Nous avons vu Hitler à l’oeuvre. Et Staline. Les livres sont les premiers objets que tentent d’anéantir les régimes totalitaires dès qu’ils se mettent en place. Avant même de liquider les hommes et de saisir leurs autres armes, ils brûlent leurs livres, car les livres sont les armes de l’esprit. Combien efficaces. D’abord parce qu’elles sont silencieuses : lire est l’acte clandestin parfait, car il ne fait aucun bruit. (Quel enfant n’a lu ses premiers livres défendus sous ses draps ou dans les cabinets ?) Ce sont aussi des armes à longue, très longue portée. Leurs effets peuvent mettre des années ou des siècles à se faire sentir. Ainsi chacun sait qu’à l’origine de la Révolution française il y a le ras-le-bol, mais aussi un monceau de petits papiers. Des libelles – des tracts, disons-nous aujourd’hui – qu’accompagnaient les oeuvres révolutionnaires de Diderot, de Rousseau, mais aussi les écrits de n’importe qui... Car la puissance du livre est qu’il agit parfois sans être lu. Les femmes et les hommes de 1789 ne lisaient pas beaucoup, mais ils savaient que des livres existaient qui disaient leur malheur, leurs souffrances, exprimaient leurs doléances et leur espoir. Un livre c’est des larmes plus de la dynamite. downloadModeText.vue.download 129 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 128 Les livres sont le fondement séculaire de nos civilisations, comme de chacune de nos vies modernes. À l’origine de nos existences, il y a la Parole, celle inscrite dans le gros livre – la Bible, le Coran, les Vedas, le registre de l’état civil – qu’on ouvre à notre naissance et que l’on ferme à notre mort. D’où l’importance primordiale que je donne à cette nouvelle qui, sur l’instant, m’a stupéfiée : première Foire internationale du livre à Pékin. Je n’en sais pas plus long que, déjà, je me mets à rêver. Tous les livres étaient-ils là ? Dans toutes les langues, tous les formats, sur tous les sujets ? Y avait-il aussi des livres dits « pornos », ceux qui montrent en paroles et en images que le corps des hommes et des femmes peut être un objet à la fois de plaisir extrême et de tout aussi extrême asservissement ? Y avait-il la Bible ? Pouvaiton toucher, acheter ? Surtout, y avait-il la foule chinoise, avec son sourire et ses yeux obliques dont les paupières semblent faites pour dissimuler l’étincelle du désir ? Les Chinois, nous apprend-on, ont inventé la poudre. Voilà que nous la leur aurions renvoyée sous la forme maniable, feuilletable de nos innombrables ouvrages par d’innombrables auteurs, en toutes langues et de toutes inspirations. En fait, tous les livres répètent la même chose : « Va vers toi. » Tous les livres sont un appel à l’individualisme, la singularité, la délivrance d’un message unique, du trésor personnel de chacun. Récemment, accablée par un chagrin d’amour, je me suis reconstruite en écrivant un livre, un roman. Mon refuge, ma bouée de sauvetage, mais aussi mon outil pour tenter de mettre à distance, à l’aide de mots, aussi bien la violence qu’on m’a faite que la mienne propre. Car le livre, c’est ce qui nous permet d’échapper au corps à corps assassin, pour nous dire avec passion, tendresse aussi, et férocité, ce que nous avons à nous dire les uns aux autres. On aura compris que je ne conçois pas mon existence sans les livres. D’où, pour moi, la grandeur saisissante de l’information : première Foire du livre à Pékin, en Chine rouge, au mois de septembre 1986. MADELEINE CHAPSAL Météo : L’Été Les chaleurs caniculaires de la fin de juin ont, à la fois, mis brutalement fin aux froidures du printemps et auguré d’un été peu ordinaire tant au niveau des températures qu’à celui des précipitations. Du 1er juillet au 25 août, les températures ont été supérieures aux normales calculées de 1950 à 1980 sur l’ensemble du territoire, à l’exception de l’Ouest et du Nord-Ouest. Précisons toutefois que cette période a été marquée par la succession régulière de séquences chaudes et fraîches de courte durée. En août, des records absolus ont été enregistrés : 37,9 °C à Nevers, 38,1 °C à Bourges, 36,6 °C à Colmar le 3, 33,3 °C à SaintÉtienne-Bouthéon, le 17. Du 26 août à la fin du mois de septembre, les températures ont été inférieures aux normales dans l’Ouest, le Nord, le Nord-Ouest, le Nord-Est, le CentreEst et légèrement supérieures dans le SudOuest, le Sud-Est et la Corse. Des températures anormalement basses ont été relevées entre le 27 août et le 5 septembre sur une grande partie du pays : 4,5 °C à Vannes le 28, 4,9 °C à Millau le 29, 4,8 °C à Tours le 30, 0,6 °C à Romorantin le 4 septembre, 3,5 °C à Auch le 5, alors que des températures maximales records ont été observées à Perpignan, le 15, 35 °C, et à Saint-Martin-d’Hères (Isère), près de Grenoble, le 16, 33,4 °C. downloadModeText.vue.download 130 sur 502 CHRONOLOGIE 129 Sécheresse prolongée. L’Aveyron sans pluie du 2 mai au 15 août Les caractères, la distribution temporelle et la modicité des pluies de juillet et d’août s’expliquent par l’alternance de temps anticycloniques et de perturbations généralement peu actives. En juillet, la hauteur totale des pluies a été très déficitaire (de 15 à 85 p. 100) dans toutes les régions, sauf en Corse. En août, les précipitations furent normales dans l’Ouest, le Nord et le NordEst et très déficitaires dans le Centre, le Centre-Est, le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse (déficits de 11 à 75 p. 100). En septembre, par contre, les pluies, bien qu’assez mal réparties dans le temps, ont été voisines de la moyenne dans le Nord, le Sud-Ouest et le Sud-Est et excédentaires sur le reste du pays. Les déficits pluviométriques des mois de juillet et d’août, qui faisaient suite à ceux de mai et de juin, ont été aggravés par la longueur des séquences sèches, une insolation supérieure à la normale et des températures élevées. Dans l’Aveyron, par exemple, aucune pluie n’a été observée du 2 mai au 15 août ! Si de telles conditions climatiques ont été favorables aux activités touristiques et bénéfiques pour la viticulture, elles furent lourdes de conséquences pour les cultures et l’élevage. Au 20 août, les réserves en eau des sols étaient nulles en Touraine, dans le Poitou-Charentes, les Landes, le LanguedocRoussillon, la Provence et la Corse ; elles étaient inférieures à 20 p. 100 des réserves utiles sur près du tiers du territoire (voir carte ci-dessous). Ce déficit hydrique s’est traduit par l’étiage absolu de certains cours d’eau et l’assèchement partiel, inhabituel, de lacs et d’étangs ; il a fortement affecté la productivité des cultures, des plantes fourragères et des pâturages naturels. Les rendements des céréales ont fléchi de 30 à 50 p. 100 ; le déficit fourrager a varié entre 50 à 85 p. 100 selon les régions. D’après l’ONIC, la production céréalière est inférieure de 12,6 p. 100 à celle de 1985. Sévères calamités agricoles. 24 départements sinistrés La situation à laquelle sont affrontés les agriculteurs est d’autant plus préoccupante que leur endettement est considérable. À la mi-août, 24 départements sont déclarés sinistrés : Allier, Aude, Aveyron, Cantal, Corrèze, Creuse, Dordogne, Gard, HauteGaronne, Gers, Gironde, Indre, Indre-etLoire, Isère, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Lozère, Puy-de-Dôme, Sarthe, Tarn, Tarnet-Garonne et Haute-Vienne. Le gouvernement adopte le train de mesures suivant : attribution de 1,3 milliard de F aux agriculteurs victimes de la sécheresse ; versement downloadModeText.vue.download 131 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 130 de 600 000 F à titre d’avance au Fonds national de garantie contre les calamités agricoles ; demande à la CEE de 400 000 tonnes de céréales fourragères ; réaménagement des modalités de remboursement des prêts bonifiés et des prêts pour calamités agricoles. À ce bilan très lourd, il faut ajouter les conséquences de la tornade qui, le 17 août, a ravagé la région de la Charité-sur-Loire (un mort, trois blessés graves et d’importants dégâts matériels), le naufrage d’un cargo et de deux voiliers au large des côtes bretonnes lors de la tempête des 24 et 25 août, les très nombreux accidents de montagne dans les Alpes françaises et italiennes et le désastre écologique consécutif à la destruction par le feu de plus de 30 000 hectares de forêt. Le déficit pluviométrique et hydrique de l’été 1986 a été à l’origine d’une situation économique et écologique aussi grave, sinon plus grave, que celle de 1976, l’année de la « sécheresse du siècle ». PHILIPPE CHAMARD downloadModeText.vue.download 132 sur 502 CHRONOLOGIE 131 Octobre Mercredi 1er FRANCE Vie politique. Trois élus communistes de Limeil-Brévannes et d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) sont condamnés à 2 000 F d’amende, six mois de prison avec sursis et cinq ans de privation des droits civiques pour avoir frauduleusement bourré des urnes lors des élections cantonales de 1982. ITALIE Société. Le ministre de la Santé dénonce une gigantesque escroquerie à la Sécurité sociale portant sur 350 milliards de lires de remboursements de médicaments n’ayant jamais été prescrits. Le ministre invoque une « infiltration du crime organisé ». Jeudi 2 FRANCE Politique intérieure. M. Mitterrand refuse de signer les ordonnances sur le découpage électoral, dont le texte a été adopté le 24 septembre par le Conseil des ministres. Coopération militaire. ! Togo Terrorisme. Après le Comité de soutien aux prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient, l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) menace de « frapper [...] en France si le gouvernement [...] ne libère pas les militants » emprisonnés. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. Le gouvernement suspend les vols des Libyan Arab Airlines vers la Grande-Bretagne à partir du 31 octobre, en indiquant que cette compagnie est impliquée « dans le soutien aux activités terroristes ». IRAN Enlèvement du chargé d’affaires syrien à Téhéran, qui est libéré le lendemain. Le rapt aurait été effectué sur l’ordre d’une tendance particulièrement dure du régime iranien, pour contrecarrer les efforts de Damas en vue d’une solution de compromis dans la guerre du Golfe. IRAQ Justice. Sept personnes, dont un ancien sous-secrétaire d’État au ministère du Pétrole, des hommes d’affaires et des entrepreneurs, condamnées pour prévarication, sont exécutées. INDE Terrorisme. À New Delhi, le Premier ministre, M. Rajiv Gandhi, échappe à un attentat perpétré par un militant sikh. Le lendemain, le directeur général de la police du Pendjab échappe à un autre attentat commis par des Sikhs (un mort et quatre blessés). La rancune des Sikhs Communauté religieuse à mi-chemin entre l’hindouisme et l’islam, les Sikhs n’ont pas la mémoire courte et continuent, 28 mois après, de venger l’assaut du Temple d’or d’Amritsar et le massacre d’un millier des leurs. Ces événements avaient déjà provoqué le meurtre d’Indira Gandhi dont le fils, le Premier ministre Rajiv Gandhi, échappe, le 2 octobre, à un attentat commis par un Sikh rescapé des carnages d’octobre 1984, qui firent officieldownloadModeText.vue.download 133 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 132 lement plus de 5 000 morts. Le lendemain, c’est le chef de la police du Pendjab, M. Julio Francis Ribeiro, un chrétien de Goa, qui évite de justesse un mitraillage. Deux mois plus tôt, le général qui commandait l’armée in- dienne au moment des événements d’Amritsar n’avait pas survécu à un autre attentat. Le 22, M. Rajiv Gandhi décide de renvoyer le ministre de l’Intérieur et de prendre luimême en main les questions de sécurité. Depuis le début de l’année, les séparatistes sikhs ont tué près de 500 Hindous, au hasard des marchés, des passages d’autobus ou des processions religieuses ainsi qu’une centaine de Sikhs hostiles à leur cause. Au total, ce sont plus de 10 000 personnes qui ont succombé depuis le début de ces affrontements. En un an, les indépendantistes ont attaqué 250 banques, arrondissant ainsi les sommes substantielles qui leur sont envoyées par des Sikhs fortunés d’Amérique du Nord ou de Grande-Bretagne. Même si les élections de septembre 1985 ont donné la victoire aux modérés de l’Akali Dal, la pression exercée par les jusqu’au-boutistes reste forte. Ainsi, en avril, une fraction importante des députés pendjabis a choisi de se ranger de leur côté. De plus bien que minoritaires, les séparatistes occupent le terrain, organisant régulièrement contre leurs adversaires de spectaculaires charges, sabre au clair (2 000 combattants, 6 morts, 60 blessés à New Delhi, le 26 juillet). L’autre pression recherchée est d’ordre démographique : il s’agit de faire fuir les Hindous du Pendjab, car les Sikhs ne détiennent qu’une fragile majorité de 52 p. 100, et de provoquer, par les inévitables réactions en chaîne, le retour d’une partie des six millions de leurs coreligionnaires dispersés à travers l’Inde. En deux ans, plus de 25 000 familles se sont réfugiées au Pendjab et, depuis octobre 1985, 10 000 familles hindoues l’ont quitté. Le 10 octobre, M. Rajiv Gandhi avait accusé implicitement le Pakistan d’avoir trempé dans la tentative d’attentat contre lut Le Khalistan, dont certains Sikhs souhaitent l’indépendance, est un terme pendjabi qui signifie « terre des purs ». En ourdou, cela se dit Pakistan. PHILIPPINES Guérilla. Le chef des maquisards communistes de la Nouvelle Armée du Peuple, M. Rodolfo Cander Salas, arrêté récemment, est inculpé de rébellion. LIBYE ! Grande-Bretagne TOGO Coopération militaire. Le gouvernement français annonce le retrait pour les 5 et 8 octobre de la compagnie de parachutistes et des avions Jaguar, envoyés à Lomé le 25 septembre. TUNISIE Justice. L’ancien Premier ministre, M. Mohammed Mzali, est condamné par défaut à un an de prison pour franchissement illégal de frontière. Il s’était enfui en Europe le 4 septembre et avait été exclu du Parti socialiste destourien le 8. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le Sénat, où les républicains ont pourtant la majorité, s’oppose au veto du président Reagan contre les sanctions économiques prises à rencontre de l’Afrique du Sud et adoptées par les deux Chambres. Vendredi 3 URSS Marine militaire. Un incendie dévaste un sous-marin nucléaire soviétique qui coule, le 6, dans l’AtdownloadModeText.vue.download 134 sur 502 CHRONOLOGIE 133 lantique Nord, à 1 000 km environ au nord des Bermudes. OUGANDA Vie politique. Début d’une vague d’arrestations d’officiers et d’hommes politiques parmi lesquels figurent trois ministres en exercice, accusés de préparer un coup d’État pour empêcher une « dérive procommuniste ». En quelques jours, 20 personnes sont inculpées de haute trahison. Samedi 4 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II, pour son troisième voyage en France, visite Lyon, Paray-leMonial, Taizé, Ars et Annecy jusqu’au 7 octobre. PAYS!BAS Aménagement du territoire. Inauguration du grand barrage mobile de l’Escaut oriental. Le barrage Le 4 octobre, sur l’embouchure de l’Escaut, la reine Beatrix inaugure l’une des plus monumentales digues jamais construites, qui est en même temps le premier barrage écologique, puisqu’une partie mobile de trois kilomètres sur neuf au total, permet le va-etvient naturel des marées et le maintien des eaux salées dans l’estuaire. 600 pêcheurs, des mytiliculteurs livrant 30 millions de moules par an, les amateurs, souvent français, des dernières huîtres plates d’Europe et les écologistes protecteurs des oiseaux migrateurs sont parvenus à faire préserver le milieu naturel. Mais la facture est lourde : environ 30 milliards de francs supplémentaires, sur un budget total de 56 milliards, par rapport au projet initial de barrage classique fixe abandonné en 1974. Mise à l’étude voici plus de 30 ans, au lendemain de la catastrophe du 31 janvier 1953 (la rupture des digues entraîna l’inondation de 200 000 ha et la mort de 2 000 personnes), la réalisation est titanesque : 65 piliers de bétons hauts de 30 à 40 m, pesant jusqu’à 18 000 t, reposent sur une sorte de gigantesque matelas fait d’acier, de graviers et de dalles de béton. Un système électronique permet la fermeture automatique de 62 vannes coulissantes de 40 m de large lorsque des tempêtes ou des marées exceptionnelles sont annoncées, une ou deux fois par an. Même dans ce cas, le delta, où débouchent l’Escaut, la Meuse et le Rhin, n’est pas complètement fermé car, sur les cinq estuaires, ceux de Rotterdam et d’Anvers restent libres. Mais la Zélande est-elle définitivement « en sûreté », comme l’a affirmé la reine Beatrix ? Rien n’est moins sûr, car les experts mondiaux prévoient une élévation générale du niveau de la mer pouvant aller jusqu’à un mètre d’ici un siècle. Dimanche 5 SPORT Volley-ball. À Paris, les États-Unis remportent pour la première fois le championnat du monde, en battant l’Union soviétique, détentrice du titre depuis 1978. Lundi 6 Échecs. À Leningrad, Garri Kasparov conserve son titre de champion du monde en battant son compatriote, Anatoli Karpov. GRANDE!BRETAGNE Terrorisme. Au cours du procès de Nezar Hindawi, qui avait tenté de faire exploser en vol un avion downloadModeText.vue.download 135 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 134 de la compagnie israélienne El Al, le procureur général affirme détenir la preuve de la complicité d’« agents syriens ». NICARAGUA L’armée abat un avion américain et capture l’unique survivant, Eugène Hasenfus, qui déclare, le 9, être un agent de la CIA envoyé pour fournir des armes aux forces antisandinistes. Mardi 7 FRANCE Terrorisme. À Paris, l’un des dirigeants de l’OLP, M. Abou Iyad, affirme que le Comité de solidarité avec les prisonniers arabes et du Proche-Orient (CSPPA) et l’ASALA sont contrôlés par le gouvernement syrien qui est responsable des attentats commis à Paris. GRANDE!BRETAGNE Presse. Lancement d’un nouveau quotidien, The Independant, qui exprime l’ambition de concurrencer le Times et le Daily Telegraph. ITALIE Relations internationales. L’Italie libère trois tueurs libyens condamnés à de lourdes peines et les échange contre quatre Italiens détenus en Libye. Criminalité. À Palerme, la mafia fait assassiner un garçon de 11 ans, Claudio Domina, parce que sa famille avait refusé de collaborer avec elle. LIBAN Guerre civile. Meurtre de Cheikh Saleh, vice-président du Conseil suprême islamique et partisan de la coexistence islamo-chrétienne. SYRIE ! France INDONÉSIE Justice. Neuf anciens dirigeants du Parti communiste indonésien, arrêtés entre 1967 et 1971 et condamnés à mort entre 1968 et 1972, sont fusillés entre le 26 septembre et le 7 octobre. Selon la presse, ces exécutions tardives seraient dues à une résurgence des activités communistes. LIBYE ! Italie Chirurgie : in utero Le docteur Michael Harrisson, de l’université de Californie, à San Francisco, avait opéré à 26 semaines de vie intra-utérine un foetus atteint d’une malformation urinaire, décelable in utero, qui condamnait le foetus à brève échéance. Il s’agissait d’un rétrécissement de l’urètre qui avait été décelé au cours d’une échographie de contrôle. L’intervention avait consisté, après ouverture de l’utérus de la mère, à pratiquer une incision de la paroi abdominale du foetus pour pouvoir ouvrir sa vessie et assurer une dérivation transitoire des urines, de façon que les reins ne continuent pas à souffrir. Deux échecs avaient été enregistrés précédemment par l’équipe chirurgicale de l’université de Californie. Le succès de la troisième intervention a été annoncé le 7 octobre 1986 alors que l’enfant, né à terme, venait d’avoir un an. Une semaine après sa naissance, le bébé a subi une nouvelle intervention de façon à rétablir l’écoulement normal des urines par l’urètre. Toutefois, il présente une insuffisance rénale sévère, pour laquelle une greffe sera sans doute nécessaire. downloadModeText.vue.download 136 sur 502 CHRONOLOGIE 135 Mercredi 8 FRANCE Politique intérieure. Le Conseil des ministres adopte le projet de loi sur le nouveau découpage électoral. Relations internationales. Visite à Paris du Premier ministre israélien, M. Shimon Pérès Immigration. Le gouvernement annonce que les Tunisiens résidant légalement en France (225 000 personnes) seront dispensés de visa. HONGRIE Religion. Rencontre de théologiens catholiques et d’intellectuels marxistes des pays de l’Est et de Cuba, organisée par l’Académie hongroise des sciences et le Secrétariat romain pour les non-croyants. URSS Relations internationales. Première visite officielle du président du Burkina Faso, le capitaine Thomas Sankara, qui est reçu par M. Gorbatchev. ISRAËL ! France AFRIQUE DU SUD Politique extérieure. En représailles de l’appui fourni par le gouvernement mozambicain aux terroristes noirs de l’ANC, le gouvernement décide le renvoi, à l’expiration de leur contrat, de 60 000 travailleurs immigrés mozambicains et l’arrêt de toute embauche de ressortissants de ce pays. BURKINA FASO ! URSS Jeudi 9 FRANCE Vie politique. M. Roland Dumas, ancien ministre socialiste des Relations extérieures, est élu président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par 35 voix contre 31 au candidat de la majorité, M. Bernard Stasi. POLOGNE Solidarité. Le Conseil provisoire du syndicat, créé ouvertement le 30 septembre, annonce qu’il vient d’être déclaré illégal par les autorités. Vendredi 10 Santé. La revue scientifique Cell révèle que, pour la première fois, une équipe franco-américaine a réussi à cultiver le virus de l’hépatite B, première cause de mortalité parmi les jeunes gens de certains pays d’Afrique. La mise au point d’un médicament actif devrait en être grandement facilitée. ONU M. Javier Perez de Cuellar est réélu à l’unanimité et pour cinq ans secrétaire général de l’Organisation. FRANCE Les dépouilles des soldats en Indochine entre 1939 et mencent à être rapatriées. 20 000 corps sont attendus français tombés 1954 comPrès de jusqu’en 1988. Terrorisme. Lors de son procès à Londres, Nezar Hindawi, auteur d’une tentative d’attentat contre un avion d’El Al, affirme qu’un lieutenant-colonel des services de renseignements syriens s’était présenté à lui comme l’auteur de l’attentat de la rue Marbeuf, qui downloadModeText.vue.download 137 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 136 avait fait un mort et 46 blessés en 1982 (! 6 et éd. 1982). Information. L’Assemblée nationale adopte les dispositions limitant les concentrations dans les médias, conformément au voeu du Conseil constitutionnel. Écologistes. Neufs militants antinucléaires réussissent à occuper pendant une dizaine d’heures la tour de réfrigération de la centrale de Cattenom, en Moselle. Arts martiaux. Pendant deux jours, première démonstration à Paris de sumō, sport national japonais, au palais omnisports de Bercy. RFA Terrorisme. À Bonn, assassinat par la Fraction armée rouge de M. Gerold von Braunmühl, directeur politique au ministère des Affaires étrangères. ISRAËL Gouvernement. Démission du Premier ministre travailliste, M. Shimon Pérès, qui est remplacé le 20 par M. Yitzhak Shamir, comme prévu dans les accords de coalition avec le Likoud. ARGENTINE Relations internationales. M. Raul Alfonsin entreprend un voyage de 10 jours, incluant des étapes à Moscou et à La Havane. C’est la première fois qu’un président argentin se rend dans ces deux capitales. Samedi 11 EST!OUEST Relations. Jusqu’au 12, sommet Reagan-Gorbatchev à Reykjavik (Islande). Les Américains refusent de renoncer au programme militaire de l’IDS. FRANCE Terrorisme. En Corse, 26 attentats à l’explosif sont commis dans la seule nuit du 10 au 11. Culture. Mort de Georges Dumézil. Georges Dumézil Historien des religions, Georges Dumézil est mort à Paris le 11 octobre. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études à partir de 1935 et professeur au Collège de France (1949-1968), il avait été élu à l’Académie des inscriptions en 1970 et à l’Académie française en 1978. Avec quelque 60 volumes rédigés et avec l’aide d’une quarantaine de langues connues (« maniées », disait-il), il avait eu le loisir, au fil de sa longue carrière, d’approfondir institutions et mythes des sociétés protohistoriques issues de la communauté indoeuropéenne. Son enseignement de l’histoire des religions, à l’université d’Istanbul, dans les années 20, avait été l’occasion de la dé- couverte des sociétés et des parlers du Caucase et spécialement l’oubykh, langue dont il partagea la connaissance avec le dernier locuteur authentique ! Il avait consacré ensuite une bonne partie de ses efforts de comparatiste (et de structuraliste, bien qu’il s’en défendît) à une tentative d’explication des mythes et rites de Rome qui aboutit à sa brillante Religion romaine archaïque (1966). Ses « trois fonctions », modèle ternaire de la société primitive européenne, composée de guerriers, chefs-sorciers et paysans représentent, plus qu’une théorie, une hypothèse de travail féconde qui a aidé à comprendre, par exemple, certaines parentés culturelles entre la Rome antique downloadModeText.vue.download 138 sur 502 CHRONOLOGIE 137 et l’Inde éternelle. Cette « tripartition fonctionnelle », devenue ensuite « idéologie des trois fonctions », s’était heurtée autrefois à une incompréhension étendue. Elle suscite encore bien des réticences, alors même que les historiens prennent la relève en étendant son champ. Georges Duby, notamment, a bien vu ses prolongements au Moyen Âge. Georges Dumézil est longtemps resté un chercheur solitaire, ne comptant pas de disciples avant d’en trouver dans les universités américaines. En dépit du certain ésotérisme de ses sujets, il a vendu ses livres, car ils se lisent avec plaisir. SALVADOR Catastrophes naturelles. Pendant deux jours, de violents séismes provoquent d’importants dégâts matériels entraînant la mort d’un millier de personnes et faisant plus de 200 000 sans-abri. Dimanche 12 GRANDE!BRETAGNE ! Chine GRÈCE Vie politique. À l’issue du premier tour des élections municipales, le Parti de la nouvelle démocratie (droite conservatrice) arrive nettement en tête dans les grandes villes, aux dépens du parti socialiste PASOK. Cette tendance s’amplifie le 19, lors du second tour. RFA Vie politique. Aux élections régionales de Bavière, la CSU (Christlich-Soziale Union) remporte 56 p. 100 des voix, contre 27,5 p. 100 au SPD, qui enregistre son plus mauvais score depuis la guerre. Avec 7,3 p. 100, les Verts font leur entrée au Landtag. CHINE Relations internationales. Premier souverain britannique à effectuer un voyage officiel en Chine, la reine Élisabeth II arrive à Pékin pour une visite d’une semaine. Lundi 13 Le prix Nobel de médecine est attribué à deux Américains, spécialistes des facteurs de croissance : M. Stanley Cohen et Mme Rita Levi-Montalcini. FRANCE Vie politique. Sept voix font défaut à la motion de censure déposée par le PS, après l’engagement de responsabilité du gouvernement sur le vote du nouveau découpage électoral (! 23). Mardi 14 Le prix Nobel de la paix est attribué à l’écrivain juif américain Élie Wiesel, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald. SPORT Jeux Olympiques. À Lausanne, le Comité international olympique (CIO) décide de séparer les jeux d’hiver de ceux d’été et de les organiser en alternance, tous les deux ans. FRANCE Économie. La société Elf Aquitaine vend 11 p. 100 de son capital. 26 p. 100 des actions sont achetées par de petits épargnants. downloadModeText.vue.download 139 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 138 POLOGNE Justice. Deux des trois assassins du père Popieluszko bénéficient d’une importante remise de peine. CHINE ! Viêt-nam VIÊT!NAM Conflit sino-vietnamien. Selon Hanoi, une offensive militaire chinoise particulièrement importante, à proximité de Vi Xuyen, aurait fait de nombreux morts dans la population et plus d’une centaine parmi les Chinois. Les affrontements restent permanents le long de la frontière Nord. Mercredi 15 Le prix Nobel de chimie est remis à trois spécialistes des mécanismes élémentaires des réactions chimiques : l’Américain, Yuan Tseh Lee, originaire de Chine nationaliste, le Canadien John Charles Planyi et l’Américain Dudley Robert Herschbach. Le prix Nobel de physique est attribué à l’Allemand Ernst Ruska, l’un des inventeurs du microscope électronique, à son compatriote Gerd Binnig et au Suisse Heinrich Rohrer, créateurs d’un microscope permettant l’observation d’atomes isolés. URSS Propagande. Le gouvernement soviétique invite de très nombreux journalistes occidentaux à assister au début du retrait d’un contingent de 8 000 hommes sur les 120 000 environ qui sont basés en Afghanistan. ISRAËL Terrorisme. L’OLP revendique un attentat à la grenade qui fait un mort et 70 blessés près du Mur des lamentations, à Jérusalem. AFGHANISTAN ! URSS BANGLADESH Vie politique. Le général Ershad remporte les élections présidentielles, mais l’opposition dénonce une fraude électorale massive. PHILIPPINES Vie politique. La présidente Aquino approuve un projet de nouvelle Constitution qui sera soumis à référendum le 23 janvier 1987. Le même jour, le vice-président, M. Salvador Laurel, réclame publiquement de nouvelles élections présidentielles en 1987, rejoignant ainsi le souhait des fidèles de l’ancien président Marcos. TAÏWAN Politique intérieure. Le Guomindang accepte la levée de la loi martiale et la formation de partis politiques. PÉROU Terrorisme. Le Sentier lumineux revendique l’attentat qui a grièvement blessé l’amiral Caperetta, ancien chef de la marine et président de la Banque industrielle. B. D. : Tintin d’outre-tombe Trois ans et demi après la mort d’Hergé (! éd. 1984), son 24e album : Tintin et l’Alph-art, laissé inachevé par l’auteur, est sorti le 15 octobre. Pourtant, Hergé avait toujours souhaité que son héros ne lui survive pas. Cet ultime album est, en fait, une ébauche comprenant un bloc à dessins crayonnés et annotés avec, en vis-à-vis, un autre volume downloadModeText.vue.download 140 sur 502 CHRONOLOGIE 139 présentant des agrandissements ainsi que la transcription de dialogues qui ressemblent à ceux d’une pièce de théâtre. De cette intrigue, dont l’idée remonte à 1978, et qui s’inspire de l’affaire Legros, Hergé même ne connaissait pas la fin. Un artiste conceptuel jamaïcain, Ramo Nash (ramonache : radis noir, en bruxellois), a l’idée de remplacer la peinture par l’écriture et se met à vendre de grandes lettres de l’alphabet (d’où le titre). C’est dans ce contexte que Tintin découvre un trafic de faux tableaux de maîtres. Mal lui en prend, car, à la page 42, là où l’histoire reste inachevée, il est fait prisonnier par des malfrats, condamné à être transformé en compression de César et destiné à finir dans un musée. Mais le capitaine Haddock était prévenu, par Milou bien sûr, et il restait 20 pages pour le sauver ! Cette incursion dans le monde, peu connu du grand public, des marchands de tableaux reflète la profonde mutation qui s’opère chez Hergé, à partir de 1960 : il change de femme, déménage, se tourne vers le taoïsme, l’ésotérisme et la psychanalyse et ce casanier, père du plus célèbre des globe-trotters, se met pour la première fois à voyager. Il vit sa passion de néophyte en art contemporain comme une aventure spirituelle ; lui qui prônait la ligne claire, simple et réaliste pour la bande dessinée, rejette le figuratif. Ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs de dénoncer dans l’Alph-art les cuistreries de l’avant-garde, ni d’assimiler le centre Pompidou à une « raffinerie ». Outre l’émotion procurée à plusieurs générations d’« orphelins », l’un des principaux intérêts de cette parution est de nous faire pénétrer dans les coulisses de la création hergéenne et de nous donner, avec ce trait qui va directement à l’essentiel, une belle leçon de dessin. Les 20 000 premiers exemplaires étant immédiatement épuisés, 60 000 autres sont tout de suite réimprimés : chiffres impressionnants pour un brouillon vendu sept fois plus cher qu’un album normal. Malgré (ou peut-être à cause ?) de l’anachronisme de cet éternel jeune reporter apparu en 1929, les ventes totales annuelles ont quintuplé en 20 ans, atteignant cinq millions d’exemplaires en 1985. Jeudi 16 Le prix Nobel de littérature est attribué au Nigérian Wole Soyinka, premier auteur africain ainsi couronné. Le prix Nobel de Sciences économiques est décerné à l’Américain James McGill Buchanan pour ses travaux sur la théorie des décisions politiques et de l’économie publique. FRANCE Relations internationales ! Grande-Bretagne Justice. Création d’une section antiterroriste au parquet de Paris. Elle sera dirigée par le juge Alain Marsaud. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. Rencontre Thatcher-Mitterrand à Londres. Les entretiens portent essentiellement sur le sommet de Reykjavik. Immigration. Désormais, Indiens, Pakistanais et ressortissants du Bangladesh ne peuvent plus entrer en Grande-Bretagne sans visa. LIBAN Guerre. Pour la première fois, les Palestiniens abattent un avion israélien, en utilisant un missile SAM-7. downloadModeText.vue.download 141 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 140 SRI LANKA Troubles. 71 séparatistes tamouls ont trouvé la mort au cours des affrontements qui les opposent à l’armée depuis quatre jours. Vendredi 17 SPORT Jeux Olympiques. Le Comité international olympique choisit les villes de Barcelone, en Espagne et d’Albertville, en France (Savoie), pour accueillir les Jeux de 1992. FRANCE Outre-mer. Jusqu’au 20, voyage de M. Chirac à la Réunion, à Mayotte et aux Comores. Industrie spatiale ! RFA Culture. Lancement officiel du premier fascicule de la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française. ESPAGNE Politique intérieure. Destitution du chef de la garde civile, le général Andres Cassinello, qui, dans un entretien accordé au journal ABC, avait fermement critiqué les milieux parlementaires, journalistiques, judiciaires ainsi que les communistes. Son successeur est, pour la première fois, un civil. RFA Espace. Le gouvernement ouest-allemand décide de participer au financement du projet français d’avion spatial habité Hermès, à concurrence de 30 p. 100 de son coût. AFRIQUE DU SUD Terrorisme. Mme Masabata Loate, qui était l’une des dirigeantes noires antiapartheid de l’époque des émeutes de Soweto, est assassinée à coups de hache et de machette par une vingtaine de jeunes Bantous qui lui reprochaient son pacifisme et son hostilité déclarée au supplice du collier. TCHAD Guerre civile. Radio-France international diffuse une déclaration de M. Goukouni Oueddeï, transmise de Tripoli, la capitale libyenne, où il s’estime « prisonnier ». Il se dit prêt à rechercher un compromis avec M. Hissène Habré, qu’il reconnaît implicitement comme « chef de l’État » pour la première fois. Samedi 18 FRANCE Immigration. 101 Maliens en situation irrégulière sont envoyés dans leur pays par avion spécialement affrété. SOS-Racisme proteste. BELGIQUE Gouvernement. La crise des Fourons provoque la démission du ministre de l’Intérieur, M. Charles Ferdinand Nothomb. Dimanche 19 FRANCE Vie politique. M. Guy Penne, conseiller du président pour les affaires africaines démissionne. Il est remplacé, le 23, par M. Jean-Christophe Mitterrand. downloadModeText.vue.download 142 sur 502 CHRONOLOGIE 141 PORTUGAL Partis politiques. Le général Ramalho Eanes, ancien président de la République, prend la tête du Parti rénovateur démocratique. URSS Relations internationales. Le gouvernement soviétique expulse cinq diplomates américains accusés d’activités « non autorisées ». Le 21, les États-Unis renvoient à leur tour 55 diplomates soviétiques, pour égaliser le nombre des diplomates en poste dans chacun des deux pays. Le 22, cinq Américains sont encore expulsés d’URSS et ceux qui restent sont privés de leurs 260 employés soviétiques. MOZAMBIQUE Gouvernement. Le président Samora Machel se tue dans un accident d’avion, dans le Nord de l’Afrique du Sud. Lundi 20 FRANCE Terrorisme. 13 sympathisants du Mouvement démocratique algérien de M. Ben Bella sont arrêtés, puis assignés à résidence, le 26. Leur implication dans la vague d’attentats commis en région parisienne pendant le mois de septembre est invoquée par la police. Culture. L’historien Georges Duby, professeur au Collège de France, est nommé président de la SEPT, la future chaîne de télévision culturelle. Médecine. Le professeur Étienne-Émile Beaulieu, de l’INSERM, annonce la mise en évidence de la production d’hormones sexuelles par le cerveau. SAHARA OCCIDENTAL Le Front Polisario avertit la France que les opérations de l’armée marocaine pourraient « mettre en péril la vie » des deux aviateurs français qu’il a capturés le 17. Le 24, ceux-ci sont relâchés à Alger. Mardi 21 FRANCE Conflits sociaux. Grève, inégalement suivie, dans les services publics. RDA ! Chine CHINE Relations internationales. Visite officielle de M. Erich Honecker, secrétaire général du Parti communiste et président du Conseil d’État de la République démocratique allemande. Mercredi 22 EUROPE Politique extérieure. Visite de M. Jonas Savimbi, chef de l’UNITA angolaise, qui est reçu au parlement de Strasbourg par une centaine de députés européens. À Paris, du 23 au 26, il rencontre MM. Jacques Chaban Delmas, François Léotard et Jacques Toubon. FRANCE Relations internationales. Visite officielle de M. Tarek Aziz, vicePremier ministre et ministre des Affaires étrangères de l’Iraq. Enseignement. Invoquant un rapport du docteur Pierre Magnin, le ministre, M. René Monory, downloadModeText.vue.download 143 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 142 préconise l’allongement de l’année scolaire pour permettre un allégement du temps de travail hebdomadaire. IRAQ ! France INDE Gouvernement. M. Rajiv Gandhi destitue le ministre de l’Intérieur, M. Aron Nehru, et prend luimême la responsabilité des questions de sécurité. MACAO Statut. Le Portugal et la Chine parviennent à un accord de principe sur l’avenir du territoire, qui serait annexé par la Chine après 1997, mais conserverait, comme Hongkong, un régime administratif spécial. RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Vie politique. Jean Bédel Bokassa, ancien président et empereur de Centrafrique, quitte la France clandestinement et regagne Bangui, où il est arrêté dès sa descente d’avion (le 23). Jeudi 23 FRANCE Politique intérieure. L’Assemblée nationale adopte le nouveau découpage électoral, en utilisant la procédure de l’article 49-3 (! 13). HONGRIE Commémoration. 30e anniversaire du soulèvement de Budapest. Les autorités refusent toujours de communiquer le nombre, l’identité et le lieu d’inhumation des victimes de la répression. Des intellectuels dissidents de Hongrie, RDA, Pologne et Tchécoslovaquie signent un manifeste commun appelant à la lutte pour la démocratie et l’indépendance des pays de l’Est. RFA Attentat à la bombe devant la prison de Spandau, à Berlin-Ouest, revendiqué par un « Commando pour la liberté de Rudolf Hess ». CHILI Justice. Le gouvernement annonce l’arrestation de cinq terroristes du Front patriotique Manuel Rodriguez, qui ont avoué être les auteurs de l’attentat manqué du 7 septembre contre le général Pinochet. Vendredi 24 FRANCE Société. Le ministre de la Santé, Mme Michèle Barzach, rend public le rapport « Aide aux mourants » et annonce la création d’unités de « soins palliatifs » pour les assister. Emploi. La CGC refuse de conclure avec le CNPF l’accord sur les procédures de licenciement, qui avait déjà été paraphé par la CFDT, FO et la CFTC. Télévision. M. François Léotard autorise la Cinquième Chaîne à reprendre la diffusion de films. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. À la suite de la mise en cause de la Syrie lors du procès du terroriste jordanien Hindawi, accusé d’une tentative d’attentat contre un avion d’El Al et condamné à 45 ans de détention, le gouvernement de Mme Thatcher rompt ses relations diplomatiques avec Damas. Washington rappelle son ambassadownloadModeText.vue.download 144 sur 502 CHRONOLOGIE 143 deur. Le 27, la CEE refuse provisoirement de sanctionner la Syrie. Samedi 25 CROIX!ROUGE Délégations. Lors de la Conférence internationale de la Croix-Rouge tenue à Genève, la délégation d’Afrique du Sud est expulsée. Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) déclare alors que cette décision est contraire aux statuts de l’organisation, ainsi qu’à ses principes d’universalité et de neutralité. FRANCE Danse. Jusqu’au 21 décembre, organisation d’un cycle Prokofiev à Paris, inauguré par le ballet Cendrillon, donné à l’Opéra dans une chorégraphie de Noureïev. Sport. À Lyon, Alain Lazare, de Nouvelle-Calédonie, remporte le championnat de France de marathon. ESPAGNE Partis politiques. Dans le but de participer aux élections du Parlement européen, un Front national est créé à l’initiative de M. Blas Pinar, ancien dirigeant de Fuerza nueva, en présence de M. Giorgio Almirante, du MSI, et d’un représentant du Front national français. Terrorisme. À Saint-Sébastien, le gouvernement militaire de la province et sa femme sont tués par une bombe de l’ETA. Dimanche 26 SPORT Formule 1. À Adélaïde, Alain Prost remporte le Grand prix d’Australie, conservant ainsi son titre de champion du monde. GRANDE!BRETAGNE Scandale. Démission de M. Jeffrey Archer, vice-président du parti conservateur, accusé par le journal News of The World d’avoir tenté d’acheter le silence d’une prostituée. INDE Immigration. Les autorités annoncent que 16 immigrés clandestins ont été tués par les gardes frontières alors qu’ils tentaient de pénétrer au Pendjab et au Rajasthan. ÉQUATEUR Guérilla. À Quito, M. Arturo Jarrin, chef du mouvement Alfaro Vive, est tué par la police. Lundi 27 RELIGION À Assise, le pape Jean-Paul II organise une rencontre de 200 représentants de toutes les grandes religions afin de prier pour la paix. La trêve mondiale demandée par le pape pour ce jour-là est respectée par quelques pays. FRANCE!RFA Affaires culturelles. À Francfort-sur-le-Main, MM. Mitterrand et Chirac participent au sommet franco-allemand, à l’issue duquel un accroissement des relations culturelles entre les deux pays est décidé. downloadModeText.vue.download 145 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 144 Mardi 28 RFA Terrorisme. Le chef des services d’immigration de Berlin-Ouest, M. Harald Hollenberg, est grièvement blessé aux jambes par des membres des Cellules révolutionnaires communistes, en réponse, semble-t-il, aux restrictions apportées « au droit d’asile ». Mercredi 29 FRANCE Relations internationales. Le gouvernement annonce la conclusion d’un accord sur le contentieux financier avec l’Iran à propos du milliard iranien de participation à l’EURODIF. Industrie aéronautique. M. Serge Dassault est élu P-DG de la société des avions Marcel-Dassault, malgré l’avis négatif du ministre de la Défense, M. Giraud. GRANDE!BRETAGNE Relations internationales. La décision de réglementer le droit de pêche dans un rayon de 150 milles autour des Malouines provoque l’indignation en Argentine. ARABIE SAOUDITE Gouvernement. Le roi Fahd destitue le ministre du Pétrole, le cheikh Yamani, qui est remplacé par M. Hisham Nazer. IRAN ! France INDE Politique intérieure. Le Premier ministre, M. Rajiv Gandhi, dénonce l’incurie de 40 années de politique et d’économie socialistes. LAOS Gouvernement. Le prince Souphanouvong, chef de l’État, démissionne pour « raisons de santé ». ARGENTINE ! Grande-Bretagne Jeudi 30 TCHAD Guerre. Dans la région de Zouar, les partisans de M. Goukouni Oueddeï capturent une compagnie de l’armée libyenne, leur ancienne alliée. PÉROU Justice. Le président Alan Garcia annonce la création de tribunaux spéciaux pour les terroristes. Vendredi 31 JAPON Politique économique. Baisse d’un demi-point du taux d’escompte, ramené à 3 p. 100, son plus faible niveau depuis la fin de la guerre. Cette mesure est suivie d’un accord nippo-américain visant à stabiliser la parité yen-dollar. ÉTATS!UNIS ! Japon Le mois d’Emmanuel Le Roy Ladurie 3 octobre : des actions d’Usinor-Sacilor sont annulées par suite d’une décision contestable de l’autorité supérieure. 5 000 Lorrains perdent 460 millions de francs. « Le principal responsable, c’est l’État », dit l’avocat des downloadModeText.vue.download 146 sur 502 CHRONOLOGIE 145 victimes. Sans doute... mais cette phrase ne relève-t-elle pas aussi de la trop facile « imputation au politique », comme la définissait fort bien Ernest Labrousse, il y a quarante ans, à propos des prodromes de la Révolution française ? 3 octobre : un sous-marin nucléaire soviétique est en perdition dans l’Atlantique nord. Simple et minuscule épisode, logiquement situé dans une série statistique d’accidents ? Ou bien signe d’une inadéquation de la technique et des techniciens soviétiques, après quelques autres catastrophes, sur terre et sur mer, qui sont à mettre au débit de l’URSS ? 6 octobre : l’Américain Hasenfus, accusé d’aide aux « Contras », est capturé par les sandinistes au Nicaragua. Son crime : avoir soutenu contre un gouvernement légitime une rébellion armée. Mais comment définir et justifier la légitimité des régimes révolutionnaires, à tendance marxiste-léniniste ? Raymond Aron, dans un texte aujourd’hui oublié ou négligé, parlait à leur propos d’une « légitimité idéologique » ; il opposait celleci à la classique « légitimité démocratique » des régimes basés sur une véritable souveraineté populaire, issue d’un vote digne de ce nom. Jusqu’à quel point Aron prenait-il au sérieux le concept ambigu (« légitimité idéologique »), qu’il offrait ainsi à la méditation des lecteurs ? 8 octobre : sympathique rencontre de théologiens chrétiens et d’intellectuels marxistes à Budapest. Une embellie ? Mais, depuis cette date, Gorbatchev a déclaré, tout récemment, dans une Pravda d’Asie soviétique, que l’État (qu’il dirige) veut toujours faire disparaître la religion, y compris les dernières survivances d’icelle. Alors qui croire ? Les gentils congressistes de Budapest ? Ou le leader à la ferme parole ? 10 octobre : la Fraction armée rouge tue Von Braunmühl, haut fonctionnaire de la RFA. Georges Besse périra plus tard à Paris, dans des circonstances analogues. À quand un « Plus jamais ça » et des centaines de milliers de manifestants dans les rues pour stigmatiser ces assassinats, aussi injustes que telle autre mort est odieuse... ? 11 octobre : en Corse, 26 attentats à l’explosif en moins de vingt-quatre heures. Sur le continent, on reste indifférent, bien à tort, à ces « nuits de cristal » insulaires. Louis XV, quand il « donnait » la Corse à la France au terme de son règne, n’imaginait pas qu’il annexait ainsi une terre assez différente de ce à quoi l’avaient habitué les structures ouest-européennes. Aujourd’hui encore, terrorisme, gangstérisme, vendettisme, clientélisme... et nationalisme font bon ménage dans cette île, au détriment d’une majorité pacifique et silencieuse, aux dépens aussi d’une élite locale dont toute une partie choisit d’émigrer et de faire carrière sur le continent. 20 octobre : embargo sur divers investissements américains en Afrique du Sud. Mais le blé des fermiers du Middle West continue de couler à grands flots vers l’URSS, pays largement aussi oppressif que le régime de M. Botha. Alors, deux poids et deux mesures ? Doit-on appliquer l’embargo à tous les systèmes qui bafouent gravement les droits de l’homme ? Ou renoncer à ce sabre de bois des sanctions, qui n’est tranchant que sur son côté droit ? EMMANUEL LE ROY LADURIE downloadModeText.vue.download 147 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 146 Novembre Samedi 1er FRANCE Terrorisme. À Paris, dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre, une bombe explose dans les locaux de la compagnie d’aviation Minerve. Quelques minutes plus tard, une autre explosion détruit les bureaux de l’Office national de l’immigration. Les deux attentats sont revendiqués par Action directe. BULGARIE Catastrophe. 17 personnes sont tuées par une explosion au combinat chimique de Devnya, près de Varna. SUISSE Environnement. À Muttenz, près de Bâle, un incendie détruit un entrepôt des laboratoires Sandoz, dont les produits chimiques se déversent dans le Rhin. L’agonie du Rhin Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, un violent incendie se déclare dans l’entrepôt 956 des usines chimiques Sandoz de Muttenz, dans la banlieue de Bâle. Pendant quelques heures, un nuage nauséabond, mais non toxique, survole la cité suisse et la ville haut-rhinoise de Saint-Louis. Alors que la population est en état d’alerte, les eaux de ruissellement ayant servi à éteindre l’incendie, chargée de produits toxiques, se déversent lentement dans le Rhin, qui se colore en rouge. Le 7, une deuxième vague polluante, provoquée par une rupture de canalisation et composée d’un fongicide à base de mercure, déferle dans le fleuve. Au total, 1 246 tonnes de produits chimiques sont répandues dans le Rhin : 824 tonnes d’insecticides, dont du disulfloton et du thiomeron, 71 tonnes d’herbicides et 39 tonnes de fongicides, dont 12 d’un composé extrêmement dangereux à base d’hydroxyde de mercure. Cette catastrophe écologique, qui provoque la mort immédiate de centaines de milliers d’anguilles, menace aussi la faune, la flore et les micro-organismes. Les prévisions les plus pessimistes envisagent la mort du fleuve pour les 20 années à venir. Sur le passage de l’immense nappe rouge, qui atteint Bonn le 7, Cologne le 8 et les PaysBas le 9, les écluses et les vannes se ferment, les stations de pompage pour l’alimentation en eau potable sont arrêtées ainsi que des brasseries allemandes. La pêche est interdite pendant six mois. Sur les rives la colère gronde. Le 9, à Bâle, 5 000 personnes manifestent contre Sandoz, accusé de négligence : l’entrepôt 956 n’était pas équipé pour stocker des produits toxiques et abritait des matières dangereuses dont l’usage est interdit en Europe. Longtemps considéré comme un égout pour les industriels, le Rhin commençait à revivre grâce aux efforts entrepris pour restaurer le milieu biologique. On attendait même le retour des saumons au printemps prochain. Dimanche 2 SPORT Tennis. Le premier Open de Paris est remporté par l’Allemand Boris Becker. IRLANDE Partis politiques. Après la décision du Sinn Féin de renoncer à sa politique abstentionniste au Parlement de Dublin, plus de 130 des membres de ce parti, lié à l’IRA, fondent le Sinn Féin downloadModeText.vue.download 148 sur 502 CHRONOLOGIE 147 républicain, sous la direction de Daithi O’Coneill. LIBAN Otages. L’Américain David Jacobsen, qui avait été enlevé le 28 mai 1985, est libéré par le Djihad islamique. TUNISIE Politique intérieure. Lors des élections législatives, le parti socialiste destourien remporte la totalité des 125 sièges. Tous les candidats de l’opposition s’étaient retirés. Le 5, le président Bourguiba reconduit son gouvernement. ÉTATS!UNIS ! Liban Lundi 3 PAKISTAN Troubles. Le couvre-feu est instauré à Karachi, où de violentes émeutes opposent, depuis le 31 octobre, des Pathans à la population locale. Plus de 44 personnes sont tuées et 300 autres blessées. Des affrontements intercommunautaires semblables ont lieu à Hyderabad. MOZAMBIQUE Gouvernement. Le comité central du FRELIMO élit M. Joaquin Alberto Chissano président de la République, en remplacement de Samora Machel, décédé accidentellement le 19 octobre. Mardi 4 EST!OUEST À Vienne, ouverture de la troisième Conférence sur la sécurité en Europe (CSCE), qui réunit 35 pays européens ainsi que le Canada et les États-Unis. À cette occasion, le ministre soviétique des Affaires étrangères, M. Chevardnadze, rencontre son homo- logue américain, M. George Shultz. Le 6, un second entretien se solde par un constat de désaccord entre les deux pays sur le problème du désarmement en Europe. FRANCE Audiovisuel. M. Gabriel de Broglie est élu à la tête de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), qui remplace la Haute Autorité, dont les activités cessent le 13. RFA Communication. En rachetant la maison d’édition américaine Doubleday et après la prise de contrôle de la société RCA (Radio Corporation of America), Bertelsmann devient le premier groupe international de la communication. LIBAN Guerre civile. À Beyrouth, depuis le 29 octobre, de violents combats opposent les forces d’Amal aux Palestiniens du camp de Bourj el-Barajneh. Une soixantaine de personnes sont tuées par les bombardements. ÉTATS!UNIS Politique intérieure. Lors des élections, le parti démocrate reprend le contrôle du Sénat, en remportant 55 sièges, contre 45 au parti républicain de M. Ronald Reagan. Il accentue sa majorité à la Chambre des représentants en gagnant sept sièges. Californie. Le projet instituant l’anglais langue officielle de l’État est adopté par référendum. Mercredi 5 EUROPE À Strasbourg, les 21 ministres de l’Intérieur européens se réunissent pour mettre downloadModeText.vue.download 149 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 148 au point un plan de lutte contre le terrorisme. À cette occasion, Malte adhère à la convention européenne pour la répression du terrorisme signée en 1977. M. Robert Pandraud annonce que la France la ratifiera prochainement. FRANCE Défense. Le Conseil des ministres adopte la loi de programmation militaire (1987-1991). Approuvé par le président François Mitterrand, ce projet privilégie le développement de l’armement nucléaire stratégique, en particulier celui des sous-marins lancemissiles. Le 13, il est adopté par l’Assemblée nationale. ROUMANIE Justice. Directeur de l’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement, M. Liviu Bota est accusé d’espionnage par les autorités de son pays. Celles-ci lui avaient interdit de regagner Genève en décembre 1985. Jeudi 6 FRANCE Relations internationales. ! Espagne Culture. L’Académie française décerne son Grand Prix du roman à Pierre-Jean Rémy pour Une ville immortelle (Albin Michel) et le prix Paul-Morand à Jean Orieux pour l’ensemble de son oeuvre. Le prix du cinéma est attribué au metteur en scène Alain Resnais. ESPAGNE Relations internationales. À l’occasion de la visite de M. Jacques Chirac à Madrid, M. Felipe Gonzales confirme l’excellence des relations entre les deux pays. Le même jour, sept Basques espagnols sont expulsés de France. Ils avaient été interpellés la veille, lors de la découverte d’une importante cache d’armes à Hendaye. ITALIE Industrie. Annonce du rachajt par Fiat de la firme automobile d’État Alfa-Romeo. Samedi 8 ALGÉRIE Troubles. À Constantine, une manifestation d’étudiants et de lycéens, protestant contre les conditions de vie et d’enseignement, dégénère en violentes émeutes, qui se poursuivent jusqu’au 10. Le centre-ville est dévasté et quatre manifestants sont tués. Les 12, 13 et 15, 186 personnes sont condamnées à des peines de prison, tandis que des manifestations semblables se déroulent à Sétif. Dimanche 9 SPORT Voile. 33 navigateurs solitaires quittent Saint-Malo pour la troisième Route du rhum. FRANCE Cyclisme. En participant à un cyclocross dans son village breton de Quessoy, Bernard Hinault fait officiellement ses adieux à la compétition. ÉGYPTE Gouvernement. Le Premier ministre, M. Ali Loutfi, est remplacé par M. Atef Sedki, qui forme un nouveau gouvernement le 11. downloadModeText.vue.download 150 sur 502 CHRONOLOGIE 149 Lundi 10 CEE À Londres, les ministres des Affaires étrangères des Douze, à l’exception de celui de la Grèce, se prononcent pour des sanctions limitées contre la Syrie (24 oct.). URSS Viatcheslav Molotov, ancien bras droit de Staline, meurt à Moscou, à l’âge de 96 ans. Politique économique. Alors que s’ouvre à Moscou le sommet du COMECON, consacré essentiellement aux problèmes de l’intégration économique des pays de l’Est, M. Vladimir Kamentser est nommé à la tête de la Commission d’État pour l’économie extérieure. Cet organisme, créé le 24 septembre, est chargé de procéder à d’importantes réformes du commerce extérieur. SYRIE ! CEE BANGLADESH Politique intérieure. Le chef de l’État, le général Mohammed Ershad, lève la loi martiale et remet en vigueur la Constitution, suspendue depuis 1982. JAPON Relations internationales. Visite officielle de trois jours du chef de l’État des Philippines, Mme Cory Aquino, à laquelle le gouvernement octroie une aide financière. PHILIPPINES ! Japon Mardi 11 SPORT Squash. À Toulouse, lors des championnats du monde, le Néo-Zélandais Ross Norman enlève au Pakistanais Jahangir Khan le titre qu’il détenait depuis cinq ans. FRANCE Terrorisme. À Paris et à la Défense, trois attentats à l’explosif, revendiqués par Action directe, provoquent d’importants dégâts matériels dans les locaux des firmes Peugeot, Total et Péchiney-Ugine-Kuhlmann. Commémoration. À Longueval, dans la Somme, le président d’Afrique du Sud, M. Pieter Botha, inaugure un musée dédié aux soldats sud-africains morts au cours des deux guerres mondiales. Quelques centaines de manifestants antiapartheid sont dispersés par les forces de police. Lors de son séjour, qui a été l’objet de rassemblements de protestations le 6, M. Botha est accueilli par le sous-préfet de la Somme, M. Guy Fontanelle. Otage. ! Liban IRAQ!IRAN Conflit. L’aviation iraqienne bombarde les installations pétroléochimiques de BandarKhomeyni, au sud de l’Iran. LIBAN Otages. Deux Français, MM. Marcel Coudari et Camille Sontag, qui avaient été enlevés respectivement le 27 février et le 7 mai derniers, sont libérés par l’Organisation de la justice révolutionnaire et conduits à Damas. downloadModeText.vue.download 151 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 150 CORÉE DU SUD Opposition. L’un des principaux opposants au régime, M. Kim Dae Jung, est placé en résidence surveillée. AFRIQUE DU SUD ! France AMÉRIQUE À Guatemala Ciudad, les pays membres de l’Organisation des États américains adoptent une résolution soutenant la position de l’Argentine face à la décision de la Grande-Bretagne d’étendre sa zone de pêche autour des îles Malouines. Mercredi 12 FRANCE Politique intérieure. Le Conseil des ministres adopte le projet de loi de réforme du Code de la nationalité, qui comporte de légères modifications par rapport au précédent, après l’avis négatif émis par le Conseil constitutionnel. M. François Mitterrand exprime son désaccord. Vie politique. Première réunion constitutive du Conseil national de la gauche, nouvelle organisation promue par M. Lionel Jospin le 29 juin dernier. Relations internationales ! Guinée SUISSE Environnement. À Zurich, lors d’une réunion des quatre ministres de l’Environnement des pays riverains du Rhin, la Confédération helvétique s’engage à appliquer la législation communautaire en matière de stockage de substances toxiques et à financer la remise en état du Rhin. AFGHANISTAN Conflit. Un rapport présenté à l’ONU fait état de l’utilisation récente d’armes chimiques, de bombes au napalm ou au phosphore, par l’armée soviétique. GUINÉE Relations internationales. Le chef de l’État français, M. François Mitterrand, arrive à Conakry pour une brève visite officielle, qui confirme la relance de la coopération entre les deux pays. Jeudi 13 FRANCE Relations internationales ! Afrique Économie. En rachetant le secteur agrochimique d’Union Carbide, Rhône-Poulenc se place au troisième rang mondial de l’industrie agrochimique. Prisons. Le Conseil d’État s’oppose au projet de M. Albin Chalandon, Garde des Sceaux, qui prévoit de confier la construction et la gestion de 15 000 places dans les prisons à des entreprises privées. Le 17, les gardiens de prisons protestent contre le projet par une grève des écrous (! 19). Variétés. Le fantaisiste Thierry Le Luron, qui avait parodié la plupart des hommes politiques et des vedettes du spectacle, meurt à Boulogne, Hauts-de-Seine, à l’âge de 34 ans. URSS Désarmement. À l’occasion d’une visite en Finlande, le secrétaire du PC, M. Ligatchev, annonce une réduction des armements nucléaires soviétiques dans le secteur de la Baltique, notamment sur la péninsule de Kola. downloadModeText.vue.download 152 sur 502 CHRONOLOGIE 151 IRAN ! États-Unis PHILIPPINES Troubles. Président du parti de gauche du Bayan et principal dirigeant syndical, M. Rolando Olalia est assassiné. Le 14, 5 000 militants de gauche réclament la démission du ministre de la Défense M. Juan Ponce Enrile, qu’ils rendent responsable du meurtre. Le 20, plusieurs dizaines de milliers de manifestants participent aux obsèques à Manille. AFRIQUE À Lomé (Togo), 39 chefs d’État ou de gouvernement africains, ainsi que M. François Mitterrand et M. Jacques Chirac, assistent à l’ouverture du treizième sommet francoafricain, qui se tient jusqu’au 15. Les débats portent essentiellement sur le conflit tchadien. ÉTATS!UNIS Ventes d’armes. Des armes pour les ayatollahs Le 2 novembre, la libération de l’Américain David Jacobsen par le Djihad islamique déclenche dans la presse américaine une série de révélations, qui laissent entendre que cet élargissement a été négocié contre l’envoi d’armes à l’Iran par les États-Unis. Le 3 novembre, un hebdomadaire libanais, alChiraa, annonce que M. Robert McFarlane, ancien conseiller du président Ronald Reagan, a effectué une visite secrète à Téhéran. Le 4 novembre, jour des élections américaines, le président du Parlement iranien, M. Hachemi Rafsandjani, confirme ce voyage. Le 10 novembre, à Copenhague, le secrétaire général du syndicat des marins, M. Henrik Berlau, indique que neuf transports d’armements américains au moins ont été effectués cette année par des cargots danois à partir de ports européens et israéliens dont celui d’Eilat, vers le port iranien de Bandar Abbas Le 13 novembre, M. Ronald Reagan reconnaît que des négociations secrètes ont été engagées avec des éléments modérés du régime iranien, par l’intermédiaire de M. Robert McFarlane et que de « petites quantités » d’armes ont été livrées à Téhéran. Le président américain dément que ces tractations aient été nouées pour obtenir la libération des otages du Liban. Le 25 novembre, l’attorney général des États- Unis, M. Edwin Meese, dévoile qu’une partie du paiement effectué par l’Iran a été détournée au profit des Contras nicaraguayens, au moment où le Congrès avait interdit toute aide militaire aux guérilleros. L’amiral John Poindexter, patron du Conseil national de sécurité (NSC), démissionne, tandis que son collaborateur, M. Oliver North, impliqué dans le détournement de fonds, est limogé. Le NSC a conçu et organisé les fournitures militaires à Téhéran depuis le 14 septembre 1985, avant que M. Ronald Reagan ne signe, le 17 janvier 1986, un ordre secret autorisant les livraisons d’armes. M. Edwin Meese confirme également le rôle d’intermédiaire joué par les dirigeants israéliens, qui reconnaissent avoir fait transférer du matériel militaire au régime de Khomeyni. Le 28 novembre, le président du Parlement iranien, M. Hachemi Rafsandjani, se félicite d’avoir « jeté le trouble aux États-Unis ». Cette affaire remet en question la politique étrangère américaine dans son ensemble et la crédibilité de M. Ronald Reagan, qui affirme avoir été tenu à l’écart de nombreuses manoeuvres effectuées par le SNC au sein même de la Maison-Blanche. À la fin du mois, les sondages indiquent une chute spectaculaire de 23 points de la popularité du président américain. downloadModeText.vue.download 153 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 152 Vendredi 14 FRANCE Emploi. La population de Decazeville organise une opération « bassin mort » pour la défense de la sidérurgie. IRAQ!IRAN Conflit. Un missile iranien touche un quartier résidentiel de Bagdad (7 morts, 63 blessés). SYRIE ! États-Unis TCHAD Conflit. Alors que, dans le nord du pays, l’aviation libyenne bombarde des positions du GUNT de M. Goukouni Oueddeï, M. Hissène Habré s’entretient, à Lomé, avec le chef de l’État français, M. François Mitterrand. La France décide de livrer des armes supplémentaires à M. Hissène Habré, pour soutenir la lutte des Tchadiens du Nord contre la Libye. ÉTATS!UNIS Politique extérieure. Le gouvernement prend, à rencontre de la Syrie, une série de sanctions, qui prévoient notamment la restriction du personnel diplomatique et des échanges commerciaux. Samedi 15 FRANCE ! Mali ESPAGNE À Melilla, les commerçants musulmans lancent une grève de trois jours pour protester contre la politique du gouvernement espagnol à l’égard de la communauté islamique qui, le 10, s’est prononcée en faveur d’un rattachement au Maroc (! 22). IRLANDE DU NORD Troubles. À Belfast, 200 000 protestants unionistes manifestent à l’occasion du premier anniversaire de l’accord anglo-irlandais, rattachant l’Ulster à la République d’Irlande. Les manifestants, qui attaquent des établissements catholiques, se heurtent aux forces de l’ordre ; 2 personnes sont tuées, 71 sont blessées et 91 autres sont arrêtées. Mme Thatcher réitère sa détermination à maintenir l’accord. NOUVELLE!CALÉDONIE Troubles. À Thio, un jeune Caldoche est tué au cours de violents affrontements entre indépendantistes et militants du RPCR de M. Jacques Lafleur. Le couvre-feu est instauré dans la région, qui est quadrillée par 450 gendarmes, et 18 membres du FLNKS sont écroués. À Paris, M. Jacques Chirac annule son entretien prévu avec M. JeanMarie Tjibaou, qui sera reçu par M. Bernard Pons, le 17. MALI Relations internationales. Lors de sa visite à Bamako, le président François Mitterrand promet d’octroyer une aide supplémentaire au gouvernement malien. BRÉSIL Vie politique. Lors des élections législatives, nette victoire du parti du mouvement démocratique brésilien, confirmant le succès de la politique du président José Sarney. NICARAGUA Justice. Inculpé de terrorisme et de violation de la sécurité publique, le « marine » américain Eugène Hasenfus est condamné à 30 ans de détention (! 6 oct.). downloadModeText.vue.download 154 sur 502 CHRONOLOGIE 153 Dimanche 16 ASIE À Bangalore, au sud de l’Inde, le sommet de l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale réunit, jusqu’au 17, l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Bouthan, le Népal, les Maldives et le Sri Lanka, qui décident de mettre en place un secrétariat permanent à Katmandou. Au cours des discussions, le Premier ministre indien, M. Rajiv Gandhi, tente de relancer les négociations entre le gouvernement sri lankais et les séparatistes tamouls, qui refusent l’autonomie proposée. FRANCE Justice. Principal accusé de l’affaire du Carrefour du développement, M. Yves Chalier se livre à la justice et est écroué à la prison de la Santé. SRI LANKA ! Asie Lundi 17 CEE À Bruxelles, les ministres des Finances adoptent une directive libérant les transactions sur les titres financiers à l’intérieur du Marché commun, à partir du 1er février 1987. FRANCE Politique extérieure. Annonce de la signature d’un accord partiel avec l’Iran, sur le règlement du contentieux financier d’Eurodif. Un premier acompte est versé deux jours plus tard. Relations internationales. ! Burkina Faso Terrorisme. Le P-DG de la régie Renault, M. Georges Besse, est assassiné à Paris. L’attentat est revendiqué par Action directe et le commando Pierre Overney. Les portraits de deux militants du groupe terroriste, suspectés du meurtre, sont placardés dans toute la France. Lettres. Le prix Goncourt est attribué à Michel Host pour son deuxième roman Valet de nuit (Grasset) ; le prix Renaudot à Christian Giudicelli pour Station balnéaire (Gallimard). URSS Politique économique. Au cours de la session du Soviet suprême (jusqu’au 19), adoption de la loi sur le travail individuel, qui autorise les activités privées commerciales et artisanales. IRAN ! France BURKINA FASO Relations internationales. Le président François Mitterrand arrive à Ouagadougou, pour un voyage officiel de 48 heures. C’est la première visite d’un chef d’État français depuis 1972. ARGENTINE Politique extérieure. Le gouvernement fait une offre de paix à la Grande-Bretagne à propos du conflit des Malouines et se déclare prêt à négocier le sort des îles, à condition que le RoyaumeUni annule son projet de zone de pêche protégée (! 11). Mardi 18 ÉGLISE CATHOLIQUE Le pape Jean-Paul II entame son plus long voyage à l’étranger, qui le conduit au Bangladesh (19-20), à Singapour (20), aux îles Fidji (21), en Nouvelle-Zélande (22-24), en Australie (24-29) et enfin aux Seychelles downloadModeText.vue.download 155 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 154 le 1er décembre. C’est le 32e déplacement international du pape depuis son élection. ATLANTIQUE Voile. La Marine nationale abandonne les recherches entreprises pour retrouver Loïc Caradec, dont le maxi-catamaran Royale a fait naufrage au cours de la Route du Rhum. La radio et la balise Argos de son bateau ne répondaient plus depuis le 12. FRANCE Politique intérieure. Le Conseil constitutionnel valide le nouveau projet de loi concernant le redécoupage électoral. Politique économique. Le ministre de l’Économie et des Finances, M. Edouard Balladur, annonce une réforme du crédit aux particuliers et aux entreprises, ainsi qu’un nouvel assouplissement du contrôle des changes. Conflits sociaux. L’Opéra de Lille licencie ses 46 musiciens et 26 choristes. CHINE Espace. Conclusion avec une société américaine d’un accord pour le lancement d’un satellite de télécommunication par la fusée chinoise Longue Marche. TCHAD Conflit. Le chef du Conseil démocratique de la révolution, Acheikh Ibn Omar, est nommé président du GUNT, en remplacement de M. Goukouni Oueddeï, toujours détenu en Libye. Mercredi 19 FRANCE Société. L’Assemblée nationale adopte le projet de loi de Mme Michèle Barzach relatif à la famille, dont l’objectif est de favoriser la naissance du troisième enfant. Prisons. Le Conseil des ministres adopte le projet de privatisation des prisons de M. Albin Chalandon. Le président François Mitterrand le désapprouve (! 13). POLOGNE Syndicalisme. Annonce, à Bruxelles, de l’affiliation de Solidarité à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et à la Confédération mondiale du travail (CMT). NICARAGUA Politique intérieure. L’Assemblée nationale adopte une Constitution, la première depuis l’arrivée des sandinistes au pouvoir. Jeudi 20 ONU L’Assemblée générale condamne le raid américain sur Tripoli du 15 avril dernier par 79 voix contre 28. FRANCE Lettres. Le premier Grand Prix de la francophonie de l’Académie française est décerné au poète libanais d’expression française Georges Schéhadé. Photographie. Dans le cadre du Mois de la photo, qui est l’occasion d’une centaine d’expositions dans divers lieux publics de la capitale, le grand prix du Mois est décerné à Sebastiao Salgado. downloadModeText.vue.download 156 sur 502 CHRONOLOGIE 155 AFGHANISTAN Politique intérieure. M. Babrak Karmal démissionne de ses fonctions de président du Conseil révolutionnaire. Le 23, il est remplacé, à titre provisoire, par M. Mohammed Tsamkani. IRAN Politique extérieure. L’ayatollah Khomeyni dénonce toute idée de rapprochement avec les États-Unis et condamne les dirigeants iraniens favorables à l’ouverture de négociations avec Washington. IRAQ!IRAN Conflit. En l’espace de quelques heures, l’aviation iraqienne lance une quinzaine de raids sur les villes d’Islamabad, de Bakhataran et surtout d’Ahwaz, où 84 personnes trouvent la mort. Le 23, Islamabad et Bakhataran sont de nouveau bombardées ; 112 personnes sont tuées. Vendredi 21 FRANCE Relations internationales. Paris, lors du 11e sommet franco-britannique, Mme Margaret Thatcher, qui est reçue par M. François Mitterrand et par M. Jacques Chirac, qualifie les relations entre les deux pays d’« entente cordiale à son plus haut niveau ». Politique intérieure. À l’Assemblée nationale, les députés adoptent le projet de loi portant sur la ratification de l’Acte unique européen. CEE : l’acte unique Le 21 novembre, les députés français ratifient, par 498 voix sur 577, le projet d’Acte unique européen, portant sur la révision du traité fondateur de la Communauté économique européenne, le traité de Rome. Seuls les parlementaires communistes votent contre, tandis que les élus du Front national ainsi que quelques gaullistes, conduits par M. Michel Debré, refusent de participer au scrutin, estimant que le projet « met en cause l’indépendance et la souveraineté de la France ». Élaboré par les pays membres du Marché commun depuis le Conseil européen de Milan en juin 1985, ce texte de 66 pages a été signé le 17 février dernier à Luxembourg par neuf États. Les trois autres à savoir le Danemark, l’Italie et la Grèce, qui ont émis des réserves, l’ont paraphé onze jours plus tard à La Haye. L’objectif prioritaire de l’Acte unique est de réaliser, avant le 31 décembre 1992, une harmonisation des législations des Douze, première étape vers l’instauration définitive du grand marché intérieur, espace sans frontière, où circuleront librement les marchandises, les personnes les services et les capitaux. La mise en oeuvre d’une politique étrangère commune et le renforcement de la cohésion économique et monétaire parachèveront l’intégration européenne. Outre un accroissement des compétences de la CEE aux domaines de la monnaie, de l’environnement et de la technologie, le texte accorde au Parlement des pouvoirs renforcés. Pour atteindre ces objectifs les processus de décisions seront accélérés et améliorés par le remplacement, dans la plupart des cas, du vote à l’unanimité par celui à la majorité qualifiée. Déjà ratifié par la plupart des États membres dont le Danemark, l’Italie, la Belgique et la Grande-Bretagne, l’Acte unique devrait être adopté par tous les autres pays avant la fin de l’année et entrer en vigueur dès le 1er janvier 1987. downloadModeText.vue.download 157 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 156 Sciences. Au centre expérimental de la Comex à Marseille, début de l’opération Hydra VI, destinée à tester un nouveau mélange respiratoire composé d’oxygène, d’hélion et d’hydrogène. Huit plongeurs sont enfermés, jusqu’au 23 décembre, dans un caisson soumis à une pression équivalent à une profondeur de 520 mètres. GRANDE!BRETAGNE ! France BRÉSIL Politique économique. Le gouvernement lance un nouveau plan de redressement économique, baptisé Cruzado 2, qui prévoit une hausse importante des tarifs publics, des voitures et de l’essence. Le même jour, la monnaie est dévaluée de 0,26 p. 100. Le 27, à Brasilia, importantes manifestations contre la nouvelle politique du gouvernement. Samedi 22 FRANCE Universités. Réunis à la Sorbonne, les étudiants ap- pellent à la grève générale et demandent le retrait du projet de loi de M. Alain Devaquet. ESPAGNE À Melilla, 7 000 musulmans manifestent pour réclamer des droits civiques identiques à ceux de la population européenne. Plus des trois quarts des 20 000 habitants musulmans de l’enclave sont considérés comme apatrides (! 15). ALGÉRIE Armée. Le chef d’état-major, le général Mostefa Benloucif, est démis de ses fonctions et remplacé par le général Abdallah Belhouchet. PHILIPPINES Troubles. Une tentative de coup d’État militaire est déjouée par le chef d’état-major, le général Fidel Ramos. Le lendemain, Mme Cory Aquino obtient la démission de l’ensemble du gouvernement ; le ministre de la Défense, M. Juan Ponce Enrile, est immédiatement remplacé par le général Rafael Ileto (! 13). Dimanche 23 FRANCE Manifestations. À Paris, répondant à l’appel de la FEN, près de 200 000 enseignants et hommes politiques de gauche manifestent pour la défense de l’école. AUTRICHE Vie politique. Lors des élections législatives, le parti socialiste, au pouvoir depuis seize ans, ne remporte que 80 sièges contre 90 précédemment et le parti populiste conservateur 77 contre 81. Le parti libéral progresse de 4,6 p. 100 avec 18 élus, tandis que 9 députés des Verts font leur entrée au Parlement. ITALIE Manifestations. À Turin, 30 000 personnes répondent à l’appel du Mouvement pour la libération fiscale de M. Sergio Gabbi et protestent contre les « taxes iniques ». Lundi 24 FRANCE Économie. Début de la première opération de sation avec la mise sur le marché étranger de 28 millions d’actions downloadModeText.vue.download 158 privatifrançais et de Saintsur 502 CHRONOLOGIE 157 Gobain, représentant la totalité des actions détenues par l’État. Lettres. Le prix Femina est attribué à René Belletto pour l’Enfer (POL) et le prix Médicis à Pierre Combescot pour les Funérailles de la sardine (Grasset). Le Femina étranger est décerné à Torgny Lindgren pour Bethsabée (Actes Sud), tandis que John Hawkes reçoit le Médicis étranger pour Aventures dans le commerce des peaux en Alaska (Seuil). Sciences. Le chimiste Alain Horeau est élu président de l’Académie des sciences. ARABIE SAOUDITE Gouvernement. Interdiction est signifiée au cheikh Yamani de quitter le territoire (! 29 oct.). LIBAN Guerre civile. Dans le sud du pays, au terme de violents combats, des combattants palestiniens s’emparent du village de Magdouché, place forte d’Amal. Depuis le 29 octobre, des combats intermittents opposent les miliciens chiites aux Palestiniens autour des camps de Bourj el-Barajneh, à Beyrouth, d’Aïn Heloué, près de Saïda, et de Rachidiyeh, près de Tyr ; 170 personnes ont été tuées et 718 blessées (! 28). AFRIQUE DU SUD Économie. Deuxième banque commerciale d’Afrique du Sud, la Barclays décide de cesser ses activités dans le pays. Mardi 25 FRANCE Outre-mer. Dans la nuit du 24 au 25, la Guadeloupe est le théâtre d’une série d’attentats à l’explosif. Deux jours plus tard, de nouvelles explosions portent à une vingtaine le nombre des attentats, dont aucun n’a été revendiqué. URSS ! Inde ABU DHABI Raid aérien. Des avions non identifiés bombardent la plate-forme pétrolière d’Abou alBoukhouche, située à 150 km au large de l’émirat ; 5 personnes sont tuées et 27 blessées. L’Iraq et l’Iran se rejettent la responsabilité de l’attaque. INDE Relations internationales. Le gouvernement célèbre avec faste l’arrivée du dirigeant soviétique M. Mikhaïl Gorbatchev, qui effectue un voyage officiel de quatre jours. Les deux pays décident d’accroître leur coopération économique et évoquent le problème de la paix nucléaire. Mercredi 26 FRANCE Politique économique. En adoptant l’ordonnance sur la liberté des prix et de la concurrence, qui prendra effet le 1er janvier 1987, le Conseil des ministres met fin au contrôle des prix en vigueur de- puis 1945. RFA Justice. Inculpés dans l’attentat commis le 29 mars contre le siège de la Société germano-arabe de Berlin-Ouest, les ressortissants jordaniens Farouk Salameh et Ahmed Hasi sont condamnés respectivement à 13 et 14 ans de prison. Le second est le frère de Nezar Hindawi (24 oct.). Le jugement évoque l’implication de la Syrie, mais sans pouvoir déterminer « à quel niveau politique » (! 27). downloadModeText.vue.download 159 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 158 ÉMIRATS ARABES UNIS Transports. Inauguration du pont de l’Amour qui, sur une longueur de 25 km, relie l’île de Bahreïn à l’Arabie Saoudite. IRAQ!IRAN Conflit. En représailles contre l’attaque par l’aviation iraqienne du tunnel pétrolier de Larak, situé dans le détroit d’Ormuz, l’Iran lance un missile sur Bagdad pour la troisième fois en 12 jours ; 48 personnes sont tuées et 52 blessées. LIBAN L’ONU décide de réduire le contingent français de la FINUL de 1 380 à 520 hommes, qui seront stationnés au quartier général de Nakoura. La raison invoquée est l’impossibilité pour les Casques bleus de remplir leur mission dans l’extrême-sud du Liban. Jeudi 27 RFA Politique extérieure. Le gouvernement prend des sanctions modérées à rencontre de la Syrie : trois diplomates sont expulsés et l’aide économique est suspendue. Damas réplique en rappelant son ambassadeur et en renvoyant trois diplomates allemands (! 26). SYRIE ! RFA PHILIPPINES Guerre civile. Un accord de cessez-le-feu est signé entre le gouvernement et la guérilla communiste. D’une durée de 60 jours, la trêve doit prendre effet à partir du 10 décembre. Vendredi 28 FRANCE Audiovisuel. Publication au Journal officiel du dernier texte de loi de M. François Léotard sur la liberté de l’audiovisuel, concernant la limitation des concentrations dans les médias. LIBAN Guerre civile. Malgré la conclusion d’un cessez-le-feu à Damas, les combats chiito-palestiniens redoublent, notamment à Beyrouth autour des camps de Bourj el-Barajneh et de Chatila (! 24). ÉTATS!UNIS Défense. Avec la mise en service d’un 131e bombardier B-52 équipé de douze missiles de croisière, les USA dépassent le plafond prévu par les accords Salt-2. Samedi 29 FRANCE Catholicisme. À Port-Marly, Yvelines, 800 traditionalistes occupent l’église Saint-Louis. CORÉE DU SUD Troubles. À Séoul, de violents affrontements opposent les forces de l’ordre à des étudiants et à des opposants, qui tentent de participer à une manifestation interdite. 70 000 policiers anti-émeutes procèdent à 1 937 arrestations. Dimanche 30 ESPAGNE Pays basque. Lors des élections au Parlement régional, le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) remporte une légère victoire sur le parti nationaliste basque avec 18 sièges contre downloadModeText.vue.download 160 sur 502 CHRONOLOGIE 159 17. Cependant, les divers partis nationalistes obtiennent 70 p. 100 des voix. ITALIE Médecine. À Naples, naissance du premier bébééprouvette européen, dont le sexe a été programmé lors de sa fécondation in vitro. La technique consiste à séparer, par une force centrifuge, les spermatozoïdes porteurs de chromosomes XY, plus légers, de ceux porteurs de XX. PORTUGAL Partis politiques. Le Mouvement démocratique portugais (MDP) met fin à l’Alliance du peuple uni qu’il formait avec le parti communiste. TAIWAN Troubles. 27 policiers sont blessés et 33 voitures de police sont incendiées au cours de violentes échauffourées entre les forces de police et des manifestants, rassemblés à l’aéroport de Taipeh pour accueillir deux dissidents, MM. Hsu Hsin-liang et Hsieh Tsung-min exilés aux États-Unis. Ceux-ci avaient annoncé leur retour, mais l’autorisation d’entrée leur avait été refusée. Cinéma : Cary Grant Une des dernières stars d’Hollywood, l’acteur américain Cary Grant est mort le 30 novembre à Davenport, Iowa, à l’âge de 82 ans. D’origine britannique, Alexandre Archibald Leach naît dans une famille modeste de Bristol le 18 janvier 1904. À l’âge de 15 ans, il s’engage dans une troupe d’acrobates avec laquelle, en 1920, il découvre New York pour la première fois. En 1925, remarqué par un producteur de théâtre américain, il quitte définitivement l’Angleterre pour la scène de Broadway, où il joue, danse et chante dans des comédies musicales. En 1942, il obtient la nationalité américaine. En 1929, son premier essai au cinéma est un échec, mais, en 1932, Casy Robinson lui offre son premier rôle important dans Singapore Sue. Cary Grant signe un contrat avec la Paramount. C’est le début d’une étonnante carrière, l’une des plus réussies du cinéma, qui s’achève en 1966 dans Rien ne sert de courir de Charles Walters. En 35 années, Cary Grant tourne 72 films sous la direction des plus grands maîtres de Georges Cukor à Alfred Hitchcock, en passant par Howard Hawks, Frank Capra, Leo McCarey et Raoul Walsh et en compagnie des plus grandes vedettes féminines dont Katharine Hepburn, Ingrid Bergman, Ginger Rogers et Grâce Kelly. Sa silhouette impeccable et décontractée, son élégance naturelle et son charme souriant ont fait de lui un véritable mythe et le symbole de l’éternelle jeunesse. Excepté quelques compositions dramatiques (Sylvia Scarlett, Seuls les anges ont des ailes, Cas de conscience), il est avant tout le séducteur charmant et misogyne des grands classiques de la comédie américaine (l’Impossible M. Bébé, Arsenic et vieilles dentelles, Allez coucher ailleurs, Chérie, je me sens rajeunir, Opérations jupons...), jusqu’à sa rencontre avec Alfred Hitchcock, en 1941. En quatre films (Soupçons, les Enchaînés, la Main au collet et la Mort aux trousses), le cinéaste britannique découvre et met en valeur l’ambiguïté inquiétante de l’acteur. En 1970, alors que, retiré des studios Cary Grant se consacre aux affaires sa carrière est couronnée par un César honorifique. Il est mort alors qu’il préparait, sur la scène du théâtre Adler de Davenport, un spectacle tournant autour de son personnage, intitulé Conversation avec Cary Grant. downloadModeText.vue.download 161 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 160 Le mois d’Hector Bianciotti Je ne suis pas sûr que la photographie soit un art, surtout quand elle se prend pour tel. L’art plastique, quand il prend appui sur une photographie, peut être cependant très étonnant, surtout dans le cas d’artistes comme Joël-Peter Witkin, qui exposait à la galerie Baudouin Lebon, ou Pascal Kern chez Zabriskie, lors de ce Mois de la photo 1986. Mais lorsqu’on s’approche de cette photographie élaborée, on regrette ce qu’elle a d’intact, ce coup de pinceau du peintre que l’oeuvre entière semblait promettre. Je crois davantage à la photo comme à un art de capture de gestes, de moments, de lumières ; je crois aussi que la photo peut surprendre des instants d’une personne qui sont révélateurs, qui montrent un regard que nous n’avions jamais vu, ou bien qu’elle peut donner à voir une obsession que quelqu’un avait dévoilée verbalement sans qu’on y crût tout à fait. Giacometti, par exemple, avait toujours dit que son ambition était de rendre un visage tel quel. Mais il griffonnait tellement, il faisait tant de cercles avec son crayon ou son pinceau ! Un tel écheveau de lignes sur le visage jetait pour moi un soupçon sur ses propos et sa recherche. Et c’est l’exposition photographique sur Giacometti, au centre culturel suisse, où l’on trouvait des photographies anonymes et aussi des Cartier-Bresson ou des Doisneau, qui m’ont convaincu qu’il n’y avait pas la moindre rupture entre ce que Giacometti disait chercher sans le trouver et son oeuvre. Celui qui a vu la photographie de CartierBresson où le photographe a surpris le peintre en train de marcher et l’a capté dans l’attitude d’une de ses sculptures, comme s’il en était l’ombre portée, peut se dire deux choses. Pour ce qui est de Giacometti, c’est absolument vrai qu’il cherchait, au-delà de l’esthétique, à traduire la vérité de la chose – en l’occurrence du mouvement. Pour ce qui est de la photographie, j’y trouve une garantie de l’idée que j’en ai : une capture. Le Jury, dont je faisais partie, avec Anna Fàrovà, Valerio Adami, Charles-Henri Favrod, sous la présidence de Samuel Fuller, a décerné le prix de la meilleure exposition du Mois de la photo à cette exposition sur Giacometti D’autre part, nous avons accordé le grand prix du Mois de la photo au photographe Sebastiao Salgado pour l’exposition « Autres Amériques » à la maison de l’Amérique latine. Le prix « découverte » n’ayant pas été attribué, le jury a décidé d’accorder un prix spécial à Dieter Appelt qui exposait ses « Travaux récents » à la galerie 666. Nous avons voulu rendre hommage aussi bien à Appelt qu’à cette galerie qui, depuis sa création en 1980, se consacre à promouvoir les recherches nouvelles. HECTOR BIANCIOTTI downloadModeText.vue.download 162 sur 502 CHRONOLOGIE 161 Décembre Lundi 1er FRANCE Criminalité. Lionel Cardon comparaît devant la cour d’assises de Bordeaux pour le meurtre des époux Aran (11 octobre 1983). Interrompu le 2 par une tentative de suicide de l’accusé, le procès reprend le 10. Le 14, Lionel Cardon est condamné, pour la deuxième fois, à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 18 ans. CULTURE En compagnie de MM. Chirac et Giscard d’Estaing, le président Mitterrand inaugure le musée d’Orsay, consacré à l’art du XIXe s. ; l’ouverture au public a lieu le 9. Télévision. Modeste début de Paris-Câble pour une centaine de foyers. L’autorisation d’émettre, accordée pour 6 mois et reconductible, a été donnée par la CNCL le 28 novembre. 30 000 foyers sont déjà câblés dans les 13e, 14e et 15e arrondissements. INDE Troubles. 