Le mythe celtique - L`Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier

Transcription

Le mythe celtique - L`Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier
Avec ce nouveau numéro de la Rouelle, vient l’heure des bilans. Sur ce que
nous faisons, sur le chemin qu’il nous reste encore à parcourir. La Rouelle rencontre quelque succès et il faut bien avouer que les qualités et l’engagement de la petite
équipe qui y travaille y est pour beaucoup. Avec plusieurs centaines de téléchargements
par numéro (environ 700 selon nos dernières estimations), elle est un des organes d’expression de la sensibilité druidique.
Nous devrons travailler pour qu’elle s’ouvre à d’autres sensibilités que la nôtre et gagne
encore en substance et en profondeur. Dans ce numéro, vous trouverez un article qui
nous a été confié par un des groupes druidiques avec qui nous entretenons des rapports
fraternels et qui a bien voulu collaborer à ce numéro même si sa sensibilité est différente
de celle de notre Assemblée. Que différentes sensibilités puissent s’exprimer dans les
mêmes lieux et avec les mêmes moyens nous semble pouvoir constituer un idéal. Plus que
des mots, des actes !
C’est autour de telles collaborations, autour de travaux communs, autour de projets, d’échanges, de rencontres fraternelles que nous irons vers la reconnaissance.
Reconnaissance du druidisme qui passe d’abord par la reconnaissance mutuelle.
Les rencontres inter-collèges de cette année vont dans ce sens. Notre Assemblée y est
présente ; nous pensons que ces rencontres vont dans le bon sens et pourront à terme
produire du beau et du bon. La route est encore longue avec ses embûches et ses impasses,
mais les collaborations qui se construisent et aboutissent nous incitent à l’optimisme.
Beltane est là avec ses élans et ses dynamiques et nous en profitons pour faire le vœu que
nous serons de plus en plus nombreux à nous retrouver autour de projets communs pour
que les feux des Druides illuminent à nouveau le sommet des collines. Nous espérons
que vous trouverez autant d’intérêt à lire ce numéro de la Rouelle que nous en avons eu
à le construire.
Eber - Altitona
Le Mythe celtique
Le mythe celtique
page 2 : Le mythe - Eber
page 5 : La mythologie celtique - Viviane
page 11 : Ceridwen et Taliesin - Kermailune
page 13 : Présence des mythes en Provence - Caillin Blaa
page 15 : Le conte de Taliesin et Avagonios - Afang
page 18 : L’épopée celtique du Roi Arthur - Viviane
page 21 : Une approche de la mythologie celtique - Astur
page 22 : Dieux, déesses et personnages - Morgane
page 28 : Interface entre mythologie et onomastique - Auetos
page 47 : Nos coups de cœur sur le sujet - Caillu Brigana
Photo de couverture : Astur
Logo Rouelle de l’ADCS : Alnoreen
Correction et mise en page : Yavanna
Arbres de saison
page 51 : Chêne, Bouleau, Saule, Aubépine, Sureau - Viviane
page 60 : Connexion - Astur
page 61 : Bouleau, Saule, Aubépine, Sureau - Earawiel
page 66 : Le Bouleau - Kermailune
page 1
Le mythe
et donc d’une certaine manière de le guérir.
BRITT
Eber
« Les mythes me semblent sous-
jacents à toutes nos activités. Ils
représentent les fondements, un
antidote à notre monde superficiel.
Ce qui manque, c’est le sens, non pas les
valeurs. Et le mythe peut donner un sens.
Le mythe parle à tout le monde. Il suffit d’une
bribe du mythe pour qu’il revienne dans son
entier. En ce sens, il structure l’inconscient.
Le mythe répond toujours à la question du
commencement, des origines, car toutes les
civilisations s’intéressent à l’origine du monde.
Ça peut être un œuf, une création à partir de la
boue... Dans les mythologies apparaissent des
structures fondamentales qui correspondent
profondément à la structure humaine.
Le mythe, c’est aussi une hiérophanie, c’est-àdire une levée du sacré. Dans un monde désenchanté comme le nôtre, aucun mythe nouveau
ne se crée. Nous avons, disons, quelques centaines de mythes autour desquels s’organise la
réalité humaine dans ce qu’elle a de plus fondamental lorsqu’elle se pose la question du « pourquoi ».
Le rite, autre véhicule du mythe, a les mêmes
vertus. Pour être efficace, il doit reposer sur le
mythe, l’actualiser, le mettre en geste, en mots,
en chants, en symboles. Pour paraphraser Nuin
(Druide fondateur de l’OBOD), le rite est un
mythe mis en gestes.
Lorsque nous abordons la parole et le rite par
le biais du mythe, il devient aisé de comprendre
que dans une approche druidique le conte n’est
pas n’importe quelle histoire, le rite n’est pas
n’importe quel geste. Poétique ou non, artistique
ou non. Ce qui caractérise le chemin druidique,
c’est son enracinement dans le mythe celtique et
rien d’autre.
Pour autant, il ne s’agit pas d’aborder le mythe
de façon « intellectuelle » comme un collectionneur d’histoires. Le mythe pour être efficace doit susciter des résonances conscientes et
inconscientes. Ce qui nous renvoie à la question de l’inconscient collectif et à celle de nos «
racines » archétypes.
Étudier, actualiser le mythe, nous permet
Jean Romain, Pour l’amour des dieux. Voyage d’aborder ce qui constitue une des plus grandes
dans les mythologies
questions de l’humanité : le sens de la Vie. Sens,
fondement, structure.
Le mythe véhicule une parole sacrée, fondatrice,
guérisseuse.
Nos mythes nous parlent de Vie et de Mort,
de désir, de puissance, de Dieux, de la nuit et
Dans sa forme la plus pure, il évoque la créa- du jour, mais aussi de fécondation, de retourtion du monde et donc sous une forme symbo- nement et d’accession de l’Homme à sa propre
lique notre propre création au sein de ce qui va humanité. En nous inscrivant dans le cycle cosconstituer le « réel ».
mique, ils donnent du sens au temps, en nous
Le mythe n’explique pas le monde, il fonde à inscrivant au centre des quatre directions, ils
chaque instant la façon dont nous considérons donnent du sens à l’espace.
nos rapports au monde. En ce sens, le mythe
est toujours fondateur. Il évoque la naissance de
l’Homme ou de notre humanité.
Le conte n’est que l’habit du mythe, c’est le
mythe sous une forme « actualisée » opportune.
Le conte n’est pas le mythe, il est son véhicule.
Et lorsqu’il joue son rôle, le conte, expression du
mythe, est aussi un modèle qui permet à l’auditeur de se positionner dans la logique de la Vie
page 2
Le mythe comme fondateur d’une identité monie, désorientation, incapacité à retrouver les
mécanismes de compensation et d’équilibre.
Dès lors qu’une « Queste » est structurée par Pour beaucoup de traditions les maladies prole mythe, elle s’inscrit dans l’Histoire (avec une viennent d’une perte d’âme, souvent d’ailleurs
majuscule) et permet une certaine continuité l’âme ainsi « perdue » est détenue par des esprits
vis-à-vis du passé, vis-à-vis de la « Tradition ». « ancestraux ».
La plupart des scientifiques établissent la lignée Le rituel de guérison opérait alors un travail
celtique autour de la continuité de langue, de de réconciliation avec l’esprit des ancêtres ou
structure sociale, voire dans un espace géogra- les esprits « malveillants » jusqu’à permettre à
phique. Il est une autre approche, à nos yeux l’âme de retrouver son chemin vers la personne
plus fondamentale encore. Celle qui passe par le malade et ainsi de retrouver la vie et le sens.
mythe. Ainsi nous pourrions avancer que ce qui
constitue l’identité celtique ce n’est ni le partage La tradition nous parle d’histoires qui guérisd’une langue, ni celle d’un territoire, ni encore sent, ou encore de rituels de guérison. Forts
des gènes mais plutôt le partage des mêmes de ce que nous venons d’aborder, il est aisé
mythes « fondateurs ».
de comprendre que l’accès aux mythes fondaÉtant entendu que ces mythes fondent une lec- teurs nous met en contact avec les éléments qui
ture particulière du Monde. Ainsi serait celte étaient présents à l’origine de toute chose, avec
celui ou celle qui intègre le mythe celte (loin les modèles de base de notre « programme » et
des apparences et des masques). Une fois posée donc nous permet de « réinitialiser » nos mécacette question de l’identité nous pourrions poser nismes d’équilibre et d’harmonisation. Sous cerque plus encore que la langue ou la généalogie, taines conditions, le mythe est donc un outil de
c’est le partage d’un même mythe qui permet guérison.
aux Druides actuels de résoudre les problèmes
de continuité avec les Druides du passé.
Le mythe qui fait grandir
L’histoire, la langue, les folklores devenant
alors eux-mêmes des éléments du mythe. Une
conception idéalisée du Druidisme et des
Druides.
Le mythe qui guérit
Un des besoins fondamentaux de l’être humain
est de trouver du sens. Non pas tant un sens «
extérieur », une explication du monde, qu’un
sens « intime » qui à la fois traduit nos perceptions mais aussi résonne avec notre propre
constitution.
La queste que nous menons à l’extérieur n’étant
souvent que le reflet de ce chemin que nous
menons vers notre « être essentiel ». L’un reflétant l’autre. Microcosme et macrocosme reflets
l’un de l’autre.
Lorsqu’on regarde la genèse des mal-êtres et des
maladies on s’aperçoit rapidement qu’elles apparaissent à l’occasion d’une rupture, d’une perte
de sens, d’un déséquilibre. Comme si, à l’occasion d’un « trauma », il y avait rupture d’har-
La plupart des histoires celtiques nous content
les faits et gestes de héros confrontés à leur
destin, parfois tragique, souvent extraordinaire.
Si nous nous référons à la tradition, l’Homme
ne naît pas Homme, il se construit dans son
humanité. Rien ne semble d’ailleurs plus étranger à la démarche traditionnelle que la notion
de l’homme naturellement parfait tel que livré
à lui-même. La perfection ou du moins une
certaine perfection (la découverte de Soi ?
L’individuation ?) naîtrait de notre confrontation au Monde, à notre évolution dans un
chemin particulier, selon un ordre particulier.
Chemin et ordre que nous pourrions qualifier
d’initiatiques puisque propres à mener le cheminant à son but.
Bien des chemins, bien des buts. La plupart
du temps, et hédonisme actuel aidant, nous
croyons que pour être soi il suffit de s’écouter.
Autrement dit contempler notre ego dans toute
sa suffisance, sans faire le moindre effort et surtout sans s’inscrire dans une quelconque direction si ce n’est celle de notre « bon plaisir ».
page 3
La Mythologie
celtique
fondement de la société celtique et par conséquent du Druidisme.
Il ne décline pas seulement le passé, l’histoire
mais se rapporte à une structure permanente,
actuelle, présente et future.
Le mythe est méta-historique. Si le
C’est à travers le mythe celtique que nous pouvons réactualiser la Tradition des Druides.
Il comble les lacunes que nous pouvons avoir
dans la connaissance de cette Tradition et vient
nous libérer du complexe de ne pas savoir. À la
certitude des historiens, il substitue la certitude
de l’âme.
C’est par le mythe et à travers le mythe que nous
vivons notre religion, l’actualisons dans les rites
et en nourrissons nos âmes.
Le mythe celtique
Le mythe celtique nous est parvenu par diverses
sources et modes de transmission. Parmi elles,
les littératures insulaires irlandaises ou galloises
qui souvent transcrivent de façon à peine voilée
des thèmes relativement constants.
Le thème du héros, de la quête, les relations
amoureuses qui se nouent entre les chevaliers
et les Dames, la présence d’animaux ou de personnages chimériques ou encore la référence à
d’autres mondes, d’autres royaumes.
Tout ceci semble suggérer une conception complexe du Monde, assez peu accessible à une lecture directe.
Le mythe n’est pas seulement une allégorie, ni
une fable morale, il suppose une certaine vision
du Monde exprimée sous une forme symbolique. Propre à éveiller plus qu’à expliquer.
Le mythe celtique véhicule un fond spécifique,
immédiatement reconnaissable. Il constitue le
page 4
Viviane
La démarche traditionnelle est autre. Elle présuppose des êtres aux vertus et qualifications
diverses, tous en mesure de réaliser un chemin.
Chemin lui-même cadré et décrit par le mythe.
Ainsi le mythe celtique constitue un modèle
initiatique, susceptible de dresser une cartographie des chemins à parcourir pour arriver vers le
chaudron du Graal, à la fois vaisseau, contenant,
réceptacle et porte vers le Monde de l’esprit.
Nombreux sont les mythes celtiques qui peuvent être lus sous cet aspect initiatique.
Et même en restant plus modeste, ces mêmes
mythes peuvent nous conduire sur les chemins
de l’action. Position de vie, position éthique qui
participent à la nature du héros.
mythe contient de nombreuses données d’ordre social, dans le domaine
de la religion nous devons garder à l’esprit
que la religion sous-tend toutes les activités des
sociétés traditionnelles.
L’étude de l’organisation sociale des Celtes nous
renseigne donc sur leur doctrine religieuse.
Le mythe représente l’image idéale de la société divine, modèle exemplaire dont la société
humaine doit être le reflet.
Le mythe est comme un voile, et comme tout
voile, il sert au voilement et au dévoilement de
façon complémentaire et cela en fonction de
celui qui le reçoit. Ainsi, l’un verra dans un récit
mythique une histoire rocambolesque, l’autre la
transmission d’une réalité suprahumaine.
Le mythe transmet des données qui sont celles
d’une doctrine qui régit l’aspect particulier de la
vie, qu’elle soit individuelle ou collective.
Le mythe celtique
Lorsque, comme c’est le cas pour les Celtes,
un peuple ne nous a transmis que ses mythes,
nous devons en extraire les spéculations métaphysiques ou simplement religieuses. En effet,
la règle druidique qui interdisait de mettre par
écrit leurs enseignements a eu pour conséquence
de nous priver de la théologie et de la doctrine
métaphysique des druides qui furent à l’origine
des récits qui nous sont parvenus.
L’origine du mythe est inconnue, elle remonte
à ce que l’on nomme communément l’aube des
temps. Le mythe est donc au cœur même de la
Tradition. La mythologie celtique a ceci de particulier qu’émanant d’une civilisation qui s’étendit de la mer du Nord à la mer Caspienne, elle
ne nous est parvenue que par le biais d’un seul
peuple, celui d’Irlande, néanmoins nous savons
et pouvons affirmer que les Celtes, dans leur
ensemble, partageait la même religion.
Le mythe est une partie intégrante de la
Tradition et de la religion, il transmet et relie.
En effet, d’une part il transmet un savoir et
d’autre part il relie les hommes et les dieux. En
définitive, le mythe est l’expression, en termes
finis, d’une réalité infinie.
Le principal problème reste celui de la transmission. En ce qui concerne la Gaule, nous devons
nous contenter des témoignages, souvent douteux, d’auteurs grecs ou romains. Heureusement
l’Irlande nous a transmis un certain nombre de
textes du plus grand intérêt, le pays de Galles
nous a transmis quatre contes qui ne sont pas
dépourvus d’intérêt, mais transmis par des
moines ou des lettrés chrétiens puisque les
druides refusaient de consigner leurs enseignements par écrit.
Une grande partie de la Bretagne insulaire
ayant été, tout comme la Gaule, soumise à la
conquête romaine, on en est réduit à plutôt étudier, là aussi, les textes irlandais.
Histoire
L’expansion de l’Empire romain, tant en Gaule
que dans l’île de Bretagne, a provoqué l’acculturation des sociétés celtiques, à partir du Ier siècle
av. J.-C., qui ont progressivement adopté la
romanisation. L’Irlande n’a pas été envahie
par les Romains et son insularité a préservé sa
spécificité.
La société se divise en trois classes, obéissant
en cela à l’idéologie trifonctionnelle des Indoeuropéens :
a la classe sacerdotale, composée des druides,
bardes et vates,
a l’aristocratie guerrière, dirigée par le roi,
a les producteurs-artisans et accessoirement
des prisonniers de guerre et des esclaves.
Si le roi possède la souveraineté, il ne peut agir
sans l’avis des druides, qui ont effectivement
le pouvoir absolu sur tous les aspects de la vie
des gens. Les druides (« les très savants », selon
l’étymologie), sont des théologiens, des juristes,
des historiens, des philosophes, etc. Ils ont la
charge d’administrer le sacré, donc la religion.
Le rôle du roi est de garantir la prospérité et de
procéder à la redistribution des richesses. Les
producteurs (artisans, agriculteurs et éleveurs)
ont la charge de pourvoir aux besoins de l’ensemble de la société.
Au Ve siècle, le christianisme va supplanter
l’antique religion. Si les relations de l’œuvre de
Patrick d’Irlande et de ses disciples sont hagiographiques et non historiques, il n’en demeure
page 5
pas moins que la conversion de l’Irlande n’a pu
se faire que par celle de la classe dirigeante. Ce
qui explique l’originalité du christianisme celtique au Moyen Âge.
En ce qui concerne le domaine gaulois, les
sources dont on dispose sont très rares et très fragiles. Pour l’essentiel, nous ne savons à peu près
rien du monde des dieux gaulois, même s’il est
certain qu’ils aient eu une mythologie aussi élaborée que celle rapportée par les textes irlandais.
