Introduction
Transcription
Introduction
LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET 18 – Comment l’auteur dramatise-t-il la situation ? Y a-t-il des événements inattendus (« coups de théâtre ») ? – Le lecteur se pose-t-il des questions ? La poésie 18_FRA070627_02C.fm Page 137 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 C O R R I G É Attention ! Les indications en couleurs ne sont qu’une aide à la lecture et ne doivent pas figurer dans votre rédaction. Convaincre… Le roman – Étudiez la description de la gazelle. – Quelles caractéristiques animales présente-t-elle ? – Quels détails en font un animal hors du commun ? – « Fonctions » signifie « rôles » : à quoi sert la gazelle ? Vous devez adopter différents points de vue ou perspectives : sur le plan esthétique, par rapport au merveilleux du conte ; par rapport à l’intrigue ; par rapport à la « leçon » que suggère le conte. Réussir un commentaire : voir guide méthodologique. Commenter un procédé de style : voir lexique méthodologique. L’apologue : voir lexique des notions. Le conte : voir lexique des notions. Le théâtre • Deuxième piste © Hatier 2007 137 C O R R I G É Les réécritures Tôt saisi par la passion de l’Afrique et de l’aventure, Henri de Monfreid passa l’essentiel de sa vie en Éthiopie et, des années durant, sillonna la mer Rouge sur son bateau de contrebandier et de trafiquant. De cette existence romanesque, il tira de nombreux romans colorés largement autobiographiques. Dans « La gazelle du sultan », tiré des Derniers Jours de l’Arabie heureuse, c’est encore l’Afrique qui lui inspire un apologue en forme de conte oriental : une simple gazelle réussit à mettre à mal une longue amitié entre un sultan et un ami d’enfance. Le récit, par son exotisme et son merveilleux, séduit le lecteur, retient son attention ; mais il se met aussi, comme c’est la règle dans un apologue, au service d’une intention didactique. Monfreid veut ici montrer comment le pouvoir pervertit les vraies valeurs chez ceux qui ne savent pas l’assumer avec sagesse et mesure. Sujets d’oral Introduction 18_FRA070627_02C.fm Page 138 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET 18 I. L’univers merveilleux du conte pour capter l’intérêt Le passage présente les éléments attendus dans un conte : il transporte le lecteur dans un cadre exotique et l’emmène dans une intrigue propre à capter son intérêt. 1. Le cadre exotique Les indices de temps, « l’époque du sultan Yaya », et d’espace, « les hauts plateaux du Yémen », n’ancrent pas le récit dans une réalité très précise ; mais ces références et les noms des personnages (« Osman »), la présence d’une « gazelle », suffisent à peindre un décor oriental quelque peu stéréotypé mais séduisant et propice à la rêverie et à l’imagination, par sa description de moments et de lieux poétiques : le lecteur est transporté au « clair de lune », dans les jardins d’un « palais » oriental, près de l’« eau tranquille des bassins »… Le lecteur quitte son univers familier et, dès le premier paragraphe, entre dans un univers exotique, celui des contes des Mille et Une Nuits, comme s’il feuilletait un album de miniatures perses, avec cette « gazelle » « couchée aux pieds » du sultan. 2. Le merveilleux Le début du texte joue aussi avec les codes du conte merveilleux : l’adverbe « merveilleusement » ouvre le premier paragraphe et d’autres termes jouent sur la même tonalité tels que « miracle » (l. 4), « invisibles ailes » (l. 11). L’emploi de la forme indéfini dans « on s’attendait au miracle de la parole » associe le lecteur à cette fascination qu’exerce la gazelle et il peut s’interroger : s’agirait-il d’une « gazelle très commune » (l. 5) ou d’un animal fabuleux ? Le verbe « semblaient » (l. 3) et la conjonction « comme si » (l. 18) permettent le doute. D’autres termes intriguent le lecteur : Monfreid parle d’« énigme » qui « trouble » et de « mystère ». 3. La dramatisation Monfreid respecte aussi la structure caractéristique du conte, avec une situation initiale en équilibre – le monde du sultan est idéalement paisible et il vit des jours heureux grâce à sa gazelle – dans laquelle un élément perturbateur vient déclencher les aventures. Monfreid présente d’abord le cadre du conte (l. 1 à l. 25) puis lance l’action. À la ligne 25, le passé simple succède à l’imparfait pour singulariser « un soir » qui marque une rupture et le début de l’intrigue, avec le récit bref de ce premier élément perturbateur, le rapt de la gazelle… Osman passe de la contemplation à la méditation : « cette bête, vraiment, tenait-elle au cœur de son ami autant que lui-même ? ». Rapportée au style indirect libre grâce à la focalisation interne, cette interrogation, à la vivacité du langage parlé, éveille l’attention, annonce et fait attendre la suite du récit. © Hatier 2007 138 C O R R I G É Cette deuxième partie donne aussi au récit sa dimension d’apologue. Elle fait intervenir la parole du père, comme une voix d’outre-tombe : Osman se souvient de cette mise en garde solennelle et il semble l’entendre, au style direct et au présent de vérité générale, comme si le père revenait pour avertir son fils : en se superposant à la réflexion d’Osman, elle légitime son projet parce qu’elle met