3 000 hindous manifestent à New Delhi, après le massacre la veille, au Pendjab, de 24 des leurs par des terroristes sikhs. Le 2, les hindous attaquent les quartiers sikhs de la capitale. Le 5, on dénombre 7 morts et 11 blessés après une recrudescence des violences. Mardi 2 ONU ! Nouvelle-Calédonie FRANCE Scandale. Dans l’affaire du Carrefour du développement, le contrôleur général de la police, Jacques Delebois, fait l’objet de la 14e inculpation. Il est accusé d’avoir fourni le « vrai faux passeport » qui a permis à Yves Chalier de quitter le territoire national. Culture. Le prix Interallié est décerné à Philippe Labro pour l’Étudiant étranger (Éd. Gallimard) ; le prix Chateaubriand à Jean Raspail pour l’ensemble de son oeuvre, à l’occasion de la publication de Qui se souvient des hommes (Éd. Robert Laffont). ESPAGNE Vie politique. La démission du président de l’Alliance populaire, M. Manuel Fraga Iribarne, met fin à la crise qui affecte la droite espagnole depuis plusieurs mois. NOUVELLE!CALÉDONIE Statut. L’Assemblée générale des Nations unies affirme « le droit de la Nouvelle-Calédonie à l’indépendance » dans une résolution demandant la réinscription de l’île sur la liste des territoires ayant vocation à redevenir indépendants. Le 3, la France condamne cette ingérence de l’ONU au nom de sa souveraineté nationale. ÉTATS!UNIS Crise de pouvoir à Washington après les révélations sur les ventes d’armes à l’Iran. La popularité de M. Reagan subit une chute spectaculaire. Ce dernier décide de révéler la vérité sur les ventes d’armes et sur le financement clandestin des contras nicaraguayens. Il demande la nomination d’un procureur spécial indépendant pour tirer les conclusions judiciaires des enquêtes en cours. downloadModeText.vue.download 163 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 162 Mercredi 3 FRANCE Justice. Aux assises de Paris, ouverture du procès de trois membres d’Action directe, Régis Schleicher, Claude et Nicolas Halfen, accusés des meurtres des deux policiers tués au cours de la fusillade du 31 mai 1983, avenue Trudaine, à Paris. Inquiétés par les menaces de Régis Schleicher, quatre jurés font défection, ce qui entraîne, le 8, le report du procès. Logement. Dans la nuit du 2 au 3, l’Assemblée nationale adopte définitivement la loi Méhaignerie qui tend « à favoriser l’investissement locatif et l’accession à la propriété des logements sociaux ». La loi entre en vigueur le 25. Santé. Le Conseil des ministres adopte le projet de réforme hospitalière de Mme Michèle Barzach, marqué par le retour de la possibilité pour les médecins hospitaliers d’exercer des activités libérales au sein de l’hôpital public. Énergie. Signature du contrat qui prévoit l’achat de gaz des gisements de Troll et de Sleipner (Norvège) par GDF. (6 milliards de m3 par an). Jeudi 4 FRANCE Administration. Suppression de la « troisième voie » d’accès à l’ENA, réservée aux syndicalistes et représentants d’associations. Seuls les étudiants et les fonctionnaires pourront désormais accéder à l’École. Audiovisuel. La CNCL nomme cinq nouveaux présidents pour l’audiovisuel public : MM. Roland Faure à Radio France ; Claude Contamine à Antenne 2 ; René Han à FR 3 ; Jean-Claude Michaud à Radio France Outremer ; Henri Tézenas du Montcel à RFI. Culture. Élection de M. Jean-Louis Curtis à l’Académie française, au fauteuil de Jean-Jacques Gautier. Les étudiants et les réformes Le conflit étudiant, qui agite la France entière, du 4 au 6 décembre particulièrement, trouve son origine à la mi-novembre, à quelques jours du débat à l’Assemblée nationale sur la réforme universitaire proposée par le ministre, Alain Devaquet. À partir du 17, de nombreux lycées et plusieurs universités sont en grève. Le 23, 200 000 personnes environ manifestent à Paris, à l’appel de la FEN et du PS, « pour l’avenir de la jeunesse » et contre la politique scolaire et universitaire du gouvernement. Le 27, ce sont 200 000 étudiants et lycéens à Paris, 400 000 en province, qui manifestent contre la réforme Devaquet. Le 28, le projet de loi est renvoyé en commission par décision de M. Chirac, après un début de discussion à l’Assemblée nationale. Le 4 décembre, encore, 300 000 étudiants manifestent à Paris entre la Bastille et les Invalides et 300 000 en province ; il y a 200 blessés. Pressé de retirer le projet Devaquet, M. René Monory, ministre de l’Éducation, refuse, mais il accepte, le 5, de retirer les trois points qui sont à l’origine du conflit et qui concernent les critères d’accueil à l’université, les droits d’inscription, les diplômes nationaux. De nouvelles manifestations ont lieu dans la soirée du 5 ; un étudiant de 22 ans, Malik Oussekine est tué pendant la nuit. Le 6, M. Devaquet démissionne et M. Monory assume seul la responsabilité de la réforme downloadModeText.vue.download 164 sur 502 CHRONOLOGIE 163 universitaire. Le 8, M. Chirac décide de retirer totalement le projet Devaquet, initiative qui répond à la demande d’une partie de sa majorité et à celle de M. Mitterrand, formulée dès le 3. Dans l’après-midi du 10, 125 000 personnes à Paris et 200 000 personnes en province manifesteront encore contre les violences policières du 5, qui ont conduit à la mort de Malik Oussekine. Les partis de gauche et les syndicats notamment la CGT, se sont joints au cortège. Des manifestations de soutien ont lieu dans plusieurs pays européens, et des délégations étrangères sont présentes dans les défilés parisiens. COLOMBIE Faits divers. À Bogota, un ingénieur tue 29 personnes, en blesse 15 autres avant d’être abattu par la police. Il s’agit d’une des plus sanglantes tueries perpétrées par un homme seul. Samedi 6 TAIWAN Élections législatives. Le KMT (Kouomintang, ou Guomindang, parti nationaliste), au pouvoir depuis 1949, conserve sa majorité, mais accuse un certain recul, provoqué par l’étonnant score du DPP (parti démocratique progressiste, d’opposition), créé illégalement en septembre 1986, qui recueille 24 p. 100 des suffrages. Dimanche 7 FRANCE Terrorisme. Gilbert Vecchi, complice d’Action directe, arrêté le 3, fournit tous les détails sur l’attentat du 9 juillet 1986 contre la Brigade de répression du banditisme, quai de Gesvres, à Paris, et confirme que l’auteur de cet attentat est bien Max Frérot. Lundi 8 SPORT Tennis. En battant en finale l’Allemand de l’Ouest Boris Becker, le Tchécoslovaque Ivan Lendl remporte le tournoi des Masters pour la quatrième fois. FRANCE Conflits sociaux. Jusqu’au 20, grève des navigants de la marine marchande. URSS ! Afghanistan AFGHANISTAN Guerre. Kandahar, la deuxième ville du pays, est bombardée par deux Mig ; le dernier bilan fait état de 450 morts ; les autorités soviétiques déclarent que ce bombardement est accidentel. INDE Troubles. La publication dans un journal d’un texte jugé offensant pour la communauté musulmane provoque deux journées d’émeutes à Bangalore ; on compte 17 morts, 100 blessés, 150 arrestations. ZAMBIE Troubles. Dans les villes du nord du pays, début d’émeutes de la faim qui durent une huitaine de jours ; les magasins sont pillés ; le calme revient après l’arrestation de 450 personnes. downloadModeText.vue.download 165 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 164 Mardi 9 FRANCE Justice. La chambre d’accusation de la cour d’appel de Nancy rejette le non-lieu de Christine Villemin, estimant suffisantes les charges retenues à son encontre, et la renvoie devant la cour d’assises ; Christine Villemin se pourvoit en cassation (! 15). Paris. Le XIXe siècle entre en gare... En gare d’Orsay, oeuvre de l’architecte Victor Laloux († 1937), qui avait été inaugurée en 1900, à l’occasion de l’Exposition universelle. Son édification en face du Louvre avait choqué les Parisiens Avec l’abandon partiel du trafic ferroviaire à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’édifice était devenu entrepôt, parking théâtre, hôtel des ventes. Née alors l’idée de créer un musée avait été ensuite longuement et laborieusement concoctée. Le local séduisait, avec sa salle longue de 140 m et sa voûte transparente culminant à plus de 30 m. Chargée de l’aménagement intérieur, l’architecte italien Gae Aulenti a traité le volume fastueux qui lui était confié de manière à réaliser un ensemble fonctionnel. Les sobres compartimentages assument leurs fonctions entre un vieux décor bien caché et les oeuvres exposées, ses contemporaines approximatives. Il s’agit là d’un exemple type de la muséographie d’aujourd’hui qui isole ce qui doit être considéré en soi. Le peintre Georges Mathieu a jugé sévèrement le cadre : « un mélange de métro de Moscou et de tombeau égyptien ». Les salles d’exposition et les réserves du Louvre, du Palais de Tokyo et du Jeu de Paume, ainsi que divers dépôts ont fourni la plus grande partie du fonds. Mais les dons les dations et les legs de toutes origines n’ont pas manqué et continuent d’approvisionner le musée qui doit couvrir un champ artistique très étendu dans l’espace, sinon dans le temps. L’époque visée s’étend de la Révolution de 1848 au début de la Première Guerre mon- diale, limites du XIXe siècle triomphant. Elle permet de réhabiliter totalement certains peintres artistes naguère brocardés, à présent réinstallés sur les cimaises mais le nom de « pompier » est sur toutes les lèvres. La sculpture est la plus objectivement présente : elle se mêle à la foule, la rencontre, l’oblige à s’y heurter. Comme la peinture, elle est d’une remarquable diversité, du classicisme au romantisme tardif, divers délires aux évocations morales ou politiques qui peuvent faire songer à un certain réalisme socialiste... Le département des Arts décoratifs fait triompher les versions XIXe des thèmes et des styles d’un passé plus lointain : de la céramique au meuble, l’inspiration a été cherchée dans tous les temps et tous les pays, ou presque. Enfants du siècle, la photographie et le cinéma se sont fait ouvrir toutes grandes les portes du musée, que le président de la République inaugure ce 9 décembre. Mercredi 10 FRANCE Relations internationales. Visite officielle de trois jours du président égyptien Hosni Moubarak, la première depuis son accession à la présidence. Culture. Au Centre Pompidou, à Paris, rétrospective sur le Japon des avant-gardes (1910-1970), consacrée aux arts plastiques, à l’architecture, à la musique et au cinéma nippons de cette période (jusqu’au 2 mars 1987). downloadModeText.vue.download 166 sur 502 CHRONOLOGIE 165 URSS Dissidents. On apprend le décès, après 20 ans d’internement, de l’écrivain soviétique dissident Anatoli Martchenko, cofondateur en 1976 du groupe de surveillance de l’application des accords d’Helsinki. ÉGYPTE ! France ÉTATS!UNIS Vente d’armes. Selon les déclarations de M. George Shultz, la contra anti-sandiniste au Nicaragua aurait bénéficié du produit des ventes d’armes américaines à l’Iran. Jeudi 11 OTAN Relations Est-Ouest. Jusqu’au 12, à Bruxelles, réunion des ministres des Affaires étrangères des 16 pays membres de l’Alliance atlantique pour leur session d’hiver. Ceux-ci proposent une négociation sur la réduction des armes conventionnelles. FRANCE Conflits sociaux. À l’AFP, vote d’une grève contre le plan de restructuration proposé par le P-DG Henri Pigeat. Les journalistes reprennent le travail le 18, après la démission de ce dernier. Incendies de forêt. En comité interministériel restreint, adoption d’un plan de lutte contre les incendies de forêt ; celui-ci comporte notamment l’institution d’une taxe sur les allumettes et briquets, qui devrait rapporter 50 millions de francs en 1987. Culture. Au Grand Palais, à Paris, exposition « le Prodige saoudien » sur l’histoire de l’Arabie Saoudite (jusqu’au 21). ARABIE SAOUDITE ! France INDE Territoires. L’Arunachal Pradesh, situé aux confins de l’Inde, de la Birmanie et du Tibet et revendiqué par la Chine, devient le 24e État de l’Union indienne. La Chine proteste. TCHAD Conflit. Offensive libyenne à Bardaï, capitale du Tibesti et fief de Goukouni Oueddeï, l’ancien chef du GUNT, actuellement détenu à Tripoli. Alors que les combats s’intensifient, la France fait savoir qu’elle n’envisage pas d’intervenir au nord du 16e parallèle (! 17). SURINAM Guérilla. Le gouvernement accuse la France de préparer une invasion de son territoire, via la Guyane française, en favorisant l’opposition armée, dirigée par Ronnie Brunswijk, ancien garde du corps du président Desi Bouterse. Le Surinam demande la convocation du Conseil de sécurité des Nations unies. Vendredi 12 FRANCE Justice. Au terme de deux années d’instruction, les docteurs Diallo et Archambeau, les deux anesthésistes de Poitiers inculpés d’assassinat sur la personne de Nicole Berneron, downloadModeText.vue.download 167 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 166 décédée en cours d’opération le 30 octobre 1984, sont déférés en cour d’assises. Scandale. Dans l’affaire du « Carrefour du développement », l’affirmation que le « vrai faux passeport » d’Yves Chalier lui aurait été remis par M. Pasqua débouche sur une campagne contre le ministre de l’Intérieur. RDA Catastrophes. Un biréacteur Tupolev-134 de l’Aeroflot s’écrase à Berlin-Est, à la suite d’une erreur de pilotage ; le bilan est de 70 morts. BRÉSIL Société. Première grève générale depuis mars 1985 : les Brésiliens entendent protester contre le nouveau plan de rigueur économique, justifié par le paiement de la dette extérieure. Samedi 13 TURQUIE Réfugiés. Le Bulgare Naim Shalamanov, le plus grand haltérophile actuel, enfui de Melbourne (Australie) à l’occasion d’une compétition sportive, obtient l’asile politique en Turquie dont sa famille est originaire et où il s’était réfugié. TUNISIE Justice. M. Habib Achour, ancien secrétaire général de la centrale syndicale UGTT, qui purge actuellement une peine de trois ans de prison, est condamné à quatre années d’emprisonnement supplémentaires pour complicité d’abus de confiance et de mauvaise gestion de la société touristique Amilcar, propriété de l’UGTT (! 12 janv.). Dimanche 14 FRANCE Économie. M. Balladur publie les résultats de la première privatisation, celle de Saint-Gobain, qu’il qualifie de « réussite exemplaire » : 1 547 044 Français sont devenus actionnaires, détenant à eux seuls 50 p. 100 du capital. Prisons. Dans la nuit du 13 au 14, à la prison de Pau (Pyrénées-Atlantiques), spectaculaire évasion de deux terroristes basques d’Iparretarak, Gabriel Mouesca et Marie-France Hégui, aidés par quelques-uns des leurs déguisés en gendarmes, qui prennent le directeur de la prison et sa famille en otages. SUÈDE Terrorisme. Dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat d’Olof Palme, cinq Kurdes sont interrogés par les policiers, convaincus d’une responsabilité du parti communiste kurde dans cet assassinat. PAKISTAN Troubles. À Karachi, le conflit ethnique entre Mohajirs et Pachtous fait 56 morts et 300 blessés au cours de violents affrontements. Le gouvernement démissionne le 20, pour permettre un remaniement ministériel. Lundi 15 FRANCE Terrorisme. À Provins (Seine-et-Marne), M. Alain Peyrefitte, ancien garde des Sceaux, échappe à un attentat à la voiture piégée, perpétré, estime-t-on, par Action directe. M. Serge downloadModeText.vue.download 168 sur 502 CHRONOLOGIE 167 Langet, employé de mairie, qui tentait de faire démarrer la voiture, est tué sur le coup. Société. Lors des Troisièmes Journées annuelles d’éthique, tenues jusqu’au 16, le gouvernement approuve la proposition du Comité national consultatif d’arrêter pendant 3 ans les recherches sur les manipulations génétiques de l’embryon. Affaire Villemin. Pendant la nuit, Christine Villemin, qui vient d’apprendre son renvoi en cour d’assises, tente de se suicider (! 9). VIÊT!NAM Le 6e congrès Le sixième congrès du parti communiste vietnamien se tient à Hanoi du 15 au 18 décembre. Cette réunion, à laquelle assistent pour la première fois quelques journalistes occidentaux, marque une évolution importante au sein des instances dirigeantes du parti. Le 17, les trois principaux responsables du pays, derniers compagnons historiques d’Hô Chi Minh, abandonnent les fonctions qu’ils occupaient au bureau politique, officiellement en raison de « leur état de santé et de leur âge avancé » ; M. Pham Van Dông (80 ans), Premier ministre depuis 1955, M. Lê Doc Tho (76 ans), principal idéologue, et M. Truong Chinh (79 ans), secrétaire général du parti depuis le décès de M. Lê Duan le 10 juillet dernier, sont nommés « conseillers » du comité central. Cette démission simultanée fait suite à une grave crise économique et politique. Rendu responsable de la faillite du plan de réformes décidées en juin 1985, le vice-Premier ministre pour les Affaires économiques, M. Tran Phuong, est limogé le 3 février tandis que six ministres chargés des secteurs clés de l’économie sont relevés de leurs fonctions le 21 juin. Cet échec fait l’objet, depuis le début de l’année, d’une vaste campagne d’autocritique. Situé dans une région en pleine expansion, le Viêt-nam est devenu l’un des pays les plus pauvres du monde, accablé par la corruption, les pénuries, la malnutrition et une démographie galopante. Le taux d’inflation atteint 700 p. 100 par an, le chômage touche entre 4 et 6 millions de travailleurs, les réserves en devises sont pratiquement nulles. Le FMI et la Banque asiatique de développement refusent d’accorder de nouveaux crédits à un pays dont la dette extérieure s’élève à 6,17 milliards de dollars, tandis que les pays occidentaux ont suspendu leur assistance depuis l’invasion du Cambodge en 1978. L’URSS, principal bailleur de fonds avec une aide de 1,750 milliard de dollars par an, a menacé, en octobre, de suspendre son soutien, si aucune amélioration n’était apportée à la gestion économique. Le 18, la nomination à la tête du parti de M. Nguyen Van Linh, chef de file des « réformateurs », confirme la victoire des militants d’une ligne modérée face aux « anciens », partisans d’un communisme pur et dur. PACIFIQUE SUD Nucléaire. L’URSS est le premier pays à signer le traité de dénucléarisation de cette partie du globe. TRINITÉ ET TOBAGO Élections législatives. Écrasante victoire de l’Alliance nationale pour la reconstruction (NAR), le parti de l’opposition modérée, au détriment du Mouvement national du peuple (PNM), le parti du Premier ministre sortant, M. George Chambers. downloadModeText.vue.download 169 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 168 Mardi 16 CEE Agriculture. À Bruxelles, après plus d’une semaine de discussions, les ministres de l’Agriculture de la Communauté signent un accord qui prévoit une réduction de 8,5 p. 100 en 2 ans de la production de lait, et une baisse de 10,5 p. 100 du prix d’intervention de la viande bovine. Des aménagements agrimonétaires favorables à la France sont également effectués. FRANCE Syndicats. Élu à une forte majorité, M. François Périgot succède à M. Yvon Gattaz à la tête du CNPF. Danse. À Lausanne (Suisse), pendant la nuit du 15 au 16, mort de Serge Lifar, danseur et chorégraphe d’origine russe. URSS Politique intérieure. L’un des derniers fidèles de Leonid Brejnev, M. Dinmouhammed Kounaev, chef du parti communiste du Kazakhstan, est mis à la retraite. Il est remplacé par un Russe, M. Gennadi Kolbine ; les 17 et 18, à Alma-Ata, cette décision suscite de graves émeutes à caractère nationaliste ; à l’issue d’affrontements avec les forces de police, on relève plusieurs morts. Mercredi 17 FRANCE Politique extérieure ! Tchad Conflits sociaux. Début d’une longue série de grèves avec des arrêts de travail à EDF. Terrorisme. À Aulnay-sous-Bois, en banlieue parisienne, découverte par la DST d’un important stock d’armes, à la disposition, estimet-on, du terrorisme arabe. Cinq arrêts d’expulsion sont prononcés le 24. Industrie. Le Conseil des ministres entérine la nomination de M. Raymond Lévy, ancien P-DG d’Usinor, à la présidence de la Régie Renault. MOZAMBIQUE Otages. La Résistance nationale du Mozambique, l’opposition armée au régime du FRELIMO, libère 57 otages, et 8 autres le 22. NIGERIA Économie. Un accord autorisant le rééchelonnement de la dette du Nigeria est conclu avec le club de Paris. TCHAD Conflit. Dans la nuit du 16 au 17, M. Hissène Habré ayant pressé la France de lui porter secours après l’attaque libyenne du 11, une intervention française « exceptionnelle » d’aide aux habitants du Tibesti a lieu sous la forme de parachutages de vivres, de carburant et de munitions (! 11 et 19). Jeudi 18 FMI M. Michel Camdessus, gouverneur de la Banque de France, est élu directeur. SPORT Automobile. M. Jean-Marie Balestre démissionne de la présidence de la Fédération internationale de sport automobile (FISA). downloadModeText.vue.download 170 sur 502 CHRONOLOGIE 169 FRANCE Conflits sociaux. Grève des guichetiers de la SNCF et de certains conducteurs de Paris-Nord, ainsi qu’à Air-Inter et dans les ports. Société. M. Mitterrand refuse de signer l’ordonnance sur l’aménagement du temps de travail. Le 20, le texte, transformé en amendement, est adopté par l’Assemblée nationale. Économie. M. Balladur fait connaître le calendrier des prochaines privatisations : Paribas, TF1, Havas, CCF, BIMP, BTP, AGF. Il annonce en même temps le retrait définitif pour la fin du mois de la nouvelle pièce de 10 F. Justice. Adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi de M. Chalandon qui permet le jugement des actes terroristes par une cour spéciale, composée de magistrats professionnels. Cette mesure permet de faire obstacle aux éventuelles pressions sur les jurés, comme celles effectuées au cours du procès d’Action directe, au début du mois. Équipement. M. Mitterrand inaugure le tronçon Bourg-en-Bresse-Sillans de l’autoroute Mâcon-Genève. GRANDE!BRETAGNE Armement. Le gouvernement conclut un marché avec la firme américaine Boeing pour son avionradar Awacs, au détriment de l’équivalent britannique Nimrod. NICARAGUA Le pilote américain Eugen Hasenfus, capturé le 6 octobre, est gracié par le président Daniel Ortega et libéré. Vendredi 19 FRANCE Culture. À Figeac (Lot), inauguration du musée Champollion par M. François Mitterrand. URSS Dissidents. Assigné à résidence à Gorki depuis janvier 1980, le physicien Andreï Sakharov est autorisé à revenir à Moscou, où il arrive le 23, et à reprendre ses activités à l’Académie des sciences. Elena Bonner obtient aussi le droit de résider à Moscou. LIBAN Conflit. À Tripoli et dans la région, attaque de postes syriens par des milices du « mouvement de l’unification islamique ». La riposte syrienne fait plusieurs centaines de morts. CHINE Société. Des dizaines de milliers d’étudiants manifestent dans plusieurs grandes villes, notamment à Shanghai puis à Canton, exigeant une accélération des réformes promises par Deng Xiaoping. Le mouvement, qui s’étend à Pékin le 23, dure jusqu’à la fin du mois. TCHAD Conflit. La jonction s’effectue entre les troupes de Hissène Habré et de Goukouni Oueddeï, qui remportent une victoire contre les Libyens à Bardaï (! 17). Samedi 20 OPEP Les 13 ministres de la conférence de l’OPEP réunis à Genève s’accordent pour revenir downloadModeText.vue.download 171 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 170 au système des prix fixes, abandonné depuis un an. RFA Société. À Hambourg, de violents affrontements entre squatters et policiers font plus de 120 blessés. Dimanche 21 FRANCE Société. Réouverture des « restaurants du coeur » de Coluche. 60 000 repas par jour sont prévus jusqu’au printemps. Terrorisme. Vague d’attentats en Haute-Corse. URSS ! Nicaragua IRAQ!IRAN Conflit. Un raid de l’aviation iraqienne sur Bakhtaran, au nord-ouest de l’Iran, provoque 80 morts environ. Le 22, une centaine d’autres Iraniens au moins sont tués à Islamabad-Gharb lors d’une opération analogue. LIBAN Violent bombardement du camp de Chatila par des chars de fabrication soviétique. Dans les jours qui suivent, les combats s’in- tensifient entre miliciens chiites d’Amal et Palestiniens. CUBA Dissidents. Grâce aux démarches du Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez, le dissident cubain Gutierrez Menoyo est libéré après 21 ans passés en prison. Il gagne Madrid. NICARAGUA L’URSS annonce officiellement une aide de 300 millions de dollars (pétrole, matières premières, machines) pour 1987. Lundi 22 FRANCE Conflits sociaux. Après un week-end affecté par un arrêt de travail des cheminots, le personnel de la RATP se met en grève à son tour, tandis que le mouvement se durcit à la SNCF et dans les ports. Les propositions de la SNCF, qui accepte de négocier sur les salaires, sont jugées insuffisantes par les syndicats. Le 23, le gouvernement se dit résolu à ne pas céder aux grévistes. Le 25, une suspension « provisoire » de la grève intervient à la RATP. INDE Troubles. Trente immigrés bengalais sont assassinés par les indépendantistes du Tripura. BURKINA FASO Guerre. Fin de la « guerre de l’Agacher » contre le Mali, qui, depuis le 25 décembre 1985, a fait une centaine de morts. Un arrêt de la Cour internationale de justice de La Haye partage la bande de terrain de l’Agacher en attribuant 40 p. 100 du territoire au Mali. MALI ! Burkina Faso CANADA Francophonie. La cour d’appel du Québec autorise l’affichage bilingue dans la province. ARGENTINE Justice. Approbation par le Sénat du projet de loi visant à mettre fin aux procédures judiciaires contre les militaires coupables de downloadModeText.vue.download 172 sur 502 CHRONOLOGIE 171 violations des droits de l’homme pendant la dictature. Mardi 23 FRANCE Justice. Par ordonnance du juge d’instruction Gilles Boulouque, Georges Ibrahim Abdallah, chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), est renvoyé devant la cour d’assises de Paris. TURQUIE Syndicats. À l’issue du procès de la DISK, la puissante centrale syndicale de gauche, entamé en 1981, 264 syndicalistes sont condamnés à des peines de un à quinze ans de prison. ÉTATS!UNIS Espace. L’appareil expérimental Voyager réussit le premier tour du monde en avion sans escale et sans ravitaillement après 42 000 km de vol durant 9 jours, à 3 000 m d’altitude. L’avion, qui atterrit sur la base d’Edwards (Californie), gagne même un jour sur l’horaire prévu. Mercredi 24 FRANCE Jeux. M. Pasqua autorise la réouverture pour un an du casino Ruhl, à Nice, fermé depuis le 4 janvier 1982. URSS Catastrophes. Un coup de grisou provoque un certain nombre de morts dans la mine de charbon de Yasinovskaïa-Gloubokaïa, dans la région de Donetsk (Ukraine). IRAQ!IRAN Conflit. Violente offensive iranienne, sous le nom de code « Kerbala 4 », visant à s’emparer de la ville industrielle de Bassorah, au sud de l’Iraq. Les assaillants sont repoussés et l’île d’Oum al-Rassas, assiégée, est libérée par les troupes iraqiennes. Le bilan serait de plusieurs dizaines de milliers de morts des deux côtés. LIBAN Otages. Libération par l’Organisation de la justice révolutionnaire d’Aurel Cornéa, l’ingénieur du son d’Antenne 2 enlevé le 8 mars 1986. À cette date, il reste cinq otages français au Liban. TCHAD Conflit. Les forces tchadiennes repoussent une attaque libyenne contre le poste de Yebbi-Bou (Tibesti), infligeant de lourdes pertes en hommes et en matériel à l’armée du colonel Kadhafi. Ce même jour, M. Mitterrand fait parvenir à M. Hissène Habré un message où il annonce la décision de la France de renforcer son aide logistique aux forces gouvernementales tchadiennes, sans toutefois engager ses forces armées au nord du 16e parallèle. Jeudi 25 ARABIE SAOUDITE Terrorisme. Détournement d’un Boeing 737 iraqien qui assurait la liaison Bagdad-Amman. L’appareil explose après un atterrissage forcé sur l’aéroport d’Ar’aar, deux grenades ayant été lancées en plein vol dans la cabine. 62 personnes sont tuées, ce qui constitue l’un des bilans les plus lourds du terrorisme. L’attentat est revendiqué par l’Organisation de downloadModeText.vue.download 173 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 172 l’action révolutionnaire, qui était inconnue auparavant. LIBAN Terrorisme. Dans la plaine de la Bekaa, assassinat d’un diplomate libyen, M. Mousbah Mohammad Ghariby, attribué au mouvement chiite Amal. GUADELOUPE Communication. Lancement de Télé-Caraïbes, en dépit de l’interdiction de la CNCL. Vendredi 26 FRANCE Conflits sociaux. M. Jean Dupuy, directeur général de la SNCF, demande la nomination par le gouvernement d’un médiateur « extérieur », pour faire avancer le règlement du conflit ; le 29, M. François Lavondès, secrétaire général du Conseil économique et social, est nommé ; le 31, il retire le projet de grille des salaires qui se trouve à l’origine du mouvement et annonce la négociation d’une nouvelle grille avec les syndicats. ESPAGNE Terrorisme. Attentat contre le Novotel de Madrid. SOMALIE Vie politique. On annonce la réélection à la présidence de la République de M. Mohammed Ziyad Barre, qui se soumettait pour la première fois au suffrage universel direct. Il aurait obtenu 99,93 p. 100 des voix. Samedi 27 FRANCE Criminalité. À Neuilly (Hautes-de-Seine), assassinat d’une octogénaire, Marguerite Moulène. Après une trêve de six mois, ce meurtre d’une personne âgée est le 33e en trois ans. Faits divers. À la station de sports d’hiver des Orres (Hautes-Alpes), la chute de deux télécabines, qui se croisaient, fait 36 blessés. PACIFIQUE SUD Catastrophes naturelles. Dans la nuit du 26 au 27, l’île française de Futuna est presque totalement dévastée par le cyclone Raja. On compte un mort et deux blessés. ÉGYPTE Troubles. Émeutes de musulmans intégristes à Assiout ; 123 arrestations sont effectuées. Dimanche 28 SPORT Tennis. À Melbourne, l’Australie remporte la Coupe Davis en battant la Suède en finale. ISRAËL Espionnage. À Jérusalem, ouverture du procès de M. Mordechaï Vanunu, accusé d’avoir livré au Sunday Times de Londres des informations sur le potentiel atomique israélien. Lundi 29 GRANDE!BRETAGNE Harold Mac Millan, ancien Premier ministre britannique, meurt dans sa résidence du Sussex, à l’âge de 92 ans. downloadModeText.vue.download 174 sur 502 CHRONOLOGIE 173 URSS Andreï Tarkovski, cinéaste soviétique, meurt à Paris à l’âge de 54 ans. VIÊT!NAM Politique intérieure. L’Assemblée nationale, dont la session s’achève ce jour, ne procède à aucun changement à la tête de l’État, comme on aurait pu l’attendre après ceux intervenus au sein du parti communiste. Elle entérine le budget 1986 et adopte le projet de budget et le plan économique pour 1987. TCHAD Conflit. L’aide logistique aux forces gouvernementales tchadiennes annoncée par M. Mitterrand le 24 se concrétise avec de nouveaux parachutages français de matériel, tandis que, dans la nuit qui précède, les forces libyennes se sont emparées de l’oasis de Zouar. Mercredi 31 LIBAN Conflit. L’« Organisation des opprimés sur terre » annonce l’exécution à Beyrouth de trois otages juifs du Liban considérés comme des espions israéliens et disparus depuis vingt mois. Il s’agit de Youssef Yehouda Benesti, Elie Srour et Henri Men. Le mois de Paul Bocuse Bien sûr, décembre demeure le mois où l’ensemble des cuisiniers se trouve mobilisé par des multiples préparatifs et mises en place des fêtes de fin d’année ; ceci pour leur plus grand plaisir. Étant tous d’un tempérament généralement généreux, ces fêtes nous donnent la possibilité de combler un peu plus qu’à l’ordinaire amis et clients. Chez nous, l’animation se fait sentir dès le début du mois. Nous procédons à la décoration de l’intérieur et de l’extérieur de la maison avec des guirlandes lumineuses tressées sur des bandes de sapin, cernées de houx, agrémentées de boules dorées ; plantes vertes enrubannées, sapins dressés et décorés. Élaboration des menus de fêtes, commandes de gibiers, dindes, chapons de Bresse, truffes, foies gras, crustacés, chocolats, papillotes, marrons glacés, enfin tout ce qui symbolise Noël. Cette période doit conserver avant tout son caractère de tradition, déjà par les mets qui seront consommés. Une dizaine de jours avant Noël, trois foires aux volailles ont lieu en Bresse, joliment nommées « les trois glorieuses ». C’est mon ami Roger Miéral, volailler dans la région, qui fut l’instigateur de ces manifestations et qui donna ses lettres de noblesse à la foire de Montrevel, certainement la plus prisée. Cet homme remarquable sut valoriser le label de la volaille de Bresse, aussi bien en France qu’à l’étranger, mais nous a malheureusement quittés l’an dernier. La salle des fêtes et la place du Marché sont réquisitionnées pour l’occasion, de grandes tables sont disposées à l’intérieur de la salle, sur lesquelles sont placés : dindes, chapons, oies, volailles, tous d’origine bressanne. Ces volatiles sont épilés du moindre duvet, la peau lisse bien tirée, entourés d’un ruban de couleur pour mieux flatter leur chair rebondie, ou emmaillotés tels des nouveau-nés ; seuls la tête et le cou conservent des plumes savamment brossées. Quant à l’extérieur, il est envahi par de nombreuses personnes des environs qui présentent également de la volaille, mais vivante. Des restaurateurs de toutes régions, des journalistes, critiques gastronomiques venus de la France entière et même de l’étranger assistent à cette manifestation qui débute aux aurores. Un jury attribue des prix et distridownloadModeText.vue.download 175 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 174 bue des diplômes aux propriétaires des plus belles pièces qui sont ensuite vendues. Tout ce mouvement d’animaux et de personnes donne l’accent traditionnel campagnard à ce marché qui prend vite l’allure d’une fête. Pour réconforter les lève-tôt, dès 8 heures du matin, un énorme pot-au-feu est servi dans la salle commune du café du village, accompagné de fromages de chèvre, de tartes aux pommes, le tout arrosé de beaujolais bien frais. Enfin, décembre est le mois du rituel. Chaque année, par exemple, j’ai pour coutume d’inviter entre les deux fêtes les personnes du troisième âge de ma commune, cette réception donnant lieu à des scènes touchantes. D’abord, compter les disparus au cours de l’année écoulée, qui sont d’ailleurs remplacés par de « nouveaux vieux », puis écouter poèmes et chansonnettes écrits spécialement par eux pour cette occasion. Cette fête, plus particulièrement que toute autre, reste pour moi la plus émouvante. Le Noël familial ne peut avoir tout le panache que l’on pourrait souhaiter car, comme tous les commerçants, pâtissiers, confiseurs, volaillers, et bien d’autres, nous sommes avant tout entièrement dévoués et attentifs aux désirs du public, qui nous fait l’honneur d’avoir choisi notre établissement pour célébrer la fin de l’année. Nous essayons de donner le meilleur de nous-mêmes, n’oubliant pas que Noël est synonyme d’espoir, de souhaits comblés, voire d’allégresse ; c’est avant tout la fête du coeur ! Joyeux Noël et bonne année 1987. PAUL BOCUSE Météo : L’Automne En octobre, les températures, bien que très variables d’un jour sur l’autre et notamment pendant la dernière décade, furent supérieures aux moyennes 1951-1980 sur l’ensemble du pays. De nombreux records ont été enregistrés entre le 1er et le 15. Ainsi a-t-on relevé des températures maximales exceptionnellement élevées (à Lorient : 25 °C le 3, contre 22,6 °C en 1972, et à Millau : 26,1°, contre 25,6° en 1976), et des températures minimales très élevées (16,5 °C à Blagnac, 13,2 °C à Mâcon et à Lyon-Bron le 14 octobre et 14,8° à Saint-Dizier le 15 [ancien record 12,2° en 1967].) L’inégale distribution spatiale et temporelle des pluies d’octobre fut imputable aux variations du champ de pression. Du 1er au 11, les hautes pressions ont entretenu sur le pays un temps ensoleillé, chaud et sec. À partir du 12, l’anticyclone, en se décalant vers l’Europe de l’Est, a favorisé l’advection d’air chaud et instable sur le Sud (du 12 au 17), puis l’installation d’un temps perturbé d’ouest qui, du 18 au 31, a affecté toute la France. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Languedoc-Roussillon (120 mm à Coustouge, Ferrals-les-Corbières et Portel-des-Corbières dans l’Aude, le 12 ; 125 mm à Nant et 69 mm au mont Aigoual en 10 heures le 13...) ont provoqué inondations, coulées de boue, éboulements et d’importants dégâts matériels. Les réserves en eau du sol se sont ainsi reconstituées dans de nombreuses régions mais elles demeurent faibles, voire très faibles, à la fin du mois dans le SudOuest, les pays de Loire, le Centre, le Lyonnais, la Provence et la Corse. En novembre, les températures ont été supérieures à la moyenne, même si le début et la fin du mois ont été plutôt froids. Les précipitations furent partout déficitaires. Du 2 au 9, les gelées, les brumes, les brouillards et les nuages bas matinaux, les après-midi ensoleillés ont été les premières manifestations de l’automne. À cette fraîcheur de saison a succédé une douceur inhabituelle, qui s’est maintenue sur tout le pays du 10 au 27. Les températures furent de 4 à 6 °C supérieures aux normales dans le Nord, l’Ouest, le Sud-Ouest et le Sud-Est, de 6 à 7,5° dans downloadModeText.vue.download 176 sur 502 CHRONOLOGIE 175 le Nord-Est et de 8° dans le Centre-Est. De nombreux records de chaleur ont été battus le 16 novembre : 19 °C à Saint-Étienne (ancien record 17,9° en 1957), 17,7 °C à Mâcon (a.r. : 16,8° en 1957), 19 °C à LyonBron (a.r. : 18,6° en 1926). Ce n’est que le 27 que le froid a refait apparition avec des gelées faibles et de nombreux brouillards, localement givrants. Dans le Centre, le NordEst, l’Ouest et le Sud-Ouest, les températures minimales et maximales sont alors comprises entre 0 et – 5 °C et entre 7 et 10 °C respecti- vement. Le mois de novembre a connu trois épisodes pluvieux d’importance et de durée inégales, du 1er au 3, du 13 au 15 et du 16 au 26. C’est au cours du second épisode que downloadModeText.vue.download 177 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 176 75 p. 100 des précipitations mensuelles ont été enregistrées dans les départements de la Lozère, de l’Ardèche et du Gard : 362 mm à Villefort, 260 mm à Cassagnac, 324 mm à Loubaresse, 235 mm à Saint-Jean-du-Gard... Ces pluies orageuses, abondantes, intenses et accompagnées de vents forts ont été à l’origine de la crue de nombreux cours d’eau et en particulier de celle de l’Ardèche et du Tarnon. Du 16 au 26 novembre, plusieurs perturbations océaniques actives et rapprochées ont affecté l’ensemble du territoire ; des chutes de neige relativement abondantes (30 à 50 cm) ont été observées à partir du 22 dans les Pyrénées occidentales et centrales. Ces intempéries ont pris fin avec l’installation d’un puissant anticyclone sur la France (1 035 à 1 040 hectopascals). Les réserves en eau du sol sont encore, au 20 novembre, très déficitaires en Beauce, dans le Lyonnais, l’Agenais, le Midi toulousain, ou le sud des Alpes. Des vents instantanés très forts ont été mesurés à plusieurs reprises tant sur le littoral atlantique qu’à l’intérieur du pays : 119 km/h à Fécamp le 1er , 101 km/h à Millau le 15, 107 et 115 km/h à Carteret le 18 et le 23 respectivement. Les 9 et 10 novembre, des vents de 80 à 100 km/h, associés à des dépressions très actives, et une mer démontée (creux de 8 à 12 m) avaient, quelques heures après le départ de la course du Rhum, endommagé plusieurs voiliers et contraint à l’abandon quatre navigateurs. Décembre fut un mois maussade durant lequel se succédèrent des périodes sèches, fraîches ou même froides (du 1er au 4, du 10 au 12 et du 22 au 24) et des périodes pluvieuses, généralement douces, imputables aux effets de hautes pressions établies sur l’Europe occidentale ou sur le proche Atlantique et à ceux de perturbations d’Ouest plus ou moins actives. Les températures ont été voisines des normales dans le Centre, le Centre-Est, le Nord et le Nord-Est et légèrement supérieures à celles-ci dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et la Corse. Les pluies multiformes (crachin, averses, giboulées) et les chutes de neige ont contribué à l’amélioration des réserves hydriques des sols dans certaines régions comme la Beauce, la Champagne, le Languedoc et le Nord-Est du Massif central. En décembre, les chutes de neige les plus fortes se sont produites entre le 19 et le jour de Noël : 40 à 70 cm au-delà de 1 800 m d’altitude dans les Alpes. L’enneigement, bien que tardif, était à la fin du mois excellent dans toutes les stations de sports d’hiver des Alpes, des Pyrénées, du Massif central, du Jura et mêmes des Vosges. L’automne 1986 fut, sans doute, la saison la plus conforme à la normale de l’année. PHILIPPE CHAMARD downloadModeText.vue.download 178 sur 502 177 l’Année dans le Monde Devant fêter le 4 novembre son quarantième anniversaire, l’UNESCO n’avait pas oublié de déclarer 1986 Année internationale de la paix. L’initiative de l’organisation internationale a été relayée par le pape Jean-Paul II, le 27 octobre, lors de la rencontre oecuménique d’Assise, qui était conçue comme « la préfiguration d’un monde en paix ». Aux côtés d’Amnesty International, de Médecins sans frontières ou de Médecins du monde, dont l’audience est consacrée par de multiples interventions sur les lieux de détresse, sont apparus les « nouveaux gourous », ceux que nous inventent les médias, les spectacles et le sport : le 25 mai, le chanteur Bob Geldof et Sport Aid ont mobilisé quinze millions de personnes dans 260 villes de 75 pays pour sensibiliser les foules à la lutte contre la faim en Afrique. Bien sûr, ces bonnes volontés ne sont pas toujours récompensées par des résultats tangibles. Conscient des limites réelles de son pouvoir, le pape, à Assise, s’est contenté modestement de proposer une trêve de 24 heures. Actuellement, l’« intégrisme » musulman ne crée pas des conditions propices à une action oecuménique en faveur de la paix. Attaquée par l’un des mouvements armés du Proche-Orient, la France a connu un « septembre noir » qui lui a appris à vivre avec le terrorisme. Les difficultés d’une action humanitaire irréprochable se sont aussi manifestées à propos de l’intervention de Bob Geldof et de Band Aid en Éthiopie, relayée et amplifiée par tous les médias et les nouveaux géants de la communication qui « font » l’événement. Bernard-Henry Lévy a estimé que les sauveteurs « ont tué des gens sans le savoir ». Silence, on tue, titre du livre d’André Glucksmann et de Thierry Wolton, a porté la même accusation. Il est reproché à Band Aid d’avoir accepté une déportation des populations vers le sud de l’Éthiopie. Entravées ou dénaturées par des obstacles inattendus, les campagnes faisant appel à la générosité posent ainsi à leurs promoteurs les problèmes que connaissent depuis toujours les scientifiques lorsque leurs recherches entrent en application dans des conditions qu’ils n’ont pas prévues. On l’a bien vu encore, cette année même, lorsqu’une équipe d’astronautes américains a disparu dans la terrifiante explosion de Challenger, rappelant qu’après un quart de siècle la maîtrise de l’espace n’est pas encore totale, lorsque la steppe ukrainienne s’est illuminée subitement, en pleine nuit, le 25 avril, dans la fournaise nucléaire de Tchernobyl, ou encore lorsque l’on apprend qu’un soldat sur deux de l’armée zaïroise est porteur du Sida, malgré le progrès des biotechdownloadModeText.vue.download 179 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 178 nologies (éd. 1987 et éd. 1986). Dans un autre domaine, on s’aperçoit que les prêts au tiers monde n’apportent pas de solution satisfaisante à ses problèmes. Les échecs de la technique, comme les controverses engagées à propos de l’action humanitaire, conduiraient aisément à une vision pessimiste du monde et au refus de toute intervention. En réalité, il est possible de déceler des causes d’espoir, si l’on se réfère aux tendances, parfois peu datables, qui marquent l’évolution de nos sociétés à l’approche du XXIe siècle. En France, malgré les divergences de vues entre le président et le gouvernement issu des élections du 16 mars, la cohabitation a été plutôt une réussite ; la poursuite de la régionalisation et de la décentralisation par la nouvelle majorité renforce cette impression. La crise économique est susceptible d’introduire des effets inattendus dans l’évolution de nos sociétés : après une période de hausse des prix, la désinflation a assuré une amélioration plus sensible du niveau de vie que la croissance indexée des salaires en période d’inflation. La gestion du chômage, même, peut instaurer un renouvellement de nos habitudes sociales. « Le déclin d’une certaine forme d’emploi salarié, stable, à plein temps » peut favoriser « l’émergence d’activités nouvelles dont le statut reste à trouver ». Utopie en 1968, réalité en 1998 ? Les trente-cinq heures par semaine réclamées par certains syndicats, la multiplication du temps libre, l’horaire à la carte, autant de pistes à explorer qui peuvent nous conduire vers des genres de vie où le loisir et la culture seraient plus à notre portée. Si les moyens de cette politique manquent encore, les instruments se mettent en place : après l’ouverture de la Cité des sciences et de l’industrie à la Villette (éd. 1986), le musée d’Orsay a été inauguré le 1er décembre 1986 ; le Grand Louvre s’annonce par un véritable laboratoire d’archéologie urbaine. Le succès des manifestations culturelles, qu’elles soient consacrées au passé, comme l’hommage rendu par Paris à cette capitale de l’esprit européen qui a donné naissance au mythe de Vienne, ou au temps présent, comme la rétrospective qui a montré comment Yves Saint-Laurent s’intègre dans les courants de l’art vivant, prouve sans peine que les loisirs intellectuels trouveront aisément leur place dans l’avenir, à côté des sports de détente. GEORGES GRELOU downloadModeText.vue.download 180 sur 502 179 Politique Riche en événements, l’année politique semblait néanmoins devoir être sans surprise. La défaite de la gauche aux élec- tions était prévue et nul ne doutait que la cohabitation, pour être un jeu subtil, était inévitable. Et vint, en fin d’année, l’inattendu. D’autant plus surprenant que tout semblait calme de ce côté-là. « Coluche ou Tapie ? – Les deux, M’sieur ! » Huit millions de jeunes de 15 à 24 ans... En ce mois de janvier 1986, Antenne 2 et l’Événement du Jeudi se penchent sur leurs aspirations. Ne seront-ils pas « le pays dès le second millénaire qui commence demain » ? Mais, même si 75 p. 100 des jeunes sondés « redoutent les agressions dans la rue », nulle Grande Peur, ni Grande Illusion ne les agite à l’approche de l’an 2000. Ils aiment la pub, le look, le parfum, le Coca-Cola et la Marie-Brizard ; et, s’ils rêvent de créer leur entreprise, ils cotisent aux restaurants du coeur chers au fantaisiste Coluche, devenu, jusqu’à sa mort accidentelle le 19 juin 1986, un inamovible – quoique officieux – superministre de la Charité publique. Bref, une jeunesse sage, studieuse, réaliste, aux aspirations « entrepreneuriales » et qui, si elle cherche ce supplément d’âme sans lequel il ne saurait y avoir de « vraie jeunesse », l’a trouvé prosaïquement dans l’Hexagone en faisant sienne une grande cause nationale qui fait l’unanimité de la classe politique : la solidarité avec les « nouveaux pauvres ». Dans les classes terminales, les premiers enfants des soixante-huitards ne connaissent de Guevara et d’Hô Chi Minh que ce qu’en disent leurs manuels scolaires. Leurs héros à eux seraient plutôt – s’il faut en croire les sondages – à chercher quelque part entre business et show biz. Sage, cette jeunesse le restera d’ailleurs toute l’année. Trop, peut-être, au goût de la gauche, lorsque, dans un printemps aux froideurs attardées d’hiver, les 18 à 24 ans apportent, le 16 mars, 50 p. 100 de leurs suffrages à la droite (et même 53 p. 100 pour les plus jeunes d’entre eux, les 18-20 ans). Du jamais vu dans une sociologie électorale qui, habituellement, constate que la jeunesse penche plutôt à gauche. Trop sage, peut-être, aux yeux de la droite, lorsque, dans un hiver aux moi- teurs de printemps, défilant par centaines de milliers à Paris et en province, elle le fait en si bon ordre et avec un visage si bon enfant – ni drapeaux rouges, ni Internationale – que, seuls, casseurs... et forces downloadModeText.vue.download 181 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 180 de l’ordre semblent porter alors, aux yeux de l’opinion, la responsabilité des inévitables violences de fin de manif. Comment résister à une jeunesse si sage – aux antipodes de celle de mai 1968 – sans risquer de voir une crise sociale succéder à une crise universitaire ? Et ce, pour un énième projet de réforme universitaire que très peu de Français, hormis les lycéens et les étudiants, ont lu et dont l’auteur même – le très discret ministre aux Universités, Alain Devaquet – n’a jamais cru devoir démentir l’insistante rumeur selon laquelle il ne l’a rédigé, à son corps défendant, que pour payer quelque dette postélectorale à ceux que l’on commence, en ce dixième mois de cohabitation, à appeler les « ultras » du libéralisme. Ce fut, les 6 et 7 décembre, pour le Premier ministre Jacques Chirac, le plus long week-end de l’année. La pluie et les nuages revenus semblaient faire escorte à la dépouille d’un étudiant décédé des suites d’une « bavure » policière. Télévisions et radios répercutaient l’appel d’une coordination étudiante qui, maniant l’apolitisme avec une maestria à laisser pantois monsieur Barre, invitait les syndicats à se joindre à une « grande manifestation populaire ». Peu enthousiastes, mais craignant de ne pas tenir leurs troupes, André Bergeron (Force ouvrière) et Edmond Maire (CFDT) adjuraient le Premier ministre de retirer ce projet de loi. Le lendemain, lundi, la Bourse enregistrait, à l’ouverture, une forte baisse et, sur toutes les places financières, le franc était attaqué. À 13 heures, le Premier ministre annonce le retrait de la loi Devaquet. L’acte I de la cohabitation s’achevait. Jusque-là, elle avait été, entre François Mitterrand, Jacques Chirac et Raymond Barre, un jeu feutré d’observations, de silences lourds de sens, de discrètes réprobations dont Michel Schifres retrace la chronique. Mais en cette fin d’année, et seulement dix mois après que la gauche eut subi un très lourd échec électoral, bien des cartes semblent s’être redistribuées en quelques jours. La solidarité gouvernementale n’a pas été sans faille pendant la crise ; et, plus que Matignon (où l’on est contraint de réagir au jour le jour à l’événement), l’Élysée (où l’on peut garder le silence tant que ne se dévoilent pas les enjeux d’un conflit) est apparu comme la tranchée la mieux protégée pour mener cette subtile guerre de position qu’est, en attente de l’élection présidentielle, la cohabitation... Dans cette tourmente de fin d’année, un fragile consensus – ô combien indispensable, pourtant – finit de s’effriter : celui qui, un temps, avait uni les politiques de tous bords dans la réprobation unanime du terrorisme. Dans un septembre noir, où l’horreur avait culminé le mercredi 17, rue de Rennes, les partis avaient su s’élever à la dignité tranquille que manifestait alors la population. Pour quelques semaines furent oubliés les démons du « sécuritarisme politique », ceux-là mêmes qui, en d’autres époques, avaient poussé la gauche à scander « Giscard démission » après l’attentat de la rue Copernic, puis la droite à faire du garde des Sceaux, Robert Badinter, le « complice » d’un anonyme tueur de vieilles dames. Las, de petites phrases en petites phrases, le brasero politicien allait à nouveau s’enflammer, comme l’explique RodownloadModeText.vue.download 182 sur 502 POLITIQUE 181 bert Soie dans Vivre avec le terrorisme. Il est vrai qu’enchevêtrée dans les négociations menées pour la libération d’otages français au Liban, largement subordonnée aux engagements politiques de la France au Moyen-Orient, souffrant de l’absence d’un front commun des pays occidentaux, la lutte contre le terrorisme international semble, tant en France qu’à l’étranger, se mener (au moins) autant par des déclarations tonitruantes que par des actes concrets... L’atlas de l’horreur Si, entre 1968 et 1975, le terrorisme avait fait 800 victimes dans le monde libre, ce chiffre s’est multiplié par cinq au cours des dix années suivantes. Georges Besse, président de la Régie Renault, un employé municipal de Provins, tué lors d’un attentat qui visait l’ancien ministre Alain Peyrefitte, seront, en France, les dernières victimes de ce long martyrologe. Plus grave : c’est devant un tribunal français, à Paris même, que le terrorisme remporte, le 3 décembre, une triste victoire. Face à la menace d’un inculpé, Régis Schleicher (« Je voudrais savoir combien de temps il est prévu de protéger les jurés »), un jury populaire s’évapore... Un autre procès – qui, pour se dérouler à Bangui, en Centrafrique, n’en passionne pas moins les Français – montre toutefois que même le pire et le plus puissant des terrorismes, le terrorisme d’État, peut, parfois, avoir à répondre de ses crimes. Peu d’observateurs se souviennent que ce furent les inlassables dénonciations de ses crimes par Amnesty International qui furent à l’origine de la chute de Jean Bédel Bokassa. Mais cette Internationale de la justice et du droit conjugue souvent discrétion et efficacité. Cependant, chaque année, son rapport recense les atteintes aux droits de l’homme commises dans le monde entier. C’est, rédigé dans un style volontairement dépouillé, le terrible – et parfois fastidieux – « bilan d’activité » de toutes les dictatures du monde : 137 pendaisons en Somalie, 5 000 personnes placées en « rééducation » au Laos, 470 exécutions en Iran, etc. Un atlas de l’horreur qui n’épargne que très peu de pays. Une légère note d’optimisme, toutefois, dans le rapport daté de 1986 : « Dans le monde entier, la force et l’influence des organisations de défense des droits de l’homme ne cessent de croître. » Il est vrai qu’au cours de cette dernière décennie, la démocratie a conquis ou reconquis de nombreux pays d’Amérique latine et, cette année même, à Haïti et aux Philippines, deux dictatures ont été renversées. Amnesty International – cette immense chaîne de solidarité qui compte désormais plus de 500 000 membres dans le monde – est pour beaucoup dans ces évolutions. Ses campagnes acharnées pour la libération des prisonniers d’opinion, pour l’obtention de procès équitables pour les détenus politiques, pour l’aboli- tion de la torture et de la peine de mort ont, en effet, contribué à déstabiliser de nombreuses dictatures. Noël Copin relate l’histoire de ces vingt-cinq années de lutte qui prirent leur source en 1961, quand un avocat britannique, Peter Benenson, publie, le 28 mai, dans l’Observer et le Monde, un appel solennel qui fut, peut-être, la Déclaration des droits de l’homme dont cette deuxième moitié de XXe siècle, ballottée dans le cycle sans fin des révolutions et des contre-révolutions, avait tellement besoin... downloadModeText.vue.download 183 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 182 La France, elle-même, pourtant si tranquille en sa démocratie, connut, dans un passé récent, avec la décolonisation, son lot d’événements tragiques dont les droits de l’homme sortent rarement vainqueurs. Pourtant, une grande partie de son empire, l’Afrique noire, put accéder à l’indépendance sans traverser de trop grands drames. Est-ce ce souvenir, encore vivace, qui fit de la mort de Gaston Defferre, le 5 mai 1986, un moment d’émotion partagé par tous les hommes politiques ? Par une loi-cadre, promulguée en 1956 en pleine guerre d’Algérie, le maire de Marseille avait, en effet, amorcé cette décolonisation tranquille. Face au cercueil, dressé dans le hall de sa bonne mairie de Marseille, la stature de « l’homme d’État » qui avait vu « juste et clair » avant beaucoup effaçait peut-être l’image du « politique politicien » que ses amis, eux-mêmes, jugeaient, parfois, un peu trop habile... Il est vrai aussi que – là, l’histoire ayant jugé très vite – la dernière grande initiative du petit homme à l’éternel chapeau noir est désormais saluée comme un succès. Cette décentralisation, vieux serpent de mer de la politique française, que le premier « ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation » du « gouvernement de la gauche unie » imposa, en 1982, un peu comme une lubie personnelle est, en effet, entrée dans les moeurs en cette année 1986. En même temps que leurs députés, les Français ont élu, le 16 mars, 1840 conseillers régionaux au suffrage universel. Cette année-là, aussi, se sont achevés les « transferts de compétences » qui voient désormais les régions, les départements ou les communes exercer certains pouvoirs hier dévolus au tout-puissant pouvoir central. Et, pour étrenner les présidences des nouveaux conseils régionaux, désormais sanctifiés par le suffrage universel, des personnalités aussi connues que Valéry Giscard d’Estaing (Auvergne) Jacques Chaban-Delmas (Aquitaine), Edgar Faure (Franche-Comté), Olivier Guichard (Pays de la Loire) n’ont pas craint de se porter, avec succès, candidats. François Grosrichard dresse un bilan de la régionalisation et de la décentralisation en même temps qu’il analyse le cours nouveau que doit désormais suivre, face à ces réformes, la politique d’aménagement du territoire, que le gouvernement de Jacques Chirac ne semble pas vouloir remettre en cause... On le voit, cette année 1986, an I de la cohabitation, fut pour les Français une année lourde d’événements de politique intérieure. Les débats sur l’IDS, la défense, le désarmement qui avaient tant agité l’opinion française en 1985 se sont essoufflés en 1986, le consensus sur la politique de défense nucléaire étant plutôt sorti renforcé de la cohabitation. Et la rencontre de Reykjavik, entre Reagan et Gorbatchev, qui vit les deux Grands redistribuer leurs vecteurs nucléaires sur le grand échiquier du jeu « Guerre et paix », a occulté une conférence sur le désarmement : celle qui, à Stockholm, réunit depuis 1984 les 35 pays signataires de l’acte d’Helsinki. Pourtant, en septembre 1986, à la quatrième session de cette conférence trop discrète, des accords ont été conclus. Comme si dans un monde agité, les espoirs de paix ne pouvaient avancer que masqués ! PHILIPPE ORSINI downloadModeText.vue.download 184 sur 502 POLITIQUE 183 Les élections 1986 L’alternance attendue s’est réalisée. Pourquoi était-elle prévisible ? Est-elle durable ? Les élections législatives du 16 mars et sénatoriales du 28 septembre 1986 ne furent pas de divines surprises pour l’union de l’opposition RPR-UDF qui les remporta. Depuis les partielles du 17 janvier 1982, la gauche au pouvoir avait subi des échecs électoraux qui laissaient prévoir sa défaite. Le rétablissement du scrutin de liste proportionnel lui permit d’en limiter l’ampleur au prix du retour au Palais-Bourbon de l’extrême droite. Mais il ne put empêcher la constitution d’une majorité parlementaire qui, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, ne coïncidait plus avec la majorité présidentielle. Dès lors se trouvaient posés de nombreux problèmes politiques d’ordre constitutionnel et en premier lieu celui de la cohabitation. Les paradoxes du reflux Les électeurs de François Mitterrand avaient cru que son arrivée au pouvoir porterait des fruits quasi immédiats. Certes, le nouveau chef de l’État était un fin politique, mais il n’était pas un magicien, et ne pouvait l’être. La crise se prolongeait, la reprise de l’expansion économique ne se produisait pas, le niveau et la qualité de la vie se dégradaient au lieu de s’améliorer. Et les « déçus du socialisme » se multipliaient : jeunes appelés du contingent qui attendaient en vain l’abaissement de douze à six mois de la durée du service militaire, qui leur avait été pourtant solennellement promis ; contribuables assujettis à une fiscalité toujours trop lourde pour les bénéficiaires de bas salaires, démobilisatrice pour les cadres, décourageante pour les détenteurs de capitaux ; assurés sociaux mécontents de l’alourdissement de leurs cotisations et de la diminution des prestations qui leur étaient versées ; travailleurs atteints dans leur niveau de vie par une stabilisation des salaires plus rigoureuse que celle des prix ou, pis encore, marginalisés par le chômage qui frappait 2 500 000 d’entre eux dès octobre 1984 ; nationalistes xénophobes d’autant plus hostiles à la présence des immigrés que ceux-ci concurrençaient certains d’entre eux sur le marché de l’emploi ; résidents des grands ensembles, où différences socioculturelles et délinquance juvénile étrangère créaient de lourdes tensions entre communautés ; victimes de crimes et de délits qui réclamaient un alourdisdownloadModeText.vue.download 185 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 184 sement des peines de prison, voire le rétablissement de la peine de mort, en un temps où les vagues d’attentats terroristes accroissaient le sentiment d’insécurité des citoyens ; enfin et surtout partisans de l’école privée dont un million défilèrent dans les rues de Paris, le 24 juin 1984, pour combattre l’instauration d’un « grand service public, unifié et laïque d’éducation nationale sans spoliation ni downloadModeText.vue.download 186 sur 502 POLITIQUE 185 monopole ». Ce jour-là, le destin électoral des partis au pouvoir avait été scellé. Ils le comprirent, les socialistes, en changeant de Premier ministre et donc de politique, les communistes, en refusant de participer au gouvernement constitué par Laurent Fabius le 17 juillet 1984. Affaiblie par cette rupture de l’Union de la gauche, par l’affaire de la Nouvelle-Calédonie et par celle du Rainbow Warrior, la majorité en place ne pouvait que limiter un échec électoral prévisible en modifiant le système de désignation des députés. C’est ce qu’elle fit par la loi du 10 juillet 1985 qui substitua au scrutin majoritaire de circonscription à deux tours, le scrutin de liste départemental à la proportionnelle avec attribution des sièges au quotient, puis à la plus forte moyenne. Les programmes électoraux L’opposition était déjà en campagne. Ou plutôt les oppositions, car l’adoption d’un nouveau mode de consultation électorale avait eu pour premier effet de ressusciter une extrême droite que le système précédent avait impitoyablement éliminée du Parlement depuis 1958. Le scrutin de liste lui donnait ses chances. Jean-Marie Le Pen les saisit. Fondateur du Front national en 1972, il proposait aux Français un programme très simple, qui lui avait déjà permis de remporter d’importants succès lors des élections précédentes. Il répondait en effet aux trois préoccupations essentielles des Français telles que les sondages les révélèrent jusqu’à la veille du 16 mars 1986 : le chômage, l’insécurité et l’immigration. Une seule mesure, pour l’essentiel, devait y pourvoir : le retour des étrangers dans leur pays d’origine, en commençant par les travailleurs clandestins. Conscients que cette proposition obtiendrait un accueil favorable non seulement dans les zones ouvrières votant majoritairement pour la gauche, mais aussi dans une frange de leur clientèle électorale, l’UDF et le RPR durent renforcer leur alliance et infléchir leur programme, sans en altérer les principes, pour éviter, sur leur droite, une hémorragie de voix fatale à leur retour au pouvoir. Signée le 16 janvier 1986 par Jacques Chirac et par Jean Lecanuet, la « plate-forme pour gouverner ensemble du RPR et de l’UDF » ainsi que leurs « 20 engagements fondamentaux » traduisirent ces préoccupations : les travailleurs clandestins seraient condamnés, puis « reconduits aux frontières » ; les immigrés candidats au retour seraient incités financièrement à regagner leur pays d’origine ; les étrangers en situation régulière ne pourraient acquérir la nationalité française et l’exercice des droits civiques que par « un acte volontaire », tout en restant à l’abri de toute mesure d’expulsion. Ainsi étaient ménagées les aspirations d’un électorat nationaliste en évitant le plus possible les atteintes portées aux droits de l’homme. Mais là n’était pas l’essentiel. Pour lutter contre le chômage, rendre compétitives les entreprises et relancer la production, l’Union pour la nouvelle majorité ne proposait pas de remettre en cause toutes les réformes votées au cours de la dernière législature : la décentralisation, les 39 heures, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans (mais seulement pour ceux qui le désiraient) et même l’abolition de la peine de mort étaient considérés comme des acquis irréversibles. Mais elle soudownloadModeText.vue.download 187 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 186 mettait à l’approbation des électeurs tout un ensemble de projets dont la mise en oeuvre devait émanciper l’économie et assurer le progrès social : libération immédiate des prix et, dans des délais très brefs, des changes ; abrogation des mesures réglementaires limitant le libre jeu de la concurrence, dénationalisation à terme de la totalité des entreprises du secteur concurrentiel, même si ces dernières étaient passées sous le contrôle de l’État dès 1945 (banques, sociétés financières et audiovisuelles, compagnies d’assurances, groupes industriels...) ; allégement de la fiscalité sur les capitaux (suppression de l’impôt sur les grandes fortunes...) et sur les revenus des particuliers et des entreprises (abaissement des tranches d’impôt, la plus élevée devant être ramenée progressivement de 65 à 50 p. 100 et la plus basse devant assurer l’exonération des foyers les plus modestes ; réforme de la taxe professionnelle...). En somme, le programme de l’opposition RPR-UDF aurait pu se résumer par un slogan : « Moins d’État, mais un meilleur État ». Pour les partis d’opposition aspirant à gouverner, il s’agissait d’un État qui devait être d’abord le garant de libertés qu’ils considéraient comme essentielles : celle du père et de la mère de famille qui doivent avoir le libre choix du troisième enfant et de l’école grâce à des mesures fiscales et sociales incitatives et protectrices de leur niveau de vie ; celle de l’enfant et de l’adolescent auxquels des enseignants hautement qualifiés doivent assurer une formation culturelle et une promotion professionnelle à la mesure de leurs possibilités intellectuelles ; celle du citoyen auquel doit être garanti l’accès à l’information grâce à une presse écrite et audiovisuelle pluraliste libre de toute dépendance à l’égard du pouvoir en place ; celle de l’électeur enfin qui doit pouvoir choisir « son » député grâce au rétablissement du scrutin majoritaire de circonscription à deux tours. Mais un « meilleur État » c’était aussi pour l’opposition un État qui devait être garant de la sécurité intérieure et extérieure du territoire grâce à la redéfinition des tâches de la police, grâce à la renégociation des conventions d’extradition permettant l’arrestation, la condamnation ou l’expulsion des terroristes nationaux ou internationaux, grâce enfin à la modernisation de l’armée, notamment par la « diversification sans délai » de la force nucléaire stratégique. Bien entendu, la gauche ne pouvait que combattre un programme qui remettait en cause l’essentiel de son oeuvre économique et sociale au cours de la septième législature. Mais, depuis la rupture du 17 juillet 1984, il ne lui était plus possible de lui opposer un projet commun de gouvernement. Libre des contraintes du pouvoir, mais corseté par celles de la doctrine, le parti communiste s’assigna bien de vastes objectifs, se proposant en particulier de créer en cinq ans un million d’emplois, notamment par la diminution du temps de travail et par l’interdiction de toute suppression de poste non compensée localement. Mais il ne put innover en ce qui concerne les moyens. Vouloir plus d’État en un temps où l’opinion publique en réclamait moins était électoralement dangereux. Le parti socialiste le comprit. Mais cela ne facilita pas l’élaboration de sa plateforme électorale, d’autant plus qu’il se heurtait à une double difficulté. Détenteur du pouvoir, downloadModeText.vue.download 188 sur 502 POLITIQUE 187 il lui fallait assurer l’héritage et se situer dans la continuité de la politique suivie depuis 1981. Désireux de s’y maintenir, il devait s’efforcer de conserver les suffrages des « déçus du socialisme » sans donner davantage prise aux critiques accrues du parti communiste. Le comité directeur du PS ne parvint pas à concilier totalement ces impératifs contradictoires lorsqu’il arrêta définitivement le 14 décembre 1985 son « programme de continuité et de construction » ainsi que le qualifia lui-même, le premier secrétaire Lionel Jospin. Trois priorités étaient susceptibles de satisfaire les militants plus que les élec- teurs : « développer la solidarité ; étendre les libertés et se donner les moyens d’une maîtrise collective de l’avenir ». Pour atteindre le premier de ces objectifs, les socialistes proposaient l’adoption de deux mesures essentielles : la mutualisation des risques entraînés par les mutations industrielles ; la constitution d’un revenu minimum garanti. Mais l’une et l’autre supposaient un accroissement des charges sociales et fiscales des particuliers et des entreprises, ce qui rendait peu crédibles la stabilisation, puis la diminution des prélèvements obligatoires promises par ce même programme. L’extension aux petites entreprises du droit d’expression des travailleurs, l’octroi à terme du droit de vote aux immigrés lors des élections municipales répondaient au second des objectifs du PS, mais mécontentaient à la fois les petits patrons hostiles à la syndicalisation de leur perdownloadModeText.vue.download 189 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 188 sonnel et la fraction de l’opinion publique qui réclamait au contraire l’expulsion des immigrés et l’octroi prioritaire aux citoyens français des emplois libérés par leur départ. Enfin, pour « se donner les moyens d’une maîtrise collective de l’avenir », les socialistes envisageaient de développer le rôle de l’administration dont l’emprise sur la vie quotidienne des particuliers et des entreprises ne pourrait dès lors que s’accroître contrairement aux voeux des nombreux électeurs, qui aspiraient, nous l’avons vu, non pas à plus, mais à moins d’État. La campagne électorale Elle commença officiellement le lundi 3 mars 1986 à la radio et à la télévision. Curieusement, le débat ne porta pas essentiellement sur les trois préoccupations principales des Français telles que les révélaient les sondages : le chômage, l’insécurité et l’immigration. Moins proches de leurs électeurs qu’ils ne le croient ordinairement, les hommes du microcosme politique cher à Raymond Barre débat- tirent longuement de deux questions de moindre intérêt : le bilan de la gestion socialiste ; le problème de la cohabitation. À la première, la fraction des électeurs susceptibles de faire basculer la majorité avait déjà répondu par des jugements bien tranchés qu’ils n’avaient, pour la plupart, nullement l’intention de modifier, même si le taux de l’inflation s’abaissait selon l’INSEE à 0,1 p. 100 en décembre 1985 et le nombre des chômeurs à moins downloadModeText.vue.download 190 sur 502 POLITIQUE 189 de 2 500 000 selon le même organisme. Par contre, ces mêmes électeurs se sentaient moins concernés que les hommes politiques par la seconde question : celle du problème constitutionnel posé par une éventuelle cohabitation entre un chef de l’État de gauche et un Premier ministre de droite. Ne risquait-on pas de déclencher une crise politique pour résoudre la crise économique ? François Mitterrand eut l’habileté de laisser les dirigeants de l’opposition en discuter et révéler ainsi les failles qui pouvaient exister entre eux. Convaincu que le temps travaillait pour le président de la République, Raymond Barre annonça au Club de la presse d’Europe 1 du 14 avril 1985 qu’il « ne voterait pas la confiance à un gouvernement de cohabitation ». Au soir du 16 mars 1986, la majorité présidentielle serait ou confirmée ou condamnée. Et, dans le second cas, faute d’avoir su ou pu conserver la confiance de ses concitoyens, le détenteur du pouvoir suprême n’aurait le choix, selon l’ancien Premier ministre, qu’entre deux attitudes : ou se soumettre, c’està-dire accepter une diminution de son autorité contraire à sa dignité et à l’esprit des institutions ; ou se démettre. C’était exiger sa renonciation au pouvoir comme condition préalable à la formation d’un nouveau gouvernement. Réaffirmée encore avec vigueur à Paris et à Viroflay le 15 et le 19 janvier 1986, cette politique « barriste » reposait sur une idée fondamentale : la nécessité de maintenir la cohérence d’un exécutif à deux têtes. Mais elle avait un inconvénient : celui de provoquer une élection présidentielle dans la foulée des élections législatives et donc de retarder la mise en oeuvre du programme de l’Union pour la nouvelle majorité. Dans le droit-fil de sa déclaration de Verdun-sur-le-Doubs du 27 janvier 1978, Valéry Giscard d’Estaing estimait au contraire « la future cohabitation politique très viable » (interview à l’Express, downloadModeText.vue.download 191 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 190 10 mai 1985), puisque le Premier ministre, une fois nommé par le chef de l’État, ne pourrait être révoqué par ce dernier. Et il précisait, dans une conférence de presse tenue à Paris le 14 janvier 1986, qu’il serait de ce fait « indéboulonnable ». Il rejoignait ainsi l’opinion de Jacques Chirac pour qui il était impensable de demander aux Français de voter pour le programme de l’opposition tout en lui annonçant qu’en cas de victoire celle-ci refuserait de constituer un gouvernement pour l’appliquer avec le président de la République encore en place. Faisant une lecture parlementaire de la Constitution, contrairement à Raymond Barre, le maire de Paris précisa, le 26 février 1986, lors d’une interview à Antenne 2, que la cohabitation était possible à quatre conditions : l’existence d’une majorité indiscutable ; l’affirmation de la confiance de cette majorité envers le Premier ministre sollicité ; l’engagement solennel de ce dernier d’appliquer sans concession le programme défini dans « la plate-forme pour gouverner ensemble du RPR et de l’UDF » ; enfin, la promesse non moins solennelle du chef de l’État de laisser le Premier ministre exercer pleinement les pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article 20 de la Constitution : conduire la politique de la France. En fait, le président du RPR avait tenu compte de la détermination du chef de l’État à ne pas démissionner et à ne pas rester neutre. Cette détermination s’était affirmée tardivement, mais nettement, sur deux plans très différents : d’abord celui du combat politique pour deman- der au peuple français « de ne pas couper les jarrets des équipes qui gagnent » (discours du Grand-Quevilly, 17 janvier 1986) et « de préserver ses conquêtes » (discours de Lille, 7 février) ; ensuite celui de la Constitution en affirmant, le dimanche 2 mars, quelques heures avant le début de la campagne officielle, qu’il « préférerait renoncer à (ses) fonctions que renoncer aux compétences de (sa) fonction ». C’était laisser planer un doute sur une éventuelle dramatisation de la vie politique au lendemain d’une défaite électorale de la majorité sortante. Ce doute devait-il profiter au parti socialiste ? L’affirmer serait présomptueux. Mais force est de constater que, crédité de 28 p. 100 des intentions de vote dans le dernier sondage publié le 8 mars 1986, ce parti obtint, le 16, 32, 65 p. 100 des suffrages exprimés. Les résultats : conséquences et perspectives Au soir des élections, les politologues ne furent pas trop surpris par la proclamation des résultats. L’instauration de la proportionnelle avait porté ses fruits. Le reflux de la vague rose avait été atténué dans de nombreux départements où la gauche avait pu conserver autant de députés que la droite du fait de la répartition à la plus forte moyenne des sièges restant à pourvoir. La poussée du RPR et de l’UDF avait été contenue, pas assez cependant pour empêcher ces partis de gouverner, car les vainqueurs avaient obtenu deux voix de majorité grâce à l’apport des divers droite. Fruit du nouveau type de scrutin, le succès du Front national était attendu. Seule son ampleur étonna puisque ses listes totalisèrent 9,85 p. 100 des suffrages exprimés, alors qu’aucun sondage ne lui en avait accordé plus de 7 à 8 p. 100. Mais il était en recul downloadModeText.vue.download 192 sur 502 POLITIQUE 191 downloadModeText.vue.download 193 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 192 de 1,10 p. 100 par rapport aux 10,95 p. 100 obtenus aux élections européennes du 17 juin 1984. L’extrême droite n’aurait-elle remporté une fois de plus qu’une victoire circonstancielle, confortée par le charisme de son actuel leader Jean-Marie Le Pen ? downloadModeText.vue.download 194 sur 502 POLITIQUE 193 Pourtant, ce fut le déclin du PCF qui focalisa l’attention de la classe politique. Il se poursuivait inexorablement : 21,41 p. 100 des suffrages exprimés aux législatives du 4 mars 1978 ; 15,34 p. 100 aux présidentielles du 26 avril 1981 ; downloadModeText.vue.download 195 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 194 11,20 p. 100 aux européennes du 17 juin 1984 ; 9,78 p. 100 aux législatives du 16 mars 1986. Jamais depuis 1924 (9,84 p. 100) les voix recueillies par ce parti n’avaient été aussi peu nombreuses. Devancé même par le Front national, il downloadModeText.vue.download 196 sur 502 POLITIQUE 195 n’était plus que la cinquième force politique du pays. Sa faiblesse était telle que le PS, malgré sa bonne tenue électorale (32,65 p. 100 des suffrages exprimés), ne pouvait plus espérer reconquérir la majorité au Parlement et donc le contrôle downloadModeText.vue.download 197 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 196 du pouvoir avec le seul concours de son ancien partenaire. Dès lors, les dirigeants socialistes étaient condamnés à rechercher des alliés de substitution au centre gauche, où ils s’étaient déjà étroitement associés au MRG, qui leur devait, en fait, sa survie politique. Problème en apparence insoluble. D’ailleurs, les temps s’y prêtaient-ils ? Sûrement pas, et cela en raison d’une conjoncture économique et sociale défavorable au pouvoir en place. Dépôts de bilan multipliés, chômage accru, insécurité subie ou ressentie, autant de raisons pour l’électorat de ne pas renouveler à la gauche le bail de confiance qu’il lui avait consenti en 1981. Mais il y a plus. Une analyse fine du résultat des votes exprimés le 16 mars révèle que l’évolution en profondeur de la structure de la société française semble agir dans le même sens, malgré une homogénéisation certaine du vote des hommes et de celui des femmes. Électeurs âgés de plus de 34 ans, inactifs, travailleurs indépendants, agriculteurs, catholiques pratiquants ou non et même salariés disposant d’un revenu mensuel supérieur à dix mille francs demeurent majoritairement fidèles à la droite et accordent leurs suffrages au RPR et à l’UDF. Par contre, la gauche ne peut garder intacts ses bastions traditionnels. Certes, elle maintient ses positions dans la fonction publique, dont elle garantit l’emploi sous le couvert d’un statut protégé, mais elle ne peut empêcher la dérive droitière des employés du secteur privé, ce qui réduit à 50 p. 100 le nombre des salariés qui lui accordent encore ses suffrages en 1986. L’évolution technologique défavorise aussi sa composante commudownloadModeText.vue.download 198 sur 502 POLITIQUE 197 niste, puisqu’elle entraîne rapidement la réduction de la main-d’oeuvre et donc de la classe ouvrière, qui est le support naturel du PCF, au profit des employés et des cadres moyens, qui votent plus volontiers pour le PS. Mais l’avenir immédiat de la gauche, prise dans son ensemble, n’est-il pas encore menacé par la désaffection des jeunes électeurs à son égard ? Convaincus sans doute qu’il ne peut y avoir de so- lution idéologique à la crise économique, ceux-ci ont accordé le 16 mars la majorité de leurs suffrages aux divers partis de droite : 50 p. 100 pour la classe d’âge des 18-24 ans et même 53 p. 100 pour celle des 18-20 ans. C’est là un phénomène politique entièrement nouveau. downloadModeText.vue.download 199 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 198 downloadModeText.vue.download 200 sur 502 POLITIQUE 199 Dès lors, une question se pose : la double victoire remportée par François Mitterrand et par les socialistes en 1981 a-t-elle bien marqué une inversion, dans la longue durée, du rapport des forces opposant la gauche à la droite, rapport qui s’est toujours situé depuis la Seconde Guerre mondiale dans une fourchette électorale comprise entre 40 et 60 p. 100 ? À deux reprises, ce mécanisme a fonctionné au bénéfice de la gauche : de 1946 à 1958 et de 1981 à 1986. Une fois, la droite en a tiré longuement profit de 1958 aux années charnières 1978-1981. Mais on peut aussi se demander si le déferlement de la vague rose en 1981 n’a été qu’un accident de parcours. La victoire remportée par le RPR et par l’UDF aux élections sénatoriales du 28 septembre 1986 ne permet pas de trancher le débat, puisqu’elle ne fait que traduire, au niveau de la haute assemblée, l’ampleur des succès remportés par l’Union pour la nouvelle majorité aux élections municipales, cantonales et législatives antérieures. Les résultats des élections législatives partielles de ce même 28 septembre présentent plus d’intérêt. En portant de 43,10 p. 100 à 45,93 p. 100 le nombre des suffrages exprimés en faveur de la liste UDF-RPR, les électeurs de Haute-Garonne ont, à l’évidence, refusé de donner au gouvernement en place l’habituel avertissement sans frais que les électeurs lui adressent souvent après six mois d’exercice du pouvoir. Par là-même n’ont-ils pas répondu par avance à la question que nous nous posions au début de ce paragraphe ? Il faut y réfléchir en se rappelant toutefois qu’une élection départementale n’a pas la valeur d’une consultation à l’échelon national et qu’en politique ce qui paraît sûr n’est jamais certain. downloadModeText.vue.download 201 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 200 Régionalisation et décentralisation Depuis que les Conseils régionaux ont été élus au suffrage universel en mars 1986, la décentralisation est devenue une composante permanente de la vie politique française. Introduction Pour trois raisons au moins, l’année 1986 pourra être marquée d’une pierre blanche dans la chronique de la décentralisation et de la régionalisation. Pour la première fois dans l’histoire de la République, des élections ont eu lieu le 16 mars – le même jour que les législatives – pour désigner au suffrage universel 1 840 conseillers régionaux. 1986 a été aussi l’année pendant laquelle a été achevée la quasi-totalité de ce qu’on appelle les « transferts de compétences », c’est-à-dire de pouvoirs, autrefois exercés par l’État et ses fonctionnaires, et qui relèvent désormais des collectivités locales, Régions, départements, communes. Enfin – troisième élément à relever –, c’est la mort de Gaston Defferre, qui fut l’artisan, l’inventeur et le grand maître de la décentralisation. On se souviendra de cette boutade que lança un jour le maire de Marseille, à peine nommé au gouvernement, en juin 1981, et installé place Bauveau : « Si j’avais pu choisir tout seul mon titre de ministre, je me serais fait appeler ministre de la Décentralisation et de l’Intérieur, et non l’inverse. » Décentralisation, régionalisation, autonomie des collectivités locales sont des notions à la fois proches et pourtant distinctes. La décentralisation (qui est une vieille idée dont la gauche n’a d’ailleurs pas à revendiquer le monopole) a bénéficié, depuis 1981, à la fois aux départements et à leurs organes dirigeants (les conseils généraux et leur « patron », le président du conseil régional), aux maires et surtout aux conseils régionaux. Surtout parce que, jusqu’à mars 1986, ces conseils, à la différence des communes et des départements, n’étaient pas, juridiquement, des collectivités locales de plein exercice. C’est chose faite depuis que leurs membres sont élus au suffrage universel. Ils n’ont d’ailleurs pas mis beaucoup de temps pour acquérir une réelle légitimité. D’où – souvent – la confusion dans l’opinion publique entre décentralisation et régionalisation. Quant à l’autonomie des collectivités locales, elles se caractérise par une double liberté depuis la grande loi-cadre du 2 mars 1982. D’abord, le représentant de l’État, qui s’appelle désormais commissaire de la République, n’est plus détenteur du pouvoir exécutif dans le downloadModeText.vue.download 202 sur 502 POLITIQUE 201 département ou la Région. Sa tutelle sur les élus du suffrage universel s’est considérablement réduite. En second lieu, aucune collectivité ne peut exercer une tutelle sur une autre. Ainsi, la Région n’a pas de pouvoir juridique hiérarchique ou financier sur les départements qui la composent et un conseil général ne peut forcer la main d’une commune. Seul l’État conserve un pouvoir d’arbitrage. À mesure que s’affirment les pouvoirs des Régions (et certaines sont présidées par des personnalités qui ne veulent évidemment pas faire de la figuration), la vieille querelle entre les départementalistes et les régionalistes ressurgit. À terme, qui l’emportera de la vieille structure départementale, créée en 1790, réorganisée en 1871, solidement implantée dans les mentalités et les réalités provinciales, et de la Région, institution neuve, tout entière tournée vers l’économie et l’aménagement du territoire ? Quatre niveaux d’administration – l’État, la Région, le département, la commune (sans compter la communauté urbaine parfois et l’échelon européen) –, n’est-ce pas trop ? N’est-ce pas la porte ouverte à une multiplication à l’infini de la bureaucratie ? La décentralisation a aussi introduit des transformations profondes dans le rôle et la place du préfet, représentant de l’État dans le département et la Région. Il a perdu les attributs du pouvoir exécutif, notamment celui d’élaborer et de mettre en oeuvre le budget départemental ou régional. Ses pouvoirs de contrôle consistent désormais uniquement à s’assurer que les délibérations des collectivités locales sont bien conformes aux lois et décrets de la République. Dans le cas contraire, il défère ces délibérations au tribunal administratif. Lorsqu’il s’agit d’anomalies financières et précisément budgétaires (un budget présenté en déséquilibre, des dépenses dites obligatoires non inscrites), l’une des 24 chambres régionales des comptes (22 pour la métropole, 2 pour l’outremer) est saisie. Fonctionnant comme la Cour des comptes, ces chambres font un travail utile, mettent le doigt sur des anomalies. Pour la première fois, le rapport annuel de la Cour des comptes a publié en juin des extraits des observations formulées par les chambres régionales des comptes. Elles ont relevé quatre genres de pratiques dangereuses ou contestables : la mauvaise utilisation des échelons administratifs intermédiaires, comme les syndicats intercommunaux, dans lesquels les collectivités n’exercent pas comme elles le devraient leurs responsabilités ; la tendance de certaines communes à engager des programmes d’investissements ambitieux qui, à leur terme, se révèlent très coûteux ; les aides financières parfois excessives que certaines collectivités apportent pour l’implantation d’entreprises ; certains agissements qui ont pour effet de contourner la réglementation au préjudice des finances publiques. Pour redonner du prestige aux préfets commissaires de la République, le gouvernement de M. Chirac, dans la même ligne sur ce point au moins que celui de M. Fabius, a décidé que la déconcentration devait aller de pair avec la décentralisation. Rappelons à ce propos qu’il y a décentralisation des pouvoirs lorsqu’une autorité, l’État en l’occurrence, se dédownloadModeText.vue.download 203 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 202 charge de certains d’entre eux et les confie à d’autres autorités indépendantes de l’État et élues, à savoir les collectivités locales. Il y a déconcentration, en revanche, lorsque l’État central, parisien, avec ses ministères et leurs directions générales, se décharge de ses pouvoirs et les fait exercer par ses représentants, ses agents, en province, en l’occurrence les préfets et les sous-préfets. M. Pasqua, ministre de l’Intérieur, a défini, au début de juillet, les orientations du gouvernement à propos de la décentralisation et de la déconcentration, indiquant aux préfets qu’ils ne devaient en rien renoncer à leurs pouvoirs qui sont grands, puisqu’ils représentent tous les ministères, et donc l’État et le gouvernement dans leur ensemble. Les transferts de compétences Quels pouvoirs ont été transférés aux collectivités territoriales ? L’opération s’est déroulée sur quatre ans pour trouver son aboutissement en 1986. Dès mai 1983, la Région s’est vu attribuer des compétences importantes pour l’aménagement du territoire. C’est l’époque où sont préparés et signés les « contrats de plan » entre l’État et les Régions. Ces contrats déterminent, au vu d’un plan régional, les actions prioritaires et les clés de financement. Ils fixent des engagements réciproques. L’État, avant et après mars 1986, s’est fait un devoir de respecter ses obligations au prix parfois de légers ajustements, par exemple pour les routes ou les gros travaux d’infrastructure. Sur la période 1984-1988, l’État a annoncé qu’il dépenserait 38,9 milliards ; les Régions ont programmé 25,8 milliards. Autre compétence transférée aux Régions : la formation professionnelle continue et l’apprentissage. Les Régions bénéficient enfin depuis 1986 de capacités accrues : c’est à elles qu’incombent la construction, la rénovation, l’entretien des lycées et de certains établissements d’enseignement spécialisés (À titre d’exemple, la Franche-Comté a 25 lycées à gérer.). Les conseils généraux sont, depuis cette année aussi, responsables des col- lèges mais, comme les Régions pour les lycées, ils n’exercent aucune compétence relative à la pédagogie ou à la gestion du personnel d’enseignement. Depuis 1984, downloadModeText.vue.download 204 sur 502 POLITIQUE 203 les départements ont, en outre, pris en main les transports scolaires et surtout l’aide sociale, un secteur très lourd financièrement. Heureuse surprise ! Depuis que l’État a délégué aux conseils généraux les dépenses d’aide sociale, celles-ci progressent à une allure raisonnable, voire diminuent. De là à penser que les élus locaux gèrent plus rationnellement les finances publiques que l’État downloadModeText.vue.download 205 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 204 – au moins pour tout ce qui relève des services et des « équipements de proximité », en contact direct avec la population –, il n’y a qu’un pas, que beaucoup sont tentés de franchir. Les communes, elles, ont élargi leurs pouvoirs dans le domaine de l’urbanisme. C’est le maire qui délivre le permis de construire en son nom propre. En outre, à côté des attributions juridiques, il y a les responsabilités de fait. Et, à cause de la crise économique, de l’urgence à régler les problèmes de l’emploi et à rechercher des implantations d’entreprises, les maires des grandes villes et des petites communes sont, qu’ils le veuillent ou non, investis de pouvoirs économiques qui ne sont pas sans portée (bureaux de recherche d’investisseurs, constructions d’usinesrelais, garantie d’emprunts, exonération de taxe professionnelle, etc.). La décentralisation est-elle un gouffre financier, ouvre-t-elle la voie à des abus, à des privilèges, à des prébendes, comme le croient et l’écrivent certains anciens préfets ? On lira avec intérêt, de ce point de vue, le livre que M. Jean Émile Vie, préfet de Région, a publié sous le titre Les Sept Plaies de la décentralisation, qui, du début jusqu’à la fin, est un hymne au centralisme. La Caisse des dépôts et consignations, qui tient à jour un tableau de bord précis de l’évolution des finances locales, estime que, tout compte fait, la progression des dépenses et de la fiscalité a été modérée. Pour les communes, dont les impôts sont trois fois plus élevés que ceux des départements et vingt fois plus que ceux des Régions, la fiscalité directe a augmenté en 1984 de 19 p. 100 et en 1985 de 11,6 p. 100. Pour les départements, les hausses ont atteint 18 et 12 p. 100 ; pour les Régions, les pourcentages sont de 33,5 et 15,3. Évidemment, les Régions apparaissent, comme les collectivités locales, les plus boulimiques puisqu’elles sont une nouvelle institution qui a besoin de s’affirmer. Est-il vrai que, dans un certain nombre de cas, la hausse des budgets régionaux entre 1984 et 1985 est plus que downloadModeText.vue.download 206 sur 502 POLITIQUE 205 significative (+ 26 p. 100 en Bourgogne, + 25 p. 100 en Picardie ou en Limousin) ? Les différences sont instructives aussi lorsque l’on compare la fiscalité directe par habitant selon les Régions ; 136 F dans le Nord-Pas-de-Calais, 130 F en Midi-Pyrénées, 31 F seulement dans les Pays-de-la-Loire ou 50 F en HauteNormandie. En Provence-Alpes-Côted’Azur, le produit des impôts dans le total des ressources ne dépasse pas 19 p. 100, alors qu’il dépasse 35 p. 100 en Auvergne, 33 p. 100 en Franche-Comté, 43 p. 100 dans le Nord et en Midi-Pyrénées (la moyenne tournant en 1985 autour de 30 p. 100). On met souvent en avant pour le critiquer le développement excessif du nombre de fonctionnaires qu’ont embauchés, encouragés par la décentralisation, les communes, les départements et les Régions. Mais, n’eût-il pas été normal que l’État, commencât luimême, et dès 1982, à réduire le nombre de ses fonctionnaires pour en transférer un bon nombre vers les communes, les départements, les Régions qui avaient et ont toujours besoin de cadres de haut niveau ? Plus d’un million de fonctionnaires Pour ce faire, il eût fallu qu’existât un véritable statut de la fonction publique territoriale. Or seuls les agents communaux étaient dotés d’un statut comparable à celui des fonctionnaires d’État. M. Defferre, puis M. Joxe élaborèrent donc pour les quelque 1 100 000 agents territoriaux un statut qui fut consigné dans la loi du 26 janvier 1984, complétée par des décrets et arrêtés sur les comités techniques paritaires, les corps, la formation, le droit syndical, etc. Mais il est vite apparu que la mise en oeuvre de cette loi était extrêmement compliquée et difficile. Dès avril 1986, l’une des premières tâches du gouvernement fut de la mettre en veilleuse et, en procédant à une large consultation des syndicats de personnels et des associations d’élus, de remettre en chantier un nouveau projet. Yves Galland, nommé ministre délégué chargé des collectivités locales en septembre, a vite travaillé, puisqu’il fait adopter par le Conseil des ministres de la mi-novembre un projet de loi mettant en place un nouveau statut qui tient compte de deux impératifs : – les maires et les « patrons » des Régions et des départements doivent conserver directement leurs responsabilités et une certaine liberté dans la gestion du personnel sans passer par des échelons de gestion intermédiaire ; – il faut que le système ne soit pas trop coûteux, alors que celui imaginé par les gouvernements socialistes prévoyait quatre cotisations différentes. Mais, du projet précédent, le gouvernement de M. Chirac garde trois principes : l’unité de la fonction publique territoriale, la mobilité des agents, et enfin des garanties de carrière. Comment seront recrutés les agents ? Par concours, selon le sacro-saint principe de la fonction publique. Mais un candidat reçu ne sera pas automatiquement engagé et nommé. Il faudra qu’il soit recruté par le maire ou le président du conseil régional ou général à partir d’une liste d’aptitudes établie par le jury. downloadModeText.vue.download 207 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 206 Le gouvernement n’a pas voulu qu’un maire, par exemple, se voit imposer un candidat qu’il n’aurait pas choisi ou soit l’objet d’une sanction financière s’il refusait le candidat. Si le texte est adopté par le Parlement, il sera créé un Centre national de la fonction publique territoriale chargé de la formation, des concours, de la mise en place d’une « bourse de l’emploi », du déroulement de carrière des fonctionnaires des grades les plus élevés ; des centres départementaux, voire interdépartementaux, s’occuperont de la gestion technique des personnels employés dans les communes de moins de 200 habitants. S’occuper des fonctionnaires, c’est bien, mais il ne faut pas oublier les élus eux-mêmes. Reparler du statut des élus locaux et régionaux, c’est réveiller un serpent de mer – ce que font tous les gouvernements successifs sans parvenir à traiter à fond la question. Pourtant, à l’initiative des gouvernements socialistes de 1981-1986, une loi qui limite le cumul des mandats sera mise en application en 1987. Et l’actuel ministre chargé des collectivités locales la juge pour sa part tout à fait judicieuse. Il faut, de plus, permettre à un nombre de plus en plus grand de salariés d’entreprises privées ou nationales de s’engager dans la vie publique. C’est pourquoi le gouvernement a ouvert une négociation avec le CNPF sur la question. Les salariés devraient pouvoir obtenir deux sortes de crédits d’heures pour exercer un éventuel mandat, le premier crédit étant pris en charge par l’entreprise et la seconde tranche par le salarié lui-même. Les élus demandent aussi que soient réglés les problèmes de leurs indemnités et de leur retraite. M. Marcel Debarge, sénateur socialiste, avait été chargé de réfléchir à la question, mais ses propositions de revalorisation des indem- nités auraient abouti à une « ardoise » de quelque 10 milliards de francs. Une amélioration plus immédiate pourrait être obtenue en revanche en ce qui concerne les retraites complémentaires. Il ne faut pas que les Régions débordent le cadre qui leur a été fixé et qu’elles alimentent une nouvelle bureaucratie. Elles ne doivent pas se substituer ou se surajouter à des collectivités locales qui ont l’habitude de la gestion, a déclaré en substance M. Chirac à la mi-octobre à la Réunion, devant le congrès des présidents de conseils généraux. 