Le peu que nous en sachions, nous le tenons de
Lucain (Pharsale) et de César (Commentaires sur
la Guerre des Gaules) principalement, de Pline
et de Tertulien accessoirement. Ces informations sont largement déformées par l’interpretatio romana, qui cherche systématiquement un
équivalent romain aux dieux gaulois. Les deux
panthéons semblent largement incompatibles :
ainsi Mercure est donné comme équivalent à
Lug, à Taranis et à Esus par César et Lucain
(lequel Lucain hésite entre deux équivalents),
ce qui en dit long sur la fragilité de ce type de
raisonnement ; en effet les qualités des dieux
gaulois semblent très fluctuantes et en tous cas
beaucoup plus sujettes aux variations régionales
que les dieux romains.
La religion celtique : le druidisme
« Religion des druides, qui enseignaient que
les âmes ne périssaient pas mais passaient en
d’autres personnes, et qui avaient une doctrine
sur les astres, leurs mouvements, la grandeur
du monde et de la terre, la nature des choses, la
force et la puissance des dieux. »
Les Celtes sont, avec les Indiens, le peuple qui
semble avoir maintenu, durant la période la
plus longue, un cadre social typiquement indoeuropéen fondé sur la tripartition fonctionnelle,
mais aussi et surtout, à avoir su conserver une
classe sacerdotale dominante, les brahmanes
en Inde et les druides partout où les Celtes
s’implantaient.
Dès lors, la religion celtique ne peut être conçue
en dehors de la classe sacerdotale des druides.
Ceux-ci étaient en quelque sorte la religion ellemême. À la fois prêtres, sacrificateurs, enseignants, devins, médecins, généalogistes, musiciens, poètes, architectes, toutes les fonctions
sacrées leur étaient dévolues.
Quelle fut l’origine du druidisme ? Il faut
d’abord exclure toutes les hypothèses concernant une possible continuation d’un chamanisme néolithique mêlé à un corps de doctrine
indo-européen et se pencher vers ce que les
druides eux-mêmes nous ont laissé savoir de
leur « provenance ».
De nombreux auteurs rapportent des récits
merveilleux sur des îles, non loin des côtes gauloises et bretonnes, ce que la mythologie irlandaise recoupe en nous apprenant que certains
héros allaient perfectionner leur art en Écosse.
Il ne faut pas confondre, bien sûr, les îles
mythiques et les îles bien réelles qui servirent de
sanctuaires sacrés où les druides allaient parfaire
leur savoir, néanmoins, lorsqu’on propose d’étudier le mythe, il ne faut pas craindre de reconnaître la pleine réalité de celui-ci.
Les Îles au Nord du monde n’appartiennent pas
à notre monde et il est vain de vouloir les situer
géographiquement.
Le panthéon celtique
Dès lors que l’on aborde le domaine celtique,
que ce soit au niveau de la civilisation, du druidisme ou de la mythologie, on se trouve inévitablement confronté au problème des sources.
Les druides, qui représentent la classe sacerdotale, ont systématiquement privilégié une
transmission orale de leur savoir, induisant la
mémorisation de milliers de vers. On retrouve
régulièrement l’argument selon lequel la parole
écrite est une parole morte ; peut-être était-ce
aussi un moyen d’éviter que leurs idées soient
détournées.
Notons que les Celtes n’ignoraient pas l’écriture puisque nous possédons des inscriptions
utilisant l’alphabet étrusque ou l’alphabet grec
et qu’ils ont inventé un système particulier de
notation : l’écriture oghamique.
En Gaule
Dieux principaux (pangaulois ou panceltiques) :
Le panthéon gaulois distingue, selon Lucain, une
triade Taranis/Ésus/Toutatis. Contrairement
à ce à quoi l’on pourrait s’attendre, aucun de
ces dieux n’a de rôle clairement défini, et leurs
caractéristiques sont souvent interchangeables
selon les régions.
page 6
a Toutatis (Teutates, Totiourix, Teutanus),
peut-être du proto-celtique teuta (tribu) et tato
(père), assimilé par Lucain tantôt à Mercure,
tantôt à Mars. Toutatis serait peut-être le Dis
Pater dont parle César, mais rien ne le prouve
de façon explicite. On le considère parfois de
façon schématique comme le dieu du ciel.
a Taranis : peut-être du gaulois taran (tonnerre), ce qui n’est pas clair car il est aussi le dieu
solaire et le dieu céleste. Ses attributs indiquent
qu’il est en outre dieu du tonnerre, dieu de la
guerre, dieu du feu, dieu des morts, mais aussi
dieu du ciel.
a Ésus : dieu artisan, dieu des voyages, protecteur des commerçants, défricheur de forêts et
charpentier.
a Lug : peut-être du proto-indo-européen
leuk (lumière). Dieu pan-celtique non attesté en
Gaule mais dont le culte est considéré comme
probable sur la base de la toponymie (Lyon/
Laon/Lugdunum, etc.). On a souvent pensé que
le Mercure dont parle César était Lug. Mais
Mercure est aussi associé à Toutatis et à Ésus.
a Sucellos : dieu au maillet (qui tue et ressuscite) et au tonnelet (symbole de prospérité), il est
l’équivalent du Dagda irlandais, qui possède des
talismans aux mêmes fonctions : une massue et
un chaudron. Dieu des forêts et de l’agriculture.
Dieux totémiques :
Par « totémique », on entend « à attributs d’animaux ». Toutefois, contrairement à d’autres civilisations, les Celtes ne vénéraient pas des dieux
mi-hommes mi-bêtes : les attributs animaux
n’étaient là que pour souligner un aspect symbolique du dieu.
a Cernunnos : dieu-cerf, vraisemblablement
une divinité du monde souterrain, intermédiaire
entre le monde des vivants et celui des morts,
mais aussi lié à la nature et aux animaux.
a Épona : (du gaulois epos : cheval), protectrice
des chevaux, attestée dans l’actuelle Bulgarie,
dans les îles Britanniques et en Gaule.
a Damona : le théonyme provient du gaulois
damos qui signifie « vache ». Déesse des sources,
elle apparaît comme la parèdre de plusieurs
divinités : Borvo, Albius et Moritasgus.
En Irlande
Alors que les sociétés celtiques du continent
et, dans une moindre mesure, celles de l’île de
Bretagne avaient évolué au contact de la civilisation romaine, l’Irlande, protégée par son insularité, n’avait pas été envahie et occupée. Selon
l’hagiographie, c’est un Britto-Romain du nom
de Maewyn Succat (le saint Patrick des chrétiens) qui aurait converti la classe sacerdotale
des Irlandais au Ve siècle.
Les « peuples » du Lebor Gabála Érenn :
Le Lebor Gabála Érenn (« Livre des conquêtes
d’Irlande »), dont la première rédaction remonte
au VIIIe siècle, rapporte les invasions mythiques
successives de l’île, depuis l’époque du Déluge.
Il s’agit « d’un mythe fondateur, une explication
de la nature de l’Irlande et de la présence des
Celtes ». La référence biblique au déluge est un
ajout tardif des clercs du Moyen Âge, qui ont
retranscrit la tradition orale. Seuls les derniers
arrivants sont humains, ils succèdent au peuple
des dieux.
a Le peuple de Cesair : fille de Bith, petite-fille
de Noé, Césair n’est pas admise dans l’Arche.
Ce peuple, composé de cinquante femmes et
de trois hommes, s’installe en Irlande 50 jours
avant le Déluge.
a Les Partholoniens, du nom de Partholon,
fils de Sera et de Baath, ils arrivent de Grèce
278 ans après le Déluge et débarquent le jour de
Beltaine. Ce sont les inventeurs de l’agriculture,
de l’élevage, de la chasse et de la pêche.
a Les Fomoires, surnommés les « Géants de
la Mer », sont des êtres difformes et affreux.
Ennemis de tous les occupants successifs de
l’île, « ils représentent essentiellement les forces
démoniaques, infernales et obscures » et sont
apparentés aux principaux dieux des Tuatha Dé
Danann.
a Les Nemediens : le « peuple-cerf », dont le
chef est Nemed (« sacré »), est finalement obligé
de s’enfuir dans le Munster après avoir été battu
par les Fomoires.
a Les Fir Bolg sont arrivés en trois groupes :
celui des Fir Bolg qui viendrait de la Belgique,
celui de Fir Domnain qui serait originaire de
la Domnonée insulaire, et celui des Galiain.
On leur doit l’introduction de la royauté et la
division de l’Irlande en cinq royaumes : l’Uls-
page 7
ter, Leinster, Munster, Connaught (celles-ci
correspondant aux points cardinaux) et Meath.
Ils sont vaincus par les Tuatha Dé Danann, lors
de la première bataille de Mag Tured (Cath
Maighe Tuireadh).
a Les Tuatha Dé Danann.
a Les Milesiens ou les fils de Mil Espaine
sont les premiers humains à avoir débarqué sur
l’île, le jour de Beltaine. À l’issue favorable de la
guerre qui les oppose aux Tuatha Dé Danann,
ils occupent l’île à laquelle ils donnent le nom
d’Erin (en l’honneur de la déesse Eriu), tandis
que les dieux se réfugient dans les sidh.
Les Tuatha Dé Danann :
Les dieux des Celtes d’Irlande sont regroupés
sous l’appellation de « Tuatha Dé Danann »,
c’est-à-dire gens de la déesse Dana. Ils s’inscrivent donc dans la succession des invasions.
Originaires de quatre îles au nord du Monde
(Falias, Gorias, Findias et Murias), ils débarquent un jour de Beltaine emmenés par les
druides Morfessa, Esras, Uiscias et Semias. Les
Fir Bolg sont vaincus lors de la bataille de Mag
Tuireadh (Cath Maighe Tuireadh), mais les dieux
seront eux-mêmes supplantés par les Milesiens
et devront se réfugier dans les sidh.
Dieux principaux :
a Lug, l’une des rares divinités pan-celtique,
c’est le dieu primordial et suprême des Tuatha
Dé Danann. Surnommé samildanach (le « polytechnicien ») ou lamfada (« au long bras »), il
maîtrise tous les arts et toutes les techniques, il
possède les pouvoirs de tous les autres dieux. Il
est le fils de Cian et Eithne, mais est aussi apparenté aux Fomoires par son grand-père maternel Balor. Il est associé à la fête religieuse de
Lugnasad.
a Le Dagda est le dieu-druide (et donc dieu
des druides), dont le théonyme signifie « dieu
bon » ou « très divin ». Il règne sur le temps,
l’éternité et sur les éléments, c’est aussi un guerrier puissant. Il a un côté paternel et nourricier.
On le décrit parfois comme un géant hideux
et un ogre paillard. Ses accouplements avec les
déesses sont nombreux. C’est le père de Brigit et
le frère d’Ogme.
a Ogme, que l’on retrouve en Gaule sous le
théonyme Ogmios, est le dieu de la magie guer-
rière, il a le pouvoir de paralyser ses ennemis. Il
est aussi l’inventeur de l’écriture et on lui attribue la création des ogams. Il est décrit comme
un vieillard dont une chaîne accrochée à sa langue le relie aux hommes. Lors de la bataille de
Mag Tuireadh, son habileté guerrière représente
le tiers des victoires de la guerre.
a Nuada est le « roi » des gens de la déesse
Dana, il est la personnification de la royauté et
de la souveraineté. Ayant eu le bras droit coupé,
infirmité discriminatoire pour l’exercice de la
royauté, il doit laisser la place à Bres du peuple
des Fomoires dont le règne sera de courte durée.
Diancecht, le dieu médecin, lui fabrique une
prothèse en argent, ce qui lui permet de recouvrer la souveraineté.
a Goibniu, le dieu-forgeron, fils de Brigit et
Tuireann, est le chef des artisans métallurgistes,
il est responsable de la fabrication des armes
magiques. Grâce à son marteau magique, il peut
fabriquer une épée ou un javelot parfait en trois
coups. Il est le frère de Credne et Luchta. Dans
l’Autre Monde, il brasse la bière et sert les autres
dieux au Festin d’Immortalité. Son équivalent
gallois est Gofannon.
a Credne Cerd, le dieu-bronzier, fils de
Brigit et Tuireann. Lors de la Bataille de Mag
Tuireadh, il fabrique des armes avec ses frères
Goibniu et Luchta.
a Luchta, le dieu-charpentier, fils de Brigit et
Tuireann. Lors de la Bataille de Mag Tuireadh,
il est chargé de travailler le bois des lances ; ses
frères sont Goibniu et Credne.
a Diancecht, dieu-médecin des Tuatha Dé
Danann, son nom signifie « prise rapide » tant
sa magie est précise et sa médecine efficace ;
il soigne et rétablit les blessés, il ressuscite les
morts en les immergeant dans la Fontaine de
Santé. Grand-père de Lug, il est le père de Cian,
Airmed, Miach et Ormiach.
a Oengus, également connu sous le nom de
Mac Oc, est le fils du Dagda et de Boand. Par
ruse, il réussit à déposséder son père de sa résidence. Il représente le temps.
a Brigit est la déesse-mère, la grande déesse
dont le théonyme signifie « très haute », « très
élevée ». Associé à la fête d’Imbolc, ses domaines
sont les arts, la guerre, la magie et la médecine.
Elle est la patronne des druides, des bardes
page 8
(poètes), des vates (divination et médecine) et
des forgerons. Unique divinité féminine, les
autres déesses ne sont que la personnification
de l’un de ses aspects. L’importance de son culte
a induit la création d’une sainte catholique
homonyme.
a Étain est la fille de Diancecht (ou de
Riangabair selon certaines sources), l’épouse du
roi Eochaid Airem sur terre et du dieu Midir
dans l’Autre Monde.
a Eithne représente la féminité au niveau
divin, elle est une personnification de l’Irlande.
Fille de Delbaeth (le chaos primordial), elle est
l’épouse de Lug, le dieu suprême.
a Boand (ou Boann) représente la prospérité,
son théonyme signifie « Vache Blanche », ce qui
la rapproche de la Damona gauloise. Épouse
d’Elcmar le frère du Dagda, sa relation avec son
beau-frère va donner naissance à Mac Oc. Elle
est la divinité éponymique de la rivière Boyne.
a Mórrígan, épouse du Dagda, c’est une divinité guerrière ou, plus exactement, de l’aspect
guerrier de la souveraineté. Présente sur les
champs de bataille, elle peut se présenter sous
différents aspects, celui de la corneille étant
fréquent.
Au Pays de Galles
Les sources galloises présentent les mythes celtiques de manière affadie et le statut divin de
certains personnages n’est pas directement affirmé. Mais la proximité de l’Irlande et la similitude des faits permet de saisir le sens originel de
leurs fonctions.
Les enfants de Dôn :
Math, fils de Mathonwy, est un souverain du
Gwynedd, qui a l’obligation, en temps de paix,
de demeurer avec les pieds posés dans le giron
d’une vierge, sous peine de mort. Il ne peut
déroger à cette contrainte que pour aller à la
guerre. Sa sœur Dôn, fille de Mathonwy est
une mère matriarcale. Son compagnon est Beli
Mawr (Beli le Grand). Ses enfants sont :
a Arianrhod, assimilée à une déesse de la
fécondité, elle est la mère du dieu suprême Llew
Llaw Gyffes. Après le viol de Goewin, elle est
pressentie pour assumer son rôle de « portepieds » du roi, mais lors de l’épreuve de virginité,
elle donne naissance à des jumeaux.
a Gwydion, dieu-magicien qui correspond au
Dagda irlandais. Par sa magie, il déclenche une
guerre contre Pryderi, pour forcer le roi Math à
intervenir et ainsi quitter le giron de Goewin.
Cette manœuvre permet à Gilfaethwy de violer Goewin, pendant l’absence du roi. Gwydion
et Gilfaethwy, par la magie de Math, subissent
trois transformations animales, au cours desquelles ils s’accouplent et donnent naissance à
Hyddwn, Hychtwn et Bleiddwn.
a Gilfaethwy, (Gwydion).
a Gofannon, dieu-forgeron équivalent du
Goibniu irlandais. Il forge des armes qui tuent
à coup sûr. Il brasse aussi une bière qui rend
immortel.
a Amaethon enseigne la magie à son frère
Gwydion. Il transforme les arbres en guerriers
pour vaincre Arawn.
…auxquels on peut ajouter les fils jumeaux
d’Arianrhod, Dylan Eil Ton et Llew Llaw Gyffes.
Caswallawn (l’historique Cassivellaunos) est
souvent présenté comme un des fils de Beli
Mawr.
Les enfants de Llyr :
Llyr, le patriarche de l’autre famille divine est
vraisemblablement un emprunt à la mythologie celtique irlandaise du dieu de l’océan Lir. Sa
compagne est Penarddum, leurs enfants sont :
a Manawyddan Fab Llyr (fils de la mer), équivalent de l’irlandais Manannan Mac Lir, dieu
des Tuatha Dé Danann, le théonyme signifie « le Mannois », en référence à l’île de Man.
