Introduction

Transcription

Introduction
LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET
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– Comment l’auteur dramatise-t-il la situation ? Y a-t-il des événements
inattendus (« coups de théâtre ») ?
– Le lecteur se pose-t-il des questions ?
La poésie
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Attention ! Les indications en couleurs ne sont qu’une aide à la lecture et ne
doivent pas figurer dans votre rédaction.
Convaincre…
Le roman
– Étudiez la description de la gazelle.
– Quelles caractéristiques animales présente-t-elle ?
– Quels détails en font un animal hors du commun ?
– « Fonctions » signifie « rôles » : à quoi sert la gazelle ? Vous devez
adopter différents points de vue ou perspectives : sur le plan esthétique, par rapport au merveilleux du conte ; par rapport à l’intrigue ; par
rapport à la « leçon » que suggère le conte.
Réussir un commentaire : voir guide méthodologique.
Commenter un procédé de style : voir lexique méthodologique.
L’apologue : voir lexique des notions.
Le conte : voir lexique des notions.
Le théâtre
• Deuxième piste
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Les réécritures
Tôt saisi par la passion de l’Afrique et de l’aventure, Henri de Monfreid
passa l’essentiel de sa vie en Éthiopie et, des années durant, sillonna la mer
Rouge sur son bateau de contrebandier et de trafiquant. De cette existence
romanesque, il tira de nombreux romans colorés largement autobiographiques. Dans « La gazelle du sultan », tiré des Derniers Jours de l’Arabie
heureuse, c’est encore l’Afrique qui lui inspire un apologue en forme de
conte oriental : une simple gazelle réussit à mettre à mal une longue amitié
entre un sultan et un ami d’enfance. Le récit, par son exotisme et son merveilleux, séduit le lecteur, retient son attention ; mais il se met aussi, comme
c’est la règle dans un apologue, au service d’une intention didactique. Monfreid veut ici montrer comment le pouvoir pervertit les vraies valeurs chez
ceux qui ne savent pas l’assumer avec sagesse et mesure.
Sujets d’oral
Introduction
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LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET
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I. L’univers merveilleux du conte pour capter l’intérêt
Le passage présente les éléments attendus dans un conte : il transporte le
lecteur dans un cadre exotique et l’emmène dans une intrigue propre à
capter son intérêt.
1. Le cadre exotique
Les indices de temps, « l’époque du sultan Yaya », et d’espace, « les hauts
plateaux du Yémen », n’ancrent pas le récit dans une réalité très précise ;
mais ces références et les noms des personnages (« Osman »), la présence
d’une « gazelle », suffisent à peindre un décor oriental quelque peu stéréotypé mais séduisant et propice à la rêverie et à l’imagination, par sa
description de moments et de lieux poétiques : le lecteur est transporté au
« clair de lune », dans les jardins d’un « palais » oriental, près de l’« eau tranquille des bassins »… Le lecteur quitte son univers familier et, dès le premier
paragraphe, entre dans un univers exotique, celui des contes des Mille et
Une Nuits, comme s’il feuilletait un album de miniatures perses, avec cette
« gazelle » « couchée aux pieds » du sultan.
2. Le merveilleux
Le début du texte joue aussi avec les codes du conte merveilleux : l’adverbe
« merveilleusement » ouvre le premier paragraphe et d’autres termes jouent
sur la même tonalité tels que « miracle » (l. 4), « invisibles ailes » (l. 11).
L’emploi de la forme indéfini dans « on s’attendait au miracle de la parole »
associe le lecteur à cette fascination qu’exerce la gazelle et il peut
s’interroger : s’agirait-il d’une « gazelle très commune » (l. 5) ou d’un animal
fabuleux ? Le verbe « semblaient » (l. 3) et la conjonction « comme si » (l. 18)
permettent le doute. D’autres termes intriguent le lecteur : Monfreid parle
d’« énigme » qui « trouble » et de « mystère ».
3. La dramatisation
Monfreid respecte aussi la structure caractéristique du conte, avec une
situation initiale en équilibre – le monde du sultan est idéalement paisible et
il vit des jours heureux grâce à sa gazelle – dans laquelle un élément perturbateur vient déclencher les aventures.
Monfreid présente d’abord le cadre du conte (l. 1 à l. 25) puis lance l’action.
À la ligne 25, le passé simple succède à l’imparfait pour singulariser « un
soir » qui marque une rupture et le début de l’intrigue, avec le récit bref de
ce premier élément perturbateur, le rapt de la gazelle…
Osman passe de la contemplation à la méditation : « cette bête, vraiment,
tenait-elle au cœur de son ami autant que lui-même ? ». Rapportée au style
indirect libre grâce à la focalisation interne, cette interrogation, à la vivacité
du langage parlé, éveille l’attention, annonce et fait attendre la suite du récit.
