RÉALISATION >

Transcription

RÉALISATION >
© Gilles Perrier/mairie d’avrillé
R É A L I S AT I O N >
Pour la restauration du château de la Perrière (49), l’agence d’architecture
souhaitait disposer d’une végétalisation suffisamment dense dès réception.
R E S TA U R AT I O N
Extension végétalisée
pour un Monument historique
Construire un bâtiment neuf sur le site d’un château classé du XVIIe siècle : une opération toujours délicate qui vient
de s’achever au domaine de la Perrière, près d’Angers. Pour ce projet, l’architecte des Monuments historiques a misé
sur la végétalisation de toiture pour assurer une intégration en toute discrétion.
L
e château de la Perrière revient de loin. Faute de
moyens et d’entretien, ce domaine situé à
quelques kilomètres d’Angers et propriété de la
même famille depuis 1603 menaçait de tomber en ruine
dans les années quatre-vingt. À l’époque, il y a urgence :
le château prend l’eau et ses bâtiments sont dans un tel
état de délabrement qu’ils risquent bel et bien de disparaître. Trente ans plus tard, la donne a changé. Le château passe aujourd’hui pour l’une des plus belles demeures que le XVIIe siècle ait légué à l’Anjou et s’affiche
en bonne place dans les guides touristiques de la région
avec son golf de dix-huit trous, son restaurant et ses
salles de séminaire et de réception. Une renaissance initiée en 1982 par la commune d’Avrillé (49) qui décide
d’intervenir en créant une société d’économie mixte
chargée de son sauvetage, avant que l’opération passe
complètement dans la gestion municipale. Pas moins de
26 ans de travaux et plus de 12 millions d’euros auront
été nécessaires pour restaurer ce patrimoine classé
Monument historique en 1983. Réalisé en quasi-totalité
par des entreprises de Maine-et-Loire, ce vaste chantier
s’est déroulé en deux phases. D’abord le clos et le cou-
vert, avec la réfection des toitures et charpentes ainsi
que la consolidation des façades et ouvertures. Ensuite,
la restauration du château proprement dite comprenant
tous les travaux intérieurs, le réaménagement des jardins et terrasses, auxquels s’ajoute la construction d’un
nouveau bâtiment abritant des cuisines. Une extension
pour laquelle l’entreprise d’étanchéité Levêque vient récemment de réaliser une toiture-terrasse végétalisée.
Insertion visuelle
Construit en lieu et place d’un remblai de terre, ce nouveau bâtiment a été conçu pour s’insérer visuellement
comme un dispositif de sous-œuvre de l’édifice existant.
« L’opération visait à reconstituer le talus d’origine tout en
créant un vide pour y aménager les locaux des cuisines, explique Thierry Boucher, de l’agence d’architecture
Mester de Parajd, en charge de la restauration. Dans
cette optique, le toit-terrasse végétalisé s’est logiquement
imposé. » Pour le choix du système, l’architecte des
Monuments historiques va néanmoins poser deux
conditions. « Tout en restant sur un procédé extensif standard, nous avons privilégié un type de sédums offrant un
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 21 · MARS 2009
· 29
R É A L I S AT I O N >
Les dalles d’ardoise
permettent de masquer
le gros œuvre tout en
assurant la continuité
avec le contre-mur de
soutènement.
Le système GravilandPack rassemble en
un seul élément tous
les composants
d’un complexe de
végétalisation de
toiture.
rendu le plus vert possible afin
de s’intégrer dans un environnement obéissant à un
rythme de jardin à la française, note Thierry Boucher.
Et surtout, nous souhaitions
disposer d’une végétalisation
suffisamment dense dès réception
pour permettre de créer rapidement un
tapis végétal uniforme. »
Des bacs précultivés
Pour répondre à ce cahier des charges, l’entreprise
Levêque va installer sur les 180 m2 de toiture un complexe précultivé d’aspect uni et livré sur le chantier
avec un taux de couverture d’au moins 70 %. « Avec un
substrat de culture de 6 cm d’épaisseur, précise Nathalie
Levêque, dirigeante de l’entreprise du même nom, ce
système présente une hauteur de développement racinaire relativement importante qui offre plus de confort à
la plante et lui permet de développer rapidement un
feuillage dense. » Autre particularité de la solution : elle
se présente comme un procédé « tout en un » intégrant
à la fois le drain, le filtre, le substrat et la végétation.
L’ensemble est incorporé au sein de bacs en polyéthylène recyclé assemblés entre eux par un simple
dispositif d’encoches latérales. Mais l’originalité de ce
complexe réside également dans sa gestion de l’eau.
Grâce à leur fond alvéolaire, les bacs jouent le double
rôle de réserve et de régulation des apports pluviaux.