Son épouse est Rhiannon. Il est le personnage
principal de la troisième branche du Mabinogi :
« Manawydan fils de Llyr », où il fait l’apprentissage de l’artisanat et de l’agriculture.
a Bran le Béni, « le corbeau », est un géant qui
ne peut entrer dans aucune maison, à cause de
sa taille, ni monter sur aucun bateau. Il règne au
pays de Galles et réside à Harddlech (le « bel
endroit »). Après avoir consenti au mariage de
sa sœur Branwen avec Matholwch, le roi d’Irlande, il est contraint d’intervenir quand elle se
trouve déchue de son rang. Il est tué pendant la
bataille, mais sa tête coupée continue de vivre et
de parler.
a Branwen, la « corneille blanche », elle épouse
page 9
Autres divinités :
a Arawn, est le roi de l’Annwvyn, l’Autremonde, dans le premier conte des Mabinogion,
Pwyll, prince de Dived. Pendant une année, il
échange son identité et son royaume avec Pwyll.
a Avalloc.
a Blodeuwedd est une femme-fleur, confectionnée par Math et Gwydion pour qu’elle soit
l’épouse de Llew Law Gyffes. Celui-ci est victime d’un interdit de sa mère Arianrhod, qui
l’empêche d’avoir une femme humaine. Elle est
transformée en hibou par Gwydyon après avoir
été infidèle et avoir tenté de tuer Llew Law
Gyffes.
a Ceridwen est une magicienne qui apparaît
dans le mythe du célèbre barde Taliesin. Voulant
donner le don de l’inspiration prophétique à son
fils le hideux Morvran, elle prépare un bouillon
magique, dans un chaudron gardé par un vieil
aveugle. Mais c’est le guide de l’aveugle, Gwion
Bach qui bénéficie de la recette magique. Après
une série de transformations pour échapper à la
sorcière, Gwion Bach va être avalé puis enfanté
par Ceridwen. Abandonné puis recueilli, l’enfant va devenir Taliesin.
a Creiddylad.
a Cyhyraeth.
a Gwenn Teir Bronn.
a Gwynn ap Nudd est un des souverains ou des
messagers de l’Annwvyn, au rôle psychopompe
puisque l’une de ses fonctions est de guider les
âmes des morts vers l’Annwvyn, accompagné
d’une meute de chiens.
a Llefelys.
a Lludd Llaw Eraint.
a Mabon ap Modron est le « fils divin » de
Modron, la « mère divine », et de Gwynn
ap Nudd. Il est l’équivalent du dieu gaulois
Maponos et du dieu irlandais Oengus.
a Modron est la « mère divine » (terre-mère),
la fille d’Avalloc, le roi d’Avalon et mère de
Mabon. Similaire à la déesse gauloise Dea
Matrona et à la déesse irlandaise Dana, elle
est vraisemblablement le prototype de la fée
Morgane de la légende arthurienne.
a Rhiannon est la divinité celtique féminine,
à l’instar de Brigit et Brigantia, son nom signifie « grande reine ». Dans la première branche
du Mabinogi, « Pwyll, prince de Dyved », Elle
épouse Pwyll et donne naissance à Pryderi, « le
mariage de Pwyll et Rhiannon est une représentation mythique de l’hiérogamie entre le
principe Masculin et le principe Féminin,
entre le roi et son royaume, garantissant sur
le plan macrocosmique la pérennité du cycle
vital, au niveau microcosmique la fécondité générale du royaume ». Dans la troisième
branche « Manawydan fils de Llyr », elle épouse
Manawyddan Fab Llyr.
Bibliographie : Mythologie celtique, de Thierry
Jolif, Les Druides, de Christian-J. Guyonvarc’h
et Françoise Le Roux, Mythes celtiques, de
Miranda Green.
page 10
Ceridwen et Taliesin
Kermailune
Matholwch le roi d’Irlande et donne naissance
à Gwern. Tombée en disgrâce, elle est déchue
de son titre de reine et doit travailler aux cuisines. Prévenu après trois ans, par un étourneau
porteur d’un message décrivant la situation,
Bran part en guerre contre le roi d’Irlande. Elle
est l’un des personnages principaux de la deuxième branche du Mabinogi : « Le Mabinogi
de Branwen ».
Pernarddun a deux autres fils, Evnissyen et
Nissyen, dont le père est Eurosswydd. Caradawg
(l’historique Caratacos) est considéré comme le
fils de Bran le Béni.
la sagesse. Après avoir récolté tous les ingrédients nécessaires, j’ai trouvé un vieil aveugle et
Il était une fois, entre les mondes, un enfant pour touiller ma marmite. La recette
une femme très belle, une reine demandait que le mélange bouille pendant un
magicienne. Comme beaucoup de an et un jour, sans arrêt.
ses semblables, elle était colérique et
parfois très exigeante. Mais, écoutez plutôt Est arrivé enfin le grand jour. J’ai été cherson histoire.
cher mon fils, mais j’ai senti soudainement que
quelque chose n’allait pas. C’est comme si tout
Je m’appelle Ceridwen. Je suis reine, magicienne s’effondrait autour de moi. Brusquement, j’ai
et mère. Et comme toute reine, j’ai offert l’amitié compris. Quelqu’un avait volé les trois gouttes
de ma cuisse à un homme, afin de lui permettre magiques du breuvage de mon enfant. Vous
de régner. En fait, je l’ai fait pour le plaisir et vous rendez compte ???? Voler ça ??? Mon
parce que je voulais des enfants. Et que seule… sang n’a fait qu’un tour et j’ai fait la colère du
même avec la meilleure magie, c’est difficile. J’ai siècle. Mon instinct m’a montré qui avait volé
choisi un homme souvent absent afin de garder ma magie : l’enfant qui surveillait le feu avec le
mon indépendance. Et comme je voulais des vieil aveugle était coupable. On a tenté de m’exenfants dotés du caractère guerrier, j’ai donc pliquer que la marmite bouillait un peu fort et
choisi un grand guerrier, Tegid Voel. Seulement, que trois gouttes du breuvage avaient sauté sur
il est chauve. Vous vous rendez compte, un la main de l’enfant, que ce dernier avait mise à sa
guerrier chauve ? Alors que chez nous la che- bouche. Balivernes !!!!! J’ai donc poursuivi l’envelure est symbole de force masculine... Mais je fant pendant des heures. Utilisant sa connaisl’ai choisi pour pouvoir explorer le pouvoir de sance nouvelle acquise de son odieux vol, il est
la magie. J’espérais avoir des enfants chevelus à devenu lièvre, poisson, oiseau puis grain de blé
faire pâlir toute ma cour et ainsi démontrer ma au milieu de ses semblables. J’ai donc dû me
toute-puissance.
métamorphoser en lévrier, loutre, faucon, puis
en poule noire pour le rattraper. De rage, je l’ai
La première fois, tout s’est bien passé : une mer- avalé.
veilleuse fillette blonde est née, encore plus belle
que sa mère, mais au caractère bien trempé de Grand mal en a suivi ! Je suis tombée enceinte.
son père. C’est ce que je voulais. Pour le second L’enfant était bien mort, je l’avais tué, mais il
enfant… tout a été chamboulé. Rien ne s’est allait revenir. Neuf mois plus tard, j’ai accouché
passé comme je le voulais. Et je me suis retrou- dans un endroit secret, seule, afin de supprimer
vée avec un nouveau-né laid, ridé et chauve… au cet enfant avant qu’il ne pousse son premier cri.
point de ne pas oser le montrer. J’ai pensé être Seulement… cet enfant avait la beauté de ma
la risée de ma cour. J’ai voulu l’abandonner aux première fille. Je n’avais pas cherché à l’entouflots, sans succès. Cet enfant m’est revenu. J’ai rer de magie, mais elle avait opéré d’elle-même.
tenté encore et encore de m’en débarrasser, sans Finalement, ne pouvant me résoudre à le garder,
jamais y arriver. Mes servantes se sont occupées j’ai tissé un panier et j’ai confié cet enfant aux
de lui. Finalement, lasse de vouloir m’en séparer, flots, espérant m’en débarrasser à tout jamais.
j’ai tenté une autre stratégie. J’ai voulu l’aider.
C’était quand même mon fils.
Il ne m’était pas possible de refaire la recette
du grimoire pour mon horrible fils. J’ai cru en
J’ai donc été consulter mes grimoires les plus mourir et j’ai passé des mois et des mois au fond
anciens et les plus secrets, et j’ai récolté les du trou. Ce dernier a donc grandi, comme il
herbes les plus rares et les condiments les plus était… et moi, j’ai dû apprendre à l’accepter. En
épicés. Je n’ai pas osé tenter d’en faire un canon grandissant, ses traits se sont adoucis, ses yeux
de beauté. J’avais déjà raté une fois avec lui. J’ai enfoncés sont sortis de leurs orbites. Il s’est affidonc choisi de lui offrir la beauté intérieure et né, ses cheveux ont poussé et bientôt, les filles le
page 11
La Loutre et le Saumon, dessin original par Alnoreen.
page 12
Il
est en Provence de nombreux
lieux imprégnés par la présence
celte, que ce soit par l’étymologie des
noms des villes, les sources, les légendes qui y
sont contées. On retrouve la présence de héros,
de Dieux, de Déesses, de cultes païens attestés
qui permettent au voyageur intéressé de s’engouffrer dans les mythes rémanents du pagus.
Les
noms de
Dieux
et
Déesses
mologie des villes de Provence
caillin blaa
Il était devenu Taliesin, le barde de Elfin et,
pour me venger, j’ai fait mettre ce dernier en
prison en manipulant Magelwin, puis j’ai tenté
de démontrer que la femme de Elfin n’était pas
fidèle. Peine perdue… Finalement, Taliesin
a rendu riche le fils de son protecteur en lui
accordant un trésor. Là, j’en ai perdu les pédales.
Un jour, en visite à la cour de Magelwin, je n’en J’étais toujours au fond du trou, tout était vraiai pas cru mes yeux. J’étais toujours au fond du ment terminé pour moi.
trou et j’ai cru avoir une hallucination. Il était
là… mon enfant abandonné… déjà devenu Taliesin est finalement venu me voir. En fait,
adulte accompli et barde si talentueux après si il m’a coincée au fond d’un couloir. Je n’aurais
peu de temps. Là, j’ai presque été fière de mon jamais accepté de le recevoir. Et tout ce qu’il m’a
enfant, mais aussi jalouse de ce qu’il était deve- dit, c’était merci. Merci de lui avoir accordé la vie
nu. C’était LUI qui avait volé mon breuvage. et d’avoir fait de lui ce qu’il était aujourd’hui…
C’est mon vrai fils qui aurait dû être ce poète Je ne l’ai plus jamais revu. Mais depuis lors, je
magique !
vis en paix, sereine, avec mes deux autres merveilleux enfants.
Presence des mythes
en Provence
regardaient avec une certaine envie. Il semblait
que j’étais la seule à trouver qu’il avait autant
changé. L’entourage de ma cour disait que ce
bébé avait toujours été normal, avait grandi sans
problème et était devenu le beau jeune homme
auquel on pouvait s’attendre.
dans l’éty-
génie du voisinage qui finit par lui demander
sa main. La fée consentit à la lui accorder, s’il
acceptait, de son côté, que le mariage fût célébré
sur une table formée de trois pierres dont elle
lui fit un portrait minutieux. Le jeune homme
reconnut dans la description de sa bien-aimée
les pierres qui, depuis dix siècles, avaient dévalé
la montagne de Fréjus pour s’entasser au bas de
la gorge voisine. Réunissant toutes ses forces
physiques et surnaturelles, il parvint à dresser
les deux premières pierres, mais fut incapable
de déplacer la troisième. Accablé, il crut avoir
perdu la main de la bergère.
Mais la fée, à qui il n’était pas indifférent, le
prit de pitié. La nuit suivante, elle s’approcha
de la pierre récalcitrante et traça autour d’elle
un cercle magique. Sur le champ, une immense
flamme s’éleva
et la lourde dalle
fut
transportée sur les deux
autres. À l’aube,
la bergère magicienne surveilla
son amant pour
partager sa joie
au moment où
il découvrait le prodige. Mais le jeune homme
comprit seulement qu’il était un bien modeste
génie et qu’il était condamné à mourir parce
qu’il aimait une fée plus habile que lui. Il mourut
donc, bientôt suivi par la fée folle de désespoir.
Abianus : dans le Vaucluse et les
Bouches-du-Rhône
Alauna : dieu à l’alouette, le nourricier mais
aussi le nomade, compagnon de Lug (qui a
donné son nom à la ville d’Allons (04))
Artio : déesse à l’ours, a donné son nom à
Artignosc (83)
Belenos : a donné son nom à Bollène (84)
Bormanus ou Bormo : dieu des sources minérales et des eaux chaudes, de la guérison, représenté sous la forme d’un serpent à tête de bélier,
dieu tutélaire de Bormes-les-Mimosas (83)
Brigantia : qui a donné son nom à Briançon (04)
Glan : vénéré sur le site de Glanum à SaintRémy-de-Provence (13)
Lero : déesse locale d’où est tiré le nom des îles
de Lérins (06)
Matrae : d’où vient le nom de la ville de
Meyronnes (04)
L’Aqueduc d’Arles
Nemausus : a donné son nom à Nîmes (13)
En Arles vivait une belle jeune fille du nom de
Citronnelle. Mille amoureux courtisaient sa
Quelques légendes clairsemées
jeunesse épanouie comme une rose d’or, désiIl existe de nombreuses légendes sur les terres reux d’obtenir sa main.
de Provence, alors en voici deux que j’aime par- Chacun de ces amoureux s’ingéniait aux exploits
ticulièrement de par leur résonance.
les plus rares pour attirer l’attention de la belle
et s’efforcer de gagner son cœur. Les projets les
La légende de la pierre de la fée (péiro de la plus fantastiques et les plus irréalisables hanfado) : le dolmen de Draguignan
taient l’esprit de ces mille amoureux. Pourtant,
Il était une fois une fée qui aimait à se déguiser leur cour s’éclipsa quand ils surent que l’Emen bergère. Ainsi travestie, elle s’en allait, sous pereur lui-même avait pris la résolution d’obles bosquets d’orangers et de grenadiers, et jouait tenir la main de la belle récalcitrante. Que faire
de la mandoline. La fausse bergère, grâce à sa contre un tel rival ? Les malheureux éconduits
beauté et, peut-être, à quelque mélodie magique, se tinrent cois et cachèrent leur déception.
parvint à inspirer une grande passion à un jeune Par l’entremise d’un messager secret, l’auguste
page 13
Le conte de Taliesin
et Avagonios
tagne, édifièrent des murs, forgèrent des outils,
à tel point qu’un beau matin, après sept années
de dur labeur, le large canal était construit. Il
épanche une eau si pure et si fraîche que tous les
gens du peuple remercièrent l’empereur pour ce
cadeau divin. On parlait même de lui dresser un
autel afin de l’honorer à l’égal d’un dieu !
Mais ce qui importait à notre Seigneur, c’est la
promesse de sa belle qu’il se pressa d’aller rencontrer pour lui présenter son ouvrage. Mais, à
sa plus grande déception, ce qu’il entendit de
l’effrontée Citronnelle est :
« Sept années sont bien longues et je dois vous
faire l’aveu que chaque matin, un gentil petit
ami, que j’aime de tout mon cœur, vient m’apporter une amphore d’eau délicieuse. Il faut bien
que je le récompense en le prenant pour mari ! »
La légende ne dit pas ce qu’il advint de l’Empereur par la suite, sinon que l’aqueduc continua
longtemps d’apporter l’eau fraîche aux Arlésiens.
Il était une fois, et il n’était pas, en
pays de Pennlyn, terre du souverain
Tegid Voel Le Chauve, une femme
d’une grande beauté, pleine de talents et de
grands savoirs sur les choses secrètes. Notre
résidence était au milieu du lac. Cette femme
qui était ma mère avait pour nom Cerridwen et
était l’épouse même de Tegid Le Chauve mon
père.
Afang
soupirant combla Citronnelle de cadeaux d’une
richesse et d’un art divin. La jeune fille acceptait les présents mais, malgré une douce joie et
l’envie qui lui souriait de devenir impératrice,
elle ne voulut ni s’engager ni faire de promesse
d’avenir et se réservait. Un soir pourtant, pour
mettre à l’épreuve son prétendant, elle lui tint
ses propos :
« Entendu, Seigneur, je serai à vous si à travers
plaines, forêts, gorges et rochers des Alpilles
vous jurez de m’apporter de l’eau fraîche et dont
j’ai si soif, de la fontaine de Vaucluse. Je veux
que vous construisiez pour ce faire un canal à
ciel ouvert et en pierre dure. » L’empereur éperdu accepta l’offre.
Dès le lendemain, il donna des ordres, réunit ses
meilleurs architectes et une fourmilière d’ouvriers se mit à pied d’œuvre, dans le calcaire,
la pierre et sous un soleil de plomb en été, un
mistral glacial en hiver. Ils creusèrent la mon-
Ainsi je suis né appelé Morvran Ab Tegid, mes
parents eurent aussi ma sœur Creiwyl qui était
une enfant magnifiquement belle comme ma
maman, finalement on me surnomma Afang
Du à cause de ma monstruosité. Ainsi, c’est pour
ma laideur que Cerridwen ma mère semble me
chérir plus que les autres, c’est pour ma laideur
qu’elle cherche les magies les plus fortes, les
filtres les plus secrets. Ma laideur lui hante le
cœur et son amour pour moi désire me sauver
de mon infortune. À force de quête ma mère
Cerridwen trouve enfin le moyen de compenser
ma laideur par la possibilité d’acquérir le savoir
primordial. À cet effet, elle prépare pour moi le
chaudron de la connaissance et d’inspiration qui
doit bouillir durant une année et un jour. Elle
sait que si trois gouttes de ce breuvage me sont
données, ils seront pour moi l’inspiration divine,
celle qui illumine l’âme, promet tous les savoirs
et tous les dons. Je n’aurais alors plus à rougir
de ma laideur puisque la beauté de l’âme m’aura
été donnée.