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Cette deuxième partie donne aussi au récit sa dimension d’apologue. Elle
fait intervenir la parole du père, comme une voix d’outre-tombe : Osman se
souvient de cette mise en garde solennelle et il semble l’entendre, au style
direct et au présent de vérité générale, comme si le père revenait pour
avertir son fils : en se superposant à la réflexion d’Osman, elle légitime son
projet parce qu’elle met en cause l’« amitié vaine » des sultans. Un temps
indéfini s’écoule, matérialisé par les points de suspension à la ligne 34 et le
lecteur devine la teneur des « pensées mélancoliques » d’Osman avant qu’il
ne passe brutalement des « pensées » au rapt de la gazelle. L’adverbe
« peut-être » (l. 35) constitue pour le lecteur une zone d’ombre que la suite
du texte pourrait éclairer. C’est aussi un moyen pour stimuler la poursuite
de la lecture : comment l’amitié du sultan va-t-elle résister à cette mise à
l’épreuve ?
L’auteur cherche donc à construire pour son lecteur un récit divertissant par
son exotisme. Il veille aussi à proposer assez vite une action frappante qui
rompt l’harmonie initiale. Par ailleurs, le lecteur est invité à considérer la
dimension didactique de ce qui va suivre.
II. Caractéristiques et fonctions de la gazelle
Le théâtre
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Convaincre…
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La poésie
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Sujets d’oral
b. Une créature merveilleuse
Mais la passion excessive et déraisonnable que lui porte le sultan l’élève audessus de sa condition animale et en fait une vraie personne « comme si
réellement elle avait appartenu au monde des hommes ». Ses « yeux
profonds » (l. 2 et l. 22), son « regard limpide et doux » « semblaient exprimer
des pensées humaines » et le sultan n’est pas le seul à être sous le charme
de la gazelle : chacun, en la voyant, croit lui reconnaître « une âme pareille à
la sienne ». Certes des termes modalisateurs atténuent ou démentent cette
Les réécritures
a. Un simple animal
Il s’agit, de prime abord, d’une simple gazelle ; comme ses congénères, elle
broute, fait « des bonds harmonieux » ; elle fait partie des « pauvres bêtes si
simples » et appartient à la vie quotidienne des gens, animal qu’on mange
et qu’on vend, indigne de la passion déraisonnable que lui porte le sultan,
aveuglé par le pouvoir. C’est le point de vue d’Osman, en proie au doute sur
l’amitié qui le lie au sultan, et c’est aussi celui du narrateur qui partage ce
jugement : elle « ne différait pas des autres gazelles ». On doit cependant
reconnaître que cette gazelle est bien jolie à voir, avec sa « grâce délicate »
et qu’elle a au moins deux grandes qualités : la douceur qu’on lit dans son
« regard limpide et doux » et la docilité ; elle est « merveilleusement
apprivoisée », mange dans la « main » du sultan et couche à « ses pieds ».
Le roman
1. Les caractéristiques…
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LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET
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perception (« comme si », « semblaient »), mais le lecteur s’attend lui aussi à
ce que se produise le « miracle de la parole ».
L’animal, ainsi personnifié, devient un protagoniste à part entière de l’apologue dans lequel il joue un double rôle, occupe une double fonction.
2. Les fonctions
a. Fonction poétique liée au merveilleux
La gazelle apporte tout d’abord sa « grâce » et l’harmonie de ses « bonds »
au jardin du palais royal. Par l’ambiguïté qui entoure sa véritable nature, par
sa beauté, elle remplit une fonction poétique, se charge du merveilleux
indispensable à un conte traditionnel. Simple gazelle, elle se comporte
comme une femme et le sultan semble l’aimer comme une favorite de son
harem, docile et attentive : « couchée à ses pieds », ou accourant « à l’appel
de son maître », elle « prenait part à sa vie ».
b. Fonction dramatique
Loin d’être un simple élément d’exotisme, de merveilleux, la gazelle est à la
fois un personnage à part entière et le moteur de l’intrigue : à ce titre, on
doit lui reconnaître une fonction dramatique. C’est elle qui déclenche l’histoire en devenant l’enjeu dans la relation entre Yaya et Osman : la voyant
seule, Osman conçoit le dessein de l’enlever pour mettre à l’épreuve l’amitié
du sultan et mettre fin à la fausse harmonie qui régnait entre eux.
c. Fonction didactique
La gazelle remplit enfin une fonction didactique : c’est par elle que l’apologue met en garde les hommes contre l’aveuglement, le manque de
discernement que le pouvoir provoque. Elle nous enseigne à distinguer la
vérité et le mensonge, l’être et le paraître, la vraie amitié, indéfectible, et
celle qui ne résiste pas aux faux-semblants.
Conclusion
Le lecteur des contes orientaux de Voltaire, de Zadig, de La Princesse de
Babylone, d’Aventure indienne, ne retrouvera pas dans « La gazelle du
sultan » la distance ironique que le philosophe des Lumières entretenait
avec son propre récit… L’exotisme était pour Voltaire un condiment, un
élément cosmétique dont il s’amusait lui-même, sans le prendre au sérieux,
un simple verni par lequel il séduisait ses lecteurs et, sous ce verni, aussi
brillant que superficiel, il glissait quelques-unes de ses critiques sur les
défauts en tout genre de son époque. Monfreid est trop proche de l’Afrique
pour avoir ce recul et, sans aucun effort, sans intention parodique, il
retrouve le ton, recrée l’atmosphère des Mille et Une Nuits, sans que l’intention didactique soit trop lourde… et son récit ne pèse pas davantage que
cette gazelle aux « bonds harmonieux ».
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