L’eau en partie stockée dans des alvéoles améliore les
conditions de croissance et de résistance des plantes et
renforce dans le même temps l’effet de rétention de
la végétalisation, notamment en cas d’orage.
Parallèlement, un système de canaux assure la répartition du liquide entre chaque bac alors que des perfora-
30 ·
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 21 · MARS 2009
tions au niveau supérieur des alvéoles permettent
d’évacuer l’excédent.
Quant à la mise en œuvre, elle est forcément simplifiée. Une seule intervention est nécessaire pour mettre
en place l’intégralité du complexe posé directement
sur l’étanchéité. Ici, elle est assurée par un complexe
bicouche traditionnel en bitume élastomère SBS antiracine associé à des panneaux isolants en mousse de
polyuréthanne. Sur ce chantier, la principale
contrainte pour l’étancheur va résider dans le traitement des relevés. Monument historique oblige, pas
question de laisser apparaître la moindre surface
de revêtement autoprotégé. En partie courante,
l’étanchéité est de fait entièrement dissimulée. Mais en périphérie, maître d’œuvre
et étancheur ont dû imaginer une solution de camouflage. Le principe retenu : des dalles d’ardoise en appui
d’un côté sur l’acrotère et de l’autre sur
des blocs en béton posés à sec sur
l’étanchéité. Sous ce dispositif, une zone
stérile d’environ 30 cm permet de contrôler le
revêtement et les entrées d’eaux pluviales. En outre,
pour l’architecte, ces éléments présentent l’avantage
de masquer le gros œuvre tout en assurant la continuité avec le contre-mur qui fait figure de soutènement sur l’une des faces du bâtiment. Résultat, vu de
l’extérieur, aucun élément de la construction neuve
n’est visible. « Du point de vue des Monuments historiques, reconnaît Thierry Boucher, il est certain que la
végétalisation de toiture présente des atouts indéniables
de discrétion et d’intégration architecturale, surtout lorsqu’il est question d’intervenir sur des ouvrages classés. »
Achevés en 2008, ces nouveaux locaux marquent le
dernier acte des travaux débutés trente ans plus tôt. Ils
symbolisent également le passage d’une logique de
conservation à une démarche de développement.
Après le golf, les salles de réception et le restaurant, le
domaine pourrait prochainement accueillir une structure d’hébergement avec toujours l’obligation de respecter l’intégrité du site. BASTIEN CANY
LES INTERVENANTS
Maître d’ouvrage : municipalité d’Avrillé (49)
Architecte Monuments historiques: agence Mester de Parajd
Étancheur : entreprise Levêque
Végétalisation : Graviland-Pack (Siplast-Icopal)
Étanchéité : Preflex + Graviflex (Siplast-Icopal)
TÉMOIN >
JEAN MADELEINE/RIVP
« En réfection, la végétalisation
est toujours envisagée »
Avec un patrimoine de 51 000 logements, 2 000 locaux professionnels et 34 000 parkings, la Régie immobilière
de la ville de Paris (RIVP) est aujourd’hui le deuxième gestionnaire de logements sociaux de la capitale
après l’Opac. Inspecteur gros œuvre au sein de sa division sud, Jean Madeleine a été impliqué pendant plus
de vingt ans dans les travaux de réfection de ce vaste parc. Avant son départ en retraite début 2009,
il aura notamment piloté plusieurs opérations de végétalisation.
et économiques de remplacer les protections meubles
ou les autoprotections des terrasses inaccessibles par
des systèmes végétalisés. D’ailleurs, cette possibilité
figure en option dans la quasi-totalité de nos appels
d’offres.
« La règle est
simple : nous
appliquons la
RT 2005
dès lors que
les travaux
concernés
entrent dans
son champ de
réglementation.»
Étanchéité.Info: Depuis quatre ans, la division sud de la
RIVP a réalisé de nombreuses opérations de végétalisation
de toiture. Combien de chantiers sont-ils concernés ?
Jean Madeleine : Depuis 2006, nous avons végétalisé au
total un peu plus de 17 790 m2 de toitures-terrasses
dans le cadre d’opérations de réfection. Et ce uniquement sur les bâtiments gérés par la division sud de la
RIVP. Cela concerne environ une quinzaine de chantiers. Pour chaque projet de réfection, nous envisageons systématiquement les opportunités techniques
É.I : Quelles sont les raisons qui motivent cette politique
active de végétalisation ?
JM : D’abord, il faut préciser que la RIVP s’est engagée
à respecter et même dans certains cas à anticiper
l’objectif du plan Climat de la ville de Paris, qui encourage en particulier le recours aux techniques de
végétalisation de toiture. Notre démarche s’inscrit
donc déjà dans cette politique générale de développement du végétal au cœur de la ville qui, en plus de
l’amélioration du cadre de vie, joue aussi un rôle important pour le maintien et l’enrichissement de la biodiversité. Sur un plan plus technique, l’investissement
est également motivé par le niveau supérieur de protection mécanique et thermique apporté à l’étanchéité
qui doit se traduire à terme, du moins nous l’espérons,
par une plus grande durabilité des revêtements.