Le temps passant à faire bouillir le breuvage
ma mère la Reine met à sa surveillance un vieil
aveugle du nom de Mordra ainsi qu’un jeune
homme du nom de Gwyon Bach chargé d’alimenter le feu. Ainsi, ils doivent ensemble veiller
à ce qu’il y ait toujours du feu sous le chaudron
et que le liquide ne déborde pas. Ainsi font-ils,
car Ceridwen ma mère, tout aussi belle soit-elle
peut avoir de terribles colères. Une année est
passée, le cycle rond du temps a bientôt fermé
sa boucle et le temps du breuvage arrive à sa fin
pour moi, Afang Du.
Ce jour-là, Cerridwen ma mère est en quête
page 14
d’herbes et de plantes magiques. Gwydyon et
Mordra discutent et discutent tant qu’ils ne
voient pas le breuvage gonfler, buller de plus en
plus, comme une grosse soupe enfin trop chaude
qui pouffe des vapeurs.
Trop tard, le liquide jaillit, saute, éclabousse tant
et si bien que, surpris, Gwyon n’ayant pas eu le
temps de s’écarter s’y brûla la main.
La douleur est terrible, le feu, le chaud est là,
l’instinct porte sa main à sa bouche, trois gouttes
de magie le touchent tout entier, pénètrent par
sa bouche. La lumière, la chaleur l’envahit tout
entier comme un soleil nouveau, Gwyon est
ébahi, choqué : n’a-t-il pas bu là les trois gouttes
qui m’était réservées à moi Afang Du ? Et
Gwyon, la tête soudain remplie de savoir, sait,
voit, comprend la colère de ma mère Cerridwen.
Il doit fuir !
La colère de Cerridwen ma mère fut terrible, elle
cria, hurla, frappa la terre de ses talons, frappa
tous ceux qui passaient à sa portée, elle n’épargna pas Mordra. On l’entendit jusqu’au bout
des plaines, en haut des montagnes, le long des
rivières du royaume. Ses larmes se mélangeaient
à ses cris et tous tremblaient en l’entendant.
Ivre de rage et de chagrin, ma mère la Reine
parti à la recherche de Gwyon pour le châtier.
Terrifié, l’enfant se cachait, entendit les cris, les
menaces professées dans la colère.
Alors qu’il entendait son pas plus proche, faisant appel à sa sagesse toute neuve, il se transforma en lièvre, espérant courir si vite qu’elle
ne pourrait le rattraper. Peine perdue, ma mère
Cerridwen était bien savante elle aussi des
choses de magie et elle se transforma en lévrier.
Ainsi ma mère courrait aussi vite, plus vite et
l’approchait toujours plus. Prenant son élan,
Gwyon se change en poisson et ma mère
Cerridwen devient loutre, Gwyon oiseau, ma
mère faucon. Toujours armé de son pouvoir de
métamorphose, Gwyon devenant grain se cache
dans un tas de blé.
Ma mère Cerridwen devint immédiatement
poule noire et avale les grains et par là-même
Gwyon.
À l’aube d’un autre jour ma mère la Reine vit
la grosseur de son ventre. Alors que mon père
son mari Tegid Le Chauve est parti combattre
les pirates Gaëls et établir des fortifications le
page 15
long des côtes, elle comprend immédiatement
ce qui lui est arrivé. Cet enfant qu’elle attend
ne peut être que le jeune Gwyon, la graine qu’il
était devenu et qu’elle avait avalée, et se prépare
à une deuxième naissance.
Keridwen ma mère, le jour venu, va seule mettre
au monde cet enfant.
Cet enfant est tellement beau que lorsque ses
yeux croisent ceux de ma mère, elle ne peut se
résoudre à l’éliminer afin de le cacher aux yeux
du monde, et lui construit une sorte de couffin
tressé en joncs et en mousse qu’elle confie à la
bienfaisance des eaux d’une rivière qui, loin de
là, va mélanger ses eaux à celles de l’océan…
Neuf jours et neuf nuits durant, Gwyon fut
ballotté au gré des flots mais sans jamais pleurer. Il n’éprouva ni la faim, ni la soif, car l’eau
de la pluie prenait soin de le désaltérer et de
tout petits poissons de sauter hors de l’eau pour
rejoindre directement sa bouche.
Au soir du dixième jour, il arriva en vue d’une
terre, celle du roi Gwyddyon, connu pour posséder l’une des treize merveilles du royaume, un
filet qui, chaque soir qu’il est mis à l’eau, rapportait suffisamment de poisson pour nourrir
toutes les bouches du clan, et même plus.
Gwyddyon avait un fils, Elfin, un des garçons
les plus malheureux et infortunés qui soient, et
qui, ce soir-là, avait par son père été chargé de
relever le filet, afin de lui porter chance.
Habitué à son infortune, il ne fut pas surpris
lorsqu’il releva le filet et qu’il n’y trouva que le
couffin tressé et aucun poisson.
Dans ce couffin, il y vit Gwyon, et Elfin fut si
ébloui par sa beauté qu’il le nomma Taliesin et
repris courage et ardeur en revenant chez lui.
Son père, s’il commença par se lamenter de
ce qu’Elfin n’avait rien pêché pour nourrir le
clan, fut lui aussi sous le charme quand il vit le
bébé, et il le fut plus encore lorsque rassasié et
réchauffé, le bébé entreprit de leur conter son
histoire, celle de Gwyon Bach et de ma mère
Keridwen, et ce, sous la forme d’un chant aux
sonorités parfaites.
Puis Taliesin prit la parole :
« Grand merci à toi, Elfin, de m’avoir ainsi
recueilli et accueilli. Entend maintenant que
tu ne le regretteras pas, car je suis Taliesin et si
bientôt mon nom brûle parmi les innombrables
étoiles du ciel, crois bien que je ne serai pas
ingrat et que tu trouveras avec moi une récompense à la hauteur de ta gentillesse. »
Taliesin passa quatre années dans la maison d’Eflin, quatre années qui le virent passer
d’enfant au jeune homme qu’il est aujourd’hui
au grand émerveillement des gens du roi
Gwyddyon. Tout ce temps, il s’appliqua à égayer
son bienfaiteur qui, de timoré et voûté qu’il
était, devint peu à peu un homme de compagnie
page 16
agréable et de bonne conversation.
Vint un jour d’automne où Elfin les quitta, ayant
été invité par son oncle Maelgwin Gwynedd à
séjourner sur ses terres, à Degawny. Alors qu’il
se trouvait là-bas, en compagnie des hommes
de son oncle, à recevoir le boire et le manger,
tout en écoutant les bardes chanter la gloire
de ce dernier, Elfin, à qui la boisson avait fait
perdre un peu la tête, se vanta d’avoir barde plus
talentueux et femme plus fidèle que quiconque
à Degawny. Son oncle, entra dans une colère
rouge, le fit jeter en prison, puis envoya Rhun,
son fils illégitime, un jeune homme d’une beauté
à laquelle aucune femme ne résistait, avec pour
mission d’aller séduire la femme d’Elfin. Mis au
courant de tout le stratagème, Taliesin alla trouver sa protectrice pour tout lui raconter et lui
proposer de la remplacer par une servante qui
endosserait ses vêtements et ses bijoux. Rhun
coucha donc avec la servante et, au petit matin,
lui trancha le doigt qui portait l’anneau d’Eflin,
avant de s’enfuir en direction de Degawny. Là,
on fit sortir Elfin de prison pour lui montrer la
preuve de l’infidélité de son épouse. Il répondit :
« Ah !! Ce doigt est trop petit, son ongle est
sale, et il porte encore les traces du pétrissage
du seigle, ce ne peut être celui de ma femme !! »
Maelgwin, furieux, fit remettre Elfin en prison,
sous les yeux de Taliesin, car il avait suivi Rhun
en secret lorsqu’il s’était enfui.
Plus tard dans la soirée, et sous la conduite
d’Heinin leur chef, les trois bardes de Maelgwin
se préparèrent à chanter pour apaiser le courroux
de leur roi. Mais Taliesin leur avait joué un tour
à sa manière, et ne sortirent de leurs bouches
graisseuses que des « bleub bleub » maladroits
et autres sons grotesques. Puis Taliesin s’avança, fit connaître à tous sa présence, et, pour
mieux confondre les bardes de Maelgwin, se
mit à chanter avec une telle force que son chant
déclencha une tempête qui s’apaisa aussitôt les
dernières notes retombées.
Maelgwin, reconnaissant alors qu’il surpassait
tous ses bardes et probablement tous ceux du
royaume, fit amener Elfin dont il fit tomber les
chaînes. L’oncle et le neveu désormais réconciliés, Taliesin conseilla à Elfin de prétendre qu’en
plus de la femme la plus fidèle et du barde le
plus talentueux, il avait également le cheval le
plus rapide, ce qu’il fit. Trois jours plus tard, une
course était organisée et Taliesin alla trouver
le coureur de Elfin et le muni de 24 branches
de houx brûlées en lui donnant pour instruction d’en frapper chaque cheval qu’il dépasserait
avant de jeter son manteau là où le sien ferait
un faux pas.
Ainsi fut fait et après qu’Elfin eut remporté
la course, Taliesin l’emmena là où était tombé
le manteau en lui conseillant de creuser à cet
endroit précis. Il y trouva un chaudron remplit d’or et, s’étant acquitté de sa dette, lui ayant
établi considération et richesse, Taliesin quitta
Elfin.
C’est ainsi que Taliesin parcouru les terres du
monde pour y trouver le sujet de nouvelles chansons et parfaire sa connaissance en toute chose.
De mon côté, moi Afang Du laissé pour compte
à côté du chaudron qui m’explosait proche du
visage et me défigura une nouvelle fois. Enfin ce
n’était pas grand-chose pour moi qui était déjà
le plus laid des hommes.
Tout ce que je vis, entendis et ressentis en
racontant la vie de mon frère m’indiquait que
ma vie aussi et mon exemple était une richesse
pour notre tribu. Ainsi du fond de mes apparences fort repoussantes se cachait un joyau que
mes gardiens avaient bien pris soin de cacher
à l’endroit où personne ô grand jamais n’oserait
venir chercher trésor. Malgré mon ignorance,
ma laideur, ma noirceur, au fond de mon cœur
vivait une énergie héritée des mémoires intemporelles depuis ma naissance. L’intelligence que
ma mère souhaitait tant m’offrir était déjà présente, mais tout indiquait que la magie réside
dans les yeux au travers duquel on regarde. Que
de lumière il n’est question que d’obscurité et
de front lumineux une noirceur repoussante.
Ô grands inspirateurs de légendes, délivrez le
message que le chemin parcouru aux grandes
frasques de ce monde semble très valorisant,
mais parfois le plus gros du travail ne réside-t-il
simplement dans la manière de voir les choses ?
Mais alors osons-nous regarder le plus sombre
et le plus hideux en nous-même et chez nos
congénères ??
Ainsi je devins Avagonios, maître des Bardes à
l’égal de mon frère.
page 17
L’epopee celtique
du roi Arthur
Viviane
il était passionnément épris. Le prix qu’exigea
Merlin pour ce « service » magique, ne fit même
pas hésiter Uther : l’enfant à naître devrait être
L’univers arthurien est indisso- remis, sans question, ni condition, aux soins et
ciable de la mythologie celtique.
à l’éducation du druide. Neuf mois plus tard,
Arthur voyait le jour et était confié à une famille
de paysans en qui Merlin avait une totale
confiance. L’éducation d’Arthur devait être celle
du peuple celte. En outre, il pourrait éventuellement bénéficier d’un enseignement guerrier
réservé aux jeunes hommes les plus prometteurs
de la société celtique. Quand le moment serait
venu, Merlin reviendrait chercher son protégé
pour le conduire vers sa destinée royale et l’informer quant à la nature exacte du rôle qu’il
aurait désormais à assumer.
La conception et la naissance d’Arthur sont très
représentatives de l’esprit celtique au moment
de la christianisation du druidisme en Irlande.
À l’époque mythique où se déroule la légende,
la Grande Bretagne est divisée tant sur les plans
géographique et politique que religieux.
Le père d’Arthur, le roi Uther Pendragon, est
un valeureux guerrier. Il avait, paraît-il, des serpents tatoués sur ses poignets, ce qui dénonce
son appartenance aux anciennes croyances druidiques. Le véritable défi d’Uther consiste à lutter contre les dissensions du peuple celte : d’un
côté, les tenants de la nouvelle doctrine chrétienne et, de l’autre, les disciples druidiques. Il
lui manque la diplomatie nécessaire pour rallier
ses troupes, condition sine qua non pour espérer
vaincre les Saxons. Le druide Merlin prophétise
la venue prochaine d’un grand roi qui permettra à l’Angleterre de retrouver son homogénéité
politique et religieuse et ainsi d’augmenter la
puissance du royaume de Grande Bretagne.
Grâce à la magie druidique de Merlin, Uther
Pendragon a conçu ce futur roi avec une
ancienne druidesse de l’île d’Avalon, Ygerne,
convertie au christianisme par son mariage avec
le duc Gorlois de Cornouailles. Le druide avait
donné l’apparence de Gorlois à Uther afin que
ce dernier puisse s’introduire dans le château
du duc et visiter, sur sa couche, la femme dont
Sur le plan mythologique, le personnage d’Arthur incarne donc l’ensemble des classes et
fonctions que l’on reconnaît à la civilisation celtique : royale par Uther, sacerdotale par Ygerne,
guerrière et paysanne par sa famille adoptive.
Merlin joue d’abord un rôle dans la conception
d’Arthur, plus tard il décidera de son éducation
et fera partie de son conseil. Ainsi se tisse symboliquement la trame mythique de la légende.
Que ce soit par l’utilisation de la magie ou par
l’enseignement de la sagesse religieuse, le personnage de Merlin incarne le principe masculin
dans le grand processus de la fécondité, clef de
voûte de la philosophie druidique.
Pour pouvoir être intronisé, Arthur devra retirer
l’épée Excalibur d’une pierre, symbole de l’ascension à la souveraineté celtique. Or cette épée
a été fabriquée par les druidesses de l’île d’Avalon et est donc investie d’un pouvoir magique
et druidique. Ensuite, elle sera transmise à
Merlin par Viviane, la Dame du lac et grande
druidesse d’Avalon. À l’aide d’un sort, le druide
a planté l’épée sacrée dans une pierre. Seul
Arthur pourra l’en extraire. Non seulement ce
rituel d’intronisation est typiquement celtique
dans son déroulement, mais encore il démontre
la véritable origine du pouvoir souverain du roi
Arthur, la religion druidique et son fondement
féminin.
Par Excalibur, le règne d’Arthur devrait être
empreint de la philosophie du druidisme qui
préconise, entre autres lois, l’équilibre, l’harmo-
page 18
nie, le respect de la continuité des cycles de la
vie et le principe de la complémentarité conceptuelle. Grâce à Excalibur, le roi Arthur devient
tributaire de l’alliance entre les chrétiens et
les disciples druidiques, ceux-ci constituant
désormais le peuple celte. Il rallie ses troupes
avec brio et gagne plusieurs combats contre les
Saxons sous l’étendard des deux bannières : le
dragon druidique d’Uther Pendragon et la croix
chrétienne. C’est l’apogée du règne arthurien.
Le roi Arthur épouse Guenièvre, une chrétienne convaincue qui voit dans les anciennes
croyances druidiques une menace satanique
constante planant sur la Grande Bretagne.
À force d’insistance, elle finit par convaincre
Arthur de n’afficher que la bannière chrétienne.
Dès lors, ses troupes se divisent et s’affaiblissent.
Le mécontentement atteint son paroxysme
lorsque, dans une ultime tentative pour sauver
son peuple, le roi Arthur demande à ses chevaliers de lui rapporter le Graal, symbole d’immortalité et d’abondance tant pour le christianisme que pour le druidisme.
Sur le plan mythologique, Arthur est né de l’espoir de survie du druidisme et il devint un roi
légendaire grâce à la volonté druidique d’harmoniser les différentes croyances religieuses
en territoire celte. La déchéance du royaume
arthurien tient de la trahison d’Arthur envers
les anciennes croyances. Le christianisme montant favorisera la disparition des valeurs druidiques. À sa mort, Arthur remettra Excalibur
à Morgane, sa demi-sœur, amante et druidesse,
qui la rapportera sur l’île sacrée d’Avalon, ultime
lieu de culte de la Grande Déesse.
Comme le démontre ce bref résumé de l’épopée arthurienne, quelques femmes ont tenu des
rôles-clefs dans le développement de la légende.
Fille d’Ygerne et de Gorlois de Cornouailles,
Morgane est née cinq ou six ans avant Arthur.
Déjà à cet âge elle manifeste des dons pour
la divination et la magie que l’on associe à ses
origines matrilinéaires, traditionnellement
druidiques et sacerdotales. Sa physionomie la
rapproche étrangement d’un peuple beaucoup
plus ancien de la Tradition celtique, le Monde
des Fées. Tout comme la Morrigane irlandaise,
Morgane possède une petite constitution et elle
a les cheveux et les yeux de la couleur du corbeau. En outre, sa beauté réside dans le profond
mystère qu’elle exhale.
Issus de la même origine matrilinéaire et druidique, les personnages de Morgane et d’Arthur
incarnent la nécessité de la complémentarité du
féminin et du masculin dans la création de tout
processus fécond chez les Celtes. Contrairement
à la dualité conceptuelle du christianisme, dans
la perspective druidique, ces deux polarités ne
s’opposent pas, elles se complètent pour ainsi
rappeler la véritable origine religieuse de la souveraineté celtique. Pour Thibaud, Morgane ne
porte pas qu’une partie de l’essence arthurienne,
elle est la reine du royaume mythique et typiquement religieux de son demi-frère.