en cause l’« amitié vaine » des sultans. Un temps indéfini s’écoule, matérialisé par les points de suspension à la ligne 34 et le lecteur devine la teneur des « pensées mélancoliques » d’Osman avant qu’il ne passe brutalement des « pensées » au rapt de la gazelle. L’adverbe « peut-être » (l. 35) constitue pour le lecteur une zone d’ombre que la suite du texte pourrait éclairer. C’est aussi un moyen pour stimuler la poursuite de la lecture : comment l’amitié du sultan va-t-elle résister à cette mise à l’épreuve ? L’auteur cherche donc à construire pour son lecteur un récit divertissant par son exotisme. Il veille aussi à proposer assez vite une action frappante qui rompt l’harmonie initiale. Par ailleurs, le lecteur est invité à considérer la dimension didactique de ce qui va suivre. II. Caractéristiques et fonctions de la gazelle Le théâtre 18 Convaincre… LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET La poésie 18_FRA070627_02C.fm Page 139 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 © Hatier 2007 139 C O R R I G É Sujets d’oral b. Une créature merveilleuse Mais la passion excessive et déraisonnable que lui porte le sultan l’élève audessus de sa condition animale et en fait une vraie personne « comme si réellement elle avait appartenu au monde des hommes ». Ses « yeux profonds » (l. 2 et l. 22), son « regard limpide et doux » « semblaient exprimer des pensées humaines » et le sultan n’est pas le seul à être sous le charme de la gazelle : chacun, en la voyant, croit lui reconnaître « une âme pareille à la sienne ». Certes des termes modalisateurs atténuent ou démentent cette Les réécritures a. Un simple animal Il s’agit, de prime abord, d’une simple gazelle ; comme ses congénères, elle broute, fait « des bonds harmonieux » ; elle fait partie des « pauvres bêtes si simples » et appartient à la vie quotidienne des gens, animal qu’on mange et qu’on vend, indigne de la passion déraisonnable que lui porte le sultan, aveuglé par le pouvoir. C’est le point de vue d’Osman, en proie au doute sur l’amitié qui le lie au sultan, et c’est aussi celui du narrateur qui partage ce jugement : elle « ne différait pas des autres gazelles ». On doit cependant reconnaître que cette gazelle est bien jolie à voir, avec sa « grâce délicate » et qu’elle a au moins deux grandes qualités : la douceur qu’on lit dans son « regard limpide et doux » et la docilité ; elle est « merveilleusement apprivoisée », mange dans la « main » du sultan et couche à « ses pieds ». Le roman 1. Les caractéristiques… 18_FRA070627_02C.fm Page 140 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 LA GAZELLE DU SULTAN • COMMENTAIRE • SUJET 18 perception (« comme si », « semblaient »), mais le lecteur s’attend lui aussi à ce que se produise le « miracle de la parole ». L’animal, ainsi personnifié, devient un protagoniste à part entière de l’apologue dans lequel il joue un double rôle, occupe une double fonction. 2. Les fonctions a. Fonction poétique liée au merveilleux La gazelle apporte tout d’abord sa « grâce » et l’harmonie de ses « bonds » au jardin du palais royal. Par l’ambiguïté qui entoure sa véritable nature, par sa beauté, elle remplit une fonction poétique, se charge du merveilleux indispensable à un conte traditionnel. Simple gazelle, elle se comporte comme une femme et le sultan semble l’aimer comme une favorite de son harem, docile et attentive : « couchée à ses pieds », ou accourant « à l’appel de son maître », elle « prenait part à sa vie ». b. Fonction dramatique Loin d’être un simple élément d’exotisme, de merveilleux, la gazelle est à la fois un personnage à part entière et le moteur de l’intrigue : à ce titre, on doit lui reconnaître une fonction dramatique. C’est elle qui déclenche l’histoire en devenant l’enjeu dans la relation entre Yaya et Osman : la voyant seule, Osman conçoit le dessein de l’enlever pour mettre à l’épreuve l’amitié du sultan et mettre fin à la fausse harmonie qui régnait entre eux. c. Fonction didactique La gazelle remplit enfin une fonction didactique : c’est par elle que l’apologue met en garde les hommes contre l’aveuglement, le manque de discernement que le pouvoir provoque. Elle nous enseigne à distinguer la vérité et le mensonge, l’être et le paraître, la vraie amitié, indéfectible, et celle qui ne résiste pas aux faux-semblants. Conclusion Le lecteur des contes orientaux de Voltaire, de Zadig, de La Princesse de Babylone, d’Aventure indienne, ne retrouvera pas dans « La gazelle du sultan » la distance ironique que le philosophe des Lumières entretenait avec son propre récit… L’exotisme était pour Voltaire un condiment, un élément cosmétique dont il s’amusait lui-même, sans le prendre au sérieux, un simple verni par lequel il séduisait ses lecteurs et, sous ce verni, aussi brillant que superficiel, il glissait quelques-unes de ses critiques sur les défauts en tout genre de son époque. Monfreid est trop proche de l’Afrique pour avoir ce recul et, sans aucun effort, sans intention parodique, il retrouve le ton, recrée l’atmosphère des Mille et Une Nuits, sans que l’intention didactique soit trop lourde… et son récit ne pèse pas davantage que cette gazelle aux « bonds harmonieux ». © Hatier 2007 140 C O R R I G É