É.I : Depuis quelques années, un certain nombre de
bailleurs sociaux se sont engagés dans la mise en sécurité des toitures-terrasses. Quelle est votre démarche
dans ce domaine ?
JM : Dès lors qu’une opération de réfection est programmée, la mise en place d’une protection fixe et intégrée est systématiquement évaluée. A fortiori
lorsque les toitures-terrasses concernées hébergent
des équipements techniques nécessitant des interventions fréquentes de maintenance et d’entretien. D’une
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 21 · MARS 2009
· 33
TÉMOIN >
nous demandons généralement un chiffrage pour un
contrat annuel de maintenance. Mais nous passons et
gérons des marchés de travaux. Au sein d’une structure importante telle que la RIVP, l’entretien courant
du patrimoine immobilier relève de budgets différents. Toutefois, sur cette question, notre problématique ne peut être comparée à celle d’un syndic de copropriété. Non seulement nos bâtiments sont souvent
des sites avec gardiens mais la RIVP dispose également d’un corps d’inspecteurs techniques, régulièrement sur le terrain, qui assurent la surveillance de nos
installations.
La démarche de la
Régie immobilière
de la ville de Paris
s’inscrit dans une
politique générale
de développement
du végétal au cœur
de la capitale.
manière générale, nous privilégions des solutions de
type garde-corps fixes. Déjà parce que la réglementation en matière de prévention des chutes de hauteur
donne la priorité aux protections collectives. Ensuite,
parce que les protections individuelles de type « ligne
de vie » sont contraignantes en termes de maintenance et de vérification, obligatoires notamment pour
les points d’ancrage. Parallèlement, les bâtiments
construits depuis la loi de décembre 1993 disposent
d’un dossier d’intervention ultérieure sur ouvrage
(DIUO) qui précise, entre autres, les conditions de sécurité et les équipements mis en place pour accéder
aux toitures et y travailler. Cette loi ainsi que le décret
du 1er septembre 2004 ont permis de sensibiliser les
maîtres d’ouvrage à leurs obligations en matière de
sécurité. Désormais, tous les acteurs de la construction peuvent être appelés en responsabilité, et plus
seulement le chef d’entreprise.
É.I : Vous gérez plusieurs milliers de mètres carrés de toitures-terrasses. La RIVP a-t-elle souscrit des contrats
d’entretien pour ces ouvrages ?
JM : Nous n’avons malheureusement que très peu de
contrats d’entretien. La plupart concernent des toitures-terrasses végétalisées. Dans nos appels d’offres,
34 ·
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 21 · MARS 2009
É.I : Après vingt années passées à la RIVP, quelle a été
l’évolution la plus marquante dans les relations avec les
entreprises du bâtiment ?
JM : De mon point de vue, elle touche à la sous-traitance. Cette pratique est loin d’être un fait nouveau
dans le bâtiment. Et sur le principe, nous n’y sommes
pas hostiles. En revanche, en tant que maîtres
d’ouvrage, nous constatons désormais trop souvent
un désengagement et le non-suivi des chantiers par
l’entreprise mandataire. Ce qui génère concrètement
un certain nombre de problèmes liés à une mauvaise
transmission de l’information et à l’absence
d’interlocuteurs sur le terrain avec à la clé, parfois,
des interventions qui se font en oubliant nos préconisations.
É.I : Avec un patrimoine de 52 000 logements, comment
se traduit pour la RIVP l’entrée en vigueur de la réglementation thermique dans les bâtiments existants ?
JM : Pour l’heure, la règle est simple : nous l’appliquons
dès lors que les travaux concernés entrent dans le
champ de la réglementation. La plupart du temps, nos
chantiers de rénovation sur toitures-terrasses restent
dans le cadre de la RT Existant « par élément » qui
pose peu de problèmes de mise en œuvre, du moins
dans sa version actuelle. Dans ses projets
d’amélioration thermique, l’ambition de la RIVP est
d’ores et déjà d’aller au-delà des exigences de la
RT 2005. Nos objectifs en matière d’économies
d’énergie sont actuellement en train d’être quantifiés.
Des évaluations sont menées avec des bureaux
d’études afin de définir les stratégies, les possibilités
et les méthodes d’intervention selon chaque typologie
de bâtiments, sachant qu’il ne sera pas possible par
exemple de traiter tous nos ouvrages avec des techniques d’isolation par l’extérieur.
PROPOS RECUEILLIS PAR BASTIEN CANY