Née de la mer (mori-gena), personnage essentiel
de la mythologie des peuples d’Armorique et
du Pays de Galles, Morgane est une des manifestations de la Déesse-Mère primordiale d’où
émane toute vie. Elle est la Reine de la Terre des
Fées et de l’Eternelle Jeunesse, de l’île d’Avalon et de l’Autre Monde. C’est dans ces lieux
interdits aux vivants que demeurent les dieux,
les héros et certains hommes après leur passage
terrestre.
Morgane possède son propre royaume, beaucoup plus imprégné des valeurs mythiques du
druidisme que de l’organisation politique de la
civilisation celtique.
Parce que druidesse, Morgane est aussi une initiatrice sexuelle. D’ailleurs, c’est elle qui, lors d’une
fête de Beltaine, a incarné la Grande Déesse
pour s’unir au représentant du dieu cornu, son
demi-frère Arthur. Tous deux inconscients de
leur véritable identité lors de ce rituel sacré, un
fils est né de leur union, Mordred. Tel un justicier spirituel, et devant la trahison religieuse du
roi Arthur face au druidisme, Mordred, éduqué
dans les anciennes croyances et devenu adulte,
assassinera consciemment son père au terme
de l’épopée arthurienne. Morgane ramènera le
corps d’Arthur sur la terre mythique d’Avalon, démontrant ainsi les véritables origines et
appartenances religieuses du défunt.
Morgane est présente à la conception, à la naissance, au règne et à la mort d’Arthur. De plus,
elle enfante le seul et unique descendant du roi.
page 19
le roi Arthur. Or, nous avons
constaté que l’alliance druidique ne revêt pas ce caractère
existentiel pour le féminin celtique. De plus, les préoccupations particulièrement culpabilisantes pour Guenièvre, face
à l’adultère (l’amour secret que
porte Guenièvre à Lancelot
est bien connu) et à la stérilité
par exemple, soulignent son attachement à des
valeurs typiquement chrétiennes et essentiellement féminines à l’intérieur de cette pensée
religieuse. À l’image des principaux archétypes
féminins du christianisme, Guenièvre accède
à la souveraineté par le masculin et règne sur
un royaume, qui bien que mythique dans la
légende, demeure sociopolitique, c’est-à-dire
plus près de la condition humaine que du religieux et du divin.
Dans l’épopée légendaire, Guenièvre incarne la
plus juste représentation archétypale du féminin chrétien.
Dans la légende, cette incarnation du féminin
n’est pas féconde et, symboliquement, la stérilité de la reine, se manifeste par le manque
de prospérité du royaume, du peuple et de la
souveraineté.
Quant au personnage de Guenièvre, l’épouse C’est à ce moment que débute l’ultime croisade
du roi Arthur, il apparaît impossible de nier du roi Arthur, la Quête du Graal.
son attachement aux valeurs chrétiennes et son
aversion pour les croyances druidiques. Elle se Texte tiré du livre de Manon B. Dufour, La
méfie tout particulièrement de Morgane et de magie de la Femme celte.
Viviane, qu’elle associe volontiers à des sorcières
mandatées par Satan pour détruire le royaume
d’Arthur. Sa conversion au christianisme est
totale et sans équivoque. Guenièvre est le
seul personnage féminin de la légende arthurienne à ne présenter aucune ambiguïté quant
à son appartenance aux valeurs chrétiennes. Par
ailleurs, tout au long du mythe, elle manifestera
des préoccupations propres à cette idéologie
religieuse et se verra aux prises avec des situations qui relèvent surtout de la perception chrétienne du féminin.
Contrairement aux protagonistes féminines
druidiques de la légende, Guenièvre n’existe sur
le plan mythologique et ne participe au déroulement de l’histoire que par son mariage avec
page 20
Une approche de la
mythologie celtique
« D’autres
peuples ont élevé à
leurs dieux des temples et leurs
mythologies mêmes sont des temples,
dont l’architecture reproduit la symétrie d’un
ordre cosmique et social… à la fois cosmique et
social. C’est dans la solitude sauvage du nemeton, du bois sacré, que la tribu celtique rencontre
ses dieux, et son monde mythique est une forêt
sacrée, sans routes et sans limites. »
Marie-Louise Sjoetedt
Astur
BRITT
Elle féconde en quelque sorte le
destin du personnage d’Arthur,
justifiant ainsi l’existence même
de la légende arthurienne.
Le personnage de Viviane,
bien que plus subtil que celui
de Morgane dans ses interventions auprès du royaume d’Arthur, n’en est pas moins fondamental à la trame mythique
de la légende. En effet, Viviane est la Grande
Druidesse de l’île d’Avalon. Dernier refuge
pour les anciennes croyances, cette île offre l’enseignement de la doctrine druidique, la formation de druidesses et un ressourcement religieux
pour les druides intervenant dans la légende
arthurienne. Nulle part dans l’épopée mythique
il n’est fait mention de l’origine ou du lieu de
formation sacerdotale des druides. Mais le haut
lieu des connaissances druidiques demeure
sans contredit l’île d’Avalon où Viviane règne
en Grande Druidesse aux pouvoirs magiques
et absolus. À ce titre, elle incarne l’archétype
sacral par excellence du druidisme, soit la
Grande Déesse-Mère. Elle représente l’essence
et le fondement de la philosophie religieuse du
druidisme.
« Tout comme la langue, la mythologie commune des indo-européens des origines a évolué
en se diversifiant. Il n’a guère subsisté de points
communs entre la mythologie fantastique des
Celtes, et celle, rationalisée, de leurs voisins, les
peuples méditerranéens. On sait que
ce qui caractérise
la religion grecque
et ses mythes, c’est
l’idéalisation
de
l’ordre, de l’équilibre, de la mesure. La sacralité
s’y puise dans la perfection des formes. Et la
société des dieux y est étroitement hiérarchisée.
Ils ont un chef qui est garant de l’ordre universel, le gardien des lois, l’incarnation même de la
Loi. Sous ces ordres, chaque dieu, chaque déesse
exerce une fonction bien déterminée, possède ses
attributions propres : il y a le dieu de la forge, la
déesse de l’amour et celle de la chasse…. Toute
la vie céleste est bien réglée, bien policée.
On ne trouve rien de semblable dans la mythologie celtique, qui est beaucoup plus bouillonnante et échevelée. Les dieux n’y sont ni hiérarchisés ni spécialisés. Ils peuvent avoir des
caractères très accusés, vivre des aventures
époustouflantes, mais ils ne sont jamais cantonnés dans une fonction définie et ont de tout
autres préoccupations que de maintenir dans
l’univers l’ordre et l’équilibre. Ils sont conscients
qu’un harmonieux désordre est un effet de l’art.
Loin d’incarner la mesure, ils font éclater, au
contraire, la fantaisie et la démesure. On ne les
imagine pas comme des parangons de beauté :
ce qui importe, ce n’est pas la perfection des
formes, c’est l’étrangeté…
Mais là où la mythologie celtique se différencie le plus radicalement, c’est en ce qui concerne
le séjour des immortels. Les divinités grécoromaines constituent une petite société très
structurée, semblable aux sociétés humaines,
mais vivant à l’écart des hommes sur le sommet
du mont Olympe. Au contraire, les dieux celtes
vivent en tribus nombreuses sur terre, dans les
airs et se mêlent volontiers aux vivants. Les
deux mondes s’interpénètrent… »
La mythologie Celtique, de Yann Brekilien
(extraits)
Cernunnos
« Suis le chemin jusqu’à une grande clairière
unie ; au milieu s’élève un tertre sur le haut duquel
tu verras un grand homme noir, aussi grand au
moins que deux hommes de ce monde-ci ; il
n’a qu’un seul pied,
et un seul œil au
milieu du front ; à
la main il porte une
massue de fer, et je
te réponds qu’il n’y
a pas deux hommes au monde qui ne trouvassent leur faix. Ce n’est pas qu’il soit un homme
méchant, mais il est laid. C’est lui qui garde la
forêt et tu verras mille animaux sauvages paissant autour de lui. Demande-lui la route qui
conduit hors de la clairière. Il se montrera bourru à ton égard, mais il t’indiquera un chemin qui
te permette de trouver ce que tu cherches. »
Les Mabinogion, traduction de J. Loth.
page 21
Dieux, Deesses &
Personnages
Quand la mythologie
celtique inspire les artistes…
Nombreux
Morgane
BRITT
sont ceux qui sont inspirés par la mythologie celtique : historiens,
romanciers, poètes, musiciens… C’est également le cas pour les peintres et dessinateurs qui
illustrent les divers mythes et surtout les Dieux
et Déesses à l’aide de couleurs et symboles.
C’est vers ces artistes que nous allons nous pencher et qui vont nous faire voyager à travers des
personnages et des divinités qui se révèlent toujours aussi passionnants.
J’ai choisi de me concentrer uniquement sur
certains artistes que je connais bien afin de délimiter un peu mon champ de travail.
le 1er février. Ici, elle est représentée avec une
lumière dans les mains, rappelant le renouveau
qu’elle apporte. À ses côtés, nous trouvons un
petit veau, symbole de la renaissance de la vie au
mois de février, la sortie de la période de l’Hiver.
La nature environnante derrière elle nous
montre également cet aspect de saison, avec des
arbres et une végétation comme endormie et
dans l’attente de la lumière.
On note également que Brigit est souvent
associée à Rhiannon et Epona, deux Déesses
semblables.
On trouve l’illustration de la Divinité très séduisante, mais à la fois imprévisible et menaçante.
Pour continuer dans les Dames du Mabinogi,
nous trouvons également des illustrations
d’Arianhrod, mère du Dieu Llew Llaw Gyffes.
Elle est présente dans la quatrième branche du
Mabinogion et son nom signifie « Roue d’Argent ». En effet, cette Déesse nous apprend l’aspect cyclique de la vie, la roue qui tourne, la vie
et donc la mort. Jessica Galbreth nous montre
bien cette notion en illustrant une roue juste
derrière la Déesse.
Epona - Briar
Déesses, Dames et Créatures de la
mythologie celtique
Un autre aspect de Brigit, beaucoup plus guerrier et vindicatif est la Déesse Morrigan. Elle
peut à la fois encourager les guerriers ou leur
inspirer la peur. Détentrice des savoirs, elle
est illustrée ici dans la couleur de la mort, en
noir. Elle est accompagnée d’une corneille en
référence au Táin Bó Cúailnge, lorsque celle-ci
regarde l’agonie de Cúchulainn, sous la forme
de cet oiseau.
Rhiannon - Jessica Galbreth
Brigit - Jessica Galbreth
Brigit ou Brigantia, Grande Déesse celte, est
une figure importante dans la mythologie celtique. Déesse Mère, elle apporte le renouveau, la
lumière dans nos cœurs, lors de la fête d’Imbolc
En effet, on remarque que dans les deux cas, les
deux artistes les ont accompagnées de chevaux.
Lorsqu’on connait le mythe de Rhiannon, dans
le Mabinogi, nous comprenons mieux pourquoi
ce symbole apparait : dans la première branche,
elle est la cavalière inconnue qui intrigue Pwyll,
prince de Dyved et deviendra par la suite
l’épouse de celui-ci.
Quand à Epona, son nom signifiant « Grande
Jument » en gaulois, rien d’étonnant de trouver
aux côtés de cette Dame, un magnifique cheval,
illustrée par Briar. Tout comme Brigit, ce sont
des Déesses associées à la féminité et à la fécondité, elles sont donc dessinées d’une manière
plus féminine que Blodeuwedd par exemple.
page 22
Arianhrod - Jessica Galbreth
Morrigan - Jessica Galbreth
On remarque également une chouette à ses
côté, peut-être une référence à sa belle-fille
Blodeuwedd ?
N’oublions pas pour autant des Déesses beaucoup plus sombres et mystérieuses comme
Ceridwen, Déesse magicienne aux grands pouvoirs, pouvant à la fois donner la vie ou la retirer.
En effet, dans la mythologie celtique, cette
Divinité cherche à rendre Morvan, son fils
monstrueux, un homme sage et respectable. Elle
fit mijoter une potion de connaissance pendant
un an et un jour mais celle-ci fut goûtée d’abord
par Gwion Bach. Après plusieurs transformations, celui-ci devint Taliesin. On retrouve dans
page 23
l’illustration de Jessica Galbreth le chaudron, le
symbole le plus important de la Déesse.
On remarque aussi qu’elle est accompagnée
d’une chouette dans les deux œuvres mentionnées. C’est une façon pour les deux dessinatrices de montrer le destin assez tragique de
ce personnage qui, après sa trahison envers le
Dieu Llew, est transformée en chouette afin que
celle-ci demeure dans les ténèbres et la nuit.
Il est également à noter que Blodeuwedd est
toujours représentée jeune et pure. Elle pourrait
représenter le tout début du Printemps, jeune
et fragile.
les contrées, mais celui-ci excelle dans de nombreux arts : magicien, guerrier, guérisseur… Il
assure protection et conseil.
Il est représenté ici par le soleil et une nature
au sommet de ses possibilités : en effet, ce Dieu
est associé à la fête de Lugnasad, le 1er août,
qui symbolise les récoltes, l’abondance et la
prospérité.
On note que cette divinité pourrait être associée à un arcane de tarot, le Soleil, qui symbolise
l’apogée dans tous les domaines.
Et les Dieux alors ?
Dans mes recherches, j’ai eu beaucoup de mal à
trouver des illustrations convenables des Dieux
peuplant la mythologie celtique. Peut-être estce dû au fait que les artistes que je connais se
concentrent davantage sur les Déesses, étant
donné qu’il s’agit de femmes.
Cependant, voici quelques personnages que j’ai
pu trouver.
Ceridwen - Jessica Galbreth
On pourrait également l’associer à l’Hiver,
Blodeuwedd – Selina Fenech
comme le montre la nature environnante derrière elle.
Selina Fenech a choisi de la représenter avec
de nombreuses fleurs autour d’elle, sachant que
son nom signifie : « Visage de Fleurs » En effet,
cette jeune femme fut conçue à partir de fleurs
de genêt, de chêne et de reines-des-prés. Du
coup celle-ci est généralement représentée avec
de nombreuses fleurs, comme c’est le cas avec
Jessica Galbreth qui orne ses cheveux de fleurs
printanières.
Cernunnos – Mickie Mueller
Blodeuwedd - Jessica Galbreth
Pour terminer en douceur, Blodeuwedd est une
créature créée pour être l’épouse de Llew Llaw
Gyffes.
page 24
Blodeuwedd - Jessica Galbreth
De cet artiste, Mickie Mueller, nous trouvons
également une illustration de Cernunnos,
Dieu gaulois symbolisant les cycles de la vie, la
nature et la virilité. Comme sur le chaudron de
Gundestrup, il est représenté avec des bois de
cerf, référence à son nom « Cornu », d’où l’apLugh – Mickie Mueller
pellation du Dieu Cornu.
Il porte également un torque, bijoux emblémaVoici une très belle illustration du dieu Lugh, tique des Gaulois. On retrouve sa posture, en
divinité très importante et complexe de la tailleur, tels que sont représentés les héros et
mythologie celtique. Ses noms sont divers selon Dieux celtes.
page 25
Derrière lui, la nature est verdoyante et abondante, on peut donc considérer qu’il s’agit de
l’Été et donc associée à la fertilité et aux récoltes.
Arthur
Lancelot
Viviane
Taliesin – Mickie Mueller
Pour terminer, voici une illustration de Taliesin
que nous avons évoqué tout à l’heure avec
Ceridwen, par Selina Fenech. On retrouve derrière lui le Tribann, symbole druidique, et il
porte la couleur bleue, qu’on peut associer aux
Bardes.
En effet, Taliesin est la réincarnation de Gwion
Bach, celui qui reçut sans le vouloir la potion de
connaissance de Ceridwen.
Après de multiples transformations, il devint
Taliesin et fut abandonné par la Déesse.
Le Cycle Arthurien
Même s’il ne s’agit pas d’illustrations directement liées à la mythologie celtique, nous pouvons malgré tout nous pencher sur le cycle
arthurien, qui est étroitement lié à notre thème.
Nous pouvons donc découvrir le travail de
Zéphir d’Elph, qui a illustré différents personnages importants.
page 26
Merlin
Guenièvre
Afin de continuer ce voyage, je vous propose
de visiter les sites internet de ces artistes pour
admirer leurs autres œuvres : Selina Fenech :
http://selinafenech.com/ ; Jessica Galbreth :
http://www.enchanted-art.com/ ; Mickie
Mueller : http://www.mickiemuellerart.com/ ;
Zéphir d’Elph : http://www.lechantdestoiles.
com/28zephir.html
Morgane
Ces œuvres ne sont que le reflet de mes errances
sur Internet et ce texte n’est en aucun cas
complet.
C’est donc un article à poursuivre et à compléter
au fil du temps, l’inspiration de ces artistes restant inépuisable.
page 27
Auetos
BRITT
Interface entre
mythologie
et onomastique
Approfondissements onomas-
Les bois de cerfs étaient bien faits pour symboliser le cycle de renouvellement annuel. En
effet, - citons ici Paul-Marie Duval à propos du
cerf : « Cet hôte des forêts a ... l’étonnant privitiques et mythologiques sur lège de perdre chaque année et de voir repousquelques divinités marquantes ser ... sa ramure, signe du renouveau ... Les bois
de la celticité antique
du cervidé symbole de force ... mais d’une force
qui vit, meurt et renaît au rythme de la nature
Esus et Cernunnos
végétale. »
Deux avatars cycliques de la même entité, collectivement nommée Eberrios.