1987 dira si la décentralisation enregistre une pause, un recul ou au contraire une consolidation. De toute façon, changer des habitudes administratives et politiques séculaires de centralisme est une affaire de volonté, de constance, sur plusieurs générations. FRANÇOIS GROSRICHARD Un nouveau cours pour l’aménagement du territoire Ceux qui pensaient que l’arrivée d’un nouveau gouvernement en mars 1986 modifierait le cours de l’aménagement du territoire on dû être déçus. A la fin de l’année, le délégué, M. Jacques Sallois, ancien directeur du cabinet de M. Jack Lang, était toujours en poste. Le ministre de l’Aménagement du territoire, du Logement et de l’Équipement n’avait toujours pas pris d’orientations très marquées, sauf à accepter une amdownloadModeText.vue.download 208 sur 502 POLITIQUE 207 putation considérable du budget des primes et à réorienter ses crédits pour 1987 sur les infrastructures routières. Mais, surtout, tout le monde est resté jusqu’au 18 novembre dans l’attente du rapport d’Olivier Guichard, qui avait été sollicité fin mai par le nouveau ministre, M. Pierre Méhaignerie, pour définir clairement les priorités, et énumérer aussi les « non-priorités », étant entendu qu’il faut désormais compter sur trois faits nouveaux : la décentralisation, la faible croissance économique, la dimension européenne. Il est vrai que, écartelé entre deux logiques et deux légitimités – l’efficacité économique et la solidarité géographique –, l’aménagement du territoire a grand besoin d’un bilan général de santé. D’autant qu’avec la crise toutes les régions ont, à un titre ou à un autre, quelque raison de demander l’appui de l’État. Celles qui caracolent en tête, comme l’Île-de-France, Rhône-Alpes downloadModeText.vue.download 209 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 208 ou l’Alsace, ont besoin de maintenir leur avance et de préserver leurs atouts pour résister à la concurrence d’autres régions européennes. Celles, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine, qui sont frappées de plein fouet par la triple récession des charbonnages, de la sidérurgie et d’autres activités lourdes (pétrole, mécanique, chimie, chantiers navals) cherchent difficilement les voies de la reconversion industrielle. Dans un troisième groupe (Ouest, Normandie, Poitou-Charentes, Aquitaine), où les greffes industrielles ont commencé à prendre dans les années 1960-1970, les Régions sont encore fragiles et ont besoin de voir accompagné leur développement industriel, universitaire et technologique. Enfin, le Massif central, les Alpes du Sud, les Pyrénées sont gagnés par le « désert rural », tandis que les espaces limitrophes (Toulouse, Languedoc, Provence-Côte-d’Azur), favorisés par le tropisme du soleil, ont une population croissante et décrochent de beaux succès industriels. À cet égard, la réussite des « technopoles » de Toulouse, Montpellier et Nice-Sophia Antipolis, très prisées par les investissements de haute valeur ajoutée, fait pâlir les métropoles du Nord, de l’Ouest et du Centre. Comme la carte ci-devant l’indique, une quinzaine de zones frappées par les nécessaires reconversions industrielles peuvent être considérées comme « prioritaires » au regard de la politique traditionnelle d’aménagement du territoire. Dressant à la fin de l’été le bilan de la politique des pôles de conversion lancée en mars 1984, la DATAR a pu recenser 500 dossiers d’entreprises nouvelles installées dans ces quinze pôles, qui ont reçu une prime d’aménagement du territoire, sur des crédits d’État, d’un montant moyen de 47 000 F par emploi. Sur trois ans, 27 500 emplois devraient être créés pour 7,65 milliards de francs d’investissements. À quoi s’ajoutent, dans l’éventail des aides, d’autres primes ou prêts publics et des mesures sociales pour permettre aux salariés « en sureffectifs » de quitter leur entreprise et de suivre une formation, ou de tenter de créer une entreprise. Ces résultats ne sont pas négligeables, mais, bien sûr, ils sont loin de compenser les suppressions d’emplois dans les mêmes zones. Et les réserves d’usines de la région parisienne qui seraient susceptibles d’être transférées en province s’épuisent. 40 000 emplois, en effet, ont été volontairement décentralisés chaque année de 1955 à 1970, encore 10 000 de 1970 à 1980, mais seulement 5 000 au mieux depuis cette date. Dernière décision importante prise à l’automne au chapitre de l’aménagement du territoire : la création de « zones d’entreprises », à l’instar de ce qui existe dans plusieurs pays, notamment en Grande-Bretagne, sur les trois sites de Dunkerque, La Seyne et La Ciotat, pris dans la crise des chantiers navals de la NORMED. Les entreprises qui viendront y créer des emplois seront exonérées d’impôts sur les bénéfices pendant dix ans. FRANÇOIS GROSRICHARD downloadModeText.vue.download 210 sur 502 POLITIQUE 209 À travers les Régions Pour chaque Région ou département d’outre-mer, les budgets cités sont les états de prévision primitifs de 1987, qui sont susceptibles d’évoluer dans le courant de l’année (source : ministère de l’Interieur). ALSACE L’Alsace détient un record. La charge fiscale par habitant prélevée par le conseil régional est la plus faible de France (140 F en 1985, au lieu de 210 F en Midi-Pyrénées par exemple). Le caractère de plus en plus international des données et des échanges économiques n’effraie pas l’Alsace. Précisément, les premiers à en tirer profit sont les frontaliers. Ils sont de plus en plus nombreux à aller travailler en Allemagne (15 720 au 1er trimestre 1984 ; 17 000 au 2e trimestre 1986), alors que le nombre de frontaliers qui se dirigent vers la Suisse baisse corrélativement (20 600 au début de 1984 et 18 000 à la fin de downloadModeText.vue.download 211 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 210 1986). La bonne tenue de la conjoncture allemande favorise l’écart entre le taux de chômage du Bade-Würtemberg tout proche (5,1 p. 100 en mai 1986) et celui de l’Alsace (7,3 p. 100), augmentant la pression de la main-d’oeuvre française sur le marché allemand du travail. L’Alsace a ouvert un bureau au Japon chargé de convaincre des investisseurs tentés par une implantation en France. Ces investisseurs seront satisfaits d’apprendre que l’Alsace est au premier rang des Régions françaises pour la part des salariés de l’industrie occupée dans des établissements dont le capital social est détenu à plus de 20 p. 100 par des entreprises étrangères. AQUITAINE Le port de Bordeaux joue le rôle de poumon économique de l’Aquitaine. Le trafic de 1985, avec 10,7 millions de tonnes, s’est accru de 6 p. 100 par rapport à l’année précédente. Mais, si les volumes d’hydrocarbures ont progressé, le trafic générateur de valeur ajoutée, c’est-à-dire les conteneurs, a chuté de 6 p. 100. Bordeaux « sort » de Bordeaux et glisse vers l’aval. L’avenir porte deux noms : le Verdon et Bassens. Face à Roy an, le Ver- don a du mal à honorer les espoirs qu’on avait mis en ce site il y a dix ans. Deux armements étrangers ont décidé de supprimer leurs escales au Verdon. En revanche, c’est à un changement complet de décor que l’on assiste à Bassens, sur la rive droite, aux portes mêmes de Bordeaux, où règne une activité fébrile. Hangars et terre-pleins regorgent de marchandises de tous genres. L’optimisme trouve là ses racines. Les nuages ? Shell a décidé de fermer sa raffinerie de Pauillac. AUVERGNE En étant élu en mars 1986 président du conseil régional, M. Giscard d’Estaing a rompu une longue domination socialiste, assurée depuis 1977 par M. Maurice Pourchon. Et, sans ambage, il a décidé de faire faire un tournant à 90 degrés à l’institution régionale qui, selon lui, doit être moins « interventionniste ». Premier acte concret : mettre un terme à la construction de l’hôtel de la Région dont le coût aurait avoisiné 100 millions de francs et qui avait été confiée par M. Pourchon à Renzo Piano, l’architecte de Beaubourg. À sa place, M. Giscard d’Estaing veut faire construire une école d’ingénieurs des métiers de la mécanique, orientée downloadModeText.vue.download 212 sur 502 POLITIQUE 211 vers les matériaux du futur. Poursuivant son plan de réduction des effectifs et de restructuration engagé en 1980, Michelin a annoncé le 29 octobre la suppression de 2 200 emplois, dont 1 650 dans la capitale auvergnate. Parallèlement, Michelin met en place une unité faisant appel aux dernières inventions de la robotique, qui sera opérationnelle en 1988 à Clermont-Ferrand. Michelin occupe encore 22 000 personnes en Auvergne et un emploi chez Michelin en induit deux ou trois hors de l’entreprise. Le conseil régional va-t-il entériner cette orientation vers la monoindustrie ou peut-il mener une politique de diversification ? BOURGOGNE La Région a un taux de natalité plus faible que la moyenne nationale et un taux de mortalité plus fort. Dans une étude publiée par le Comité économique et social, les experts relèvent que 35 cantons (essentiellement dans le Morvan) peuvent être qualifiés de « désert bourguignon » avec une chute de la population de 8 p. 100 en vingt ans et une densité de 18 habitants au m 2. Les zones urbaines ont aussi leurs problèmes et le périmètre de Chalon-surSaône-Le Creusot-Montceau-les-Mines, classé « pôle de conversion » en mars 1984, a dû affronter depuis deux ans la crise du charbon et la faillite de Creusot-Loire. downloadModeText.vue.download 213 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 212 Le pôle de conversion est souvent cité comme un modèle. Sur les 1 283 licenciés de Creusot-Loire en décembre 1984, 9 p. 100 d’entre eux avaient, 22 mois après, retrouvé un travail, 3,3 p. 100 seulement avaient eu à subir une déqualification. Le taux de chômage dans les villes du pôle de conversion, qui était de 10,65 p. 100 début 1984 et de 12,17 p. 100 début 1985, est tombé à 10,19 p. 100 en juillet 1986. En deux ans et demi, 137 millions de francs de primes de la DATAR ont été accordés à des entreprises qui se sont engagées à créer 4 180 emplois pour 750 millions de francs d’investissements. BRETAGNE Depuis 15 ans, la Bretagne est devenue une région pilote pour l’agriculture, mais depuis deux ans la situation se détériore ; les agriculteurs, qui ont beaucoup investi, sont endettés et les cours à la production n’évoluent pas comme les prix de revient. On est passé de difficultés d’ordre conjoncturel (déséquilibre passager des marchés) à des problèmes structurels qui remettent en cause la dynamique de ce complexe agroalimentaire, moteur de l’économie régionale (les industries agroalimentaires emploient plus de 37 000 personnes, dont près de 15 p. 100 dans les coopératives). Le principal sujet de préoccupation concerne le secteur lait-viande bovine auquel participent directement ou indirectement deux agriculteurs sur trois. L’instauration des quotas laitiers a provoqué des manifestations violentes ; les agriculteurs ont refusé de payer les taxes parafiscales sur les céréales qu’ils achètent pour nourrir leur bétail. Les dépassements des quotas laitiers ont été élevés pour la campagne mars 1985-mars 1986 ; après les six premiers mois de 1986, ils atteignaient 5 p. 100. Ces quotas tendent à fermer la porte aux jeunes qui désirent s’installer, alors que la relève des chefs d’exploitation est déjà jugée insuffisante. Pour les porcs, la situation a été plus satisfaisante : bonne tenue des cours, baisse des prix des aliments à cause de l’effet dollar (la majeure partie des tourteaux est importée). Les éleveurs ont pu reconstituer partiellement leur trésorerie. La Bretagne produit 45 p. 100 de la viande de porc française. downloadModeText.vue.download 214 sur 502 POLITIQUE 213 CENTRE Cette Région, faite de six départements, traîne comme un boulet un complexe d’identité. Mais, c’est la Région Centre qui, dès 1985, a pris la première l’initiative de contester les systèmes d’aides financières aux entreprises, qui étaient alors partout en vigueur. Le conseil régional a estimé que les subventions aux entreprises qui créaient des emplois n’étaient pas une bonne méthode : cet interventionnisme est contraire à la philosophie libérale actuelle, les élus n’ont pas à se substituer aux banquiers et, surtout, outre le fait que l’efficacité réelle des primes sur l’emploi reste à démontrer, elles « déresponsabilisent » les chefs d’entreprises. « Faisons ce que les autres ne peuvent pas faire et ne faisons que cela », répond M. Dousset. D’année en année, le budget consacré au développement industriel et artisanal diminue. Les primes sont remplacées par des avances, des prêts, des garanties d’emprunt. Fin octobre a été ouverte la section d’autoroute Orléans-Salbris (60 km), à travers la Sologne, qui a soulevé de nombreuses polémiques, puisque les premiers projets remontent à 1972. CHAMPAGNE-ARDENNE downloadModeText.vue.download 215 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 214 L’agriculture est très performante, tout autant que l’industrie agroalimentaire. La Région est au premier rang pour la fabrication des crèmes glacées ou pour la luzerne déshydratée, au second pour les sucreries. Dans l’industrie proprement dite, 50 p. 100 de la production française de sous-vêtements et 40 p. 100 de la production de layettes proviennent de Champagne-Ardenne. Le nord de la Région est frappé par la crise sidérurgique. La vallée de la Meuse a été classée pôle de conversion en 1984 ; les entreprises qui viennent s’y installer peuvent bénéficier de primes et d’aides financières. La Région ayant hérité de la gestion des lycées, le conseil régional a visé haut : 138 millions de francs (sur un total de 500 millions en 1986). Il s’est engagé dans un certain nombre d’actions spécifiques pour améliorer le système éducatif : construction de deux cités scolaires à Troyes et à Reims et de dix-huit collèges ruraux ; aide au lancement de vingt-huit opérations de préscolarisation en milieu rural ; équipement informatique de quatorze lycées ; reconversion des professeurs de LEP vers de nouvelles disciplines (électrotechnique, informatique). Dernière initiative originale à signaler : la décision de créer un Institut régional de la coopération décentralisée pour tisser des liens d’échanges et d’entraide avec le tiers-monde. CORSE Les Corses s’interrogent sur l’avenir du vignoble : 32 000 hectares en 1976, 11 000 aujourd’hui, soit à peine plus qu’à l’époque où sont arrivés les rapatriés d’Algérie. L’arrachage massif, subventionné par la CEE, est passé par là. 1985 a marqué une accélération. Il est vrai que la commission de Bruxelles est attrayante : 40 000 à 49 000 F à l’hectare. Les stocks disponibles de la récolte 1985 (un million d’hectolitres) sont restés élevés ; les mesures de distillation n’ont que partiellement compensé le retard enregistré en matière de commercialisation, qui a pesé sur les cours. FRANCHE-COMTÉ Les Régions, M. Edgar Faure connaît ! Il fut le père des circonscriptions d’action régionale, qu’il a créées, en 1955, lorsqu’il était à Matignon. Le dynamisme de sa Région est réel : c’est la Région la plus industrialisée de France puisque 43 p. 100 de sa maind’oeuvre et de son produit sont d’origine industrielle contre 30 p. 100 dans la moyenne française. Le taux de couverture des importations par les exportations de... 247 p. 100. downloadModeText.vue.download 216 sur 502 POLITIQUE 215 Mais les zones d’ombre s’étendent : taux de croissance de la production industrielle inférieur à la moyenne, perte de 4 000 à 5 000 emplois par an depuis cinq ans, fort pourcentage de salariés sans qualification. Pour réagir contre cette « hémorragie lente », le conseil régional lance un vaste programme de formation. Un plan de modernisation des lycées s’étendant sur quinze ans, avec chaque année 50 millions de crédits régionaux (soit davantage que le volume des crédits d’État transférés), a été adopté. La Région demande aussi que l’État accepte une décentralisation plus marquée de l’appareil de recherche. ÎLE-DE-FRANCE Mickey va-t-il élire domicile à Marne- la-Vallée, cette ville nouvelle située à 40 km à l’est de Notre-Dame ? Telle était la grande question encore sur toutes les lèvres à la fin de 1986. Une question fondamentale, puisque à la clé de ce gigantesque parc de loisirs miroitent quelque 40 milliards de francs d’investissements, des dizaines de millions de visiteurs français et étrangers chaque année, un coup de fouet extraordinaire pour le commerce, les hôtels, les organisations de congrès, les travaux publics – bref, pour l’emploi. Et, même si le taux de chômage en Île-de-France est très sensiblement inférieur à la moyenne nationale (la région parisienne ne souffre ni de la crise de la sidérurgie ni de celle des chantiers navals ; elle concentre, en revanche, les deux tiers des grands laboratoires, les trois quarts des sièges sociaux des grandes downloadModeText.vue.download 217 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 216 entreprises et d’une façon générale des emplois tertiaires de haut niveau), un tel projet ne peut qu’être favorable à l’activité économique, dussent les agriculteurs de l’Est parisien en souffrir. Mais les négociations traînent en longueur. Aux questions financières (quels allégements fiscaux seront proposés aux investisseurs américains ?) s’ajoutent des discussions juridiques sans fin : faut-il créer à Marne-la-Vallée un établissement public ad hoc ?) et des craintes d’ordre culturel (la « bonne culture » française va-t-elle résister au rouleau compresseur de l’impérialisme américain ? Le génie français saura-t-il résister aux séductions du « roi dollar » ? Pourtant le président du conseil régional tient à cette affaire comme à la prunelle de ses yeux et il engage toute la région dans la bataille. Michel Giraud, à la tête de la Régioncapitale, défenseur déterminé de la Région devant la montée en puissance des « départementalistes », n’hésite pas à sortir de l’Hexagone. En 1985, il a créé l’association Metropolis, qui regroupe plus de vingt grandes métropoles mondiales. L’Île-de-France a conclu des accords de coopération concrète avec la capitale égyptienne pour l’organisation des trans- ports, avec Shanghaï pour l’urbanisme. En mai 1987, à Mexico, lors du congrès de Metropolis qui sera consacré au logement et à l’urbanisme, d’autres accords seront paraphés. Urbanisme, transports, cadre de vie, environnement : tels ont les axes forts de la politique de l’Île-de-France. Les Franciliens attendent avec impatience que le gouvernement donne son feu vert à l’autoroute A 14 La Défense-Orgeval, qui pourrait être la première grande opération d’autoroute urbaine à péage financée par des capitaux privés. LANGUEDOC-ROUSSILLON C’est l’homme fort du département de France le moins peuplé qui dirige la Région depuis mars 1986. Mais le maire de la plus grande ville, Montpellier – le socialiste Georges Frêche, connu pour son caractère difficile, mais aussi son dynamisme inépuisable et ses succès –, est son adversaire politique et son rival. Les passes d’armes Frêche-Blanc ponctuent régulièrement l’actualité du LanguedocRoussillon. D’autant que Perpignan et la Catalogne aiment bien que leur « autonomie » soit reconnue, que la Lozère, perchée sur ses montagnes ou blottie dans les gorges du Tarn, ne trouve pas très évidownloadModeText.vue.download 218 sur 502 POLITIQUE 217 dents ses liens avec les cités touristiques de Gruissan ou du Cap-d’Agde. Georges Frêche a mis le Languedoc en émoi lorsque, en juillet, il s’est écrié : « Montpellier et la Région n’ont plus rien à faire ensemble ! » Le conseil régional, où la gauche est minoritaire, venait de supprimer les crédits pour la société Languedoc-Roussillon Export et pour l’Opéra-palais des Congrès de Montpellier (50 millions de F). « Je montrerai que si Montpellier peut vivre sans la Région, la Région ne vivra pas sans Montpellier », a lancé Georges Frêche. Réplique de Jacques Blanc : « Je veux rééquilibrer la Région, Montpellier a beaucoup pioché dans les finances régionales. Elle doit être la capitale d’une Région, non d’un désert. » LIMOUSIN C’est l’une des « plus petites » Régions, en superficie, en population, en revenu par habitant, en ressources. Pourtant, elle ne s’avoue pas vaincue. La Région pratique une politique audacieuse dans le domaine de la recherche, en collaboration avec l’industrie. De nombreux organismes ont vu le jour ces dernières années, dans l’orbite de l’université et de ses laboratoires : École nationale de céramique industrielle, Institut de recherche en communication optique et micro-ondes, Fondation de l’eau, Institut bio-limousin, Institut de gestion des énergies. Un slogan est né : « Ne cherchez plus la route du futur, elle passe par le Limousin. » La Région se situe en effet au deuxième rang en France pour le budget consacré à la recherche. Pour faciliter la création et le développement des PME, une Société limousine de garantie a été créée en juillet 1986. Associant la quasi-totalité des établissements financiers de la Région et le conseil régional, avec un capital initial de 250 000 F, cette société garantira, à hauteur de 50 p. 100, des prêts à moyen et long terme dont bénéficient les PME de moins de 50 salariés. Le ministre de l’Équipement, M. Méhaignerie, a promis pour 1987 un effort exceptionnel de l’État afin de moderniser les routes dans la Région. LORRAINE Le 27 octobre 1986, devant ses collègues du conseil régional, M. Jean-Marie Rausch n’a pas mâché ses mots en dressant un constat de l’évolution économique récente : « Sur 9 800 emplois promis, 1 023 ont été créés et 3 200 sont downloadModeText.vue.download 219 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 218 définitivement abandonnés. » Et il a ajouté : « Je me dois de rappeler solennellement ici que la Lorraine ne saurait accepter que le gouvernement actuel revienne sur les engagements de celui qui l’a précédé, même si ce dernier n’en avait pas prévu la couverture financière. » Encore un chiffre qui montre l’ampleur du problème de la conversion industrielle : entre 1982 et 1987, la sidérurgie lorraine aura perdu 22 000 emplois, ce qui représente deux fois l’effectif de l’ensemble des grands chantiers navals français. Mais des réalisations concrètes ont pu être engagées ou menées à bien dans le cadre du contrat de plan État-Région : un ambitieux programme routier, la création d’un aéroport régional, l’institut national polytechnique de Lorraine, l’autoroute Nord-Sud Lorraine-Bourgogne. Le 5 novembre, une étape décisive a été franchie, toujours au chapitre industriel, dans la constitution du « pôle européen » de Longwy, création originale, voire unique en France et en Europe, puisque cette entité regroupe des communes françaises, belges et luxembourgeoises. Les entreprises qui viendront s’installer pourront bénéficier d’aides (nationales ou européennes) pouvant aller jusqu’à 30 p. 100 des investissements. Le projet de pôle européen est né officiellement en janvier 1986. Il prévoit en « parc industriel » de 400 hectares avec des aménagements douaniers spécifiques. Selon M. Jacques Chérèque, préfet délégué à l’industrialisation, 8 000 emplois pourraient y voir le jour d’ici à 1990, dont 5 500 pour la zone française. MIDI-PYRÉNÉES Un événement important a eu lieu le 16 juin 1986 à Agen. Les responsables d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées ont décidé de mettre l’avenir de leurs Régions en commun. Au moment où l’Espagne et le Portugal entrent dans la CEE, il était nécessaire de mettre un terme, officiel, aux séculaires rivalités entre Toulouse et Bordeaux. « Cette compétition est imbécile », a dit M. Chaban-Delmas. M. Baudis, à l’occasion de cette rencontre, a lancé deux projets : une participation de la Région Aquitaine pour engager un bateau multicoque baptisé Grand Sud dans l’America Cup en 1987 downloadModeText.vue.download 220 sur 502 POLITIQUE 219 à Melbourne. Le bateau fait appel à des techniques de pointe développées dans les Régions du Sud-Ouest. Le second projet consiste à dresser un inventaire des lieux de tournage cinématographiques. D’autres travaux en commun se dessinent : l’aménagement de la Garonne ou du Lot ; le développement touristique des Pyrénées. La rencontre d’Agen était si attrayante que Dominique Baudis a recommencé, le 15 juillet, avec le Languedoc-Roussillon. Une charte de coopération interrégionale a été signée avec cette Région. Les deux Régions ouvriront ensemble un bureau de liaison avec la Catalogne à Barcelone. NORD-PAS-DE-CALAIS Une conversion industrielle douloureuse, avec le déclin de la sidérurgie, des chantiers navals, des charbonnages. Une série de catastrophes pour l’emploi dans la vallée de la Sambre, autour de Maubeuge, où les dépôts de bilan succèdent aux redressements judiciaires ou aux liquidations. La bonne nouvelle a été la signature, début janvier, d’un accord entre M. Mitterrand et Mme Thatcher pour la construction du tunnel ferroviaire sous la Manche. Évidemment, dans cette gigantesque opération d’aménagement du territoire qui va changer la géopolitique de l’Europe, le Nord-Pas-de-Calais est aux premières loges. Il y aura deux tunnels de 7,3 mètres de diamètre à l’intérieur desquels circuleront des trains : soit des trains ordinaires ou des TGV, soit des navettes sur lesquelles prendront place les véhicules. La longueur du tunnel sera de 50 km environ et son coût de 53 milliards de francs, downloadModeText.vue.download 221 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 220 entièrement d’origine privée. Le groupement franco-britannique qui a été retenu prévoit un trafic de 29,7 millions de voyageurs et de 13,2 millions de tonnes de marchandises. Les principales sociétés françaises de travaux publics intéressées sont Bouygues, Dumez, la SAE, la SGE et SPIE-Batignolles. Un programme d’accompagnement pour les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie (2,7 milliards de francs pour les routes, compensations pour les ports de Dunkerque, Calais, Boulogne, Dieppe) avait été décidé par M. Fabius. Il a été confirmé par le gouvernement de M. Chirac. NORMANDIE BASSE!NORMANDIE Caen, port de la Région parisienne vers l’Angleterre ! Voilà le pari qu’à lancé la capitale de la Basse-Normandie. Début juin 1986, deux ministres, un ancien ministre, les présidents du conseil général du Calvados et du conseil régional ont inauguré avec éclat la liaison maritime Transmanche, destinée à transporter les passagers et le fret entre Caen-Ouistreham et Portsmouth. L’armateur est la compagnie Brittany Ferries, présidée par le (jadis) bouillant leader agricole breton Alexis Gourvennec. C’est une affaire dont on parlait depuis plus de dix ans, mais elle n’avait pu voir le jour tant les rivalités entre Caen et Cherbourg étaient grandes. Sur un investissement de 70 millions de francs pour construire la passerelle, c’est-à-dire l’embarcadère, et les infrastructures, l’État a apporté quinze millions, la Région sept et la chambre de commerce de Caen l’essentiel, à savoir 48 millions. 400 emplois ont été créés dont une quarantaine à la gare maritime. Les commerçants apprennent l’anglais, les hôteliers multiplient leurs capacités d’accueil, les restaurateurs impriment des menus bilingues et les transporteurs découvrent la conduite à gauche. HAUTE!NORMANDIE Lorsque, le 15 septembre 1986, M. Pierre Méhaignerie, ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, a donné son accord pour lancer les procédures relatives au « pont de Honfleur », la Haute-Normandie tout entière a applaudi à la bonne nouvelle. La chambre de commerce et d’industrie du Havre, qui sera concessionnaire downloadModeText.vue.download 222 sur 502 POLITIQUE 221 de l’ouvrage, a été chargée d’étudier les montages financiers, l’État ayant décidé de ne pas engager de crédits budgétaires dans l’opération. Le pont sera à péage et financé grâce aux excédents de recettes provenant des péages de Tancarville. La chambre de commerce doit mettre au point avec les collectivités locales concernées les modalités de garantie d’emprunts nécessaires. À vol d’oiseau, moins de 10 km séparent Honfleur, très proche de la région touristique de Deauville, et Le Havre, avec sa grande zone industrielle et portuaire. Malgré le pont de Tancarville, c’est un parcours routier de 50 km qu’il faut accomplir pour passer d’une rive à l’autre. Le nouvel ouvrage, qui évitera ce détour, mesurera 4 000 mètres. Il constituera un record mondial, puisque la travée centrale sera de 510 mètres. Son coût : 1 milliard de francs environ. Début des travaux : fin 1987 et mise en service : 1991-92. Ce pont relancera-t-il le sempiternel débat sur la fusion des deux Normandies ? PAYS DE LA LOIRE Olivier Guichard, président du conseil régional depuis douze ans, symbolise mieux que personne l’aménagement du territoire. Qui mieux que le fondateur de la DATAR en 1963 connaît les nécessités d’une répartition équilibrée des activités pour que les Régions naturellement servies par leur situation n’accaparent pas les fruits du développement ? Les Pays de la Loire ont une chance, leur estuaire. Au début de l’année a été inaugurée la « zone internationale atlantique ». But : attirer sur les rives de l’estuaire, là où existent des centaines d’hectares disponibles, des investissements industriels, des commerces, des négociants. Comment ? En obtenant du gouvernement l’octroi d’avantages douaniers, fiscaux et réglementaires. Des contacts ont été pris avec des investisseurs arabes (koweïtiens notamment), qui seraient prêts à s’engager dans des programmes « d’immobilier d’entreprises ». Le port autonome, en tout cas, se porte plutôt bien : alors que l’ensemble du trafic des ports a stagné en 1985, celui de Nantes-Saint-Nazaire s’est accru de 10 p. 100. La fin de 1986 devait être marquée par un événement marquant : l’achèvement de l’hôtel de la Région à Nantes, oeuvre des architectes Durand-Ménard-Thibaud, qui aura coûté 150 millions. downloadModeText.vue.download 223 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 222 PICARDIE Début janvier, Charles Baur, président du conseil régional, supprime le système des subventions aux entreprises et les remplace par des prêts. Et il réinvente une politique économique par le biais de l’Agence régionale de développement (ARD), fer de lance de ce que doit être la nouvelle politique de reconquête industrielle. Cible n° 1 : les PME. Le conseil régional veut « répondre aux besoins de l’entreprise à tous les stades de sa vie, sauf s’il est trop tard ». À sa création, il lui propose un prêt participatif. Ensuite, au cours des différentes phases de développement, il prête pour les investissements qui peuvent être de natures très diverses : achat de machines, prospection à l’exportation, conseil, audit. C’est sur ce dernier point, original, qu’il convient de s’arrêter. Le 9 octobre, un « accord-cadre de Région », le premier du genre, a été signé entre le commissaire de la République, le président du conseil régional et les dirigeants de la banque Scalbert Dupont, dont les racines historiques sont picardes, pour le financement des travaux de conseil et d’études, dits « investissements immatériels », engagés par les industries régionales. Par cet accord sont couplés deux modes de financement : les subventions du Fonds régional d’aide au conseil (FRAC), ali- menté par l’État et la Région, et le prêt dit Softmatic, dégagé par la banque Scalbert avec le concours de la Sofaris (Société pour l’assurance du capital risque). POITOU-CHARENTES downloadModeText.vue.download 224 sur 502 POLITIQUE 223 Un pont ? Pas de pont ? C’est autour de cette question qu’a oscillé, sinon l’actualité de toute la Région PoitouCharentes en 1986, du moins celle du département de Charente-Maritime. Allait-il être décidé, ce pont entre La Pallice et l’île de Ré que les touristes, les Rochelais et les insulaires appellent de leurs voeux lorsque les files de voitures s’allongent en attendant des bacs poussifs ? Soulagement pour les uns irritation pour d’autres (des maires de l’île et des propriétaires de résidences secondaires qui redoutent un envahissement), la question a été tranchée le 19 septembre, lorsque le préfet de Charente-Maritime a été autorisé à signer la déclaration d’utilité publique de l’ouvrage. Ce dernier mesurera 2,9 km et devrait être achevé en vingt mois. Le conseil général a confié les travaux à Bouygues. Le devis s’établit à 460 millions de francs. Le ministre de l’Environnement, M. Carignon, a demandé au commandant Cousteau un rapport sur les solutions de nature à préserver l’équilibre écologique de l’île. En fait, il n’y aura pas de rapport Cousteau, du moins officiellement. Les pouvoirs publics ayant donné le feu vert avant qu’il ait mis le point final à son étude, le commandant a déchiré son texte, le 30 octobre, devant les caméras de la télévision. Il n’en continue pas moins le combat... PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR Avec La Ciotat (Bouches-du-Rhône) et La Seyne-sur-Mer (Var), la Région a été au coeur du feuilleton de la société de construction navale NORMED : dépôt de bilan en juin, négociations dif- ficiles pour élaborer un plan social (en vertu duquel les ouvriers qui le veulent peuvent quitter l’entreprise avec une somme de 200 000 francs au moins), manifestations parfois violentes, mise en place par le gouvernement des « zones d’entreprises », à La Seyne et à La Ciotat, où les entreprises qui viendront créer des emplois pourront obtenir une exonération totale d’impôts sur les bénéfices pendant dix ans. Les responsables de la Région ont été surtout sensibles aux projets de reprise, partielle, des installations. Ainsi, M. Jacques Margnat, vice-président de l’Union patronale des Bouches-duRhône et président de la commission des finances au conseil régional, s’est downloadModeText.vue.download 225 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 224 déclaré prêt à récupérer les installations de La Ciotat avec 1 500 personnes et à poursuivre la construction des navires comme par le passé. Un industriel marseillais, M. Maurice Génoyer, propose de prendre en charge le chantier de La Seyne qu’il destinerait à la production de navires militaires et dont il diversifierait les activités (mécanique, tuyauterie, hydraulique). RHÔNE-ALPES C’est la seconde Région de France en population, après la Région parisienne, mais la troisième pour le budget. Grâce à la Savoie et à Albertville, qui vont organiser les jeux Olympiques d’hiver de 1992, c’est l’ensemble de l’économie rhône-alpine qui, dans les cinq ans, va recevoir un coup de fouet. L’ancien palais de justice d’Albertville accueillera le comité d’organisation des jeux. Une halle de 9 000 places sera le lieu de rencontre des sports de glace. Val-d’Isère organisera le super géant hommes et Tignes, le slalom. Les descendeurs s’élanceront aux Menuires ; le spécial dames sera disputé à Méribel. Il va falloir moderniser le réseau de transports. L’autoroute arrivera à Albertville. Pour 54 km supplémentaires, la société concessionnaire dépensera 840 millions de francs. Quant à la SNCF, elle poussera le TGV au coeur de la vallée. En 1989, elle proposera 50 p. 100 de places supplémentaires, soit 70 000 aux jours de pointe, quand le TGV ira de Paris à Bourg-Saint-Maurice en 4 heures 30. Entre-temps, il aura fallu moderniser et automatiser la ligne unique, pour 230 millions de francs, financés par la SNCF, les collectivités locales et les usagers, invités à payer une surtaxe. FRANÇOIS GROSRICHARD downloadModeText.vue.download 226 sur 502 POLITIQUE 225 Cohabitation : deux sur la balançoire Il est des années différentes. 1986 est de celles-là. Car, pour la première fois, sous la Ve République, une pratique nouvelle apparaît : elle s’appelle cohabitation. Et, de Mitterrand à Chirac, de Barre à Rocard, toute la classe politique vit autrement. « Car ce n’est pas régner qu’être deux à régner, Celui qui s’y résout est mauvais politique. » Sans doute Corneille n’imagine-til guère, lorsqu’il écrit la Mort de Pompée, que ses deux vers résumeront, quelque trois cents ans plus tard, l’année politique de l’an 1986. La maxime pourtant n’est pas universelle : parfois la volonté se brise sur les circonstances et, quel que soit le voeu de l’un et de l’autre, la couronne ne peut se porter qu’à deux. Et, en cette fin du XXe siècle, les murs ont beau afficher des slogans plus publicitaires que politiques – « Au secours, la droite revient » pour les uns, « Vivement demain » pour les autres –, les plus avertis remarquent qu’au fond ces affiches disent la même chose et rejoignent l’opinion de la classe politique. Elle, si elle donne raison en secret à Corneille, n’ignore pas qu’elle va être contrainte d’accepter bientôt une situation toute nouvelle. D’ailleurs, elle s’y est préparée ; elle sait depuis plusieurs mois, bien avant les élections législatives, que l’hypothèse si souvent imaginée va devenir réalité : un président de la République d’un bord et une majorité de l’autre. Elle en est si consciente qu’elle a, sinon inventé, du moins popularisé un mot pour traduire ce cas étrange : la cohabitation. Rarement, en aussi peu de temps, une expression aura connu un aussi grand succès, au point de susciter la nausée tant elle est répétée dans les discours, les journaux, les radios, les télévisions. Sa petite soeur – la « coexistence » –, utilisée par ceux qui entendent marquer, jusque dans le langage, la différence entre les deux camps, ne parviendra jamais, elle, à s’imposer. Un manteau d’Arlequin Les élections de mars sont pourtant une surprise : ce pays, vieux bloc républicain et qui use de son bulletin de vote avec la downloadModeText.vue.download 227 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 226 finesse d’un politologue, a plus d’un tour dans son sac. Il transforme sans doute l’opposition en majorité, mais il ne lui accorde la victoire que par quelques sièges – trois de plus exactement que la majorité absolue. En envoyant au Palais-Bourbon trente-cinq communistes, deux cent seize socialistes, cent quarante-huit RPR, cent vingt-neuf UDF, quatorze « divers droite » et trente-cinq Front national, il complique sérieusement la tâche des gouvernants. Sans doute a-t-il été largement aidé par le mode de scrutin voulu par le chef de l’État : la proportionnelle qui a remplacé, le temps d’un vote, le mode majoritaire, compagnon traditionnel de la Ve République, limite la victoire de la droite, l’affaiblit en favorisant l’apparition de l’extrême droite et consacre le parti socialiste comme premier parti de l’opposition au détriment des communistes. Soudain, la France n’est plus, comme à l’ordinaire, divisée en deux camps irréductibles mais se vêt d’un manteau d’Arlequin dont elle avait perdu l’habitude. Et dans le match de la cohabitation, qui commence dès que tombent les derniers résultats, François Mitterrand marque un premier point. « Vous avez élu, dimanche, déclare-t-il le lendemain, une majorité nouvelle de députés à l’Assemblée nationale. » Comme pour enfoncer le clou, il ajoute : « Cette majorité est faible numériquement mais elle existe. » Législation Depuis les élections de mars 1986 et la mise en place du nouveau gouvernement, l’activité législative s’est bien évidemment concentrée sur la mise en oeuvre des engagements pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 9 avril 1986. Si l’on excepte les textes fiscaux (voir Budget), ceux relatifs à la communication et les mesures prises en faveur de la famille (loi du 29 décembre, constituant le volet social d’une politique d’aide déjà développée en matière fiscale), la majorité des lois adoptées l’ont été dans les domaines suivants : sécurité des Français, relance économique et sociale, mode de scrutin. Relance économique et sociale Une loi du 2 juillet autorise le gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures sociales et économiques : aménagement du droit de la concurrence ; mesures relatives à l’emploi, favorisant le travail des jeunes ; amélioration des régimes de travail temporaire, des contrats de travail à durée déterminée et assouplissement des règles relatives à l’aménagement du temps de travail ; intéressement des salariés aux résultats des entreprises et accès du personnel aux conseils d’administration ou de surveillance, privatisations à réaliser dans un délai de cinq ans (ce transfert d’entreprises du secteur public au secteur privé concerne les banques, les compagnies d’assurance nationalisées après la guerre, Havas, ElfAquitaine et les entreprises nationalisées en 1982). Ont été prises en application de cette loi les ordonnances du 16 juillet sur l’emploi des jeunes de 16 à 25 ans (modifiée par ordonnance du 20 décembre), du 11 août sur les contrats à durée déterminée, le travail temporaire et le travail à temps partiel, du 15 octobre sur les avantages consentis aux entreprises dans certaines zones, du 21 octobre sur l’intéressement des salariés aux résultats des entreprises et l’ouverture de leurs conseils au personnel, du 1er décembre relative à la liberté des prix et de downloadModeText.vue.download 228 sur 502 POLITIQUE 227 la concurrence, du 20 décembre relatives au placement des demandeurs d’emploi. Le président de la République ayant refusé, le 14 juillet, de signer l’ordonnance sur la privatisation, c’est par la voie législative (loi du 6 août) que celle-ci a été organisée. Une loi du 3 juillet relative à l’autorisation administrative de licenciement libère les entreprises d’un certain nombre de contraintes. Elle s’accompagne d’une loi du 30 décembre relative aux procédures de licenciement, et d’une loi de même date portant réforme du conseil de prud’hommes. C’est aussi en vue de favoriser l’embauche que la loi de finances rectificative pour 1986 (loi du 11 juillet) prend des mesures pour limiter les coûts supplémentaires entraînés par les dépassements d’effectifs. Dans le cadre du plan logement, une loi du 23 décembre favorise l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et l’extension de l’offre foncière. Sécurité Cinq lois ont pour but de renforcer l’efficacité de la justice pénale à tous les stades du processus judiciaire. Ce sont : la loi du 3 septembre relative aux contrôles et vérifications d’identité et les trois lois du 9 septembre relatives à la lutte contre la criminalité et la délinquance, à la lutte contre le terrorisme (modifiée par une loi du 30 décembre), ainsi qu’à l’application des peines. Une autre loi du 9 septembre modifie les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France en vue de prévenir le renouvellement de certains abus. Élections Une loi du 11 juillet relative à l’élection des députés rétablit le scrutin uninominal majoritaire à deux tours et autorise le gouvernement à délimiter les circonscriptions électorales par voie d’ordonnance. Ce moyen n’ayant pas pu être utilisé, c’est une loi du 24 novembre qui dresse le tableau des circonscriptions. MICHELINE VAN CAMELBEKE Il n’en faut pas plus pour que certains annoncent déjà le retour aux Républiques passées et redoutent, leur crainte mêlée d’un délicieux frisson de plaisir, des poisons anciens. Quelques images du début du mariage forcé qui lie désormais le président de la République, François Mitterrand, et le nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, semblent leur donner raison. Il est finalement rare, sous la Ve République, que le choix du Premier ministre soit l’occasion de discussions, privées mais vite publiques, dans les partis ; que le chef de l’État oppose un veto, lui aussi connu par tous, à deux personnalités choisies par le chef du gouvernement et que celui-ci consulte, dans son hôtel de ville, au vu et au su de tout un chacun. Paris avait oublié le défilé des voitures noires ou grises des « pressentis » : il le retrouve, étonné. Le guetteur et le bretteur Les plaies pansées (Jacques Chaban Delmas, par exemple, que beaucoup voyaient à Matignon, renoue avec la présidence de l’Assemblée nationale, Valéry Giscard d’Estaing n’ayant su se décider à temps), les hiérarchies établies, le gouvernement constitué, ces scènes-là appartiennent vite au passé. Car la pièce principale se joue entre deux hommes et deux hommes seulement : François Mitterrand downloadModeText.vue.download 229 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 228 le guetteur et Jacques Chirac le bretteur. Lorsque les deux hommes se retrouvent face à face dans le salon Murat, au palais de l’Élysée, pour leur premier Conseil des ministres, un conseil à l’atmosphère froide, pesante, protocolaire, personne ne s’y trompe : la cohabitation sera armée. Et comme pour illustrer – si on ose dire – le glacis, un symbole, ce jour-là, disparaît : la traditionnelle photographie du gouvernement entourant le chef de l’État sur le perron de l’Élysée ne sera pas prise. Budget La disparition de l’écart d’inflation avec nos principaux partenaires, l’amélioration de notre taux de croissance grâce aux exportations et investissements et la réduction simultanée du déficit et des impôts sont les principaux objectifs du budget 1987. La réduction des impôts Le programme du gouvernement vise à réduire de 50 milliards de francs en deux ans les impôts des Français (en 1987, près de 27 milliards de francs, soit une diminution de plus de 3 p. 100). Des mesures particulières abaisseront la charge des familles modestes. Le taux maximum d’imposition passe de 65 à 58 p. 100. La réduction des impôts sur les entreprises (11 milliards de francs) est obtenue par des allégements généraux (baisse de l’impôt sur les sociétés à 45 p. 100) se substituant aux mesures sectorielles (aides à l’investissement), par une réforme de la taxe professionnelle et par une fiscalité au service de la croissance économique et de l’emploi (taxe sur les frais généraux ramenée de 30 à 20 p. 100). La réduction du déficit Il passe de 145,3 à 128,6 milliards de francs, diminution de la part des dépenses publiques dans le PIB (de 21,2 à 20,6 p. 100) ; suppression de 26 000 emplois publics ; réduction de 24 p. 100 des aides directes à l’industrie. Le total des dépenses s’élève à 1 030 milliards de francs. Les secteurs prioritaires : – la défense : le budget militaire (+ 6,9 p. 100) bénéficie de près de 11 milliards de mesures nouvelles ; – l’emploi : les crédits consacrés à la formation professionnelle progressent de 29,2 p. 100 (22,3 milliards) ; – la sécurité : sur le budget de l’Intérieur, près d’un milliard de francs de plus qu’en 1986 (+ 6,5 p. 100) ; – les départements et territoires d’outremer : le budget du ministère augmentera du quart par rapport à 1986 (1 718 millions de francs). PASCALE CHELIN Il faudrait être Saint-Simon pour répertorier, cataloguer, disséquer tous les manquements à la cohabitation, les accrocs qui remaillent et les blessures qu’elle sécrète. Pour les politiciens comme pour les autres hommes, la mémoire a ceci de réconfortant qu’elle peut être sélective : elle sait oublier les crispations et négliger les agacements. Mais le tamis ne peut filtrer les graves affrontements. Il y en a. Et ils adviennent rapidement. Dès le second Conseil des ministres, François Mitterrand fait savoir qu’il ne signera pas l’ordonnance supprimant l’autorisation administrative de licenciement – et voilà Jacques Chirac contraint, c’est la première fois mais pas la dernière, de downloadModeText.vue.download 230 sur 502 POLITIQUE 229 transformer son ordonnance en projet de loi et de passer devant le Parlement. Dès lors, aussi, le pli est pris et l’opinion s’habitue, en quelque sorte, à apprendre que le président a manifesté ses réserves. En avril, successivement, il fait savoir qu’une dévaluation ne lui paraît guère opportune, qu’il est hostile à des ordonnances portant sur la privatisation d’entreprises nationalisées avant 1981. En mai, il s’oppose à plusieurs remplacements dans des postes nommés en Conseil des ministres, d’hommes jugés à gauche, il s’inquiète des projets du gouvernement concernant la Nouvelle Calédonie, il marque son désaccord avec son Premier ministre sur l’Initiative de défense stratégique. Étonnantes au début, ces salves du président contre les projets gouvernementaux apparaissent vite à l’opinion presque comme de la routine. Les Français s’habituent à ce que leur président et leur Premier ministre adoptent sur de nombreux sujets des positions opposées. Personne, au fond, ne s’étonne que François Mitterrand refuse les privatisations, s’inquiète du nouveau découpage électoral, manifeste sa prééminence en ce qui concerne la défense, s’insurge des dispositions du nouveau code de la nationalité, prenne ses distances quant à la réforme des prisons et, sur tous les sujets d’actualité ou presque, fasse entendre sa différence. De temps en temps, dans cette situation somme toute exceptionnelle mais qui, peu à peu, sombre dans la monotonie, quelques « exercices de cohabitation » font hausser les sourcils des Français. D’amusement, lorsqu’ils constatent la course de vitesse entre leurs champions – comme au sommet des pays industrialisés, à Tokyo, où François Mitterrand et Jacques Chirac « se marquent », soucieux l’un de l’autre, de ne pas laisser au rival un trop grand prestige. Ou d’inquiétude, quand la crise paraît plus sévère. Comme le 14 juillet. Ce jour-là François Mitterrand annonce à la télévision qu’il ne signera pas l’ordonnance sur la privatisation. Dans la soirée, Jacques Chirac lui téléphone et leur dialogue, tel que le rapportent Jean-Marie Colombani et Jean-Yves Lhomeau dans leur livre le Mariage blanc (Grasset, 1986), traduit les limites de la cohabitation. « Monsieur le Président, dit Jacques Chirac, la majorité de mes amis souhaite la crise... Et je dois vous dire que moi-même, si je laissais aller mon tempérament... – Une crise ? De quelle crise parlez-vous ? Songent-ils à une crise gouvernementale ? – Je ne plaisante pas, Monsieur le Président. La plupart d’entre eux veulent une élection présidentielle anticipée. – Ah bon ! En seraient-ils maîtres ? Mais vous avez raison. Il y aura bien une élection présidentielle. En 1988. – C’est plus grave que vous ne le pensez, Monsieur le Président. Mais l’intérêt du pays... – Ah, vous avez dit « mais ». Donc il n’y a pas crise. Parlons d’autre chose, si vous le voulez bien. – Par tempérament, je souhaiterais la crise. Par raison, je pense qu’il faut l’éviter. Voulez-vous mettre fin à la cohabitation ? – Je ne souhaite pas la crise mais je suis prêt à assumer les conséquences de ma décision. Je vous avais prévenu et vous n’avez pas voulu m’entendre. Je vous l’ai déjà dit. Je n’attends rien, je ne demande rien. Je n’attends pas de récompense. downloadModeText.vue.download 231 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 230 L’opinion ne m’intéresse pas. Je n’aspire qu’à bien finir mon septennat. Vous le savez, l’élection présidentielle était inscrite dans les faits dès le 16 mars. Il est déjà miraculeux que notre cohabitation se soit déroulée sans heurt pendant quatre mois. Conjuguons nos efforts pour que ce miracle se poursuive. » Le mariage de raison Le « miracle » se poursuivra. D’autant que François Mitterrand et Jacques Chirac vont être, paradoxalement, unis par le sang. Celui que laissent derrière eux les terroristes, extérieurs et intérieurs, qui lancent un défi à la France en faisant éclater leurs bombes. Car le sang coule et la mort frappe aussi bien dans une galerie commerciale des Champs-Élysées (le soir-même où Jacques Chirac devient Premier ministre), qu’au Pub Renault, à la Brigade de répression du banditisme qu’à l’hôtel de ville, rue de Rennes comme à la Défense. Et la mort touche autant des anonymes que des personnalités comme le PDG de Renault, assassiné un soir de novembre. Si le terrorisme espérait élargir la fracture qui, bien logiquement, existe au sommet de l’État, cet objectif au moins échoue. Au contraire, il soude la classe politique, il renforce la cohabitation, il unit le couple plus profondément sans doute qu’aucun autre élément. Et si l’union sacrée n’est pas officiellement proclamée, la situation en a pourtant le parfum. « Chacun voit bien, assure Jacques Chirac, qu’actuellement il y a recrudescence de cette lèpre qu’est le terrorisme et que nous devons, sans merci, engager contre lui une véritable guerre » ; « Nous devons, jure François Mitterrand, tous témoigner de la résolution du pays de combattre sans merci le terrorisme qui menace tant de vies et nos libertés. » Contre le terrorisme, le langage, au sommet de l’État, est le même, les responsabilités sont nettement délimitées et personne ne songe à briser le consensus qui s’est établi. D’ailleurs voudrait-on se défaire de la tunique de l’unité que sans doute on ne le pourrait pas : les Français simplement ne l’accepteraient pas. D’autant qu’ils sont de farouches partisans de la cohabitation. Alors que la classe politique boude volontiers ce nouveau visage de la Ve République, eux, dès le début, l’approuvent, s’en satisfont et le font savoir. Pas un sondage qui ne marque cet attachement, pas une enquête qui ne prouve cette inclination. La formule « le gouvernement gouverne, le président préside » les satisfait. Au point qu’ils accordent un record de popularité au chef de l’État : 61 % d’opinions favorables au sondage IFOP-Journal du Dimanche de novembre, un score que n’avait pas atteint un président de la République depuis 1973. Sans doute – d’autres études le démontrent – ce ravissement n’est-il pas pour autant de la béatitude : les notions de droite et de gauche existent toujours et les passions ne sont point endormies. Mais on s’accommode aisément de la cohabitation, mieux, on la plébiscite. Ce sentiment tranché des Français pèse évidemment sur les acteurs. Chacun a en mémoire l’analyse d’un homme qui, seul ministre d’État dans le gouvernement Chirac, responsable de l’Économie et des Finances, apparaît comme la révélation politique de 86 : Édouard Balladur. Lui assure que la cohabitation est downloadModeText.vue.download 232 sur 502 POLITIQUE 231 le contraire du western : le premier qui tire est mort. Peu importe au fond qu’il ait tort ou raison : la classe politique dans son ensemble est assurée de la justesse du raisonnement. D’où la guerre de position caractéristique de la cohabitation. Personne ne l’ignore, cette guerre-là vise à user l’adversaire, à saper sa confiance et le « faire-savoir » y est finalement plus important que le « faire » proprement dit. Les offensives doivent être calculées au plus juste et ne donnent pas lieu à ces larges batailles que d’autres moments exigent. Chacun joue le rôle pour lequel, au moins temporai- rement, il est fait et, comme parfois au théâtre, on y développe moins un personnage qu’on y occupe un emploi. Alors Jacques Chirac gouverne, gère, décide, contraint quotidiennement à trancher, vrai maître de l’exécutif soucieux d’appliquer son programme. François Mitterrand, lui, doit guetter la faute, affirmer son dessein sans pour autant apparaître transgresser les règles, manifester sa différence sans pour autant marquer sa singularité. Politique économique M. Balladur, ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation, rompt avec le passé et instaure le libéralisme économique. Il s’agit, par le désengagement de l’État, de revenir à l’économie de marché. L’objectif prioritaire est la réduction du chômage, qui passe par la reprise des investissements et donc de la croissance, sans dérapage inflationniste. Pour investir, les entreprises doivent retrouver leur liberté d’action, qui renforcera à terme leur compétitivité, indispensable à l’amélioration du commerce extérieur. Le « redressement économique et social » sera obtenu en combinant liberté et rigueur. À cette fin, outre une dévaluation du franc le 6 avril 1986, trois moyens sont essentiellement utilisés. – La privatisation de 65 entreprises nationalisées dans l’industrie, la banque et l’assurance sera réalisée. Par une OPV, l’État a ramené sa part à 51 p. 100 du capital d’Elf Aquitaine et a dénationalisé Saint-Gobain. – La déréglementation est immédiatement amorcée : d’abord par la levée du contrôle des changes et la libération des prix, qui sera totale après la mise en place d’un nouveau droit de la concurrence ; ensuite par la suppression de l’autorisation administrative de licenciement et la mise en oeuvre de la flexibilité ; enfin, la dérégulation doit s’étendre dans de nombreux secteurs. – L’assainissement budgétaire sera réalisé progressivement. Dès 1986, un collectif budgétaire comprend une série d’économies en dépit du coût d’un plan emploijeunes. Dans le budget 1987, les dépenses publiques augmenteront moins vite que les prix. Il sera ainsi possible d’obtenir à la fois un allégement des impôts des entreprises comme des ménages, compensé par la hausse des cotisations sociales, et un déficit légèrement réduit. DOMINIQUE COLSON Bref, la cohabitation est une joute cruelle, d’esprit terriblement latin tant elle suppose de complexité dans la tactique et de simplicité dans la stratégie. Elle se manifeste davantage par l’éclair, un moment entrevu, des poignards que par le tir systématique des batteries. Qu’elle s’appelle paix armée ou guerre froide, elle traduit en fait une même réalité axée sur des défis soigneusement dosés et sur des tensions précautionneusement décrispées. Elle constitue surtout une réalité noudownloadModeText.vue.download 233 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 232 velle dans la Ve République et une nouvelle phase pour celle-ci. La situation est même si originale que, dans leur majorité, les spécialistes de la chose politique, politiciens, politologues, journalistes, ne parviennent pas à croire, au fond d’euxmêmes, qu’une telle coexistence puisse durer et pronostiquent régulièrement la mise à mort de cet état de grâce si particulier. D’où, tout au long de l’année, sous de prestigieuses signatures, l’annonce que la cohabitation n’est pas ce qu’elle prétend être et qu’il s’agit davantage d’un trompel’oeil que d’une véritable harmonie. Et les deux premiers livres qui lui sont consacrés au cours de l’année ne cachent guère, dès leur titre, leur scepticisme : le Mariage blanc, assurent Jean-Marie Colombani et Jean-Yves Lhomeau, (Grasset, 1986), la Comédie de la cohabitation, estime Thierry Pfister (Albin Michel, 1986). Un rééquilibrage des pouvoirs Pourtant, ce système-là traduit, à trois niveaux au moins, un changement dans la pratique de la Ve République. D’abord il illustre un rééquilibrage des pouvoirs entre le président de la République et le Premier ministre. Traditionnellement, le premier est prédominant et, au fil des années, le rôle du second a été peu à peu gommé : essentiel sous le général de Gaulle qui se contentait d’incarner les grandes orientations et de cultiver son jardin secret, le « domaine réservé », le chef du gouvernement n’est plus ensuite qu’important, avant d’exécuter simplement les décisions de l’Élysée. Au fur et à mesure que la Ve République avance, son autonomie diminue et « le château », le surnom de l’Élysée, tend à intervenir dans les moindres décisions du gouvernement. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Au contraire, le Premier ministre gouverne puissamment, incarne le pouvoir exécutif et retrouve le rôle que lui avait défini la Constitution. Les rapports se sont normalisés. Ils sont fondés sur le principe de « toute la Constitution de 1958, rien que la Constitution de 1958 », François Mitterrand et Jacques Chirac estimant que ce principe-là est le mieux à même de sauvegarder leurs intérêts. Le premier y trouve avantage puisqu’il lui permet de ne pas cautionner une politique qu’il désapprouve ; le second l’approuve d’autant plus qu’il l’autorise à appliquer son programme, à gouverner et à renforcer ses positions. Ce rééquilibrage des pouvoirs s’est traduit également par un renforcement de la puissance des « juges ». La cohabitation a eu, en effet, pour conséquence d’accentuer la présence de la technostructure que sont le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Ces instances sont désormais des acteurs à part entière dont les décisions ont une importance d’autant plus grande qu’elles symbolisent la victoire ou la défaite momentanée des uns et des autres. En ce sens, 1986 est aussi la concrétisation quotidienne de ce pouvoir-là. Cette voie nouvelle de la Ve République n’en devient pas pour autant, à proprement dire, parlementaire. Si le pouvoir a changé de rive, au point que Matignon apparaît comme une présidence bis, il est resté à l’exécutif. Le pari de Jacques Chirac – plus une majorité est courte, plus elle est solide – n’est toutefois pas totalement gagné. Sans doute, aucune voix ne lui manque lors des votes importants, downloadModeText.vue.download 234 sur 502 POLITIQUE 233 aucune dissonance n’apparaît réellement sur les projets essentiels, mais de temps à autre, la majorité grogne ouvertement. Il en est ainsi dès le mois d’avril, par la « faute » d’un raid américain sur la Libye et d’un bombardement de Tripoli et de Benghazi. La France – et donc le Premier ministre – a refusé que son territoire soit survolé. La décision de Paris, si elle fait du bruit à Washington, crée le vacarme dans la majorité, surtout à l’UDF, qui n’apprécie pas que l’allié traditionnel soit ainsi rejeté. Giscard d’Estaing ne mâche d’ailleurs pas ses mots et il sermonne son ancien Premier ministre : « Dans les périodes de crise déclenchées par des actes de terrorisme international, dit-il, l’Occident doit donner avant tout la preuve de sa solidarité ». Ce ne sera pas, durant ces années étonnantes, le seul couac qu’on entendra du côté de la majorité. Une autre affaire, en octobre, va également provoquer quelques déchirements. En principe, tout aurait dû être simple et la succession de Jean Lecanuet à la présidence de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale une formalité. Mais les règlements de compte internes aboutissent à une colossale surprise : voilà que se trouve élu, à la place du centriste Bernard Stasi, le socialiste Roland Dumas. Personne ne s’y trompe : cette déviation-là est un coup de semonce et signifie, pour le moins, que la majorité est moins soudée qu’on pourrait le croire. Vie sociale Le changement de gouvernement n’a pas provoqué de déréglementation « sauvage ». La nomination au ministère des Affaires sociales de Philippe Séguin, un libéral modéré, soucieux de préserver le climat social, a rassuré les syndicats. Apaisés par le maintien de prérogatives et dispositifs essentiels (comme la représentativité des syndicats nationaux, les 39 heures et la retraite à 60 ans), les syndicats réformistes ont accepté l’idée d’une réadaptation négociée des acquis sociaux, la CGT s’isolant dans son refus. Opposés à la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, principale demande patronale inscrite dans le programme de l’UDF et du RPR, mais mis devant le fait accompli, ils ont accepté d’en négocier les mesures d’accompagnement. C’est le 21 octobre que le CNPF, la CFDT, la CFTC et FO sont parvenus à un accord prévoyant notamment l’adoption et l’extension aux PME des congés de conversion et la consultation du comité d’entreprise, contre la réduction des délais de licenciement. Si cet accord a été transformé en loi au mois de décembre, c’est par une procédure détournée que les mesures d’aménagement du temps de travail ont pu être adoptées, perturbant ainsi le compromis fragile entre le gouvernement et les syndicats. Cette année s’est enfin terminée par la grève des cheminots, la plus dure depuis 1968. Largement dépassés par la base qui s’est donné ses propres modes d’expression, les syndicats ont suivi ce mouvement social de nouvelle nature sans pouvoir le contrôler. L’élection d’un homme nouveau, François Périzot, à la tête du CNPF, a mis un terme au conflit interne entre Yvon Gattaz et Yvon Chotard, qui démissionna en mars des postes qu’il occupait pour poser sa candidature à la présidence. Au-delà des rivalités personnelles, deux conceptions du CNPF se sont affrontées : le « parti de l’entreprise » cher à Yvon Gattaz ne pouvait suffire aux yeux d’Yvon Chotard pour faire du patronat un authentique acteur politique. SIMON PARLIER downloadModeText.vue.download 235 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 234 La galerie des prétendants Car si deux hommes, les deux premiers au sommet de l’État, dominent la cohabitation, ce ne sont pas les seuls acteurs. Moins exposés, en apparence plus tranquilles mais tout aussi affûtés, les autres – tous ceux qui espèrent jouer un rôle dans la prochaine élection présidentielle – observent, tapis dans l’ombre, le théâtre de lumière. Raymond Barre est de ceux-là. Lui, la cohabitation, il l’a toujours désapprouvée, estimant que la Ve République y perd son âme et que ce régime-là est plus néfaste que bénéfique au pays. Le résultat des élections et le sentiment des Français lui ont donné tort et il sait qu’il ne peut, pour le moment, proférer ouvertement les critiques qu’il confie en privé. Rien, donc, ne transpire de ses pensées et l’ancien Premier ministre, devenu simple député du Rhône, choisit en grande partie le silence. Cela n’empêche pas ses réseaux de se développer, ses partisans – au Palais-Bourbon ou ailleurs – d’exprimer bien souvent sa pensée et sa cote de popularité d’être au plus haut. Raymond Barre, dans ces mois de cohabitation, engrange, attendant son heure, que ses partisans estiment devoir inéluctablement sonner. Nul ne s’y trompe, il faudra compter, le moment venu, avec cet homme qui – il ne s’en cache pas – sera présent à l’élection présidentielle. Un autre caracole aussi dans les sondages. Il s’appelle François Léotard et, lui, doit vivre une situation quelque peu différente. Sans doute, au lendemain de mars, est-il l’un des vainqueurs des élections. Son parti est bien représenté au gouvernement – au point de constituer la « bande à Léo » –, il est un ministre important et il a scellé avec Jacques Chirac un pacte. Les sondages lui sont toujours aussi favorables, même si la classe politique murmure. Car elle s’interroge sur ce jeune homme et se demande s’il est aussi bon ministre de la Culture qu’homme politique. Alors, dans les salons et dans les dîners en ville on se gausse volontiers du jeune prétendant plus fragile, dit-on, qu’il ne paraît, plus soucieux, dit-on encore, de sa présence dans les médias que de sa réelle crédibilité. François Léotard n’attache guère d’importance à ces bruits. Il estime, lui, qu’il ne peut être négligé sur l’échiquier politique et que son avenir, à la différence de bien d’autres, est vraiment devant lui. Dans cette galerie de portraits qui anime le paysage, il faudrait encore citer Jean-Marie Le Pen. Fort d’un groupe parlementaire, le leader du Front national a lui aussi fait son choix : il sera présent en 1988 dans l’élection présidentielle. Et s’il doit se désister au second tour, ses préférences pencheront davantage vers Raymond Barre que vers Jacques Chirac. Car il n’apprécie guère que le Premier ministre veuille lui tailler des croupières. Aussi n’a-t-il pas hésité à mêler parfois ses voix avec la gauche pour censurer le gouvernement et à protester haut et fort contre la loi – l’abandon de la proportionnelle et le retour au scrutin majoritaire qui le condamne et ne lui permettra plus d’être présent en tant que groupe parlementaire. « Ave Caesar, morituri te salutant. » C’est avec ces mots, reprenant l’habituel salut des gladiateurs promis à la mort, qu’il a, par exemple, accueilli le Premier ministre lorsqu’il s’est agi de discuter de la modification du scrutin. La phrase était significative et Jacques downloadModeText.vue.download 236 sur 502 POLITIQUE 235 Chirac ne pouvait ignorer l’avertissement : désormais, Jean-Marie Le Pen userait de son influence pour contrecarrer celui qui, pense-t-il, peut l’éliminer de la scène politique. Il faudrait encore, pour que le tableau soit complet, citer deux hommes qui restent présents, qui ont leurs partisans. Le premier, Valéry Giscard d’Estaing, a déjà connu la magistrature suprême et rien ne dit qu’il brûle du désir d’y revenir. Mais rien ne dit non plus le contraire et Giscard, en ces temps cohabitationnistes qu’il a toujours approuvés, ne va pas sans garder une féroce présence. De temps à autre, il émet des critiques envers le gouvernement, s’étonnant un jour de sa position vis-à-vis des États-Unis, regrettant un autre jour une utilisation systématique du vote bloqué. Surtout, même s’il relance vers la fin de l’année l’idée d’un président pour l’Europe, il cache encore soigneusement ses intentions quant aux futures présidentielles : « Je ne prendrai position que dans un an », assure-t-il en octobre, dépassant d’ores et déjà le rôle que certains voulaient lui assigner : celui d’être simplement une figure emblématique, prêt à servir la cause barriste. Michel Rocard aussi ne se découvre qu’à demi. Comme d’autres, il garde une bonne cote dans les sondages, comme d’autres il sait que le mystère sied volontiers aux ambitieux. Pourtant, sa candidature, pour peu que le chef de l’État ne soit pas présent dans la compétition, apparaît inéluctable. Au point d’inquiéter certains membres du parti socialiste, plus prêts à opter pour Laurent Fabius, voire même Lionel Jospin, dans l’hypothèse où l’hôte de l’Élysée ne souhaiterait pas renouveler le bail. Politique étrangère La politique étrangère de la France s’est adaptée sans difficulté apparente à la cohabitation. Rapports Est-Ouest : le dialogue avec les deux grands s’est poursuivi avec les visites de F. Mitterrand aux États-Unis et en URSS. La France a ainsi exprimé son attachement au respect des traités existants (SALT II et AMB), ainsi que sa volonté de parvenir à une entente sur la limitation des armes conventionnelles. Excluant tout accord séparé avec l’URSS, F. Mitterrand a cependant rappelé l’exclusion de l’arsenal nucléaire français des négociations en cours entre les deux super puissances. La France et le Proche-Orient : le terrorisme a requis la prudence. Après le départ en Iraq du chef des moudjahidin iraniens réfugiés en France, Massoud Radjavi, et le règlement du contentieux financier, le rétablissement de relations régulières entre la France et l’Iran a pu s’amorcer. Cependant, le gouvernement français a refusé de remettre en question ses rapports avec l’Iraq, comme le demandait l’Iran. Cette normalisation a facilité la libération d’un otage détenu au Liban. La même circonspection est nécessaire à l’égard de la Syrie, pourtant soupçonnée de soutenir les terroristes en Europe. La France a refusé d’adopter des sanctions contre Damas. La présence de la France dans le Pacifique fut mise en cause lors du Forum du Pacifique Sud. Les États réunis se sont en effet prononcés en faveur de la dénucléarisation de la région, ainsi que de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, qu’ils ont souhaité réinscrire sur la liste du comité de décolonisation de l’ONU. Le contentieux franco-néo-zélandais a cependant été réglé par la libération des deux agents français et le dédommagement de la Nouvelle-Zélande. SIMON PARLIER downloadModeText.vue.download 237 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 236 Oui, décidément, la cohabitation n’est pas qu’un régime tranquille et unanimiste. Au paradis du consensus, les ambitions se découvrent tout aussi brutales que lorsque l’Élysée et Matignon étaient occupés par un personnel politique de même obé- dience. Car, qu’on ne s’y trompe pas, l’année 1986 aura d’abord révélé une idée fixe. Elle hante aussi bien les têtes de droite que les têtes de gauche et même si on en parle rarement, on y pense toujours. Cette idée fixe s’appelle bien sûr élection présidentielle, qu’elle intervienne à sa date normale en 1988 ou qu’une crise, d’autant plus foudroyante qu’elle ne se sera guère annoncée, l’avance à 1987. Alors, dès maintenant, pour montrer qu’ils ne sauraient être surpris par l’imprévisible, ceux qui comptent –Mitterrand, Chirac, Barre, Giscard, Rocard – font déjà savoir qu’ils seront, d’une manière ou d’une autre, présents le moment venu. Les deux premiers sont évidemment les plus intéressés. D’autant que les Français, soucieux de couronner les animateurs de cette cohabitation qu’ils prisent tant, leur accordent les lauriers de la popularité. Toutes les enquêtes d’opinion montrent qu’ils apprécient ceux qui sont aux affaires. Alors Jacques Chirac ne se cache guère pour affirmer qu’il sera candidat, conforté par les sondages de fin d’année qui le propulsent largement devant ses rivaux Raymond Barre et Valéry Giscard d’Estaing. François Mitterrand aussi semble montrer le bout de l’oreille, même si cette tentation-là prend des apparences de démenti. « Je ne suis pas candidat, je n’ai pas l’intention de l’être », dit-il en octobre dernier. Mais le chef de l’État assortit ses affirmations de tant de commentaires, de tant de nuances, de tant de sous-entendus, que chacun traduit que sa candidature est quasi certaine. L’élection présidentielle Lorsque 1986, l’année de la cohabitation, l’année du rééquilibrage, l’année de la nouvelle donne se termine, un jeu encore plus important que celui de mars s’annonce. Car mars était finalement une parenthèse dans la vie politique. Ce qui s’offre, en revanche, c’est l’élection présidentielle, c’est-à-dire la clé de voûte de l’édifice français. Un temps, le pouvoir a pu se trouver à Matignon, un temps, l’hôte du « Château » du Faubourg SaintHonoré a pu avoir moins d’importance, mais aucun des prétendants ne l’ignore : la puissance demeure bien à l’Élysée. Et – ce qui n’est pas le moins étonnant – la période cohabitationniste a finalement peu changé les choses. Ni les rapports de forces, ni les ambitieux. À gauche, deux hommes, François Mitterrand et Michel Rocard dominent. À droite, le triangle est toujours le même et enferme trois personnalités, Raymond Barre, Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing. Les voilà tous, à quinze mois de l’échéance normale, celle de mai 1988, aux marches du palais. De ces cinq-là, l’un triomphera. Mais si la cohabitation a pu un moment troubler le jeu, cette vérité-là est inéluctable. Corneille, finalement, avait bien raison lorsqu’il assurait : « Car ce n’est pas régner qu’être deux à régner. » MICHEL SCHIFRES Après avoir été journaliste à Combat, au Monde, et au Quotidien de Paris, Michel Schifres est actuellement le rédacteur en chef du Journal du Dimanche. Il a notamment publié, en collaboration, l’Élysée de Mitterrand. Son prochain livre, l’Enaklatura, aux éditions Lattes, traite de l’ENA et des énarques. downloadModeText.vue.download 238 sur 502 POLITIQUE 237 Vivre avec le terrorisme La France se croyait-elle à l’abri du terrorisme ? Les événements tragiques de 1986 ont définitivement dissipé ses illusions. Impuissante, elle a assisté à l’interminable détention de ses otages au Liban. Furieuse, elle a vu des bombes exploser en plein Paris, tuant et blessant aveuglément. « Vivre avec le terrorisme » est devenu, pendant plusieurs semaines, une obsession nationale. La fin de 1985 avait été marquée par un double attentat spectaculaire. Le 7 décembre, des engins explosaient dans deux grands magasins parisiens, boulevard Haussmann, faisant 35 blessés. Les terroristes allaient frapper cinq autres fois au cours de l’hiver, sans compter les bombes désamorcées à temps. Puis, sans explication, à partir du 21 mars, la série noire s’arrête. L’été ne sera endeuillé que par un attentat contre les locaux de la Brigade de répression du banditisme, le 9 juillet, revendiqué par Action directe, apparemment sans rapport avec ceux du début de l’année qui, eux, semblaient être de facture proche-orientale. En septembre, la capitale est reprise dans la tourmente terroriste. Une première bombe explose à Paris le 8. Puis une deuxième, le 12. Puis une troisième... Cinq au total, en l’espace d’une dizaine de jours, avec une tragique addition : 10 morts et 160 blessés. C’est une « guerre », déclare le Premier ministre, Jacques Chirac. Mais aucune bombe n’explose à Paris après le 18 septembre, date à laquelle l’attaché militaire, le colonel Christian Goutierre, est assassiné à Beyrouth. Simple accalmie ? Pas de panique Les médias ne manquent pas d’être mis en cause. Ne font-ils pas le jeu des poseurs de bombes en consacrant tant de place aux attentats ? Le débat ne sera pas tranché en France, pas plus qu’il ne l’avait été en Italie du temps où les Brigades rouges défrayaient la chronique. Il est très difficile, en effet, sinon impossible, de se taire. Le silence de la presse provoquerait les rumeurs les plus folles et pourrait conduire les terroristes à agir de manière plus spectaculaire encore pour se faire entendre. Mais, si un blackout est impensable, les médias peuvent éviter de trop en faire, de diffuser des informations non vérifiées et d’affoler la population. downloadModeText.vue.download 239 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 238 Affolés, les Parisiens ? Ils ont, au contraire, une attitude exemplaire pendant tout le « septembre rouge » 1986. À commencer par les secouristes – sapeurs-pompiers, SAMU, ambulanciers privés et médecins libéraux –, qui sont présents sur les lieux de chaque attentat quelques minutes à peine après l’explosion. Un spectacle effroyable les attend : corps déchiquetés, hurlements, façades éventrées... Avec une efficacité remarquée, les secouristes soignent sur place les blessés ou les évacuent vers les hôpitaux, devant une foule silencieuse mais digne. Sans panique, les habitants de la capitale respectent les consignes de sécurité qui leur sont données. Ils acceptent d’être fouillés à l’entrée des cinémas, parfois dans leurs propres bureaux. Dans les gares, chacun évite de laisser traîner un bagage qui serait immédiatement détruit. Des objets suspects sont signalés dans des rames de métro ou des galeries marchandes. Le sang-froid de quelques Parisiens permet d’éviter des drames. C’est apparemment un engin explosif déposé dans une poubelle, près du magasin Tati, qui a provoqué la terrible explosion de la rue de Rennes, le 17 septembre. On décide donc de plomber toutes les poubelles sur les boulevards, devant les grands magasins... Des groupes de policiers patrouillent en perdownloadModeText.vue.download 240 sur 502 POLITIQUE 239 manence dans les endroits très fréquentés. C’est surtout une mesure psychologique qui vise à rassurer la population, car il n’existe aucun remède miracle pour empêcher les attentats. Les responsables le savent, et les Français le sentent confusément. Pas question d’annuler la visite que le pape doit faire dans la région RhôneAlpes début octobre : ce serait s’incliner devant les adeptes de la terreur. On mobilise plutôt 15 000 policiers, et le voyage pontifical a lieu sans incident. Les Français gardent leur calme, mais n’en pensent pas moins. Un sondage, réalisé le 17 septembre par l’Institut Louis Harris, indique que 77 p. 100 des personnes interrogées sont favorables au rétablissement de la peine de mort pour les actes terroristes, 34 p. 100 reconnaissent que les récents attentats les ont fait changer d’avis sur ce point. Et 61 p. 100 estiment que les services secrets français doivent mener des opérations pour exécuter les terroristes et leurs chefs, quel que soit le pays dans lequel ils se trouvent. Le Premier ministre fait savoir qu’il reste personnellement opposé à la peine de mort. Mais son ministre de la Justice, Albin Chalandon, tient des propos plus ambigus : « Si le terrorisme continuait à s’amplifier et prenait des proportions encore plus fortes qu’aujourd’hui, il y aurait indiscutablement dans le pays une pression pour le rétablissement de la peine de mort, et on ne pourrait pas y résister. » Devançant cette « pression » populaire, deux sénateurs centristes déposent une proposition de loi visant à rétablir la peine capitale. Des consommateurs comme les autres Vendredi 12 septembre, vers midi, dans une cafétéria du quartier de la Défense, un homme vingt-cinq ans environ prend un plateau, fait la queue, puis s’attable. Soudain, il renverse son verre et tache sa chemise. Il se dirige alors vers les toilettes, apparemment furieux. Nul n’a vu le parquet qu’il a déposé sous son siège. Quelques instants plus tard, c’est l’explosion. Elle fera 31 blessés. Le surlendemain, dans l’après-midi, une foule nombreuse se presse au Pub Renault, sur les Champs-Élysées. Personne ne prête attention à un jeune homme qui quitte les lieux tranquillement après avoir pris une consommation. Un paquet blanc, paraissant suspect, attire l’attention d’une serveuse. Elle avertit discrètement le maître d’hôtel qui, à son tour, alerte deux gardiens de la paix. Les trois hommes emportent le paquet dans le parking d’un sous-sol voisin. L’un des policiers est tué par l’explosion, les deux autres sont grièvement brûlés. Abdallah et ses frères Comment lutter contre le terrorisme ? Les pays démocratiques qui ont dû affronter ce fléau se sont vite aperçus que le moyen le plus efficace était d’agir à la source, c’est-à-dire de repérer et d’« infiltrer » les groupes violents. Mais la France se heurte à une double difficulté. D’une part, cette vague d’attentats semble être fomentée de l’étranger, même si elle bénéficie de complicités locales. D’autre part, les services secrets français sont en piètre état : ils paient leurs missions ratées, leurs querelles internes et leurs difficultés de recrutement. Lorsque les attentats se downloadModeText.vue.download 241 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 240 succèdent à Paris en septembre, deux anciens « patrons » de la DGSE, Alexandre de Marenches et Pierre Marion, sont en train de polémiquer ouvertement sur leurs activités passées. Tout le monde est d’accord pour donner un nouvel élan aux services secrets, mais c’est une oeuvre de longue haleine. Relations internationales Rapports Est-Ouest : les relations internationales ont été dominées par la reprise des négociations sur le désarmement. Entamées au début de l’année par les propositions audacieuses de M. Gorbatchev, elles n’ont abouti à aucun accord au sommet de Reykjavik, les 11 et 12 octobre. La préparation de ce sommet a commencé avec les propositions soviétiques de réduire les arsenaux nucléaires des deux pays, d’abandonner la modernisation des arsenaux français et britanniques, de réduire les forces conventionnelles (proposition faite au lendemain du sommet du pacte de Varsovie, en juin), de diminuer jusqu’à disparition complète les euromissiles. Les négociations se sont poursuivies au sommet de Stockholm, en septembre, avec l’acceptation du principe de l’inspection sur place. C’est ce programme qui avait motivé les initiatives de paix de M. Gorbatchev et qui divisa les deux grands au sommet. Aux exigences soviétiques de limiter le programme à la recherche en laboratoire, les Américains ont opposé un délai de dix ans dans le déploiement de l’IDS en échange de l’élimination complète de tous les missiles balistiques. Finalement, ces divergences n’ont pas été compensées par des accords de désarmement partiel. Rapports Nord-Sud : un « programme d’action pour le redressement économique et le développement de l’Afrique 1986-1990 » a été adopté à l’issue de la session spéciale de l’ONU, en juin. Cependant, les relations Nord-Sud ont été négligées cette année. Les sept pays les plus industrialisés ont à peine mentionné le problème lors du sommet de Tokyo, en mai, et les pays non alignés réunis à Harare, en septembre, l’ont déclaré « au point mort ». Le dialogue est bloqué par le problème de la dette du tiers-monde : plus de 1 000 milliards de dollars. SIMON PARLIER Le 14 septembre, le gouvernement annonce une série de mesures antiterroristes. La plus spectaculaire est l’institution d’un visa obligatoire pour tous les étrangers, exceptés les ressortissants de la Suisse et des pays de la CEE. Cette initiative vexe les États amis, comme l’Autriche, et crée une belle pagaille dans les consulats de France, nullement outillés pour ce surcroît d’activité. Pense-t-on vraiment interdire ainsi l’accès du territoire national aux terroristes ? Ces derniers arrivent toujours avec des papiers en règle. Le seul intérêt du visa obligatoire est de permettre la création d’une « banque informatisée » réunissant tous les renseignements demandés aux voyageurs étrangers. Mais, là aussi, cela demande du temps : une telle banque ne devient pas opérationnelle du jour au lendemain. Les Français ne doutent pas que les poseurs de bombes soient arabes. Divers indices permettent de l’affirmer d’autant que, parallèlement au terrorisme parisien, des attentats sont commis contre des militaires français au Liban et qu’un véritable chantage est exercé autour des otages détenus à Beyrouth par le Djihad islamique. downloadModeText.vue.download 242 sur 502 POLITIQUE 241 Veut-on punir la France pour sa politique proche-orientale, la contraindre à une autre attitude ? C’est plausible. Reste à savoir qui agit ainsi, car plusieurs groupes ou États ont des choses à lui reprocher. Des intégristes musulmans veulent obliger la France à retirer ses soldats de la force internationale de l’ONU au sud du Liban. La Syrie cherche à avoir les mains libres à Beyrouth. L’Iran essaie de contraindre Paris à rompre avec l’Iraq. Quant à la Libye, elle est toujours en conflit avec la France à propos du Tchad... Les attentats de septembre sont revendiqués, à Paris et à Beyrouth, par deux organisations : le Comité de soutien aux prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA) et les Partisans du droit et de la liberté. Un troisième groupe, l’ASALA (Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie), entre à son tour dans cette surenchère de communiqués, menaçant de commettre des attentats si les « militants » détenus dans les prisons françaises ne sont pas libérés. Europe occidentale Une évolution politique contrastée : alors qu’il est battu en France, le parti socialiste obtient la majorité absolue des sièges en Espagne et reste dans la coalition au pouvoir en Italie. Au Portugal, le socialiste Mario Soares est élu président de la République. La politique d’austérité ébranle en revanche la social-démocratie suédoise et oblige le cabinet de centre-droit à démissionner en Norvège. En Autriche, quelques mois après l’élection controversée de Kurt Waldheim à la présidence, les élections législatives ont lieu le 24 septembre : les socialistes et les populistes perdent des voix au profit des écologistes et de l’extrême droite. L’intégration européenne progresse lentement : le Danemark a accepté la réforme institutionnelle ; l’Espagne et le Portugal sont devenus membres de la CEE le 1er janvier. La coopération militaire, technologique et policière évolue aussi : réunion du 47e sommet