Le mythe :
1. Rigu, (alias Cantismerta), déesse faisant partie
Le mérite de l’élucidation de cette importante d’une triade « céleste » de « mères » est l’épouse
donnée de la mythologie celtique revient au de Taranis, dieu du Ciel. Cependant, elle désire
regretté J.-J. Hatt.
chroniquement le quitter pour rejoindre Esus,
Son raisonnement est basé sur diverses bribes une divinité terrestre (parmi d’autres). Elle veut
de données mythologiques extraites de sources fuguer pour le retrouver même sous terre et
diverses dont la synthèse critique se trouve assez l’épouser.
corroborée par l’archéologie décryptant l’ima- 2. Rigu s’échappe et accompagnée des autres
gerie retrouvée dont les sources sont diverses Mères, (de sa triade poly-unitaire) va retrouelles aussi :
ver Esus sous terre mais c’est Cernunnos
a Les chaudrons trouvés à Brå, Rinkeby qu’elles rencontrent puis tombent vite sous sa
et Gundestrup, respectivement estimés du souveraineté.
3e siècle, du 2e et des environs de - 60 avant notre 3. Smertrios sacrifie un cerf, ce qui permet à
ère - ce dernier étant le seul retrouvé complet : Cernunnos et aux déesses de remonter à la sursource cimbrique dans l’actuel Danemark, chez face. Cernunnos perdant ses bois peut redevenir
un peuple germanique avec classes dirigeantes Esus, - un Esus qui sort à la lumière (aveuglante
celtisantes.
pour lui) par une source mais se trouve alors
a Le pilier des Nautes et diverses autres repré- frappé de cécité.
sentations d’Esus, de Cernunnos, du Taruos 4. Courroucé par la fugue de Rigu, Taranis la
Trigaranos et de leurs entourages retrouvées en transforme en grue ainsi que ses deux « assoGaule et dans la Celtogalatie Danubienne.
ciées » dès qu’elles ont refait surface ; - ces trois
grues voltigent désormais au dessus du Taureau
Ce qui suit consiste en un résumé de sa présen- d’Esus, et comme des pique-bœufs (en Afrique),
tation dans son ouvrage précité, complémenté elles se posent même familièrement sur son
par des éléments de référence au calendrier gau- dos : c’est l’origine du groupe mythique du
lois, notamment.
Taruos Trigaranos, le Taureau aux trois Grues.
Ces deux divinités n’en faisaient qu’une : deux L’astronymie celtique les identifie alors aux
facettes saisonnières de la même entité.
Pléïades, au-dessus du Taureau proprement dit
Esus était « actif » durant Samorotlio, demie dans la constellation de ce nom ; dans celle-ci
année « claire » : c’était Cernunnos dépouillé l’Œil du Taureau (Sul Tarui) est l’étoile α Tauri,
de ses bois. Cernunnos, le dieu aux bois de cerf, notre Aldébaran.
l’était au long de Giamorotlio, demie année 5. Beleinos redonne la santé à Esus sorti affai« sombre ».
bli par son séjour souterrain et le guérit de sa
Autrement dit, leur alternance symbolisait cécité temporaire, mais celui-ci ne peut épouser
le changement alternatif d’hémisphère du Rigu déjà transformée en grue. Il lui faut alors
Sonnocinχs (Sonnocingos au génitif sg), c’est- se cacher en forêt dense où, habillé comme un
à-dire de la « marche » apparente du Soleil sur travailleur, il doit se frayer un chemin à coups
l’écliptique.
de serpe.
page 28
6. Situation conflictuelle au panthéon car
Toutatis, Smertrios, Belenos, Loucetios et aussi
les Emni, gémeaux fils de Rigu, prennent parti
pour elle et Esus contre Taranis ; péripétie
du conflit, le combat singulier du sanglier de
Toutatis contre le lion de Taranis.
7. Smertrios sacrifie un taureau dont le sang
met fin à la métamorphose de la triple déesse.
8. Rigu épouse enfin Esus et a tôt fait de le
dominer mais leurs amours conjugaux ne dureront pas deux lunes...
9. Taranis a tôt fait de la récupérer
(« Assomption » de Rigu). Tandis que sa ramure
commence à repousser, Esus entre en mutation
et se retrouve tôt contraint à se réfugier sous
terre où il redevient tout-à-fait Cernunnos.
... et ainsi de suite selon le cycle calendaire celtique ...
Noter au passage une transposition astronymique de ce mythe : Esus pour Véga, Taruos
pour la constellation du Taureau dans laquelle
Aldebaran est Sul Tarui = l’œil du Taureau et
les Trois Grues, Tris Garanai, sont les Pléïades.
Noter encore que la plus brillante étoile des
Pléïades (Alcyone, η Tauri) fut nommée Maiia
en astronymie celtique ancienne. Cette Maiia,
malgré sa paronymie n’était pas vraiment parallèle aux Maea latine et Maia grecque, mère
de Mercure/Hermès. Par un syllogisme bien
hasardeux, basé sur l’astronymie, il faudrait
alors poser Maiia = Rigu, autre nom de la Maira
Dagodeua Matrona Anna. Cependant, l’assimilation de Maiia à ladite Maea // Maia hellénique se heurte à plusieurs difficultés :
1. Généalogie mythologique : du côté celtique
Matrona, etc., alias Rigu, est la grande déesse
Terre-Mère épouse tumultueuse du dieu du
Ciel, le *To-Ueranos > Taranos > Taranis parallèle à l’Uranus latin, à l’Ουραnoς grec et au
Varuna aryen. Du côté mythologique grécolatin, Maea // Μaia est la fille d’Atlas, donc au
mieux la petite-fille d’Uranus.
2. Si l’on pose l’équation mythologique grécolatine / celtique généralement admise Mercure/
Hermès = Lug, on se heurte à une complication supplémentaire : Lug a pour mère Etliu
en mythologie goidélique et Argantoreta >
Arhianrhod selon la britonnique ; le rapprochement entre Etliu et Argantoreta pose déjà
des difficultés au niveau inter-celtique ; le tour
de passe-passe permettant seul une telle identification serait d’en faire un même avatar de la
Matrona Anna, sans égard à leurs « parents »
mythologiques respectifs.
3. En astronymie celtique ancienne, si Maiia
est la plus belle étoile des Garanai (Pléïades),
Argantoreta, « Roue d’Argent » y est la constellation de la Couronne Boréale.
4. En astronomie moderne, et dans l’ignorance
apparente de la Maiia celtique, le nom de Maïa
a été attribué à une autre étoile des Pléïades : 20
Tauri, moins brillante qu’Alcyone. En fait, les
sept filles d’Atlas et de Pleïone sont nommées
dans ce groupe ainsi que leurs parents : c’étaient
en mythologie grecque Alkyonè, Astéropè,
Èlektra, Kélainè, Maya, Méropè et Taügétè.
- Différence donc avec la mythologie celtique
où Rigu était un avatar de la Matrona Anna et
où les « Mères » transformées en grues constituaient assez probablement les deux autres
facettes de sa triade poly-unitaire, puisque les
Celtes ne situaient que trois Grues dans les
Pléïades. Celles nommées collectivement les
Annaneptiai, « nièces (ou petites-filles) d’Anna », des « mères » de seconde voire troisième
génération, ne peuvent pas logiquement avoir
été impliquées dans ce cycle…
Si l’on totalise les aspects soit communs soit
particuliers d’Esus et de Cernunnos, on conçoit
que cette entité divine avait pour domaines la
Nature et son cycle, les richesses forestières et
souterraines et, dans une moindre mesure, la
mort, peut-être en fonction d’accompagnement ; somme toute, selon une formule proposée par Alain le Goff : « le très ancien dieu celtique
de la prospérité sans cesse renouvelée, et du temps
que la nature accorde aux humains. »
Cycle calendaire gaulois quant aux noms de
mois :
Cantli (PL de la Balance) : Esus commence à se
muer en Cernunnos,
Samoni (PL du Scorpion) : Cernunnos est rentré sous terre,
Atenoux Riuri (NL du Capricorne) : Rigu et les
page 29
Mères descendent sous terre,
Ogroni (PL des Poissons) : Sacrifice du cerf,
Cuti (PL du Bélier) : Sacrifice du taureau,
Giamoni (PL du Taureau) : Mariage Esus-Rigu,
Atenoux Elembiui (NL du Lion) : Assomption
de Rigu.
Position en organigramme mythologique
Reste le problème de la position généalogique
d’Esus-Cernunnos dans l’organigramme d’une
mythologie pan-celtique.
Une solution plausible est l’intégration dans la
descendance de Miletos (> Miled), lui-même
fils de Belatumaros (> Bile/Belimawr) et de
Danu (> Danu/Don).
Voici pourquoi : la théonymie gauloise comprenait un Eberrios sans indication de position généalogique et qui réapparaît dédoublé
en mythologie médiévale irlandaise comme
Eber Donn (< Donnos Eberrios) = Eberrios
le sombre et Eber Finn (< Uindos Eberrios) =
Eberrios le Clair, tous deux fils de Miled. Or ce
dédoublement goidélique fait forcément penser
à l’alternance gauloise Cernunnos-Esus.
Ceci permet donc de compléter ce point de
théonymie : une alternance Eberrios-Esus /
Eberrios-Cernunnos.
Davantage sur Cernunnos
Le dieu à la large ramure de cerf est nommé
Cernunnos en Gaule proprement dite et
Cernenos en son prolongement oriental, la
Celtie Danubienne, - des noms signifiant « le
Cornu » - (encore Kernon en breton actuel).
Plus tard, on le retrouve même à Rome, où les
Romains toujours en mal d’interpretatio se le
sont appropriés comme Iuppiter Cernenus.
Cette assimilation était erronée car contraire au
caractère chtonien de Cernunnos, considéré par
extension comme d’une part associé au monde
souterrain des morts et d’autre part paraissant
commander au monde animal ; le serpent à tête
de bélier (peut-être appelé Segomo) est parfois
représenté auprès de lui.
Ce dieu aux bois de cerf est souvent représenté
assis les jambes croisées en tailleur dans la position du lotus.
Il porte généralement un torque autour du cou,
parfois un autre à la main et même deux torques
de rechange dans ses bois.
Son visage large et plutôt aplati évoque probablement le soleil couchant dont le disque apparaît déformé dans les basses couches de l’atmosphère, comme écrasé au-dessus de l’horizon.
Dans la dizaine de témoignages archéologiques
retrouvés et conservés, c’est un homme âgé, le
plus souvent représenté chauve : c’est ainsi que
les Celtes symbolisaient la sagesse acquise avec
l’âge (comme aussi pour Ogmios)...
Un caractère crépusculaire puis nocturne ressenti dans la pensée celtique où le changement
de date était à la tombée de la nuit, la nuit précédant donc le jour dans le nycthémère « latis »
celtique. De même pour ceux des druides qui
pensaient « réincarnation », la mort précédait
normalement la vie.
En Albion, il pourrait se trouver rapproché d’un
*Sidodunios = homme-cerf ou cerf-homme,
qui paraît à l’origine du Hyddon de la mythologie galloise, mais ce dernier se trouve placé
plus bas que l’Esus/Cernunnos gaulois dans la
hiérarchie des déités brittoniques en l’état où le
livre la littérature médiévale : il y était petit-fils
de Don = Danu par une étrange filiation, car
issu des frères Gwydion et Gilvaethwy temporairement transformés en cerf et en biche en
punition infligée à eux par leur oncle Math (un
aspect du Dagodeuos) dont Gilvaethwy avait
violé la vierge « porte-pied », Goewin grâce à la
complicité de Gwydion.
Cet Hyddon médiéval pouvait en outre faire
jeu de mots avec Hyd Dwn = Cerf Sombre en
construction médiévale où l’adjectif passe après
le nom, donc contrairement au celtique ancien
où l’adjectif précédait toujours le nom et le
précédait naturellement dans la formation des
mots composés.
Y eut-il aussi un *Donnosidos en Albion
antique ?
En mythologie irlandaise, certains caractères de
Cernunnos sont perceptibles dans le personnage
d’Eber Donn = Eber le « sombre » ; or la riche
théonymie gauloise avait un Eberrios qui permettrait de reconstituer au niveau onomastique
antique un Eberrios Donnos en Iueriu (Erin),
donc symétriquement Eberrios Cernunnos en
Celtogalatia (Gaules + Celtie danubienne).
D’autre part, Donnos est attesté comme nom
page 30
d’homme dans l’aire de langue gauloise et pas
seulement en Gaule proprement dite : (donnos
<*ðusnos, d’une racine IE qui a aussi donné semble-t-il - le latin fuscus). Cette couleur sombre
était justement celle attribuée au monde souterrain... Eberrios Donnos était réputé pouvoir
se métamorphoser en cerf, ce qui le rapproche
de Cernunnos. Ce dieu « sombre » a été rétrogradé comme tant d’autres dans la mythologie
irlandaise mise par écrit seulement au Moyen
Âge : à peine un demi-dieu petit-fils de Danu
(comme Hyddon en mythologie cambrienne) ;
il meurt noyé et a sa tombe sur une petite île
proche de la rive sud de la Baie (ou « River ») de
Kenmare/Ceann Mara : Tech Duinn < Tegos
Donni = Maison de Donnos qui passera pour
l’une des portes que l’on crut donnant accès au
monde souterrain. Ch.-J. Guyonvarc’h précise :
« La légende veut que ce soit une halte des
morts dans leur passage vers l’Autre Monde. »
Ceci recoupe une attribution peut-être tardive
faisant aussi de Cernunnos un « dieu d’outretombe » (cf. Albert Grenier).
Pour en terminer avec cet aperçu sur Cernunnos,
il faut préciser que son passage cyclique sous terre
n’en fait pas le permanent « dieu des enfers »,
un analogue à l’Hadès grec ou à l’étrusque AitéMantus, tous deux rattachés par les Latins à
leur Pluton.
Cette fonction chez les Celtes était tenue par
Medros (plus tard nommé Mider en gaélique
et Medyr en gallois), dit aussi Toutatis Medros,
- semble-t-il -, ce qui en ferait un symétrique
souterrain du Toutatis Toutioriχs terrestre.
Tout ceci se trouve encore confirmé dans le
contexte mythologique goidélique :
Eber Donn est fils de Miled (Miletos) et petitfils de Bile // Beli (Belos) : donc Eberrios
Cernunnos est bien différent de Medros et,
compte tenu de la contradiction entre les ascendances respectives, cet Hyddon (Sidodunios) ne
serait - au pis aller - qu’un avatar du dieu aux
bois de cerf.
Eber Donn « le Sombre » a un frère Eber Finn
« le Blanc-lumière » ; ceci semble un dédoublement insulaire apparemment tardif qui
aurait été inspiré de l’entité alternante gauloise
Cernunnos-Esus ; subsidiairement, cet Eberrios
Uindos pouvait passer pour une autre hypostase
insulaire d’Esus, non repérée autrement que
par une identification (discutée) de Setanta <
Setantios dit Cu Chulainn dans cette situation.
Notons enfin une épithète décernée à
Cernunnos : Uoldanos signifiant « abondamment doué » , assez analogue donc à l’Iludanacos goidélique au sens de « poly-compétent »,
d’où l’ancien irlandais Ildanach et son superlatif
Samildanach attribués à Lug - et non à Eber
Donn.
Davantage sur Esus
Plusieurs historiens et archéologues se basant
sur un passage de la Pharsale du poète latin
Lucanius = « Lucain » I, 444 à 446, qui mettait
Taranis, Esus et Toutatis sur le même niveau
ont pensé que c’étaient les trois éléments d’une
triade représentée par le dieu à trois visages, sorte
de Trimourti de la statuaire gallo-romaine. Il est
probablement vrai que sous le régime impérial
romain ces trois divinités celtiques ont pu avoir
été mises sur le même rang.
Il n’en reste pas moins que leur assimilation respective au panthéon romain posait problème.
En effet, si Taranis, à la suite de son amalgame
avec Tanaros (analogue au Donnar germanique), était surtout rattaché à Jupiter Tonnant
et moins souvent au Dispater latin, Esus le fut
surtout à Mars mais aussi à Mercure - comme
fut le cas ou le lapsus de l’annotateur anonyme
de la Pharsale (Scholies Bernoises), indiquant
coup sur coup les deux interpretationes ; quant
à Toutatis, c’était aussi tantôt Mars et tantôt
Mercure. Ceci reflète la perplexité des Romains
devant des divinités typiquement celtiques.
Tout ceci n’était pas sérieux et par conséquent,
ce ne peut être un élément pour identifier la
position d’Esus dans un panthéon celtique à la
fois touffu et évolutif.
C’est pourquoi il faut considérer soigneusement la thèse de J.J. Hatt et examiner comment
diverses autres données lui sont compatibles.
D’abord le nom celtique Esus (avec variantes
Aisus et Aesus), estropié au surplus en latin
par un H parasite : Hesus. Des adjectifs dérivés en Esuuios, Aisuuios et latinisés en Esuvius
et Aesuvius, contribuent à un éclairage sur son
page 31
étymologie. On peut poser *Aisuos > Aesus
> Esus ; ceci évoque quasi irrésistiblement le
théonyme catégoriel étrusque Ais = dieu avec
aiser comme pluriel = dieux tout simplement
sauf appellation complémentaire. Dans la même
notion, on avait ahsu en vénétique : dieu en effigie, as en sanskrit avec son dérivé asura parallèle
à l’avestique ahura, au sens complexe d’esprit et
de puissance. Probablement aussi Is en théonymie hittite. Dans les langues italiques, le sabin
aisos, - et en adjectifs esunu en ombrien, aisusis
en osque et esono en marse étaient des adjectifs
signifiant « divin ». Le germanique avait as, au
pluriel asur en écriture runique, encore représenté par æsir en islandais, mais peut-être dérivait-il d’un *ans d’où l’adjectif *ansuz, (comme l’a
proposé Kluge : nom francisé actuel : les Ases).
Au niveau conjectural de l’IE, il semble que la
notion primitive était à la fois « puissance » et
par conséquent seulement : divinité. Quant au
grec Aισα = aîsa < aitia = volonté divine > sort,
destin - d’une part, et - d’autre part - aux noms
celtiques dérivant tous deux d’aiuestus comme
aes, irlandais ancien = âge, puis gens d’une certaine époque et oes, gallois signifiant âge et aussi
durée, ce sont des mots qui n’ont rien à voir avec
Aisus > Esus.
Comme les Celtes pratiquaient le sport intellectuel des jeux de mots, il semble bien que le
nom divin Esus était riche en connotations qui
nous ont été proposées comme étymologies
alternatives :
a D’abord le préfixe esu- ancienne forme possible de su = bien, identifiée déjà au niveau de
l’IE et ayant donné parallèlement en grec le
préfixe ευ- (eu-) = bien et l’adjectif εuς (eus) =
bon ainsi qu’assus en hittite.
Noter que ce qualificatif fut aussi donné à
Beleinos alias Belenos Grannos quand on le
retrouve dans le théonyme préfixé Esubeleinos.
a Aussi uesus = bien, excellence et en adjectif = « enjoué » : « une forme issue de *vesos /
*vesus par mutation du [v-] préceltique initial,
selon un phénomène courant en phonétique
celtique » (cf Ch.-J. Guyonvarc’h).
a Et même eisu = désir, objet de voeu : « celui
dont on désire obtenir la faveur » (cf. d’Arbois
de Jubainville), un terme confirmé par l’épithète
théonymique eisutos, documentant ainsi une
variante callaïque aux adjectifs gaulois aisuuios
et esuuios.
... Autrement dit, c’était un nom « parlant » sans
grande originalité et qui ne permet pas d’en
faire un « Dieu de la Guerre » ou « Kriegsgott »
comme ceci a été écrit et répété jusqu’en définition de mots croisés. Juste un nom quasi
catégoriel : un dieu « bon » et « invoqué », une
appellation séant bien à un dieu de la Nature, et
justifiant la tentative romaine de l’identifier lui
aussi à Mercure.
Cette étymologie multiple du nom d’Esus en
fait un exemple typique de la mode druidique
pratiquant le sport des paronymies phonétiques
afin d’offrir des entendements multiples au
même nom : c’est si vrai que divers proposants
d’étymologies différentes ont chacun raison.
Somme toute c’était encore une fois le même
jeu intellectuel que celui pratiqué par les brahmanes et appelé chez eux çlesha. Les Irlandais
médiévaux poursuivirent cette gymnastique et
en ont écrit un recueil intitulé Cóir Anmann =
« Justesse / convenance des noms ».
D’autre part, des latinisants, en l’affublant d’un
inutile h initial, ont pu comparer « Hesus » (sic)
avec leur herus = seigneur.
Ajoutons que les formes de déclinaison attestées et plus ou moins estropiées en latin font
conjecturer les paradigmes suivants : Aesus ou
Esus au nominatif, Aesi ou Esi au génitif (irrégulier), Aesu ou Esu au datif (attesté en celtique), Aesum ou Esum à l’accusatif (irrégulier
aussi).
Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, on
peut considérer l’antique théonyme celtique
Eberrios, ayant évolué en Eber puis Eibhir chez
les Gaéliques, comme un nom propre dont le
sens reste encore obscur, s’appliquant à la fois
à Cernunnos et à Esus : tantôt Donnos = le
sombre, tantôt Uindos = le blanc lumineux, qui
devinrent respectivement Eber Donn et Eber
Find en irlandais médiéval.
Passons aux indications complémentaires jetant
quelques lueurs sur la mythologie afférente à
Esus proprement-dit, c’est-à-dire en sus de son
alternance d’apparence tantôt en Esus et tantôt
en Cernunnos et aussi ses hypostases (non comprises, pour commencer).
page 32
Premier temps : Esus enfant est choyé par
Toutatis qui le prend sous sa protection.
Second temps : Esus s’initie au chamanisme, en
meurt et en ressuscite.
Le principal trait connu du culte d’Esus est
la commémoration sacrificielle de son passé
chamanistique.
Les sacrifices humains jadis offerts à Esus
étaient, à en croire l’annotation du « scholiaste »
anonyme en marge du poème de Lucain, très
particuliers quant à leur forme d’exécution :
« homo in arbore suspenditur usque donec per cruorem membra digesserit » = « un homme est suspendu dans un arbre jusqu’à ce qu’à travers l’hémorragie il se défasse de ses membres ».
C’est ce qui aurait pu aussi advenir à Lugus blessé par un épieu empoisonné puis métamorphosé
en aigle blessé et perché en haut d’un arbre, s’y
décharnant avec des hémorragies purulentes si
son tuteur Uedion-Artaios (> Gwydion) ne l’y
avait retrouvé et tiré d’affaire in extrémis.
L’historien Gerhard Herm a repris à son
compte la note du scholiaste en la développant
ainsi : « Vor seinen Altären erschlug man die Opfer
jedoch nicht, sie würden an Bäumen auf gehängt
wie die Adepten bei manchen schamanischen
Initiationsriten. Dabei erfuhren sie den Tod freilich
nicht als Vision, sie starben wirklich. Im übrigen
wird er gelegentlich mit jenen Cernunnos gleichgesetzt, welcher auf dem Kessel von Gundestrup im
Buddhasitz thront. » (Die Kelten pp.240-241). =
« Devant son autel on ne tuait pas les victimes ;
elles étaient pendues à des arbres comme les
adeptes de divers rites initiatiques chamanistes.
De plus, elles éprouvaient la mort non comme
une vision, elles mouraient effectivement. Au
reste, il (Esus) se trouvait circonstantiellement
en même position que ce Cernunnos, lequel, sur
le chaudron de Gundestrup, trône assis en position bouddhique. »
Outre l’allusion à la parité Esus/Cernunnos,
ceci converge avec la thèse de Bernard Sergent
« l’Arbre au Pourri » présentée dans la revue
d’Etudes Celtiques.
Sous ce titre macabre, B. Sergent analyse le passage des Scolies Bernoises et en conclut à l’évocation du mythe d’une sorte d’exercice chamanique extrême à la limite de l’auto-sacrifice par
Esus : il se pend à un arbre fourchu, tombe en
catalepsie, meurt puis ressuscite. Des sacrifices
dont les victimes (volontaires ou non) étaient
crucifiées à des arbres en forêt et y restaient
jusqu’à décomposition cadavérique auraient
commémoré cette péripétie du mythe d’Esus.
Ceci a été ainsi résumé et commenté par P. de la
Crau : « Au paroxysme de l’expérience chamanistique, il se pend par les pieds dans un arbre
bifide et y reste jusqu’au-delà de la mort physique. D’où son association à l’idée de « résurrection » - mystique ou réelle suivant les écoles ».
C’est donc en un troisième temps que RiguCantismerta s’amourache d’Esus ressuscité
et ayant atteint sa maturité et que démarre
l’interminable
cycle
des
permutations
Esus-Cernunnos.
Tout ceci ne faisait donc pas d’Esus un spécifique « Dieu de la Guerre » et encore moins
« le Dieu de la Guerre » de mots croisés...
L’explication de cette autre mais quasi certaine
attribution se trouve dans ce qui suit.
Les avatars et/ou hypostases d’Esus
D’abord un rappel pour bien comprendre le
phénomène mythologique intégrant ces données apparemment contradictoires voire déroutantes au premier abord.
Les mythologies celtiques, bien plus que les
germaniques et presque autant que les brahmaniques, puis hindouistes à l’autre bout de l’ancien monde IE, jouaient avec quelque virtuosité
sur deux concepts dont voici les appellations
théologiques.
a Les avatars, - du sanskrit avatâra : incarnation terrestre d’une divinité souvent sous des
aspects variables (donc avec des noms pouvant
varier aussi) à chacune de ces incarnations plus
ou moins durables et assez souvent mortelles.
a Les hypostases, du grec uπoστασις = hupostasis : concrétisation d’une manifestation subordonnée et en principe dotée d’une personnalité
différente de celle de la divinité dont elle émane,
et généralement mortelle.
a Noter dans les deux cas de figure une possibilité d’ubiquité théoriquement attachée à une
divinité « de plein exercice ».
Faut-il parler de « tour de passe-passe » intellectuel des Druides quand ils s’efforçaient de
rendre mieux compréhensible ainsi à leurs
page 33
contemporains celtes ce que nous-autres trouvons irrationnel dans cette mythologie ? C’était
déjà l’opinion de l’irlandais Toland, promoteur
anticlérical d’un Néo-Druidisme plutôt maçonnique au XVIIIe siècle, pour qui les Druides s’y
entendaient comme des efficaces manipulateurs : « ... their skill not only in juggling but in
sophistry ... the art of managing the mob, which
is vulgarly called leading the people by the nose »
(History of the Druids, 1726).
Autrement dit : « leur dextérité non seulement
en tours de passe-passe mais aussi en sophistique ... l’art de manipuler la foule, qui est appelé vulgairement mener les gens par (le bout du)
nez ».
Cette description sardonique étant signalée,
on peut tout autant penser que les Druides
s’étaient honnêtement efforcés de réduire les
incohérences entre les versions mythologiques,
afin de leur donner une relative crédibilité
à des fins didactiques. Quoiqu’il en soit, les
Druides n’avaient pas inventé seules ces formules, puisqu’elles étaient très courantes chez
les Brahmanes, leurs homologues védiques
indo-aryens.
Dans le cadre de l’origine de ces croyances, il
est pratiquement établi qu’il s’agit de la déification de personnages mythifiés auteurs de faits
réels dans la protohistoire, conservés dans la
mémoire collective, puis retravaillés et amplifiés par l’imagination débordante des bardes et
vélèdes conservateurs et développeurs des traditions orales.
C’est donc seulement à travers ces hypostases,
résultant de la mythification d’un mélange
d’évènements de la proto-histoire que de dieu
de la prospérité Esus a pu passer aussi comme
un dieu de la guerre. Cette explication me paraît
plausible.
Concernant donc Esus, on peut considérer
quatre cas mythologiques : Camulos, Eberrios
Uindos, Sentontios et Oesus Catarnos, respectivement un gaulois, un goidélique, un goidélique - et - calédonien et un belgo-britonnique
en leurs champs d’action respectifs sinon en
l’origine de ce qui a été attribué à chacun.
Voici le résultat mythologique issu de tel
mélange d’évènements réels survenus au cours
de la proto-histoire et que nous pouvons maintenant faire mieux qu’entrevoir.
1. Plutôt avatar : Camulos
Un véritable « dieu de la guerre » des Gaulois,
Camulos « celui qui s’évertue », ayant notamment comme noms-épithètes régionaux
Beladon = « Massacreur » et Caturiχs = « Roi du
Combat », peut-être aussi Belatucadros au prix
d’un jeu de mots sur sa signification et Dunatis
comme identifications avec Camulos proposées
par G. Roth et F. Guirand (Mythologie Celtique),
- tous théonymes rattachés à Mars dans l’interpretatio. (Noter quand même que ce Beladon est
quasi homonyme probable avec l’étymon Belos
du nom donné plus tard au dieu de la mort d’où
Bile en gaélique et Beli en gallois, cf. adjectif
belo = meurtrier.)
En mythologie irlandaise on le retrouve
sous le même nom de Camulos évolué en
Cumhal, (génitif Cumhail), dit fils de Trenmor
(<*Trecnomaros), époux de Muirne Findguala
(< Murna Uindogouloua), ainsi gendre de
Ler/Llyr (<Lero) et père entre autres de Find
Demné (< Uindos Damonios, théonyme attesté en Gaule comme Damonios tout court).
Camulos, différemment de Setantios et d’Oesus, n’est pas illustré par des péripéties mythologiques qui nous soient parvenues ; - par contre,
chose curieuse, c’est sur son fils Uindos (> Finn)
que sont souvent reportés « sous une autre
forme ou sous une forme voisine » des exploits
de Setantios (> Setanta Cu Chulainn) et aussi
de Lugus (>Lug), ainsi que l’ont perspicacement
observé F. Le Roux et Ch.-J. Guyonvarc’h (Les
Druides).
2. Plutôt hypostase : Eberrios Uindos
Il apparaît dans le Lebor Gabala Erenn « Livre
des Conquêtes de l’Irlande » comme Eber Find
= Eber Blanc-Lumineux, par contraste avec son
frère Eber Donn, mentionné plus haut comme
un aspect irlandais de Cernunnos. Eber Finn
est un guerrier, fils de Miled (Miletos en épigraphie continentale). Après divers succès qui
contribuèrent à la victoire des Clan Miled
sur les Tuatha dè Danann, il sera tué par son
frère aîné Eremon (Ariomanos), dont il refusait la suzeraineté. Dans un premier temps, les
page 34
deux frères s’en étaient remis au druide et juge
Amorgen pour définir leurs droits respectifs :
Amorgen avait jugé que la souveraineté sur l’Irlande reviendrait à l’aîné, puis après la mort de
celui-ci, au cadet. Eber refusa de se soumettre à
cette sentence et exigea un partage immédiat.
Une nouvelle sentence arbitrale attribua à Eber
la moitié Sud de l’ile et à Eremon la moitié
Nord. La paix ne dura pas et une guerre fratricide éclata. Eber fut tué et Eremon devint seul
roi avec sa capitale à Tara. Bien entendu ceci n’a
rien d’historique, mais peut contenir diverses
bribes de souvenirs mythifiés de vieux conflits
ayant eu divers acteurs.
3. Plutôt hypostase : Sentontios
Surabondant en légendes mythologiques, il y
a eu Sentontios > Setanta. Ses aventures font
l’objet de « soixante-seize types de récits, dont
chacun est comme un thème qui s’est prêté à de
multiples variations. À ne présenter qu’une seule
version de chacun de ces récits, on remplirait un
volume imprimé de 2000 pages in-8. » (G. Roth
& F. Guirand). Notons que ce colossal et indigeste recueil a été condensé sous la forme d’un
« digest » en un anglo-irlandais aux tournures
volontairement archaïques par Lady Gregory
sous le titre : « Cuchulainn of Murthemne ».
Son fond initial est partiellement basé sur des
réminiscences proto-historiques continentales
et remonte peut-être au second siècle avant
notre ère, alors que la mise en écrit des traditions orales évoluées entre temps n’a commencé
qu’un demi-millénaire plus tard. Le nom de
Sentontios = « le cheminant » est documenté
par une variante Sentonos de même signification de théonymie gauloise, ayant d’ailleurs une
déesse Sentona, peut-être celtique et illyrique à
la fois, comme symétrique onomastique sinon
comme parèdre.
La mutation de Sentontios à Setantos en goidélique puis à Setanta en gaëlique d’Irlande
procède de deux mécanismes convergeant en
leur résultat. Chute du n de biconsonnes nt en
goidélique, - d’une part et, - d’autre part, coalescence avec le nom ethnique d’une petite « touta »
britonnique, les Setantioi, qui occupaient
un territoire correspondant grosso-modo au
Merseyside actuel, la Mersey (sinon la Ribble)
étant alors nommée Seteia = « à loutres ». Ceci
fait donc penser que le personnage mythifié et
quasi-déifié comme un demi-dieu a pu exister
en Albiu (Albion) d’où il serait passé en Iueriu
(Eire), et qu’on aurait accumulé sur lui à la fois
des souvenirs continentaux et probablement
aussi des évènements relativement plus récents
de conflits entre l’Ultonia (Ulster) et ses voisins,
dont la Connacia (Connaught) notamment : le
contexte proto-historique de ces conflits nus
apparaît comme l’antagonisme entre les Ulates,
des Quretenoi > Cruithni, c’est-à-dire des
Pictes occupant le Nord-Est de l’île et les autres
royaumes d’Iueriu, goidéliques ou dominés par
des Goidels.
Setanta, surnommé Cú Chulainn (< Cu
Culanti), pour avoir tué dans son enfance le
molosse de Culan[d], représente une personnalité extraordinaire, un modèle du futur esprit
chevaleresque, suprêmement intelligent, mais
aussi capable et coupable de folle sauvagerie
dans ses crises de « uergio » - fureur guerrière
- attisée par un sens exacerbé de l’honneur,
qui en font un tueur de premier ordre et dont
le paroxysme, - selon la légende - fut de tuer
son meilleur ami Ferdiad et même son seul fils
Connla, - quitte à déplorer ces meurtres ensuite
mais trop tard.
Dans le domaine du paranormal la légende
lui attribue des contorsions changeant d’apparences *riχtustrctiones > riastrad, - assurément
impossibles à des humains - qui en font un
contorsionniste, le « riastrata » ; quand on le fait
baigner dans des cuves d’eau froide pour calmer
sa fureur, son contact en fait bouillir l’eau, etc.,
et pour finir une sorte d’ascension post-mortem
dans un char magique (le siaburcarpad < soibrocarpantos). De quoi lui imputer des capacités
divines ; d’ailleurs - selon la légende -, son vrai
père (secret) est Lugus (Lug) en cette mythologie insulaire.