franco-allemand consacré à la défense, approbation de nouveaux projets dans le cadre du programme Eurêka, coordination des mesures de lutte contre le terrorisme. L’économie occidentale a profité de la baisse du prix du pétrole ; l’inflation a été réduite ; la stagflation semble avoir disparu. Parmi les mesures d’assainissement, les gouvernements, indépendamment de leur couleur politique, ont choisi l’austérité budgétaire, qui a provoqué dans certains pays, comme la Belgique, une forte réaction syndicale. Cependant, malgré la désinflation, la croissance n’a pas repris. Sa lente progression de 2,4 p. 100 en 1984, à 2,8 p. 100, prévue pour 1987, ne suffit pas pour résorber un chômage qui continue de toucher 12 p. 100 de la population active. Aussi, une relance, par l’offre et la demande, est-elle recommandée par la Commission européenne. Cette reprise suppose pourtant que soit mis un terme à la baisse du dollar qui pénalise l’Europe sur le plan commercial. SIMON PARLIER Les soupçons des enquêteurs se sont tout de suite portés sur les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), dont le chef présumé, Georges Ibrahim Abdallah, est détenu à Lyon. Ce Libanais brouille toutes les cartes : de famille chrétienne, il est de formation marxiste-léniniste et soutient les musulmans intégristes. On l’accuse notamment d’avoir trempé dans l’assassinat de deux downloadModeText.vue.download 243 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 242 diplomates à Paris, un Israélien et un Américain. Georges Ibrahim Abdhallah paraît être tellement au centre des attentats qu’une « lettre ouverte » lui est adressée, le 15 septembre, par une cinquantaine de jeunes « beurs » et de personnalités maghrébines résidant en France. « Il faut que les attentats cessent au plus vite, écrivent les signataires. Le conflit du Moyen Orient ne peut se régler sur les berges de la Seine. Si par malheur, demain, la haine devait se retourner contre la communauté maghrébine en France, sachez que nous vous tiendrions comme responsable au même titre que ceux qui l’exerceraient à notre endroit. » Deux frères de Georges Ibrahim Abdallah, Maurice et Robert, sont soupçonnés d’avoir joué un rôle essentiel dans le terrorisme parisien. Leurs photos sont affichées dans les lieux publics et une prime d’un million de francs est offerte à toute personne pouvant fournir des renseignements valables sur les auteurs d’attentats. Ce procédé, déjà testé en Allemagne fédérale, n’avait jamais été employé en France depuis la Seconde Guerre mondiale. Europe orientale En 1986, la situation de presque tous les pays de l’Est ne s’est pas améliorée. Sauf en Pologne et en Hongrie, l’immobilisme politique a triomphé. Et, en dehors de la RDA, les graves difficultés économiques ont partout persisté. Les opposants aux régimes en place n’ont pas été tolérés. Le maintien de la ligne traditionnelle est apparu lors des congrès des partis communistes tchécoslovaque et bulgare, et à l’occasion du congrès du Parti socialiste unifié d’Allemagne. Au cours de ces réunions, les représentants de la vieille garde – Gustav Husak, 74 ans, Todor Jivkov, secrétaire général depuis 1954, et Erich Honecker – ont conservé le pouvoir. En revanche, en Pologne, après bien des hésitations, presque tous les prisonniers politiques, dont le dirigeant clandestin de Solidarité, Zbigniew Bujak, ont été libérés le 13 septembre. Mais, l’interdiction par le général Jaruzelski du « Conseil provisoire de Solidarité » impose la prudence. Sur le plan économique, après cinq années difficiles (1980-1985), les plans quinquennaux engagés pour 1986-1990 prévoient une reprise de la croissance, grâce à une meilleure productivité et au développement des technologies de pointe, des industries lourdes et des biens de consommation. En attendant, l’endettement extérieur de la Yougoslavie (20 milliards de dollars) et de la Pologne (29,7 milliards de dollars) reste inquiétant. En juin, Varsovie a obtenu des pays de l’Ouest un nouveau report de ses remboursements. Les relations des pays de l’Est avec l’URSS ont été affectées par le drame de Tchernobyl : les informations peu crédibles, distillées par le Kremlin, ont vivement mécontenté leurs dirigeants. Il n’en a pas été de même avec la Chine. En septembre, le général Jaruzelski a été le premier chef d’État d’Europe de l’Est reçu à Pékin depuis 1959. LAURENT LEBLOND De son village de Kobayat, au nord du Liban, la famille Abdallah clame son innocence et se déclare prête à poursuivre le gouvernement français en diffamation. Un troisième frère, Émile, n’est-il pas soupçonné d’avoir commis l’attentat de la rue de Rennes ? « Nous savons avec certitude que les downloadModeText.vue.download 244 sur 502 POLITIQUE 243 frères d’Ibrahim Abdallah ont été mêlés aux actions terroristes en France », affirme le ministre de la Coopération Michel Aurillac. Il ajoute, de manière à peine voilée : « Nous savons aussi qu’ils ont été « exfiltrés » par des agents secrets professionnels. Enfin, nous avons constaté qu’ils avaient tenu au Liban une conférence de presse dans une région contrôlée par la Syrie. » La Syrie, donc ? Non, le gouvernement de Jacques Chirac refuse de mettre en cause cet État. Il le remerciera même publiquement de « collaborer » avec la police française. Une série d’allées et venues, plus ou moins discrètes, ont lieu entre Paris et Damas. Le ministre de la Coopération et le directeur de la DST se rendent dans la capitale syrienne, tandis qu’un archevêque grec catholique, Mr Hilarion Capucci, proche du gouvernement de Damas et des Palestiniens, accomplit une « mission de bons offices » à Paris du 19 au 30 septembre et rencontre notamment Georges Ibrahim Abdallah dans sa cellule de la santé. Cette initiative déplaît à l’Élysée, qui ne manque pas de le faire savoir. Les victimes indemnisées Une loi d’indemnisation des victimes des attentats a été promulguée le 9 septembre 1986, mettant fin à une injustice de plus en plus flagrante. Jusqu’alors, en effet, les personnes ou les familles qui avaient vu leur vie ruinée en quelques secondes par un acte terroriste ne recevaient aucun dédommagement. Il a fallu que quelques-uns de ces rescapés de l’horreur et leurs parents créent des associations et multiplient les démarches pour qu’on s’intéresse enfin à leur sort. Ainsi est né SOS-Attentats, sous l’impulsion de Françoise Rudetzki, grièvement blessée dans l’attentat du Grand Véfour, en décembre 1983, et qui a dû être opérée une trentaine de fois D’autres initiatives ont vu le jour en 1986 pour informer les victimes sur leurs droits et sur les démarches à accomplir. La nouvelle loi prévoit la création d’un fonds de garantie, alimenté par des prélèvements sur les contrats d’assurance. Elle concerne toutes les victimes d’un acte terroriste en France, quelle que soit leur nationalité, mais aussi les Français se trouvant à l’étranger. Cette loi n’a cependant pas d’effet rétroactif. Or on estime que 700 personnes environ ont été tuées ou blessées dans des attentats en France depuis 1974. Un bref moment d’union nationale La France est frappée par le terrorisme alors qu’elle vit une expérience politique sans précédent : un président de la République socialiste « cohabite » avec un Premier ministre de droite. Les attentats ont pour effet immédiat de les rapprocher l’un de l’autre et de faire taire les polémiques entre les partis. La classe politique serre les rangs. François Mitterrand ira jusqu’à exprimer publiquement sa « confiance » dans les responsables de la lutte antiterroriste. La seule fausse note vient du Front national. Son leader, Jean-Marie Le Pen, refuse de se solidariser avec l’action du gouvernement qu’il juge « désinvolte ». Et il n’hésite pas, malgré l’interdiction du Premier ministre, à organiser une manifestation contre le terrorisme à Paris, le 22 septembre. La belle unité du monde politique se dissipera progressivement, à mesure que le péril terroriste semblera s’éloigner. Les downloadModeText.vue.download 245 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 244 socialistes critiquent « l’incohérence » du gouvernement et ironisent sur le fait que le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, prétendait « terroriser les terroristes » après son entrée en fonction. Dans les rangs mêmes de la majorité, des voix discordantes se font entendre. Le courant UDF s’étonne que la France ne se solidarise pas immédiatement avec la GrandeBretagne. Celle-ci a rompu, en octobre, ses relations diplomatiques avec la Syrie, dont les services secrets sont reconnus coupables d’une tentative d’attentat contre un avion israélien. URSS Un an après son arrivée au pouvoir, qui remonte au 11 mars 1985, Mikhail Gorbatchev a été confronté à une série d’événements tragiques, qui ont eu de graves conséquences dans son pays et, surtout dans le premier cas, sur la scène internationale : drame de Tchernobyl (25 avril), naufrages du paquebot Amiral-Nakhimov en mer Noire (31 août) et du sous-marin Yankee I au large des Bermudes (3 octobre). Les deux premiers accidents ont été dus à d’inquiétantes négligences humaines, au moment même où M. Gorbatchev insistait sur l’importance de l’esprit de responsabilité, indispensable pour améliorer les résultats économiques de l’URSS. Des changements politiques partiels Avant même la réunion du congrès du Parti communiste, qui a eu lieu à Moscou du 26 février au 6 mars, le renouvellement des dirigeants a été massif : il a touché 70 p. 100 des ministres et 50 p. 100 des cadres des républiques. Ce phénomène s’explique à la fois par l’ascendant du nouveau secrétaire général et par l’impérieuse nécessité de rajeunir un appareil politique, fossilisé sous Brejnev. Mais, à l’issue du congrès, seulement 40 p. 100 des membres du Comité central ont été remplacés par des hommes formés sous Khrouchtchev à la gestion économique dans des écoles supérieures. Un nombre encore relativement élevé de dirigeants conservateurs, promus au cours de la Seconde Guerre mondiale, y siègent donc toujours. Ils freinent l’action du nouveau maître du Kremlin. Des réformes économiques limitées La principale novation apportée par M. Gorbatchev réside dans la dramatisation de ses propos sur la situation économique du pays : pour que, d’ici à l’an 2000, le socialisme gagne la compétition l’opposant au capitalisme depuis la Révolution de 1917, il faut introduire des réformes radicales en URSS. Réaliste, le nouveau secrétaire général sait bien que ce sera difficile, car les travailleurs soviétiques sont peu motivés. Les premières mesures qu’il a prises ne brillent pas par leur audace. M. Gorbatchev a remis en cause la toute-puissance des trop nombreux ministères : créé en novembre 1985, le Comité d’État au complexe agro-industriel (Gosagroprom) a remplacé cinq d’entre eux et les services techniques de l’Agriculture. De plus, les principes d’autonomie comptable et de responsabilité financière sont à nouveau appliqués dans les entreprises, dans les ministères, au plan d’État (Gosplan) et à l’Approvisionnement technique (Gossnab). Ce dernier département est essentiel : sa carence entraîne inévitablement l’échec des meilleures initiatives venant des unités de production. Le 29 mars, le Conseil des ministres a décidé d’encourager le travail en petites équipes autonomes, l’extension des libertés commerciales des paysans et downloadModeText.vue.download 246 sur 502 POLITIQUE 245 le développement du rôle des exploitations individuelles. Pas de libertés La répression menée vis-à-vis des opposants au régime a continué. Les gestes ponctuels des autorités en faveur de personnalités mondialement connues ne s’expliquent pas par une évolution des conceptions soviétiques sur le chapitre des libertés individuelles. Ils sont à situer dans le cadre des marchandages diplomatiques constants avec les États-Unis. Ainsi, de décembre 1985 à juin 1986, Elena Bonner, épouse d’Andreï Sakharov, a-t-elle eu l’autorisation de séjourner en Occident. De son côté, le dissident juif Anatoli Chtcharanski, emprisonné depuis 1977, a été libéré le 11 février à Berlin, dans le cadre d’un échange global entre l’Est et l’Ouest, dont huit espions ont bénéficié. Dans des conditions similaires, le physicien Iouri Orlov et sa femme ont retrouvé la liberté en même temps que le journaliste américain Nicolas Daniloff, et qu’un fonctionnaire soviétique à l’ONU, Guennadi Zakharov, inculpés d’espionnage (5 octobre). Ces mesures négociées de routine ont moins de portée que le retour à Moscou, le 23 décembre, d’Andreï Sakharov, qui est vraisemblablement le premier signe d’une stratégie de réforme et de mobilisation de la société soviétique et d’une politique visant à régler à l’amiable les problèmes extérieurs majeurs. LAURENT LEBLOND Les Français s’interrogeaient fébrilement, en septembre, sur la cause des attentats. À partir d’octobre, ils se demandent, avec la même perplexité, pourquoi les attentats ont cessé. Ni les contrôles aux frontières ni les mesures de précaution prises à Paris ne suffisent à expliquer cette accalmie. Faut-il l’attribuer à des négociations, sinon à un marché conclu avec les terroristes ? Il n’y a « aucun compromis, aucune négociation avec les terroristes ou les intermédiaires », a fermement assuré le Premier ministre. Le Monde révélera, cependant, fin octobre, qu’une trêve a été imposée aux poseurs de bombes par l’intermédiaire des gouvernements syrien et algérien. Trêve fixée jusqu’à février 1987 – date du procès de Georges Ibrahim Abdallah – et assortie des menaces de représailles françaises si des attentats étaient commis pendant cette période. L’Algérie et la Syrie semblent avoir été, l’une et l’autre, récompensées de leur coopération : treize opposants algériens résidant en France sont interpellés fin octobre et échappent de peu à une expulsion ; du blé et de la farine sont livrés à la Syrie, qui connaît de graves difficultés économiques. Les informations du Monde sont démenties très mollement. Le gouvernement ne semble pas mécontent, après tout, qu’on dise aux Français qu’il a su faire cesser les attentats terroristes. Le mystère reste cependant à peu près entier. À la fin de 1986, les Parisiens se demandent encore qui a eu la folle idée, et dans quel but précis, de vouloir faire de leur ville un Beyrouth-sur-Seine. Ils se rendent surtout bien compte qu’aucune mesure de police, aucune menace de représailles ne peut extirper ce terrorisme qui est lié à la solution des interminables conflits du Proche-Orient. ROBERT SOLÉ Après avoir été correspondant à Washington et à Rome, Robert Solé dirige actuellement le service Société du Monde. Il a publié le Défi terroriste aux éditions du Seuil, dans la collection l’Histoire immédiate. downloadModeText.vue.download 247 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 246 Maghreb Machreq L’économie des pays tributaires des exportations pétrolières a souffert de l’effondrement des cours du brut, provoqué par la stratégie de la guerre des prix, imposée par l’Arabie Saoudite dans le cadre de l’OPEP. L’instabilité politique s’est manifestée dès janvier, au Yémen du Sud au cours d’une guerre civile entre factions rivales du parti socialiste. Au Maghreb, la Tunisie, confrontée à une situation économique et sociale inquiétante, a amorcé un virage politique avec le limogeage, le 8 juillet, du Premier ministre, Mohamed Mzali. Le Liban est en proie à l’anarchie politique et idéologique : désagrégation de l’État, dissensions au sein du gouvernement, combats entre chrétiens, affrontements entre chiites et reprise de la guerre des camps entre Amal et combattants palestiniens. Les éléments chiites du Hezbollah ont créé une dynamique politique autonome et ont imposé leur loi. Les pays du Golfe ont subi les contrecoups du conflit irano-iraqien. La « guerre des pétroliers », a menacé la sécurité de la région. L’Iran a remporté deux victoires, en occupant Fao (11 février) et en reprenant Mehran (2 juillet). La Libye, qui a fait figure de principal responsable du terrorisme international, a été l’objet de sanctions. L’épreuve de force, qui s’est engagée entre le colonel Kadhafi et les États-Unis, a atteint son point culminant avec le raid sur Benghazi et sur Tripoli, le 14 avril. Le Premier ministre israélien, Shimon Pérès, a dominé la scène diplomatique. Reçu par le roi Hassan II, à Ifrane, au Maroc (11 juillet), et par le président égyptien Hosni Moubarak à Alexandrie (11 septembre), il a aussi renoué le dialogue avec l’Espagne, la Côte-d’Ivoire, l’URSS et le Cameroun. MARIE-ODILE SCHALLER downloadModeText.vue.download 248 sur 502 POLITIQUE 247 Amnesty International : 25 ans de combats Amnesty International est née en 1961, sur l’initiative de l’avocat britannique Peter Benenson, scandalisé par la condamnation à sept ans de prison de deux étudiants portugais qui avaient levé leur verre à la liberté. Amnesty compte aujourd’hui 500 000 membres dans le monde (25 000 en France). Ses buts : obtenir la libération des prisonniers d’opinion, abolir la torture et la peine de mort. Le 15 octobre 1986, un livre au titre très sobre est mis en vente : Amnesty International. Rapport 1986. Un volume de 437 pages, qui fait le tour du monde en 128 pays, dénonçant les atteintes aux droits de l’homme quel que soit le régime politique. Les premières phrases de ce rapport sont relativement optimistes : « La pression exercée sur les gouvernements pour les inciter au respect des droits de l’homme s’intensifie. Dans le monde entier, la force et l’influence des organisations de défense des droits de l’homme ne cessent de croître. La législation internationale sur les droits de l’homme se renforce. » Mais, au dos du livre, sur la couverture, un paragraphe plus pessimiste : « Ce rapport va irriter un certain nombre de gouvernements. Pourquoi ? Parce qu’il fait apparaître le gouffre qui sépare les engagements qu’ils ont pris en matière de droits de l’homme et les abus qu’ils commettent. » Tout en se gardant de juger les gouvernements, le rapport d’Amnesty dresse de cruels constats pour l’année 1985 : des milliers de personnes ont été détenues sans jugement en Afrique... Des décès en prison, à la suite de mauvais traitements, ont été signalés en Afrique du Sud, en Ouganda, au Burkina Faso, en Namibie, au Togo. Au Nigeria, 140 personnes ont été condamnées à mort, 58 au Ghana ; en Afrique du Sud, il y a eu 137 pendaisons et, en Somalie, 100 exécutions. Mais les mêmes fléaux sévissent sous presque toutes les latitudes : recrudescence d’abus en Équateur, multiplication des enlèvements au Chili, aucune estimation fiable sur le nombre de prisonniers à Cuba. De 5 000 à 7 000 personnes placées downloadModeText.vue.download 249 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 248 en « rééducation » au Laos et au Viêtnam. Des membres de communautés religieuses arrêtés : bouddhistes au Viêtnam, chrétiens au Népal, communauté Ahmadiyya au Pakistan... Condamnations à mort par des tribunaux militaires spéciaux en Afghanistan et au Bangladesh, exécutions immédiates en Chine dès la sentence de mort... L’Asie méridionale et orientale Le monde indien Les problèmes économiques de l’Inde restent graves : le déficit du commerce extérieur a été particulièrement élevé lors des six premiers mois de l’année 1986. L’agitation a repris au Pendjab en janvier, plusieurs centaines de sikhs extrémistes ont occupé le Temple d’or d’Amrtisar puis ont appelé à la guerre sainte pour l’indépendance. Au Pakistan, la politique d’ouverture démocratique amorcée à la fin de l’année 1985 avec la levée de la loi martiale s’est très vite raidie devant l’ampleur des manifestations qui ont précédé et suivi le retour d’exil de Benazir Bhutto, fille de l’ancien président Ali Bhutto (avril-août 1986). Au Sri Lanka, la trêve de huit mois décidée entre les mouvements tamouls divisés et les forces de sécurité a été rompue au mois de janvier 1986. Le Sri Lanka vit sous le régime de l’état de siège depuis juin 1986. Le monde chinois Malgré le déficit du commerce extérieur, la corruption et la nouvelle campagne de rectification lancée au mois de janvier, l’année 1986 a vu la confirmation des orientations choisies par Deng Xiaoping et son équipe de « jeunes réformateurs ». Au mois d’avril, l’Assemblée populaire nationale a ratifié le VIIe plan quinquennal. Bien que mettant l’accent sur un nécessaire ralentissement de la croissance économique, le Plan a réaffirmé la nécessité de poursuivre la politique de réformes et la politique d’ouverture sur l’étranger. Au mois de juillet 1986, le renminbi a été dévalué de 16,3 p. 100 par rapport au dollar, mesure qui devrait aider la Chine à développer ses exportations. La politique étrangère chinoise a surtout été marquée en 1986 par une normalisation des rapports avec l’URSS. Le gouvernement chinois a également profité du détournement d’un Boeing 747 des China Airlines de Taiwan vers l’aéroport de Canton pour provoquer les premiers contacts directs entre la République populaire de Chine et Taiwan depuis 1949. Japon et Corée Après la victoire de son parti aux élections de juillet 1986, le Premier ministre Nakasone, pour la première fois dans l’histoire récente du Japon, a été autorisé à constituer un troisième gouvernement. Cependant, en 1986, la hausse incontrôlable du yen a provoqué l’inquiétude des exportateurs japonais. En Corée du Sud, le gouvernement s’est vu confronté en 1986 à une agitation croissante. Le président Chun, ainsi que le parti au pouvoir, se prononcèrent en faveur d’une révision de la Constitution, peut-être afin de pouvoir préparer dans le calme les jeux Asiatiques qui se déroulèrent à Séoul au mois de septembre 1986. Les pays de l’ASEAN Le président Marcos, abandonné par les États-Unis, a dû démissionner et quitter downloadModeText.vue.download 250 sur 502 POLITIQUE 249 les Philippines. Après des élections législatives confuses (février 1986), portée par une grande ferveur populaire et soutenue par la hiérarchie catholique, Mme Corazon Aquino a été proclamée présidente. En dépit de négociations de cessez-le-feu, la guérilla communiste se poursuit. Seul un espoir d’accord existe avec les autonomistes musulmans de l’île de Mindanao. En 1986, le ralentissement de la croissance économique s’est poursuivi dans les pays de l’ASEAN du fait de la fermeture des marchés extérieurs. La Malaisie, responsable de la chute des cours, mais également la Thaïlande et l’Indonésie, se ressentent encore de la crise de l’étain qui a entraîné la fermeture du marché de Londres en 1985. Le nouveau gouvernement de M. Mahathir s’est heurté à un réveil du fondamentalisme islamique au Kedah et au Sabah. Le gouvernement de Singapour a mis en place un ensemble de mesures libérales pour lutter contre la crise économique la plus grave qui ait frappé Singapour du fait de la faiblesse des cours du pétrole et des denrées de base. VALÉRIE NIQUET-CABESTAN 200 prisonniers d’opinion en Pologne malgré des mesures de grâce. Et en U.R.S.S. ? Amnesty International a eu connaissance de plus de 600 prisonniers d’opinion, mais pense que le nombre réel est nettement supérieur... En France, Amnesty s’est inquiétée des objecteurs de conscience et de la mort d’Éloi Machoro et de Marcel Nonnaro en Nouvelle-Calédonie... Seuls sont épargnés les pays sur lesquels Amnesty International estime ne pas avoir d’informations suffisantes : le Belize, le Mali, le Canada, le Qatar. Minutieusement retransmis, ce panorama des atteintes à la liberté dans le monde est le résultat d’un véritable travail de fourmi accompli par Amnesty International. Un travail qui se poursuit depuis tout juste un quart de siècle. L’appel de Peter Benenson « Ouvrez votre journal n’importe quel jour de la semaine et vous appren- drez que, quelque part dans le monde, quelqu’un a été emprisonné, torturé et exécuté parce que son gouvernement jugeait intolérable ses opinions ou sa religion. Le lecteur ressent alors un pénible sentiment d’impuissance. Pourtant si tous ceux qui, de par le monde, ressentent ce même sentiment pouvaient s’unir, alors une action commune serait possible... L’important est de mobiliser l’opinion publique. » Ce texte, publié dans l’Observer, le 28 mai 1961, et reproduit le même jour dans le Monde, marque la naissance d’Amnesty international. Quelques mois plus tôt, Peter Benenson, en ouvrant son journal, le Times, a appris la condamnation de deux étudiants portugais à sept ans de prison. Leur crime ? Ils ont levé leur verre à la liberté dans un restaurant de Lisbonne. Avocat, Peter Benenson est préoccupé depuis longtemps par la répression gouvernementale contre toutes opinions discordantes. Dès 1950, il assiste à des procès politiques en Hongrie, à Chypre, en Afrique du Sud et en Espagne, soit en tant qu’observateur, soit en tant que défenseur des victimes des gouvernements. L’avocat britannique réagit vivement au verdict scandaleux relaté par le Times. Il se rend aussitôt à l’ambassade du Portugal à Londres pour protester. Il est fort bien reçu, mais il constate qu’un downloadModeText.vue.download 251 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 250 tel geste individuel sera sans effet sur le sort de ces deux étudiants. En revanche, il se demande comment réagiraient les régimes oppressifs si, au lieu de réactions individuelles, les gouvernements avaient à affronter des protestations concertées, venant de tous les coins du monde ? Benenson pense alors à une campagne internationale, d’une durée limitée à un an, pour attirer l’attention sur le sort de prisonniers détenus dans des pays aux régimes politiques différents, pour l’expression non violente de leurs opinions politiques ou religieuses. Ses amis, Eric Baker, quaker lui aussi, et Sean Mac Bride, sont enthousiastes et l’incitent à rédiger un article pour diffuser ses idées et obtenir immédiatement une très large audience. Ce texte, publié en français sous le titre les Prisonniers oubliés, annonce le lancement d’une opération concertée sur le plan mondial, l’« Appel pour l’amnistie, 1961 ». Afrique La crise pétrolière a engendré quelques « nouveaux pauvres ». Si les récoltes ont été bonnes dans certaines régions, la plus grave invasion d’acridiens depuis soixante ans en Afrique subsaharienne a nécessité l’aide internationale. Le spectre de la faim demeure, particulièrement dans le Sahel. L’Afrique du Sud est entrée dans un climat révolutionnaire dominé par la peur et la haine. La dépendance vis-à-vis de l’extérieur demeure : l’URSS n’a lâché ni l’Angola, où l’on avait trop vite donné Savimbi comme vainqueur, ni l’Éthiopie, qui s’enfonce dans le totalitarisme. N’oublions pas les pays « protégés » ou tenus à bout de bras par la France : la République centrafricaine, dont la stagnation inquiète ; le Tchad, menacé par la Libye et frappé de plein fouet par la crise du coton. L’opposition entre les deux camps et entre les régimes s’est manifestée notamment lors du sommet des pays non alignés organisé à Harare, en septembre. En 1986, le FMI fait souvent office de gouverneur d’antan : les disciplines ainsi imposées sont saines en dépit des protestations des classes dirigeantes. La zone franc continue à attirer plus qu’elle ne contraint. Derrière les péripéties, il faut discerner la « longue période » des nouveaux historiens : c’est la croissance démographique, c’est l’explosion urbaine, c’est l’expansion des langues européennes malgré la médiocrité de l’enseignement, c’est le progrès des religions venues d’ailleurs : islam et aussi christianisme. L’Afrique évolue, en profondeur et, en gros, vers une plus grande intégration avec le reste de l’Univers, par le progrès foudroyant des communications, par l’accroissement du nombre des individus touchés par le monde extérieur. Ce qui condamne inéluctablement le régime sud-africain, c’est qu’il ne pourrait subsister que dans un monde clos. Or le monde de 1986 est de plus en plus ouvert, et l’Afrique en fait de plus en plus partie. BERNARD LANNE L’appel de Peter Benenson est largement entendu. Un mois plus tard, il a reçu plus d’un millier de lettres proposant de l’aide. Il crée un bureau à Londres et, dès novembre, pour bien fixer les bases de ce mouvement, dont l’objectif est d’obtenir une amnistie pour tous les prisonniers d’opinion politique et religieuse, il « adopte » trois captifs : l’un à l’Est, le philosophe roumain Constantin Noica ; le deuxième à l’Ouest, le poète et journaliste Cristobal Vega Alvarez ; le troisième downloadModeText.vue.download 252 sur 502 POLITIQUE 251 représente le tiers monde, c’est le médecin et poète Agostinho Neto, le futur président de l’Angola. Quatre objectifs Amnesty International s’est fixé quatre grands objectifs : 1. La libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d’opinion. Depuis 1961, plus de 30 000 prisonniers ont été pris en charge ; en 1985, 4 562 prisonniers ont été adoptés ou ont fait l’objet d’une enquête. Un exemple : en novembre 1986, Amnesty International lance un appel pour Recep Marashi, âgé de 30 ans. Cet éditeur turc publie essentiellement des livres sur l’histoire et la culture kurdes. Or, cette ethnie de 6 à 8 millions de personnes n’est pas officiellement reconnue par les autorités. À l’issue de plusieurs procès, Marashi totalise une peine de 36 ans de prison. 2. L’obtention pour les prisonniers politiques d’un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial. Deux exemples : Vu Ngoc Truy, ancien avocat vietnamien de 71 ans, est détenu à Chi Hoa depuis juin 1978 sans inculpation ni procès et sans fixation d’un terme. Au Salvador, deux frères sont en instance de jugement sous l’inculpation de participation à l’enlèvement du chef de l’aviation civile. Les seuls éléments de preuves retenus contre eux seraient leurs aveux, qui leur auraient été arrachés sous la torture et qu’ils auraient été obligés de répéter publiquement à la télévision. 3. L’abolition totale de la torture. La torture est proscrite par le droit international et, pourtant, selon les estimations d’Amnesty, près du tiers des gouvernements du monde ont infligé des traitements cruels depuis le début de la présente décennie. Les informations sont difficiles à obtenir, les autorités faisant souvent disparaître les preuves. Cependant, Amnesty s’est occupée depuis 1980 de plus de 3 000 prisonniers. 4. L’abolition totale de la peine de mort. La peine de mort tend à reculer : à la fin de 1985, elle était abolie dans 28 pays et maintenue dans 17 autres pour des crimes exceptionnels ; néanmoins, Amnesty a recensé 1 125 exécutions en 1985 dans 44 pays, et 1 489 condamnations capitales dans 61 pays. Encore estime-t-elle ces chiffres comme étant audessous de la réalité. 500 000 membres dans le monde Aujourd’hui, Amnesty International est un mouvement structuré, qui compte plus de 500 000 membres à travers plus de 150 pays et territoires. Le Secrétariat international de Londres est composé de 200 permanents, salariés, représentant une trentaine de nationalités. Il est divisé en deux départements : le département des programmes et le département de la recherche. Le premier est chargé d’animer et de coordonner l’activité des sections, soit 3 400 groupes. De nombreuses publications diffusent les informations sur la situation des droits de l’homme, notamment le mensuel Chronique d’informations internationales. Dans ce journal, les membres d’Amnesty prennent connaissance chaque mois de trois cas de prisonniers d’opinion. Le département de la recherche compte downloadModeText.vue.download 253 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 252 une centaine de personnes, journalistes ou universitaires. Aucun chercheur ne s’occupe de son pays d’origine. Chaque région géopolitique – les deux Amériques, les Caraïbes, l’Europe, le monde arabe, le Moyen-Orient, l’Afrique (de l’Afrique du Sud au Sahara), l’Asie – est confiée à une équipe de trois ou quatre chercheurs et cinq ou six assistants. Grâce à un réseau de télécommunications et des services juridique et médical, ils contrôlent la rédaction des dossiers individuels des prisonniers pour les adoptions. Ils sont responsables des études, des rapports et des communiqués de presse sur la situation politique et la répression dans ces pays. Ils proposent un programme d’action (missions, campagnes, interventions, actions urgentes, publications). Amérique du Nord États-Unis Les prévisions pessimistes l’ont emporté : la croissance américaine restera inférieure à 3 p. 100. La baisse du prix des matières premières et du dollar n’a pas donné tous les résultats espérés. La maîtrise de l’inflation et du chômage sont des atouts, mais on a pu observer certains effets inquiétants : la baisse du prix du pétrole a déprimé l’économie des États producteurs et déstabilisé le système bancaire déjà touché par la crise du secteur agricole. La chute du dollar n’a pas permis de réduire le déficit commercial, qui atteint cette année 130 milliards de dollars. La restructuration industrielle en cours, par la spécialisation dans les secteurs de pointe d’industrie à haute technologie et dans les services, ne peut pas encore avoir d’effet visible. Dans cette situation, les tentations protectionnistes sont fortes. C’est pour les contrer que les États-Unis veulent forcer leurs principaux partenaires et concurrents à ouvrir le plus possible leurs frontières et qu’ils ont donc relancé les négociations commerciales multilatérales. L’administration américaine a ainsi tenté d’imposer, dans le cadre du GATT, une libéralisation des échanges dans le secteur prometteur des services. Ce libéralisme est pourtant ambigu puisque les É.-U. n’ont pas hésité à menacer la CEE de mesures de rétorsion si les céréaliers américains n’avaient pas accès aux marchés espagnol et portugais. Cette guerre commerciale est évitée par un accord provisoire. Le déficit budgétaire reste préoccupant. La loi Gramm-Rudman qui vise à le réduire jusqu’à l’équilibre en 1991 n’est pas encore appliquée. La longue négociation entre le Congrès et la présidence sur les choix budgétaires se poursuit. On estime le déficit à 220 milliards, alors que l’objectif de la loi est de le ramener à 144 milliards en 1987. La réduction prévue, de 50 milliards, ne permettra pas d’atteindre ce but. C’est notamment le contrôle des dépenses militaires qui oppose les deux pouvoirs, l’exécutif étant contre leur réduction. Malgré cette résistance, les crédits pour la « guerre des étoiles » ont été limités. Le Congrès a adopté la réforme fiscale, une des mesures de relance envisagées par le président Reagan. Sans incidence sur le montant global des recettes, la réforme est fondée sur une nouvelle répartition de la fiscalité : la diminution des impôts sur le revenu est compensée par une augmentation de la charge pesant sur les entreprises. Elle exonère 6 millions d’Américains et réduit les taux et tranches d’imposition : pour l’impôt sur le revenu, deux tranches de 15 p. 100 et de 28 p. 100 au lieu des 14 tranches de 11 p. 100 à 50 p. 100, le taux maximal de l’impôt sur les bénéfices étant ramené de 46 à 34 p. 100. En supprimant un ensemble downloadModeText.vue.download 254 sur 502 POLITIQUE 253 d’avantages et de déductions, cette réforme pourrait avoir des effets contraires sur l’économie américaine. Les déceptions économiques expliquent peut-être l’échec relatif des républicains aux élections législatives du 4 novembre. Les démocrates dominent désormais les deux chambres du Congrès. Les deux dernières années de mandat présidentiel s’annoncent difficiles pour Ronald Reagan. Canada Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a dû affronter cette année des difficultés politiques internes (avec la démission du ministre de l’Industrie) et résoudre de sérieux problèmes économiques. Les négociations bilatérales avec les ÉtatsUnis en vue de créer une zone de libre échange nord-américaine ont finalement été ouvertes en avril. Leur succès suppose pourtant que soient vaincues les pressions protectionnistes catégorielles et régionales. Le Québec et l’Ontario s’opposent en effet à l’institution d’un tel marché commun. M. Mulroney a par ailleurs atteint, au moins partiellement, un de ses objectifs lors du sommet de Tokyo : associer le Canada aux travaux du groupe des cinq ministres des Finances. SIMON PARLIER Pour garantir son indépendance, politique notamment, Amnesty International s’est fixé comme principe d’assurer elle-même son financement. Elle refuse toute subvention gouvernementale et assure son autonomie par les cotisations de ses membres, par des dons soumis à des règles strictes, par la vente de ses publications et par des campagnes locales de fonds. À la fin de sa première année d’existence, les comptes d’Amnesty International présentaient un état de dépenses d’environ 72 000 F. En 1986, le budget international s’élève à 72 000 000 F. Cette augmentation est proportionnelle à la croissance de l’action entreprise. 25 000 membres en France Amnesty compte aujourd’hui 44 sections nationales. La section française a été créée en 1971 ; issue de mai 1968, dans un contexte d’effervescence intellectuelle, elle a été fondée par MarieJosé Protais. Aujourd’hui, elle compte 25 000 membres, soit 433 groupes. Le Secrétariat international confie les dossiers de deux ou trois prisonniers directement aux groupes, qui se réunissent une fois par mois. À partir des directives qu’il a reçues de Londres et en liaison avec la section nationale, le groupe organise sa propre action. En général, les dossiers des prisonniers adoptés sont plus particulièrement pris en charge par trois ou quatre personnes. L’action de ce sous-groupe, qui assure toute la correspondance avec le prisonnier, sa famille, le directeur de la prison, les autorités locales, est le centre de gravité de tout ce qui va être entrepris par les autres membres, qui mènent une action de sensibilisation dans l’opinion publique (conférences sur les droits de l’homme, spectacles, ventes d’objets, stands sur les marchés, informations auprès des écoles). Ces membres, bénévoles, soulignent volontiers l’enrichissement personnel qu’Amnesty International leur apporte : « C’est une ouverture au monde et aux autres, c’est l’universalité de l’action humanitaire entreprise par Amnesty, qui agit partout, dans tous les pays, sans esprit politique et confessionnel. » downloadModeText.vue.download 255 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 254 Discuter directement avec les autorités Les membres d’Amnesty participent activement aux campagnes pour les trois prisonniers du mois. Ces trois cas sont déjà pris en charge par un groupe, mais, leur situation étant jugée particulièrement inquiétante, une vaste campagne de lettres est organisée. Chaque membre va écrire aux autorités compétentes du pays concerné (gouvernements, ambassades) et demander la libération immédiate du prisonnier d’opinion. L’effet recherché est simple : accumuler des lettres provenant du monde entier. Il n’est pas rare que les chercheurs de Londres, au cours de leur mission à l’étranger, découvrent dans les ambassades des paquets de lettres d’Amnesty International. À l’époque où il présidait Amnesty, le Chilien José Zalaquett racontait que, au cours d’une mission en Afrique, les autorités lui montrèrent un paquet de 4 000 lettres adressées seulement par la section française. Ces lettres permettent parfois d’amorcer une discussion directe avec les autorités. En Ouganda, par exemple, lors d’une mission, le gouvernement a déclaré qu’il était prêt à adopter certaines mesures suggérées, telles la ratification d’instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Il a été convenu que le dialogue entre Amnesty International et le gouvernement ougandais se poursuivrait. Un prisonnier pris en charge par Amnesty ne retombe jamais dans l’oubli jusqu’à sa libération. S’il est difficile d’apprécier avec exactitude l’effet produit par les lettres, bien des témoignages permettent de prendre conscience de leur in- térêt. « Je n’imaginais pas que vous aviez tant d’amis dans le monde », déclarait un militaire sud-américain à un prisonnier. Enfin libérés, des hommes et des femmes ont pu décrire ce qu’ils avaient vécu et parlé des messages qui leur étaient parvenus : Mohamed Naji Chaari de Tunis, le 1er janvier 1986 : « Ces cartes que je recevais régulièrement dans ma cellule, il y a bientôt huit ans, et plus particulièrement les tiennes, ont fait renaître en moi l’espoir de la liberté que j’avais failli perdre. » José Luis Massera, ancien professeur de mathématiques et député au Parlement uruguayen, libéré en mars 1984, après huit ans et demi d’emprisonnement pour ses opinions politiques, écrit : « J’ai reçu une lettre directement de Sète. Ce fut un événement dans la prison, non seulement pour moi et mes familiers, mais pour tous les prisonniers, malgré les cloisonnements qui empêchaient la communication entre les différentes parties de ces bâtiments énormes. La nouvelle d’une lettre arrivée de France, d’un tout petit village que personne ne connaissait ! Cela nous a donné l’idée qu’il y avait dans le monde un mouvement très large, auquel participaient des gens qui étaient près de nous. Cela a été la chose la plus importante pour pouvoir résister aux atrocités de la torture et de la prison en général. » Un autre prisonnier d’Amérique latine : « Je suis resté pieds et mains liés pendant huit mois. Le soir de Noël, la porte de ma cellule s’ouvrit et le garde lança à l’intérieur un morceau de papier chiffonné. Je me traînai comme je pus pour le ramasser. Il disait simplement : « Constantin, ne te décourage pas ; nous savons que tu es vivant. » Il était signé downloadModeText.vue.download 256 sur 502 POLITIQUE 255 « Monica » et portait l’emblème d’Amnesty International. Ces mots sauvèrent ma vie et me rendirent mon courage. Huit mois plus tard, j’étais libéré. » « En général un prisonnier d’opinion ne prend connaissance qu’indirectement de l’intérêt d’Amnesty à son égard, lors de railleries de ses geôliers ou dans les lettres des membres de sa famille qui sont strictement censurées, mais cela suffit à lui procurer un sentiment merveilleux : après tout, il n’est pas complètement oublié, quelqu’un pense à lui. L’intérêt de l’opinion publique mondiale sur le sort des prisonniers tchèques nous est essentiel », disait Karel Kynel, journaliste tchèque accusé de subversion. Campagnes 1986 En plus du rapport annuel, Amnesty publie des rapports de missions et des études sur la situation et sur les actions entreprises ou à entreprendre. Voici quelques exemples de ces documents pour l’année 1986. Chili : les commandos clandestins. Le « rapport de mission », publié au mois d’août 1986 affirme que « la menace d’arrestation, d’enlèvement, de torture et même de mort, est une réalité continuellement présente dans la vie d’un millier de Chiliens, qu’il s’agisse de chrétiens travaillant avec l’Église, de défenseurs des droits de l’homme, d’habitants des quartiers pauvres ou de membres d’organisations d’opposition ». Ce texte, qui traite des arrestations politiques, des rafles, des descentes de police et aussi des tortures, auxquelles participent des médecins, fait en particulier état des « agressions et manoeuvres d’intimidation commises par des commandos clandestins, qualifiés familièrement d’inconnus » et qui se sont multipliés depuis 1983 en réaction au mécontentement populaire. Pour Amnesty, leurs actions tendent à « dissuader les Chiliens de participer à des actions jugées contraires à l’intérêt du gouvernement, et ces groupes sont composés d’agents des services de sécurité agissant en secret avec des collaborateurs civils ». Afghanistan : la torture. Le document sur l’Afghanistan, publié en novembre 1986, rapporte de nombreux témoignages de torture recueillis auprès d’anciens détenus. Tout en soulignant qu’il y a d’autres motifs de préoccupation (exécution sommaire d’opposants armés, mais aussi de non-combattants ; déten- tion de prisonniers politiques, dont des prisonniers d’opinion ; condamnations à mort), Amnesty dénonce les divers types de tortures pratiqués par le Khad (service de renseignement de l’État) : passages à tabac ; privation de sommeil ; usage de l’électricité. Plusieurs prisonniers ont donné des noms de détenus qui seraient morts des suites de tortures. Et le rapport poursuit : « La plupart du temps, les prisonniers précisent que le personnel soviétique est présent pendant les séances de torture et participe aux interrogatoires ou les conduit. Par contre, les Afghans sont chargés d’appliquer la torture. » Mais Amnesty ne cache pas que l’opposition a recours elle aussi à la torture et aux exécutions sommaires. Afrique du Sud : les peines capitales. Le document sur l’Afrique du Sud analyse les effets de l’état d’urgence décrété en juillet 1985. À la fin du mois d’octobre de la même année, 400 personnes auraient downloadModeText.vue.download 257 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 256 été détenues depuis le début de l’état d’urgence. Plus de 800 écoliers auraient été arrêtés à Soweto les 22 et 23 août 1985. Parlant également des prisonniers morts en détention et des enlèvements et assassinats d’opposants, Amnesty rappelle que « tous les ans, une centaine de personnes sont pendues en Afrique du Sud » et dresse le tableau des exécutions capitales au cours des dernières années. En 1984 : 115, dont 88 Noirs, 24 métis, 2 Blancs et 1 Asiatique. Critiques et polémiques L’action d’Amnesty International suscite des réactions parfois vives des autorités gouvernementales et de la presse. Le mouvement fait lui-même volontiers état de ces critiques ; leur diversité et leur contradiction apparaissant, globalement, comme un gage de son indépendance. Voici quelques échantillons d’accusations de provenances très diverses. Pour avoir affirmé que 1 600 personnes, au moins, avaient été exécutées en Iran pendant les 28 mois qui ont suivi le changement de pouvoir, Amnesty International se voyait accusée de suivre « les ordres impérialistes et sionistes ». Au même moment, le ministre iraqien chargé des Affaires religieuses affirmait à un journaliste canadien qu’Amnesty International avait des « tendances prosionistes », tandis qu’au ministère de la Justice israélien on jugeait « offensantes » les requêtes d’Amnesty. En septembre 1980, l’ambassade du Zaïre à Londres, répondant à une lettre ouverte d’Amnesty International sur les tortures et exécutions, reprochait à ce mouvement de « s’ériger en agence de propagande idéologique aux fins de dénigrer et de déstabiliser systématiquement le Zaïre ». Enfin, voici un extrait de Memphis Press Scimitar (Tennessee) de février 1982 : « Si Amnesty International a perdu de vue sa vraie mission, il vaudrait mieux qu’elle garde entièrement le silence plutôt que d’alimenter en textes de propagande la Pravda et ses congénères ». Et un autre extrait, de Radio-Moscou, capté par la B.B.C. et reproduit dans le Summary of World Broadcasts, en août 1980 : « Dans l’attaque de propagande massive contre l’U.R.S.S., c’est à Amnesty International qu’est dévolu le rôle de coordonnateur. Les fils qui partent de cette organisation basée à Londres aboutissent aux services secrets américains, britanniques et israéliens, aux centres antisoviétiques de la République fédérale d’Allemagne et aux syndicats réactionnaires des États-Unis. » À ces critiques de caractère politique qui sont depuis longtemps adressées à Amnesty International et qui tendent à s’annuler par leur diversité et leurs contradictions, se sont ajoutées, au cours de l’année 1986, des critiques venues de l’intérieur et qui ont pris finalement l’aspect de « dissidences ». Un courant appelé Lumière s’est organisé à l’intérieur d’Amnesty avant d’entraîner effectivement des départs. Dénonçant, notamment la « faillite de programme d’éducation aux droits de l’homme d’Amnesty International » face au climat de racisme en France et aux bavures policières, les mécontents proclamaient la nécessité de rejoindre des « organismes engagés politique- ment ». Une autre critique a été exprimée par d’anciens responsables, Jean-François downloadModeText.vue.download 258 sur 502 POLITIQUE 257 Lambert, qui fut président de la section française d’Amnesty de 1979 à 1982, date à laquelle il démissionna tout en restant au sein de l’organisation, et Teddy Follenfant, ancien membre du bureau exécutif, qui a été exclu en 1986. Amérique latine La démocratisation se poursuit : des présidents civils sont réélus au Guatemala, au Costa Rica, en Colombie et au Brésil ; en Haïti, J.-Cl. Duvalier est contraint d’abandonner le pouvoir (7 février). Cependant, les démocraties doivent affronter la guérilla ; si la Colombie a consolidé son régime en légalisant une partie de l’opposition communiste, le massacre par l’armée de 200 guérilleros du « Sentier lumineux » a affaibli le gouvernement péruvien. Les dictatures chilienne et paraguayenne résistent encore. Les conflits en Amérique centrale continuent d’inquiéter les États latino-américains, rassemblés dans les groupes de la Contadora (Colombie, Mexique, Panama et Venezuela) et de Lima (Argentine, Brésil, Pérou et Uruguay) ; un appel à la pacification est lancé en janvier. Les cinq pays d’Amérique centrale leur répondent en mai par la déclaration d’Esquipulas (Guatemala), mais l’échec de la réunion prévue en juin révèle la division entre les deux camps sur la question du désarmement. Malgré la condamnation de leur intervention au Nicaragua par la Cour internationale de justice, les États-Unis ont renouvelé leur aide aux forces anti-sandinistes. La dette extérieure du Mexique et du Venezuela est aggravée par la baisse du prix du pétrole. Si le Venezuela réussit sa politique d’assainissement économique, le Mexique et les banques américaines ne parviennent que tardivement à un accord de sauvetage financier. S’inspirant du plan Austral mis en oeuvre par l’Argentine en juin 1985, le Brésil adopte cette année une politique de rigueur financière s’écartant en partie des orientations souhaitées par les organismes prêteurs. Cette orientation contribue au succès électoral du président Sarney. Le second plan cruzado, nom de la nouvelle monnaie, reçoit un accueil défavorable. SIMON PARLIER Les déçus d’Amnesty reprennent une critique souvent faite de l’extérieur : le souci d’équilibre poussé jusqu’à la symétrie. Follenfant explique : « Avoir l’air de mettre sur le même plan le sort des objecteurs de conscience suisses et le génocide au Cambodge ou l’existence du Goulag, en renvoyant dos à dos les démocraties occidentales – où des abus peuvent effectivement se produire – et des régimes auxquels l’horreur et la répression féroce sont consubstantielles, n’est ni sérieux ni utile aux droits de l’homme, bien au contraire. » Mais c’est l’affaire des deux prisonniers iraqiens expulsés de France en février 1986 (finalement libérés et revenus à Paris en septembre 1986) qui a mis le feu aux poudres : Amnesty International a été accusée d’avoir indirectement provoqué l’assassinat de l’un des otages du Liban, Michel Seurat, par ses ravisseurs, en annonçant par erreur l’exécution de l’un des deux Iraqiens. Dans une interview au Quotidien de Paris (14 mars 1986), Teddy Follenfant exprimait cette thèse, reprochant à Amnesty sa « légèreté meurtrière » : « Connaissant la situation au Liban, les responsables d’Amnesty auraient dû savoir qu’une telle information allait provoquer une réaction immédiate... Elle aurait donc dû la garder sous downloadModeText.vue.download 259 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 258 le coude, comme cela se fait souvent. Au lieu de cela, elle l’a lâchée. Cela a enclenché un processus qui a abouti à la mort de Seurat. » Dans une « action urgente » datant du 27 février, Amnesty International exprimait effectivement auprès du gouvernement iraqien et auprès du gouvernement français son inquiétude sur le sort des deux exclus, Hamza Fawzi al-Rubai et Muhammad Hassan Khair al-Din. Dans ce texte, Amnesty recommandait l’envoi de télégrammes aux autorités iraqiennes. L’un des paragraphes était ainsi rédigé : « Demandant confirmation des informations selon lesquelles l’un des deux hommes aurait été exécuté et l’autre risquerait l’exécution à tout moment, insistez pour que, dans ce dernier cas, la condamnation à mort soit commuée ». Dans une partie de la presse, les informations, dont Amnesty International demandait confirmation, ont été données sans utilisation du conditionnel. Face aux critiques, Amnesty faisait notamment observer : « L’annonce non confirmée de l’exécution d’un prisonnier iraqien a été faite dans les médias avant qu’Amnesty International fasse mention d’un tel événement. L’organisation n’a jamais dit qu’un prisonnier avait été exécuté, mais a signalé qu’elle cherchait à vérifier une nouvelle non confirmée... L’assassinat présumé de Michel Seurat a été annoncé cinq jours après la déclaration catégorique du gouvernement iraqien selon laquelle aucun des prisonniers iraqiens n’avait été tué... Nous n’avons fait que notre strict devoir en faisant état des renseignements alarmants que nous avions reçus et qui, fort heureusement, se sont révélés faux... » Quant au reproche, déjà fort ancien, adressé à l’équilibre politique qu’Amnesty pousse jusqu’à la symétrie, l’organisation reste ferme sur ses principes. « Ce sont eux, affirme Chantai de Casablanca, chargée des relations avec la presse pour la section française, qui assoient la réputation d’intégrité de notre organisation, ses succès également. Ce sont eux qui font que nous pouvons nous en prendre à tous les pays, pro-américains ou pro-soviétiques. » Le rôle de l’opinion publique Depuis l’article de Peter Benenson, il y a vingt-cinq ans, l’activité d’Amnesty International, qui lui valut, en 1977, le prix Nobel de la Paix, est liée à toutes les grandes batailles pour la défense des droits de l’homme : Amnesty a soutenu la fondation du Comité des droits de l’homme pour Sakharov (1970) et les accords d’Helsinki (1975). L’une des premières démarches fut faite par Sean Mac Bride, à Prague, en faveur de Mgr Beran, et le premier « prisonnier de l’année » fut désigné : le disciple pakistanais de Gandhi, Abdul Ghaffar Khan. Puis ce furent les interventions contre la torture dans la Guinée de Sekou Touré, contre la répression britannique après les événements d’Aden (1966), la Grèce des colonels (1967), à nouveau contre la Tchécoslovaquie (1968), contre les internements préventifs en Irlande du Nord (1971), le coup d’État au Chili, les « cages à tigres » au Sud-Viêt-nam et les « escadrons de la mort » au Brésil (1973), les agissements de Bokassa et d’Amin Dada, la police secrète Khad dans l’Afghanistan nouveldownloadModeText.vue.download 260 sur 502 POLITIQUE 259 lement occupé (1979), les disparitions en Amérique du Sud, la mort par injection avec appel aux médecins, l’état d’urgence en Pologne (1981). Mais il faudrait citer aussi, pêle-mêle, la Turquie, les Tamouls du Sri Lanka, les Khmers rouges, les vagues d’exécution en Chine, Timor... Il est vrai que pendant ce temps-là des pays de dictature se sont ouverts à la démocratie (Argentine, Uruguay...). Plus de 80 nations ont aujourd’hui ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a pris effet le 23 mars 1976. Fondé sur « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine », ce texte affirme les libertés de conscience, d’expression, d’association. Plus de 40 gouvernements ont également signé la Convention des Nations unies contre la torture, adoptée le 9 décembre 1975. Amnesty International et tous les mouvements qui militent pour les droits de l’homme peuvent s’appuyer sur de tels textes, mais la réalité est loin de ces engagements. Face à l’immensité de la tâche, face aussi aux critiques qui lui sont adressées de l’extérieur et de l’intérieur, Amnesty, et notamment la section française, s’interroge à la fois sur ses méthodes, ses structures et sur les modes d’action à entreprendre. Née dans la vieille Europe, comment cette organisation peut-elle atteindre une dimension plus universelle et s’ouvrir davantage aux pays du tiers monde, à l’Afrique, à l’Asie ? Court-elle le risque de rester plus occidentale ? Comment, par ailleurs, pourra-t-elle garder et renforcer toute sa crédibilité en pénétrant davantage dans les pays les plus fermés, notamment les pays de l’Est ? En dépit des difficultés, des polémiques, voire des crises, l’intuition profonde de Peter Benenson garde toute sa force : la pression de l’opinion publique est essentielle dans la longue bataille pour les droits de l’homme. NOËL COPIN Journaliste, Noël Copin, est directeur de la rédaction de la Croix-l’Événement, il débuta en 1955. Il a été chef du Service politique et rédacteur en chef d’Antenne 2 (1977-1982). downloadModeText.vue.download 261 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 260 Dégel à Stockholm CONFÉRENCE SUR LE DÉSARMEMENT EN EUROPE Élément majeur du processus multilatéral de sécurité en Europe engagé à la suite de l’acte final d’Helsinki (août 1975), la Conférence sur le désarmement en Europe s’est ouverte à Stockholm en janvier 1984. But de l’opération : diminuer les risques de tension et de confrontation militaire sur la totalité du Vieux Continent, de l’Atlantique à l’Oural. Alors même que les négociations de Vienne sur la réduction des armements classiques piétinent depuis 13 ans, le programme de la Communauté de défense européenne pouvait sembler audessus des moyens de 35 nations réunies dans la capitale suédoise. Et pourtant, la quatrième session s’est achevée, le 22 septembre 1986, par un accord. CONFIANCE, SÉCURITÉ ET DÉSARMEMENT Fidèle à la logique qui préside habituellement à ce genre de rencontre, l’URSS réitérait ses propositions sur le non-recours à la force, sur le non-emploi en premier de l’arme nucléaire, et sur la création de zones dénucléarisées. Autant d’accords globaux et de principe que l’Alliance atlantique ne manquait pas d’épingler comme tels, allant même jusqu’à les assimiler à des déclarations d’intention dont la charte des Nations Unies n’est pas avare. Pour Moscou, les prétendues initiatives américaines n’avaient qu’un seul but, essayer de révéler les structures défensives du pacte de Varsovie. L’antagonisme des deux blocs restait intact et il fallait attendre décembre 1984, pour qu’à l’initiative des Neutres, et en particulier à celle de la Finlande, un accord sur les procédures de travail soit entériné. Les pourparlers se sont accélérés en 1986. Nul doute que R. Reagan et M. Gorbatchev n’aient eu intérêt à un bon accord. Si en URSS le crédit politique du numéro un soviétique n’est pas illimité, le président américain, quant à lui, approche de la fin de son mandat. Son intransigeance sur les questions de contrôle des armements est controversée, et par l’opinion publique, et au sein du Congrès. Enfin que ni le bombardement aérien sur Tripoli ni l’affaire Daniloff n’aient pesé sur les négociations ne peut se réduire aux seules vertus du processus multilatéral. L’ESPRIT D’HELSINKI ? Les freins mis à l’activisme diplomatique soviétique tous azimuts et à l’intransigeance américaine ont permis d’adopter un ensemble de mesures contraignantes de confiance et de sécurité. Les 35 États downloadModeText.vue.download 262 sur 502 POINT DE L’ACTUALITÉ 261 signataires s’engagent à « s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force dans leurs relations avec tout État... » Sont également inclus dans le document final de la Conférence de Stockholm : la notification préalable de certaines activités militaires (notamment les manoeuvres), leur observation à partir d’un seuil de 17 000 soldats, ainsi que les calendriers annuels de ces activités. La question de la conformité et de la vérification de ces dispositions contraignantes a fait l’objet de réelles avancées de la part de Moscou. Outre les moyens techniques de contrôle, euphémisme désignant l’usage de satellites, il est également notifié que « chaque État participant a le droit d’effectuer des inspections sur le territoire de tout autre participant ». L’inspection pouvant être terrestre ou aérienne, le choix des avions ou des véhicules sera fait « d’un commun accord ». Ouverte dans un climat politique peu clément – pour mémoire, rupture des négociations de Genève, déploiement des missiles américains en Europe et épisode du Boeing sud-coréen abattu par la chasse soviétique –, la Conférence de Stockholm apparaît à bien des égards comme un succès. Il n’en demeure pas moins que la négociation a revêtu dans les dernières semaines un caractère accentué de bloc à bloc que nombre de pays participants ont jugé contraire à l’esprit d’Helsinki. On pouvait se consoler en espérant que la rencontre de Reykjavik entre R. Reagan et M. Gorbatchev bénéficierait de cette embellie ; de toute évidence, le ciel s’est couvert en Islande. PHILIPPE FAVERJON downloadModeText.vue.download 263 sur 502 262 Société 1986L es chiffres nous font parfois des clins d’oeil. Un siècle auparavant, le 28 octobre 1886, les Français offraient aux États-Unis la statue de la Liberté éclairant le monde. Cent ans après, les descendants de Bartholdi et d’Eiffel, principaux artisans de cette oeuvre symbolique, sont toujours aussi attachés à la liberté. Ils s’effraient de la voir bafouée dans la plupart des pays du monde et ils grondent chaque fois qu’elle leur paraît menacée dans le berceau des droits de l’homme et du citoyen. Liberté chérie Dans le tiercé gagnant de la République (Liberté-Égalité-Fraternité), l’ordre d’arrivée varie selon l’époque. Les années 40 et 50 avaient été placées sous le signe de la Fraternité : au front, dans la Résistance, puis dans les entreprises et les institutions chargées de reconstruire le pays après les années de guerre. Les années 60 et 70 avaient été celles de l’Égalité. La croissance économique avait provoqué un enrichissement général, dont la plupart des catégories sociales avaient largement bénéficié. Le maître mot des années 80 est indéniablement celui de Liberté. Le seul capable en tout cas de mobiliser des individus qui ne descendent plus facilement dans la rue, préférant la douceur du foyer à l’inconfort de la contestation. On se souvient des manifestations de soutien à l’école « libre », qui rassemblèrent le 24 juin 1984 un million et demi de parents (dont les enfants étaient pour beaucoup inscrits à l’école laïque). On se souvient des pressions sociales qui ont permis la reconnaissance et la multiplication des radios « libres », puis la « libération » progressive de la télévision du monopole étatique. Le mot libéralisme lui-même a bénéficié d’un a-priori favorable dans l’opinion (avant même qu’elle n’en découvre le contenu) parce qu’il évoquait le mot liberté. C’est au nom de cette liberté que se développent les formes actuelles de l’individualisme, caractéristique de cette fin de siècle. Ainsi, les mentalités ont bien changé depuis Tocqueville qui prétendait que « les Français veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage »... 1968-1986 : L’Histoire ne se répète pas C’est aussi pour la liberté, celle de l’accès aux diplômes et surtout à l’emploi, que les lycéens et les étudiants ont défilé en downloadModeText.vue.download 264 sur 502 SOCIÉTÉ 263 décembre 1986. Là encore, les chiffres nous font un clin d’oeil malin. 86, c’est 68 à l’envers ; il n’en fallait pas plus pour que le spectre de l’historique mois de mai se profile dans les esprits, et aussi dans les médias ! Mais si les chiffres étaient inversés, les situations l’étaient aussi. Les jeunes de mai 68 étaient en révolte contre la société industrielle. Ceux de 86 revendiquaient au contraire le droit de s’y intégrer. Une nuance de taille, qui mesure aussi l’évolution depuis vingt ans. Âgés aujourd’hui de 15 à 20 ans, ces lycéens et étudiants sont nés entre 1965 et 1970. Ils n’ont donc connu que la « crise », ou plutôt les crises qui se sont succédé depuis leur naissance : crise culturelle, dont les premiers symptômes remontent à 1965 ; crise économique, conséquence du choc pétrolier de 1973 ; crise démographique, apparente sur les courbes de natalité dès 1974. Crise politique, aussi, avec les bouleversements de 1981 (arrivée de la gauche au pouvoir), de 1983 (renversement de la politique économique) et de 1986 (retour de la droite et mise en place difficile d’une politique libérale). Dans le même temps, l’évolution technologique provoquait un grand chambardement des métiers et rendait nécessaire la restructuration industrielle. Enfin, les nuages s’accumulaient sur l’Europe, qui ne parvenait pas à stabiliser sa population, à résoudre le problème de ses immigrés, à améliorer sa compétitivité par rapport au Japon, aux États-Unis ou à l’Asie du Sud-Est, à trouver le vaccin contre le terrorisme... Au total, les jeunes auront donc connu beaucoup de chocs et de crises pendant leurs années d’enfance. C’est ce qui explique que les manifestants de décembre 1986 n’étaient pas à la recherche de l’utopie perdue mais, plus prosaïquement, d’un emploi, du droit d’entrer dans le monde des adultes autrement que par la porte du chômage. Dans ce contexte, la loi Devaquet ne constitua qu’un prétexte, la goutte d’eau qui fait déborder le vase et produit donc littéralement le « ras le bol ». Cette courte révolte des lycéens et des étudiants ne saurait être considérée comme un épiphénomène. Elle traduit une inquiétude réelle et grandissante (les sondages de l’année 86 le montraient nettement) devant ce qui leur apparaît comme un paradoxe inadmissible : une société moderne, démocratique, à la technologie avancée, qui érige la consommation en dogme et prône la réussite, ne peut plus reconnaître à ses plus jeunes membres le droit au travail, c’est-à-dire à l’intégration sociale. C’est la dignité de l’individu qui est bafouée si on ne lui permet plus de trouver sa place dans la collectivité. L’insécurité sociale Si les adultes se sont, dès le début, sentis solidaires des manifestations étudiantes, c’est parce qu’ils ressentaient eux aussi durement l’insécurité de l’époque, et qu’ils étaient inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Il faut dire que l’année 1986, en particulier au cours des quatre derniers mois, aura été fertile en événements dramatiques. Les attentats terroristes de septembre avaient déclenché des réflexes de repli chez les Parisiens qui avaient déserté les restaurants, les salles de spectacle et les grands magasins. L’assassinat de Georges Besse, la tentative manquée contre Alain Peyrefitte, l’intimidation des jurés au cours du procès de Régis Schleicher avaient downloadModeText.vue.download 265 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 264 entretenu cette atmosphère de crainte et cette impression de vulnérabilité nationale. Les soubresauts de la cohabitation avaient aussi beaucoup agacé des citoyens qui avaient rêvé « d’autre chose », d’une sorte d’union nationale, d’un compromis historique entre les valeurs de la gauche et l’efficacité économique de la droite. Au lieu de cela, les protagonistes de la cohabitation leur donnaient le spectacle de joutes d’un autre temps. En cette fin d’année 1986, le « sociobaromètre » restait à la tempête. Après les étudiants, les cheminots se mettaient en grève, paralysant progressivement la vie des entreprises comme celle des individus. Le conflit, qui se prolongeait jusqu’à mi-janvier 1987, ne devait profiter à personne ; l’économie et le climat social en sortaient également affectés. L’incertitude quant aux valeurs sur lesquelles reposera la France de demain explique en partie le sentiment d’insécurité des Français. On craint toujours plus ce que l’on ignore que ce que l’on connaît. Il s’y ajoute la « peur technologique » ressentie par beaucoup, face aux développements possibles de l’ordinateur ou de la génétique. Les catastrophes qui se sont produites en 1986 (Tchernobyl, pollutions du Rhin par les industries chimiques, etc.) ont sans doute renforcé cette peur. Mais il existe aussi d’autres formes d’insécurité, liées aux menaces pesant sur l’avenir du monde. Celle, par exemple, qui concerne le non-respect des droits de l’homme. Bien peu d’êtres humains ont la possibilité de s’exprimer librement, à l’intérieur d’une démocratie. La famine et la malnutrition, qui touchent environ le quart de la population mondiale, ne constituent pas seulement une atteinte à la justice la plus élémentaire, mais un risque d’explosion entre les pays riches et les autres. Le spectre de la guerre est donc très présent dans les esprits, dans ses quatre dimensions contemporaines : guerre économique entre les nations industrialisées ; guerre terroriste de déstabilisation des états démocratiques ; guerre « sainte » conduite par les partisans de l’islamisme (voir l’« Intégrisme » musulman par Olivier Carré) ; guerre conventionnelle embrasant en permanence les « points chauds » de la planète. Sans oublier, bien sûr, le risque d’une guerre nucléaire déclenchée par les rêves hégémoniques de certains dirigeants. La responsabilité des médias L’un des enseignements majeurs de cette année 1986 fertile en événements est que le poids des médias sur la vie sociale se fait de plus en plus lourd, dans la plupart des domaines qui concernent la vie quotidienne des Français. Parmi eux, le terrorisme est sans doute le plus probant, qu’il s’agisse des attentats perpétrés en France ou des otages français détenus au Liban, objets d’un long et douloureux chantage, par gouvernements et télévision interposés. L’influence des médias sur la vie sociale concerne la plupart des représentations collectives qui prévalent aujourd’hui : le système de valeurs, les mentalités dominantes, les opinions les plus répandues, les images des personnes, des institutions, des objets ou des idées, la perception de l’art contemporain, les rêves et aspirations du plus grand nombre, les phénomènes de mode, les signes extérieurs de la « réusdownloadModeText.vue.download 266 sur 502 SOCIÉTÉ 265 site », la notoriété et la popularité des personnages publics (voir les Nouveaux Gourous) sont tous plus ou moins influencés par la place que leur accordent les médias et la façon dont ils en parlent. L’importance et la variété des services rendus par les médias expliquent aussi l’influence parfois négative qu’ils ont sur ceux à qui ils s’adressent. La « morosité » des Français, leur peur panique de l’insécurité, leur angoisse face au futur seraient sans doute moindres sans l’insistance de la presse écrite et audiovisuelle à montrer les manifestations de désordre, de délinquance ou de folie qui se produisent quotidiennement en France et dans le monde. Si le public n’est pas toujours conscient du pouvoir que les médias exercent sur la vie sociale et sur celle de chacun, les chefs d’entreprise savent combien il est important de maîtriser les outils de la communication. C’est pourquoi beaucoup se sont déclarés candidats au rachat ou à la création des nouvelles chaînes de télévision (voir les Géants de la communication, par Francis Balle et Joseph Vebret). La mise en place du PAF (paysage audiovisuel français) ne constitue pas seulement un enjeu économique ; elle aura des répercussions considérables sur la vie culturelle, politique et sociale du pays. La télévision constitue évidemment un élément prépondérant de ce paysage. Plus que les autres médias, elle fait et défait les vedettes, les succès, les images des personnes et des organisations. Si elle crée rarement de toutes pièces un phénomène de popularité, elle l’accélère et l’amplifie de façon parfois inquiétante. Une éclatante démonstration de l’influence de la télévision a été donnée en décembre 1986, lors des manifestations des étudiants. Qui pourrait nier que la nature et la forme de ces manifestations ont été influencées par la façon dont la télévision en a rendu compte jour après jour ? Ainsi, il semble que les caméras se sont plus volontiers portées sur les jeunes filles que sur les jeunes hommes, au point que beaucoup de téléspectateurs ont eu l’impression (fausse) qu’il s’agissait pour l’essentiel d’un mouvement féminin, voire féministe. Sans entrer dans une polémique de nature politique, il semble également que les journalistes aient plus insisté sur les « bavures » policières que sur les actions et l’identité des provocateurs. Une image, reprise par tous les médias, résume à elle seule cette simplification de la réalité : une jeune fille munie d’un porte-voix s’adresse aux personnes qui sont devant elle et montre sa main gauche ensanglantée. Pour les millions de Français qui l’ont vue et revue, cette image forte ne pouvait signifier que deux choses : le mouvement était mené par des femmes ; les forces de l’ordre déchaînées n’avaient pas hésité à s’attaquer à elles et à faire couler le sang... Ainsi, l’histoire immédiate n’est plus indépendante de la façon dont elle est montrée et commentée en temps réel par les médias. L’image qu’ils donnent des événements et des personnes qui y sont impliquées joue un rôle considérable dans notre vision du monde et dans notre mode de vie. C’est l’une des grandes leçons de cette année 1986. Il ne fait guère de doute qu’elle sera confirmée et amplifiée au cours des prochaines années. C’est dans un nouveau type de démocratie qu’il faudra donc apprendre à vivre. GÉRARD MERMET downloadModeText.vue.download 267 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 266 L’« intégrisme » musulman Par des publications, des revendications et des manifestations réitérées, un profond courant de l’opinion musulmane proclame la nécessité d’une application stricte des règles de l’islam dans la vie publique comme dans les comportements privés. Au cours des dernières années, cette conception radicale de l’islam s’est propagée à travers le monde musulman, du Maroc à l’Indonésie. Pour désigner ce phénomène, les médias emploient l’expression d’intégrisme musulman dont l’usage s’est largement répandu. Le terme d’islamisme a la préférence des observateurs spécialisés. Plusieurs événements survenus au cours de l’année 1986 signalent la permanence, à travers le monde, de ce qu’on est convenu d’appeler l’« intégrisme » islamique. L’Iran poursuit l’établissement d’institutions politiques et sociales qualifiées d’islamiques. Au Liban, le radicalisme a, de manière frappante, connu un grand essor. Le Ḥizb-Allāh (Parti de Dieu, qui n’est pas le Parti des fous de Dieu évoqué parfois par la presse) regroupe des chiites libanais ; il est capable, désormais, de concurrencer sérieusement le mouvement Amal (Espoir), de Nabih Berri, et même de l’affronter par les armes à Beyrouth, à Baalbek, et au sud du Liban. La guérilla islamique « intégriste » provoque en Afghānistān de meurtrières offensives soviétiques. Des procès ont été aussi intentés au Maghreb contre des activistes islamiques au cours de l’année 1986. Comme l’expression « intégrisme islamique » désigne aujourd’hui des phénomènes très différents et parfois antagonistes, il faut essayer de présenter à grands traits la variété des formes d’action de l’« intégrisme islamique » dans le monde, puis les grandes idées et revendications qu’il diffuse. Enfin, nous essaierons de comprendre ces phénomènes « intégristes », en recherchant leur signification et en repérant certaines causes probables du mouvement. Les formes d’action Les formes d’action oscillent entre une certaine participation au pouvoir, le groupe de pression plus ou moins pesant, et l’action insurrectionnelle aboutissant éventuellement à des gouvernements « intégristes » islamiques. downloadModeText.vue.download 268 sur 502 SOCIÉTÉ 267 La participation au pouvoir. Des activistes islamiques occupent des postes au gouvernement en Jordanie, au Koweït, au Yémen du Nord, au Qatar, au Soudan. Des personnalités du mouvement des Frères musulmans, fondé en Égypte en 1928, partagent les responsabilités du pouvoir dans ces pays, enseignent dans les universités, sont actifs dans l’armée et dans la presse. Depuis la fin des années 1970, la Jordanie a soutenu sur son territoire la résistance islamique syrienne. Le Soudan a suivi depuis 1983 les directives des Frères musulmans et instauré une application pénale rigoureuse, peu musulmane en fait, de la Charī«a (lois islamiques variables, inspirées du texte du Coran et, surtout, des textes du Ḥadīth, traditions attribuées à Mahomet). Les groupes de pression. Les intégristes islamiques constituent des groupes de pression, de force croissante en Turquie, où le Parti du salut national, entre autres, remet en cause le kémalisme. En Égypte, après l’assassinat de Sadate, en octobre 1981, par un groupe extrémiste appelé Djihād (Guerre), les Frères musulmans historiques ont restauré leur influence, d’autant qu’ils se démarquent publiquement des extrémistes et les condamnent. Militant pour l’application de la Charī«a, ils ont obtenu des résultats tangibles en matière de droit de la famille. En Algérie, des groupes, étiquetés du nom général et vague de Frères musulmans, ont obtenu un Code de la famille écrit qui leur est favorable sans exclure des solutions « émancipées » optionnelles. Au Maroc, en Tunisie, au Mali, au Sénégal, ailleurs encore, le mouvement islamique accentue, comme en Algérie, la division des mentalités entre islamiques intransigeants et « modernes » marqués par la culture française. Les universités sont, dans ces pays, les foyers privilégiés de l’intégrisme. En Inde, les courants musulmans activistes misent sur les très fortes minorités musulmanes, structurées par la Djama«at i-islāmī (Communauté islamique). Les insurrections islamiques. Dans quelles circonstances un groupe de pression réprimé et opprimé est-il conduit à la révolte ? On a connu des insurrections islamiques, « intégristes », selon le vocabulaire reçu. Aujourd’hui, c’est l’Afghānistān, le Liban et la Syrie ; c’était l’Égypte au début des années 1980 ; ce fut, par un putsch militaire, la Libye en 1969, le Pākistān en 1976, et, dans le cadre d’un soulèvement populaire guidé par une coalition de partis en majorité « islamiques », l’Iran en 1978-1979 ; ce fut, plus tôt, l’Arabie Saoudite, créée par un mouvement puritain politico-religieux, le wahhābisme, véhiculé par la force de la famille Saoud, au cours des années 1920. Ces révolutions ont toutes installé des régimes qui se veulent « islamiques », qui instaurent un Code pénal dit « coranique » et appliquent les peines du talion censées remplacer l’incarcéra- tion (mort, lapidation ou amputation). Même les « zones libérées » par la résistance islamiste afghane pratiquent ce système. En Iran, l’état de guerre intérieure et extérieure justifie aussi des exécutions capitales immédiates, sans procès, au nom de la guerre sacrée contre les « hypocrites ». L’arsenal des enlèvements, piratages, chantages sur des otages, attaques suicidaires, a pris un essor efficace grâce à la publicité automatique des organes de presse occidentaux. Ce « terdownloadModeText.vue.download 269 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 268 rorisme publicitaire » que l’on a appelé le « nucléaire du pauvre » est l’une des armes bien utilisées par « l’intégrisme » islamique. En Afghānistān, la résistance nationale au régime communiste prosoviétique (1978), puis à l’armée soviétique d’occupation (1979) a pris une tonalité islamique « intégriste » ; les associations d’ulémas traditionnellement non engagées se sont ralliées à cette tendance. En Syrie, d’une manière assez comparable, le front d’opposition au régime baassiste a été piloté par les nouveaux Frères musulmans, en 1980-1981. Une confrontation de grande ampleur a eu lieu début 1982 à Ḥama ; elle a été sanctionnée par un bain de sang aveugle de la part de l’armée syrienne. Depuis, le combat s’est déplacé vers le Liban, par groupes interposés, en particulier au nord, à Tripoli, parmi les sunnites (mouvement Tawḥīd), à Beyrouth, à Baalbek et, au sud, parmi les chiites radicaux (Ḥizb-Allāh). Dans la partie du Liban non chrétien qu’il occupe depuis 1976, le pouvoir syrien est vulnérable, face aux divers groupes « intégristes islamiques » qui s’y sont épanouis au cours des années 1980, et surtout au lendemain de l’invasion israélienne de l’été 1982. Cette pression conjuguée de la Syrie et d’Israël sur le Liban et contre les Palestiniens a déclenché une mobilisation musulmane violente et radicale, alors que, précédemment, les musulmans libanais, tant sunnites que chiites, représentaient un élément modérateur dans la guerre civile qui, depuis 1975, opposait les Maronites radicaux, les Palestiniens et le parti des Druzes. Le Ḥizb-Allāh, chiite, et le Tawḥīd (Unification), sun- nite, à Tripoli, revendiquent la dilution du Liban non plus dans une grande Syrie, ni, certes, au profit d’un petit État maronite, mais dans un Empire islamique parti de Téhéran. Ajoutons à ce panorama des mouvements insurrectionnels « intégristes » islamiques quelques actions sporadiques downloadModeText.vue.download 270 sur 502 SOCIÉTÉ 269 remarquables : ainsi, l’occupation « terroriste » de la mosquée de La Mecque à la fin de 1979, et les menaces de pèlerins iraniens armés lors du Hādjdj de 1986. Apparemment, un groupe de pression « intégriste » islamique peut donc, dans certaines circonstances, passer à des actions insurrectionnelles, particulièrement dans les États où il est réprimé. Religions L’histoire présente des religions reflète les inquiétudes des hommes qui, dans le même temps, sont marqués par le développement du doute métaphysique et éprouvent le besoin de trouver un refuge spirituel en marge des institutions religieuses officielles. C’est pourquoi les grandes religions monothéistes – christianisme, judaïsme, islam – sont aux prises avec des intégrismes de plus en plus agressifs. C’est pourquoi, aussi, prolifèrent et recrutent des sectes ou des « organisations à prétention religieuse ou philosophique » qui prétendent fournir un remède au désarroi moral des hommes de la fin du XXe siècle. Église catholique L’année 1986 est encore dominée par la personnalité, à la fois charismatique et complexe du pape Jean-Paul II, dont l’enseignement doctrinal – notamment en matière d’éthique sexuelle et matrimoniale et en ce qui concerne le célibat des prêtres – se situe généralement dans la tradition catholique la plus orthodoxe et la moins aventureuse, mais dont certaines démarches et prises de position témoignent d’une conscience universelle des besoins des hommes et d’un oecuménisme dynamique. Si l’encyclique Dominum et vivificantem, consacrée à l’Esprit-Saint, publiée le 30 mai, est en fait une méditation personnelle sur la Trinité et, par voie de conséquence, sur l’Église inspirée par l’Esprit de Dieu, l’Instruction sur la liberté chrétienne et la libération, rendue publique le 5 avril par la congrégation pour la Doctrine de la foi, sort des sentiers battus : car, si elle insiste, une fois encore, sur le dialogue et la concertation nécessaires dans les situations d’oppression, spécialement en Amérique latine, elle n’exclut pas la nécessité, en certains cas, du recours des opprimés à la résistance, passive ou active. Ce qui constitue une nouveauté remarquable dans le développement de la théologie de la Libération, abordée jusque-là par l’Église romaine avec d’extrêmes réserves, qu’on retrouve au niveau des rapports personnels avec Rome des théologiens de la Libération. En général, d’ailleurs, la curie reste méfiante à l’égard des théologiens considérés par elle comme trop hardis. Ainsi, l’Américain Curran, est privé de chaire en raison du « caractère dangereux » de son enseignement en matière sexuelle ; le Néerlandais Schillebeeckx, le 15 septembre, pour la quatrième fois, fait l’objet d’une « notification » sévère de la part du cardinal Ratzinger, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi. Si, le 27 octobre, par un geste sans précédent, Jean-Paul II rassemble, à Assise, en un « sommet », marqué par la prière et le jeûne en faveur de la paix et de la fraternité universelles, les représentants de toutes les religions, le problème du sacerdoce consacré des femmes continue à se heurter à l’opposition absolue de l’Église romaine, comme en témoigne, en juin, le vif échange de lettres entre l’archevêque de Canterbury et le cardinal Willebrand, président du secrétariat romain pour l’Unité des chrétiens. Cette attitude contrastée se retrouve au cours des trois voyages, hors d’Italie, accomplis par Jean-Paul II en 1986. En Inde downloadModeText.vue.download 271 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 270 (1er -11 février), le pape se fait l’avocat des démunis, qui pullulent dans ce pays, tout en rappelant l’essentiel de l’éthique chrétienne, pourtant très différente de celle de l’hindouisme. En Colombie (1er-7 juillet), il in- siste sur les liens de subsidiarité qui doivent être maintenus entre riches et pauvres, tout en souhaitant la libération de ceux-ci. À Lyon, Taizé, Paray-le-Monial, Ars, Annecy (4-7 octobre), l’exaltation du culte du SacréCoeur et de la spiritualité traditionnelle du patron des prêtres français, saint Jean-Marie Vianney, et de saint François de Sales, s’accompagne d’un appel à l’oecuménisme le plus large et le plus fraternel et à la nécessité du service des pauvres, magnifiés en la personne d’Antoine Chevrier, fondateur des prêtres du Prado, que le pape béatifie solennellement en présence de 300 000 personnes réunies à Lyon. Protestantisme Du 18 au 21 mai, à Genève, est commémorée l’adoption, par la ville de Calvin, le 21 mai 1536, de la Réforme. Cette commémoration, marquée notamment par un culte solennel et par une cérémonie au Mur des réformateurs, donne l’occasion aux réformés venus du monde entier de célébrer la pérennité de l’oeuvre calviniste et de mettre en lumière l’apport du protestantisme à la civilisation moderne avide de tolérance, de liberté, d’esprit critique, mais aussi de spiritualité authentique. Judaïsme Le grand événement de l’année 1986 est de caractère oecuménique, on peut même dire insolite et historique ; il s’agit de la visite que, le dimanche 13 avril, Jean-Paul II fait à la synagogue de Rome. Même si les ombres sont encore nombreuses au tableau des relations judéo-chrétiennes, le pape franchissant, le premier dans l’histoire, le seuil d’une synagogue, lisant les psaumes près de la Théba, là où sont conservés les rouleaux de la Torah, près du chandelier à sept branches, vient éclairer ce tableau d’une lumière absolument nouvelle. Malgré quelques réticences – le pape n’a parlé ni de « repentance chrétienne » ni de la reconnaissance par le Vatican de l’État d’Israël –, cette visite est fortement ressentie et saluée avec joie par le judaïsme tout entier. Cet événement ne peut cependant faire oublier « l’incident d’Auschwitz », les communautés juives, confortées en cela par les associations consacrées au rapprochement entre juifs et chrétiens, ne pouvant admettre l’installation d’un carmel polonais à la lisière du camp d’extermination d’Auschwitz- Birkenau, considéré par les juifs comme le haut lieu, le symbole sacré de la Shoah, cette élimination systématique et concertée du « Peuple de Dieu » par les nazis. L’attribution, le 14 octobre, du prix Nobel de la paix à Elie Wiesel, le chroniqueur de « l’Holocauste », donne un relief particulier aux déclarations, tractations, rencontres et communiqués dont le carmel d’Auschwitz continue de faire l’objet. PIERRE PIERRARD Idées et revendications des islamistes L’action des islamistes est guidée par des idées largement répandues et s’exprime par des revendications bien connues. Nous présentons d’abord celles des groupes extrémistes les plus visibles et les plus dangereux à première vue. Puis nous rappellerons l’utopie islamique des groupes historiques et son influence récente sur l’appareil international de l’islam actuel. Les fondements de l’action des mouvements extrémistes. Les idées et les actions extrémistes se résument partout downloadModeText.vue.download 272 sur 502 SOCIÉTÉ 271 ainsi : il est urgent d’établir un pouvoir islamique par la force, par une guerre sacrée intérieure contre le pouvoir impie en place et, sous forme révolutionnaire mondiale, contre les soutiens impies, « ignorants », de ce pouvoir activement contraire à l’islam. L’état le plus précis de ces programmes islamistes est dressé dans un opuscule publié par Abd alSalām Farag, qui a été considéré comme le « cerveau de l’attentat » contre Sadate en 1981 et comme l’instigateur du « complot khomeyniste » au Caire et à Assiout, avant d’être condamné à mort au Caire et pendu en 1982. L’écrit de Farag est, en grande partie, une mosaïque de citations de Ibn Taymiyya (mort en 1328), auteur considérable qui a quelque peu inspiré le réformiste Rachīd RiḠa (mort en 1935) et le courant wahhābite-saoudien. Ce que reproche foncièrement ce petit livre au public musulman instruit, c’est de taire, ou d’omettre, le devoir de contestation, violente s’il le faut, d’un pouvoir politique infidèle à l’islam. Cet opuscule évoque le passage de la théorie, elle-même marginale en tradition musulmane, du takfīr (excommunication) et de la guerre musulmane (djihād, ou, mieux, qitāl, terme coranique), interne et révolutionnaire, à celle du meurtre (gatl) individuel et sélectif. La grave erreur de cet écrit, du point de vue de la pratique du droit musulman, c’est qu’il suit des avis autorisés d’un juriste musulman du XIVe siècle, à Damas, dans le contexte de l’époque (la menace militaire mongole), et non des avis de grands juristes musulmans actuels, en réponse à des situations présentes. Pour Farag, l’impiété exige une action révolutionnaire islamique. C’est là le fruit sommaire et utopique, mais mobilisateur, d’une lecture littérale, rapide, du Coran et de certains commentaires. L’ignorance anté-islamique (Djāhiliyya) des musulmans d’aujourd’hui et, surtout, de leurs gouvernants, déclarés idolâtres, exige la guerre (qitāl) et donc le meurtre (qatl), car la guerre est une collection de meurtres. Donc, l’ordre coranique : « Tuez les idolâtres où qu’ils se trouvent ! » (Coran, IX, 5), s’applique, pour les « intégristes » violents, de nos jours, tout de suite, à commencer par les pays dits musulmans. Le phénomène religieux musulman comme courant politique militant, ou du moins revendicatif, s’exprime même au niveau de l’appareil mondial de l’islam, comme en témoignent des documents officiels récents : l’un est la Constitution islamique modèle, adoptée en décembre 1978 par le 9e congrès des ulémas au Caire et complétée par le Conseil islamique mondial en 1983 ; l’autre est la Déclaration islamique universelle des droits de l’homme, promulguée à Paris, à l’UNESCO, le 19 septembre 1981, par le Conseil islamique mondial. Les activistes musulmans, les « islamistes », ne se contentent pas de désobéir aux chefs fautifs en certaines matières fautives, comme le permettent la Constitution islamique (article 45), et la Déclaration (§II. b1 et XII. c1). Ils sont convaincus du devoir d’une révolution politique et violente. L’influence des mouvements « inté- gristes » historiques. Les mouvements « intégristes » historiques sont beaucoup plus proches des idées actuelles de l’appareil de l’islam que des idées des groupes extrémistes récents. Au cours des deux dernières décennies, les idéologues radicaux marquants de cette tendance sont downloadModeText.vue.download 273 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 272 l’Égyptien Sayyid Quá¹ b (mort en 1966) et le Pakistanais Abūl-«Alā’ Mawdūdī (mort en 1979) ; ces penseurs ont professé des opinions plus avancées que celles de leurs aînés, les Frères musulmans des années 30 et 40. Les groupuscules radicaux, tels que Taḥrīr, (Libération islamique) Takfīr (Anathème), Djihād (Guerre sacrée), Tawḥīd (Unification), ne font-ils que suivre les idées et programmes de Mawdūdī et de Quá¹ b ? En réalité, il y a une grande distance entre la casuistique de Quá¹ b, réfléchie et cultivée, et celle des « illuminés » actuels qu’on nomme souvent les « quá¹ bistes ». Ce qui est exact, c’est que l’idée qutbienne de takfīr actif, esprit d’excommunication générale et ferment d’un Djihād comme action révolutionnaire interne, a inspiré les dissendences extrémistes actuelles. Dès la fin des années 50, sous l’influence personnelle de Sayyid Quá¹ b, dont les écrits sont largement diffusés à travers le monde arabe et traduits en plusieurs langues, la pensée des Frères musulmans se concentre sur le thème politique et non plus sur le problème social. Elle met en avant la formule « l’État (ou le gouvernement) islamique », ou encore la « souveraineté politique exclusive (ḥākimiyya) de Dieu » face à la tyrannie (qui est une impiété, kufr) des sociétés arabes occidentalisées, marxisées, matérialistes, « ignorantes et anté-islamiques » (Djāhiliyya). Voilà les concepts clés dorénavant, et ils sont politiques. La justice sociale n’est pas oubliée ; on l’honore toujours, mais au second plan, et en évitant le mot « socialisme », si dévalué par le bilan de l’expérience nassérienne et par l’oppression des régimes socialistes en pays musulmans. Pour les Frères musulmans emprisonnés dans les années 50 et 60, il faut avant tout une révolution politique. L’« État islamique » instauré, tout ira bien, puisque la Loi sacrée (Charī«a), avec ses exigences sociales, sera enfin appliquée. Sur le type de gouvernement, voici l’idée de Sayyid Quá¹ b première manière : « Aucun souverain (musulman) ne détient un pouvoir religieux directement du Ciel... Il ne tient sa place que par le choix entièrement et absolument libre de tous les musulmans. De plus, il ne doit tenir son pouvoir que de sa continuelle application de la Loi » (la Justice sociale en islam, 1949). Justice Depuis la constitution du gouvernement issu des élections législatives du 16 mars 1986, le ministre de la Justice, M. Chalandon, a fait porter ses efforts sur un meilleur « management » de la justice, la mise en place d’une politique sécuritaire, un effort de modernisation du système pénitentiaire, le lancement d’une politique de chantiers pour les détenus, les jeunes majeurs, les mineurs et la lutte contre la toxicomanie. Si le ministre a réussi à faire accepter sans trop de heurts les projets de lois sur la sécurité (v. Législation), son action dans le secteur de l’éducation surveillée, dans le domaine pénitentiaire et dans celui de la lutte contre la toxicomanie a suscité une opposition certaine. En ce qui concerne l’éducation surveillée, le ministre privilégie le développement des chantiers de jeunes et étudie la formule de création d’établissements spécialisés pour les mineurs récidivistes. downloadModeText.vue.download 274 sur 502 SOCIÉTÉ 273 Dans le domaine pénitentiaire, il mène de front, avec la modernisation du secteur public, la mise en place de la privatisation des prisons. Il s’agit de charger des groupes privés, sur la base d’un cahier des charges, de concevoir, réaliser et financer des établissements pénitentiaires qui seront loués par l’État. Le secteur privé n’accueillerait pas de détenus condamnés à de longues peines et réserverait certaines responsabilités particulières à des agents de l’État. Avec de nouvelles mesures de prévention, la lutte contre la toxicomanie a appelé la mise en place de moyens permettant une stricte application de la loi de 1970. Celle-ci donne au juge la possibilité d’envoyer le drogué dans un centre de soins ou en prison s’il refuse de se faire soigner. Dans cette perspective, d’ici à l’été 1987, 1 600 places seront rendues disponibles dans des centres fermés de désintoxication placés sous le contrôle de la justice et 2 000 places d’accueil seront réservées dans des centres associatifs. L’aggravation des mesures législatives contre les trafiquants est parallèlement prévue. Sayyid Quá¹ b nuance ici l’idée habituelle qu’ont les orientalistes du régime politique islamique, vu comme « théocratie (laïque) égalitaire » (Massignon ; Gardet), ou comme « État théocratique » de Médine (Rodinson). Mais aussi, écrit plus tard Quá¹ b, « la révolution totale contre la souveraineté des créatures humaines dans toutes ses formes et en toute institution, la rébellion totale en tout lieu de notre terre, la chasse aux usurpateurs (de la souveraineté divine) qui dirigent les hommes par des lois venues d’eux-mêmes, cela signifie la destruction du royaume de l’homme au profit du royaume de Dieu sur la terre... » (À l’ombre du Coran, 1950-1964). Ce ton radical tranche sur la grande tradition musulmane. En effet, la guerre musulmane classique devient ici une guerre intérieure permanente. Quá¹ b ne prêche pas explicitement le tyrannicide ou le terrorisme sélectifs ; mais les groupes extrémistes actuels le feront, islamisant ainsi le thème de la « guerre révolutionnaire » menée par une « avant-garde » consciente et active, idée moderne non conforme à la grande tradition musulmane. Ajoutons l’idée de justice sociale islamiquement inspirée, très élaborée dans les années 40 et 50, en particulier par Quá¹ b dans la Justice sociale en islam, déjà cité. Pas de ribā (usure et tout prêt à intérêt), mais la zakāt (aumône systématisée en impôt sur le revenu et sur la fortune), voilà l’ordre islamique rêvé, entrevu, encore inconnu. Dans cette ligne, il y a aujourd’hui à travers le monde musulman, en particulier en Égypte, en Inde, au Pākistān, en Europe, des « banques islamiques » dont les règlements honorent ces principes. À Damas, au moment même de l’union syro-égyptienne nassérienne, le chef des Frères musulmans syriens, MuṣṠafa al-Sibā«ī, publiait son Socialisme de l’islam (1959), best-seller des années 60. En Iran révolutionnaire islamique, le slogan « justice sociale islamique » est à l’honneur, en particulier pour dénoncer la corruption. La constitution du Bangladesh s’en réclame. Un « islam de gauche » s’y réfère, partout dans le monde musulman d’aujourd’hui, supplantant parfois les partis communistes. La « justice sociale islamique », élaborée par les Frères musulmans égyptiens et syriens des années 1950, avait été systématisée par le chiite iraqien Muḥammad Bāqir al-á¹¢adr, exécuté sans procès en 1980 à Nadjaf. Les ouvrages de á¹¢adr sont partout une référence dans les milieux downloadModeText.vue.download 275 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 274 intellectuels musulmans, tant sunnites, en particulier dans le Golfe, que chiites. á¹¢adr estime que, contrairement à l’école capitaliste qui se soumet servilement aux mécanismes économiques, l’islam entend se fonder sur des présupposés d’ordre moral, humain, et suivre la science économique en tenant compte, entre autres, des exigences suivantes : l’association équitable (muḠārada) du travail et du capital ; le rejet de l’usure (ribā). Toutefois, l’anticommunisme s’exprime en termes cassants par ceux-là mêmes qui ont, dès 1948, parlé de socialisme. Ainsi le prestigieux Muḥammad Ghazālī, un ancien Frère musulman égyptien, alors qu’il était directeur du bureau de la mission au ministère des Wakfs et Affaires religieuses (1973-1975), après son retour d’Arabie Saoudite, déclarait dans un avis juridique autorisé (fatwā), que « le communisme menace le principe de propriété privée, car pour lui toute chose est propriété collective de la société... L’athéisme est l’une de ses composantes ; il refuse totalement toute forme d’institution religieuse dans la société... L’islam comporte dans son essence même un ordre des biens et de la politique qu’il est impossible d’accommoder avec le communisme autant dans la vie pratique que du point de vue doctrinal ». Signification des « intégrismes » islamiques Les « intégrismes islamiques » expriment l’échec du tiers-mondisme « économiste » qui enchantait les années 50 et 60. Ils expriment par des symboles religieux la protestation d’une culture populaire jusqu’à présent bafouée. Le refus de l’économie. Les économistes de l’Est et de l’Ouest encourageaient fortement l’« illusion économiste » selon laquelle tout pays du tiers-monde pouvait immanquablement, par une planification autoritaire, rejoindre les pays avancés, en s’occidentalisant le plus possible. Aujourd’hui, frustrée par son insuffisante intégration au travail productif national, déçue dans son attente des avantages matériels annoncés, par le coût des grands projets intérieurs et, souvent, des aventures extérieures, la base sociale des régimes « développementalistes » de type nassérien fait germer elle-même le courant islamiste actuel. Ce dernier ne prétend pas rejeter le modernisme technique, culturel et politique, mais revendique une modernisation autochtone, en marge des structures bureaucratiques, personnalisée, maîtrisée et idéalement satisfaisante sur les plans matériel et intellectuel par le recours à l’islam comme « culture populaire ». Le terme « intégrisme » convient mal, on le voit, à ce mouvement général. Chronique judiciaire Les procès apparaissent parfois en retard par rapport aux moeurs de la société ou bien annonciateurs des problèmes de demain. Au chapitre de l’archaïsme criminel, les meurtres pulsionnels de toujours : à Ajaccio, c’est la condamnation du pécheur Antoine Recco à la prison à vie pour avoir étranglé deux jeunes touristes dans sa barque. Son frère Tony, en 1985, avait été condamné à la même peine pour six meurtres de sang-froid, dont celui d’une enfant de 12 ans. Itinéraire également trouble que celui de Lionel Carton : il s’empara de la femme d’un médecin de Pessac comme d’une proie, avant de la tuer et de downloadModeText.vue.download 276 sur 502 SOCIÉTÉ 275 marquer son chemin sanglant de la mort d’un policier. Voyage au bout de l’horreur pour ces trois candidats légionnaires du Paris-Vintimille qui, à la hauteur de Montauban, balancèrent littéralement un jeune Arabe par la fenêtre. On y verra d’abord un crime raciste, mais on nuancera au cours des audiences en y associant la brutalité à l’état pur. Quant aux lendemains qui font peur, on les entreverra à travers le procès de trois membres d’Action directe, auteurs de la fusillade de l’avenue Trudaine où deux policiers avaient été abattus. L’assassinat, quinze jours plus tôt, de Georges Besse, PD-G de Renault, apparaîtra comme la réponse anticipée du groupuscule « à l’ordre bourgeois représenté par la cour d’assises de Paris ». Enfin, et appartenant bel et bien à notre temps, un dernier procès qui nous vient d’ailleurs, tout en restant de chez nous : celui de Jean-Bedel Bokassa, empereur déchu de Centrafrique, jugé à Bangui. Bokassa répondait de la mort d’une centaine d’écoliers en 1979. Son procès n’était pas que cela. C’était sa vie entière qui était en cause, son despotisme et sa mégalomanie, résultantes d’un colonialisme acharné, suivi d’une décolonisation à l’échelle d’un continent, vécue comme une rupture. PIERRE BOIS Le retour à une culture populaire. L’« islamisme » actuel est ainsi une nouveauté, mais seulement dans la mesure où il est l’expression démocratique de la culture populaire. Les systèmes de type nassérien sont perçus comme le négatif d’une image positive à venir. Le nassérisme est désormais démobilisateur ; c’est le courant islamiste qui mobilise. Les Frères musulmans libres et leurs proches ont souvent animé des organisations d’entraide, d’instruction et de soins, dans les quartiers, les universités, parfois les villages. Les islamistes radicaux actuels ont même parfois sécrété une contre-société, close et sans rapport avec la société existante, mais profondément solidaire, comme le groupe Takfīr wa-hijra (Anathème et retrait), en Égypte, dans les années 70. Enfin, les régimes autoritaires ont parfois torturé à mort dans les prisons ; toute la population avait à ce propos des informations précises et indiscutables. On nourrissait ainsi la mobilisation poli- tique islamique d’opposition. Cette vague « intégriste », mondiale depuis 1970, peut effrayer. Elle devrait rassurer, s’il s’agit bien d’un mode de modernisation autochtone plus proche de la culture populaire, et non d’un mythique retour au Moyen Âge antimodernisateur. L’essor politique de l’islam. Avec les années 70, cet « islam politique » prend naissance, comme une vague de fond, à travers l’ensemble du monde musulman. Il y a une communauté de vues, de revendications, de méthodes d’action même. Il y a une parenté déjà ancienne entre les Frères musulmans en Égypte et la Communauté islamique (Djama«at i-islāmī) indienne, cachemirienne et pakistanaise. Le prestige du fondateur de cette communauté, Mawdūdi, des Égyptiens « martyrs », comme Bannā, fondateur des Frères musulmans, et Quá¹ b, leur penseur radical, favorise la formation d’une véritable Internationale islamiste ; mais il ne s’agit pas d’une organisation mondiale comme l’était naguère le Komintern. Étouffée par les régimes coloniaux puis, souvent et plus encore, par les régimes de la nouvelle indépendance, la « culture populaire » parvient enfin à s’exprimer, à imposer des chefs, une vue du monde et des lois. Pour les cidevant révolutionnaires de l’establishment downloadModeText.vue.download 277 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 276 post-colonial, cette émergence est considérée comme foncièrement réactionnaire et obscurantiste. Mais les révolutions nassériennes ou baassistes, leurs armées, leurs plans de développement introduisant des conseillers soviétiques, américains ou européens, leur socialisme créateur de privilégiés sans scrupules, plus féroces pour les pauvres parfois que les ci-devant « féodaux », sont perçus de manière négative. L’évolution de l’opinion publique, mobilisée par cette situation, a aidé fortement à l’explosion de l’islam politique. Le rôle de l’islam dans l’épanouissement des nationalismes. Souvenons-nous que les mouvements nationaux locaux de lutte pour l’indépendance furent souvent d’inspiration islamique : au Soudan, avec le mahdisme, à la fin du XIXe siècle ; en Libye, avec le mouvement politico-religieux de la Sanūsiyya, au début du XXe siècle ; en Algérie, avec l’État coranique d«Abd el-Kader en Oranie, dont l’État islamique est réimprimé et diffusé aujourd’hui ; puis avec le rôle, décisif pour l’accession à l’indépendance, de l’Association des ulémas, fondée en 1932 par Ben Badis, proche de Bannā ; au Maroc, pareillement, avec la république musulmane du Rif. L’histoire du mouvement wahhābite-saoudite, en Arabie, garde une grande influence sur tous les mouvements islamistes L’Inde a été traversée par le grand courant de la Muslim League, auquel le Pākistān d’aujourd’hui doit beaucoup. Dès le début du XXe siècle, l’Indonésie exprime son désir d’indépendance face aux Hollandais par le Sarikat-islam qui est en train de reprendre vigueur. Partout, l’islam a été le point de référence des résistances nationales contre les puissances coloniales. Le même islam, parfois les mêmes mouvements organisés servent actuellement de ferment contre les pouvoirs post-coloniaux européanisés. Radicalisme et tradition islamiques. L’« intégrisme » islamique sous ses diverses formes d’intervention signifie ainsi avant tout, croyons-nous, un recours général à la foi et à la culture musulmanes que l’on juge oubliées, dénaturées ou colonisées. Même les tenants de la grande tradition de pensée musulmane, sunnite ou chiite, qui est politiquement « quiétiste » et socialement accommodante, pragmatique, doivent aujourd’hui tenir compte des groupes extrémistes, qui héritent de traditions mineures et déviantes. Le tyrannicide et la révolte armée, la guerre sacrée (djihād) comme obligation individuelle et permanente, l’anathème (takfīr) contre des personnes, des groupes, des gouvernants et ses conséquences juridiques et policières, voire militaires, ce sont là des positions discutées et rejetées depuis longtemps par la grande tradition, sunnite et chiite. Mais les exigences de justice sociale et d’équité politique, ainsi que d’efficacité du pouvoir, le sens d’une justice islamique, relèvent de la grande tradition, et les extrémistes actuels contraignent celle-ci à une remise en cause. De là cette volonté d’islamisation croissante des institutions. Rien ne peut permettre d’estimer que cette volonté générale, modérée et réfléchie, soit obscurantiste et ennemie de la modernité. L’« intégrisme » d’aujourd’hui semble pouvoir donner un sursaut à la grande tradition qui, il faut bien le reconnaître, n’avait guère été encouragée par les pouvoirs post-coloniaux de type « révolutionnaire » et « socialiste ». De plus, depuis Rachīd RiḠā et ses émules, l’islam officiel avait privilégié la veine marginale héritée d’Ibn Taymiyya et de ses nombreux diffuseurs downloadModeText.vue.download 278 sur 502 SOCIÉTÉ 277 modernes, veine politiquement extrémiste et relevant de traditions mineures, orthodoxes certes, mais en symbiose avec des courants extrémistes hétérodoxes rejetés par la grande tradition, aux débuts de l’islam et ensuite. Une partie de l’émigration musulmane, turque en Allemagne, maghrébine en France, indo-pakistanaise en Grande-Bretagne, est gagnée à une « guérilla spirituelle » ; cette tendance reflète une affirmation identitaire dans la perspective d’une société future pluriculturelle, ou, peut-être même, de sociétés interculturelles à long terme. Apparemment, le terrorisme international, parfois qualifié globalement d’islamique ou d’intégriste islamique, n’a pas d’appui dans cette émigration. Une autre partie, en tout cas, contribue notablement à la grande tradition, grâce à quelques intellectuels de qualité. OLIVIER CARRÉ Docteur ès lettres et sciences humaines, diplômé de langue arabe, Olivier Carré enseigne la sociologie de l’islam contemporain à l’université de Paris-III et à l’École des hautes études en sciences sociales. Outre des études sur le conflit israélo-palestinien, il a publié cinq ouvrages concernant le monde musulman, parmi lesquels l’Islam et l’État dans le monde d’aujourd’hui, P. U. F., coll. Politique, 1982 ; les Frères musulmans (1928-1982), Gallimard, coll. Archives, 1983. Faits divers Toute une France s’est reconnue à travers des statistiques aux courbes agressives, chiffres noirs des années folles : au cours des dix dernières années, la grande criminalité a augmenté de 71,5 p. 100, la moyenne, de 52,65 p. 100, les vols à main armée, de 153 p. 100, tandis que la drogue poursuivait une progression sans frein : 4 060 infractions contre 412 au temps, pas si lointain, des débuts du septennat de VGE. Mais si les chiffres font peur, ils ne sont pas porteurs d’émotion comme ces faits divers qui éclairent brusquement une actualité pourtant non tamisée : les 10 assassinats de vieilles dames dans Paris pèseront lourd leur charge d’angoisse, de même que les agressions dans le RER, les violences dans le métro à la une de la presse, faisant de la France un pays membre à part entière de l’insécurité avec un niveau de malfaisance tel qu’un Français sur cinq est victime de la délinquance. La France suit aussi, sans oser se passionner, l’affaire Villemin ou celle des soeurs Weber, extraordinaires dames indignes de Nancy soupçonnées d’avoir tué amant et mari à la tronçonneuse. Ou même encore des embuscades vécues dans le style d’un gigantisme à la Rambo du côté de Marseille : fourgon blindé détruit par mines magnétiques. Autres temps : la France aux urnes s’est prononcée pour la lutte contre l’insécurité. Autres résultats affirmés. Cette fois, le Français en a pour son bulletin de vote. Contrôles d’identité, présence policière dans les rues, aux endroits chauds des grandes villes. Faut-il croire à la redécouverte de la peur du gendarme ? À la mi-86, l’Intérieur donne des statistiques plus optimistes ; vols avec violence à la baisse : – 3,47 p. 100, vol à main armée : – 0,44 p. 100 (17,60 p. 100 de mars à août), ce qui fait que, au marché commun du crime, la France se cantonnera à un rang malgré tout modeste, avec un taux de criminalité de 67,14 pour 1 000 habitants, contre 67,65 en RFA et 70,47 en Angleterre. PIERRE BOIS downloadModeText.vue.download 279 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 278 Les géants de la communication D’où viennent désormais les géants de la communication ? De l’Europe, qui possède aujourd’hui tous les atouts dans la course mondiale à l’audiovisuel. Les géants de la communication sont aujourd’hui européens. Par leur poids, et par leur taille, mais aussi par une valeur subjective : leur ambition. L’année 1986 les a propulsés sur le devant de la scène. Ils sont moins d’une douzaine, en comptant les « prétendants », viennent d’horizons divers et sont prêts à rivaliser – ou à s’associer – sur le marché d’une activité devenue désormais une véritable industrie, la communication, avec un même objectif : l’audiovisuel. Tout est né en fait d’une révolution en forme de pari technologique et trouve son origine au milieu des années 70. À cette époque, le territoire américain est déjà largement câblé. Les satellites sont également sur orbite. Le marché outreAtlantique de la communication audiovisuelle vit à un rythme de croissance soutenu. L’Europe s’inquiète. Elle risque de rater un rendez-vous technologique aux débouchés tant commerciaux que culturels. La plupart des États européens ne réagiront qu’au début des années 80, en lançant un vaste programme technologique passant par les médias dits nouveaux, câble et satellites. C’est un pari technologique certes, mais aussi politique et surtout industriel. L’industrie s’essouffle et espère recevoir, par le biais de la communication audiovisuelle, un nouveau coup de fouet. Les téléspectateurs sont demandeurs de plus d’images, mais rechignent à s’abonner. La complexité des infrastructures et le poids considérable des investissements permettent à certains États de justifier l’existence de leur monopole d’intervention, tout en décourageant l’initiative privée dans les États « libéraux ». La lenteur de la montée en puissance fait hésiter le marché publicitaire. Les programmes coûtent cher et constituent une autre source de dépenses. Cette laborieuse transformation du paysage audiovisuel se heurte à une logique implacable : sans « tuyaux » (supports de transmission), pas downloadModeText.vue.download 280 sur 502 SOCIÉTÉ 279 de programmes, sans programmes pas d’audience, sans audience pas de publicité, sans publicité pas de financement pour les programmes et pas d’extension des sup- ports, et ainsi de suite. Mais les groupes ont de la suite dans les idées. Ils ont senti qu’une brèche venait de s’ouvrir. C’est à leur tour d’observer les Américains et les Japonais, puis les Brésiliens, qui déversent leurs « soap operas » sur l’Europe. Celle-ci est devenue pour eux un enjeu. Le but de la manoeuvre sera, pour les groupes européens, de la rendre maîtresse du « jeu ». Ils sont en passe de réussir. D’abord, parce que les États européens ont peu à peu tiré les verrous juridiques et réglementaires, en entrant pour la plupart dans une logique de dérégulation et de déréglementation. Ce libéralisme est le fruit de la crise économique : l’État ne peut plus assurer seul le financement d’un certain nombre de services ; la communication en fait partie. C’est aussi le résultat d’une prise de conscience politique face à la notion de service public de la communication. L’exemple de la récente réforme de la communication en France en est la parfaite illustration. C’est, enfin, la conséquence de la pression de l’industrie électronique en totale expansion. À ce mouvement de dérégulation s’ajoutent deux autres tendances intervenant en parallèle, mais aussi en contradiction. Concentration d’abord. L’apparition de nouvelles formes de communication et l’intégration des progrès techniques imposent à terme une diversification. Celleci passe par une concentration permettant de rationaliser les charges de gestion, en réalisant des économies d’échelle. Sans compter que les différents secteurs intégrés qui ratissent le terrain peuvent jouer à plein, et entre eux, le jeu de la synergie. Ce souci de diversification peut se justifier : peur de la concurrence, ouverture sur d’autres sources de profit, sécurité en cas de déperdition d’un secteur, contournement d’une activité visée. En bref, occuper le terrain, tout en s’adjoignant des potentialités de profit rapidement mobilisables. Internationalisation, ensuite, conséquence de la décentralisation. C’est le concept du réseau – le network. Un filet, aux mailles plus ou moins rapprochées, quadrille le territoire, mais les marchés locaux ne parviennent pas toujours à rentabiliser la structure. D’où un impé- ratif : élargir le marché en dépassant les frontières. Cette internationalisation peut passer par des accords entre géants recherchant une synergie commune qui permette de faire chuter les coûts. Un exemple européen : le Consortium européen pour la télévision commerciale, regroupant l’Italien Silvio Berlusconi, l’Anglais Robert Maxwell, l’Allemand Leo Kirch, le Français Jérôme Seydoux, et destiné dans un premier temps à travailler sur le satellite de télévision directe TDF 1, et à diffuser à destination de l’Europe. La concession a été annulée par le gouvernement Chirac, mais la structure demeure. La synergie est évidente : la production d’images coûte autant de fois moins cher qu’il y a de partenaires, avec une certitude de diffusion dans autant de pays. Douze groupes déterminés L’audiovisuel constitue l’objectif prioritaire de ces géants de la communication. downloadModeText.vue.download 281 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 280 Pour lui, et par lui, ces douze groupes modèlent leurs structures et déterminent leurs stratégies à court terme. Population La communauté des démographes, centrée sur la Division de la population des Nations unies, que dirige à New York le Français Jean-Claude Chastelland, s’est rappelée à l’attention des médias en signalant que la population mondiale franchissait la barre des 5 milliards. Est-ce en 1986 ou au début de 1987 ? La question n’a pas grand sens, puisque l’augmentation annuelle, estimée actuellement à 1,7 p. 100 par an, soit 85 millions de personnes en plus sur la planète chaque année, est inférieure à l’incertitude avec laquelle la population mondiale est elle-même estimée. Le passage à 1 milliard date de 1830, celui des 2 milliards de 1930, de 3 milliards de 1960, de 4 milliards de 1975. La vitesse maximale de croissance de l’ordre de 2 p. 100 par an a été atteinte dans les années 1960. Il y a en ce moment un ralentissement relatif, lié à la baisse spectaculaire de la fécondité dans de nombreux pays d’Asie, mais l’accroissement absolu, continuera d’ici à l’an 2000, jusqu’à peut-être 95 millions de personnes par an. La situation démographique de la France varie peu : 55,3 millions d’habitants au début de 1986. La croissance, 0,4 p. 100 par an, et la fécondité, 1,82 enfant par femme, sont un peu supérieures à celles des autres pays développés. En Europe, la fécondité est plutôt de l’ordre de 1,4 à 1,6 enfant par femme ; elle est même inférieure à 1,3 en Allemagne fédérale. Ce qui retient l’attention en France, c’est la baisse considérable de la nuptialité : seulement 269 000 mariages en 1985, moins de 5 pour 1 000 habitants, alors que chaque classe d’âge, dans les générations susceptibles de se marier, pourrait former plus de 400 000 couples. Le phénomène est ancien ; il remonte à 1972, mais il s’accentue chaque année davantage. La préférence croissante des jeunes gens pour la cohabitation sans mariage est manifeste. Comment faire pour que l’institution matrimoniale entérine cette évolution, tout en convainquant les jeunes générations que l’union justifie une reconnaissance sociale ? MICHEL-LOUIS LEVY Certes, ces groupes ont des dimensions variant du simple au vingtuple. Mais les plus petits sont souvent les plus agressifs. Ils viennent d’origines diverses. Soit de l’édition et de l’écrit – avec comme priorité, désormais, l’audiovisuel –, soit de l’audiovisuel – avec comme stratégie marginale l’écrit et le souci de synergie avec les programmes télévisés (information) ou avec les réseaux diffuseurs d’images (valorisation). Enfin, ces groupes peuvent être classés en quatre catégories : – ceux qui se trouvent plus ou moins sous la coupe d’un État, et donc soumis à sa politique. C’est le cas d’Havas ou de la Compagnie luxembourgeoise de télévision (CLT) ; – ceux qui, désormais, se sont institutionnalisés, tels que l’Allemand Bertelsmann ; – les groupes à dimension « charismatique », sous la direction d’un homme qui incarne la structure : Maxwell, Murdoch, Berlusconi ; – et les « prétendants » : Hersant, Hachette, Goldsmith, Leo Kirsh, Carlo De Benedetti... Le premier groupe de communication européen est devenu en une quinzaine de jours le numéro un mondial : Bertelsmann. Début septembre, le groupe ouestallemand qui détenait, aux États-Unis, downloadModeText.vue.download 282 sur 502 SOCIÉTÉ 281 25 p. 100 du capital de la société RCAAriola, numéro trois mondial du disque, filiale de General Electric, achète la totalité du capital. L’accord de vente comprend également la cession de RCA Record Club, de RCA Video Productions et de RCA Records Spécial Products. Mais le groupe de la famille Mohn n’en reste pas là. Quelques jours après cette acquisition majeure, Bertelsmann rachète la totalité de la maison d’édition américaine Doubleday Co. Ces deux reprises augmentent le chiffre d’affaires annuel du groupe de trois milliards de DM... Bertelsmann, déjà leader mondial du club de livres, possédait sur le territoire américain, entre autres, les livres de poche Bantam Books. L’écrit et le développement à l’étranger sont dans la tradition même de ce groupe, qui réalise plus de 50 p. 100 de son chiffre d’affaires consolidé à l’extérieur de la République fédérale d’Allemagne. La loi anticoncentration allemande devenant un frein à son expansion, le développement sur des territoires extérieurs est indispensable. Ce qui n’a pas empêché le groupe de lancer, toujours en septembre, son premier quotidien à Hambourg, avec comme arrière-pensée de briser le monopole de la presse Springer dans cette région. Ce développement passe aussi par la France où oeuvre une filiale de Grüner-Jahr (Stern, Brigitte...), Prisma Presse, dirigée par Axel Ganz, homme de lancements de presse sous-tendus par une démarche marketing pointue. Autant de lancements, autant de succès (Geo, Prima, Femme Actuelle, Télé Loisirs, Ça m’intéresse). L’écrit, l’impression, l’édition, la distribution sont des activités parfaitement intégrées. La diversification est d’abord passée par l’édition musicale, puis plus timidement par l’image, via la fabrication de cassettes et de disques vidéo. Quant à l’audiovisuel, il est placé sous la responsabilité de l’UFA, filiale commune avec Grüner-Jahr (que Bertelsmann contrôle à 75 p. 100). Trois directions d’investigation : la production, l’édition et les réseaux. Mais le groupe, qui a fêté la même année ses 150 ans, n’a qu’un savoir-faire tout relatif. Alors, pour chaque projet, il s’associe. En 1984, c’est le lancement de RTL-Plus en Allemagne, qui vise une place sur le satellite TVSat, afin de toucher les foyers non câblés. Cette activité télévisée se fait en association (39 p. 100) avec la CLT, dans le capital de laquelle Bertelsmann a également pris une participation, au cours du 3e trimestre de la même année, terminant ainsi l’année 1986 en beauté. La télévision devient sa priorité, même s’il n’y consacre que 2 p. 100 de son chiffre d’affaires. Mais, ramené à la totalité, c’est déjà considérable pour un groupe qui a multiplié sa rentabilité par cinq en cinq ans, alors que le chiffre d’affaires considéré sur la même période progressait de moins de 50 p. 100. La fin des initiatives individuelles La CLT est un petit groupe de communication, mais c’est le plus agressif et vraisemblablement celui qui possède le plus de savoir-faire en matière d’audiovisuel. Pour devenir un diffuseur à l’échelle européenne, il lui est indispensable de s’implanter en France, mais la CLT a été systématiquement écartée de tous les montages, que ce soit du côté des télévisions privées ou du satellite. La tendance downloadModeText.vue.download 283 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 282 pourrait s’inverser avec la nouvelle donne audiovisuelle. En attendant, un certain retard a été pris. La CLT est donc présente aujourd’hui en Belgique et en Allemagne, où s’assouplissent progressivement les contraintes juridiques et réglementaires. Enseignement Il avait déclaré dès sa nomination : « Il n’y aura pas de réforme Monory. » Mais les résolutions initiales de René Monory n’auront pas résisté au temps. S’il n’y a point de réforme en apparence, que de « contre-réformes » en revanche ! Avec son bon gros sens pratique, le nouveau locataire de la rue de Grenelle avale les dossiers, consulte les partenaires et en tire des conclusions : abrogation de la loi Savary sur les universités, de la réforme Chevènement sur les lycées. Son plus grand coup de balai, il le réserve cependant à la toute-puissante FEN (Fédération de l’éducation nationale) : suppression du corps des PEGC ; fin du « privilège » accordé aux instituteurs de distribuer en classe les assurances scolaires de la MAE (Mutuelle assurance élèves, proche de la FEN) ; modification des conditions de mutation des enseignants ; création d’un statut de directeurs d’école et retrait des personnels « mis à disposition » des associations par l’Éducation nationale (la plupart font partie de « l’orbite » FEN). Ironie du sort, c’est sur un dossier qu’il n’avait pas souhaité rouvrir – la réforme des universités – que René Monory va essuyer un brutal coup d’arrêt. Le projet d’Alain Devaquet, ministre délégué à l’Enseignement supérieur, qui prévoit entre autres dispositions une élévation des droits d’inscription et une officialisation de la sélection, provoque en effet la colère des étudiants. Durant trois semaines, le flot de la jeunesse monte jusqu’à submerger le gouvernement et l’obliger à faire machine arrière. Revanche de la FEN, qui saisit alors la balle au bond et appuie de toute sa force les revendications étudiantes. Déstabilisé, René Monory voit l’ensemble de son action menacée. Doté d’une marge de manoeuvre considérablement rétrécie, il n’a d’autre ressource que de revenir à sa philosophie initiale et déclare : « Première réforme à réaliser dans l’Éducation nationale : ne plus faire de réformes. » CHRISTIAN MAKARIAN La force de la CLT est également sa faiblesse : ses structures financières de base sont d’origine multinationale, partagées entre la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et la France. Le principal actionnaire est belge. C’est le groupe bancaire Albert frère, associé à la Compagnie financière Bruxelles-Lambert, qui contrôle, directement et indirectement, 54 p. 100 du capital. La France est représentée par le groupe Havas et par d’autres porteurs, tels que Paribas, Moët-Hennessy (dont les parts lui ont été cédées par Hachette après son acqui- sition d’Europe 1-Communication), la Compagnie des compteurs Schlumberger, etc. Depuis peu, le capital s’est ouvert à l’Allemagne, via Bertelsmann. Cette situation n’est pas sans poser des problèmes. D’abord, parce que l’extension du groupe peut se heurter aux intérêts contradictoires de ses actionnaires. Ensuite, parce que la CLT n’a pas une assise financière très étendue. Son point fort est constitué sans aucun doute par son savoir-faire, mais aussi par la présence d’Albert Frère, hier passif, aujourd’hui fermement décidé à faire progresser la Compagnie. Celle-ci a d’ailleurs procédé downloadModeText.vue.download 284 sur 502 SOCIÉTÉ 283 à une augmentation de capital, dans l’optique de la concession de la cinquième chaîne française qu’elle recherche, avec Paribas et le groupe Havas. La CLT a conduit une diversification timide vers l’écrit (Télé Star par exemple), mais a poussé très loin son implication dans l’audiovisuel en se diversifiant en amont (production télé, vidéo, cinéma, câble, télématique) et en aval (distribution et diffusion). La plus grande partie de son volume d’affaires provient de son activité radio (RTL) et de la régie publicitaire qui en découle. L’ambition d’Albert Frère de développer l’activité télévisée de la CLT est réelle : en octobre 1985 naît une structure de réflexion, Média International, qui s’est ouverte à Rupert Murdoch. Ce type de structure laisse présager des associations entre géants qui, inévitablement, excluront les initiatives individuelles. Une stature internationale Le plus gros actionnaire français de la CLT, le groupe Havas, représente l’exemple parfait du groupe multimédias. Le premier groupe de publicité français, dont l’État est actionnaire à 50,26 p. 100, sera privatisé, mais non démantelé, ni vendu par « appartements ». Ce qui lui aurait totalement coupé les ailes dans son développement vers l’international. En effet, Havas intervient dans tous les secteurs de la communication : la publicité d’abord, avec sa filiale à 45 p. 100, Eurocom, premier holding français parmi les agences conseils en publicité, deuxième en Europe et parmi les vingt premières agences aux États-Unis depuis l’alliance entre Havas Conseil et Marsteller, filiale de Young and Rubicam (n° 1 aux États-Unis et n° 2 mondial), ayant donné naissance à HCM et permis la mise en place d’une entité de 500 millions de dollars. Ainsi donc, Havas intervient à tous les carrefours de la communication : édition (35 p. 100 de la Compagnie européenne de publications), conseil publicitaire, régie (40 p. 100 de la presse écrite en France), télématique, cinéma, affichage (Avenir), audiovisuel (CLT et 25 p. 100 de Canal Plus). Havas a déjà une expérience audiovisuelle avec Canal Plus. Le lancement fut laborieux, les déficits considérables, mais c’est aujourd’hui un succès (près de 1 500 000 abonnés à la fin de 1986, ainsi qu’un bénéfice dépassant les 150 millions de francs). À tel point que le président de la chaîne, André Rousselet, envisage de lancer des « déclinaisons » ciblées de Canal Plus, telles que Canal Plus Junior. Presse Malgré la loi d’octobre 1984 visant à garantir la transparence et le pluralisme des entreprises de presse, Robert Hersant, début janvier, a pris le contrôle du Progrès de Lyon, et s’est assuré de ce fait le monopole sur la région Rhône-Alpes. Il écrit dans un éditorial, au lendemain de cette opération : « parfois, pour ne pas être en retard d’une guerre, il convient d’être en avance d’une loi... » Il fait construire à Paris, dans le XVIIe arrondissement, un studio de télévision ultrasophistiqué, dans l’optique de son entrée dans le capital de TF1. Pendant ce temps, toujours à Lyon, la guerre fait rage. Libération lance en septembre un quotidien spécifique (qui augmentera d’aildownloadModeText.vue.download 285 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 284 leurs ses ventes de 10 000 exemplaires sur la région). Lyon-Libération est destiné à rétablir partiellement le pluralisme. Quelques jours avant son lancement, Lyon-Figaro fait son apparition... Et les grèves des ouvriers du Livre se succèdent au détriment de Lyon-Libération... À Paris, la bataille fait rage autour de l’audiovisuel, dont deux chaînes vont être redistribuées. Les groupes de presse, soucieux de ne pas rater un rendez-vous, mais aussi inquiets pour leurs ressources publicitaires, s’organisent. Les Éditions mondiales (Télé Poche, Nous Deux...), Jimmy Goldsmith (l’Express), et d’autres tentent de participer aux tours de table. Des éditeurs s’associent : Pluricommunication regroupe le Monde et quatre quotidiens régionaux, dont OuestFrance ; Set-Presse réunit une trentaine d’éditeurs, dont Bayard-Presse et la Voix du Nord, s’assurant un investissement potentiel de 100 à 150 millions de francs. Au milieu de cette agitation, Daniel Filipacchi, vice-président du groupe Hachette et responsable du secteur presse, connaît un revers de taille avec la chute de 7 Jours Madame, contraint au retrait par Femme Actuelle, patronné par Axel Ganz. Pendant ce temps, Elle-USA, lancé avec Murdoch, crève les plafonds de diffusion et fait des petits en Europe. JOSEPH VEBRET Autant peut-on être discret au sein du groupe Bertelsmann, ou diplomate du côté de la CLT, autant Silvio Berlusconi semble avoir un besoin maladif de médiatisation et goûter le succès avec arrogance. Il est vrai qu’il s’est développé à l’arraché. Surtout que rien ne le prédisposait, au départ, à l’audiovisuel. Partant de la construction et de l’immobilier, Sue eminenza a conquis le marché de la télévision privée en Italie en cinq ans, profitant du flou juridique de la législation et des difficultés financières de ses concurrents. Ses trois chaînes drainent, depuis, 80 p. 100 de l’audience privée de la télévision. Et il ne lui aura fallu qu’un an pour se déployer en Europe, tout en observant de près l’Amérique du Nord. La stratégie de Silvio Berlusconi est simple : pousser la logique commerciale à son maximum. Celui qui a été appelé le « fossoyeur » du cinéma, avant qu’on le laisse prendre part au capital de la Cinq, celui qui a sa place en France selon François Léotard, tire 70 p. 100 de son chiffre d’affaires global des médias, dont 55 viennent de l’audiovisuel. Son holding, Fininvest, regroupe encore des activités financières, d’assurances et immobilières. Son autre axe de développement vertical intègre un journal d’informations régionales, un hebdomadaire de télévision et une revue de cinéma... Le souci de la synergie. D’autant qu’en matière audiovisuelle, Fininvest est un touche-à-tout : technique avec vente de matériel, production film et TV, centrale d’achat et de vente, disques, trois chaînes en Italie, la Cinq en France, Multilingual TV Network au Canada, des stations régionales, l’équipe de football de Milan, ainsi que des salles de cinéma... Berlusconi a des ambitions mondiales qui passent dans un premier temps par un développement européen pouvant servir de plate-forme de production susceptible de rivaliser, à terme, avec les États-Unis. En six ans, l’individu est parvenu à devenir une légende, vivante et incontournable. Deux autres géants, enfin, s’activent sur le terrain : Robert Maxwell et Rupert Murdoch. Le premier se cache derrière downloadModeText.vue.download 286 sur 502 SOCIÉTÉ 285 une société familiale enregistrée au Liechtenstein. Sa diversification passe par l’écrit avec la maison d’édition Pergamon Press, les imprimeries British Printing Communications Corporation (BPCC), ainsi que le groupe Mirror Newspapers, depuis 1983 (10 millions d’exemplaires, dont le Daily Mirror). Côté télévision, Maxwell s’est fortement diversifié vers l’audiovisuel en moins de deux ans : il a racheté des réseaux de câble, rebaptisés British Cable Services (BCS), devenant ainsi le plus grand opérateur en Grande-Bretagne ; il a repris Ten, chaîne payante anglo-américaine, devenue Mirror Vision ; il a acquis 51 p. 100 des parts de Première et se trouve, ainsi, face à face avec son plus farouche concurrent, Rupert Murdoch, qui participe aux autres 49 p. 100 ; il participe enfin au Consortium européen qui vise une place sur un satellite. Ce qui ne les empêche pas, l’un et l’autre, de chercher à implanter d’autres chaînes sur le sol britannique. La seule faiblesse de Maxwell, avec qui tout géant devra compter, est sa carence de catalogue et de structure de production. Radio Deux mots résument l’évolution de la radio en France durant l’année 86 : libéralisme et banalisation. Le libéralisme s’est manifesté par l’amorce du désengagement de l’État. L’opération concerne les radios périphériques. L’État participe à leur capital, par l’intermédiaire de la Sofirad. Première étape : la vente, début mars, au groupe Hachette, des 34,19 p. 100 que la Sofirad détenait dans le capital d’Europe 1-Communication. Ce libéralisme aura pour conséquence une banalisation des radios locales. La loi sur la communication, votée en 1986, règle une situation fort confuse, celle des réseaux qui s’étaient constitués auparavant sans support légal. Cette innovation résulte de la logique économique du marché : économies d’échelle, rationalisation des charges, même programme, ou presque, diffusé simultanément sur l’ensemble du territoire et donc rapprochement vers le marché publicitaire. La guerre des sondages fait rage entre les principaux réseaux : NRJ, qui rivalise en audience avec RMC ; Chic FM, qui appartient au groupe Hersant ; Hit FM, regroupant UGC et l’agence de publicité RSCCRFM, qui a repris les stations du réseau CFM après le désengagement d’Europe, Fun, Skyrock, qui fait partie à 50 p. 100 du groupe Filipacchi, et 95,2 qui a vu l’arrivée du Suisse Jean-Claude Nicole. Certains diffusent via le satellite Télécom 1, tandis que d’autres développent des programmes spécifiques à chaque région. Dans le même temps, ces radios, qui se sont stabilisées dans leur progression, auront drainé plus de 500 millions de francs de recettes publicitaires, soit 20 p. 100 des investissements radio. Aussi, les périphériques inquiètes tentent d’occuper le terrain et se précipitent sur la FM. On est loin du désir d’émergence d’une expression radiophonique locale. D’autant qu’à moyen terme moins de cinq réseaux subsisteront et pas plus de 200 radios locales... JACQUES VEBRET Rupert Murdoch, de son côté, n’a pas une bonne réputation. Il n’en a que faire. D’autant qu’il l’a cherché. Sa technique de développement est simple : commencer par racheter des entreprises au bord de la faillite. Puis, appliquer la loi rédactionnelle des trois « S », « sexe, downloadModeText.vue.download 287 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 286 sang et scandale », au sein des 80 journaux de son groupe (The Times excepté), répartis entre l’Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, Partant de ces titres, il prend le virage de l’audiovisuel. L’aboutissement est colossal : c’est d’abord le rachat de la Twentieth Century Fox, mégastructure de production TV et cinéma, et ensuite l’acquisition des stations du réseau Metromedia qui lui permettront de monter un quatrième réseau face aux trois géants américains, ABC, CBS et NBC. Rupert Murdoch est partout. Il vient de faire le grand ménage dans ses titres londoniens. Par ailleurs, il contrôle Sky Channel, la chaîne par satellite la plus diffusée en Europe. Il ressemble quelque peu à Robert Hersant : ils ont tout et veulent le reste. Quitte à s’endetter. Cela fait partie des personnages et de leur légende. Restent les prétendants : Hachette, qui vise TF 1, Jimmy Goldsmith, PDG de la Générale Occidentale, patron de l’Express, « raider » spécialiste des OPA et des OPE (Presses de la Cité), au détriment de Carlo De Benedetti, Goodyear, ratée à la dernière minute, et qui regarde vers la 5, ou encore Robert Hersant... qui ont compris que sans la télévision il n’y a point de stature internationale. Une industrie lourde... de conséquences Cette nouvelle donne du paysage médiatique européen, ce bouillonnement des groupes du Vieux Continent, devenus des géants, cette activité de production et de diffusion devenue une véritable industrie, imposent une réalité : l’Europe de l’audiovisuel est en marche. L’Atlantique a toutes les chances de n’être plus un obstacle, mais dans le sens Europe- États-Unis. La tendance s’est inversée. D’autant que les principaux réseaux américains sont en proie à des difficultés financières débouchant sur des coupes sombres et des politiques de rigueur draconiennes... Une chance pour l’Europe. D’autant que la communication audiovisuelle, en prenant sa vitesse de croisière et en acquérant ses lettres de noblesse, sous l’impulsion de ces géants, attire de plus en plus les investisseurs financiers, aux côtés des initiatives privées ou publiques. C’est le cas de Berlusconi, ou de la CLT, pouvant mobiliser très rapidement des sommes considérables. Enfin, si ces géants jouent la synergie de leurs différentes activités, ils jouent également cette carte entre eux, n’hésitant pas à s’associer ou à créer des structures communes. Leur poids et leurs stratégies outre-Atlantique en seront d’autant plus efficaces : « Entre ces groupes, explique Holde Lhoest dans son rapport, existent de nombreux points de contact. Au-delà de situations concurrentielles souvent aiguës, leurs stratégies hétérogènes s’entrelacent dans un réseau d’interdépendances complexes. Pour en donner un bref aperçu, il suffit d’esquisser la « ronde » dans laquelle s’enchaîne avec cohérence l’ensemble des groupes pris en compte. La CLT ayant pour actionnaire l’Agence Havas, toutes deux sont liées à l’éditeur Bertelsmann dans le cadre du programme de télévision RTLPlus. De son côté, Bertelsmann compte parmi ses partenaires du projet à péage Télé-Club la société Beta-Taurus de Leo Kirch qui, elle, se trouve être l’alliée des downloadModeText.vue.download 288 sur 502 SOCIÉTÉ 287 groupes Berlusconi et Maxwell au sein du Consortium européen pour la télévision commerciale. Or, Maxwell est devenu coactionnaire de son meilleur ennemi Rupert Murdoch, dans la chaîne à péage Première, après l’abandon de cette chaîne par Thorn-Emi. Rupert Murdoch, enfin, a conclu un joint-venture avec le groupe Bruxelles-Lambert dans le cadre de la société Média International. Bruxelles-Lambert étant l’actionnaire principal de la CLT, la ronde se ferme dans une belle harmonie... » Rien ne prouve, a priori, que la loi anti-concentration, votée après le changement de majorité, ne constitue pas une chance supplémentaire, mais pour la France cette fois. En effet, elle oblige indirectement les groupes de communication à aller chercher hors de leur territoire les marchés qui leur échappent ou qu’ils ne peuvent approcher aux termes de la loi. L’an 2000 de l’audiovisuel est aux portes de l’Europe. JOSEPH VEBRET Journaliste spécialisé dans les médias et la communication, collaborateur de Stratégies, chargé de cours au CELSA et à l’Institut pratique de journalisme, Joseph Vebret est l’auteur, en collaboration avec Barthélémy, d’un ouvrage sur les 3 H de la communication (éd. Autrement, 1986). Échecs 1986 est incontestablement l’année des jeunes. Sokolov, Youssoupov, Short, sans oublier Kasparov, dominent leurs aînés. La vieille garde composée de Spasski, Kortchnoi, Portisch, Polougajevski et Tal est reléguée au second plan. Les jeunes grands maîtres, sans complexes, règnent. En janvier, Short donne le ton en gagnant facilement le traditionnel tournoi des Hauts-Fourneaux à Wijk aan Zee. Pendant ce temps, à Minsk, le jeune Sokolov, 22 ans, écrasait par 6 points à 2, en demi-finale du tournoi des candidats, le « vieux » Vaganian (35 ans). Dans l’autre demi-finale, Youssoupov, 25 ans, battait Timman, 34 ans, 6 points à 3. En février, le Français Gilles Mirallès, 20 ans, se distingue en gagnant le tournoi de Cannes devant Kortchnoi. Mirallès réalise à cette occasion sa première forme de grand maître. Un mois plus tard, à Londres, Flear, 26 ans, l’emporte devant toutes les vieilles gloires, Portisch, Polougajevski, Spasski, Larsen... Ceskovski créa en avril l’une des plus grosses surprises de l’année en devenant champion d’URSS ; il est vrai que les meilleurs Soviétiques étaient absents. La nouvelle génération, avec Malanjouk et Bareev, pointe son nez aux premières places. La championne du monde Maia Chibourdanidze réalise un exploit en obtenant le match nul 4 points partout contre le grand maître Popovic, cinquantième joueur mondial. Sa performance passe un peu inaperçue, car, au même moment, à Bâle, Kasparov downloadModeText.vue.download 289 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 288 exécute Miles, 5,5 points à 0,5. Un avertissement pour Karpov avant le championnat du monde. Karpov lui répond en remportant le plus fort tournoi de l’année, Bugojno ; tous les meilleurs sont là, à l’exception du champion du monde et de Kortchnoi. Une petite ombre pourtant au tableau : Karpov perd contre Sokolov lors de leur première confrontation. Les feux de l’actualité sont à la fin juillet braqués sur Londres où les deux K s’affrontent pour la troisième fois en deux ans. Les bookmakers donnent Kasparov favori ; pour eux, le champion du monde conservera son titre sans problème. Le début du match leur donne raison. Lorsque les deux joueurs vont à Leningrad pour la seconde phase du championnat, Kasparov a un point d’avance. Là, le champion du monde se déchaîne et accroît son avance, 2 points, puis 3. Pour tous les spécialistes, tout est fini. Sauf pour Karpov. L’ex-champion du monde réagit vigoureusement et gagne trois parties de suite, revenant à égalité, 9,5 points partout. Le match est relancé et tout peut arriver. La chance sourit à Kasparov, qui, en remportant la vingt-deuxième partie, s’assure un avantage décisif. Deux petites nulles lui permettent de conserver son titre sur le score de 12,5 points à 11,5 face à un Karpov qui est loin d’avoir démérité. À Riga, Sokolov crée la surprise en éliminant Youssoupov par 7,5 points à 6,5. Il jouera en février 1987 une super-finale face à Karpov, le vainqueur devant rencontrer Kasparov en automne, titre de champion du monde en jeu. Gilles Mirallès, au départage, obtient le titre de champion de France, après un match nul, 2 partout, face à Olivier Renet, 22 ans. 1986 fut une année de passation de pouvoir, les moins de 25 ans chassant les « has been ». Seul Karpov, 35 ans, a bien résisté à l’ouragan de la jeune génération sans complexes. ALAIN FAYARD downloadModeText.vue.download 290 sur 502 SOCIÉTÉ 289 Les nouveaux gourous Les prêtres ne sont plus des directeurs de conscience. Les intellectuels n’exercent plus une influence mesurable sur les modes de vie ou de pensée. L’école n’enseigne plus aux jeunes les règles d’une « morale » universelle. L’État n’apparaît plus comme un guide mais comme un gestionnaire. En cette fin de vingtième siècle, les maîtres à penser des Français ont bien changé ; ils s’appellent aujourd’hui Montand, Tapie, Gainsbourg, Renaud, July, Kouchner, Séguéla... Les années 60 et 70 avaient été marquées par la conquête du confort matériel. Les années 80 sont celles de la perte du confort moral. Les grandes institutions, celles qui servaient de référence et de guide aux générations précédentes, sont pour la plupart en déclin ; certaines même sont proches de la faillite. Il y avait d’abord la religion, qui, pendant des siècles, servit de guide à l’ensemble de la société. Pas besoin d’être un observateur subtil pour constater que le fossé se creuse entre le discours officiel de l’Église catholique et les préoccupations des Français. Les mises en garde répétées contre la liberté des moeurs, les condamnations sans appel de la contraception ou de l’avortement sont reçues avec agacement par beaucoup de catholiques et restent sans effet sur leurs comportements. Il ne faut pas, bien sûr, nier l’existence et l’importance des mouvements « modernistes » qui se développent depuis quelques années à l’initiative de la « base », tels que le Renouveau charismatique ou ces petites communautés vivant selon de nouvelles règles. Mais ils ne touchent encore qu’une faible minorité de pratiquants et ne bénéficient que d’une timide reconnaissance de la part des autorités religieuses. Il y avait aussi l’école, qui jouait traditionnellement un rôle déterminant dans la formation morale des futurs adultes. Il faut bien constater que les jeunes élèves des années 80 passent plus de temps à apprendre les règles du calcul ou de la grammaire que celles de la morale ou de la vie en commun, même si Jean-Pierre Chevènement a rétabli en 1984 l’instruction civique. Les parents, d’ailleurs, ne s’en plaignent pas, qui considèrent en majorité qu’il n’appartient pas aux professeurs de se substituer aux familles pour inculquer aux enfants les principes de la morale et de la vie en société. Encore faut-il que ces principes apparaissent de façon claire aux parents pour qu’ils soient en mesure de les enseigner à leurs enfants, ce qui n’est guère le cas aujourd’hui. Il y avait encore l’État, pourvoyeur traditionnel (au moins downloadModeText.vue.download 291 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 290 au cours des trente dernières années) de la croissance économique et de sa juste répartition, à travers le système complexe des impôts et des prestations sociales en matière de santé, de chômage ou de retraite. Les dix dernières années ont montré les limites de son action, lorsque la situation internationale se détériore et que la prospérité économique n’est plus au rendez-vous. Les idéologies politiques, quelles qu’elles soient, se révèlent alors impuissantes à éviter aux individus les inconvénients de la crise, dont les effets se font bientôt sentir dans tous les domaines. Et l’État-Providence, habitué à gérer l’abondance et à la répartir entre tous les citoyens, se trouve tout à coup contraint de gérer la pénurie et ne parvient pas à la répartir justement, du fait de privilèges et d’inégalités structurelles qui apparaissent soudain au grand jour. Il y avait enfin les maîtres à penser, ce club d’« intellectuels » qui, pendant les années fastes, parvenait à se faire entendre du grand public et à lui insuffler quelques idées dont on retrouvait la trace jusque dans les conversations du « café du Commerce ». Ceux-là sont morts avec Sartre, Aron, Braudel, Foucault et Simone de Beauvoir. Car leurs successeurs sont comme désemparés par une situation qui résiste de plus en plus à leurs analyses, comme elle a résisté aux prédictions des experts de tous bords. Alors on considère avec une certaine réserve des affirmations ou explications le plus souvent contradictoires ; on se demande avec autant d’ironie que de frayeur « où sont passés les intellectuels » et l’on baptise à la hâte les « nouveaux intellectuels », afin d’avoir un peu de matière grise à moudre dans les discussions des salons parisiens. Pendant ce temps, c’est une nouvelle race de « maîtres à penser » qui occupe un terrain déserté par les prêtres, les enseignants, les politiciens et les intellectuels. Ces « nouveaux gourous » s’appellent Jean Boissonnat, François de Closets, Harlem Désir, Serge Gainsbourg, Serge July, Bernard Kouchner, Yves Montand, Yves Mourousi, Bernard Pivot, Renaud, Jacques Séguéla, Bernard Tapie. Ils s’appelaient, avant leur fin tragique, Coluche, Philippe de Dieuleveult, Thierry Sabine. Malgré sa ressemblance avec un inventaire à la Prévert, cette liste présente une homogénéité certaine. Tous les noms qu’elle contient ont en commun deux caractéristiques essentielles : ce sont tous des acteurs, compétents dans leurs domaines respectifs, de la vie économique et sociale ; ce sont tous des personnages fortement « médiatisés ». La tentation première, face à cette liste des « nouveaux gourous » des Français, est de faire la fine bouche. Pourtant, personne ne peut nier l’impact présent de ces personnages sur la scène française contemporaine. Certains proposeront une explication simple à ce phénomène. C’est précisément parce que tous ces personnages occupent le devant de la scène médiatique française qu’ils exercent une influence sur les opinions et les modes de pensée des Français. Toutefois, ce raisonnement ne tient pas, car il inverse la cause et la conséquence ; il témoigne d’une connaissance superficielle des médias et des rapports complexes qu’ils entretiennent avec les autres composantes de la société. C’est, en premier lieu, parce que tous les personnages cités incarnent à leur manière un des grands courants de la société actuelle qu’ils ont eu accès aux médias. C’est parce que les downloadModeText.vue.download 292 sur 502 SOCIÉTÉ 291 Français se sont reconnus (ou projetés) en eux qu’ils ont été à nouveau sollicités. Bridge Le bridge de compétition réunit en France plus de 55 000 membres. Le président de la Fédération, Georges Chevalier, et son équipe essaient de promouvoir le jeu par l’université de Bridge et en sollicitant des sponsors pour patronner de nombreuses compétitions. Tous les ans paraît un tableau des joueurs qui classe ceux-ci selon leurs performances. Cette année, le premier joueur français est Michel Perron et la première joueuse Véronique Bessis. – À la coupe d’Europe Philip Morris, qui a eu lieu à Paris du 21 au 23 mars, l’équipe française Martell, composée de MM. Chemla, Perron, Sharif, Lebel, Reiplinger et Stoppa, a terminé quatrième. – Aux championnats d’Europe juniors, qui se sont déroulés à Budapest, l’équipe de France, composée de Mme Cronnier, MM. Desrousseaux, Quantin, Multon, Dussol et Courtel, a obtenu la deuxième place. – Aux championnats du monde, à Miami, dans le tournoi par paires mixtes, où les Américains ont pris les trois premières places, Mlle Chevalley et M. Mouiel ont terminé sixièmes et première paire française. – Dans la coupe Rosenblum (championnat du monde par équipes), également gagnée par une équipe américaine, l’équipe Martell, composée de MM. Chemla, Perron, Damiani, Lebel, Stoppa –, a été classée quatrième. – Dans le tournoi par paires open, qui a été aussi marqué par une victoire américaine (MM. Meckstrott et Rodwell), MM. Delmouly et Roudinesco ont pris la neuvième place. Une sélection en vue des championnats d’Europe, à Brighton, débutant en décembre et s’achevant fin mars 1987, désignera la nouvelle équipe de France. En 1986, les performances des Français n’ont pas été exceptionnelles. La France fait, certes, partie des meilleures équipes mondiales, mais beaucoup de nations, qui étaient réputées comme moyennes, progressent régulièrement et prennent place parmi les plus fortes. FÉLIX COVO C’est enfin parce qu’ils font preuve de qualités médiatiques exceptionnelles qu’ils sont devenus des points de passage obligés (on dit « incontournables ») pour la plupart des médias. La démonstration de cette symbiose entre les grands médiateurs et les grands courants sociaux est facile à établir. Montand incarne l’apolitisme croissant des Français et leur volonté de consensus sur les grandes réalités du moment ; au-delà des idéologies et des manoeuvres de partis politiques qui apparaissent aujourd’hui dépassés ou nuisibles. Tapie représente le réalisme industriel de la nécessité d’entreprendre dans une économie de plus en plus soumise à la dure loi de la concurrence mondiale. Séguéla est l’apôtre d’un monde dans lequel le plaisir et le rêve ne sont plus des tabous mais des revendications légitimes ; un monde qui se confondrait avec celui que nous présente la publicité. Gainsbourg est le chantre d’un univers doucement décadent, dans lequel les valeurs morales ne seraient plus collectives mais individuelles, où le plaisir esthétique l’emporterait sur les satisfactions d’ordre éthique. Mais Harlem Désir, Renaud et Kouchner nous ramènent à une réalité plus tangible en nous montrant downloadModeText.vue.download 293 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 292 les difficultés de la vie en commun et les différences de traitement des êtres humains au sein du pays comme entre les différentes régions du monde. Ils sont en quelque sorte, avec l’abbé Pierre et autres encore, la mauvaise conscience des Français. Mais leur mérite (et la source de leur pouvoir) est de fournir à chacun, après l’avoir culpabilisé, les moyens de se donner bonne conscience, en envoyant un chèque, en achetant un disque, bref en faisant « quelque chose », au moins une fois dans l’année. C’est un peu le rôle inverse que jouait Coluche avec ses Restaurants du coeur montrant que la solidarité peut être aussi une fête dans laquelle on reçoit tout autant que l’on donne. Ce n’est pas le moindre mérite de Michel Colucci que d’avoir réussi à faire agir ses contemporains autant qu’il les a fait rire (à leurs dépens, d’ailleurs), et d’utiliser la formidable capacité de mobilisation des médias pour des « charity-shows », opérations de bienfaisance à grand spectacle, dont tout le monde sortait un peu meilleur, en tout cas un peu moins égoïste ou un peu moins lâche. Dans un genre évidemment très différent, Boissonnat, de Closets, July, Mourousi ou Pivot traduisent aussi dans leurs façons d’être et dans leurs actions quelques-unes des tendances de fond caractéristiques de leurs publics : nécessité du professionnalisme, refus du dogmatisme, importance grandissante de la forme. Chacun d’eux est en effet irréprochable sur le plan professionnel ; il n’est qu’à écouter leurs chroniques, lire leurs ouvrages ou regarder leurs émissions pour apercevoir le travail d’information, la qualité d’analyse et le respect du public dont ils font preuve. Aucun ne met en avant l’appartenance à une « chapelle » idéologique ou politique ; l’objectivité est pour tous un souci réel qui ne pourrait guère s’accommoder de compromis. Enfin, tous ces journalistes ont compris qu’il existait bien des façons de « passer la rampe » médiatique. La lumineuse concision de Boissonnat, la pédagogie souriante de Closets, l’irrévérence de July à l’égard des choses et des gens, la décontraction naturelle de Mourousi, la bonhomie cultivée de Pivot sont autant de moyens différents et efficaces de délivrer un message. Face aux discours des politiciens et des experts engagés qui viennent à la télévision pour imposer la bonne parole (la leur !), les analyses plus nuancées de quelques journalistes bien informés pèsent d’un poids plus lourd sur la balance de l’opinion. Quant aux grands absents (les Alain Colas, Philippe de Dieuleveult, Thierry Sabine), ceux-là ont été en mourant sur leur terrain d’action (la mer, les lointaines contrées, le désert) comme canonisés par le public. Chacun d’eux personnifiait le besoin d’aventure et d’évasion présent dans chaque Français, soucieux d’échapper à un quotidien souvent difficile. De « gourous », ces trois aventuriers sont passés au stade de « héros », au sens mythologique de demi-dieux s’illustrant dans ces sortes de guerres, belles et inutiles, qu’ils ont livrées à la nature. Plus que de « héros », c’est d’ailleurs peut-être de « hérauts », au sens ancien de « porteurs de messages », qu’il faudrait parler à leur propos. Car chacun de ces personnages nous apporte un message précis et instructif sur l’état du monde et de notre société. Il ne serait donc pas raisonnable de les ignorer. downloadModeText.vue.download 294 sur 502 SOCIÉTÉ 293 La faute aux médias ? C’est l’explosion à la fois technologique et sociologique des médias au cours des dix dernières années qui a ouvert les portes de la célébrité à des individus qui n’étaient ni artistes, ni politiciens, ni intellectuels, ni journalistes. Si les Platini, Noah, Prost, Tabarly, Mac Enroe, Navratilova ou Maradona peuvent être d’une certaine façon considérés comme des artistes dans leur spécialité, il n’en est pas de même de personnalités comme Jean-Paul II, Walesa, Caroline de Monaco, lady Di ou le professeur Schwartzenberg. Tous ces personnages ne sont pas des « gourous », à l’exception du pape Jean-Paul II dont c’est la mission première (au sens propre de « maître spirituel »). Mais ils occupent une place de premier ordre dans l’actualité et sont souvent sollicités par les médias pour intervenir dans des domaines très différents de leur spécialité. De sorte qu’ils jouent finalement un rôle indéniable de prescripteurs vis-à-vis de leurs admirateurs. On se souvient du scandale déclenché par Yannick Noah, après qu’il eut déclaré à un journaliste qu’il lui arrivait de toucher à la drogue... Il n’est donc pas contestable que ce sont les médias qui permettent à certains individus d’acquérir un haut niveau de notoriété. Il n’est pas contestable non plus que cette notoriété n’est jamais neutre et qu’elle s’accompagne d’effets de toutes sortes sur l’opinion. La publicité faite en 1986 à Henri Roques, docteur en histoire contemporaine (pour peu de temps !), après avoir soutenu une thèse pour le moins discutable sur l’inexistence des chambres à gaz en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, en est une illustration. Elle aura probablement renforcé les tendances néo-nazies de certains esprits faibles, en même temps qu’elle aura permis de redire aux jeunes toute l’horreur des camps de concentration. Mais il serait faux de croire que l’émergence d’un personnage de l’actualité en tant que « nouveau gourou » est un phénomène purement artificiel et médiatique. Si la notoriété est une condition nécessaire, elle est bien loin d’être suffisante. Il faut, comme on l’a montré, que le « médiateur » en question soit en résonance avec son époque ; il faut aussi qu’il ait le charisme suffisant pour entraîner les foules. Philatélie La série des timbres artistiques continue d’obtenir un vif succès auprès des collectionneurs, mais aussi des usagers. Cette année, ce sont les oeuvres de Maurice Estève, Magnelli et Jean Arp qui ont eu les honneurs de l’impression. Comme toujours lors de l’émission, une notice philatélique avec un agrandissement de l’image mise en vente était proposée aux amateurs. À la fin de l’année, une autre bonne surprise attendait les amoureux du timbre et du cinéma : l’émission d’une très belle série en deux tons noir et blanc consacrée aux trésors de la Cinémathèque. Dix timbres différents, tous à 2,20 F. Dans la même valeur faciale, les PTT ont voulu célébrer le centenaire de la statue de la Liberté. Une très belle opération, puisque le même graphisme a été utilisé des deux côtés de l’Atlantique. Un régal pour les amateurs de correspondance... Pour la première fois, l’Administration a mis en circulation un timbre sans valeur faciale chiffrée. À la place, une simple lettre : downloadModeText.vue.download 295 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 294 A, au-dessus du visage vert de Marianne. Cette vignette est destinée aux plis non urgents, et son prix d’achat sera affecté par les augmentations annuelles sans qu’il soit nécessaire d’imprimer une nouvelle série. Dans le domaine de l’ancien, les cotes ne semblent pas souffrir de grande amplitude : les cours varient assez peu depuis un an, et, à quelques centimes près, l’on retrouve les mêmes chiffres que l’an dernier. Le 1 F vermillon est toujours en vedette avec, dans sa version « vif » non oblitéré, une cote à 375 000 francs. En bloc de quatre, il atteint 1 million et 750 000 francs (cotation Yvert et Tellier 1987). Des records qui n’ont pourtant guère varié depuis deux ans. Enfin, le timbre oblitéré devrait, d’une manière gé- nérale, revenir en vogue et certaines valeurs rattraper, voire dépasser, celles des non oblitérés dans des cas plus fréquents. Ici encore, la rareté impose sa loi, face à la surproduction de vignettes qui ne sont jamais utilisées dans le courrier courant. ALAIN DISTER L’effet-Tapie : du show-business au « business-show » Star, Bernard Tapie a toujours voulu l’être. Dès 1966, à l’âge de 19 ans, il met un « y » à son nom, pour lui donner sans doute une allure plus américaine, et sort son premier disque (Passeport pour le soleil). À l’époque, l’événement passera largement inaperçu et il faudra que le chanteur devienne un homme d’affaires pour que l’on commence vraiment à parler de lui. Au départ, il y a bien sûr l’affaire Manufrance, que Tapie reprend en fanfare avec, semble-t-il, l’appui des syndicats. Depuis, ce patron de choc aux allures de play-boy occupera régulièrement le devant de l’actualité, au rythme de ses reprises d’entreprises en faillite : les fixations Look, les balances Terraillon, les piles Wonder, les chaussures Kickers, les magasins La Vie Claire, ceux de MicMac, la maison de haute couture Grès... viendront successivement grossir les actifs (les mauvaises langues diront aussi les passifs !) du « Groupe Bernard Tapie », sans oublier l’épisode du rachat des châteaux de Bokassa. Le tout sous l’oeil stupéfait et admiratif de la plupart des médias et de la grande majorité des Français, qui gardent toujours une place dans leur coeur pour les Zorros de tout poil. Non content de bouleverser les règles du jeu industriel et patronal (ses ennemis lui reprochent de bouleverser aussi celle de la gestion), Tapie s’intéresse alors au « sponsoring ». Bernard Hinault et l’équipe de La Vie Claire remportent le Tour de France 1985 ; Greg Lemond et la même équipe remporteront le Tour 86. Chaque fois, le sponsor occupera autant les médias que ses champions. Après le vélo, c’est au football, autre activité populaire, que Tapie s’intéresse, avec la reprise de l’Olympique de Marseille. Depuis longtemps, on prête à Tapie l’intention d’amorcer une carrière politique. De fait, plusieurs sondages montrent que les Français le verraient volontiers ministre de l’Industrie. L’accord industriel conclu avec Bouygues lui a d’ailleurs permis de mettre de l’argent de côté, et certains n’hésitent pas à affirmer qu’il pourrait lui être utile pour financer une campagne électorale... Et puis, sur sa demande, TF1 lui confie, au début de 1986, l’animation d’une série d’émissions (Ambitions). Une formidable tribune pour quelqu’un qui veut asseoir sa notoriété et faire passer quelques idées personnelles. Quelles que downloadModeText.vue.download 296 sur 502 SOCIÉTÉ 295 soient la nature des ambitions de Bernard Tapie et la santé de son groupe, force est de constater que l’homme a su mobiliser à son service l’ensemble des médias. De 7 sur 7 au Jeu de la vérité en passant par l’Heure de vérité ou la une des grands magazines, la « couverture médiatique » de Bernard Tapie est supérieure à celle de la plupart des leaders politiques. Les conséquences ne se mesurent pas seulement en termes de notoriété (la sienne est proche de 100 p. 100, c’est-à-dire autant que celle de Mitterrand ou de Chirac, mais plus que celle de Léotard ou de Jospin). Elles sont aussi économiques : si l’on évaluait le budget publicitaire équivalent aux retombées des actions personnelles de Tapie dans les médias, c’est en dizaines de millions de francs actuels qu’il se chiffrerait. Enfin, sur le plan social, l’impact de Bernard Tapie illustre trois des changements sociologiques les plus profonds de ces dernières années : la réhabilitation de l’entreprise et des patrons ; le rôle croissant des médias dans le fonctionnement social ; l’importance de la forme par rapport au fond, du charisme personnel de celui qui s’adresse au public à travers la télévision. La vie par personnes interposées Les « nouveaux gourous » jouent en réalité un double rôle dans la société actuelle. Ils contribuent bien sûr à faire évoluer les opinions et les attitudes dans un certain nombre de domaines. Cette influence est d’ailleurs pour eux d’autant plus facile à exercer qu’ils ont pu accéder à cette place privilégiée dans le coeur des Français parce que leurs conceptions de la vie étaient, au départ, assez proches. Mais le rôle social des « nouveaux gourous » ne s’exerce pas seulement au niveau conscient. En même temps qu’ils répondent par leurs idées, leurs déclarations, leurs analyses à certaines des questions que se posent les Français sur les grands sujets du moment, ils leur servent aussi d’exutoire. L’une des caractéristiques des Tapie, Séguéla, Gainsbourg, July, Kouchner, etc., est avant tout de faire des choses difficiles (créer des entreprises, imposer des produits et des marques, composer des musiques, diriger un quotidien, organiser l’aide au tiers monde...) et d’être parmi les meilleurs dans leur spécialité. Le « Français moyen » n’a pas en général les capacités, l’expérience ou l’énergie nécessaires pour s’engager dans l’une de ces voies. Il est donc particulièrement ravi de constater que d’autres le font à sa place ; il les en remercie en leur accordant son attention et son affection. Tout naturellement, il tend même à leur déléguer une partie de ses responsabilités. Ainsi, les Français, conscients de la nécessité de créer des entreprises pour lutter contre le chômage, confient-ils volontiers cette tâche à Bernard Tapie. Persuadés de la nécessité de réduire les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres, ils se félicitent de l’action menée par Kouchner et Médecins sans frontières, sans s’impliquer pour autant à titre personnel, sauf de temps à autre en faisant parvenir un chèque à une association ou en achetant un disque au profit des enfants d’Éthiopie. Pourtant, ce rapport un peu ambigu de délégation à des personnalités sélectionnées donne une image fausse de la société française contemporaine. Le simple examen du contenu des médias montre à l’observateur une société downloadModeText.vue.download 297 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 296 dans laquelle souffleraient à la fois l’esprit d’entreprise, l’esprit de solidarité, l’esprit d’aventure et l’esprit libéral. Une analyse un peu plus fine montre que la situation n’est pas aussi claire : les créations d’entreprise sont pour une bonne part le fait de chômeurs qui n’ont parfois guère d’autres solutions pour disposer d’un emploi ; la solidarité n’est souvent qu’un moyen de se donner bonne conscience, en répondant ponctuellement à un appel plutôt qu’en consacrant de façon continue du temps et de l’énergie à l’amélioration de la situation de ses semblables ; l’esprit d’aventure consiste le plus fréquemment à vibrer aux exploits des autres, au moment du rallye Paris-Dakar, ou en savourant les belles images des grandes courses à la voile ; l’esprit libéral est pour beaucoup un mot, qu’ils récusent dès lors qu’il met en cause les avantages acquis et le confort existant. Les « nouveaux gourous » élus par les Français sont donc en fait investis par eux d’une sorte de procuration pour effectuer en leur lieu et place ce qui est bon pour l’amélioration de la justice sociale et le rétablissement de la prospérité économique. Mode Il fait tourner les têtes et chavirer tous les regards. Par lui, les femmes ont retrouvé l’identité de leur sexe, exhibant avec fierté leur silhouette galbée. En glissant voluptueusement et sensuellement dans le tube de l’année 1986, un nom qui va comme un gant à ce fourreau de jersey noir, évocateur de l’époque, elles ont fait triompher la mode à fleur de peau. À l’origine de cette ligne, moulante et délicieusement provocante, qui fait corps avec les formes, le désir d’affirmer sa différence en jouant ses meilleurs atouts (buste menu, taille fine, hanches fuselées et jambes découvertes) ; le refus aussi de se couler dans le moule unisexe et androgyne du jean, symbole de la décennie précédente et le besoin peut-être de se sécuriser face à la multiplicité des tendances. Car, au fil des années, celles-ci ont transformé la mode en un gigantesque kaléidoscope, sans règles, ni points de repères. À la fois étourdissant et équivoque, le fourreau a son langage. Ligne stricte mais coupe savante, il exprime la rigueur côté face ; la sensualité côté pile. Précurseur de cette allure à double tranchant, reflétant toute l’ambiguïté féminine : un homme. Il s’appelle Azzédine Alaïa. Plébiscité à l’unanimité, son style a engendré de nombreux émules. Toutes générations de couturiers, créateurs, stylistes confondues, personne n’échappe à son influence. En faisant du corps un nouvel objet de convoitise, il a imposé l’idée d’un chic inédit. Simple mais insolent. LAURENCE BEURDELEY La fin des intellectuels ? On ne trouve guère, dans la catégorie décrite précédemment, de personnalités correspondant à la définition traditionnelle des « intellectuels », que l’on pourrait énoncer, par exemple, de la façon suivante : individus pourvus d’un fort bagage scolaire et d’une grande culture, engagés généralement dans des activités universitaires de réflexion, d’écriture et de recherche. Cela ne signifie pas qu’il n’y a plus en France, comme on le prétend parfois, d’intellectuels au sens classique du terme ; des Jean Baudrillard, Raymond Boudon, Pierre Bourdieu, Michel downloadModeText.vue.download 298 sur 502 SOCIÉTÉ 297 Crozier, Emmanuel Le Roy Ladurie, Edgar Morin, Michel Serres, Alain Touraine et quelques autres continuent de porter haut les couleurs de la pensée française. Mais il est clair que les Français préfèrent choisir leurs guides parmi ceux qui sont engagés dans la vie économique et sociale du pays plutôt que dans les universités. De plus, les « vrais » intellectuels sont assez peu et souvent mal « médiatisés ». En dehors de quelques performances réalisées à Apostrophes par un Michel Serres ou un Claude Hagège, l’espace audiovisuel réservé aux sujets dits « sérieux » est le plus souvent occupé par les « nouveaux intellectuels », sortes de transition entre les précédents et les « nouveaux gourous » dont il est question ici. Le premier phénomène (désaffection des Français pour la vie intellectuelle classique) s’explique assez facilement. La situation actuelle de la France, engagée comme les autres pays occidentaux dans une longue période de mutation, est marquée par la confusion. Les récentes années ont sonné le glas de beaucoup d’idéologies et de tentatives théoriques d’explication des grands mouvements économiques et sociaux. Pour vaincre cette impuissance soudaine à décrire et à comprendre l’évolution, un grand vent de réalisme et de pragmatisme s’est abattu sur le pays balayant du même coup bon nombre d’idées reçues. Les intellectuels, dont le rôle essentiel est précisément de fabriquer des explications organisées du monde dans lequel nous vivons, ont donc perdu une partie de leur crédit auprès d’un public qu’ils fascinent beaucoup moins que par le passé. Depuis la mort de Sartre, Aron, Lacan, Foucault, Simone de Beauvoir et de quelques autres « grands esprits », personne ne semble sur le point de prendre la relève. Sans doute parce que peu d’intellectuels contemporains peuvent prétendre à ce statut de « spectateur engagé » qui faisait la force d’Aron et qui fait celle des « gourous » d’aujourd’hui. Peu séduits par la production actuelle des intellectuels, impuissants à expliquer le monde comme il va, les médias se tournent alors tout naturellement vers ceux qui sont en position de le « sentir », sinon de l’expliquer. Ce sont souvent des journalistes, des artistes, des industriels qui répondent le mieux à cette définition. Vie pratique : Le Minitel Les Américains nous l’envient. Pour une fois, nous prenons plusieurs longueurs d’avance dans le domaine de la télématique ! C’est notre système hypercentralisé qui a permis l’explosion de ce mode de communication. Chaque jour, de nouveaux services s’ajoutent à une liste déjà longue. Le plus ancien est l’annuaire électronique. À terme, il devrait remplacer le vénérable volume imprimé qui commence à coûter fort cher aux PTT. Le Minitel est pratique pour obtenir un renseignement SNCF ou Air France : pas de standard saturé, réponse immédiate et claire. Utile aussi pour passer commande auprès des magasins spécialisés dans la vente par correspondance, du type la Redoute ou les 3 Suisses. Indispensable, enfin, pour contrôler son compte en banque. Autant d’opérations trop sérieuses pour une masse d’usagers qui persistent, les bienheureux, à considérer l’informatique comme une source infinie de jeux d’esprit. Dès lors, se sont multipliés les messageries plus ou moins coquines, les jeux divers, les tests rigolos, tout cela, bien sûr, facturé au prix fort sur le fameux 36.15 (1 F la midownloadModeText.vue.download 299 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 298 nute). Certains pouvoirs ou ligues de vertu se sont inquiétés, voire indignés, de l’usage polisson fait d’un service public. Pourtant, on imagine mal les PTT renoncer à cette manne providentielle sous prétexte d’assainissement des moeurs. Outil scientifique, le Minitel est aussi au service de techniciens, de savants et d’ingénieurs. Dans sa version haut de gamme, le modèle 20, il permet de travailler tranquillement à domicile en restant branché sur le terminal de l’entreprise. La création constante de nouvelles banques de données devrait étendre aux usagers « ordinaires » un nombre et une qualité incomparables de services. Tout ce qui est aujourd’hui du domaine de la prospective est du domaine de la réalité de demain. Grâce à une petite boîte branchée sur un téléphone. ALAIN DISTER À une époque où la quasi-totalité des foyers sont équipés d’un récepteur de télévision, où les Français passent en moyenne près de trois heures chaque jour devant leur petit écran, il est clair que la forme de la communication prend une importance considérable. Après une journée de travail et le journal télévisé du soir qui apporte son lot quotidien de catastrophes, la prestation d’un Bernard Tapie est généralement mieux reçue dans les foyers que celle d’un expert de l’INSEE ou du CNRS. Interrogés sur le même sujet (par exemple la création d’entreprise), le premier sera probablement plus regardé que le second, même si celui-ci a des révélations à faire sur l’état du monde, tel qu’il apparaît dans les études qu’il conduit. Dans la galaxie Mac Luhan, les temps seront de plus en plus difficiles pour ceux qui continueront de penser que ce que l’on dit mérite plus d’intérêt que la façon dont on le dit... La crise des intellectuels est donc autant une crise de la forme qu’une crise du contenu. Il ne leur suffira pas d’inventer de nouvelles explications (même crédibles) aux mouvements apparemment erratiques du monde contemporain pour retrouver l’influence qu’ils avaient dans le passé. Il leur faudra aussi faire preuve d’une forme nouvelle de respect pour un public dont ils ne peuvent plus ignorer l’évolution et les goûts, simples et légitimes. En attendant, ce sont les « nouveaux gourous » qui continueront de jouer le rôle, essentiel, de miroir-guide-directeur de conscience auprès d’une large majorité de Français. Une situation à la fois logique et préoccupante. Car elle montre aussi bien la force de la société médiatisée dans laquelle nous vivons désormais que les excès et les insuffisances qu’elle peut engendrer. C’est finalement à tous les Français de veiller à ce que la médiatisation ne soit pas synonyme de médiocratisation. GÉRARD MERMET Ingénieur Arts et Métiers, MBA de l’université de Columbia (New York), enseignant à l’université de Paris-Dauphine, Gérard Mermet est un spécialiste de l’analyse des modes de vie et du changement social et collabore aux travaux de plusieurs sociétés d’études. Il est l’auteur de Francoscopie et de la Bataille des images (Larousse). downloadModeText.vue.download 300 sur 502 POINT DE L’ACTUALITÉ 299 La réforme de l’audiovisuel La nouvelle majorité politique était décidée à aller vite sur le terrain de la communication. Trois lois, votées coup sur coup, sont venues remodeler le paysage médiatique français : la loi sur la presse, la loi Léotard sur la communication audiovisuelle, ainsi qu’une loi anticoncentration. La loi « anticoncentration » organise très précisément le paysage médiatique, afin d’éviter les positions dominantes. D’autant que la plupart des groupes de communication français s’intéressent à l’audiovisuel, dans un souci de diversification, mais aussi dans l’espoir d’occuper le terrain dans une sorte d’autodéfense. La télévision fascine, mais elle fait peur. Ces mêmes groupes sont devenus des mastodontes. Les 3 « H » en particulier : Hersant, le papivore, qui s’intéresse à TF 1, Hachette, qui a repris en mars le groupe Europe 1-Communication et le groupe Havas, associé à la CLT, dont il est un des actionnaires, candidat à la cinquième chaîne. Les 3 « H » ont été d’abord exclus du marché de la télévision. La dernière mouture du texte les favorise. Ainsi, concernant la télévision, personne ne peut détenir plus de 25 p. 100 d’une chaîne nationale. Et qui possède déjà entre 15 p. 100 et 25 p. 100 d’une chaîne nationale ne peut acquérir plus de 15 p. 100 du capital d’une autre chaîne. Enfin, qui détient plus de 5 p. 100 de deux chaînes ne peut détenir plus de 5 p. 100 d’une troisième. Pour une chaîne diffusée par satellite, nul ne peut détenir plus de 50 p. 100 du capital. Pour deux chaînes, ce pourcentage tombe à 33 p. 100. Même règle des 50 p. 100 pour une télévision hertzienne. Pas de possibilité de cumuler des autorisations régionales au-delà d’une couverture totale de 6 millions d’habitants. Pour la radio, la règle interdit de toucher plus de 15 millions de personnes avec un second programme, pour peu que l’on possède déjà une radio diffusant sur le plan national. Quant à la presse, la loi interdit à une même personne le contrôle de plus de 30 p. 100 des publications quotidiennes d’information politique et générale. Restent les cumuls multimédias : aucune autorisation concernant la télévision, la radio ou l’exploitation d’un réseau câblé ne pourra être attribuée à une personne se trouvant en position dominante dans deux des quatre secteurs de la communication. C’est-à-dire, si elle est déjà titulaire d’autorisations pour des télévisions hertziennes touchant 4 millions d’habitants, ou si elle est déjà titulaire d’autorisations pour des radios desservant plus de 30 millions d’auditeurs, ou encore titudownloadModeText.vue.download 301 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 300 laire d’autorisations d’exploitation de réseaux câblés pour 6 millions d’habitants, ou enfin si elle contrôle plus de 20 p. 100 de la presse quotidienne politique ou d’information générale. Au niveau régional, un opérateur choisira entre la presse, sans limitation de diffusion, une télévision émettant sur la zone concernée, un réseau câblé, une radio pouvant être reçue par les deux tiers des habitants de la zone. Les 3 « H » sont préservés : Hachette peut conserver Europe 1 et entrer dans le capital de TF 1 ; Hersant peut se diversifier sans avoir à vendre un seul titre. Havas, déjà actionnaire de Canal Plus à 25 p. 100, peut obtenir 15 p. 100 du capital de la 5. Du sur mesure ! JOSEPH VEBRET downloadModeText.vue.download 302 sur 502 301 Économie Introduction La reprise mondiale tant souhaitée à la fois par les pays industriels et par le tiers monde devait nettement s’affirmer en 1986, après s’être amorcée progressivement depuis 1982. Plusieurs facteurs semblaient aller dans le sens d’une croissance plus forte : d’une part, les politiques d’assainissement suivies par de nombreux pays, le plus souvent sous l’impulsion du libéralisme, commençaient à porter leurs fruits ; d’autre part, un environnement international très favorable se dessinait avec la dépréciation du dollar, la chute du prix du pétrole et la baisse des taux d’intérêts. Mais ces prévisions optimistes ne se sont pas réalisées et les résultats sont décevants. Le taux de croissance de l’économie mondiale a atteint seulement 2,5 p. 100 en 1986, soit un peu moins qu’en 1985. Le ralentissement est particulièrement net aux États-Unis et au Japon, alors qu’en revanche, la France connaît, pour la première fois depuis quelques années, une croissance qui se rapproche de la moyenne. Mais l’Allemagne fédérale reste la plus dynamique. Ces erreurs de prévisions, d’ailleurs de plus en plus fréquentes, peuvent s’expliquer en grande partie par deux phénomènes caractéristiques de l’année et qui sont d’ailleurs liés. Il s’agit du manque de concertation internationale et de la montée des incertitudes en raison de l’interdépendance croissante des économies. La concertation internationale à l’épreuve L’économie mondiale oscille en permanence entre la coopération et l’affrontement. Cette situation est à la longue néfaste à ses progrès. Aussi, peu à peu, les tenants du libéralisme même semblent se rallier à la nécessité d’une concertation, de négociations multilatérales, au lieu d’appliquer la politique du chacun pour soi. Pourtant la mise en pratique est difficile tant les intérêts sont divergents. D’abord, la coordination tant réclamée des politiques économiques s’est heurtée à l’opposition constante entre la position américaine et celles de l’Allemagne, et, dans une moindre mesure, du Japon. Les États-Unis, partisans du dopage économique, exigeaient la baisse des taux d’intérêts et la stimulation de la demande intérieure chez leurs deux partenaires. Le Japon et l’Allemagne désiraient, en revanche, une plus grande stabilité monétaire et refusaient de jouer les locomotives. Comme moyen de chantage, les downloadModeText.vue.download 303 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 302 Américains ont laissé filer le dollar audelà des objectifs définis lors de l’accord du 22 septembre 1985. C’est seulement lorsque le Japon a cédé, le 31 octobre, en baissant pour la quatrième fois son taux d’intérêt, qu’un accord nippo-américain de stabilisation de la parité entre le yen et le dollar est intervenu, isolant encore plus les Européens. De même, dans le cadre des échanges internationaux, le contraste est frappant entre ces deux attitudes : d’une part, le climat de guerre économique s’intensifie entre les différents partenaires avec l’accentuation des pressions protectionnistes, le développement des mesures discriminatoires et la résolution des problèmes au coup par coup ; d’autre part, dès l’automne, s’est ouvert officiellement à Punta del Este, en Uruguay, un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales (NCM) qui durera plusieurs années et dont le but est de renforcer la vitalité du libre échange, avec encore plus d’ambition, puisque, pour la première fois, de nouveaux thèmes seront abordés, tels l’agriculture et surtout les services. Bien d’autres exemples pourraient corroborer les difficultés de la concertation internationale, comme les rapports Nord-Sud, les relations entre membres de l’OPEP, ou entre États de la communauté du tiers monde. La montée des incertitudes Dans une économie de plus en plus complexe, mondiale et changeante, la montée des incertitudes, au regard tant des fluctuations excessives que des déséquilibres permanents et croissants, constitue le second handicap, et non des moindres, qui rend les prévisions inopérantes et favorise la stagnation internationale. En matière de fluctuations, l’année 1986 a été particulièrement riche. D’abord, en décembre 1985, l’OPEP, renonçant à son rôle de gardien des prix mondiaux du pétrole, afin de privilégier la défense de ses parts de marché, a provoqué l’effondrement du marché. Le prix du baril de 28 dollars est tombé à 7 dollars en juillet, pour retrouver progressivement un niveau de 14-15 dollars après l’accord du 4 août, renouvelé en octobre, qui marque un retour au plafonnement de la production. La polarisation sur ce contre-choc pétrolier ne doit pas faire oublier l’évolution également chaotique du cours des matières premières dont dépendent encore largement les pays sous-développés. De même, le dollar, depuis l’accord de septembre 1985, a perdu 55 p. 100 de sa valeur par rapport au yen et 30 p. 100 par rapport au mark allemand. La spéculation sur la monnaie allemande perturbe à son tour le fonctionnement du Système monétaire européen, déjà soumis à un réaménagement en avril 1986. Enfin, les variations perpétuelles des taux d’intérêts risquent d’amoindrir les bienfaits attendus de leur baisse amorcée depuis 1982. En matière de déséquilibres, les écarts se creusent. Les déséquilibres économiques sont de plus en plus flagrants. Ainsi, la surproduction se généralise pour un grand nombre de produits face à une demande solvable stagnante, les stocks s’accumulent, les prix baissent, la concurrence entre les producteurs s’accentue. Le marché du blé, analysé par downloadModeText.vue.download 304 sur 502 ÉCONOMIE 303 Gilbert Rullière, est représentatif de ce mouvement. À l’inverse, de nombreux pays sont confrontés à la faiblesse de leur appareil productif, incapable de répondre aux accroissements de la demande tant intérieure qu’extérieure, et qui reflète leur manque de compétitivité. Cette situation provoque à son tour des déséquilibres extérieurs avec le décalage entre le déficit croissant des États-Unis, en dépit de la baisse du dollar, et les excédents également à la hausse en Allemagne fédérale et au Japon. Les déséquilibres financiers s’accentuent aussi. Les déficits budgétaires dépassent les prévisions, en particulier celui des États-Unis, malgré la loi GrammRudman qui, outre une réforme fiscale, impose le retour sur cinq ans à l’équilibre budgétaire. À l’impressionnante dette intérieure américaine s’ajoute son endettement extérieur qui devient alarmant puisque le pays est devenu, pour la première fois en 1985, débiteur net par rapport au reste du monde et particulièrement du Japon passé, à l’inverse, premier créancier du monde. Enfin, plus dangereux encore, s’avère le déséquilibre entre la sphère financière et la sphère réelle. Partie des États-Unis, la « révolution financière » (internationalisation, innovations financières, déréglementation et désintermédiation) se propage, comme le montre le « Big Bang » de la City de Londres, à la fin d’octobre 1986 ; elle provoque, certes, l’envolée des cours de la Bourse, mais a tendance à privilégier les activités purement spéculatives au détriment des activités productives. La situation économique n’est pas des meilleures, au regard de la faible croissance, de la montée du chômage et de l’insuffisance des investissements et des débouchés. Les trois tendances dominantes Il semblerait que les désordres monétaires et financiers soient au contraire indissociables de l’aggravation de la crise. Car, finalement, le bilan, après bientôt quinze années de crise, est encore lourd au regard des trois tendances dominantes que sont la désinflation, certes atout positif mais fragile, le développement du chômage dans les pays développés et l’endettement croissant du tiers monde. La désinflation. Les politiques monétaires et budgétaires restrictives, conjuguées à un environnement de plus en plus favorable (faiblesse des revendications salariales liées au chômage, désinflation importée grâce à la baisse des prix des matières premières, du pétrole puis du dollar) ont permis aux économies occidentales d’amorcer un ralentissement de la hausse des prix, qui n’est plus que de 2,5 p. 100 en 1986, même si les succès demeurent inégaux. Mais si la désinflation a des effets bénéfiques, notamment en permettant une reprise sur des bases saines, elle est un atout fragile dans la mesure où elle pénalise les agents endettés et freine l’incitation à investir tant que la baisse des taux d’intérêts nominaux n’a pas atteint l’ampleur du ralentissement de la hausse des prix. Or, on ne sait encore si la désinflation va se poursuivre, avec le risque de dégénérer en déflation, ou si, au contraire, les forces inflationnistes vont se réveiller. L’article d’Alain Bienaymé, pose l’ensemble du problème, fait le point de la situation, recherche ses causes et ouvre les perspecdownloadModeText.vue.download 305 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 304 tives possibles ou probables en matière de désinflation. L’endettement du tiers monde est un des plus inquiétants problèmes que la communauté internationale ait aujourd’hui à résoudre. Les risques, en effet, s’accentuent non seulement parce que la dette a décuplé en quinze ans pour dépasser les 1 000 milliards de dollars en 1986, mais parce qu’elle est concentrée tant au niveau des pays débiteurs (essentiellement l’Amérique latine) que des banques créancières (surtout les États-Unis). Aussi, une crise financière internationale est à craindre si se multipliaient les défauts de paiement. Les pays du tiers monde ont transféré en 1986 plus de capitaux à l’extérieur qu’ils n’en reçoivent, bloquant ainsi toute possibilité de croissance. Le plan Baker d’octobre 1985 veut rompre avec ce cercle vicieux en permettant la reprise des pays les plus endettés grâce à des crédits privés et publics supplémentaires. Mais les banques hésitent de plus en plus à s’engager comme en témoigne le sauvetage financier du Mexique péniblement réussi en 1986. Pierre Jacquet retrace la genèse de la crise, délimite les enjeux des négociations concernant la gestion de la dette et s’interroge sur l’avenir des relations entre les prêteurs et les États du tiers monde. Le chômage et la crise de l’emploi. Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, le nombre de chômeurs a triplé depuis 1973 et concerne 31 millions de personnes en 1986, soit 8,4 p. 100 de la population active. Le chômage est d’autant plus préoccupant qu’il est concentré sur les jeunes et les chômeurs adultes de longue durée, ce qui aggrave les inégalités sociales et augmente la proportion de « nouveaux pauvres ». Pour lutter contre ce fléau, les politiques économiques ont utilisé séparément ou conjointement différents moyens qui vont du traitement social du chômage à la relance de la croissance, accompagnée d’un effort de formation, en passant par la recherche d’une plus grande flexibilité. Aucune de ces solutions n’a permis la régression du chômage. Aussi, un autre langage semble s’amorcer en 1986, du moins en France ; il est résumé par le ministre des Affaires sociales Philippe Séguin, quand il parle de « chômage incompressible » quelles que soient les politiques suivies. Delphine Girard, à partir de l’exemple français, analyse ce revirement dans la façon d’aborder le chômage et traite de la situation comme des politiques suivies en matière d’emploi, particulièrement depuis le changement de majorité en mars 1986. DOMINIQUE COLSON downloadModeText.vue.download 306 sur 502 ÉCONOMIE 305 La désinflation 2,2 p. 100 d’inflation en 1986. Ce résultat, exceptionnel pour la France, confirme la tendance au ralentissement des hausses de prix dans les pays occidentaux et la rupture avec l’idée naguère dominante, selon laquelle le chômage pourrait être vaincu au prix d’une inflation plus rapide. Comme le mot le suggère, la désinflation se définit par référence à l’inflation. La plupart des nations occidentales ont connu sans désemparer depuis la Seconde Guerre mondiale, une augmentation quasi générale des prix des biens et des services, ces prix étant exprimés en monnaie à leur valeur nominale. Bien qu’ils n’aient pas varié à la même cadence pour chacun des biens et des services qui composent le produit intérieur brut, l’habitude s’est prise de résumer l’inflation par un seul chiffre : celui du taux annuel d’augmentation du niveau général des prix. Il est calculé soit en moyenne annuelle par le rapport du niveau d’ensemble des prix observés en année n au niveau de ceux qui avaient été enregistrés dans l’année précédente, soit en glissement par estimation de la tendance observée au cours des douze derniers mois connus. Ce procédé est commode, mais à la condition de garder présent à l’esprit : a) que le calcul d’une moyenne cache une évolution plus ou moins divergente des prix des éléments composant le produit intérieur, et en particulier les biens de consommation ; b) que les taux de salaire ont tendance à croître plus vite, sauf en période d’hyperinflation, en sorte que la dépréciation du pouvoir d’achat de l’unité monétaire n’entraîne pas fatalement celle du niveau de vie des consommateurs (voir : J. Fourastié et B. Bazil, Lorsque les prix baissent, Hachette, 1983). La désinflation est le ralentissement graduel de l’inflation ainsi définie : les prix continuent en général d’augmenter mais à un rythme continûment décroissant ; plus exceptionnellement, le niveau général des prix diminue au lieu de monter, comme le montre l’exemple de la République fédérale d’Allemagne depuis avril 1986. Le concept de désinflation doit être distingué d’un terme voisin, celui de déflation. La désinflation concerne seulement les variations du rythme auquel l’inflation déprécie la valeur de l’unité monétaire. La déflation recouvre de manière souvent indistincte le tassement des valeurs nominales de la production, de la dépense, des crédits, etc., et confond dans un même mouvement les prix et les quantités correspondantes. Les économies occidentales sont entrées depuis 1980 dans une période de désinflation qui, pour ne pas être sans précédent, n’en a pas moins retenu l’attention en raison de ses aspects très particuliers. Le tableau et le graphique mettent downloadModeText.vue.download 307 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 306 en évidence la diminution du rythme annuel de hausse des prix à la consommation relevés dans les dix principales nations occidentales. En six ans, de 1980 à 1986, l’inflation a perdu 9 points pour les dix pays observés et n’atteint plus que des valeurs de 3,7 p. 100 en 1985, 2,2 p. 100 en rythme annuel en 1986. Ce processus n’est certes pas nouveau. Le graphique met en évidence, en effet, le ralentissement intervenu après le premier choc downloadModeText.vue.download 308 sur 502 ÉCONOMIE 307 pétrolier qui s’était traduit par un quadruplement du prix du pétrole intervenu en quelques jours en octobre 1973. Mais l’originalité de la désinflation qui a succédé au second choc pétrolier, lequel se caractérisait par un triplement des prix du pétrole entre fin 1979 et l’automne 1981, est de rapprocher les économies occidentales d’un régime de stabilité monétaire. Les bienfaits de la désinflation Avant d’indiquer les causes de ce phénomène, il convient de rappeler en quoi la désinflation est désirable et constitue un progrès à mettre à l’actif des politiques économiques occidentales et des com- portements des agents économiques des années 1980. Comme le démontrent amplement les expériences d’inflation accélérée à des taux dépassant le seuil psychologique des deux chiffres, c’est-àdire de 10 p. 100, et à plus forte raison dans les cas historiques d’hyperinflation (à 3 ou à 4 chiffres, voire à plus) la dégradation de la monnaie déséquilibre les relations d’échanges, sape la confiance des agents économiques dans les institutions financières, redistribue les richesses de manière injuste et déstabilise en fin de compte les rapports sociaux et politiques. Une inflation, même modérée, à 4 ou 5 p. 100 l’an par exemple, non seulement excède encore le taux moyen de croissance du produit intérieur en termes réels, mais elle risque à tout moment de dégénérer et de préluder à un emballement des prix. Les calculs économiques se trouvent alors complètement faussés, en raison des perspectives de dévalorisation de la monnaie ; une indexation quasi généralisée des prix se produit, chaque acteur cherchant à se prémunir contre l’inflation qu’il anticipe ; l’épargne diminue, l’investissement recule au profit des placements spéculatifs à court terme : de ce fait, la productivité et l’emploi finissent rapidement par décliner. Par conséquent, la désinflation est particulièrement bienvenue, car elle annonce un certain retour à l’ordre, prometteur pour le développement durable du pouvoir d’achat, de l’épargne et de l’investissement productif, et donc pour le soutien de l’activité ainsi que son orientation vers les productions les plus authentiquement demandées par le consommateur. Lorsque, de surcroît, la désinflation permet à un pays comme la France de réduire son propre différentiel de hausse des prix vis-à-vis de ses partenaires étrangers, ce pays rejoint alors peu à peu le peloton des nations qui bénéficient de la stabilité ; il renforce par là même ses positions dans la compétition internationale. En effet, à taux de change constant, le prix de ses produits, exprimé en yens, en marks ou en dollars, enchérit de moins en moins ; par conséquent, les producteurs du pays considéré défendront mieux leurs parts de marché tant à l’intérieur que sur les marchés mondiaux. Le tableau statistique n° 1 montre que si la France a été très longtemps handicapée par un différentiel d’inflation de plus de 4 à 5 points entre 1981 et 1983, elle l’a fortement réduit depuis lors. Cependant, visà-vis de son principal client et fournisseur, la République fédérale d’Allemagne, à l’égard de laquelle les accords monétaires européens de 1979 la lient par une relation de change stable (mais ajustable), la France conserve un écart d’inflation qui amenuise périodiquement sa compédownloadModeText.vue.download 309 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 308 titivité : cet écart était encore supérieur à 2 points en glissement annuel au milieu de 1986. Si la France ne parvenait pas à le réduire, il en résulterait, comme dans les périodes qui ont précédé les quatre dernières dévaluations du franc vis-à-vis du deutsche Mark (1981 à 1986), une accumulation de tensions que seul un nouvel ajustement des parités pourrait, momentanément, résorber. Épargne Pour la première fois depuis 1949, les ménages n’ont épargné que 12 p. 100 de leur revenu disponible en 1986 (18,6 p. 100 en 1975). Les sommes accumulées ainsi représentent la moitié de l’épargne nationale, le solde se répartissant entre les entreprises (un tiers en 1985) et les administrations. Les Français économisent aussi différemment. L’immobilier et les placements liquides à court terme sont délaissés progressivement au profit des titres négociables. – Les placements en titres : la part des valeurs mobilières dans l’épargne est passée de 23 p. 100 en 1970 à 38 p. 100 en 1985. Elles s’acquièrent soit directement (la moitié seulement sur sept millions de porteurs), soit par la voie des SICAV et fonds communs de placement dont le succès va croissant. Les obligations et titres participatifs ont connu en 1986 une croissance moindre que les placements en actions et certificats d’investissements dont la vitalité est confirmée depuis 1985 (passage progressif d’une économie d’endettement à une économie de fonds propres). Les titres courts négociables, créés depuis 1985 (certificats de dépôts, en mars, bil- lets de trésorerie et bons du Trésor négociables, en décembre) accentuent leur percée puisque leur part dans les placements de titres est passée de 3 p. 100 en 1985 à plus de 12 p. 100 en 1986. – Les placements liquides à court terme n’accueillent plus qu’une faible fraction de l’épargne nouvelle. Les livrets A des Caisses d’épargne, qui en constituent la principale composante (57 p. 100), sont en perte de vitesse ; les retraits l’emportant sur les versements, d’autant que les taux d’intérêts ont été ramenés de 6 p. 100 à 4,5 p. 100. – L’immobilier et le foncier tombent en disgrâce puisque leur part dans l’épargne globale est passée de 52 p. 100 en 1970 à 39 p. 100 en 1984. La loi Méhaignerie devrait contribuer à la reprise de ces secteurs. DOMINIQUE COLSON Le recentrage des priorités Si la désinflation est donc souhaitable, dans quelle mesure peut-on en attribuer le mérite aux politiques économiques mises en oeuvre au cours des dernières années ? La question doit être posée, car, depuis 1979, les pays occidentaux ont modifié leur manière d’agir dans le domaine de l’économie, tout au moins en intention. En effet, l’accélération de l’inflation aux États-Unis en 1978 et 1979, ainsi que dans les premiers mois de 1980, et l’effondrement du dollar à des cours excessivement dépréciés obligèrent ce pays à prendre des mesures d’économies budgétaires et à freiner la croissance de sa masse monétaire. Elles conduisirent le Trésor des États-Unis à emprunter des devises étrangères pour défendre sa monnaie et à accepter à cette fin de payer des taux d’intérêt élevés. Ces changements auxquels l’Europe a dû s’adapter ont été perçus comme le signal d’un recentrage des priorités économiques au profit de la lutte contre l’inflation. Il est downloadModeText.vue.download 310 sur 502 ÉCONOMIE 309 de fait que la politique dite keynésienne de stimulation de la demande globale par une combinaison alliant le déficit public et l’argent à bon marché avait fini par dérégler les mécanismes économiques et par nuire à l’emploi. Frédéric von Hayek y a vu depuis longtemps (dans Prix et Production) une politique de « desperado », plus inspirée par les hommes politiques soumis à la pression de leurs électeurs que par une analyse économique sérieuse. Selon cet auteur, l’inflation nourrie par un crédit excessif et mal distribué (et d’autant plus mal distribué que le dirigisme le voudrait « sélectif ») oriente les ressources en capital et en travail vers des secteurs qui cessent d’être rentables dès que l’inflation cesse de s’accélérer. L’État comble en effet les défaillances de l’épargne volontaire par des moyens de paiement supplémentaires qui, n’étant pas gagés sur une épargne préalable, ne sont pas soustraits à la consommation. Dès lors, l’impulsion donnée à la demande de consommation, soit directement par le relèvement des salaires, soit indirectement à la suite des effets multiplicateurs de l’investissement ainsi financé, augmente les prix et les profits des industries de consommation et ceux des services par rapport à ceux des biens d’équipement. La demande supplémentaire se heurtant à la barrière des stocks de produits et des équipements disponibles, l’inflation accélérée par le crédit facile déprime, à la longue, et l’emploi et l’investissement. Au désenchantement qui a entouré les politiques d’inspiration keynésienne s’est ajouté un second motif. La vieille recette qui consistait à lutter alternativement et successivement contre l’inflation en laissant le nombre croissant des chômeurs peser sur les salaires, puis contre le chômage en laissant filer les prix et le crédit, ne donnait plus de résultat depuis le début des années 70 : les pays malades de la stagflation récoltaient à la fois le chômage et l’inflation. Investissement Le taux d’investissement dans l’industrie (l’investissement rapporté à la valeur ajoutée de l’industrie) tombé à 13,2 p. 100 en 1982, remonte à 15,5 p. 100 en 1985. L’investissement qui avait augmenté en volume de 13 p. 100 en 1985, se réduit à 4 p. 100, selon les prévision, en 1986. Au niveau national, l’effort d’investissement est encore moindre (+ 2,8 p. 100 en 1986), puisque les entreprises non industrielles, les ménages et les administrations, ont eu un comportement encore moins dynamique avec des investissements qui représentent pourtant 85 p. 100 de la Formation brute de capital fixe (BFCF). Dans l’industrie, l’investissement productif progresse en 1985 surtout dans les biens intermédiaires (+ 15 p. 100 et les biens d’équipement professionnels (+ 18 p. 100), notamment les technologies de pointe ; d’abord dû aux groupes nationalisés (1984), puis aux groupes privés (1985), il proviendrait des petites et moyennes entreprises en 1986. Enfin, ces investissements continuent à améliorer la productivité et non pas à augmenter les capacités de production : en témoigne la part croissante de l’investissement immatériel au détriment de l’investissement en matériel. L’insuffisance de l’investissement a des conséquences graves : le retard par rapport aux autres pays industriels s’accentue, l’outil de production vieillit, la compétitivité s’affaiblit et le chômage augmente. Pourtant, dès mars 1986, la nouvelle majorité pendownloadModeText.vue.download 311 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 310 sait rétablir la confiance des investisseurs en libérant l’économie et en abaissant les charges sociales et fiscales. Certes, depuis 1983, les comptes des entreprises s’améliorent, mais celles-ci ont préféré effectuer des placements financiers ou se désendetter (le taux d’autofinancement de 51,7 p. 100 en 1982 atteindrait 92 p. 100 en 1986). DOMINIQUE COLSON Enfin, le constat d’échec général doit être complété, dans le cas de la France, par une troisième considération. Notre pays est en effet le seul, parmi les nations industrielles, à avoir répercuté aussi totalement le poids des chocs pétroliers sur ses entreprises. La dégradation continue de leurs marges et de leur autofinancement conduisit celles-ci soit à retarder le, renouvellement de leurs équipements, soit à s’endetter dans des proportions excessives. L’endettement, qui est simultanément encouragé par l’inflation, parce qu’elle allège le poids réel de la dette à rembourser, par un régime fiscal favo- rable aux frais financiers mais défavorable aux bénéfices, le fut également par le jeu de l’effet de levier. Grâce à ce dernier, plus l’entreprise emprunte en proportion de ses capitaux propres, plus elle amplifie la rentabilité de ceux-ci par rapport au rendement économique des actifs exploités. Cet effet joue à la condition cependant que les charges d’intérêt rapportées à la dette soient inférieures à la rentabilité de l’actif, ce qui était normalement le cas avant 1982. Une ère de réformes Au total, les entreprises françaises abordèrent la décennie 1980-1990 avec deux handicaps durables : des équipements vétustés et des bilans fragiles. Leur capacité globale de production s’en est trouvée réduite, de même que leur capacité de réaction à la concurrence internationale. Ainsi, au tournant des années 1970-1980, la bienveillante négligence avec laquelle les gouvernements occidentaux avaient considéré l’inflation depuis trente ans cessa-t-elle. Les États-Unis et l’Europe prirent des résolutions nouvelles en matière de politique monétaire. Des normes plus strictes furent assignées à la croissance de la masse monétaire. Puis, compte tenu de l’incidence de la raréfaction relative des liquidités disponibles sur la hausse des taux d’intérêt, les ministres du groupe des Dix résolurent de renforcer les disciplines budgétaires, afin de contribuer à la reprise économique en relâchant la pression qui s’exerçait sur les taux d’intérêt. Cette résolution, qui date de 1982, fut très inégalement suivie d’effets (la République fédérale d’Allemagne, le Royaume-Uni s’y conformèrent mais non la France, ni surtout les États-Unis). Le renchérissement des taux d’intérêt, particulièrement marqué aux États-Unis, attira vers l’Amérique assez de capitaux pour compléter l’épargne domestique et propulser le dollar à des taux très surévalués en regard de la parité économique des pouvoirs d’achat des monnaies. Cet afflux de capitaux contribua donc à solder les déficits croissants du budget fédéral et à relancer la demande globale par des allégements fiscaux, le maintien des dépenses sociales et l’augmentation des dépenses militaires américaines. Les entreprises américaines, en général peu endettées, souffrirent assez peu du relèvement des taux d’intérêt ; elles profitèrent largement de la reprise économique de 1983 à 1985. downloadModeText.vue.download 312 sur 502 ÉCONOMIE 311 Si les États-Unis ont été les premiers à déclencher le processus de désinflation, ils le doivent non pas tant à de vagues résolutions de réduire leurs dépenses publiques mais au contrôle de la masse monétaire et de la croissance des salaires, ainsi qu’à la pression exercée sur leurs propres prix à l’importation par les hauts cours du dollar. La France, de son côté, continua de contingenter le crédit, de préférence à l’emploi des méthodes traditionnelles en économie de marché. Ces dernières auraient pu consister à manipuler le coefficient des réserves obligatoires par lesquelles les banques sont obligées de déposer sans intérêt à la Banque centrale une fraction de leurs propres ressources en dépôts et à laisser le taux d’intérêt s’établir au niveau d’équilibre de l’offre et de la demande de crédit. Les entreprises jugées dignes d’encouragements de l’État ont été, en revanche, protégées contre une hausse excessive des taux d’intérêt par le système des prêts bonifiés. Un tel système d’esprit keynésien réduit le taux demandé en dessous du taux du marché et comble la différence par une subvention publique. Il traduit ici encore la distance entre l’intention de mettre fin aux stimulants artificiels de la demande et les faits. Les crédits bonifiés furent développés au point de représenter, en 1985, environ la moitié du total des crédits consentis à l’économie. Comme la distribution de ces crédits contribuait au coût de fonctionnement du système bancaire, il en résulta que les emprunteurs de droit commun qui n’avaient aucun accès aux prêts bonifiés voyaient reporter sur eux le coût des avantages consentis aux secteurs privilégiés (logement, agriculture) ou aux opérations encouragées par l’État. Ce dispositif de rationnement discriminatoire permit, certes, de limiter les fluctuations des taux d’intérêt, mais il n’évita pas à la France le handicap des taux nominaux relativement élevés. Jusqu’en 1986, ces taux d’intérêt ont excédé constamment le niveau de 10 p. 100, alors que, au Japon et en Allemagne, pays à monnaie forte et de faible inflation, ces taux sont demeurés dans la gamme de 5 à 10 p. 100. C’est qu’en effet seul un différentiel d’intérêts suffisant pour compenser les écarts d’inflation permet de limiter les mouvements de capitaux spéculatifs et de retarder la dévaluation ou la dépréciation de la devise du pays à monnaie réputée faible. Depuis 1985, la politique monétaire française a inauguré une ère de réformes. Elles ne mettent en cause ni la stratégie de désinflation ni la fixation de normes de croissance des agrégats monétaires. En revanche, elles visent, par la suppression de l’encadrement direct du crédit, à inciter les banques à être beaucoup plus rigoureuses dans la sélection de leurs concours et à renforcer, par le développement de leurs fonds permanents, leur propre autonomie. Ces réformes vont nous rapprocher, en 1987, des régimes de régulation monétaire par le taux d’intérêt et la variation des réserves obligatoires des pays anglo-saxons. La consolidation Comme on le voit, la désinflation amorcée depuis 1980 n’est qu’en partie le produit des résolutions affichées au plan monétaire et budgétaire. Pour le reste, downloadModeText.vue.download 313 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 312 elle est le fruit d’un heureux concours de circonstances particulier aux relations entre les États-Unis et les autres pays occidentaux. Dans les années 1983 à 1986, d’autres facteurs plus décisifs sont venus, en se relayant et en se complétant, consolider la désinflation en Europe, et spécialement en France. Retenons pour notre pays et dans l’ordre chronologique : – le ralentissement de la hausse des salaires et des coûts salariaux intervenu à la fin 1982 ; – la chute des prix du pétrole amorcée dès le début de 1983 ; – la chute des prix en dollars des matières premières importées dès le printemps 1984 ; – plus généralement, le rôle désinflationniste d’un commerce international qui croît en moyenne plus vite que les produits nationaux et porte sur des produits manufacturés avantagés par les économies d’échelle. Le premier de ces phénomènes mérite attention, car la hausse des salaires a été modérée à la suite des modifications des règles du jeu intervenues dans les négociations salariales introduites par M. Jacques Delors. Jusqu’alors, les revendications de salaires portaient si possible sur l’augmentation du pouvoir d’achat de ceux-ci et au minimum sur leur maintien en fonction de l’inflation observée au cours de l’année écoulée. Le gouvernement dénonça la nocivité de cette pratique, car son résultat le plus clair était de perpétuer les pressions inflationnistes. Il recommanda et appliqua la règle selon laquelle la hausse des salaires devait se limiter en moyenne au taux d’inflation annoncé comme l’objectif souhaité par le gouvernement pour l’année à venir. L’augmentation du taux de salaire brut qui s’élevait encore de 15 p. 100 en 1982, 11 p. 100 en 1983, chuta à 7,6 puis 5,9 p. 100, respectivement en 1984 et 1985. Et, compte tenu des gains de productivité du travail, la progression du coût salarial par unité produite se ralentit à partir de l’automne 1983. Enfin, la baisse du pétrole et celle du dollar constituent des causes extérieures. Renforcées en 1986, elles ne se reproduiront pas, ou peu, en 1987. La désinflation s’est poursuivie en 1986. La France a vécu là une période d’exceptionnelle facilité. Elle a profité à plein, comme les importateurs de pétrole et de matières premières, de la double diminution du prix du baril de pétrole (de l’ordre de 50 p. 100) et du cours du dollar (de l’ordre de 30 p. 100). La France économisa ainsi 75 milliards de francs sur sa facture pétrolière, et plus généralement un montant équivalent à 3 p. 100 du PIB (environ 125 milliards de francs), par suite de l’amélioration de ces termes de l’échange, c’est-à-dire par suite de la hausse du prix relatif de ses exportations par rapport à ses importations. Les entreprises furent les premières, pour une fois, à en profiter, en captant les deux tiers environ de ce gain inopiné contre 28 p. 100 directement répercutés sur les particuliers par la baisse des prix de l’essence et du fuel et 4 p. 100 par le relèvement de la taxe pétrolière perçue par l’État. Elles ont bénéficié d’une forte diminution de leurs coûts de production, qui a prolongé et renforcé la tendance à la modération observée dès 1985. La désinflation n’a certes pas également favorisé toutes les entreprises. Il est normal que, dans un premier temps tout au moins, les industries les plus fortement consommatrices de matières predownloadModeText.vue.download 314 sur 502 ÉCONOMIE 313 mières aient été les plus immédiatement avantagées par la chute des cours (chimie, métallurgie, etc.). Dans un deuxième temps, la concurrence et la reconstitution de leurs réserves financières permettront aux entreprises de transmettre en aval au consommateur final une plus grande partie des bénéfices retirés par la nation. Par ailleurs, les entreprises les plus lourdement endettées éprouvent, dans cette période de désinflation, des difficultés de transition, car la relative rigidité des taux d’intérêt nominaux provoque deux séries de conséquences chez certaines d’entre elles. D’abord, les taux d’intérêt nominaux excèdent depuis cinq ans le taux d’inflation d’un montant de l’ordre de 5 à 6 points (voir graphique p. suivante), la désinflation enrichit les créanciers au détriment des débiteurs, alors que l’inflation produisait les résultats opposés. Ensuite, le taux d’intérêt réel apparent (taux nominal diminué du taux d’inflation constaté) dépasse le taux de rentabilité d’un certain nombre d’entreprises ; de ce fait, l’effet de levier tend à s’inverser et à jouer comme une sorte de piège pour les entreprises qui n’ont pu renégocier ni leurs dettes ni leurs taux, bénéficier d’une clause de taux d’intérêt variable. Plus généralement, la conjonction de la désinflation avec le maintien de taux d’intérêt réels apparents à leur niveau actuel incite les entreprises à consacrer leurs bénéfices en priorité au remboursement de leurs dettes, de préférence à l’investissement. L’anémie pernicieuse dont souffre l’appareil productif français, et dont témoigne la fragilité des résultats obtenus par nos industries, tire ainsi son origine de la très grande faiblesse de l’augmentation de notre capital fixe, c’est-à-dire de l’outil de production. Les consommateurs retirent un certain avantage de la désinflation qui, toutes choses égales quant à leur revenu nominal disponible après impôts, améliore leur pouvoir d’achat (voir tableau II). Mais la France, comme les États-Unis, a été entraînée en 1985 et en 1986 dans la voie de la facilité, puisque la consommation y a crû plus vite que la production intérieure. La désinflation ne suffit donc pas à améliorer rapidement la compétitivité des productions nationales ni l’emploi, même si elle en est l’une des conditions nécessaires. downloadModeText.vue.download 315 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 314 Marchés financiers Les mutations actuelles s’orientent en France autour de trois axes : le décloisonnement, mettant fin progressivement à la segmentation des métiers de la finance ; l’innovation financière (couverture des risques, recherche de la liquidité, capitalrisque) ; la déréglementation, afin de supprimer tous les freins d’adaptation d’un marché qui évolue vers une dimension internationale. Les objectifs concrets sont d’abord la recherche d’une réponse adaptée aux besoins des agents économiques en période de taux réels élevés, ensuite une baisse du coût du crédit par la concurrence entre les intermédiaires, et enfin l’amélioration du rang international des places financières. Pour la France, la modernisation de la Bourse de Paris est un élément majeur du dispositif : la mise en oeuvre du système informatique d’aide à la cotation a été réalisée, et quelques valeurs ont été admises à la cotation continue. Tout est prévu pour alléger les procédures traditionnelles et diffuser l’information en temps réel. La principale innovation été le 21 février l’ouverture du Marché à terme d’instruments financiers (MATIF), avec retard par rapport aux grandes places étrangères. Il s’agit de la transposition des techniques à terme des marchés de marchandises aux marchés financiers et, dans un premier temps, d’un marché à terme d’obligations à long terme. L’année boursière 1986 a été marquée en France par une vive hausse du marché des actions, tendance désormais plus prudente dans l’incertitude qui règne sur les taux d’intérêts et sur les conjonctures politiques. Les privatisations, comme celle de SaintGobain, réalisée en décembre, doivent dynamiser le marché et provoquer l’investissement d’abondantes liquidités. Il en va downloadModeText.vue.download 316 sur 502 ÉCONOMIE 315 de même avec le récent assouplissement des règles des opérations d’offres publiques d’achat, ou d’échange. PATRICK CADOUR L’avenir En cette fin d’année 1986, la désinflation est-elle amenée à se poursuivre ? Les prix, qui ont progressé de l’ordre de 2,2 p. 100 en 1986, monteront-ils seulement de 2 p. 100 en 1987 comme l’annonce le gouvernement français ? Bien que le ralentissement de la hausse des prix ne soit pas un fait acquis et exige des entreprises comme des pouvoirs publics une gestion rigoureuse, cet objectif demeure accessible. Plusieurs raisons fondent ce pronostic : 1 – Les prix du pétrole, qui ont évolué dans la zone de 10 à 15 dollars le baril depuis février 1986, ne diminueront guère, mais, sauf circonstances et troubles exceptionnels, ils risquent peu de s’élever au-dessus ou de tendre vers 18 à 20 dollars (éd. 1986). L’état de la demande mondiale de pétrole, compte tenu des économies d’énergie et des perspectives de croissance mondiale, ne justifie pas un tel relèvement dans les prochains mois. La possibilité pour le principal producteur de l’OPEP, l’Arabie Saoudite, de redresser les prix passe par sa propre capacité à réduire l’offre mondiale. Or cette capacité a sensiblement décliné depuis l’époque (1973) où le pétrole fournissait 48 p. 100 de l’énergie du monde et où l’Arabie Saoudite livrait 13 p. 100 de ce pétrole. Nous sommes parvenus en 1986 à une situation différente : le pétrole n’entre plus que pour 37 p. 100 de la demande totale d’énergie, et le leader de l’OPEP n’en a livré que 6 p. 100 ; par conséquent son poids spécifique sur le marché de l’énergie a décliné de 6 p. 100 (0,48 × 0,13) à 2 p. 100 (0,37 × 0,06). 2 – Les cours du dollar ont plus de chance de diminuer ou de se stabiliser que de remonter dans les prochains mois, en raison de la persistance du déficit extérieur courant des États-Unis et des incertitudes sur l’échéance électorale de 1988. Les événements susceptibles de stabiliser le dollar par un regain de protectionnisme paraissent moins probables. En revanche, une inconnue subsiste : l’afflux des capitaux attirés par l’allégement substantiel des taux d’imposition sur les revenus des particuliers et des sociétés peut, si l’Europe ne s’engage pas dans la même voie, redresser le dollar à plus long terme. 3 – La libération quasi-totale des prix en France, à l’exception de ceux des livres, des médicaments et des tabacs, soulève la crainte que l’inflation ne reprenne. Cette crainte se nourrit de la croyance, infondée et constamment démentie, que le contrôle des prix réduit efficacement l’inflation. Or, celui-ci engendre toute une série d’effets pervers – limitation de la concurrence, corporatisme, rigidité des politiques commerciales et financières des entreprises, fausses innovations, etc. – qui perpétuent l’action du virus inflationniste dans le corps social. En régime de contrôle des prix, l’inflation traduit tout au plus le degré de résistance de l’État face aux revendications cumulées des professions. Mais, comme les phénomènes économiques sont dépourvus de symétrie et que les chefs d’entreprise français, contrairement à leurs confrères et concurrents, downloadModeText.vue.download 317 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 316 ont été habitués à 50 ans de contrôle, certains redoutent que la libération des prix conduise à leur explosion. Cette crainte peut être démentie. En effet, la force de la concurrence mondiale, largement stimulée par les progrès techniques et la déréglementation de nombreux secteurs aux États-Unis (transports aériens, télécommunications, marchés financiers, etc.), joue fortement dans le sens de la baisse (éd. 1986). D’autre part, la liberté des prix est la seule solution durablement adéquate aux disciplines de la concurrence : elle donne enfin à l’entreprise la possibilité de moduler ses propres tarifs en fonction d’une stratégie d’ensemble, et à la concurrence le moyen puissant de corriger tout excès. 4 – La rigueur salariale continuera de s’imposer en 1987. Le nombre des chômeurs interdit de rémunérer sensiblement plus ceux qui ont l’avantage de conserver leur emploi. En outre, la France se trouve dans l’obligation de redresser des résultats extérieurs médiocres, précaires, en réduisant l’avance de la consommation intérieure sur la production : la France doit épargner et investir pour exporter et créer des emplois compétitifs avant de consommer beaucoup plus. Enfin, la rigueur salariale reflète une ambition plus vaste qui est d’améliorer le rapport qualité-prix de nos activités, qu’il s’agisse de nos produits ou de nos capacités de travail et de gestion. Seul un progrès sensible dans nos innovations, dans notre productivité et notre aptitude à saisir les occasions offertes par la croissance mondiale, pourra justifier un assouplissement global et modulé de la rigueur salariale en fin d’année 1987. Le gouvernement a assigné des objectifs de progression des masses salariales conformes à l’ambition de réduire l’inflation de 1987 à 2 p. 100. 5 – La réussite de cette politique repose en partie sur les anticipations des entreprises et des consommateurs. Ces anticipations paraissent moins délibérément orientées vers l’inflation que naguère. L’État réduit son train de vie. Il reste aux collectivités locales à modérer le leur et sans doute à la Sécurité sociale de choisir avec discernement, sans trop écouter les groupes les plus bruyants, les économies nécessaires. Pour sa part, l’État montre globalement l’exemple. La progression prévue des dépenses publiques en 1987 est de 1,8 p. 100 en termes nominaux, soit beaucoup moins que celle du PNB en francs courants (+ 4,8 p. 100) : la diminution du nombre des fonctionnaires (17 000 personnes), des aides à l’industrie (– 14 p. 100), de la dette publique, grâce à un report d’une partie des sommes recueillies à la faveur des privatisations, en sont les principaux gages. La répartition downloadModeText.vue.download 318 sur 502 ÉCONOMIE 317 des sacrifices entre les différents budgets, et surtout à l’intérieur de chaque budget ministériel, peut, comme de coutume, laisser à désirer. L’analyse économique des gestions ministérielles a malheureusement moins progressé que celle des politiques budgétaires globales. La diminution corrélative des déficits publics en comparaison du PIB permet d’entrevoir une baisse des taux d’intérêt et des frais financiers des entreprises, ce qui ajouterait un autre facteur favorable à la désinflation. La désinflation engagée depuis 1981 nous rapproche d’un régime de stabilité monétaire. Les restrictions monétaires, puis les disciplines des salaires nominaux, la concurrence internationale et enfin les prix du pétrole ont combiné leur action. Ces bienfaits deviennent plus évidents à mesure que les prix ralentissent leur progression. Elle a des chances de durer. Mais elle nécessite des efforts. L’attitude de l’économiste ne peut être que d’extrême modestie tant les points marqués contre l’inflation risquent d’être perdus de nouveau en raison de la grande volatilité des forces sociales et des anticipations des acteurs économiques. L’année 1986 aura toutefois été marquée par des progrès déterminants dans la voie de la désinflation. ALAIN BIENAYMÉ Professeur à l’université de Paris IX-Dauphine, Alain Bienaymé a été membre du Conseil économique et social (1974-1984), dont il a présidé la section des problèmes économiques généraux et de la conjoncture (1980-1984). Il est également membre de l’International Council for Educational Development et vice-président de la Société d’économie politique. Il a publié, entre autres, Stratégie de l’entreprise compétitive (Masson, 1980), Entreprise, marchés, État (PUF, 1982), et l’Enseignement supérieur et l’idée d’université (Economica, 1986). Finances internationales Depuis quelques années, les marchés internationaux des capitaux et des crédits ont subi de nombreux et profonds bouleversements tant dans le volume et la répartition géographique des émissions internationales de titres que dans les structures et les formes d’institutions financières servant d’intermédiaire dans toutes les opérations à l’échelle internationale d’emprunt ou d’investissement. Les foyers financiers des grands pays industriels sont en train de s’unifier en un seul marché, à l’échelle du monde tout entier. Dans les principaux centres financiers internationaux (New York, Londres et Tokyo), les grands établissements bancaires multiplient les instruments financiers afin d’attirer la clientèle des investisseurs et des sociétés multinationales, tout en cherchant à satisfaire les emprunteurs. Cette mondialisation financière a été facilitée et accélérée par le jeu de la dérégulation (ou déréglementation) adoptée dans presque tous les grands pays industriels (éd. 1986). Sur le plan interne, sont peu à peu supprimées les dispositions qui cloisonnaient les opérations financières, soit géographiquement (aux États-Unis par exemple la plupart des banques devaient se limiter à travailler dans un seul État), soit sectoriellement (les banques de dépôts ne pouvaient jouer le rôle des banques d’affaires et inversement, ou intervenir directement en bourse, etc.). Sur le plan international, les pays qui interdisaient aux agents étrangers d’exercer leur activité sur leur territoire les ont autorisés à s’installer chez eux. À la suite de cette dérégulation à l’échelle mondiale, les frontières entre marchés internationaux de crédits et d’obligations s’effacent, les cloisonnements entre différents intermédiaires disparaissent. Un vaste marché mondial des capitaux est en train de naître où les opérateurs pourront solliciter directement ou simultadownloadModeText.vue.download 319 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 318 nément les marchés nationaux les plus actifs, emprunteurs et investisseurs pourront effectuer sur ces marchés des opérations 24 h sur 24 (en continu) sur pratiquement n’importe quelle devise ou n’importe quel titre. Aussi, dans les principaux centres financiers du monde interviennent des banques universelles agrégeant des filiales spécialisées, banques de dépôts, banques d’affaires et d’investissement, mais aussi maisons de titres, sociétés de courtage, banques de trésorerie, sociétés de placement. Les capitaux propres de ces megabanks sont abondants, la clientèle d’investisseurs et d’entreprises multinationales et les réseaux d’information sont implantés dans le monde entier. Dans cette mondialisation, l’hégémonie du dollar, l’ampleur des marchés de capitaux américains et leur intégration croissante dans le marché international font de New York le véritable centre mondial de redistribution des capitaux tant pour les titres financiers à court terme (comme le commercial paper) que pour les titres financiers beaucoup plus longs. Cependant, le rôle croissant de la place de New York sur le plan international n’a pas remis en cause le rôle directeur de la City de Londres pour les opérations internationales, surtout après son ouverture aux innovations financières et technologiques. Avec le Big Bang (ou grand chambardement), une réforme a été engagée à la Bourse de Londres le 27 octobre 1986. Avec cette réforme, les frontières entre les différentes activités boursières et bancaires ont été effacées. Le système de courtage fixe a été abandonné et la Bourse ouverte aux sociétés étrangères. La place de Londres traitera non seulement des actions et obligations britanniques, mais aussi des valeurs mobilières d’autres pays ainsi que celles ayant un caractère international. Il se crée ainsi un marché international où se négocient des valeurs mobilières de n’importe quel pays au coût de transaction le plus faible. En effet, le nouveau marché mondial est très compétitif : une pression permanente sur les marges limite les gains sur les opérations ; mais cette profitabilité réduite est compensée par une croissance en volume et par l’application de nouvelles techniques performantes de gestion internationale, fondées sur l’emploi de l’informatique. GILBERT RULLIÈRE downloadModeText.vue.download 320 sur 502 ÉCONOMIE 319 La dette du tiers monde La gestion de la dette a permis d’éviter les ruptures que l’on aurait pu craindre, mais montre maintenant ses limites : les banques, réduites aux rééchelonnements, deviennent difficiles à convaincre, alors que les pays endettés ne voient pas la fin de la récession. Après l’éclatement de la crise lors de la cessation de paiement mexicaine en août 1982, le problème de l’endettement des pays en développement est resté en 1986 l’un des points chauds de l’actualité économique internationale. Certes, un climat d’optimisme s’était établi depuis 1984, alors qu’une crise profonde du système financier international avait été évitée, et que la formidable croissance américaine parvenait à faciliter l’ajustement économique et financier des pays endettés. Mais une certaine désillusion s’installait, en 1985, devant la morosité de la situation et des perspectives économiques internationales, la faiblesse persistante des cours des matières premières, la montée de tensions protectionnistes : autant de facteurs qui paraissaient éloigner encore toute perspective de voir, à court terme, les pays en développement endettés assainir leur équilibre financier extérieur et retrouver le chemin d’une croissance durable. L’effondrement des prix du pétrole a paru tirer d’affaire certains pays importateurs comme le Brésil, qui a vu en 1986 sa contrainte extérieure considérablement allégée. Mais il a aussi suscité en 1986 un regain d’inquiétude concernant la situation des pays endettés exportateurs de pétrole, tout particulièrement le Mexique, présenté jusqu’en 1985 comme le « bon élève » de l’ajustement, pionnier des accords marquants de renégociation de la dette, comme celui du rééchelonnement pluriannuel conclu avec ses banques créditrices et le FMI en 1985 ; cet accord portait sur 49 milliards de dollars (la moitié de la dette extérieure du pays) et représentait tant par le montant que par le report d’échéances (14 ans) un tournant dans la gestion des problèmes d’endettement. Tous ces progrès apparaissaient soudain remis en cause par le « troisième choc » pétrolier, le pays tirant du pétrole près des trois quarts de ses recettes d’exportations et près de la moitié de ses recettes fiscales. Il fallait donc de nouveau mettre en place une opération de sauvetage qui a fait, tout au long de l’année, l’objet de négociations labodownloadModeText.vue.download 321 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 320 rieuses. L’accord qui en est résulté, conclu entre le Mexique, le comité représentatif des banques, le FMI et le Club de Paris, a été présenté comme un nouveau pas en avant dans la gestion des problèmes de la dette. Il s’agit tout d’abord de la première mise en application du plan Baker élaboré par le secrétaire américain au Trésor lors de l’assemblée annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, en septembre 1985. Ce plan prévoyait la coopération des débiteurs et des créanciers autour de stratégies d’ajustement permettant la croissance. Il proposait de mettre 40 milliards de prêts nouveaux sur une période de 3 ans à la disposition de 15 pays parmi les plus endettés (Il s’agit de trois pays d’Afrique [Côte-d’Ivoire, Maroc, Nigeria], de dix pays d’Amerique latine, de la Yougoslavie et des Philippines.), sous réserve de leur détermination à poursuivre des réformes économiques. Une moitié de cette somme serait fournie par les banques commerciales, et l’autre par les pays industrialisés et les agences multilatérales. C’est ainsi que l’accord mexicain s’accompagne de près de 12 milliards de dollars de nouveaux prêts, dont 6 milliards de la part des banques commerciales. Mais au-delà des montants élevés de ces nouveaux crédits, l’accord innove également en matière d’allongement de la validité de certains prêts rééchelonnés (20 ans), de diminution des marges demandées par les banques (13/16 p. 100 au-dessus du Libor, contre 1 1/8 p. 100 lors du rééchelonnement de 1985), de garanties accordées par la Banque mondiale (sur un montant de 750 millions) et surtout par la mise en place d’un prêt conditionnel de 1,7 milliard de dollars mobilisables sous contrôle du Fonds monétaire international, dès lors que le pays respecte ses engagements en matière d’ajustement, n’atteint pas une croissance économique suffisante, et que le prix du baril de pétrole tombe au-dessous de 9 dollars (voir tableau I). On peut se demander pourquoi créanciers et débiteurs en sont ainsi réduits à ces négociations en continu, ces rééchelonnements de rééchelonnements, coûteux à la fois en termes de frais de gestion et de temps de négociation et qui, en outre, semblent ne pas traiter le problème en profondeur, puisqu’ils ne font que repousser à plus tard les charges du remboursement. Pourtant, cette solution au coup par coup s’est imposée comme étant la plus opérationnelle, et peut-être la plus acceptable par l’ensemble des parties concernées. Ce n’est pas pour autant qu’il convient de s’en satisfaire. Le principe même de gérer les problèmes au fur et à mesure qu’ils font surface sert aussi d’alibi à l’indifférence manifestée à l’égard de pays fortement endettés à leur propre échelle, mais dont les déséquilibres ne menacent pas le système international. Il s’agit notamment des pays pauvres d’Afrique, dont le drame dépasse la seule crise de la dette pour englober crise de développement, crise alimentaire et crise politique à la fois (Sur la situation économique de l’Afrique subsaharienne, voir le Rapport RAMSES 86/87, publié par l’IFRI [AtlasEconomica, 1986, pp. 268-282].). Ces pays sont dans une situation tragique qui semble appeler un traitement spécifique, relevant essentiellement des aides officielles de la part des gouvernements et des institutions multilatérales. Pour la downloadModeText.vue.download 322 sur 502 ÉCONOMIE 321 communauté bancaire internationale, relativement peu impliquée en Afrique (si ce n’est au Maroc, en Côte-d’Ivoire et au Nigeria), la crise de l’endettement est essentiellement celle des pays latino-américains, et celle des Philippines en Asie, les autres pays d’Asie ayant pu traverser la crise sans rééchelonnement de leur dette. L’engagement des banques En fait, en perspective, la crise de 1982 (Pour une étude plus approfondie de la crise de la dette et des problèmes qu’elle pose, voir le Rapport RAMSES 85/86 (Atlas-Economica, 1985, pp. 113-143).) apparaît seulement comme l’un des rebondissements dont l’histoire financière internationale semble coutumière. On compare d’ailleurs souvent la crise actuelle à celle qui, dans les années 30, avait vu la plupart des pays latino-américains et de nombreux pays européens en cessation de paiement sur leurs engagements extérieurs. La différence fondamentale avec la situation des années 30 tient au rôle du secteur bancaire dans l’endettement international des années 80. Dans le premier cas, la plus grande partie de la dette était constituée de titres, dont les porteurs assuraient individuellement downloadModeText.vue.download 323 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 322 la totalité des risques. En cas de défaut, les pertes étaient élevées, mais pouvaient, par l’appauvrissement des investisseurs privés, être absorbées sans que la structure économique en fût menacée. Or, depuis le début des années 60, les banques ont considérablement accru le montant et le champ de leurs opérations internationales ; comme elles jouent un rôle pivot dans le fonctionnement et le financement de l’économie, toute défaillance bancaire risque de se propager aux autres banques et à l’ensemble de l’économie. Agriculture L’année 1986 a confirmé les tendances qui se manifestent dans l’agriculture depuis le début de la décennie : excès de l’offre sur les marchés internationaux, stagnation de la demande solvable dans les pays en voie de développement, détérioration des revenus agricoles dans les pays industrialisés, permanence de l’insécurité alimentaire dans les pays pauvres. Les stocks des produits de base (céréales, produits laitiers), ont augmenté à un point tel que les grands pays agricoles industria- lisés, principalement les États-Unis et les membres de la CEE, ont pris de nouvelles dispositions visant à diminuer tout à la fois la production et les prix garantis aux agriculteurs. Aux États-Unis, la loi agricole applicable pendant la campagne 1986-1987 prévoit des niveaux de soutien des prix considérablement réduits par rapport à ceux de la campagne 1985-1986. Elle comporte en outre des mesures pour la mise en repos de 20 à 30 p. 100 des terres céréalières. Des subventions seront accordées pour éviter l’approfondissement excessif d’une crise sociale commencée avec les difficultés financières de beaucoup de farmers au cours de ces dernières années. Quant à la CEE, elle a gelé les prix de soutien de la plupart des productions pour la campagne 1986-1987 et maintenu le système des quotas laitiers instauré en 1984. Sur des marchés pléthoriques, les ÉtatsUnis et la CEE ont continué en 1986 une bataille sans merci à coups de subventions, ce que déplorent les pays exportateurs qui ne subventionnent pas leurs produits (Australie, Argentine entre autres). Face à une offre que les grands pays agricoles parviennent très difficilement à juguler, la demande solvable stagne. D’abord, dans ces mêmes pays et dans les autres pays industrialisés occidentaux, où les besoins alimentaires sont, globalement, très largement satisfaits, mais aussi dans ceux qui s’étaient révélés des clients empressés au cours des années 1970. Chez ces derniers, de nombreux facteurs expliquent la stagnation : la progression de l’endettement, (Nigeria, Mexique), la baisse de la rente pétrolière (Algérie, Venezuela), le cours du dollar, maintenant moins excessif, le succès de certaines politiques d’autosuffisance (Inde, Chine), l’amélioration des récoltes en URSS, habituellement grosse importatrice de céréales pour son élevage (1986 a été annoncée comme l’une des meilleures années céréalières). En France, de très nombreux mécontentements sectoriels ont reflété un malaise général : opposition des producteurs de lait bretons à la politique des quotas, manifestations des éleveurs de moutons contre la chute des cours provoquée par le bas prix des agneaux britanniques, plainte des producteurs de maïs contre les avantages donnés aux États-Unis pour approvisionner le marché espagnol. Enfin, un nouvel été de sécheresse, après celui de 1985, a aggravé la situation des agriculteurs du Centre et du Sud-Ouest. downloadModeText.vue.download 324 sur 502 ÉCONOMIE 323 Aux difficultés des exploitants agricoles des pays développés, victimes des excédents, fait écho la malnutrition des populations du tiers monde. Globalement, la production a augmenté depuis une dizaine d’années à un rythme plus rapide dans les pays en voie de développement que dans les pays développés, mais c’est vrai aussi de la population, c’est pourquoi l’alimentation des pays pauvres ne s’est pas améliorée partout. Dans certains d’entre eux, en Afrique notamment, la situation reste extraordinairement précaire comme le montre l’influence des catastrophes naturelles (sécheresse, invasions de sauterelles, etc.). Dans son rapport de 1986 sur le développement dans le monde, la Banque mondiale propose le libre-échange agricole comme remède. Mais est-il possible de parvenir à un minimum de sécurité alimentaire sans protection des paysans dans les économies du tiers monde ? Le vent du libre-échangisme qui souffle sur la planète pourra-t-il résoudre ce paradoxe irritant d’excédents agricoles ne trouvant pas preneur dans les pays riches face à une demande alimentaire insolvable dans les pays pauvres ? BERNARD ROUX Comment en est-on arrivé là ? C’est sous la double pression de l’offre et de la demande que l’endettement international et particulièrement la dette bancaire se sont accrus aussi considérablement dans les années 70. L’environnement macroéconomique international y a été très propice : forte croissance, taux d’intérêt nominaux faibles, forte inflation des prix du commerce mondial, c’est-à-dire des taux d’intérêt réels parfois fortement négatifs incitant les pays en développement à accroître leur endettement. Par ailleurs, le premier choc pétrolier augmenta sensiblement les besoins de financement externes des pays en développement, alors même qu’il conduisait à une augmentation de l’épargne mondiale, détenue par les pays exportateurs de pétrole (l’excédent pétrolier), qui fut placée par ces pays auprès des banques commerciales des pays occidentaux. Celles-ci durent trouver des débouchés pour cet afflux de liquidités ; c’est le problème du recyclage. Ces banques se précipitèrent dans l’activité de prêts aux pays en développement (principalement en Amérique latine et en Asie), qui leur paraissait présenter un très bon rapport risque/rendement. Les banques consentirent donc à ces pays des prêts de montants très élevés, organisés, pour une meilleure répartition des risques, sous forme de prêts syndiqués associant un grand nombre d’institutions, parfois plusieurs centaines. Si l’on peut critiquer le laxisme avec lequel les banques ont gonflé leurs créances sur les pays en développement, il convient également de remarquer que ces derniers ont géré leur endettement extérieur avec une insouciance tout aussi imprudente. Les pays d’Amérique latine notamment ont souvent pratiqué des politiques de fuite en avant, renforcées dans de nombreux cas par le maintien de taux de change surévalués, incitant soit à l’évasion des capitaux par crainte de dévaluation, comme en Argentine ou au Mexique, soit au report de la demande interne sur des biens d’importation durables, comme par exemple au Chili. Dès lors, le rapport de la dette extérieure totale aux exportations de biens et services s’est considérablement gonflé dans les pays latino-américains, alors qu’il restait à peu près stable dans les pays asiatiques (à l’exception des Philippines), qui avaient adopté des stradownloadModeText.vue.download 325 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 324 tégies de croissance fondées sur le développement des exportations. Cette conjonction d’offres de prêts abondantes de la part des banques et de politiques économiques inadaptées conduisit à une situation de déséquilibre, caractérisée par la concentration excessive des créances bancaires sur un petit nombre de pays, principalement latinoaméricains, dont les ratios d’endettement avaient atteint des niveaux extrêmes. Cette concentration apparaissait net- tement dans le cas des banques américaines, mais posait également problème aux banques européennes, et, entre autres, françaises. Dans ce contexte de fragilisation, l’environnement économique fut une cause indéniable de l’émergence d’une situation de crise. Après le deuxième choc pétrolier, la lutte contre l’inflation devint prioritaire dans les principaux pays industrialisés, qui mirent en place des politiques monétaires restrictives. Les pays en développement non pétroliers virent leurs déficits se creuser. Le début des années 80 fut marqué par une nette décélération de l’activité économique, par des taux d’intérêt nominaux très élevés, par une détérioration des termes de l’échange des pays en développement et des taux d’intérêt réels atteignant de hauts niveaux, donc, par un resserrement de la contrainte financière extérieure des pays en développement (voir graphique). Lorsque les banques ont commencé à percevoir la détérioration de la situation financière des pays en développement, elles ont nettement marqué leur réticence à poursuivre l’accumulation des créances. En août 1982, le Mexique, qui ne disposait plus des réserves en devises et des financements externes adéquats pour assurer le service de la dette, dut se déclarer en cessation de paiement ; une véritable réaction en chaîne fut ainsi amorcée, caractérisée par une vague de suspensions de paiement et par un assèchement presque total des crédits bancaires, accentuant encore la gravité de la crise. En matière de gestion de crise, à ceux qui se montraient confiants dans l’aptitude des gouvernements (pour la dette officielle) et des banques (pour la dette bancaire) à faire face aux problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient, selon la formule de la gestion au coup par coup, s’opposaient ceux qui, sensibles au risque global économique et financier, préconisaient une approche radicale visant à alléger le fardeau de la dette et à réduire ainsi les tensions pesant sur le système financier international. De nombreuses propositions très imaginatives virent le jour, qui avaient le mérite de traiter le problème en profondeur et dans une optique de long terme, mais qui, à les bien examiner, paraissaient à la fois très difficiles à mettre en oeuvre, et assez inadaptées à la situation. Outre le fait que ces solutions globales ne tenaient pas compte de la spécificité downloadModeText.vue.download 326 sur 502 ÉCONOMIE 325 des problèmes propres à chaque pays, elles heurtaient de front le sacro-saint principe d’orthodoxie financière qui s’exprime ainsi : les banques doivent être rémunérées pour le risque qu’elles prennent. Une entorse ouverte à ce principe pouvait avoir deux inconvénients, le premier de tarir complètement les flux bancaires futurs à destination des pays en développement, le second d’être mal admis par ceux des emprunteurs ayant réussi à assainir leur situation financière au prix d’efforts draconiens. Enfin, le grand nombre des banques impliquées, la diversité de leurs intérêts et la variété de leurs relations avec leurs gouvernements rendaient peu praticables les approches globales préconisées. Compte tenu de ces rigidités, la communauté internationale fut réduite à la « navigation à vue », à savoir l’approche négociée au cas par cas. Depuis août 1982, un grand nombre de rééchelonnements se sont donc succédé (voir tableau II). Le report des dettes officielles s’opère dans le cadre du Club de Paris, qui rassemble les gouvernements créditeurs ; les dettes bancaires le sont dans chaque cas par l’intermédiaire d’un « comité consultatif » de banques qui représente l’ensemble des banques commerciales créditrices (parfois plusieurs centaines). Le rôle du Fonds monétaire international, intermédiaire et garant, est fondamental. Les processus de négociation sont encore à l’oeuvre sous nos yeux et conditionnent la gestion future du problème de la dette. De nombreux efforts, de part et d’autre, par les créanciers, les débiteurs, les gouvernements, les organisations internationales, sont déployés pour faire aboutir les solutions négociées, car l’intérêt collectif conseille de prévenir les ruptures potentielles en procédant à des ajustements mieux contrôlés. Deux aspects principaux des négociations méritent d’être soulignés, relatifs tout d’abord aux discussions entre débiteurs et créanciers, ensuite aux divergences d’intérêts entre banques créditrices elles-mêmes. L’intervention du FMI Il est erroné de croire que les pays endettés n’ont pas d’autre choix que de se plier aux exigences de leurs créanciers. Voyant downloadModeText.vue.download 327 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 326 se rétrécir considérablement et durablement leur accès aux financements dont ils ont besoin pour assurer leur développement, ils peuvent être enclins à prendre des mesures hostiles (pouvant aller jusqu’à la décision extrême de répudiation de la dette). Les coûts économiques de telles mesures ne sont pas évidents ; ils dépendent des mesures de rétorsion qui seraient alors prises par les créanciers. Or il est douteux que l’on puisse en représailles exclure longtemps de gros pays débiteurs du commerce international : ils assurent des débouchés intéressants aux exportations des pays industrialisés. Mais au-delà du calcul économique, il ne faut pas négliger la dimension politique. Les intérêts de politique étrangère incitent certainement les gouvernements des pays débiteurs en difficulté à ne pas heurter de front les pays industrialisés, encore que les arguments de solidarité entre pays en développement puissent à l’occasion se manifester. Il est clair, par exemple, que le Mexique accorde beaucoup d’intérêt au maintien de bonnes relations avec les États-Unis, et cela n’est pas étranger aux réticences mexicaines à soutenir les différentes tentatives de « cartel des débiteurs ». Mais, dans certains cas, les intérêts de politique intérieure peuvent imposer des mesures d’hostilité envers les créanciers : le coût social et politique d’un ajustement économique dont on ne voit pas la fin, alors même que la stabilité politique reste fragile, particulièrement dans les démocraties naissantes d’Amérique latine, peut à la longue s’avérer insupportable. Dès lors, pour rendre la négociation possible, les banques doivent consentir des concessions et, en particulier, de nouveaux crédits (voir tableau III). Les créanciers, à leur tour, ont bien sûr collectivement intérêt à ce que les solutions extrêmes soient évitées. Ce qui importe n’est au demeurant pas tant le remboursement ultime de la dette que le paiement régulier des intérêts sur cette dette. Mais pour conserver ces créances douteuses à leur bilan, et pour accorder de nouveaux prêts, les banques ont besoin de garanties sérieuses ; les pays endettés devront prendre les mesures économiques qui dégageront les ressources nécessaires pour le service futur de leur dette (voir tableau IV). Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur les programmes d’ajustement du Fonds monétaire international, c’est grâce à son intervention qu’ont pu progresser les négociations entre débiteurs et créanciers (pour la dette bancaire comme pour la dette officielle) : « L’acceptation, par les downloadModeText.vue.download 328 sur 502 ÉCONOMIE 327 pays débiteurs, de la conditionnalité du FMI est devenue un élément clef (des) négociations (...), dont les banques ont fait dépendre leur propre acceptation des programmes de refinancement (Banque des règlements internationaux, Rapport annuel, 1984, p. 124.). » Le FMI a pu subordonner son intervention financière auprès des États débiteurs en difficulté au consentement de nouveaux crédits par les banques, et à la mise en place, sous son égide, de programmes d’ajustement dans chaque pays. Il a donc joué un rôle clef dans ces négociations. Industrie La tendance à l’affaiblissement de l’industrie manufacturière, qui s’était révélée sous l’empire des chocs pétroliers, semble s’être renversée en 1986. Dans une très large mesure, ce changement peut être attribué à une mutation technologique fondée sur la mise en oeuvre de la filière électronique et sur le relais pris, dans un proche avenir, par le développement des bio-industries. Cette mutation a contribué au renouvellement des modèles du développement industriel. On cherche à économiser davantage l’énergie et les matières premières ; les thèses d’épuisement des ressources naturelles en longue période sont ainsi rendues caduques. Ce renouveau industriel observé dans les principaux pôles de l’économie mondiale s’est manifesté à travers une accélération des processus de restructuration des industries de base et par l’exacerbation de la concurrence commerciale. Après le premier choc pétrolier, l’augmentation du coût de l’énergie, le tassement de la consommation et la concurrence de nouveaux pays industriels, comme le Mexique et la Corée du Sud, sur les marchés traditionnels d’exportation avaient mis en évidence les difficultés de plusieurs industries de base (sidérurgie, industrie textile, constructions navales, etc), incapables d’écouler des excédents liés à une surcapacité de production. Malgré les aides accordées à ces industries pour faciliter leur restructuration, elles n’ont plus absorbé autant de ressources financières, de sorte que la mise en oeuvre de nombreuses innovations technologiques n’a pas été freinée. Afin d’améliorer leur rentabilité, certains grands groupes industriels ont fait preuve d’un nouveau dynamisme commercial non seulement en s’efforçant de pénétrer sur des marchés jusqu’alors fermés (cas de l’Europe downloadModeText.vue.download 329 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 328 vis-à-vis du Japon), mais aussi en formant des réseaux communs avec d’autres entreprises ou en créant des filiales avec des partenaires du pays à pénétrer. GILBERT RULLIÈRE La plupart des pays en développement en difficulté ont donc tant bien que mal accepté jusqu’à présent de se plier à la discipline du FMI. Le Pérou, en revanche, a choisi une stratégie délibérément hostile en décidant, en 1985, de limiter ses dépenses au titre du service de la dette à 10 p. 100 du revenu de ses exportations. Il n’a pas encore pour autant enduré de représailles significatives. Son président, Alan Garcia, en sort d’autant plus renforcé que le pays a retrouvé, en 1986, une croissance réelle très positive. Il n’est pas exclu que d’autres pays (le Mexique en a d’ailleurs envisagé l’hypothèse) suivent le même exemple, dès lors qu’ils estimeront ne plus pouvoir sacrifier la croissance économique à l’ajustement extérieur. Peut-être est-ce aussi une option que les créanciers devraient examiner plus favorablement. La solidarité bancaire Il est remarquable qu’à quelques accrocs près la solidarité des banques créditrices ait pu être si longtemps préservée. Car, parmi les plusieurs dizaines de banques qui se partagent les créances sur un pays donné (plus de 500 dans le cas du Mexique), les intérêts individuels peuvent être très différents et parfois conflictuels. En particulier, les banques petites ou moyennes, souvent moins exposées sur les pays en développement en difficulté (en proportion de leur capital), n’éprouvent pas la même incitation que les grosses banques très impliquées à prolonger la fiction de ces créances douteuses et à les accroître par de nouveaux crédits. En outre, les modalités de répartition, entre les banques concernées, des nouveaux crédits négociés par leur comité représentatif, lors des accords de rééchelonnement, font de plus en plus l’objet de discussions. Chacune des banques cherche en fait à reporter sur les autres la plus grande partie des engagements nouveaux. Ces brèches dans la solidarité bancaire sont devenues de plus en plus évidentes, comme en témoigne l’accord avec le Mexique décrit plus haut. Le principe de cet accord avait été défini entre le Mexique et le FMI dès juillet 1985. Il a fallu attendre octobre pour qu’il soit accepté par le comité représentatif des banques. À la date du 21 novembre 1986, le Mexique avait enfin réussi à obtenir la participation de ses banques créancières à hauteur de 90 p. 100 du montage envisagé, pourcentage nécessaire au déblocage du prêt du FMI. Il lui restait donc encore à cette date à obtenir les 10 p. 100 restants pour pouvoir bénéficier du prêt de 6 milliards de dollars qui était prévu. Énergie Les problèmes énergétiques ont été encore dominés par la baisse du prix du pétrole. Le prix du baril a baissé de 40 dollars en novembre 1980 à 28 dollars en février 1985 (éd. 1986). Une nouvelle baisse, amorcée en février 1986, l’a amené au-dessous de 14 dollars, soit une chute de moitié en six mois ; à l’issue de transactions downloadModeText.vue.download 330 sur 502 ÉCONOMIE 329 conclues sur le marché libre de Rotterdam, il est même tombé à 8 ou 10 dollars. Cet effondrement du prix du pétrolier rendait compte non seulement des mutations du marché international depuis le début des années 80 (réduction de la consommation ; économies d’énergie), mais aussi des conflits constatés au sein de l’OPEP. Aussi, en décembre 1985, afin de conserver une juste part du marché, face à l’essor de la production des pays indépendants comme la Grande-Bretagne, la Norvège, le Mexique, l’OPEP rompait officiellement avec la politique de plafonnement de la production qu’elle tentait de suivre depuis 1982. Une telle décision, consacrant la baisse du prix, cherchait à éviter que soient évincés progressivement du marché les producteurs aux réserves les plus abondantes et aux coûts de production les plus bas comme l’Arabie Saoudite : ainsi, en déclenchant la guerre des prix, l’Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe visaient à mettre un terme à cette situation absurde et à reprendre ainsi le contrôle du marché. Cette politique ne pouvait pas satisfaire tous les pays membres de l’OPEP. Aussi, par un accord conclu au début du mois d’août et renouvelé à la fin d’octobre 1986, l’OPEP a décidé à nouveau de limiter la production, afin d’éviter la baisse du prix du pétrole et de maintenir le prix du baril aux alentours de 15 à 18 dollars. Les quotas des pays aux coûts de production élevés comme l’Équateur, le Gabon, le Koweït et le Qatar ont été accrus pour obtenir leur adhésion. Néanmoins, cet accord reste très précaire ; la guerre des prix peut se rallumer à tout instant. GILBERT RULLIÈRE En dépit des progrès réalisés ainsi, on peut donc se demander si cet arrangement annonce une nouvelle et heureuse prise de conscience par les banques que les accords de refinancement doivent maintenant privilégier le rétablissement de la croissance dans les pays en développement, et une conception à beaucoup plus long terme de programmes d’ajustement ; vu le temps nécessaire pour aboutir et les pressions considérables exercées sur les banques, notamment par le gouvernement américain, on peut aussi interpréter cet accord comme un signe précurseur d’un début de dissociation, ou du moins de distanciation, des banques par rapport à la gestion de la dette. Il faut reconnaître qu’au fur et à mesure des différentes renégociations, les banques ont peu à peu donné leur agrément à des concessions qui auraient paru inimaginables quelques mois auparavant, et que l’on pouvait interpréter comme un signe de maturation et une amorce de vision à plus long terme des problèmes posés par l’ampleur de leurs risques. L’accord mexicain en 1986 crée toutefois un précédent en obtenant des banques une entorse de taille à l’orthodoxie traditionnelle : le principe du prêt conditionnel est en effet de prêter d’autant plus que la santé du pays se détériore ! Si les banques l’ont accepté pour le Mexique, il n’est pas sûr qu’elles soient prêtes à le refaire. À l’issue des inévitables renégociations qui devront avoir lieu avec, entre autres, l’Argentine, le Nigeria, ou les Philippines, 1987 devrait, sur ce point, fournir de plus amples éclaircissements (Voir l’article de Françoise Crouigneau dans le Monde du 21 novembre 1986, p. 40). En tout état de cause, les banques ont commencé de procéder à des restructurations de leurs portefeuilles de créances en cédant pour une fraction de leur valeur nominale certaines de leurs créances sur les pays endettés ; certains y voient la downloadModeText.vue.download 331 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 330 naissance d’un « marché secondaire » des créances, mais les volumes qui s’y traitent restent marginaux en comparaison du volume de la dette bancaire (voir tableau V). Parfois, des entreprises acquièrent ces créances et les échangent aux gouvernements débiteurs contre des parts d’investissement direct dans le pays (comme Nissan au Mexique, par exemple). Même de faible ampleur, ces opérations contribuent à la stabilisation du problème. Automobile L’industrie européenne vient toujours en tête du classement de la production de voitures, mais, alors que la production mondiale a augmenté de 30 p. 100 depuis 1970, le nombre des unités produites par les usines européennes est pratiquement stagnant depuis cette date. Par ailleurs, alors que les Européens multipliaient par dix leurs achats de voitures étrangères à l’Europe, les exportations européennes vers le marché mondial diminuaient de 10 p. 100 malgré une reprise sensible en 1983. Beaucoup d’entreprises ont été alors contraintes de réduire les effectifs. En contrepoint de cette dégradation, les constructeurs européens ont été surpris par l’offensive extraordinaire des firmes japonaises et plus récemment par celle des Américains. Depuis 1970, l’industrie automobile japonaise a connu un développement sans précédent : sa production a plus que doublé et ses exportations, multipliées par cinq, ont submergé la planète, ravissant à l’Europe cette première place sur le marché mondial qu’elle détenait encore jusqu’en 1975. Désormais, sur dix voitures exportées dans le monde, un peu plus de deux seulement proviennent encore d’usines européennes, alors que près de cinq sont japonaises. Le secteur européen de l’automobile a été affaibli par les chocs pétroliers et par la crise économique générale (tassement de la demande). Mais il a également souffert d’une adaptation tardive face à l’une des mutations majeures de l’histoire de l’automobile. Les quatre grands groupes européens (Fiat, Peugeot, Renault, Volskwagen) se sont lancés dans une politique de relèvement de la productivité, d’amélioration de la technologie et de modernisation des réseaux commerciaux ; en outre, ils ont cherché, après plusieurs concurrents japonais ou américains, à renouveler plus fréquemment les modèles et à privilégier le haut de gamme, au moment même où les producteurs américains, ferment, pour les moyennes cylindrées, le marché intérieur. GILBERT RULLIÈRE Le renforcement des disparités L’ajustement extérieur des pays endettés s’est remarquablement effectué. Il a toutefois nécessité une importante récession, obtenue par le biais notamment de downloadModeText.vue.download 332 sur 502 ÉCONOMIE 331 dévaluations réelles très importantes dans les pays latino-américains, et des réductions considérables des importations. Or, la contrainte financière extérieure ne semble pas se relâcher et on ne voit guère la fin de cet ajustement dans la récession, peu compatible avec la stabilisation politique, ou avec les besoins de l’économie. Les pays en développement remboursent plus chaque année qu’ils ne reçoivent de nouveaux prêts, et voient la progression de leurs recettes d’exportation buter sur une croissance insuffisante de la demande mondiale et sur le risque que font courir à leurs marchés les tendances protectionnistes. Les pays industrialisés ont une responsabilité considérable dans ce domaine. Mais, en 1986, ils ont paru figés dans leur souci de sauvegarder les résultats des politiques de rigueur et incapables d’adopter des décisions coordonnées visant à promouvoir la croissance économique internationale. Plus que jamais, la reprise d’une croissance forte de l’économie mondiale paraît nécessaire à tout espoir de « sortie » de crise. Tout aussi préoccupant est le problème du financement futur du développement. Peu d’options semblent encore se dégager. Les banques ne seront probablement pas prêtes, dans un avenir prévisible, à contribuer de façon significative à la solution du problème par de nouveaux crédits. Elles ont été fortement échaudées par leur imprudence récente concernant à la fois leurs prêts aux pays en développement et, surtout aux États-Unis, les crédits accordés aux secteurs agricole et énergétique en difficulté ; elles sont par ailleurs confrontées à une mutation profonde de leur environnement et de leurs activités dans le cadre de la révolution financière que connaissent tous les pays industrialisés. L’intermédiation bancaire internationale, classique sous la forme de crédits syndiqués, est en fait condamnée à un déclin durable. On ne peut guère attendre de l’aide officielle qu’elle prenne le relais, même si l’on peut vivement souhaiter qu’un effort sérieux soit consenti en faveur des pays les plus pauvres de la planète. Les contraintes budgétaires de la plupart des pays industrialisés laissent cependant peu d’espoir à ce sujet. Il ne faut pas non plus s’attendre, de la part des entreprises, à un accroissement des flux d’investissement direct dans les pays en développement. Il y a certes un potentiel intéressant à exploiter, mais il faut d’abord que se mette en place un code d’investissement qui préserve les intérêts à la fois des entreprises et des pays d’accueil. Reste l’accès au marché des capitaux. Seuls cependant certains pays peuvent y prétendre à des coûts non prohibitifs, s’ils possèdent des réserves adéquates et font preuve d’un dynamisme économique suffisant. C’est le cas de certains pays d’Asie (en particulier la Corée). Le Brésil pourra peut-être aussi y avoir accès dès 1987. Au total, la crise de la dette pourrait bien renforcer les disparités des situations et des performances des pays du tiers monde, pénalisant doublement ceux qu’elle met durablement en difficulté, d’une part par la nécessité d’un ajustement coûteux, d’autre part en réduisant leurs perspectives d’accès à de futurs financements. PIERRE JACQUET Ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur des Ponts et Chaussées, Pierre Jacquet est adjoint au directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Il est responsable de la partie économique du Rapport annuel mondial sur les systèmes économiques et les stratégies (RAMSES), publié chaque année par l’IFRI. Il est également maître de conférences à l’École nationale d’administration et à l’Institut d’études politiques de Paris. downloadModeText.vue.download 333 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 332 Aviation Une conjoncture économique et politique peu favorable – baisse notable du dollar et terrorisme en Europe – a amené une baisse sensible du trafic passagers sur le faisceau Atlantique-Nord dans le sens Amérique-Europe, qui a touché toutes les compagnies desservant ces liaisons. À cette baisse s’ajoute, pour Air France, une diminution non négligeable du nombre des passagers sur les lignes desservant le Maghreb. Néanmoins, le bilan et les pers- pectives financières des principales compagnies aériennes françaises demeurent favorables : 1985 a été une année bénéficiaire et, même si la progression des bénéfices est sans doute plus modérée en 1986, le solde n’en sera pas moins positif selon les documents soumis aux assemblées générales ordinaires. Pourtant, la concurrence s’aggrave par suite de la construction du TGV Atlantique, pour les lignes intérieures, de la déréglementation progressive du réseau européen, conformément au traité de Rome, et de l’introduction de nouvelles compagnies américaines sur la desserte de l’AtlantiqueNord. L’arrivée de ces compagnies concurrentes reste insuffisamment compensée par l’ouverture de Miami et de San Francisco à Air France et de San Francisco à UTA, avec concurrence franco-française sur la ligne Paris-Los Angeles-Papeete. En outre, pour l’ensemble des compagnies, le renouvellement et la modernisation des flottes sont à l’ordre du jour avec pour règles de base : des avions moins bruyants, plus sûrs, plus confortables, et d’un coût d’exploitation moins élevé. C’est pourquoi les trois principaux constructeurs occidentaux remplissent actuellement leurs carnets de commandes grâce à leurs nouveaux modèles commercialisés ou en cours de réalisation : pour Boeing, les 737300 et 400, les 757, les 767, les 747-400, le futur 707, aux nouveaux réacteurs à hélices non carénées : pour McDonnell Douglas, les séries MD-80 ; pour Airbus Industries, les A 300-600, les A 310 et, à venir, les A 320 (dont le premier vol approche), A 330 et A 340. PHILIPPE DELAUNES downloadModeText.vue.download 334 sur 502 ÉCONOMIE 333 Emploi et chômage : la fin des illusions L’année 1986 restera marquée par l’émergence en France d’un chômage « incompressible » qu’aucun pouvoir politique, qu’il soit de droite ou de gauche, ne parvient à maîtriser. L’arrivée au pouvoir de l’opposition, en mars, n’a pu inverser la montée irréversible de l’inactivité forcée. Le retour au plein emploi apparaît aujourd’hui comme un mythe dépassé. Le 16 mars 1986, quand, les Français ont choisi de faire revenir au pouvoir les partis qui étaient dans l’opposition depuis 1981, nul doute qu’ils entendaient ainsi exprimer, entre autres, leur déception devant l’impuissance des socialistes à maîtriser le problème le plus préoccupant de leur vie quotidienne, le chômage. Beaucoup de ceux qui avaient mis tant d’espoir dans les promesses de la gauche se sont sentis floués à l’heure du bilan. De 1981 à 1986, la France a perdu 647 000 emplois et le nombre des chômeurs a augmenté de 50 p. 100, passant de 1 600 000 à 2 400 000. L’année 1986 a donc été marquée par le retour du réalisme libéral qui devait à son tour répondre à la première attente des Français. Le chômage est en train de devenir le problème politique, économique et social majeur. Il est susceptible, à lui seul, de faire jouer une alternance peu ancrée jusqu’alors dans les habitudes françaises. Il est susceptible aussi de faire éclater le fameux clivage droite-gauche qui divise le pays depuis des décennies. Car si, au bout du compte, l’expérience des libéraux se solde à son tour par une incapacité à redresser l’emploi, il faudra bien se résigner à admettre que l’extension du chômage obéit à des phénomènes qui dépassent la compétence des hommes politiques. Pour la première fois en 1986, un ministre a osé parler de « chômage incompressible ». Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales du gouvernement Chirac, ne déteste certes pas la provocation. Il a donc choisi de dire tout haut une vérité difficile à avouer quand on détient le pouvoir. À savoir : ne comptons pas sur les effets de la croissance pour retrouver le plein emploi de jadis. Elle ne sera jamais suffisante pour créer le nombre d’emplois nécessaire à la résorption du chômage. Un constat que les experts économiques confirment dans toutes leurs études. Tant que le taux de croissance ne dépassera pas 3 p. 100 par an, le nombre d’emplois continuera à décroître. La crise de l’emploi n’est donc pas seulement conjoncturelle, mais bien structurelle. Comme l’exdownloadModeText.vue.download 335 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 334 plique lui-même Philippe Séguin, pour justifier son pronostic pessimiste de 2 à 2,5 millions de chômeurs en France « totalement incompressibles », « les réserves de productivité de l’industrie et des services classiques sont énormes et la compétition internationale les fera toujours jouer à plein. Il y a désormais un décalage structurel entre le rythme de l’évolution technologique et la capacité d’adaptation, sur la base des modèles traditionnels, du corps social ». Constructions navales La construction navale a connu un essor presque ininterrompu de la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1974, le tonnage lancé étant multiplié par près de 17. Cet essor s’explique par une conjoncture favorable, marquée par la croissance du commerce mondial (trois fois plus en volume entre 1958 et 1973) et par celle des transports maritimes. Après 1974, la crise énergétique provoque une nette diminution des échanges maritimes, portant, entre autres, sur les hydrocarbures, qui a entraîné une surcapacité de la flotte mondiale, d’où une guerre des tarifs de fret, puis une réduction des commandes et un net déclin de l’activité des chantiers. Les aides officielles accordées aux chantiers ont provoqué plus de commandes que nécessaire. En même temps, des concurrents très compétitifs sont apparus, en particulier la Corée du Sud, qui semble souffrir le moins du marasme, alors qu’en 1986 la crise est presque universelle. Le Japon, qui à lui seul construit la moitié du tonnage mondial, licencie jusqu’au tiers du personnel. L’Europe, très médiocrement compétitive, avait peu de chances de faire face : la situation est grave en Suède, en Grande-Bretagne, en Allemagne fédérale et en France. La Normed (chantiers à Dunkerque, La Ciotat et La Seyne) était d’une efficience discutable dès sa création. En 1986, elle n’en finit pas d’agoniser, et les médias se font l’écho de plans, de tractations avec des repreneurs et de colères syndicales. Plus discrets, les autres chantiers sont aussi aux prises avec les règlements judiciaires et les dépôts de bilan. Le vénérable chantier Dubigeon, à Nantes, créé en 1740, met fin à son activité, n’ayant aucune commande en vue. La politique française actuelle s’oriente vers la suppression des aides à la construction au profit de programmes de conversion, parfois dans le cadre de zones d’entreprises pilotes. GILBERT RULLIÈRE Une croissance insuffisante L’année 1986 aura sans doute marqué un tournant dans la prise de conscience des Français. Car tous les experts sont formels : l’accroissement régulier du rendement de notre appareil productif va continuer à susciter des suppressions d’emplois. C’est une évolution douloureuse, mais inéluctable, si l’on veut maintenir la France en bonne position dans la concurrence internationale. Même si le redressement de la situation économique, lié à une accélération de la croissance, permet des créations nettes de postes de travail dans certains secteurs, ces emplois ne pourront absorber, à eux seuls, tous les nouveaux actifs qui se présentent chaque année sur le marché du travail. Et c’est la forte croissance de la population active disponible qui justifie les prévisions les plus noires sur l’évolution de l’emploi et du chômage en France. En 1986 et 1987, 400 000 nouveaux actifs se présenteront sur le marché du tradownloadModeText.vue.download 336 sur 502 ÉCONOMIE 335 vail. Comment l’appareil de production peut-il absorber ces 200 000 personnes supplémentaires chaque année, alors qu’il est déjà contraint de tailler dans ses propres effectifs pour survivre ? On comprend dans ces conditions les pronostics alarmistes des experts, qui prévoient une augmentation du nombre des chômeurs d’un million d’ici 1991, et le franchissement du seuil fatidique des trois millions de chômeurs dès 1989. L’un des événements notables de l’année 1986 n’est pas l’évocation de ces trois millions de chômeurs : André Bergeron, le leader de Force ouvrière, s’était déjà fait l’écho de cette perspective auparavant. La nouveauté, c’est que le pouvoir politique en place ose ouvertement en parler. Cette pression démographique s’explique en grande part par la montée continue de l’activité féminine dans la vie économique. Sous l’effet de la crise et de l’évolution sociologique, le taux d’activité des femmes ne cesse d’augmenter. De 1975 à 1982, ce taux a progressé plus qu’au cours des vingt dernières années : il a atteint 66,5 p. 100 en 1986. Ce phénomène va se poursuivre dans les années à venir, de pair avec l’extension du travail à temps partiel, qui touche aujourd’hui 22,5 p. 100 des femmes, contre 15 p. 100 en 1975. Légère amélioration de l’emploi : à défaut d’enrayer la montée du chômage, la politique mise en oeuvre en 1986 a-telle permis de stopper l’hémorragie des emplois ? L’INSEE n’a pas encore rendu son verdict, mais les experts s’attendent à un bilan moins catastrophique que celui qui avait été enregistré au cours des deux dernières années. Il faut en effet se rappeler qu’en 1984 et 1985, la France avait perdu 350 000 emplois, alors que les grands pays industriels, eux, dans le même temps, avaient recommencé à augmenter leurs effectifs : 6,4 millions d’emplois créés aux États-Unis, 920 000 au Japon, 600 000 en Grande-Bretagne, 220 000 en Allemagne fédérale. Loin de suivre ce mouvement, la France, en 1986, a continué de perdre des emplois, mais dans une proportion moindre que les années précédentes ; de plus, la chute des emplois industriels n’est plus compensée par l’accroissement des emplois dans le secteur tertiaire, lui aussi soumis aux impératifs de la modernisation et de la productivité. L’année 1986 devrait donc se solder par une diminution de l’emploi total, salarié et non salarié, d’environ 0,3 p. 100, soit une perte de 70 000 emplois. Ce résultat global recouvre des évolutions contrastées selon les grands secteurs d’activité. Ainsi, pour la première fois depuis le milieu de l’année 1982, l’emploi salarié dans les secteurs marchands non agricoles s’est légèrement accru, de l’ordre de 0,1 p. 100 au cours du premier semestre 1986. Si l’on compare avec la même période de l’année précédente, les six premiers mois de l’année 1985, on constate que les effectifs avaient régressé de 0,3 p. 100 ; l’emploi salarié a donc connu une légère amélioration entre 1985 et 1986. Sur douze mois, de juillet 1985 à juillet 1986, la baisse globale des effectifs salariés a été de 0,2 p. 100, alors que l’année précédente avait été marquée par une diminution de 1,4 p. 100. Pour les différentes branches industrielles, les experts de l’INSEE s’attendent à un bilan en demi-teinte pour l’année 1986. Dans les industries manufacturières, la dégradation se ralentit, avec une baisse des effectifs de 1,9 p. 100 downloadModeText.vue.download 337 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 336 en 1986, contre 2,9 p. 100 en 1985. Les secteurs les plus touchés demeurent ceux des biens d’équipement, notamment l’automobile, ainsi que la sidérurgie, le textile et le cuir. Pour l’énergie, l’arrêt de la croissance des effectifs d’EDF et la forte baisse de l’emploi dans les Charbonnages de France entraînent une diminution de l’emploi plus forte qu’en 1985. Le bâtiment perd, en 1986 comme en 1985, 1 p. 100 de ses effectifs. La croissance des emplois dans les commerces est moins sensible qu’en 1985 : 0,7 p. 100 contre 1,3 l’année dernière. Les effectifs se réduisent dans les transports à un rythme annuel de 0,4 p. 100. Dans les services, l’augmentation des effectifs est moins soutenue qu’auparavant : 1 p. 100 contre 1,7 en 1985. Télécommunications L’expansion a été accompagnée de profondes mutations techniques et structurelles. Dans le domaine de la technologie, deux innovations sont en train de bouleverser le système de télécommunications : la numérisation ; l’optoélectronique, qui tire parti de la vitesse et de la longueur d’onde de la lumière pour transmettre à bon compte une plus grande masse d’informations. Le progrès de ces technologies suscite l’amélioration de la qualité des services existants et l’introduction progressive de nouveaux services (télécopie, courrier électronique, vidéotex, visiophone, etc.). En outre, ces innovations technologiques vont accroître la productivité des entreprises et bouleverser la vie quotidienne : par exemple, le courrier électronique et la télécopie pourraient remplacer la lettre et la poste traditionnelle. Sur le plan économique, ces innovations technologiques commencent à provoquer des changements dans l’organisation des marchés, principalement européens et américains. Dans un premier temps, les « monopoles naturels » qui fondaient le contrôle direct de l’État sur le fonctionnement des réseaux de communication ont été remis en cause. L’apparition de nouveaux moyens de transmission (faisceaux hertziens, satellites) a poussé de nombreux opérateurs à créer aux États-Unis des entreprises cherchant à exploiter ces nouvelles techniques. Par ailleurs, la déréglementation cherchant la vérité des tarifs a entraîné le démantèlement de certains monopoles existants, comme celui d’ATT. Inversement, pour conquérir des marchés extérieurs difficiles, certains groupes industriels ont été conduits à reprendre des activités relevant d’un autre groupe monopolistique : tel est le sens de l’accord entre ITT et la CGE (juillet 1986) : la CGE absorbe les activités de télécommunication du groupe ITT et devient le numéro deux mondial du secteur. GILBERT RULLIÈRE Selon les estimations des spécialistes de l’INSEE, l’emploi total, salarié et non salarié, aura chuté d’environ 70 000 en 1986, soit une baisse de 0,3 p. 100 avec 40 000 pertes d’emplois salariés, et 30 000 d’emplois non salariés. Le résultat est globalement moins mauvais que les années passées. En 1985, la France avait perdu 100 000 emplois, 250 000 en 1984. Plus d’un Français sur dix au chômage Conséquence immédiate de ces pertes d’emploi, conjuguées à l’arrivée des nouveaux actifs sur le marché du travail : une stabilisation du chômage à un niveau très downloadModeText.vue.download 338 sur 502 ÉCONOMIE 337 élevé. Le nombre des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) est resté tout au long de l’année sur la crête des 2 500 000. Plus significative encore que les chiffres des demandeurs d’emploi, l’évolution du taux de chômage en France rend compte de la détérioration de la situation. En effet, le pourcentage des chômeurs, par rapport à la population active, est passé de 7,4 p. 100 en 1981, à 9,8 p. 100 en 1984 et à 10,1 p. 100 à la fin de 1985. En septembre 1986, le taux de chômage atteignait 10,7 p. 100 de la population active, soit un taux bien supérieur à la moyenne enregistrée dans les pays de l’OCDE (8,3 p. 100). Plus d’un Français sur dix est inscrit au chômage en 1986. Mais, certaines catégories sont plus frappées que d’autres. On note à ce sujet des évolutions qui témoignent d’une nouvelle aggravation du chômage structurel. Si le chômage, depuis le début de la crise, touchait en priorité les jeunes dépourvus de formation et d’expérience professionnelle, il s’étend aujourd’hui chez les adultes de 25 à 49 ans et frappe le personnel qualifié. Des deux millions et demi de chômeurs recensés à la fin du mois de septembre 1986, on comptait 31 p. 100 d’employés et 22 p. 100 d’ouvriers parmi le personnel pourvu de qualification. Certes, les jeunes ont continué downloadModeText.vue.download 339 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 338 en 1986 à être les premières victimes du chômage. Un jeune Français sur quatre, dans la tranche des moins de vingt-cinq ans, est inscrit à l’ANPE comme demandeur d’emploi, soit un taux trois fois supérieur à celui que l’on enregistre dans la population adulte. Par ailleurs, les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent, en 1986, le tiers des chômeurs recensés. Mais, l’un des faits les plus inquiétants de l’année 1986 est incontestablement la très forte augmentation du chômage des adultes âgés de 25 à 49 ans. À la fin du mois de septembre, ils représentaient près de la moitié des demandeurs d’emploi (48,6 p. 100), comme si les mesures prises en faveur de l’emploi des jeunes avaient provoqué un effet relatif de glissement du chômage d’une tranche d’âge à une autre. Au cours des six premiers mois de l’année, le nombre des demandeurs d’emploi a augmenté en moyenne de 18 000 par mois. Cet accroissement a porté en priorité sur les femmes de 25 à 49 ans (+ 10 000 par mois), ensuite sur les hommes de cette même tranche d’âge (+ 4 000 par mois), et sur les jeunes de moins de 25 ans (+ 3 000 par mois). Autre signe marquant de la crise, l’allongement de la durée du chômage. À l’automne 1986, l’ancienneté moyenne des demandes d’emploi était de 333 jours, soit une augmentation de 4 p. 100 en un an. Phénomène plus angoissant encore, un chômeur sur trois était inscrit à l’ANPE depuis plus d’un an, terme au-delà duquel les chances de se réinsérer dans la vie active se réduisent considérablement, comme l’indiquent les conclusions convergentes de toutes les études dont on dispose. Quelle politique ? « Pour créer de nouveaux emplois, l’économie française a besoin d’un supplément de liberté » déclarait devant les députés, le 2 avril 1986, Jacques Chirac, le nouveau Premier ministre de la cohabitation. Tenue par ses promesses préélectorales, comme la gauche cinq ans auparavant, la nouvelle majorité a eu pour downloadModeText.vue.download 340 sur 502 ÉCONOMIE 339 objectif de mettre le libéralisme au service de l’emploi. Le gouvernement a pris une série de mesures visant à stimuler la création d’emplois dans les entreprises, tant par des incitations financières pour les jeunes, que par l’assouplissement des règles de l’embauche et du licenciement, considérées comme trop rigides par le monde patronal. Le 16 juillet 1986, le Conseil des ministres adopte la première ordonnance de la cohabitation, signée par le président de la République, portant sur l’emploi des jeunes. Les mesures contenues dans l’ordonnance ont pour but d’inciter les employeurs à embaucher des jeunes de 16 à 25 ans, en leur offrant des exonérations, partielles ou totales, des charges sociales. Ces charges, qui représentent plus de la moitié du salaire versé, freinent les velléités d’embauche. Les jeunes, inexpérimentés et insuffisamment formés, sont plus particulièrement victimes de cette situation. L’allégement des charges sociales se traduit par une perte de 4,5 milliards de francs en 1986, pour les finances de l’État, entérinée par un collectif budgétaire. La même somme figure dans le projet de budget pour 1987. Le « plan urgence » pour l’emploi des jeunes, comme le baptise Philippe Séguin, ministre des Affaires sociales et auteur du projet, comporte trois séries de dispenses totales ou partielles : – une réduction de 25 p. 100 des cotisations patronales pour toute embauche de jeunes effectuée entre le 1er mai 1986 et le 31 janvier 1987 ; – une diminution de 50 p. 100 de ces mêmes cotisations de Sécurité sociale pour l’embauche de jeune effectuée à la suite d’un contrat d’apprentissage ou d’une formation en alternance. Rappelons que les systèmes de formation en alternance avaient été mis au point par les partenaires sociaux, en 1982, pour faciliter l’insertion des jeunes dans les entreprises, en leur donnant la possibilité d’exercer une activité tout en bénéficiant d’une formation ; – enfin, troisième élément du projet : un abattement à 100 p. 100 des charges sociales pour tous les contrats d’apprentissage et les formations en alternance. Distribution Au cours de l’année 1986, la grande distribution des produits et des services (chaînes de supermarchés et d’hypermarchés) a été affectée par une nouvelle vague d’innovations concernant la vente des produits et les services rendus aux consommateurs en matière bancaire. Dans le domaine de la vente des produits, les formules traditionnelles commencent à être révisées. D’ordinaire, le supermarché se voulait le pôle d’attraction du centre commercial qu’il avait contribué à mettre en place : la distribution de masse s’attachait à proposer des produits banalisés ou downloadModeText.vue.download 341 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 340 de bas de gamme en juxtaposant les différents rayons (alimentation, électroménager, librairie, etc.). Dans les nouvelles formules, les longues perspectives seront cassées au profit de petites cellules spécia- lisées et autonomes. L’animation ne sera plus ponctuelle à l’occasion de promotions, mais permanente. Cette formule d’hypermarché « atomisé » et haut de gamme va tendre à se généraliser. Cette évolution implique deux bouleversements. D’un côté, les fournisseurs ou industriels n’auront plus à consentir, comme par le passé, autant de sacrifices financiers pour être bien référencés en hypermarchés (remises, ristournes) et pour y introduire de nouveaux produits (pratique du « ticket d’entrée »). D’un autre côté, les consommateurs disposeront de la possibilité de grouper en un même lieu tous leurs achats, tant en produits ordinaires que de luxe. Pour fidéliser leur clientèle, certaines grandes surfaces de vente offrent de nombreux services financiers (assurance, crédit à la consommation et parfois immobilier, etc.). D’autres donnent aux porteurs de la carte de crédit « maison » la possibilité d’obtenir au moment de passer à la caisse une avance en espèces, déduite automatiquement de leur compte en banque. Cependant, un certain nombre de chaînes, refusant d’être concurrencées sur ce terrain, acceptent le paiement par carte bancaire. GILBERT RULLIÈRE La diminution du coût du travail, même temporaire, pour les jeunes de 16 à 25 ans s’est aussitôt traduite dans la réalité, si l’on en juge par le bilan dressé à la fin de septembre 1986 par le ministère du Travail : les chefs d’entreprise ont déclaré 400 000 embauches de jeunes, avec exonération, dans le cadre du plan Séguin. Lever les rigidités Parallèlement aux mesures financières, le gouvernement s’est engagé dans un vaste programme de flexibilité destiné à dégager les entreprises de certaines rigidités nuisibles à l’embauche, conformément aux engagements pris dans la plate-forme électorale RPR-UDF (voir la Quête de la flexibilité, éd. 1985). Le changement radical opéré dans les conditions de licenciement restera dans les annales de l’histoire sociale comme la grande réforme de l’année 1986. Cette réforme, qui s’est opérée en plusieurs temps, a donné lieu à des épisodes riches en rebondissements. Fidèle aux promesses faites au patronat, le gouvernement a préparé dès le printemps une ordonnance visant à supprimer l’autorisation administrative que doit obtenir tout employeur désirant procéder à un licenciement économique auprès de l’Inspection du travail. Ingérence insupportable de l’État dans la marche des entreprises, aux yeux des patrons, qui avaient bien l’intention d’obtenir de nouveau la liberté de licencier sans contrôle. Le président de la République a refusé de signer une ordonnance qui entraînait, selon lui, une régression des droits acquis pour les salariés. Le gouvernement a donc transformé l’ordonnance en un projet de loi qu’il a fait rapidement adopter par l’Assemblée nationale en utilisant l’article 49-3 de la Constitution. La loi a été votée le 3 juillet 1986. Elle supprime immédiatement l’autorisation administrative de licenciement et engage le gouvernement à déposer, avant la fin de l’année, un second projet de loi, réglementant définitivement les procédures downloadModeText.vue.download 342 sur 502 ÉCONOMIE 341 de licenciement économique à partir du 1er janvier 1987. Les partenaires sociaux sont invités à ouvrir des négociations pour élaborer un dispositif contractuel de licenciement économique, qui servira de base à la rédaction du second projet de loi gouvernemental. Bien que jugeant sévèrement la suppression de l’autorisation administrative, les syndicats acceptent de négocier. Les discussions aboutissent, dans la nuit du 20 octobre, à un accord sur les procédures de licenciement, conclu entre le CNPF et les organisations syndicales CFDT, Force ouvrière et CFTC. Pour les entreprises, l’accord facilite les licenciements : raccourcissement des délais, contrôle de l’Administration sur la simple régularité des procédures, et non sur le contenu du plan social. En échange, les salariés obtiennent le droit de bénéficier d’un contrat de conversion en cas de licenciement, ou d’un stage de formation professionnelle de cinq mois, rémunérés à 70 p. 100 du salaire. L’accord du 20 octobre préfigure le nouveau régime de licenciement applicable au 1er janvier 1987, tel qu’il est prévu dans la seconde loi Séguin. Matières premières La baisse des cours des matières premières s’est poursuivie en 1986. Dans le domaine des produits miniers, les stocks n’ont cessé de croître ; de même, en ce qui concerne les produits végétaux, des réserves abondantes pèsent sur les prix. En outre, la baisse du dollar n’a pas été compensée par une hausse du cours des matières premières ; habituellement, les cours exprimés en dollars enregistrent des fluctuations de sens contraire à celles du taux de change du dollar relativement aux principales monnaies des pays industrialisés, ces variations n’étant pas nécessairement d’ampleur identique. Ce phénomène de compensation partielle ou de surcompensation s’explique par la rapidité des ajustements opérés sur les marchés à terme, où s’établissent les cours. Or, en 1986, la baisse observée en avril n’aurait pas dû se produire, compte tenu de l’affaiblissement du dollar. Cette absence de réaction à la hausse souligne la persistance des causes structurelles. En premier lieu, la modernisation des techniques tend à diminuer l’utilisation relative des métaux. En second lieu, à cette diminution de la consommation s’ajoute l’effet de l’arrivée en force de matériaux de substitution plus compétitifs : plastiques, fibres optiques et, de façon plus générale, matériaux composites. En troisième lieu, aux prises avec un endettement énorme, certains pays en voie de développement (Mexique, Brésil) ont essayé de compenser les baisses de cours par l’ouverture de mines géantes que la hausse du dollar entre 1982 et 1984 a encouragée. En revanche, le cours de l’étain a tellement baissé que la Bolivie a dû envisager la fermeture des mines et le démantèlement de l’entreprise publique Comibal. Enfin, la surabondance est très vite apparue comme un facteur de division entre produits, rendant difficile un accord avec les pays consommateurs. GILBERT RULLIÈRE Pour le patronat, c’est une magnifique victoire. Yvon Gattaz, président du CNPF, annonce que la suppression de l’autorisation administrative, en débloquant les freins psychologiques à l’embauche, va entraîner, avant la fin de l’année 1986, la création de 300 000 à 400 000 emplois dans les entreprises. downloadModeText.vue.download 343 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 342 Flexibilité du temps de travail Si, pour le gouvernement, le développement de l’emploi passe par la liberté de licencier, il implique également plus de souplesse dans les formes de travail différencié. Ce sera précisément l’objectif de l’ordonnance du 11 août 1986 que de faciliter, pour les entreprises, le recours aux contrats à durée déterminée, au travail temporaire, et au travail à temps partiel. Le chef d’entreprise pourra désormais conclure librement des contrats de travail temporaire ou à durée déterminée sans se référer à une liste de recours limitative. Les salariés à temps partiel seront pris en compte dans le calcul des effectifs au prorata de leur temps de travail. L’ordonnance crée aussi un nouveau type de contrats à durée déterminée : le contrat de travail intermittent. Celui-ci permettra désormais de pourvoir, de façon permanente, les emplois comportant alternativement des périodes d’activité et d’inactivité. Enfin, l’ordonnance autorise les entreprises à recourir aux préretraites à mi-temps, pour réduire le nombre des licenciements. Commerce international Au cours de l’année 1986 s’est ouvert un grand cycle de négociations commerciales multilatérales entre les quatre-vingtdouze pays signataires du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Sous l’impulsion des Américains, il s’agit d’actualiser les règles du GATT, de les adapter à une concurrence commerciale de plus en plus sauvage et à un environnement économique en plein bouleversement depuis quelques années, de renforcer des règles auxquelles chaque pays doit se plier pour parvenir à une libéralisation et ainsi à un nouveau développement des échanges internationaux. Il est certain que les entraves au commerce se sont aggravées depuis la réunion de 1982. Parce qu’ils doivent faire face à de sérieux problèmes, les États-Unis sont les principaux demandeurs de ce nouveau round. En premier lieu, le déficit de leur balance commerciale s’accroît d’année en année. En second lieu, plusieurs branches de l’industrie, mais aussi de l’agriculture, sont gravement menacées par la concurrence européenne, japonaise et des nouveaux pays industrialisés (Corée du Sud, Hong Kong, Mexique, Taiwan). Enfin, le déficit budgétaire, qui a atteint des sommets jamais égalés, préoccupe autant l’opinion publique que les milieux financiers. Devant ces difficultés, le gouvernement américain n’entend pas céder à la tentation du protectionnisme. Il lui est arrivé, certes, d’accepter des accords d’autolimitation sur l’exportation des voitures japonaises ou, plus récemment, sur les « puces » d’ordinateur. Mais il préfère jouer la carte d’une négociation qui lui permettrait d’accroître ses exportations par une ouverture accrue des marchés de ses partenaires commerciaux et par une réduction des subventions utilisées par les autres de manière déloyale. Concrètement, les négociations porteront sur l’ouverture des marchés de services, de finance et de la haute technologie. GILBERT RULLIÈRE Les entreprises devaient aussi être encouragées à franchir les fameux seuils d’effectifs au-delà desquels elles sont tenues de supporter de nouvelles charges comme celles qui sont imposées au-delà de la limite des dix salariés ; par la loi des Finances rectificative, les seuils fiscaux downloadModeText.vue.download 344 sur 502 ÉCONOMIE 343 ont été gelés pour une période de trois ans à compter du 1er janvier 1986. Dernier volet de cette flexibilité réclamée par les entreprises pour sauvegarder ou créer des emplois : la souplesse du temps de travail. Les lois sur l’aménagement du temps de travail, si elles sont adoptées, devraient permettre de déroger à la législation actuelle, sous certaines conditions, par accord de branche ou accord d’entreprise : semaine de plus de 40 heures, travail du week-end, travail de nuit, heures supplémentaires. Dans le but de favoriser une utilisation plus continue des moyens de production, et d’améliorer par ce biais la productivité des entreprises, le décompte du temps de travail, dans le cadre de l’année, et non plus de la semaine, devient possible, après accord de branche. Vers de nouvelles formes d’activité Très rapidement, le gouvernement Chirac a pris conscience des limites, en ce qui concerne l’emploi, d’une politique axée principalement sur l’efficacité économique. Indispensable aux yeux des libéraux, conforme à leurs idées, elle ne pouvait suffire à relever le défi du chômage. Et Philippe Séguin a décidé de lancer un autre débat dans l’opinion et la classe politique, dont la philosophie peut se résumer en une phrase, prononcée par le ministre des Affaires sociales : « le choix n’est pas entre de nouvelles formes d’activité et le plein emploi d’hier, il est entre le chômage et ces nouvelles formes d’activité »... Quand un Français sur dix est inscrit à l’ANPE, la priorité doit être de favoriser le développement de toute forme d’activité susceptible d’occuper les chômeurs, en acceptant que le modèle du travail salarié, fixe et stable, soit aménagé. Tel est le parti à prendre pour venir à bout du « chômage incompressible ». C’est, du moins, la conviction fermement exprimée par Ph. Séguin. Les « nouvelles activités », la gauche en avait en son temps déjà découvert les charmes, en proposant les fameux TUC (travaux d’utilité collective), formes d’occupation à mi-temps, offertes temporairement aux jeunes en quête d’emploi, par des associations ou des collectivités locales. Loin de rejeter les TUC, en dépit des critiques qu’elle avait formulées lorsque les socialistes les avaient mis en place, la nouvelle majorité a poursuivi l’opération. À l’automne, on recensait 180 000 jeunes en TUC, soit autant qu’à la fin de 1985. Le gouvernement projette même d’allonger de 12 à 24 mois la durée des TUC et de permettre à des chômeurs âgés de plus de 25 ans d’en bénéficier, à condition que l’opération soit blanche pour les finances de l’État. Dans cette perspective, Philippe Séguin a proposé aux gestion- naires de l’UNEDIC que les chômeurs de longue durée adultes, qui participeraient à des TUC, baptisés PIL (programmes d’insertion locale) continuent de percevoir leurs indemnités de chômage ; la collectivité ou l’association d’accueil leur verseront un complément, en fonction de leur expérience professionnelle. Loin d’abandonner le traitement social du chômage, le gouvernement s’est efforcé d’en perfectionner les effets. Même si les mesures concrètes ne voient le jour qu’en 1987. Mais les ambitions du gouvernement dépassent la simple et utile « occupation » des chômeurs. downloadModeText.vue.download 345 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 344 Dans une démarche tant sociale qu’économique, l’Administration peut réussir à déceler de nouveaux gisements d’emploi, pour lesquels il existe une demande solvable, répondant à des besoins que les conditions économiques ne révèlent pas spontanément. CEE Approuvé en décembre 1985 au Conseil européen de Luxembourg, l’Acte unique fixait trois objectifs prioritaires : d’ici 1993, former un grand marché unifié de 320 millions de consommateurs (le premier du monde) ; pour les années 1987 à 1992, adopter et réaliser un programme de recherche sur les technologies nouvelles ; dès 1986, généraliser au Conseil des ministres le vote à la majorité qualifiée. L’Acte unique n’est pas entré en application en 1986 par suite de la lenteur des procédures parlementaires. En France, le projet de loi portant ratification a été adopté le 21 novembre, mais l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont examiné le texte à l’extrême fin de l’année. Les ministres des Douze, et surtout les représentants de la France, du RoyaumeUni et de la République fédérale, trouvent trop audacieuses les propositions de la commission sur l’abolition des obstacles internes aux échanges et sur le budget de la recherche. Le vote majoritaire n’est toujours pas entré dans les moeurs. La rigueur financière des pays riches du Nord se mani- feste en permanence, et particulièrement à l’égard des États plus pauvres du Sud. Ainsi, dans de nombreux domaines, la volonté politique fait souvent défaut. Pourtant, le temps presse ; dès 1987, le financement de la Communauté, qui repose sur le prélèvement de 1,4 p. 100 des recettes de TVA, ne sera plus assuré. La CEE a cependant dû négocier avec les États-Unis, qui la menaçaient de représailles commerciales. En juillet, les Américains ont obtenu de continuer à exporter du maïs vers l’Espagne, jusqu’à la fin de l’année. En avril, à la demande de la France, un réajustement des parités entre les devises du Système monétaire européen a été décidé. Le franc français a été dévalué de 3 % et le mark réévalué d’autant. Le seul point positif est la bonne marche du programme de recherche Eurêka, auquel 19 pays participent (voir éd. 1986). LAURENT LEBLOND « Les petits boulots » Une fois de plus, les États-Unis font école. Et les experts gouvernementaux vantent les mérites de l’expérience d’outre-Atlantique qui a permis l’éclosion de trois millions d’emplois par an, depuis 1982, principalement dans le secteur des services et dans les entreprises individuelles. Jacques Chirac a confié une mission de réflexion sur ces nouvelles activités à François Dalle, l’ancien PDG de l’Oréal. François Dalle entend trouver « des solutions transitoires, et même artificielles », l’essentiel étant de « ne pas laisser les jeunes dans la désespérance »... Sans attendre les résultats de la mission Dalle, le ministre des Affaires sociales n’a cessé, durant l’automne de 1986, de répandre ses propres idées. Le père des « petits boulots », comme il n’aime guère qu’on le surnomme, veut aider à « l’émergence de services peu qualifiés, et peu soumis aux contraintes de la productivité ». Dans trois domaines : les activités d’aide aux personnes âgées et aux familles, notamdownloadModeText.vue.download 346 sur 502 ÉCONOMIE 345 ment à domicile ; les activités périphériques au secteur social ; les activités aux marges des entreprises. Autant de potentialités d’emplois pour des activités dont la demande solvable n’est pas suffisante pour qu’il y ait embauche dans les conditions normales du marché. Dans cette optique, le gouvernement étudie des mesures spécifiques qui pourraient voir le jour au début de 1987. Des contacts sont pris avec la presse nationale et régionale pour envisager des systèmes de portage de journaux à domicile. Avec une réduction partielle des charges sociales, les professionnels estiment qu’ils pourraient susciter des activités pour 5 000 personnes. D’autres contacts sont entretenus avec le secteur de la vente à domicile. Et les services du ministère de l’Économie élaborent des projets de déductions fiscales, ou d’exonérations partielles de charges sociales, pour favoriser l’emploi à domicile. Cette démarche est aussi une manière de blanchir le « travail au noir », de plus en plus répandu dans les économies occidentales, et même en URSS. L’OCDE estime que la production légale non déclarée, expression administrative définissant le « travail au noir », représente entre 2 et 4 % de la production totale dans les pays membres de l’organisation. Après 1986, année de la flexibilité au service de l’emploi, l’année 1987 symbolisera-t-elle le déclin d’une certaine forme d’emploi salarié, stable, à plein temps, au profit de l’émergence d’activités nouvelles dont le statut reste à trouver ? C’est sans doute le souhait du pouvoir politique, qui a préparé l’opinion publique à cette réflexion, dans une optique bien déterminée : tout plutôt que le chômage. Mais ce mode de raisonnement n’est pas sans dangers. Quand la CGT dénonce les risques d’une « tiers-mondialisation » de l’économie française, elle se fait l’écho de certaines craintes du monde salarié, qui dépassent largement l’audience de la centrale ouvrière. Les « nouvelles activités » ne comportent-elles pas des risques sérieux de dérapages, tant pour la vie économique que pour les salariés ? Certains craignent un glissement des emplois « normaux », qui auraient été créés de toute façon, vers ces formes d’activités bénéficiant de facilités sociales et fiscales. Quant aux futurs titulaires des « petits boulots », de quel statut juridique et social relèveront-ils ? Faut-il, au nom de la lutte contre le chômage, favoriser l’instauration d’une société duale ? Autant de questions que l’évolution du chômage en France au cours de ces dernières années amène à se poser, et dont la réponse détermine, à terme, un véritable choix de société. DELPHINE GIRARD Journaliste, Delphine Girard est chef du service social de la Tribune de l’économie. Docteur en droit public, ancienne élève de l’Institut d’études politiques de Paris, elle entre en 1974 à la rédaction de la Vie française, où elle a en charge pendant dix ans les problèmes sociaux, et notamment l’emploi, avant d’être appelée, en 1984, à la Tribune de l’économie. downloadModeText.vue.download 347 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 346 Le blé en crise La situation mondiale sur le marché du blé devient de plus en plus tendue. On parle de crise malgré l’abondance des récoltes annuelles et l’accumulation des stocks dans les silos des pays grands producteurs. LA MARCHE VERS LA SURPRODUCTION Dès le début des années 1980, les pays producteurs de blé se sont installés durablement dans une situation de surproduction. La production mondiale de blé n’a cessé de battre des records sans toutefois épuiser les réserves de productivité existantes. Les progrès de la production se sont manifestés principalement dans les pays d’Europe occidentale, aux ÉtatsUnis et aussi dans les pays où la Révolution verte a eu lieu, à la suite de l’introduction de nouvelles variétés à haut rendement, comme par exemple l’Inde. En Europe occidentale, c’est la France qui occupe la place prépondérante dans la production communautaire, surtout pour le blé tendre. En effet, elle assure, pour 1984, 44 p. 100 de la récolte des Dix, loin devant le Royaume-Uni (19,6 p. 100) et la République fédérale d’Allemagne (16,2 p. 100). Le poids de l’Hexagone s’est d’ailleurs renforcé depuis 1955, puisque, à cette date, la récolte française ne représentait que 37,7 p. 100 du total européen. De plus, la France a rapidement étendu ses cultures de blé dur aux côtés de la Grèce et de l’Italie. Si le blé est cultivé dans presque toutes les régions de la Communauté, il n’en demeure pas moins que l’essentiel de la production est assuré par les terres les plus riches, parmi lesquelles figurent celles du Bassin parisien. L’augmentation de la production de blé résulte davantage de l’amélioration des rendements que de l’extension des superficies consacrées aux céréales. Cette culture intensive, pratiquée le plus souvent dans le cadre d’exploitations de taille au-dessus de la moyenne, distingue l’Europe occidentale des autres grands producteurs mondiaux où le blé est cultivé soit dans le cadre de vastes exploitations extensives (fermes du Middle West aux États-Unis, de la Prairie canadienne, de la Pampa argentine ou de l’Australie ; sovkhozes et kolkhozes en Union soviétique), soit dans le cadre d’une agriculture souvent traditionnelle (cas de la plupart des pays du tiers monde). Cette hausse des rendements résulte de plusieurs facteurs : progression constante de l’emploi d’engrais de plus en plus performants avec fractionnement des doses d’engrais ; raffinement de la préparation du sol ; renforcement de la protection phytosanitaire à travers l’emploi de produits insecticides, fongicides et anticryptogamiques de plus en plus sophistiqués, mais aussi de plus en plus coûteux, qui pèsent lourdement sur le budget des exploitations agricoles ; enfin, sélection downloadModeText.vue.download 348 sur 502 POINT DE L’ACTUALITÉ 347 des semences et hybridation. La garantie des prix appliquée dans plusieurs pays producteurs comme la France ou l’Allemagne fédérale a également contribué à l’accroissement rapide de production de blé. LES ÉCHANGES INTERNATIONAUX : LA PRESSION DES EXCÉDENTS L’état de la surproduction presque permanente de tous les grands pays producteurs de blé a entraîné au début des années 80 une certaine anarchie sur les marchés internationaux, surtout en matière de prix. Avec les progrès continus de la génétique, les stocks des principaux vendeurs (États-Unis, Communauté économique européenne, Canada, Argentine, Australie) ne cessent de s’accumuler d’une année à l’autre. Or, la demande internationale de blé tend à s’affaiblir : certains pays asiatiques, comme l’Inde et la Chine, ont réduit leurs achats à la suite du relèvement de la production intérieure dû à la Révolution verte ; par ailleurs, un grand nombre de pays en voie de développement sont endettés et ne peuvent pas acheter facilement du blé importé. Enfin, le blé ne participe plus autant à l’alimentation animale ; il est concurrencé par des protéines moins coûteuses. Dans ces conditions, les pays producteurs se livrent à une concurrence sans merci de telle façon que la notion de cours mondial du blé a perdu toute signification. On relève autant de prix que de contrats : ce sont les acheteurs qui font la loi sur le marché. La compétition se manifeste par une guerre des prix à coups de subventions ou de rabais. Cet écoulement plus ou moins forcé n’empêche pas une réduction du revenu des producteurs de blé, qui se préoccupent de reconversion vers d’autres activités productives ; certaines exploitations sont condamnées à disparaître, comme cela s’est produit aux États-Unis depuis 1984. GILBERT RULLIÈRE downloadModeText.vue.download 349 sur 502 348 Sciences et Techniques Introduction Le risque et la sécurité : en 1986, ces deux concepts fondamentaux ont été particulièrement mis en relief par l’actualité scientifique et technique. La Terre est une planète vivante, animée d’incessants soubresauts. Séismes et éruptions volcaniques constituent les manifestations, parfois spectaculaires, de ses frémissements. On sait aujourd’hui que la croûte terrestre, tel un gigantesque puzzle, est morcelée en une douzaine de plaques rigides en mouvement les unes par rapport aux autres. Épaisses de 50 à 150 km, ces plaques glissent sur la partie fluide du manteau sous-jacent en entraînant les continents dans leur mouvement. Leurs limites constituent les zones les plus fragiles de la croûte terrestre, le long desquelles se manifestent la plupart des séismes et des éruptions volcaniques. L’Amérique latine représente l’une de ces régions particulièrement exposées aux séismes majeurs. On le constate une nouvelle fois le 10 octobre, avec le séisme meurtrier, d’une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter, qui ravage le Salvador, moins d’un an après les précédents tragiques de Mexico et d’Armero (Colombie). Comment se prémunir contre de telles catastrophes ? Avec tout ce que l’on a appris au cours des dernières décennies sur les mouvements de l’écorce terrestre, la prévision des séismes ne représente plus un objectif inaccessible. Elle nécessite toutefois des investissements considérables, que très peu de pays peuvent consentir. Aux États-Unis, la faille de San Andréas est surveillée en permanence par des centaines de capteurs et par des faisceaux laser couplés à un réseau d’alerte informatisé, mais ce matériel ultra-perfectionné coûte en moyenne 100 millions de dollars par an ! De nombreux laboratoires dans le monde s’efforcent de mettre au point des systèmes parasismiques moins onéreux downloadModeText.vue.download 350 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 349 que ceux déjà utilisés au Japon ou aux États-Unis. Ces dernières années, on a découvert que l’effet destructeur d’un tremblement de terre résulte essentiellement des vibrations horizontales du sol, qui se produisent à une fréquence de l’ordre de la seconde. Celles-ci induisent à la base des immeubles un mouvement extrêmement saccadé, qui s’amplifie dans les étages supérieurs, et parvient à disloquer complètement la construction s’il se prolonge plus d’une dizaine de secondes. Des simulations menées en laboratoire ont montré qu’il suffisait de ramener la fréquence des oscillations horizontales d’un immeuble à cinq ou six secondes pour que des constructions de type classique restent intactes. En France, le Centre national de la recherche scientifique expérimente même depuis quelque temps des « sandwichs » composés de feuilles de fer et de blocs de caoutchouc qu’il suffit d’interposer entre le sol et les constructions pour ralentir le rythme des vibrations. Peutêtre ces amortisseurs, particulièrement simples à réaliser, rendront-ils bientôt la construction parasismique sensiblement moins coûteuse qu’aujourd’hui, permettant ainsi sa généralisation dans les pays à haut risque séismique ? Les éruptions volcaniques représentent un autre type de catastrophes naturelles souvent meurtrières. Aussi, d’activés recherches sont-elles menées en vue d’améliorer la fiabilité des prévisions d’éruptions. Des résultats très encourageants ont été obtenus en 1986 sur le piton de la Fournaise, à la Réunion, entré en éruption le 19 mars. Résultats d’autant plus remarquables que ce volcan, à la différence de ceux qui sont implantés à la limite de plaques tectoniques, ne manifeste que de très faibles signes précurseurs d’éruption. Grâce à une surveillance intensive du volcan, réalisée non seulement par des mesures très précises de déformation du relief et de l’activité sismique, mais aussi, pour la première fois, par l’enregistrement des variations magnétiques, les chercheurs sont parvenus à prévoir l’éruption quelques jours avant qu’elle ne survienne. Peut-être parviendrons-nous ainsi, dans l’avenir, à mieux nous prémunir contre les risques naturels majeurs ? Mais il nous faut assumer désormais, simultanément, d’autres risques : ceux qu’engendre le développement des activités humaines elles-mêmes. La technologie en accusation L’explosion en vol de la navette américaine Challenger, le 28 janvier, avec sept astronautes à bord, a surpris et bouleversé le monde. Tragique ironie du sort : cette catastrophe – la plus meurtrière de l’histoire de l’astronautique – est survenue l’année même du vingt-cinquième anniversaire du premier vol humain dans l’espace, celui de Iouri Gagarine. Blasée par la longue série de succès spatiaux enregistrés depuis lors, l’opinion publique a confondu conquête spatiale et routine. Elle a oublié qu’il existait toujours une part de risque dans l’aventure spatiale. La succession d’échecs de lancements de fusées enregistrée au cours des mois suivants aux États-Unis l’a malheureusement rappelé avec acuité : cette série noire n’a pas épargné la fusée Delta, la plus fiable pourtant des fusées américaines, avec un taux de succès de 94 p. 100. downloadModeText.vue.download 351 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 350 D’un point de vue purement statistique, il était inéluctable qu’un grave accident survienne un jour ou l’autre à la navette spatiale. Mais ce qui est révoltant, c’est que l’on ait pu établir que la catastrophe de Challenger, loin d’être une fatalité, était imputable à une somme de malfaçons techniques, de négligences humaines et de fautes d’organisation qui auraient pu aisément être évitées. Doiton pour autant considérer qu’il faut désormais renoncer aux vols humains dans l’espace ? Que l’humanité, avec 14 victimes pour quelque 200 astronautes et cosmonautes envoyés dans l’espace, a déjà payé un trop lourd tribut à l’exploration du cosmos ? Certainement pas. Ce serait oublier les précédents de l’aviation, de l’automobile ou du chemin de fer, et méconnaître les enjeux de l’espace, la plus fabuleuse aventure du XXe siècle. Le 26 avril, moins de trois mois après la disparition de Challenger, survenait une autre catastrophe technologique majeure : l’incendie d’un réacteur nucléaire à la centrale de Tchernobyl, à 130 kilomètres au nord de Kiev (Ukraine). Celui-ci provoquait l’irradiation de la région environnante et la formation dans l’atmosphère d’un nuage de produits radioactifs qui allait, les jours suivants, dériver lentement au-dessus de l’Europe. Cet accident, le plus grave survenu depuis que l’on utilise l’atome à des fins civiles, a semé l’inquiétude en Europe et donné un regain de faveur aux thèses des adversaires du nucléaire. On sait à présent qu’il a résulté de faiblesses technologiques et d’erreurs humaines cumulées, mais le retard avec lequel l’URSS a informé la communauté internationale de son déroulement et les divergences dans l’appréciation des risques de contamination radioactive qui se sont manifestées d’un pays à un autre ont inutilement contribué à nourrir l’inquiétude des populations. Il faut espérer que, dans les divers pays disposant d’installations nucléaires, même considérées comme très sûres, on saura tirer les leçons de la catastrophe, notamment par la prise de mesures de prévention redoublées et diversifiées. Une question essentielle reste cependant posée : quelles conséquences les rayonnements ionisants issus du réacteur sinistré auront-elles à long terme pour les êtres vivants, en particulier pour les habitants de l’Ukraine et de la Biélorussie qui vivent à proximité de la centrale ? À l’automne, la technologie a été à nouveau mise en accusation avec la pollution catastrophique du Rhin engendrée par une série d’accidents survenus dans des usines chimiques. La première alerte a été déclenchée le 31 octobre par une fuite de désherbant à l’usine bâloise de la firme pharmaceutique Ciba-Geigy. Le lendemain, un incendie ravageait les entrepôts des laboratoires Sandoz à Muttenz, dans la banlieue de Bâle, provoquant la combustion et l’explosion de plus de 800 t de produits bruts agrochimiques et la formation d’un nuage de mercaptan au-dessus de la frontière franco-suisse. Pire, les eaux utilisées pour éteindre l’incendie ruisselaient dans le Rhin, entraînant le déversement dans le fleuve de 1 000 t de pesticides et d’insecticides organophosphorés. La vague toxique de boue rougeâtre ainsi formée progressait ensuite lentement, déclenchant sur son passage une véritable catastrophe écologique, illustrée notamment par l’empoisonnement de plus de 150 000 anguilles. Le 7 novembre, un downloadModeText.vue.download 352 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 351 nouvel incident provoquait le rejet dans le fleuve de 2 000 litres d’eau contaminée par du mercure. Puis, le 3 décembre, on apprenait la fuite accidentelle de 5 000 litres d’une émulsion laiteuse de polychlorure de vinyle et de latex en provenance d’une usine du groupe Lonza, à Waldshut, à 60 km en amont de Bâle. L’humanité en danger ? Les activités humaines peuvent induire aussi des modifications de l’environnement qui, pour être moins spectaculaires, n’en sont pas moins susceptibles d’avoir à long terme des conséquences encore plus dramatiques. Les Journées de l’environnement organisées par le CNRS à Paris, fin octobre, ont été l’occasion de rappeler que le taux de gaz carbonique dans l’atmosphère ne cesse de croître depuis le début de l’ère industrielle : il est passé en un siècle de 275 à 345 parties par million (ppm) et l’on estime qu’il atteindra 600 ppm vers l’an 2050. Les conséquences de ce phénomène pourraient être, à terme, un réchauffement global de la Terre par effet de serre, la fonte des glaces polaires, un bouleversement des échanges d’énergie entre l’océan et l’atmosphère, donc du climat, l’élévation de plusieurs dizaines de mètres du niveau général des mers et l’engloutissement d’une partie des terres émergées. Non moins dramatique pourrait devenir, si elle perdure, la diminution régulière de la couche d’ozone au-dessus du pôle Sud, mise en évidence depuis 1979 par des mesures effectuées au sol, dans l’Antarctique, et confirmées par les observations du satellite américain Nimbus 7. Cette diminution régulière se double même d’une déchirure saisonnière, en octobre, particulièrement préoccupante. Les causes du phénomène restent encore mal élucidées, mais l’on sait depuis quelques années que les émissions de chlorofluorocarbones, largement employés, notamment pour la réfrigération et le conditionnement d’air, le nettoyage à sec et dans l’industrie cosmétique comme gaz propulseurs pour les bombes aérosol, contribuent à détruire la couche d’ozone atmosphérique. Or, cette dernière joue un rôle fondamental pour le maintien de la vie sur la Terre, en protégeant notre planète des rayonnements solaires ultraviolets nocifs. Certains risques, enfin, naissent des progrès mêmes de la science. Ne citons l’atome que pour mémoire. Aujourd’hui, ce sont les perspectives ouvertes par les progrès de la biologie moléculaire et du génie génétique qui donnent le vertige. Elles nous font passer sans transition de l’émerveillement devant les promesses des biotechnologies à l’inquiétude face aux possibilités de manipulation de l’espèce humaine. Une inquiétude manifestée par certains chercheurs eux-mêmes, comme le professeur Jacques Testart, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la fécondation in vitro et de la congélation d’embryons humains, qui a annoncé publiquement, en septembre, sa décision d’arrêter ses recherches sur certains aspects de la manipulation de la procréation humaine. Qu’elles nous fascinent ou nous effraient, les avancées des sciences et des techniques ne peuvent en aucun cas nous laisser indifférents car elles contribuent à façonner le monde dans lequel nous vivrons demain. PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE downloadModeText.vue.download 353 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 352 1986 : une année critique pour la conquête spatiale Avec l’explosion de la navette américaine « Challenger », l’astronautique a connu la plus grande catastrophe de sa brève histoire, l’année même du vingt-cinquième anniversaire du vol de Iouri Gagarine, le premier homme lancé dans l’espace. Ce tragique accident est venu brutalement rappeler au public que la conquête spatiale reste une aventure dangereuse, malgré les nombreux succès auxquels il a été habitué. Mardi 28 janvier 1986, à 17 h 38 (heure française) : 25e lancement de la navette spatiale. Le 55e vol habité américain dans l’espace commence. Challenger s’arrache du pas de tir de cap Canaveral avec sept astronautes à bord. La fusée s’élève sous les applaudissements et les cris joyeux de très nombreux enfants venus assister au départ de la première enseignante-astronaute : Sharon Christa McAuliffe. Soixante-treize secondes plus tard, c’est le drame, suivi en direct par des millions de téléspectateurs : une énorme boule de feu orange troue le ciel et une pluie de débris enflammés retombe dans l’océan Atlantique. La navette a explosé en vol, avec les cinq hommes et les deux femmes qui constituaient son équipage. L’astronautique vient de connaître la plus grande catastrophe de son histoire. Dans le monde entier, l’émotion est considérable. Le public croyait la conquête de l’espace entrée dans l’ère de la routine. Il découvre brutalement qu’elle reste une aventure dangereuse. « Nous nous sommes habitués à la notion d’espace et peut-être avons-nous oublié que nous avons seulement commencé sa conquête. » « Nous sommes encore des pionniers », rappelle à ses concitoyens le président Reagan dans une allocution télévisée, quelques heures après la tragédie. Il est vrai qu’il paraît déjà bien loin ce jour mémorable du 12 avril 1961 où l’URSS, à la surprise générale, lança le premier homme dans l’espace. En effectuant une révolution autour de la Terre, lors d’un vol de 108 minutes, à bord du vaisseau spatial Vostok 1, Iouri Gagarine inscrivit ce jour-là son nom dans downloadModeText.vue.download 354 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 353 l’Histoire. Depuis, cosmonautes (soviétiques) et astronautes (américains) nous ont sevrés d’exploits. L’homme a appris à vivre et à séjourner dans l’espace, et il a marché sur la Lune. Ce qui apparaissait hier comme une prouesse sensationnelle passe désormais presque inaperçu. On se souvient, à la rigueur, du premier pas de l’homme sur la Lune, celui de Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, mais plus personne ne songe au premier « piéton de l’espace », Alexei Leonov, qui, le 18 mars 1965, évolua pour la première fois hors d’un vaisseau en orbite autour de la Terre. Et combien savent aujourd’hui que trois cosmonautes ont séjourné dans l’espace 237 jours, soit près de huit mois, en 1984 ? Les victimes de l’espace Quatre accidents, ayant fait au total quatorze victimes – dix Américains et quatre Soviétiques –, ont endeuillé la conquête de l’espace depuis le vol de Gagarine, il y a 25 ans. Le 27 janvier 1967, à cap Canaveral, les Américains Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee, désignés pour constituer l’équipage du premier vol habité Apollo, périssent carbonisés dans l’incendie qui ravage leur cabine lors d’une répétition au sol. Une révision complète et des modifications du matériel s’imposent. Le programme est arrêté pendant 19 mois. Le 24 avril 1967, le Soviétique Vladimir Komarov périt en regagnant la Terre à bord du vaisseau Soyouz 1 : le parachute destiné à freiner l’engin dans l’atmosphère se met en torche et la cabine s’écrase au sol après une chute libre de 7 km. Comme aux ÉtatsUnis, le programme soviétique de vols spatiaux pilotés, à la suite de ce drame, va marquer le pas pendant plus d’un an. Le 29 juin 1971, trois autres astronautes soviétiques, Gueorgui Dobrovolski, Victor Patsaiev et Vladislav Volkov, trouvent la mort lors de leur retour au sol à bord du vaisseau Soyouz 11, après 23 jours et 18 heures de séjour à bord de la station orbitale Saliout 1 : une brutale dépressurisation de la cabine entraîne le décès des trois hommes, qui n’ont pas revêtu leurs scaphandres étanches pendant cette phase délicate du vol. Enfin, le 28 janvier 1986, l’explosion en vol de Challenger cause la mort de sept Américains membres de l’équipage : Francis R. Scobee, Michael Smith, Judith Restnik, Ronal McNair, Ellison Onizuka, Gregory Jarvis et Sharon Christa McAuliffe. D’autres vols spatiaux ont connu une heureuse issue après avoir failli tourner à la catastrophe. Ainsi, le vol américain Gemini 8, le 16 mars 1966, qui fut l’occasion du premier amarrage dans l’espace : Neil Armstrong et David Scott rattrapèrent en orbite une fusée Agena choisie comme cible et y accouplèrent leur vaisseau ; mais, par suite du blocage d’un moteur de stabilisation, ce train spatial se mit à tourner follement sur lui-même. Les deux astronautes parvinrent difficilement à rendre à leur cabine son autonomie et durent ensuite écourter leur vol pour amerrir précipitamment. Lors du vol Apollo 13, en avril 1970, on frôla aussi le drame avec l’explosion d’un réservoir d’oxygène. L’alunissage fut annulé et la mission écourtée. Le 4 avril 1975, il fallut mettre fin au vol propulsé de Soyouz 18 en raison d’une défaillance du lanceur. Le véhicule spatial soviétique, occupé par Vassili Lazarev et Oleg Makarov, n’accomplit qu’un vol suborbital et rentra dans l’atmosphère sous un angle qui valut aux cosmonautes de subir une décélération voisine de 16 g. downloadModeText.vue.download 355 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 354 Enfin, le 27 septembre 1983, le lancement de Soyouz T10 à bord duquel avaient pris place Vladimir Titov et Guennadi Strekalov pour aller rejoindre la station orbitale Saliout 7, fut marqué par l’explosion de la fusée porteuse. Mais le système d’éjection fonctionna parfaitement et la cabine dans laquelle se trouvait l’équipage, après un bon balistique, revint se poser au sol, freinée par des parachutes, à 4 km de la plate-forme de lancement. Le nouveau visage de la conquête spatiale En vingt-cinq ans, la conquête spatiale nous est devenue si familière qu’elle nous apparaît maintenant presque banale. Pourtant, à la fin de 1986, ils n’étaient encore que 199 à avoir eu le privilège de voler dans l’espace : 128 astronautes lancés de cap Canaveral (parmi lesquels 121 Américains et 8 femmes) et 71 cosmonautes lancés de Baïkonour (parmi lesquels 60 Soviétiques et 2 femmes). Mais quelque 3 000 fusées et 3 500 satellites ont été tirés depuis 1957. L’URSS et les États-Unis n’ont plus le monopole de ces vols. Cinq autres pays ont, en effet, réussi à mettre en orbite autour de la Terre leurs propres satellites au moyen d’un lanceur national : successivement, la France en 1965, le Japon et la Chine en 1970, la Grande-Bretagne en 1971 et l’Inde en 1980. Depuis 1979, l’Europe a accédé, elle aussi, au rang de puissance spatiale, grâce au lanceur Ariane. Au club des puissances de l’espace s’ajoutent, par ailleurs, une douzaine de nations dépourvues de lanceurs mais qui construisent des satellites et en confient le lancement à des fusées étrangères ou à la navette américaine. L’espace, aujourd’hui, n’est plus un théâtre d’opérations de prestige. Il est devenu l’enjeu d’une redoutable bataille commerciale, stratégique et politique. Le temps des exploits est révolu, nous entrons dans l’ère de l’exploitation du cosmos. Les satellites d’applications, utilisés par exemple comme relais de télécommunications ou pour l’observation de la Terre, constituent l’une des illustrations de cette ère nouvelle : celle de l’espace utile. Les grands programmes spatiaux se situent désormais dans ce contexte. En construisant Ariane, l’Europe entendait garantir son indépendance pour la mise en orbite de satellites lourds et prendre sa part du marché international des satellites d’applications. On peut considérer aujourd’hui que cet objectif a été atteint. En seulement six ans et demi d’activité, Arianespace, première compagnie de transport spatial du monde, a accumulé près de 15 milliards de francs de commandes pour le lancement de 54 satellites, soit plus de la moitié du marché mondial des lancements commerciaux, face aux lanceurs américains et notamment à la navette. La société Arianespace aura même eu la satisfaction, en 1986, de pénétrer sur le marché nippon, des entreprises japonaises ayant en effet décidé de confier le lancement de trois satellites à la fusée Ariane, en 1988. Ainsi, malgré la fiabilité encore insuffisante à Ariane (78 p. 100 avec 4 échecs pour 18 tirs) et la nécessité de modifier le système d’allumage du moteur cryogénique du troisième étage après les échecs des vols 15 (septembre 1985) et 18 (mai 1986), imposant la suspension des lancements jusqu’en 1987, l’Europe peut-elle envisager avec optimisme son avenir spatial. downloadModeText.vue.download 356 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 355 Plus de 6 000 objets en orbite autour de la Terre Le 1er juillet 1986, à 0 h, selon le centre spatial Goddard de la NASA, la Terre comptait très exactement 6 076 satellites artificiels, au sens large du terme (satellites proprement dits, étages de fusées porteuses, débris divers). Sur ce total, 3 047 objets (50,2 p. 100) étaient d’origine américaine, 2 785 (45,8 p. 100) d’origine soviétique, les 244 autres (4 p. 100) se répartissant entre une vingtaine de pays. Cet ensemble ne représentait lui-même que 32 p. 100 des 16 860 objets ayant gravité autour de la Terre depuis le début de l’ère spatiale, dont plus des deux tiers se sont désagrégés dans l’atmosphère ou bien ont été récupérés au sol. La catastrophe de Challenger Aux États-Unis, la tragédie de Challenger aura eu pour conséquence, en revanche, une révision déchirante de la politique des lanceurs spatiaux, avec l’abandon du quasi-monopole dont bénéficiait la navette et un retour partiel à l’usage de propulseurs traditionnels. Dévoilée le 15 août par le président Reagan, la nouvelle politique américaine de lanceurs spatiaux retire à la NASA et à ses navettes les missions commerciales pour les confier au secteur privé, auquel se trouve garanti l’accès aux centres de lancement de cap Canaveral, en Floride, et de Vandenberg, en Californie. Désormais, seront essentiellement confiées à la navette « les charges utiles importantes pour la sécurité nationale, la politique étrangère, l’exploration de l’espace ou le développement de nouvelles technologies », c’està-dire, en fait, les charges utiles scientifiques ou militaires. Certaines missions commerciales « dans l’intérêt de la politique étrangère », notamment les lancements de satellites accompagnés d’astronautes étrangers, continueront toutefois d’être effectuées par le Shuttle (angl., navette). Mais, pratiquement, la NASA ne pourra plus souscrire de nouveaux contrats commerciaux pour les missions classiques, et en particulier les satellites de télécommunications qui constituent l’essentiel du marché. Si la NASA voit ainsi son rôle diminué et la politique qu’elle menait depuis une dizaine d’années désavouée, c’est que les conclusions de la commission d’enquête sur l’accident de Challenger nommée par la Maison-Blanche sont accablantes pour l’agence spatiale américaine. Présidée par William Rogers, ancien secrétaire d’État, réputé pour sa probité, et comprenant 12 membres dont l’ancien astronaute Neil Armstrong, le prix Nobel de physique Richard Feynman et le pilote d’essai Charles Yeager, premier homme à avoir franchi le mur du son et à avoir volé à mach 2, la commission remet son rapport au président Reagan le 6 juin, après quatre mois d’enquête serrée, de consultations et d’interrogatoires. Comme on l’avait rapidement supposé, il s’avère que l’accident a été provoqué par la rupture d’un joint d’étanchéité sur l’un des deux propulseurs d’appoint à poudre (ou boosters), chargés d’arracher la navette à la Terre pendant les deux premières minutes du vol. Un flux de gaz brûlants s’est échappé par la fissure, scindant progressivement le propulseur en deux morceaux dont l’un est venu finalement heurter le gros réservoir extérieur de la navette. Ce dernier, véritable bombe downloadModeText.vue.download 357 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 356 volante renfermant quelque 700 tonnes d’oxygène et d’hydrogène liquides, a alors explosé, provoquant du même coup la désintégration de l’orbiteur. L’enquête a permis toutefois d’établir la lourde responsabilité de la NASA dans la catastrophe. Depuis plusieurs années, les responsables du programme Shuttle connaissaient la fragilité des joints des boosters et, tout en sachant que la défaillance d’un seul d’entre eux serait fatale, n’avaient pris aucune disposition pour corriger ce défaut (et d’autres). Au contraire, pour augmenter la charge utile, la décision a été prise d’alléger les propulseurs auxiliaires tout en renforçant la puissance de leur moteur, au risque de les fragiliser encore davantage. Avec le nombre croissant de missions réussies, les consignes de sécurité ont été de plus en plus allégées. Tout était mis en oeuvre pour accélérer coûte que coûte le rythme des vols, afin de soutenir la concurrence de plus en plus vive exercée par le lanceur européen Ariane. Le 28 janvier, l’ordre de lancement a été donné malgré l’avis défavorable formulé tant par les ingénieurs de la firme responsable de la fabrication des boosters que par les dirigeants de Rockwell, le principal constructeur de la navette, en raison des risques de dépré- dation causés par le gel. En définitive, la catastrophe de Challenger est imputable à une somme de malfaçons techniques, de négligences humaines et de fautes d’organisation. Astronomie Voir un noyau cométaire : grâce aux deux sondes soviétiques Véga et à la sonde européenne Giotto qui, en mars, ont survolé la comète de Halley à des distances respectives de 8 900, 8 000 et 605 km, ce rêve des astronomes est devenu réalité. Les sondes ont révélé un objet oblong, de 15 km sur 8 environ, à la surface très sombre (son pouvoir réfléchissant n’excède pas 4 p. 100) et chaude (environ 70 °C), parsemée de cratères par où s’échappent, du côté éclairé par le Soleil, des jets de gaz et de poussières. L’analyse de la composition de ces gaz et de ces poussières a confirmé que le noyau est surtout formé d’eau (80 p. 100) et d’oxyde de carbone. On se le représente désormais comme un corps hétérogène de densité inférieure à l’eau, dont le coeur serait formé d’un agglomérat de glace et de particules réfractaires, enrobé d’une croûte sombre et poreuse, à faible conductibilité thermique, riche en composés organiques et ressemblant à du goudron. Un autre événement majeur pour la connaissance du système solaire a été le survol, le 24 janvier, pour la sonde américaine Voyager 2, de la lointaine planète Uranus. Enveloppée d’une épaisse atmosphère à base d’hydrogène et d’hélium (près de 15 p. 100), avec une faible proportion de méthane, notamment sous forme de nuages, elle tourne sur elle-même en 17 heures environ. Malgré l’inclinaison très particulière de son axe de rotation, presque couché sur le plan de son orbite, sa température (– 220 °C) est quasiment identique aux pôles et à l’équateur. La planète se distingue aussi par la très forte inclinaison (60°) de son axe magnétique par rapport à son axe de rotation. Aux cinq satellites qu’on lui connaissait, Voyager 2 a permis d’en ajouter dix autres, de 40 à 170 km de diamètre. La sonde a observé aussi les neuf fins anneaux de matière, décelés de la Terre, autour d’Uranus, en 1977, et en a découvert deux autres, dont un large (2 500 km) et diffus. PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE downloadModeText.vue.download 358 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 357 La NASA prévoit la reprise des vols le 18 février 1988 avec la navette Discovery. La perte de Challenger et la suspension des vols pendant deux ans vont entraîner l’annulation de 86 missions par rapport au calendrier établi avant la catastrophe. Alors que 145 vols étaient prévus pour la période 1986-1992, la NASA n’envisage plus désormais que 59 vols durant la même période. La prévision antérieure était, au demeurant, très optimiste, car elle était fondée sur l’hypothèse de 24 vols annuels à partir de 1989, alors qu’en 1985, l’année où le rythme des vols a été jusqu’ici le plus élevé, 9 vols seulement ont pu être effectués sur les 15 prévus. Ce bouleversement du calendrier prévisionnel des vols s’accompagne d’une révision complète de la stratégie d’utilisation de la navette. Pendant les trois premières années qui suivront la reprise des lancements, la moitié des vols seront militaires. Le programme scientifique est sérieusement réduit : parmi les 86 vols perdus d’ici à 1992, 31 devaient être principalement consacrés à la science. Seules 19 missions scientifiques pourront finalement être exécutées durant ce délai. À l’exception de quelques rares missions jugées prioritaires, notamment le Télescope spatial (dont le lancement n’a cessé d’être reporté depuis 1983 pour des raisons diverses), le lancement de la plupart des satellites scientifiques prévus subira plus de trois ans de retard. Au cours de l’été 1986, l’US Air Force a décidé d’investir 2,6 milliards de dollars sur environ cinq ans pour modifier certains satellites militaires conçus pour la navette, et développer et fabriquer en série de nouveaux lanceurs classiques, tels les Titan 4 et MLV. Par ailleurs, pour préserver les capacités de la NASA à assurer les diverses missions civiles et militaires devant lui incomber durant les années 90, notamment la mise en orbite et la desserte d’une station spatiale mais aussi les essais de systèmes d’armes de défense à partir de l’espace, Ronald Reagan a autorisé la construction d’un nouvel exemplaire de la navette, destiné à remplacer Challenger. Son coût est estimé à 2,8 milliards de dollars. Plusieurs centaines de millions de dollars devront par ailleurs être dépensés pour modifier les navettes existantes et adapter certains satellites dont le lancement devait être effectué par la navette. L’explosion de Challenger représente ainsi pour les États-Unis une addition de près de 6 milliards de dollars, sans compter l’achat des nouvelles fusées qui seront utilisées pour lancer les charges utiles retirées à la navette, ni le manque à gagner des utilisateurs. Mais cet accident tragique n’aura été que l’épisode le plus noir d’une année particulièrement sombre pour l’astronautique américaine, en dépit de l’éclatant succès de la mission de survol d’Uranus par Voyager 2. Le 18 avril, sur la base militaire de Vandenberg, un lanceur Titan 34D, transportant probablement un satellite de reconnaissance Big Bird, explose 9 secondes après sa mise à feu, à moins de 500 m d’altitude. La retombée d’une pluie de débris enflammés endommage sévèrement les plates-formes de lancement avoisinantes, tandis que plusieurs dizaines de personnes sont intoxiquées par des vapeurs nocives. L’utilisation des lanceurs Titan est suspendue jusqu’en 1987. Le 3 mai, une fusée Delta, emportant une satellite météorologique GOES, se downloadModeText.vue.download 359 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 358 désintègre en vol 71 secondes après le décollage, par suite de l’extinction prématurée d’un moteur, consécutive à un courtcircuit. L’échec est d’autant plus marquant qu’il survient après 117 tirs successifs réussis d’un lanceur de ce type. Tirée à 178 reprises depuis 1960, la fusée Delta n’a connu que 3 p. 100 d’échecs et apparaît comme l’un des lanceurs américains les plus fiables. Les assurances spatiales : un bilan catastrophique Le premier satellite commercial à avoir été assuré fut Early Bird (Intelsat 1), premier satellite de télécommunications géostationnaire opérationnel, lancé de cap Canaveral, le 4 avril 1965. Depuis lors, la formule de l’assurance spatiale s’est largement développée (en particulier, presque tous les satellites de télécommunications ont été assurés), sans que le marché parvienne néanmoins à trouver son équilibre. De 1975 à 1985, le montant mondial des primes d’assurances encaissées pour le spatial a été de 456,3 millions de dollars et celui des sinistres payés de 846,3 millions de dollars, soit un déficit de 390 millions de dollars. Pour la fusée Ariane seule, durant la même période, le montant des primes encaissées s’est élevé à 114,5 millions de dollars et celui des sinistres payés à 199,8 millions de dollars. Ce bilan très déficitaire a provoqué au cours des dernières années une hausse considérable des primes qui atteignent désormais entre 20 et 25 p. 100 des prix des satellites, soit entre 80 et 100 millions de dollars environ par lancement. Si de puissantes organisations comme Intelsat peuvent supporter de tels tarifs, ces taux sont, en revanche, devenus prohibitifs pour de nombreux clients. Cette situation a conduit la société Arianespace, qui commercialise la fusée Ariane, à créer une filiale, la Société de réassurance des risques relatifs aux applications spatiales (S3R), pour offrir à ses clients une garantie de relancement en cas d’échec, grâce à une « assurance lanceur » complémentaire de celle fournie par le marché traditionnel. Les lancements sont assurés non plus au coup, mais par série de quinze (pour répartir le risque), au taux préférentiel de 11 ou 13 p. 100 selon que l’utilisateur, en cas de sinistre, choisit de relancer son satellite sur Ariane ou d’être remboursé. La S3R fonctionne depuis le 1er janvier 1986, avec un capital de 28 millions de F. Durant sa première année d’existence, elle a signé neuf contrats d’assurance, portant sur 3 satellites européens, 2 américains et 4 internationaux, dont 8 satellites de télécommunications et un satellite de télédétection, Spot 1, lancé avec succès en février 1986. Ni Challenger ni le satellite de télécommunications TDRSS-B embarqué dans sa soute n’étaient assurés, et leur désintégration n’a provoqué aucune perte directe pour les assureurs. Mais la suspension des vols habités américains jusqu’en 1988 prive les compagnies spécialisées de la plupart des revenus qu’elles pouvaient escompter en 1986 et en 1987. La concurrence s’intensifie Tandis que les Américains voient ainsi leurs lanceurs spatiaux cloués au sol, les Japonais enregistrent, au contraire, avec satisfaction, le 13 août, le succès du premier essai en vol de leur nouvelle fusée H1 en version biétage. Sa mise en service opérationnel est prévue pour 1988. Ultérieurement, les Japonais disposeront d’une fusée H2, capable de placer 2 t en orbite géostationnaire. Ce futur lanceur affichera des performances intermédownloadModeText.vue.download 360 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 359 diaires entre celles d’Ariane 4 et celles d’Ariane 5. Il constituera un redoutable concurrent pour les Américains et les Européens. La Chine, elle-même, qui a placé en orbite son dix-neuvième satellite en 1986, manifeste à présent sa volonté de ne pas rester à l’écart du marché mondial des lancements, en proposant des tarifs très compétitifs. L’accord conclu en 1986 par les Chinois avec la société américaine Western Union a fait sensation : il prévoit le lancement, avant mars 1988, par une fusée chinoise Longue Marche 3, du satellite de télécommunications Westar 6, récupéré dans l’espace par la navette Discovery après une mauvaise satellisation. De même, les Suédois ont décidé de confier à une fusée chinoise le lancement, en 1988, de leurs deux petits satellites de télécommunications Mailstar, et plusieurs autres pays, dont le Brésil, ont engagé des négociations avec les Chinois pour le lancement des satellites. Demain : les ouvriers de l’espace Quel que soit son intérêt, le marché commercial des satellites ne représente qu’un aspect de l’utilisation de l’espace. Certains ont pu se demander, après la catastrophe de Challenger, si les vols spatiaux humains n’étaient pas condamnés. S’il existe effectivement des missions programmables, en particulier les opérations de largage de satellites, où une présence humaine n’est pas nécessaire, pour d’autres, en revanche, l’homme joue un rôle irremplaçable, en raison, notamment, de sa capacité d’observation et d’initiative qui lui permet d’opérer avec le maximum d’efficacité, y compris pour faire face à des situations imprévues : on l’a bien vu, par exemple, en 1984, lors de la réparation en orbite du satellite d’astronomie solaire SMM ou de la récupération dans l’espace des satellites de télécommunications Palapa B2 et Westar 6. Physique Manipuler la matière, cela n’a plus guère de secrets pour le physicien. Les ions, les protons, les électrons, voire l’antimatière, sont couramment utilisés dans les laboratoires et se prêtent volontiers à toutes les expériences. Il ne s’agit pourtant là que de matière chargée. Pourquoi est-il si difficile de manipuler la matière « ordinaire », c’està-dire électriquement neutre : les atomes ? D’abord, parce que les atomes libres sont toujours en mouvement désordonné ; ensuite, parce qu’ils sont presque insensibles aux champs électriques et magnétiques qui agissent sur la matière chargée. Parvenir à immobiliser des atomes libres semblait donc une gageure, jusqu’à ce que trois expériences, menées aux États-Unis et en France, en démontrent la possibilité. La première expérience, réalisée en 1985 au National Bureau of Standards (NBS) de Washington, utilise un faisceau d’atomes de sodium sortant d’un four à près de 3 600 km/h. Pour les arrêter, un mur de lumière, précisément un laser placé dans l’axe du faisceau et l’éclairant à contre-courant. Lorsqu’un photon lumineux heurte un atome de sodium, il est en effet absorbé par l’atome, qui subit aussitôt une transition électronique, à condition que l’énergie du photon soit exactement égale à l’énergie nécessaire pour exciter l’atome de sodium. La désexcitation est pratiquement immédiate et l’atome réémet un photon dans une direction aléatoire. Statistiquement, l’énerdownloadModeText.vue.download 361 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 360 gie de ces photons est donc nulle et, pour satisfaire le bilan d’énergie du système, c’est l’atome lui-même qui doit perdre de l’énergie. De fait, au cours de ce curieux choc lumière-matière, la vitesse de l’atome diminue... d’environ 0,1 km/h. Il faut donc près de 36 000 chocs par atome pour immobiliser le faisceau. Dans l’expérience du NBS, cet énergique freinage lumineux s’accomplit sur une distance d’environ 50 cm. Les résultats de cette première tentative de freinage ont été améliorés en un temps record. L’équipe du laboratoire de spectroscopie de l’École nationale supérieure vient en effet de publier les résultats d’une expérience où les atomes ne sont plus arrêtés par un simple faisceau laser, mais par une onde laser stationnaire. Le dispositif a la propriété de moduler les niveaux d’énergie des atomes, ce qui les force à dissiper leur énergie plus rapidement. L’efficacité du ralentissement est bien supérieure à celle obtenue au NBS : il suffit de 2 ou 3 cm pour arrêter le faisceau d’atomes. Ces atomes immobiles (ou presque) sont déjà très précieux : la principale source d’imprécision en spectroscopie – la science qui permet d’étudier la structure interne des atomes à partir de leurs transitions électroniques – est en effet le mouvement des atomes, qui modifie leurs spectres d’émission. La précision des horloges atomiques, en particulier, qui sont basées sur des mesures spectroscopiques de l’atome de césium, va sans doute être améliorée d’un ordre de grandeur, si les atomes de césium veulent bien se tenir tranquilles. Mais deux autres expériences faites cette année ouvrent des horizons bien plus vastes, en montrant la possibilité d’enfermer dans une boîte les atomes immobilisés. La première boîte est une petite sphère magnétique de 20 cm 3 où les atomes, qui possèdent un moment magnétique, sont faiblement attirés. Une fois pris au piège, ils font quelques tours... et puis s’en vont : aucun d’eux n’est resté plus d’une seconde dans l’appareil. La deuxième boîte, réalisée aux laboratoires Bell dans le New Jersey, est un minuscule cylindre de 0,1 mm de long dans lequel un faisceau laser attire les atomes comme une lampe les papillons, mais beaucoup moins longtemps : quelques secondes au maximum. Ces pièges sont encore très imparfaits et ne parviennent qu’à capter quelques atomes. Mais leur perfectionnement laisse envisager la possibilité d’y mettre en présence un grand nombre d’atomes identiques, pendant un temps assez long pour qu’ils puissent s’associer. L’observation de la matière ralentie pourrait dès lors réserver bien des surprises : la création de molécules nouvelles ? de cristaux inédits ? Tous les espoirs sont permis. NICOLAS WITKOWSKI L’astronautique de demain sera marquée par l’utilisation de grandes stations spatiales. Celles-ci serviront à la fois de laboratoire pour la réalisation d’expériences scientifiques ou technologiques en microgravité, de dépôt de stockage de matériel spatial, d’atelier d’assemblage de grandes structures orbitales, de stationservice pour l’entretien et la réparation de satellites, et de base de lancement vers l’orbite des satellites géostationnaires ou vers le milieu interplanétaire. Véritables ouvriers du cosmos, les astronautes et les cosmonautes du futur joueront un rôle essentiel dans la construction, la maintenance et l’exploitation de ces stations. Les principales puissances spatiales préparent activement cette échéance. Bénéficiant de l’expérience acquise depuis 1971 avec leur programme de stations Saliout, les Soviétiques seront vraisemblablement les premiers à utiliser un complexe orbidownloadModeText.vue.download 362 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 361 tal modulaire conçu pour être habité en permanence. Ils ont franchi une nouvelle étape dans cette voie le 20 février 1986, en plaçant en orbite Mir, le premier spécimen d’une station de nouvelle génération. Celle-ci est dotée de six sas d’amarrage permettant, en principe, d’y accoupler simultanément autant de vaisseaux, automatiques ou habités, notamment des modules destinés à des recherches spécialisées (astrophysique, biologie, etc.), qui seront entièrement équipés au sol avant leur lancement. Les Soviétiques ont aussi étrenné, le 21 mai, un nouveau vaisseau de transport spatial, le Soyouz TM, version améliorée du Soyouz T, en usage depuis 1980, capable de manoeuvrer autour de la station Mir pour s’y amarrer. Avec ce nouveau matériel, l’URSS peut espérer poursuivre son expérience des vols spatiaux humains de longue durée en conservant la sérieuse avance qu’elle a acquise en ce domaine : à la fin de 1986, rien moins que 14 cosmonautes soviétiques avaient passé plus de 2 500 heures dans l’espace, 3 d’entre eux ayant même franchi le cap des 8 000 heures, tandis qu’aucun astronaute américain n’avait à son actif 2 500 heures en orbite. Le record de séjour, en durées cumulées, s’élève à 374 jours 17 heures 59 minutes pour le cosmonaute Leonid Kizim. Les 60 cosmonautes soviétiques totalisent 102 059 heures dans l’espace, soit une durée moyenne de séjour approchant 71 jours par individu, contre 40 336 heures pour les 121 astronautes américains, représentant, en moyenne, 14 jours seulement par sujet. Selon les responsables soviétiques eux-mêmes, l’URSS devrait disposer, à la fin de 1991, d’un complexe orbital Mir d’environ 100 t, équipé de 4 modules spécialisés et capable d’accueillir en permanence 5 ou 6 cosmonautes. Chimie Des réactions sur mesure Au cours d’une réaction chimique, les molécules réagissantes sont extrêmement nombreuses (100 milliards de milliards dans un cm 3 de gaz) et la fugacité de certains composés intermédiaires instables en interdit l’observation directe. L’étude statistique d’une réaction, qui se traduit par l’écriture d’une équation nécessairement schématique, s’est complétée, depuis une vingtaine d’années, par une étude plus fine. Le prix Nobel de chimie 1986 vient d’être attribué à l’un des pionniers de ce nouveau domaine de la chimie, C.R. Herschbach, et à deux de ses disciples. Y.T. Lee et J.C. Polanyi. Dès 1961, Herschbach eut l’idée de séparer les réactifs afin de mieux observer leur interaction. Le premier travail consista à fabriquer deux faisceaux homogènes se propageant dans le vide, contenant chacun l’un des réactifs. Il fallut ensuite concevoir des détecteurs capables d’observer l’interaction de deux molécules, d’enregistrer leurs variations de vitesse et de direction, et de caractériser les produits de la réaction. Les premières études, portant sur des molécules diatomiques simples, se sont révélées très fructueuses, mais avec de « grosses » molécules, tout se complique. Un grand nombre de phénomènes différents se produit en un temps très court, et l’analyse de la situation doit être faite sur une durée de l’ordre de 1011- 12 seconde. Seuls les lasers à impulsions permettent des clins d’oeil aussi rapides ; ils offrent en outre l’avantage d’induire la fluorescence des espèces chimiques réagissantes, ce qui rend possible leur étude par spectroscopie. downloadModeText.vue.download 363 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 362 Les faisceaux moléculaires font aujourd’hui partie de la panoplie du chimiste. Car la connaissance précise du mécanisme d’une réaction permet d’en améliorer la vitesse, le rendement et d’influer sur son déroulement, ce qui mènera sans doute à de nouvelles synthèses chimiques. NICOLAS WITKOWSKI Pour ne pas être en reste, le président Reagan a lancé un ambitieux projet de station spatiale américaine, destiné à confirmer la suprématie technologique des États-Unis, comme naguère le programme Apollo de débarquement humain sur la Lune, engagé par John Kennedy en 1961. Dans son discours sur l’état de l’Union, le 25 janvier 1984, Ronald Reagan a demandé à la NASA de construire et de mettre en orbite dans un délai de dix ans une station habitée en permanence. Des partenaires étrangers (Europe, Japon, Canada...) ont été conviés à participer à ce projet grandiose, mais fort coûteux (8 milliards de dollars selon les estimations initiales). Au terme d’un an d’études préparatoires, la NASA a arrêté, en mai 1986, la configuration de référence de la future station. Celle-ci, dite « à double poutre » (dual keel), comportera une ossature en treillis, rectangulaire, de 110 m de long et 44,5 m de large, avec, disposée parallèlement aux petits côtés du rectangle, une traverse centrale de 153,3 m d’envergure, portant en son milieu les modules pressurisés habitables et à ses extrémités les systèmes d’alimentation en énergie. Disposés en carrés, ces modules seront reliés les uns aux autres par leurs extrémités à l’aide de tunnels sas de passage. Toutefois, ce n’est vraisemblablement pas avant 1997 que la station spatiale américaine pourra être utilisée selon cette configuration. Pour tenir l’enveloppe initiale de 8 milliards de dollars qu’elle s’est fixée, la NASA a dû réviser à la baisse son projet : dans une première phase, la station, dont la mise en place débutera, en principe, en 1993, se réduira à une simple poutre supportant deux modules pressurisés. Sa capacité initiale sera donc loin d’atteindre celle qui avait été envisagée primitivement. Les ambitions de l’Europe Les modalités de la contribution européenne à la station spatiale de la NASA faisaient encore l’objet de négociations à la fin de 1986. Les divers éléments que l’Agence spatiale européenne envisage de réaliser comprennent un module pressurisé destiné à être associé en permanence à la station, pour la réalisation d’expériences intéressant les sciences des matériaux, la physique des fluides et les sciences de la vie ; une plate-forme autonome comprenant un module pressurisé et un module de ressources, également destinée à des recherches en sciences des matériaux, physique des fluides et sciences de la vie ; une plate-forme méridienne destinée essentiellement à l’observation de la Terre ; enfin, une plate-forme non habitée, coorbitale avec la station, destinée à un vaste éventail de missions. La contribution européenne s’exercera dans le cadre du programme Columbus, d’abord envisagé par l’Italie et l’Allemagne fédérale, puis adopté au niveau européen en 1985. En participant à la construction et à l’utilisation de la station downloadModeText.vue.download 364 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 363 de la NASA, les Européens entendent acquérir l’expérience qui leur permettra de mettre en place et d’exploiter leur propre station. Ce souci des Européens d’accéder à l’autonomie pour les missions d’intervention humaine en orbite explique aussi la mise en oeuvre de deux autres grands programmes : Ariane 5 et Hermès. Productique Les robots-lasers arrivent... Issus du « mariage » du robot programmable et de l’outil laser, les robots-lasers entrent en service dans les ateliers de mécanique. Ils utilisent la puissance thermique du laser – en moyenne 1,5 kW pour le CO2 – pour réaliser des opérations de découpe, perçage, soudage, traitements thermiques, marquage par gravure. Aujourd’hui, associé à des robots de type portique, le laser peut travailler dans l’espace et accéder en tout point d’une pièce : on réalise ainsi des centres d’usinage laser. Le faisceau est réfléchi par une série de miroirs à travers des tubes télescopiques avant d’être focalisé sur la pièce. À l’exposition Productique 86, les machines à laser étaient en vedette. Cilas-Alcatel et Renault Automation ont présenté en fonctionnement un grand centre d’usinage à cinq axes du type portique. Destiné à l’usine Creusot-Loire Industrie de Saint-Chamond, où il découpera notamment des pièces de blindage de chars, il est équipé d’un laser à CO2 de 2 kW et de la nouvelle commande numérique Robonum 800 étudiée par Num pour le pilotage des robots. A l’exposition Robotex de Bruxelles, en octobre, Renault Automation a présenté en fonctionnement son robot-laser RL5, équipé d’une source CO2 de 1,5 kW de Laser Systèmes. Cette machine spéciale présente une originalité : son faisceau est guidé à l’intérieur même de la structure du robot. Enfin, la puissance des lasers progresse : Cilas-Alcatel a dévoilé son laser CO2, dont la technologie à flux turbulent axial est issue de recherches militaires. Il atteint 7 kW, mais dans sa version industrielle CI 8000, il est prévu pour 8 à 10 kW. Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du projet Rolf (robot outil laser français) lancé en 1985 par le ministère de la Recherche et de la Technologie et qui associe Cilas et SGN. L’avenir de cette alliance du robot et du laser passe toutefois par la maîtrise des moyens de transport du faisceau. Pour accéder en bout de bras des robots classiques à cinq ou six axes, Spectra Physics propose, sous le nom de Laserflex, un tube articulé avec de nombreux miroirs, ce qui pose des problèmes de précision, d’étanchéité et de nettoyage optique. Le recours à la fibre optique apparaît très séduisant. Mais cette technique ne peut pour l’instant s’appliquer aux lasers CO2 : la fibre transmet mal la longueur d’onde de ce type de laser et s’échauffe. Pour les lasers solides du type Yag utilisés dans l’industrie, notamment pour le perçage, la gravure et les traitements thermiques, de spectaculaires résultats ont été annoncés. Laser Application, PME de Besançon, utilise la fibre optique associée à un laser Yag impulsionnel de puissance moyenne 300 W, avec des pics allant jusqu’à 6 kW. Elle a construit ainsi deux robotslasers de soudage pour le CEA, tandis que Peugeot en expérimente un de 400 W pour le traitement thermique. De son côté, la firme canadienne Lumonics, troisième constructeur mondial de lasers et spécialiste du Yag impulsionnel, propose un système multifibre optique, de quatre à huit fibres, appelé Multiflex. Grâce à l’alimentation programmable du laser, il permet, downloadModeText.vue.download 365 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 364 par multiplexage et division du faisceau, d’effectuer sur une même pièce, ou sur des pièces différentes, plusieurs types de travaux. Avec trois fibres, on peu ainsi réaliser simultanément trois soudures sur une pièce annulaire pour en limiter les déformations thermiques. Les applications s’annoncent donc prometteuses. La fibre optique ouvre ainsi des possibilités nouvelles à l’utilisation du laser. Un « outil » bientôt aussi facile à transporter que le jet d’eau haute pression (4 000 bars), ce « laser liquide » qui équipe déjà de nombreux robots pour la découpe de matériaux divers. Grâce à l’injection de particules abrasives dans le jet fluide, on peut désormais couper le métal. Une machine de ce type, construite par Rouchaud, en collaboration avec Flow Systems, est en cours d’installation chez Alsthom à Belfort. CLAUDE GELÉ Lanceur lourd, associant deux gros propulseurs d’appoint à propergol solide à un corps central équipé d’un puissant moteur à oxygène et hydrogène liquides, Ariane 5 offrira une capacité de lancement d’environ 4,5 t en orbite géostationnaire et de 15 t en orbite basse. Mis en service vers 1995, il permettra à l’Europe de maintenir sa compétitivité face aux lanceurs étrangers, notamment pour le lancement de vaisseaux habités. Quant au programme Hermès, de conception française, il prévoit la construction de deux modèles de vol d’un avion spatial à ailes delta, de 18 m de longueur, 10 m d’envergure et 12 t de masse à vide, capable d’abriter de 4 à 6 astronautes et d’emporter 4,5 t de charge utile, qui sera satellisé sur orbite basse par Ariane 5 et reviendra se poser sur une piste d’atterrissage. Les progrès accomplis depuis 25 ans dans la conquête de l’espace montrent que le défi lancé par les Soviétiques en 1961 a entraîné un mouvement irréversible, dont personne, à l’époque, n’aurait osé imaginer l’ampleur. De Gagarine à la navette spatiale, en passant par les grandes heures de l’exploration de la Lune, nous avons vécu les premiers pas de cette fabuleuse aventure. Mais l’épopée ne fait que commencer : l’avènement des stations habitées en permanence autour de la Terre et, après l’an 2000, le premier vol humain vers la planète Mars en seront les prochaines étapes majeures. S’il ne symbolise plus l’inaccessible, l’espace n’a rien perdu de son pouvoir de fascination et nourrira longtemps encore les rêves de l’humanité. PHILIPPE DE LA COTARDIÈRE Écrivain et journaliste scientifique, vice-président de la Société astronomique de France, Philippe de La Cotardière a publié plusieurs ouvrages sur l’astronomie (l’Astronomie, Larousse, 1981 ; le Ciel et l’Univers, Nathan, 1983) et sur l’astronautique (la Conquête de l’espace, Larousse, 1983). downloadModeText.vue.download 366 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 365 Tchernobyl et la sûreté des centrales nucléaires Le 26 avril 1986, à Tchernobyl, en URSS, s’est produit le plus grave accident de l’histoire de l’énergie nucléaire. Quelles seront ses conséquences ? Quels sont les moyens prévus pour éviter de telles catastrophes ? À1 30 kilomètres au nord de Kiev, à 4 kilomètres de la ville nouvelle de Pripiat, sont implantées les quatre unités de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le 26 avril 1986, vers une heure du matin, les unités 1, 2 et 3 fonctionnent normalement. L’équipe de conduite de la 4e unité prépare un essai avant de la mettre à l’arrêt, conformément au programme d’exploitation. À 1 h 24, deux violentes explosions détruisent le bâtiment du réacteur no 4. Des flammes de plus de 30 mètres de haut illuminent les alentours. Des matières incandescentes sont projetées dans l’atmosphère. En retombant, elles allument d’autres incendies, notamment dans la salle des machines. Les autres unités de la centrale sont mises à l’arrêt, le personnel est évacué. Les pompiers de l’installation, auxquels se joignent ceux de Pripiat, puis ceux de Kiev, luttent contre l’incendie. Mais celui-ci n’est maîtrisé qu’après 12 jours d’efforts, alors que 5 000 tonnes de sable et de matériaux divers ont été déversés sur le réacteur par hélicoptères. L’évacuation des populations des cités voisines commence 36 heures après l’accident. Pendant plus d’une semaine, des produits radioactifs provenant du coeur du réacteur sont portés à haute altitude par la colonne de gaz chauds, puis entraînés par les courants aériens au-dessus de la Russie et d’une grande partie de l’Europe, qui ignore tout de l’accident jusqu’au 28 avril ; c’est la centrale de Formark, en Suède, qui donne l’alerte. La Suède et les autres pays occidentaux assaillent alors les autorités soviétiques de pressantes demandes d’information. downloadModeText.vue.download 367 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 366 Le 28 avril, à 20 heures, l’agence Tass déclare laconiquement qu’une avarie s’est produite dans une centrale russe. Puis, le 29 avril, la mort de deux techniciens et l’évacuation de quatre localités sont annoncées. La rareté et l’imprécision des informations laissent le champ libre aux rumeurs les plus alarmantes. La télévision américaine parle de 2 000 morts. Le monde entier s’émeut. Les autorités chargées de la protection des populations s’efforcent d’acquérir une vue objective de la situation, mais la coopération internationale est rendue difficile par la disparité des méthodes. Un nuage d’inquiétude Le 29 avril, l’est et le sud-est de la France sont atteints par le nuage de particules radioactives et, le 1er mai, c’est la région parisienne qui est touchée. Un peu partout, les autorités gouvernementales prennent des mesures pour écarter du marché les denrées alimentaires contaminées par les retombées radioactives directement (légumes) ou indirectement (lait, viande) ; le 8 mai, la Communauté économique européenne met l’embargo sur les importations de viande en provenance de l’Europe de l’Est. Cependant, il apparaît que les normes de protection appliquées dans les différents pays manquent de cohérence. Témoin des polémiques entre experts, le public qui note les réticences et les hésitations des autorités est inquiet. Beaucoup de gens mettent en doute l’exactitude des déclarations officielles sur la gravité des risques et l’efficacité des mesures de protection. L’inquiétude des populations est exploitée par les groupes antinucléaires. Ils organisent des manifestations et leur influence grandit. Dans ce climat d’incertitude et de contestation, un certain nombre de gouvernements sont amenés à prendre des décisions défavorables à l’énergie nucléaire. Dès le 7 mai, les Pays-Bas annoncent qu’ils abandonnent leur projet de construction de quatre centrales et la Yougoslavie déclare renoncer à sa seconde installation nucléaire. Le 22 mai, c’est au tour de l’Égypte de faire connaître qu’elle va réexaminer son programme nucléaire. Le 1er août, le président de la Confédération helvétique déclare que la Suisse doit envisager l’abandon du nu- cléaire et, le 12 août, le parti social-démocrate allemand diffuse un plan de dix ans pour éliminer tout recours à l’énergie nucléaire. Entre-temps, le 3 juillet, les autorités soviétiques avaient enfin reconnu que l’accident avait fait 27 morts et 187 blessés et qu’il avait rendu nécessaire l’évacuation de 100 000 personnes dans un rayon de 30 km. Pour les chercheurs et les techniciens, l’accident de Tchernobyl est ressenti comme un choc brutal. Depuis plus de trente ans, ils travaillaient à faire de l’énergie nucléaire la source d’énergie la plus fiable, la plus sûre, la moins polluante. Et ils pouvaient estimer être tout près du but. L’accident de Three Miles Island (Pennsylvanie), du 28 mars 1979 – catastrophe financière pour la société propriétaire –, avait démontré l’efficacité des moyens de protection du personnel de la centrale et de la population. Au moment de l’accident de Tchernobyl, il y avait en exploitation près de 400 unités électronucléaires réparties dans 26 pays, downloadModeText.vue.download 368 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 367 représentant au total une expérience de plus de 4 000 années de fonctionnement de réacteurs. Depuis le 26 avril 1986, de nombreuses discussions ont eu lieu dans le cadre de la presse, de la radio et de la télévision, comme à l’occasion de réunions de spécialistes, sur l’étendue et les conséquences réelles de l’accident de Tchernobyl dont l’ampleur est progressivement dévoilée, ainsi que sur les enseignements qui doivent en être tirés pour l’avenir. Mais le sujet est complexe. Pour suivre ces débats, il faut disposer d’un fil conducteur. Ce fil conducteur, c’est la réponse à deux questions essentielles : – quels sont les risques présentés par le fonctionnement d’une centrale nucléaire ? downloadModeText.vue.download 369 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 368 – quelles sont les mesures mises en oeuvre pour se protéger de ces risques ? En d’autres termes, quels sont les objectifs et les moyens de ce que l’on appelle la sûreté nucléaire appliquée aux centrales ? Réacteurs nucléaires et rayonnements ionisants Les risques spécifiques de l’utilisation de l’énergie nucléaire sont liés aux dommages que les rayonnements ionisants peuvent provoquer dans la matière vivante. Être protégé de ces risques, c’est le fait de la sûreté nucléaire. Selon la définition officielle, la sûreté nucléaire est la protection des personnes et de l’environnement naturel contre les risques présentés, du fait des rayonnements ionisants, par les installations où sont produites, transformées, mises en oeuvre ou stockées des substances radioactives. C’est aussi l’ensemble des dispositions prises à cet effet. En cas d’irradiation externe, le rayonnement α est arrêté par la peau, le rayonnement β ne va pas au-delà du derme, le rayonnement γ pénètre dans tout le corps. Les limites annuelles admissibles pour l’organisme entier sont les suivantes : – personnels d’une installation nucléaire en zone contrôlée : 5 rems ; en zone non contrôlée : 1,5 rem ; – personnes du public : 0,5 rem. Ces limites sont différentes parce que tout le personnel professionnel bénéficie d’une surveillance médicale systématique et que le personnel travaillant en zone contrôlée est suivi techniquement et médicalement ; – pour les femmes enceintes ainsi que pour les jeunes enfants, les limites sont plus basses, car les cellules des embryons et des enfants sont particulièrement sensibles à l’irradiation. À titre de comparaison, dans le cas d’une irradiation brutale et totale du corps, des troubles organiques se manifestent à partir d’une dose d’environ 50 rems. Il y a danger de mort quand la dose atteint 500 rems. Dans le cas de contamination interne les corps radioactifs s’accumulent dans des organes différents, l’iode 131 dans la glande thyroïde, le strontium 90 dans la moelle osseuse, le césium 137 dans les muscles et le foie. Une contamina- tion importante peut se traduire par l’apparition d’un cancer à plus ou moins longue échéance. La réglementation précise quelles sont les activités limites admissibles de l’air, de l’eau, du lait et des produits de consommation en les exprimant, selon les cas, en curies ou en becquerels par mètre cube, par litre ou par kilogramme. Les activités maximales admissibles des effluents gazeux et liquides rejetés annuellement par les installations nucléaires sont également fixées de façon à respecter, en tout état de cause, les normes de radioprotection bien définies applicables à la population et à l’environnement. Les normes de radioprotection Les rayonnements produits dans les réacteurs sont directement ionisants car ils libèrent des charges électriques dans la matière qu’ils irradient et peuvent entraîner des lésions des éléments constitutifs des cellules. Il en résulte, pour celles-ci, des dommages que l’organisme est plus ou moins capable de réparer. downloadModeText.vue.download 370 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 369 On sait évaluer, pour différents rayonnements ionisants et en fonction de leur nature et de leur énergie, les dommages qu’ils causent aux organismes Ces évaluations sont fondées sur la quantité d’énergie absorbée par un milieu irradié ou dose absorbée. L’unité de dose absorbée est le gray (Gy), qui vaut un joule par kilogramme. En pratique on continue d’utiliser une unité définie depuis plusieurs décennies, le rad, qui vaut 1/100 de gray. L’effet biologique d’une dose absorbée varie suivant la nature du rayonnement et son énergie. Ainsi les neutrons ont une efficacité biologique plus grande que le rayonnement γ. Aussi caractérise-t-on l’effet biologique d’une irradiation par une grandeur particulière, l’équivalent de dose. L’unité d’équivalent de dose est le sievert (Sv) mais, ici encore, on continue d’utiliser l’ancienne unité, le rem, qui vaut 1/100 de sievert. L’irradiation des tissus vivants peut être le résultat, soit de l’exposition d’une portion plus ou moins étendue du corps à une source de rayonnement extérieur, soit de l’inhalation de nucléides radioactifs présents, par exemple, dans l’atmosphère. L’irradiation peut donc être externe ou interne. On parle de contamination externe lorsque les corps radioactifs sont déposés sur la peau et de contamination interne lorsqu’ils ont pénétré dans l’organisme. Les effets des rayonnements ionisants ont fait l’objet d’études qui ont permis de définir les normes générales de radioprotection et d’en déduire celles qui s’appliquent en particulier à l’exploitation des centrales électronucléaires. La doctrine et les normes de radioprotection sont élaborées dans un contexte international. A cet égard, il faut mentionner le rôle capital de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) qui regroupe des spécialistes dont la compétence est mondialement reconnue. La CIPR a posé en principe que les limites des doses acceptables doivent être déterminées de façon que les risques entraînés par l’exposition aux rayonnements ne dépassent pas : – pour les travailleurs de l’énergie nucléaire, ceux qui sont acceptés dans la plupart des activités industrielles ou scientifiques présentant un niveau de sécurité élevé, – pour les personnes du public, ceux qui sont habituellement acceptés dans la vie courante (Il faut savoir que l’homme vit dans une ambiance de rayonnements ionisants naturels ou liés aux activités humaines. Au total, l’Européen reçoit en moyenne une dose comprise entre 100 et 600 millirems par an.). On ne joue pas avec un réacteur À l’époque de l’accident, la centrale de Tchernobyl comprenait quatre unités – ou tranches – de 1 000 mégawatts chacune, en exploitation respectivement depuis 1977, 1978, 1981 et 1983, et deux unités de même puissance en construction. Ces unités étaient toutes du type RBMK, sigle formé avec les initiales des mots russes signifiant réacteur, grande puissance, canal. Les centrales de ce type sont équipées de réacteurs à eau bouillante, ce qui veut dire que le fluide de refroidissement est de l’eau ordinaire qui, portée à l’ébullition dans le coeur, produit ainsi de la vapeur envoyée directement aux turbines. Dans ces réacteurs, le graphite joue le rôle de modérateur, l’eau servant de caloporteur. Les informations communiquées par les autorités soviétiques, et notamment le volumineux rapport adressé en août à l’Agence internationale de l’énergie atomique de Vienne, complétées par le compte rendu des réunions tenues à downloadModeText.vue.download 371 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 370 Vienne du 25 au 29 août, ont permis de reconstituer la suite des événements qui ont précédé l’accident. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, l’équipe de conduite de la tranche no 4 de la centrale avait pour tâche de réaliser un essai destiné à préciser certaines caractéristiques de fonctionnement de l’installation immédiatement après un arrêt du réacteur. On peut résumer la façon dont, en fait, l’expérimentation a été menée en disant que le programme de l’essai n’a pas été suivi et que les procédures réglementaires d’exploitation n’ont pas été respectées. Bien plus, comme le personnel chargé de l’essai était gêné par l’existence de certains systèmes de sécurité automatiques, il les a purement et simplement mis hors d’état de fonctionner. En particulier, il a rendu inopérant le système automatique d’arrêt d’urgence. En outre, pour tenter d’amener le réacteur à la puissance prévue pour l’essai, il a fait remonter – c’est-à-dire qu’il a extrait du coeur – un nombre de barres beaucoup plus grand que ce qui était autorisé. Dans ces conditions, des causes d’instabilité de la puissance sont apparues. Alors que le réacteur fonctionnait à 200 mégawatts, une petite augmentation de puissance a provoqué en quelques secondes (et malgré une tentative de commande manuelle de l’arrêt d’urgence) une montée rapide et considérable de celle-ci. Selon les experts soviétiques, la puissance du réacteur a atteint 100 fois sa valeur en fonctionnement normal, ce qui a provoqué la fusion du combustible, la vaporisation explosive de l’eau et la dislocation du coeur. En outre, la température très élevée a amorcé la combustion des blocs de graphite et allumé l’incendie. Automobile Alors que les superordinateurs, du type Cray I et les grandes souffleries « échelle 1 » se banalisent chez tous les constructeurs d’automobiles, est-il encore possible de découvrir des innovations originales dans leurs produits ? L’année 1986 répond « oui » sans hésitation. Autour de grands thèmes, allégement – Citroën AX, 640 kg –, bas coefficients aérodynamiques – AX, 0,31, Audi 80, 0,29, Opel Omega, 0,28 –, moteurs dépollués, versions à 4 roues motrices, les variations audacieuses se multiplient. C’est d’abord le moteur 6 cylindres en V PRV (Peugeot Renault Volvo) qui rajeunit : Renault avait refait le vilebrequin pour sa R 25 Turbo, cette fois, c’est Peugeot qui lui offre un nouveau bloc plus résistant, directement issu de celui mis au point pour les WM des 24 heures du Mans. Ça bouge aussi dans le diesel avec le moteur Prima du britannique Perkins. En première mondiale, il est le premier petit diesel à injection directe revendiquant des consommations inférieures de 10 à 12 p. 100 aux diesels classiques à injection indirecte. Il faudra cependant attendre un an, le temps qu’il soit monté sur une voiture particulière, pour vérifier cette affirmation osée qui fait sourire ses rivaux. Alors que les moteurs turbo 1 500 cm 3 de Formule 1 ont atteint, en qualifications, les sommets de la technologie et les 800 chevaux au litre, Lancia propose une solution baptisée Triflux, avec 4 soupapes par cylindre, disposées en X, les soupapes d’échappement placées de chaque côté de la culasse. La recherche du confort a conduit l’Allemand Luk à concevoir pour BMW un embrayage absorbant les vibrations avec un volant moteur « bimasse », en deux parties. Valeo et Sachs y viennent eux aussi et vont en amplifier la diffusion. Les transmissions downloadModeText.vue.download 372 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 371 évoluent aussi puisque le nombre des modèles à « transmission intégrale » a doublé dans l’année. Pour elles, les nouveaux différentiels visqueux (brevet Ferguson) et Torsen (100 p. 100 mécanique) donnent enfin aux nouvelles VW, Lancia, Audi un confort de conduite comparable aux deux roues motrices. Cette généralisation des 4 × 4 (sauf en France !) s’accompagne d’une adaptation spécifique des systèmes antiblocages de freins (ABS) à traction intégrale, qui sont produits par d’autres firmes que Bosch (Teves, Bendix) et souvent intégrés au système de freinage. Moins chers, leur électronique leur permet d’informer des systèmes antipatinage (Mercedes, BMW). Dès que les roues motrices patinent, le moteur perd automatiquement de la puissance jusqu’à ce que la motricité soit égale à l’adhérence : on ne peut plus déraper. Ford a même démocratisé l’ABS avec un... SAB, antiblocage mécanique simplifié monté sur Fiesta. Moins performant que les systèmes électroniques, il est toutefois efficace sur route enneigée. En disposant habilement les triangles, en calculant avec précision la déformation des « Silentblocs » caoutchouc dans les virages, Mazda (RX 7) et Opel (Omega) arrivent à légèrement faire braquer les roues arrière motrices, jusqu’à 1°. La tenue de route en est transformée, mais Honda est allé beaucoup plus loin que ces « suspensions actives » en dotant sa nouvelle Prélude de 4 roues directrices. Ce système purement mécanique, à deux boîtiers reliés par un petit arbre, améliore tenue de route à haute vitesse et maniabilité en ville, le tout pour un prix modique... L’Europe a battu le Japon dans ses spécialités : sécurité et équipement. Audi a conçu un fantastique système baptisé ProconTen : en cas de choc, c’est le recul du moteur qui sert à retendre les ceintures de sécurité et abaisser le volant, évitant toute blessure à la face. Pour sa série 7, BMW a réalisé un merveilleux essuie-glace asservi à la vitesse : plus on va vite, plus il essuie. Sur la même voiture, Hella a installé des phares ellipsoïdes qui, en dépit d’un tout petit diamètre, éclairent 30 p. 100 plus fort que les gros. Valeo réplique avec un phare « multifocal », aussi efficace, qui peut être, comme celui déjà produit pour Volvo USA, entièrement en plastique, y compris la vitre ! On n’arrête pas le progrès... JEAN-PIERRE GOSSELIN L’énorme responsabilité de l’équipe de conduite du réacteur a été reconnue et soulignée par les autorités soviétiques. À Vienne, A.M. Petrossiants, président du Comité d’État pour les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, a déclaré officiellement que l’accident avait eu lieu à la suite de toute une série de violations grossières des règles de la conduite par le personnel. Les matériaux déversés par les hélicoptères de l’armée soviétique sur les ruines du réacteur ont eu un triple but : empêcher une nouvelle réaction nucléaire explosive (d’où, dans ces matériaux, la présence du bore, élément capturant fortement les neutrons), éteindre l’incendie du graphite et surtout faire cesser l’émission de produits radioactifs. Renforcement de la radioprotection Le bilan de l’accident, établi à la fin de septembre, est très lourd et fera date dans l’histoire : – 31 morts, dont 28 du fait de l’accident lui-même ; – 365 personnes hospitalisées, dont 200 gravement irradiées ; downloadModeText.vue.download 373 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 372 – 135 000 personnes évacuées dans un rayon de 30 km autour de la centrale et mises en observation médicale ; – plus de 1 000 km 2 d’une des régions les plus riches de la Russie rendus improductifs du fait de la contamination ; – possibilité d’extension de la zone dangereuse en cas de contamination de l’eau des cours d’eau et de la nappe phréatique. C’est sur la limitation du danger radioactif que l’action des autorités soviétiques s’est portée en priorité. Très vite, des mesures ont été prises pour isoler la tranche no 4 de l’eau de surface et de la nappe phréatique. Il fallait surtout éviter que le Dniepr, qui alimente en eau la moitié de la ville de Kiev, soit contaminé. Des travaux ont été également lancés pour réaliser un confinement des superstructures de la tranche accidentée, afin d’arrêter la dispersion des matières radioactives et de remettre rapidement en service les tranches 1, 2 et 3. Ils comprennent la construction de murs de béton et, dans la salle des machines qui est commune aux tranches 3 et 4, d’une cloison métallique étanche. La décontamination du sol a été entreprise et les autorités avaient annoncé qu’elle serait achevée à la fin de 1986, mais les problèmes à résoudre sont très difficiles. Les autorités soviétiques ont déclaré que l’accident était entièrement imputable aux fautes commises par le personnel et que la confiance mise dans les centrales du type RBMK n’était pas entamée ; elles ont cependant annoncé des mesures techniques destinées à accroître la sûreté de ces centrales et notamment à éviter que le coefficient de puissance des réacteurs puisse, dans certaines conditions, devenir positif. Aéronautique Pour le consortium européen Airbus Industries, le défi lancé voici plusieurs années au monopole de fait détenu par les constructeurs américains d’avions commerciaux – Boeing, McDonnell-Douglas, Lockheed – est couronné de succès. Avant le premier vol du prototype, prévu pour mars 1987, 379 Airbus A 320 sont déjà vendus : 236 commandes fermes, 143 options. S’y ajoutent 20 intentions d’achat, soit, pratiquement, 400 appareils commandés par 14 compagnies, dont 100 par la seule compagnie américaine Northwest Airlines – le plus gros marché jamais passé pour un appareil en cours d’assemblage – et 20 par la compagnie japonaise All Nippon Airways. Avec plus de 30 p. 100 du marché des gros porteurs en 1986, Airbus Industries est à présent le seul véritable concurrent de Boeing, avec qui le groupe s’apprête en outre à entrer en compétition sur le marché des long-courriers avec les futurs A 330 biréacteurs et A 340 quadriréacteurs, avec introduction de nombreuses innovations techniques : matériaux composites, commandes électriques, avionique de pointe, économies de carburant, confort et sécurité accrus pour les passagers. Les autres membres de la « famille Airbus » continuent à connaître le succès et, paradoxalement, l’incident survenu à l’automne 1986 à bord d’un appareil tout neuf de Thai Airways a fait beaucoup pour la promotion de la gamme : malgré l’explosion à haute altitude d’une grenade introduite à bord, l’avion a pu se poser en urgence sur l’aéroport le plus proche. Quant au court-courrier biturbopropulseur ATR 42, construit en coopération avec la firme transalpine Aeritalia, son succès a conduit au lancement d’un appareil plus grand, l’ATR 72, dont la voilure sera entièrement réalisée en matériaux composites. Certes, en ce qui concerne la division hélicoptères civils et militaires, le downloadModeText.vue.download 374 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 373 marché s’est un peu resserré, mais sur le plan de l’aviation générale, l’Aérospatiale/ Socata a fait en 1986 une remarquable percée aux États-Unis dans le domaine de l’avion de tourisme, avec sa gamme TB 10 Tobago, TB 20 Trinidad et TB 21 Trinidad turbocompressé, Avions Marcel Dassault/ Breguet Aviation poursuivant la leur avec la gamme des Falcon, dont les triréacteurs Falcon 50 et Falcon 900, appareil dont les premiers exemplaires seront bientôt livrés à leurs acheteurs. La disparition, le 17 avril 1986, de M. Marcel Dassault (dont le fils, Serge, a été porté à la présidence du groupe), entre la présentation en statique et le premier vol du Rafale A, n’a en rien compromis ce programme. Le Rafale A est un avion de chasse expérimental biréacteur dont le développement, le Rafale B, devrait assurer le moment venu la succession de l’actuel Mirage 2000. D’une masse prévue de 8,5 tonnes (contre 9,5 tonnes pour le prototype), le Rafale B devrait entrer en unités en 1996, équipé de réacteurs SNECMA M 88. Prévu pour Mach 2, cet appareil a une structure faisant très largement appel aux matériaux composites. Il est équipé de commandes électriques numériques, de commandes vocales et de systèmes de visualisation de pointe. Sa « signature » (radar, infrarouges) sera extrêmement limitée. Ce sera un avion de combat tactique multimission (défense aérienne, missions air-sol). Il pourra emporter jusqu’à 12 bombes ou missiles. La situation est également bonne chez les motoristes. La SNECMA, qui produit la gamme des réacteurs CF-56, en association avec General Electric, voit se garnir son carnet de commandes. Dernier marché en date (décembre 1986) : la commande par la CAAC (Administration de l’aviation civile de la Chine populaire) de réacteurs CF680C2 destinés à 5 Boeing qui viennent d’être commandés par la Chine. La SNECMA travaille aussi à la mise au point du réacteur M 88 destiné à équiper le Rafale en remplacement des Garrett actuellement utilisés. Enfin, le futur avion spatial Hermès, confié à Aérospatiale et AMD/BA, est entré dans la phase de réalisation, en coopération avec d’autres firmes françaises et européennes. PHILIPPE DELAUNES La plupart des experts en radioprotection s’accordent pour estimer qu’audelà des frontières de la Russie, les conséquences de l’accident sur la santé des populations – et notamment en ce qui concerne le cancer – seront très réduites et pratiquement impossibles à identifier parmi les cas, beaucoup plus nombreux, de maladies et de décès provoqués par d’autres causes. Exploité et amplifié par les mouvements antinucléaires, l’accident a provoqué des réactions défavorables à l’énergie nucléaire dans l’opinion publique des pays occidentaux, réactions qui, ellesmêmes, ont eu des répercussions au niveau des décisions gouvernementales. Bien que les responsables du développement de l’énergie nucléaire dans les différents pays aient tenu à réaffirmer la nécessité du recours à cette source d’énergie pour satisfaire aux besoins globaux en énergie des pays développés ou en voie de développement, il est indéniable que Tchernobyl a donné un coup de frein plus ou moins brutal à de nombreux programmes nucléaires. L’URSS, suivie des pays de l’Est, reste à l’écart de ces répercussions. Elle a établi le programme nucléaire le plus ambitieux et elle estime n’avoir aucune raison de le remettre en cause. downloadModeText.vue.download 375 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 374 L’expérimentation au vrai Pour la première fois depuis le début du développement de l’énergie nucléaire, les spécialistes de l’étude des effets des radiations sur l’homme vont disposer d’une masse de données établies à partir des observations faites sur un grand nombre de personnes ayant été irradiées et suivies médicalement depuis cet accident. Ainsi, l’ampleur du drame de Tchernobyl permettra d’acquérir une meilleure connaissance des effets biologiques des radiations et d’améliorer les normes de radioprotection ainsi que les moyens de traitement. Mais il faudra attendre plusieurs dizaines d’années pour parvenir à des conclusions sûres, car l’exemple d’Hiroshima montre que l’effet d’une irradiation peut se manifester trente ou quarante ans plus tard. En ce qui concerne l’évaluation des risques à la suite d’un accident nucléaire et les décisions relatives à la protection de la population, les événements qui ont suivi l’accident de Tchernobyl ont démontré, sans doute possible, qu’un progrès reste à accomplir quant à l’uniformisation des normes, la cohérence des méthodes et la coordination des décisions. Ce travail est amorcé sous l’égide de l’Agence de Vienne, mais il appartient aux différents pays de le mener à bien. Les principes et les méthodes de la sûreté des réacteurs n’ont pas été remis en cause par l’accident du 26 avril. Mais l’importance du facteur humain, déjà mise en évidence lors de l’accident survenu aux États-Unis en 1979, a été une nouvelle fois soulignée. Le type de réacteur RBMK étant particulier à l’URSS, les enseignements de downloadModeText.vue.download 376 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 375 l’accident dans le domaine de la conception et de la technologie des centrales n’ont qu’un intérêt limité pour les autres types de réacteurs. Ainsi, le principe de la défense en profondeur est appliqué différemment dans les réacteurs RBMK. Les deux premières barrières sont bien, comme dans les autres types de réacteurs, la gaine du combustible et les tuyauteries et appareils du circuit de refroidissement, mais la troisième barrière est constituée de zones de confinement séparées les unes des autres et non pas d’un bâtiment abritant l’ensemble du réacteur et du circuit. De sorte que le réacteur de Tchernobyl se trouvait placé dans un volume de confinement environ cent fois plus réduit que celui d’un réacteur de même puissance du type adopté en France. Une comparaison directe de l’efficacité des deux types de confinement n’est donc pas possible. Géologie Le programme Géologie profonde de la France prévoit onze forages d’un millier de mètres de profondeur avec quatre objectifs principaux : l’exploration scientifique du sous-sol français, la compréhension des processus physico-chimiques qui se déroulent dans la croûte terrestre, l’établissement de modèles de référence et une utilisation des résultats dans une perspective de retombées économiques. Deux forages ont déjà été effectués. Le premier forage, réalisé à Échassières, dans l’Allier, concernait une anomalie géochimique géante, un gîte métallogène pratiquement unique au monde dans lequel avoisinent étain, tantale, tungstène, lithium et fluor. L’étude de la composition des granités qui l’avoisinent pourrait permettre de mettre en valeur des indices pour la prospection de sites à métaux. Le second forage de plus de 1 000 mètres, toujours situé en Auvergne, dans le massif du Cézallier, avait pour objet l’étude de la circulation des eaux chaudes dans les granités et les gneiss. Il a permis de découvrir au fur et à mesure que l’on descendait, et contrairement à toute attente, une superposition de nappes d’eau ou de cellules de convection séparées par des couches totalement imperméables, un peu comme les plats d’un couscoussier. Les échanges d’une chambre à l’autre s’effectuant vraisemblablement par l’intermédiaire de fractures. Cette recherche aboutit à la première étude systématique qui ait été réalisée dans le monde sur l’eau souterraine des socles anciens. Elle rappelle que les zones volcaniques endormies sont favorables au géothermalisme. Un troisième carottage a été réalisé à Couy, près de Sancerre, pour étudier l’anomalie magnétique du Bassin parisien, et devrait aboutir au début de 1987. Ce sera ensuite le tour des Pyrénées ou des Alpes. À terme, ce sont bien tous les secrets ou presque de la France profonde que les géologues espèrent ainsi mettre au jour. ISABELLE TROCHERIS Au-delà de ces enseignements qui sont parmi les plus évidents, il en est deux autres, qui apparaissent peut-être moins nettement, mais dont la portée et l’urgence sont sans doute plus grandes. Il s’agit d’abord de la prise de conscience de la solidarité de fait de tous les pays en face d’une catastrophe nucléaire. Tout habitant de la planète sait maintenant qu’il peut être atteint. Désormais, aucun pays ne peut se satisfaire des efforts qu’il fait pour rendre plus sûres ses centrales downloadModeText.vue.download 377 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 376 nucléaires. Il est nécessairement concerné par la sûreté des centrales de tous les pays. Et le style de coopération qui a été pratiqué jusqu’ici ne peut plus suffire. Il s’agit maintenant d’acquérir un nouvel état d’esprit, celui d’un partage nécessaire des connaissances et d’une mise en commun des efforts. L’Agence de Vienne travaille dans ce sens quand elle met au point deux accords internationaux, l’un sur la notification rapide et générale d’un accident nucléaire, l’autre sur l’assistance mutuelle en cas d’accident, et quand elle établit une liste de sujets de coopération dans le domaine de la sûreté. Mais son action devra être soutenue et complétée par l’engagement sans réticence de tous les pays. Nucléaire et opinion publique Un autre enseignement important doit être tiré des événements consécutifs à l’accident de Tchernobyl. Il s’agit des rapports entre l’opinion publique et les autorités responsables des décisions qui concernent la sécurité des personnes et des biens. On peut dire que, dans les jours qui ont suivi l’accident, toutes les erreurs possibles ont été commises : hésitations, contradictions entre les déclarations successives, manque de cohérence des mesures prises en France et à l’étranger, recours au système de la conférence de presse qui introduisait un élément subjectif de plus entre les autorités et le public. Tout a contribué à susciter l’inquiétude et la méfiance de l’opinion. Catastrophes Le bilan de l’année est presque un hommage à la technique, moins défaillante que les hommes. L’explosion de la navette Challenger et Tchernobyl ont également montré combien négligences ou bévues humaines ont joué dans ces désastres. L’Airbus des Thaï Airways qui atterrit après une explosion au Japon a été la victime d’un gangster ivre et maladroit. L’accident d’un Tupolev qui coûta la vie au président du Mozambique, Samora Machel, paraît être attribué à une erreur de pilotage. Dans un autre élément, l’engloutissement d’un sous-marin nucléaire soviétique au large des Bermudes, dans le fameux triangle, est la conséquence d’un incendie mal maîtrisé. Le bâtiment a noyé avec lui sa batterie de missiles nucléaires dans une coque probablement écrasée par la pression des profondeurs. L’incendie d’un entrepôt des laboratoires Sandoz, à Muttenz, en Suisse, a pollué l’air (gaz mercaptan) et les eaux du Rhin (pesticides et insecticides). À Kinross, en Afrique du Sud, l’incendie souterrain d’une mine d’or a provoqué près de 200 morts, sous l’effet des fumées toxiques. À Singapour, un grand hôtel récent s’est effondré en ensevelissant 33 personnes. Les divers naufrages résultent souvent de négligences, comme l’embarquement de passagers en surnombre sur des caboteurs ou des ferries en mauvais état à Haïti, en Chine, sur le fleuve Jaune, et au Bangladesh, sur la Meghna. Le bilan des catastrophes naturelles est plus lourd encore : inondations dans la région de Buenos Aires, et en Chine, dans le Guangdong, cyclones aux îles Salomon, à Hanoi, aux Philippines et à Shanghai, effondrements de collines à Taiwan et en Colombie, avalanches exceptionnelles au col de Zoji La, au Cachemire, séismes dramatiques à Kalamáta, en Grèce et au downloadModeText.vue.download 378 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 377 Salvador, explosion volcanique du mont Mihara, au Japon, asphyxie mortelle de 2 000 personnes environ provoquée par les gaz issus du lac volcanique de Nyos, au Cameroun. RENÉ HAROT On dit souvent que le problème de la communication entre les autorités et le public est un problème très difficile dans le domaine nucléaire, car le sujet suppose des connaissances que la plupart des gens ne possèdent pas. L’argument est très mauvais. La confiance du public dépend avant tout de la conviction des personnes qui l’informent. S’il fallait avoir fait des études médicales, peu de gens confieraient leur vie à un médecin. Cependant, la confiance ne s’accorde pas d’emblée, elle a besoin d’un peu de recul pour reconnaître la compétence et le sérieux des propos, car les faits doivent confirmer les affirmations. Améliorer la confiance entre les autorités et les citoyens, c’est une tâche dont l’intérêt ne peut être nié par personne. Il est infiniment souhaitable que le choc provoqué par la catastrophe de Tchernobyl encourage à l’entreprendre, comme à tenir compte également de tous les autres enseignements qui peuvent être tirés de cet événement tragique. GEORGES JUILLET Ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur spécialisé dans le domaine de l’énergie nucléaire, Georges Juillet s’est particulièrement consacré à l’étude des systèmes de protection. downloadModeText.vue.download 379 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 378 Les biotechnologies Biotechnologie, génie génétique, manipulation génétique, ces nouvelles technologies, créées il y a juste dix ans, sont désormais présentes dans les laboratoires et 1986 a vu l’apparition, sur le marché industriel, de plusieurs produits issus de ces techniques. Pourquoi un tel engouement pour une technologie connue depuis 6 000 ans ? Pourquoi parle-t-on de « révolution », alors que la fermentation du pain, de la choucroute ou du vin sont déjà des biotechnologies ? Ce terme récent provient de l’anglais Biotechnology et devrait plutôt se traduire par génie biologique. Le mot anglais a été breveté en 1980 par un agent de change nordaméricain, M. Hutton, qui en a déposé la marque aux États-Unis. L’OCDE, dans un rapport consacré à cette question, avait recensé onze définitions relativement semblables. Celle de la France, du moins celle du rapport « Science de la vie et société » du ministère de la Recherche et de la Technologie, était présentée ainsi : « La biotechnologie consiste en l’exploitation industrielle des potentialités des microorganismes, des cellules animales et végétales ainsi que des fractions subcellulaires qui en dérivent. » La biotechnologie a commencé à faire parler d’elle en 1975, lors de l’apparition des techniques de recombinaisons génétiques. En 1986, dix ans après la réunion d’Asilomar, au cours de laquelle un arrêt des recherches avait été demandé pour étudier les dangers de ce type d’expérience, plusieurs réalisations industrielles ont fait leur apparition : « médicaments » (hormones, enzymes, etc.) produits par des micro-organismes ou des cellules, plantes améliorées et résistantes à certains produits chimiques, tests de grossesse et diagnostic chez soi, etc. Ce n’est ni la révolution promise par les enthousiastes, ni le « bruit pour rien » annoncé par les sceptiques. Alimentation : le premier bioréacteur On vend déjà des croissants chauds partout, mais comme pour le pain de mie sans conservateur, Gérard Joulin, président du groupe Jacquet, a voulu maîtriser la biotechnologie de la congélation, de la décongélation, et de la fermentation du pain ordinaire. Avec des membres de l’Université technologique de Compiègne, les ingénieurs de chez Jacquet downloadModeText.vue.download 380 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 379 ont étudié les ferments responsables de la levée du pain et ont mis au point des « ferments biologiques adaptés (FBA) » supportant la congélation sans dommage pour le goût. Un microprocesseur, qui comporte un programme établi par les laboratoires Jacquet, conduit les différentes opérations : décongélation, fermentation (levée du pain), contrôlée de façon à amener la pâte « à point », et cuisson adaptée à la demande. Cette première « armoire à pains et croissants chauds », qui constitue le premier petit « bioréacteur » automatisé, peut être installée n’importe où. Elle a été présentée en octobre 1985 au FIT (Festival Industrie/Technologie) et doit être exportée vers 40 points de vente nordaméricains sous le nom de Little French Bakery (La Petite boulangerie française). Environnement La communauté internationale, consciente des effets directs ou indirects, réels ou supposés, des activités humaines sur l’atmosphère, la biosphère et l’hydrosphère, tente de s’organiser pour restaurer des écosystèmes gravement dégradés et appauvris et pour enrayer la raréfaction progressive des espèces végétales et animales. La protection de la nature et de l’environnement, qui s’impose d’ores et déjà comme une priorité, implique non seulement une meilleure gestion des ressources naturelles, la poursuite des recherches sur les arbres clones bio-et chimio-résistants l’intensification des recherches sur les énergies renouvelables et sur le traitement des déchets industriels..., mais aussi et surtout l’adaptation et l’harmonisation, à l’échelle mondiale, de politiques institutionnelles et législatives adéquates. Ces dernières, indispensables à l’élaboration d’accords internationaux visant à réduire les pollutions les plus néfastes pour l’environnement terrestre et j’atmosphère, sont freinées par les États les plus développés qui ont, chacun, des impératifs industriels et économiques particuliers. Il reste qu’en cette fin de siècle l’atmosphère, siège des climats, est malade d’une pollution anthropique croissante, qui est actuellement du même ordre de grandeur que celle d’origine naturelle. L’augmentation du taux de gaz carbonique risque d’entraîner à terme celle de la température globale de l’atmosphère (effet de serre), la fonte progressive des glaces polaires et le relèvement du niveau moyen des mers et des océans. La couche d’ozone, qui joue le rôle de filtre contre les UV, est, quant à elle, menacée par la production de gaz CFC (chlorofluorocarbones) utilisés dans la fabrication des mécanismes d’aérosols. L’acidité accrue des précipitations dans les régions industrielles d’Europe, d’Amérique du Nord, de Chine ou du Brésil, est une des causes du dépérissement des forêts et de l’appauvrissement de la faune et de la flore des rivières et des lacs. Aux effets transfrontières des pollutions atmosphériques, y compris celle d’origine nucléaire du type Tchernobyl, il faut ajouter ceux, tout aussi catastrophiques, des pollutions, accidentelles ou non et de plus en plus fréquentes qui affectent les sols, les eaux souterraines et de surface. L’année 1986 aura été ainsi marquée par la gravissime pollution du Rhin consécutive à l’incendie d’une des usines du groupe Sandoz, près de Bâle, le 30 octobre ; le déversement de 10 à 30 tonnes de produits chimiques (insecticides et fongicides à base de mercure) a eu et aura des conséquences biologiques et écologiques inestimables. downloadModeText.vue.download 381 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 380 En France, les fuites de pyralène intervenues après l’incendie de deux transformateurs (à Villeurbanne le 30 juin et à Beaucamps-Ligny le 3 juillet) n’ont pas eu de suites graves. Le pyralène, doué de capacités isolantes remarquables, est utilisé notamment dans les transformateurs et les condensateurs (il y a plus de 100 000 transformateurs à pyralène en France). Ce produit extrêmement toxique, à base de PCB (polychlorobiphényles), se décompose quand il est soumis à une chaleur intense, en présence d’oxygène et libère du gaz chlorhydrique, du dioxyde de carbone, des dibenzofuranes et de nom- breuses dioxines. La nécessaire élaboration d’un produit de substitution au pyralène fait actuellement l’objet de recherches. La dégradation des formations végétales, l’appauvrissement de la faune et de la flore (en France, sur les 523 espèces de vertébrés supérieurs répertoriés au début du XXe siècle, 22 ont disparu et 248 sont menacées et près de 50 p. 100 des espèces végétales n’existent plus) ne peuvent être imputés aux seules pollutions. L’exploitation forestière (11 millions d’hectares de forêt tropicale disparaissent chaque année), les feux de forêts, les ennemis biologiques des arbres (insectes, parasites et virus), la conquête de nouvelles terres de culture, l’érosion des sols sont autant d’atteintes à notre environnement et à la qualité de la vie sur la planète Terre. PHILIPPE C. CHAMARD Combats pour la santé Les anticorps monoclonaux : soldats à tout faire. En 1984, Cesar Milstein et Georges Köhler recevaient le prix Nobel de médecine pour avoir réussi, en 1975, à faire fusionner une cellule productrice d’anticorps (lymphocytes B) et une cellule « immortelle » (c’est-à-dire se multipliant indéfiniment). Cet « hybride » globule blanc-cellule immortelle se divisait en tube à essais et produisait des anticorps issus d’un seul lymphocyte (donc d’un clone), qui étaient par conséquent monoclonaux. L’utilisation d’un anticorps monoclonal, agissant directement sur une cible, vient d’être autorisée aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne. Cet anticorps bloque spécifiquement le fonctionnement de certains globules blancs, les lymphocytes T, et permet ainsi d’empêcher « biologiquement » le corps de rejeter une greffe du rein, même après un traitement cortisonique. Cet anticorps, appelé OK T3 ou « Orthoclone », est commercialisé par l’entreprise américaine Ortho. Un anticorps est une protéine fabriquée par des lymphocytes en réaction contre un intrus (antigène). C’est le principe même de la vaccination, qui implique l’injection d’une très petite quantité de « microbes » tués ou atténués. L’orga- nisme « reconnaît l’étranger » et fabrique des anticorps spécifiques à l’envahisseur. Si ce dernier revient, la réponse immunitaire se déclenche et les lymphocytes produisent très vite et en grande quantité l’anticorps adéquat. Le premier vaccin humain, obtenu par génie génétique, contre l’hépatite virale B, vient d’être autorisé aux États-Unis par la FDA (Food and Drug Administration) ; la société Merck Sharp and Dohme, qui s’était associée à Chiron pour mettre au point ce vaccin le commercialise. Une entreprise française, Virbac, a, pour sa part, mis au point un vaccin contre la leucémie virale du chat ; elle attend l’autorisation de commercialisation. Ce sera le premier downloadModeText.vue.download 382 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 381 vaccin pour ce type de virus, qui s’apparente à celui du Sida. Chaque antigène provoque la synthèse d’un anticorps spécifique. Cette propriété est utilisée dans les tests immunologiques. Le principe est de faire produire à un lapin, par exemple, des anticorps contre une « substance » que l’on veut analyser. Le lapin se « vaccine » contre l’intrus et fabrique des anticorps « antisubstance ». On prélève du sang de l’animal, on extrait et on purifie les anticorps choisis. Ces anticorps sont ensuite fixés à une enzyme ou à une molécule radioactive. En présence de la « substance », l’anticorps s’accroche à celle-ci et l’on peut alors doser la réaction colorée produite (immunofluorescence) ou la radioactivité (dosage radio-immunologique). Mais les anticorps du lapin étaient difficilement purifiables, car les immunoglobulines sont toujours des protéines, certes différentes pour l’intrus, mais bien semblables pour les biochimistes. L’idée fut donc d’isoler un globule blanc producteur d’un anticorps donné et d’obtenir sa multiplication, à l’exemple de ce que font les bactéries. C’est ce qu’avaient réussi Milstein et Köhler. Les anticorps reconnaissent donc la substance « étrangère » qui les a fait réa- gir. Produits désormais industriellement dans des « bioréacteurs », ils ont des utilisations multiples : détection des maladies infectieuses, des troubles du fonctionnement de l’organisme (trouble hormonal et, surtout, cancers), des maladies génétiques, mais aussi reconnaissance de divers produits dans les substances alimentaires, dans l’eau, dans les plantes, etc. ; de nombreux laboratoires étudient aussi la possibilité d’accrocher à un anticorps un médicament spécifique, le « missile biologique » qui doit se diriger directement vers l’endroit de l’organisme à soigner. L’hormone de croissance humaine. En septembre 1985, Genentech, l’une des premières sociétés américaines de biotechnologie, a reçu l’autorisation de commercialiser son hormone de croissance humaine obtenue par génie génétique, qui sera utilisée en premier contre le nanisme hormono-dépendant, mais aussi pour la cicatrisation des plaies, ou la consolidation des os. downloadModeText.vue.download 383 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 382 Contrairement à l’insuline, qui est extraite du pancréas du porc, puis modifiée enzymatiquement, il faut utiliser uniquement l’hormone de croissance humaine extraite de cerveaux de cadavres pour traiter les enfants. La société suédoise KabiVitrum, leader mondial de production d’hormone extraite, s’était associée à Genentech et avait financé les recherches sur les techniques de génie génétique. Genentech lui transmit son savoir-faire : KabiVitrum produira donc sa propre hormone de croissance, qui sera vendue en Europe. À cette course à l’hormone de croissance humaine participent Eli Lilly, qui s’était associé à l’Université de Californie, la société britannique Celltech et la société française Sanofi, qui produit une « hormone » encore plus proche de l’hormone humaine naturelle (elle a un acide aminé supplémentaire, la méthionine). La lutte contre l’infarctus. Un futur médicament pour éviter l’infarctus du myocarde sans provoquer d’effets secondaires, c’est ce que l’on attend du tPA, le tissue Plasminogen Activator. Ce facteur est produit par de nombreuses cellules de l’organisme et, en particulier, par les cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins. L’infarctus du myocarde, les embolies pulmonaires après une phlébite, les artères des membres inférieurs bloqués par une artérite, sont dus à la formation de petits caillots dans les vaisseaux ou les capillaires. Normalement, le tPA, alors produit par les cellules, active le plasminogène, pro-enzyme qui se transforme en enzyme active, la plasmine ; cette enzyme dégrade à son tour la fibrine et permet ainsi la dissolution du caillot. Ce facteur a été isolé par de nombreuses équipes en 1983, clone et introduit dans différents types de cellules en culture et dans des bactéries. Douze sociétés de biotechnologie se sont précipitées sur ce fabuleux médicament « naturel », ne provoquant pas d’effets secondaires, mais, une fois de plus, Genentech a deux ans d’avance sur son plus proche concurrent, le tandem Sandoz/Collaborative Research ; les essais cliniques ont commencé en 1984 et le produit vient d’être autorisé en GrandeBretagne sous le nom d’Activase. Le diagnostic génétique. En 1983, aux États-Unis l’Office of Technology AssessdownloadModeText.vue.download 384 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 383 ment (OTA) publiait un rapport, The role of genetic testing in the prevention of occupational disease, où il apparaissait que 18 sociétés américaines utilisaient des tests de diagnostic de maladies héréditaires pour leurs employés ; trois ans après, il est certain que le nombre d’entreprises pratiquant ces tests a considérablement augmenté. Les compagnies d’assurances veulent aussi savoir ! Il existe déjà plusieurs diagnostics par sonde à ADN comme ceux concernant la chorée d’Huntington, l’hémophilie, les rétinoblastomes, les infections aux légionelles, les mycoplasmes. Une nouvelle sonde à point par le Dr Alec ment de génétique de ceister, a permis de ADN, mise au Jeffrey, du départel’Université de Leprouver les origines britanniques d’un jeune Ghanéen né en Grande-Bretagne et reparti au Ghana. Le service d’immigration ne voulait plus le laisser rentrer. Par la nouvelle technique d’« empreinte génétique » (DNA Fingerprint), Alec Jeffrey a prouvé le lien de parenté certain entre ce jeune homme, sa mère et ses soeurs. Ces empreintes génétiques sont de minisatellites d’ADN, très différents d’un individu à l’autre. La probabilité de rencontrer, au hasard, la même empreinte génétique chez deux individus sans lien de parenté est extrêmement faible (1 sur 1011, ou même moins si l’on a plusieurs sondes). Vers l’industrie du végétal La régénération d’un être vivant à partir d’une cellule est un phénomène biologique fascinant et observable pour les plantes et les vers de terre. Un roman de science-fiction de Richard Cowper, Clone (Lattes, 1980), laissait croire que cette biotechnologie était valable pour l’homme ; mais, jusqu’à présent, même les animaux régénèrent fort difficilement. Depuis toujours, les agriculteurs ont su utiliser la multiplication végétative, lorsque le passage par la graine faisait perdre les caractères acquis par la sélection végétale, ou lorsque cette multiplication était facile : le stolon du fraisier, le tubercule de pomme de terre, le bulbe d’oignon, la bouture de géranium présentaient souvent l’avantage de ne pas encore être atteints par les virus qui contaminaient déjà le reste de la plante. Il est ainsi possible de sauver certaines espèces. C’est ce qui fut réalisé en 1954 avec la pomme de terre Belle de Fontenay, grâce aux recherches de Morel et Martin, à l’INRA, et c’est ce qui permit à Ducreux et Rossignol, du laboratoire UniversitéCNRS d’Orsay, de repeupler la Bretagne de pommes de terre saines en 1976. Les cultures de cellules et la régénération des plantes sont utilisées dans tous les secteurs de l’horticulture. Un bourgeon d’oeillet donne théoriquement 60 millions de plants en six mois ; celui du framboisier livre jusqu’à 50 000 plants en un an, et le fameux bourgeon de rose est, en principe, apte à produire 400 000 plants en un an. Utilisées industriellement pour les plantes qui « acceptent » de régénérer, ces techniques sont délicates et nécessitent des conditions très précises de culture. D’autres plantes, comme les céréales, régénèrent très difficilement. Le riz japonais constitue le premier cas où un protoplaste de céréale a engendré une plante entière. Cette reconstitution a été récemdownloadModeText.vue.download 385 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 384 ment réalisée en France à l’université d’Orsay par l’équipe du professeur Y. Demarly, au Japon dans plusieurs universités, et en particulier par le professeur Yamada, de Tokyo, par plusieurs entreprises comme Mitsui Toatsu Chemicals et aux États-Unis par le professeur Kaufman, dans le Michigan. Biologie Taureaux ou vaches à la demande, les éleveurs de bovins pourront bientôt choisir le sexe de l’animal à naître en utilisant une technique mise au point cette année grâce à la collaboration de plusieurs laboratoires français. Après dix-huit mois d’efforts conjugués, en effet, des généticiens, des embryologistes et des biologistes de l’INRA, de l’Institut Pasteur et du Commissariat à l’énergie atomique ont réalisé une sonde d’ADN. Un petit morceau de chromosome permet de différencier des embryons à un stade très précoce de développement, en fonction de leur sexe. La sonde est capable de reconnaître de manière spécifique le chromosome Y que seuls possèdent les individus mâles. Cette découverte devrait améliorer considérablement les performances de la sélection bovine. À l’heure actuelle, le schéma de reproduction auquel on recourt le plus fréquemment passe par une série d’étapes. C’est d’abord l’insémination artificielle par un bon reproducteur de vaches donneuses sélectionnées, la reproduction hors des voies génitales étant très difficile chez les bovins. Ensuite, le prélèvement. Puis, les embryons sont congelés et conservés avant une réimplantation dans une vache porteuse, lorsque les éleveurs le souhaitent ou que le marché l’impose. Désormais, il devient possible de choisir l’embryon à réimplanter, non seulement en fonction des caractéristiques génétiques de ses parents mais aussi en fonction de son sexe. L’opération est avantageuse sur le plan économique si l’on n’est intéressé que par les vaches laitières ou, au contraire, si l’on cherche à obtenir un reproducteur. Les scientifiques songent désormais à adapter cette technique à la sélection ovine et chevaline. Il est évident dès aujourd’hui qu’elle sera aussi applicable un jour à l’embryon humain. Ce constat pose de graves problèmes éthiques (la Bioéthique : maîtriser des pouvoirs neufs, éd. 1986). ISABELLE TROCHERIS Métabolite en fermenteurs. La culture de cellules de plantes difficiles à cultiver dans nos pays tempérés peut pallier les aléas de la cueillette dans des pays lointains ou la disparition de certaines plantes. Au Japon, les racines d’une plante, la shikonine, étaient utilisées en pharmacologie, en dermatologie et comme colorant (un superbe rouge). La plante avait presque disparu et il fallait importer les racines de Chine ou de Corée. La société Mitsui Petrochemicals a réussi à cultiver ces cellules de racines colorées en fermenteurs et produit à présent la shikonine, qu’elle vend en poudre ou en bâtonnets, en crème pour les blessures, les brûlures et les hémorroïdes, comme cosmétique ou comme teinture végétale pour les tissus. Théoriquement, il y a beaucoup de candidats à la production de métabolite en fermenteurs, mais les coûts d’une production biotechnologique, comparés à ceux d’une extraction à partir de plantes cultivées ou à ceux d’une synthèse chimique, ralentissent les ardeurs. Le potentiel industriel des cellules downloadModeText.vue.download 386 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 385 végétales concerne l’industrie pharmaceutique (alcaloïdes, cardiotoniques...), l’industrie cosmétique, l’industrie des parfums, l’industrie alimentaire et même celle du tabac ! Le génie génétique végétal. Lorsque les cellules végétales sont dans des tubes à essais, sans paroi rigide (protoplastes), on peut les transformer par génie génétique. C’est ce qu’a réussi l’école de biologie moléculaire du professeur Van Montagu, à Gand, en Belgique, et le laboratoire dirigé par l’un de ses brillants élèves, J. Schell, à Cologne. Ils furent les premiers à obtenir en 1983 des plants de tabac entiers transformés, résistant à la kanamycine, un antibiotique très connu, dont le mécanisme d’action sur les plantes est assez semblable à celui des herbicides. En 1984, Monsanto, qui travaille avec l’équipe de Gand, a réussi à produire quinze variétés de tomates résistantes à la kanamycine et a même obtenu des pétunias fabriquant une hormone humaine, la Gonadotropine chorionique. De son côté, la société Plant Genetic System a produit des plants de tabac résistant à des larves d’insectes. Un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis, codant pour la fabrication d’une protéine, a été introduit dans le chromosome du tabac, et les feuilles fabriquent ainsi un peu de cette protéine, qui est toxique pour les insectes, mais pas pour la plante. Calgene, société américaine de biotechnologie végétale, a déposé en 1985 un brevet pour son gène de tolérance au glyphosate, aro A. Il a été enregistré sous le nom de Glyphotaltm. Le glyphosate est un herbicide très utilisé, qui agit sur la croissance des plantes en inhibant une enzyme. La société Calgene a isolé et établi la séquence du gène (fragment de chromosome) qui code pour une enzyme insensible à cet herbicide. Ce gène, placé dans un végétal, devrait lui conférer sa propriété de résistance au produit. Ainsi, seules les mauvaises herbes seraient atteintes. Ce gène a été introduit par génie génétique dans différentes espèces : soja, tomate, coton, tabac, peuplier... Des accords de développement et de commercialisation ont été passés avec Delkab-Pfizer Genetics pour le maïs, Phytogen pour le coton, Coker’s Seeds pour le tabac. A côté de ces techniques semblables à celles utilisées pour les bactéries ou pour les cellules animales, les cellules végétales (protoplastes, grains de pollen) ont la faculté exceptionnelle de pouvoir « absorber » un petit fragment de gène. L’équipe allemande de J. Schell a tout récemment réussi à faire pénétrer un gène (un petit « morceau » de chromosome) dans des inflorescences immatures de seigle. Certaines des graines obtenues ont acquis le caractère ajouté. Si cette technique pouvait se développer, elle permettrait d’éviter de passer par le stade des cellules végétales, pour les plantes difficiles à régénérer comme le maïs ou le blé. Les biotechnologies de l’espace Des microbilles de latex de 5 à 10 micromètres de diamètre, fabriquées dans l’espace et vendues 400 dollars le flacon, des cellules pancréatiques bêta pour des greffes destinées à des diabétiques, de l’alpha-1-antitripsine « extrapure » pour traiter les emphysèmes, de nouvelles downloadModeText.vue.download 387 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 386 méthodes d’analyse du sang, un appareil pour mesurer les mouvements des yeux, un kinésigraphe : après la physiologie humaine spatiale, la biotechnologie spatiale commence à intéresser les industriels. La première entreprise qui en a compris l’intérêt, McDonnell Douglas, a installé, dès 1972, des équipements d’électrophorèse sur les vols Apollo et même sur les vols soviétiques (Bio Spoutnik). Les Allemands ont aussi joué la même carte : en 1983, le premier satellite réutilisable, SPAS (Space Shuttle Pallet Satellite), a été mis au point par MBB-ERNO (le groupe spatial de la société allemande Messerschmitt). Le programme « Palettes spatiales » a été utilisé au cours des missions de la navette Challenger en 1983-84, et, en octobre 1985, un mini-laboratoire, le Biorack, mis au point par l’Agence spatiale européenne, a pris en charge 14 expériences de biologie proposées par diffé- rentes équipes européennes et coordonnées par l’Allemagne fédérale. L’Europe prépare aussi pour 1988 une plateforme à trajectoire libre, EURECA (European Retrievable Carrier), pour des missions de longue durée. Trois types de biotechnologies sont en expérimentation et parfois même en production industrielle dans l’espace, la downloadModeText.vue.download 388 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 387 chromatographie, l’électrophorèse et la cristallisation. La première, la chromatographie en microgravité, permet des purifications exceptionnelles. McDonnell Douglas commença les recherches dès 1972 ; en 1983, les expériences effectuées avec Ortho Pharmaceuticals Corporation, filiale de Johnson and Johnson, donnèrent des résultats significatifs. Ensemble, les deux sociétés auraient pu obtenir dès 1987 des molécules d’intérêt médical dont on ignore encore la nature, mais Ortho a rompu le contrat et s’est tourné vers le génie génétique avec une petite société qui doit lui fournir des bactéries faisant le même travail plus rapidement. Il sera intéressant de suivre les résultats promis et l’on verra qui gagnera, de l’électrophorèse spatiale ou du génie génétique. Le principe de l’électrophorèse, c’està-dire du déplacement de molécules ou de cellules dans un champ électrique, est connu depuis longtemps ; il est utilisé fréquemment pour séparer des molécules ou des cellules qui ont des charges électriques différentes. L’électrophorèse à flux continu, mise au point par l’Allemand K. Hannig, de l’Institut Max-Planck de Munich, a été considérablement améliorée par l’électrophorèse en microgravité, c’est-à-dire en pesanteur très faible, mais non nulle, de 10– 3 à 10– 5 g : il n’y a plus d’effet de sédimentation ni d’échauffement. En revanche, on ne connaît pas encore le rôle que peuvent jouer les radiations ionisantes sur les molécules ou sur les cellules. C’est d’ailleurs l’une des expériences proposées par l’Allemand H. Bücker lors du vol Spacelab D1. Le dispositif actuel de McDonnell Douglas permet d’injecter en permanence le milieu à épurer en bas de l’appareil, qui mesure 1,50 m de haut et 15 cm de profondeur, et de recueillir en haut les cellules ou les molécules « purifiées ». Un prototype industriel EOS-1 sera placé sous la soute de la navette qui doit partir en juillet 1987. Il mesurera 5 m de longueur et 1 m de largeur ; son rendement sera 24 fois supérieur à celui de l’appareil utilisé actuellement. Étant donné le coût de l’expérimentation, il faut trier des molécules ou des cellules à très haute valeur ajoutée. C’est le cas, par exemple, des cellules du pancréas bêta produisant de l’insuline, de l’alpha 1-antitrypsine, des cellules rénales productrices d’urokinase ou de l’interféron. La cristallisation des protéines d’intérêt médical permettrait d’étudier la structure de ces molécules et donc d’obtenir la synthèse rapide de médicaments. Cependant, les protéines, qui sont de grosses molécules, cristallisent très difficilement ; d’où le grand intérêt des premières expériences effectuées en 1983 par Spacelab 1 d’après un programme dirigé par le professeur Littke de Fribourg ; cet essai a permis d’aboutir à la cristallisation de trois protéines, lors du vol de Spacelab 2. La NASA a créé un club d’industriels autour de l’Université d’Alabama : .Upjohn, SKF, Merck, Schering Plough, Burrough, Wellcome Upjohn. En France, trois industriels de la pharmacie, RhônePoulenc, Roussel-Uclaf et Sanofi, s’intéressent aussi à ce domaine de recherches qui fait partie de l’accord conclu avec le CNES et l’Aérospatiale. Ils espèrent mettre au point une technologie différente de cristallisation des protéines. downloadModeText.vue.download 389 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 388 Médecine Prix Nobel 1986 Le prix Nobel de médecine et de physiologie a été attribué au professeur Rita Levi-Montalcini de l’Institut de biologie cellulaire de Rome et au professeur Stanley Cohen de l’Université Vanderbilt de Nashville (États-Unis). Il couronne la découverte par ces deux chercheurs des facteurs de croissance indispensables au développement des cellules, et plus spécialement des cellules nerveuses et des cellules épidermiques. Madame Rita Levi-Montalcini, a isolé, en collaboration avec Stanley Cohen, le NGF (Nervous Growth Factor) facteur de croissance nerveux. Stanley Cohen a isolé l’EGF (Epidermal Growth Factor), facteur de croissance épidermique. Ont été isolés ultérieurement d’autres facteurs de croissance tissulaires : le FGF (Fibroblaste Growth Factor) et le PDGF (Plaquet Derivated Growth Factor). Les facteurs de croissance sont des protéines de poids moléculaire élevé (13 000 pour le NGF), formées par l’enchaînement d’une soixantaine d’acides aminés qui agissent comme messagers chimiques dans la croissance, la survie, la division et la différenciation des cellules. Le NGF, dont la localisation génique est identifiée sur le chromosome no 1, a été purifié à partir des tissus nerveux de la souris. Sa responsabilité a été envisagée en particulier pour la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer (démence présénile). Il possède une puissante action cicatrisante sur de nombreux tissus, en particulier sur la peau, la cornée et la muqueuse de l’estomac. C’est dans le domaine de la cancérologie que le rôle des facteurs de croissance semble être le plus prometteur. L’EGF pourrait être impliqué dans le développement des tumeurs cancéreuses. On a constaté que chez des souris de laboratoire atteintes de cancers mammaires, le nombre des cancers augmente si l’on ajoute de l’EGF. Il diminue lorsqu’on réduit la production d’EGF. Les facteurs de croissance ouvrent ainsi une nouvelle voie de la biologie moléculaire pour le traitement des cancers. L’EGF étant indispensable pour la prolifération des cellules cancéreuses, il s’agit de lui substituer une protéine semblable qui se fixerait sur le récepteur EGF de la membrane de la cellule maligne. On empêcherait ainsi le facteur de croissance de s’exprimer et on inhiberait le processus de la division et de la prolifération anarchiques cellulaires. Mort subite du nourrisson La mort subite du nourrisson est un des problèmes les plus dramatiques et les plus mystérieux de la médecine. Il n’est pas exceptionnel qu’un nourrisson en parfaite santé soit retrouvé mort le lendemain matin dans son berceau, la mort l’ayant frappé pendant son sommeil. Les causes de ces décès sont obscures. On a incriminé l’asphyxie due à une obstruction des voies respiratoires à la suite d’une régurgitation massive de lait ou d’un oedème du larynx ou de la trachée, une pneumopathie suraiguë foudroyante, des troubles immunologiques, etc. Des chercheurs britanniques affirment avoir trouvé pour la première fois une cause précise de cette « mort au berceau » (cot death en anglais). Les docteurs Alec Howat et Michael Bennet ont effectué des analyses de foies de 200 nourrissons décédés de mort subite et inexpliquée. Dans 7,5 p. 100 des cas, ils ont trouvé une même anomalie concernant les glucides. Selon ces chercheurs, les bébés décédés présenteraient une anomalie génétique héréditaire caractérisée par le défaut de synthèse d’une downloadModeText.vue.download 390 sur 502 SCIENCES ET TECHNIQUES 389 enzyme, la MCAD (Medium Chain AcylCoenzyme A Dehydrogenase). Cette enzyme est indispensable pour dissoudre et assimiler normalement les lipides. Son absence oblige le nourrisson à faire une très large utilisation de son glucose, ce qui provoque une forte baisse du sucre dans le sang, puis un coma hypoglycémique mortel. Cette anomalie génétique toucherait 5 à 8 p. 100 des nourrissons décédés dans ces conditions. Elle pourrait être détectée, et des mesures préventives pourraient être prises pour sauver les nouveau-nés à risque. Maladies sexuellement transmissibles et cancers génitaux Le 2e congrès mondial sur les maladies sexuellement transmissibles, qui s’est tenu à Paris en juin 1986, a mis en évidence le nombre croissant d’infections génitales dues aux papillomavirus. Les papillomavi- rus sont des virus à ADN appartenant au groupe des papovavirus (Papillome Polyome Vacualisant). Chez l’animal d’expérience, les papovavirus comprennent des virus oncogènes utilisés comme modèles d’étude des tumeurs induites par les virus (virus du polyome de la souris, virus SV 40 et SV5 du singe, virus du papillome de Shope chez le lapin). Il existe une quarantaine de papillomavirus humains ou HPV (Human Papilloma Virus) dont certains (HPV 6, 11, 16, 18 et 33) sont responsables de maladies sexuellement transmissibles et sont à l’origine de lésions génitales tant chez la femme que chez l’homme. Les progrès de la biologie moléculaire ont montré que, comme les virus animaux, certains de ces virus ont un pouvoir oncogène et que l’infection qu’ils provoquent peut se traduire par des atteintes cancéreuses. L’infection par le virus HPV 16, et, à un degré moindre, par les virus HPV 18, 31 et 33, constitue un facteur de risque important du cancer du col de l’utérus. Un grand nombre de femmes jeunes infectées par ces virus présentent des lésions à type de condylomes (les banales « crêtes de coq ») ou ont des frottis vaginaux de dépistage anormaux. L’expérience montre que ces lésions peuvent subir une transformation maligne. Même sur des frottis normaux, on constate la présence d’HPV dans 5 p. 100 des cas. Cette notion d’infection inapparente a conduit à pratiquer le dépistage systématique chez les partenaires masculins et a permis de visualiser le HPV dans des lésions asymptomatiques. La destruction de ces lésions doit donc être envisagée aussi bien chez la femme que chez l’homme, pour prévenir l’apparition de cancers génitaux. DR GEORGES DE CORGANOFF Les problèmes économiques On a parfois oublié, dans le feu de l’enthousiasme, que les biotechnologies sont utilisées pour produire quelque chose qui doit être économiquement intéressant. Ensuite, et en particulier en France, on a un peu négligé la « bio-ingénierie ». La mise au point, en vraie grandeur, d’un procédé de laboratoire, peut en effet être longue et délicate. Enfin, la chimie et le génie chimique continuent parallèlement de faire des progrès et, dans bien des cas, le procédé chimique est plus intéressant. Les « manipulations génétiques » craintes naguère, sont désormais un outil parmi d’autres, utilisé dans les laboratoires de biologie. Alors qu’elle était systématiquement opposée au génie enzymatique, elle est à présent à son service, soit pour obtenir de nouvelles enzymes utilisées comme « médicaments » (alpha 1 downloadModeText.vue.download 391 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 390 antitrypsine, urokinase, etc.), soit pour transformer (bio-convertir) un produit donné, soit pour utiliser cette enzyme dans un « appareil » d’analyse. Lorsque, en 1979, François Gros, François Jacob et Pierre Royer avaient rédigé leur rapport Sciences de la vie et société, ils pensaient, comme la plupart des décideurs français et étrangers, que les grandes découvertes et réalisations contemporaines concerneraient principalement le domaine de la santé. En effet, le niveau de la recherche, tant universitaire qu’industrielle, et la marge considérable entre le coût de la matière première et le prix de vente d’un médicament, permettent de financer la recherche industrielle, et donnent les moyens d’effectuer des investissements coûteux. En revanche, en agriculture, en agroalimentaire ou en chimie, les marges sont souvent beaucoup plus réduites et il est ainsi difficile pour les entreprises de financer une recherche presque fondamentale. Fragile superbactérie Tout comme les superplantes de la révolution verte ou les supervaches du Charolais, la superbactérie est fragile. Elle a besoin d’un environnement très précis et résiste mal dans la nature sauvage. Dans une éprouvette, même dans un grand fermenteur, il est possible de faire travailler une bactérie « recombinée », mais dans la nature, dans la mer sur une nappe de pétrole, dans le sol d’un champ de plusieurs hectares, ou dans un amas de détritus que l’on veut transformer en bon compost pour les fraisiers, la superbactérie est en compétition écologique avec les bactéries sauvages présentes sur les lieux. Elle ne survit pas et les recherches s’orientent vers la mise au point d’« aliments sélectifs » permettant aux bactéries sauvages, mangeuses de pétrole, fixatrices d’azote, ou fermentant bien le compost, de se multiplier rapidement et d’agir plus vite. Il y a toujours de fervents défenseurs de la superbactérie mangeuse de pétrole, et nous verrons qui gagnera dans les années à venir. FRANCE NORMAND-PLESSIER Biochimiste, collaboratrice de l’Institut Pasteur, France Normand-Plessier a été responsable de rubrique à la revue la Recherche et a contribué à la création de Biofutur. Rapporteur du programme mobilisateur Biotechnologie au ministère de la Recherche, elle s’est consacrée aux relations entre les laboratoires publics et l’industrie. Elle participe désormais aux travaux de la société Sanofi. downloadModeText.vue.download 392 sur 502 POINT DE L’ACTUALITÉ 391 Les incendies de forêts Une série d’impressionnants incendies a marqué l’été 1986 dans plusieurs départements méditerranéens. Nombre d’entre eux se sont déclarés dans des sites connus et peuplés, où tout événement catastrophique est chargé d’une forte portée médiatique. Dans la lutte contre le feu, dix sauveteurs, pompiers et gendarmes, ont trouvé la mort, dont cinq dans un accident de bombardier d’eau à la frontière franco-espagnole. Un bilan au 5 novembre 1986 pour la « zone Prométhée », c’est-à-dire l’ensemble constitué par les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Corse, ainsi que par le département de l’Ardèche, faisait état de 3 293 sinistres et de 45 697 ha de forêts, landes, maquis et garrigues parcourus par le feu. La moyenne annuelle calculée sur 1980-1985 s’établit à 32 215 ha. 1986 apparaît comme une année de forte présence des feux, bien que les ravages n’aient pas été aussi étendus qu’en 1985, année exceptionnelle en raison d’une sécheresse prolongée jusqu’au 1er novembre. Les départements les plus touchés en 1986 sont les Alpes-Maritimes (10 423 ha au 5 novembre), le Var (9 037 ha) et les Pyrénées-Orientales (5 868 ha), dans lesquels la proportion des superficies parcourues par le feu par rapport aux superficies totales a été nettement plus élevée qu’en 1985. Le phénomène inverse s’est produit en Corse qui a vu brûler 22 219 ha en 1985, mais seulement 6 197 ha en 1986. La carte présentée cicontre, où est indiquée la valeur de cette proportion, selon les départements (elle varie de 0,04 p. 100 dans les Hautes-Alpes à 3,71 p. 100 dans les Alpes-Maritimes), montre cette concentration des incendies sur la bordure méditerranéenne. Comme à l’accoutumée, un très petit nombre d’incendies a été la cause de la grande majorité des dégâts. C’est ce qu’on peut observer pour les trois départements côtiers de Provence et de la Côte d’Azur. La chronologie et la localisation des grands feux des mois de juillet et août (carte et tableau ci-dessous) au cours desquels se sont concentrés les sinistres montrent le phénomène : dix feux dans les Alpes-Maritimes ont dévasté 9 332 ha (89,5 p. 100 du total), cinq feux dans le Var ont brûlé 7 785 ha (86 p. 100), deux feux dans les Bouches-du-Rhône ont détruit 2 953 ha (93 p. 100). Les incendies qui ont causé de graves préjudices aux sites touristiques et habités (Tanneron, Èze, Montagne Sainte-Victoire) sont situés dans ces trois départements. Ainsi que cela se produit lorsque les incendies atteignent de grandes proportions et menacent des vies humaines, les problèmes de la prévention et de la maîtrise des feux ont été à nouveau posés. L’occasion a ainsi été donnée une fois de downloadModeText.vue.download 393 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 392 plus de rappeler la nécessité d’améliorer l’entretien de la forêt méditerranéenne et de disposer des moyens d’intervenir dans les premiers instants suivant les éclosions d’incendies, condition indispensable pour éviter qu’ils ne dégénèrent en catastrophe. BERNARD ROUX downloadModeText.vue.download 394 sur 502 393 Culture Introduction Malgré l’irruption de nouvelles images télévisuelles et un changement de majorité politique, la culture aura, en 1986, continué son irrésistible ascension. Nouvelles images télévisuelles : les débuts d’émission de la « 5 » (le 20 février) et de TV6 (le 1er mars), la décision de privatiser TF1, entérinée au mois d’août, n’ont nullement affaibli les vertus d’un mot de plus en plus magique. Bien au contraire. Ainsi, l’attribution de TF1 en 1987 se fera-t-elle, notamment, selon le critère inédit du « mieux-disant culturel ». De plus, tout au long de l’année, les structures et compétences de la « 7 », la Société d’éditions de programmes de télévision, que préside l’historien Georges Duby, se seront affinées : sa vocation est de devenir une super-chaîne de production culturelle, destinée notamment au satellite européen TDF1. Changement politique : l’arrivée de François Léotard et de son secrétaire d’État Philippe de Villiers, dans ce qui est devenu le ministère de la Culture et de la Communication, le réexamen général des grands projets architecturaux du septennat de François Mitterrand n’ont guère bouleversé l’édifice culturel mis en place par cinq années de gestion socialiste. Le doublement du budget, c’est-à-dire de l’activité, du ministère de la rue de Valois, a été pour l’essentiel confirmé, les « grands chantiers du président » conservés, à la seule exception du Carrefour de la Communication. Même le plus controversé, l’Opéra de la Bastille, sera finalement construit, afin d’abriter « une grande salle de théâtre à vocation musicale, chorégraphique et lyrique », le palais Garnier conservant, lui, sa « vocation lyrique ». Voilà l’héritage de Jack Lang endossé, mais avec deux légers et significatifs infléchissements : une attention plus marquée envers le patrimoine, avec la nouvelle école qui lui est consacrée, des crédits en hausse pour la Bibliothèque nationale ou l’Institut français d’histoire de l’art ; et la promotion de l’« entreprise culturelle », dans la lignée du Puy-du-Fou, l’étonnant festival son et lumière créé en Vendée par Philippe de Villiers, mariant brillamment mémoire locale, grand spectacle, succès populaire et... financier. Cette année de changement aura vu, en définitive, la conclusion de deux grandes opérations entamées sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing et poursuivies par la gauche au pouvoir : ouverture, le 14 mars, de la Cité des sciences et de downloadModeText.vue.download 395 sur 502 JOURNAL DE L’ANNÉE - ÉDITION 1987 394 l’industrie de la Villette, le plus grand musée technique du monde, et le 9 décembre, du musée d’Orsay, consacré au XIXe siècle, musée à l’inauguration duquel le président en exercice, accompagné de son prédécesseur, pouvait évoquer un « bel exemple de continuité esthétique ». Car la culture fait aujourd’hui l’unanimité. Dressant un bilan impressionnant de l’explosion du phénomène, l’Express parlait même au mois de mai de « nouvelle communion des Français ». Fût-ce quand ceux-ci s’en disputent les reliques, comme ces plans-reliefs des Invalides, trop hâtivement déménagés à Lille et revendiqués à la fois par la capitale et par la grande métropole du Nord. Ou quand, de façon inattendue, resurgit une nouvelle version de l’éternelle querelle des anciens et des modernes, à propos des fameuses colonnes de Daniel Buren, dans la cour du Palais-Royal, décidées avant mars 1986 et finalement autorisées par François Léotard : droit moral de l’artiste et continuité de l’État obligent ! Une bataille du style dont notre pays est coutumier, et qui témoigne d’un tiraillement très national, entre l’obligation de modernité et l’attachement à un patrimoine prestigieux. L’arbre contesté ne devrait pas cacher la forêt. Partout la culture est en hausse, portée notamment par une remarquable mobilisation financière des municipalités, devançant, dès les années 70, l’État. En 1962, la part des budgets communaux qui lui était consacrée oscillait autour de 2,4 p. 100. Elle bondit, entre 1967 et 1981, de 4,2 à 8,7 p. 100, pour atteindre aujourd’hui 11 p. 100. Et ce, quelle que soit la couleur politique des maires. Ailleurs, le décor culturel est à la mode : la direction du plus prestigieux fabricant de hamburgers a, par exemple, tapissé ses établissements des Halles et du boulevard Saint-Michel de bibliothèques en trompe-l’oeil ! Le mécénat culturel a, lui, le vent en poupe, les entreprises françaises commençant à combler, en la matière, le retard pris, depuis plus d’un siècle, sur les États-Unis, comme en faisait foi Creacom, le premier Salon international du sponsoring et du mécénat, qui s’est tenu en novembre au palais cannois des festivals. Trois aspects marquent, au fond, cette vague multiforme : la recherche de racines, soit un puissant désir de « loisirpatrimoine » ; la médiatisation de plus en plus poussée du fait culturel, avec la mise sur pied d’innombrables « événements » ; la tendance à tout annexer – rock, bande dessinée ou mode – à la culture, le tout assorti d’un souci marqué pour les apparences, le style, qu’il soit emballage ou contenu. Besoin irrépressible d’identité historique d’abord. Les fouilles du Grand Louvre, au pied de ce qui sera un jour le plus grand musée du monde, sont ici symptomatiques d’une plongée générale dans les tréfonds du passé national : romans, biographies, émissions radiophoniques (Ève Ruggieri). À ce titre, trois regards en arrière éditoriaux auront marqué l’année, l’Identité de la France, de Fernand Braudel, le maître de la « nouvelle histoire » s’attachant, à la veille de sa disparition, à dégager les permanences du destin national ; les Lieux de mémoire, dirigés par Pierre Nora, inventoriant tous les lieux – cérémonies, symboles, monuments, musées... – où se cristallise celui-ci et le De Gaulle de Jean Lacouture, cernant la carrière de celui qui fut, après downloadModeText.vue.download 396 sur 502 CULTURE 395 tout, le dernier « héros » de l’Histoire de France. Les deux grandes écoles d’histoire nationale apparaissent, en filigrane, dans les recherches archéologiques menées au Louvre ces deux dernières années (Un laboratoire d’archéologie urbaine, par Brigitte Gandiol-Coppin). Classiques et monumentales pour celles de la cour Carrée, dirigées par Michel Fleury ; plus attachées aux détails de la vie quotidienne pour celles de la cour Napoléon. Humbles témoins d’une vie parisienne vieille d’un millénaire, les ossements, tessons et menus objets qui furent retrouvés complétaient, après tout, les prestigieuses fortifications exhumées dans la première. Pressés par le temps, les archéologues ont dû interrompre définitivement leur travail à la mi-novembre. D’où l’inévitable question : le public pourra-t-il accéder à cette tranche inédite du passé de la capitale ? Intégrée à l’ensemble des aménagements du Grand Louvre, une crypte archéologique est prévue à cet effet pour la cour Carrée. Ce n’est pas le cas, semblet-il, pour la cour Napoléon, là même où doit se dresser la pyramide de verre symbole du futur musée. À l’ère où toute production culturelle ne saurait se concevoir sans diffusion vers un vaste auditoire, il y a là un oubli surprenant, un essai non transformé. Car l’année aura consacré, au centre Pompidou, le temple par excellence de la consommation culturelle, un de ces événements qui font date, l’exposition Vienne 1880-1938 : Naissance d’un siècle. Assortie d’une belle série de suppléments indispensables : catalogue de 820 pages (un record !), débats, concerts, reconstitution d’une pâtisserie viennoise, objets dessinés par les grands créateurs viennois et proposés au public. Celui-ci était au rendez-vous : près de 450 000 entrées, l’une des plus grosses affluences de Beaubourg depuis Dali ou Bonnard. L’engouement pour l’ancienne