Relevons parmi ses péripéties légendaires, une
sorte d’ubiquité pendant une maladie le mettant en état de sommeil cataleptique, le fait aller
séjourner dans l’Autre Monde où il devient
l’amant de Uadnalo (>Fand), alors épouse de
Manannanos (>Manannan).
Cette présentation assurément romancée du
séjour momentané dans l’Autre Monde est
page 35
l’un des arguments invitant à le situer dans la
mythologie pan-celtique comme une hypostase d’Esus / Cernunnos, alias Smertullos, épithète gauloise d’Esus, (parfois confondu avec
Smertrios (alias Ogmios) ; une telle assimilation fut envisagée par des chercheurs celtisants,
dont d’Arbois de Jubainville : « Smertullos avec
une fausse barbe » puisque Holder a retenue
« Smertullos = Cúchullain, mit falschen Barte ».
Remarquons qu’un de ses exploits, la récupération du Taureau Brun de Cooley « Tarbh Donn
Cualnge » semble avoir eu une source irlandaise
tout en y incorporant des réminiscences d’aventures continentales, puisque Donnotaruos faisait partie de l’onomastique continentale =
« Brun Taureau » ; ce nom fut notamment celui
d’un Gaulois Helvien mentionné par César.
4. Plutôt hypostase : Oesus ou Oisus
Celui-ci fait surtout partie de la mythologie britonnique. C’est le nom envisagé d’un roi chef de
guerre celtique d’origine cimmérienne situable
dans la protohistoire, vers - 600. Le fait réel
et scientifiquement reconstitué : un coup son
emprise à haute mer. La crise précédente avait
eu lieu vers -1250, celle qui entraîna la migration des « Peuples de la Mer », vidant partiellement les futurs Danemark, Schleswig-Holstein
et Basse Saxe inondés, - cf. thèse (controversée)
de Jürgen Spanuth : Die Enträtselte Atlantis Or cet épisode catastrophique vient se recouper positivement avec les données offertes par
la paléogéographie et la recherche préhistorique évoquant le départ d’une partie des populations sinistrées tenues pour les ancêtres de
la première vague proto-celtique vers les îles
dites ensuite Albiu et Iueriu > « Albion » et
« Erin ». Il y a tout lieu d’y reconnaître ceux
mythifiés plus tard comme Tuatha dé Danann ;
en effet une grande partie des populations riveraines de la mer du Nord et sinistrées à cette
époque forma une coalition nommée « Peuples
de la Mer » ; émigrant en une autre direction
et passant en Méditerranée elle se heurta aux
Égyptiens et aux Hittites. Parmi ces migrants
ainsi nettement historisés il y avait un important contingent nommé Denen en égyptien et
Danauna en Hittite. Ceci nous livre donc l’origine de l’appellation des Tuatha de Danann.
(<*Toutai dèuas Danunas). Mais ceci est une
autre histoire. Quelques siècles plus tard, une
partie des Cimmériens chassés de leur habitat
pontique par les Scythes vinrent occuper ces
pays restés dépeuplés et y furent à l’origine des
Cimri, plus tard appelés Cimbri par les auteurs
latins. D’autres Cimmériens réfugiés dans le
Bassin Danubien furent parmi les moteurs de
l’ethnogenèse celtique et de la civilisation hallstattienne. Vers la fin de l’ère hallstattienne, le
domaine celtophone continu s’étendait jusqu’à
l’Albis = Elbe. Les transgressions de la Mer
du Nord continuaient par soubresauts et les
énormes inondations causées par le blocage
(dû aux raz de marées) des écoulements des
fleuves des plaines provoquèrent l’évacuation
par les Celtes de l’espace entre l’Elbe et l’Ijsel,
et ces populations déplacées et talonnées par les
Germains envahirent la future Gaule jusqu’à la
Loire et passèrent aussi en Albion ; ce fut l’origine des Belges et des Britonniques de seconde
vague. Les traditions celtiques à ce sujet,
d’ailleurs résumées en latin, indiquant qu’une
partie des Gaulois descend de ceux chassés de
leur habitat antérieur par de graves inondations.
Ainsi Ammien Marcellin, traduisant en latin
un texte de Timagène (XV,9,4) : « Drasidae (sic)
memorant reuera fuisse populi (Gallorum) partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis
confluisse et tractibus Trans- rhenanis, crebritate
bellorum et adluuione feruidi maris sedibus suis
expulsos » = « Les Druides mentionnent en effet
qu’une partie du peuple [des Gaulois] a été originaire, mais que d’autres aussi ont afflué d’iles
éloignées et d’espaces Transrhénans, expulsés de
leurs habitats par la fréquence des guerres et le
débordement d’une mer en furie. »
D’anciennes traditions bardiques indiquent Hu
Cadarn < *Oisuos Catarnos comme le leader
de la migration conquérante situable au début
de l’ère latènienne. Le contrecoup de cette
migration en force fut un tassement en Gaule
centrale, amenant à son tour une partie de sa
population à aller chercher leur espace vital
dans le sud-est en deçà et au-delà des Alpes.
Simultanément, les Germains s’infiltrèrent puis
s’établirent dans la zone sinistrée évacuée par
les Celtes sur lesquels ils maintenaient déjà une
pression constante. Des éléments belges passè-
page 36
rent même en Irlande : des Uolcai, « Volces » où
ils furent mythifiés comme Fir Bolg, puis insérés anachroniquement dans l’enchaînement du
Lebor Gabala Erenn écrit bien plus tard.
Une fraction de ces Belges, détachée des
Menapioi « Ménapiens » qui se fixèrent en
futures Flandres, vint s’établir en Lagenia
(le futur Leinster ou Laighin) où Manapiu
> Manapin, ancien nom de Wexford / Loch
Garman, nous rappelle leur implantation. Les
Belges, par la suite - en fin de l’ère laténienne allaient aussi conquérir le sud-est d’Albion, ce
qui y a certainement conforté le souvenir de leur
héros *Oisuos, latinisé en « Oesus ».
En Albion, le souvenir de cet Oisuos Catarnos
conquérant fut mythifié et l’évolution linguistique transforma son nom pour aboutir en Hu
Cadarn au Haut Moyen Age tandis que les
Bardes ajoutaient au personnage d’invraisemblables imputations en matière de cosmogonie
par l’incorporation de bribes de mythologie
antique. Or ce nom de Hu en gallois reflétait aussi l’évolution normale d’un Esuuios//
Esus dans la filière philologique britonnique.
Coïncidence ne pouvant que corroborer une
mythification d’Oisuos > Hu comme hypostase
d’Esus.
Une confusion tardive ...
Pour en terminer avec cet aide-mémoire sur
Esus, il n’est pas inutile de mentionner la paronymie entre Esus et Iesus, source fort probable
de quelque confusion initiale.
Les évangélistes avaient été amenés à traduire
en grec le nom hébreu de Yehšuah afin de le
rendre déclinable en cette langue : il devint ainsi
Iησoυς = Ièsous et les évangélisateurs occidentaux le prononcèrent Iesus en latin et probablement en celtique. Cette paronymie Iesus//Esus
ne pouvait manquer de faire dresser l’oreille aux
Celtes, latinisés ou non, ainsi un peu plus réceptifs aux prêches des missionnaires chrétiens.
Ceux-ci étaient majoritairement de culture hellénistique comme leurs noms en livrent l’indication, et probablement ignares et incurieux en
matière de mythologie celtique pour la plupart
d’entre eux, n’insistèrent pas sur le distinguo, me semble-t-il.
Lugus ou Lugos
Bien que non positionné dans les trois premières
générations mythologiques des dieux, Lugus a
pris une place prépondérante dans les dévotions
des Celtes, au point d’être assimilé à Toutatis en
fin d’ère laténienne puis de le remplacer tour à
fait chez les Gaulois.
Son nom d’abord : Lugus ou Lugos a pour étymologie la plus probable une notion de « serment » (lugion) : voir la formule celtique de
serment : « tongo do Lugu lugion... » = « je jure
par Lugus le serment... » et le terme « lugio tongoito » désignant le serment solennel.
Selon la propension celtique aux jeux de mots
dans leur onomastique, ce théonyme comportait plusieurs connotations :
a « Lumineux, splendide » cf. lugos = éclat,
splendeur et lugos/-a-on // lucos/-a-on, adjectif < radical luc-, variante de leuc- et louc- d’où
Loucaios comme épithète théonymique et
les variantes gauloise Lucoues et celtibérique
Lucobes pour la dénomination collective
Lugoues alias Lougouies qui qualifiait ses descendants ou ses hypostases imaginées. Tout ceci
était en rapport avec ses imputations solaires.
a « Désiré », cf. adjectif lugios/-a/-on
a « Corbeau cf. lugus/luogos < *plugos, ce qui
faisait des corbeaux son escorte mythologique.
L’évolution de ce nom dans les langues celtiques
ultérieures a donné Lug puis Lugh en gaëlique
irlandais, Leo en picte, Lleu en gallois et Loh
en breton.
Ce Lleu, aussi écrit Llew et ce Leo semblent
résulter d’une coalescence au cours de leur évolution britonnique, le second étymon par attraction étant leuo = lion.
Sa généalogie mythique a posé un problème
car les schémas médiévaux issus de traditions
respectivement goidéliques et cambriennes se
superposent passablement mais avec des « plus »
et des « moins » dans les nomenclatures des fils
et filles du Dagodeuos (Dagda = Math) et de
Danu (Dana = Don).
En mythologie irlandaise, Lugh est fils de Cian
(< Cenos) et d’Etliu donc petit-fils de Diancecht
(< Deniacacteto), lui-même fils de Danu et de
Bile (alias Beli),- Beladon pour les Celtes conti-
page 37
nentaux -du côté paternel- et du côté, maternel,
petit-fils du fomoréen Balor (< Balaros), luimême petit-fils de Delbaeth (alias Manogan) et
de Dumnu.
En mythologie galloise, Lleu est tantôt fils
naturel et tantôt adoptif de Gwydion, - dieu
particulièrement magicien - et d’Arianrhod <
Argantoreta qui, - contrairement à son mari -,
le détestait. Ce Gwydion < Uedion était frère
(entre autres) de Gilwaethwy, dont il avait été
complice pour le viol de Goewin <*Coxsas
Meina (??). Ce Lleu avait un frère jumeau Dylan
(> Dliganos) et à eux deux ils constituaient les
Lugoui Emni, une paire dans laquelle Dliganos
était l’élément « mortel ». Il avait aussi eu un
frère aîné Nwyfré (< Nuberos).
C’est ce genre de duo de « gémeaux », qui devint
collectivement l’un des noms celtiques anciens
de jumeaux, confondus dans l’appellation celtique de la constellation des Gémeaux : Emni
Magosias > Emain Macha en gaeilge d’Irlande :
« les jumeaux de Magosia ».
En mythologie irlandaise, Lug a eu plusieurs
tuteurs masculins et une seule nourrice : Tailtiu
> Talantio, fille hypostase de Matrona et aussi
donnée en tant qu’avatare comme fille de « Mag
Mor » (*Maros Magesos) et épouse d’Eochu
mac Erc (< Iuocatuos mapos Erci).
Compte tenu de ce que la mythologie galloise
est encore plus incohérente que l’irlandaise,
la solution est de retenir pour Lug alias Lleu,
une généalogie qui concilie la généalogie irlandaise et une variante de la cambrienne. Lug
fils de Cenos (> Cian) et pupille de Uedion
(> Gwydion). Cenos, étant fils de Deniacactetos
(> Diancecht), Lugus avait comme oncles
Miacos (> Miach) et Auromiacos (> Oirmiach)
et comme tante Armedto (> Airmed), et surtout d’assez nombreux grands-oncles formant - comme l’écrivait Ch.-J. Guyonvarc’h l‘état-major des Tuatha de Danann alias Plant
Don, notamment Gobannio (> Goibniu, alias
Govannon) et Uedion (> Gwydion ) et quelques
grands-tantes aussi : Argantoreta (> Arianrhod),
Arduinna (> Penardun) et « la triple » Brigantia.
Lugus avait un frère aîné : Nuberos (> Nwyvre)
(dieu de l’atmosphère et de l’espace) et un frère
jumeau Dliganos (>Dylan) comme indiqué
ci-avant.
Lugus, selon la mythologie irlandaise, se trouva
tôt quasi-orphelin, sa mère étant séquestrée par
Balor, et son père, accaparé par ses fonctions
royales, probablement dans l’impossibilité de
s’occuper de lui. C’est pourquoi le Dagodeuos
(> Dagda) lui avait assigné plusieurs tuteurs dont
Uedion. Il fut alors élevé par Talantio (>Tailtiu)
qui fut de facto une mère adoptive pour lui.
Uedion (> Gwydion) avait pour compagne sa
propre sœur Argantoreta (> Arianrhod), détestant Lugus (>Lug // Llew) et usant de sorcellerie pour le brimer.
Son premier mariage tourna mal : sa marâtre
Argantoreta (> Arianrhod) avait prononcé une
malédiction qui le « condamnait à ne pas avoir
d’épouse de la race qui peuple la terre ». Son
tuteur Uedion (> Gwydion) fit appel à l’aide de
l’oncle Matos (> Math) - un avatar du Dagodeuos
(> Dagd) - frère de Danuna (> Danu) ; ils
concoctèrent par magie une femme synthétique
à partir de fleurs de chêne, de genêt et reine des
prés : ce fut la « femme fleur », « la plus belle du
monde » Blotiaueido (> Blodeuwed = aspect de
fleur), Blatnath en mythologie irlandaise.
Les amours de Lugus (> Lug /Llew) ne durèrent qu’une saison. Pendant l’absence de Lugus
(> Lug/Llew) , parti en tournée de visite avec
Matos (> Math), elle s’acoquina avec Cronuos
(> Gronw Pebyr) qui devint son amant. Elle
complota avec ce dernier de se débarrasser
définitivement de son mari pourtant quasi
invulnérable.
Un an passa en préparation du meurtre mais
l’attentat rata : blessé par un jet d’épieu empoisonné, Lugus (> Lug/Llew) se transforma en
aigle et s’envola.
Matos (> Math) et Uedion (> Gwydion) ayant
appris ce qui s’était passé entreprirent une
recherche et ce fut Uedion (> Gwydion) qui
finit par retrouver l’aigle en piteux état perché
sur un arbre isolé. Uedion (> Gwydion) chanta
trois refrains espacés et l’aigle blessé descendit de son arbre précautionneusement en trois
temps : après chaque chant de son tuteur, ainsi
entrecoupés d’arrêts. Ceci dura jusqu’à ce qu’il
fut à portée de la baguette magique de Uedion
(> Gwydion) qui put alors lui rendre son apparence anthropomorphique. Après quoi il soigna son pupille jusqu’à ce qu’il eut récupéré sa
page 38
vigueur. Math se chargea de punir Blotiaueido
(> Blodeuwed) en la transformant en chouette et
Lugus (> Lug) revigoré tua Cronuos (> Gronw).
(Cette péripétie fait l’objet d’un Mabinogi).
Désormais tout à fait adulte, Lugus se révéla impressionnant par son excellence en tous
domaines, d’où ses divers surnoms.
Dans ses prouesses mythologiques, on notera
surtout qu’il fit tourner en faveur des Toutai
dèuas Danunas (> Tuatha des Danann) la décisive bataille du Mages Turatiom (> Mag Tured)
contre les Fomoréens ; c’est alors qu’il y tua avec
sa fronde son grand-père maternel le géant
*Balaros (> Balor), vengeant ainsi la séquestration et la maltraitance de sa mère.
Quelque temps après, son père Cenos (> Cian)
fut traîtreusement assassiné par les trois fils de
Tourenos (> Tuireann). C’est plus tard que, de
passage sur les lieux du crime, Lugus connut la
vérité. Il astreignit en réparation les trois meurtriers : Brennos, Iuocaros et Iuocarobos (> Brian,
Iuchar et Iucharba) à une quête leur imposant
des épreuves quasi impossibles qu’ils surmontèrent. C’est à l’issue de celles-ci que Tourenos et
ses trois fils trouvèrent leur mort.
Ainsi donc Lugus avait tiré vengeance pour
ses parents par la mort de Balaros, grand-père
indigne, puis par celles des fils de Tourenos
meurtriers de son père et celle aussi de leur père,
comme responsable de ses enfants.
En sus des prouesses de Lugus dans la guerre
contre les Fomoréens et de ses vengeances, la
mythologie irlandaise ne narre pas de conte
similaire au mabinogi. Il est fait seulement
mention d’un mariage de Lugus avec un avatar
d’Etiona (> Eithne), - son arrière-grand-mère !
On est en pleine distorsion du Temps dont
bénéficiaient les dieux... et ce n’est pas le seul cas
en cette mythologie.
Parmi ses paternités mythologiques, retenons
qu’il fut le père caché de Sentantios (> Setanta
Cuchulainn), par adultère avec Deχsiutera
(> Deichtire) épouse de Sualtamos (> Sualtam
= bon père-nourricier). Les aventures de ce dernier héros, élevé par son père putatif Sualtamos,
fait l’objet d’une riche mythologie.
Nonobstant la paternité de Lugus, Sentantios
a néanmoins pu être tenu pour une hypostase
pensable d’Esus, ainsi qu’envisagé par le cher-
cheur druidisant Pierre de la Crau.
Lugus fut aussi le père d’un trio de divinités
mineures “les trois cordonniers dorés” nommés
« Lugiens » : Lugoues, alias Lucobes, tenus pour
tutélaires des confréries de cordonniers celtiques,
tant en Gaule qu’en Celtibérie. Parmi ce trio, on
ne relève comme noms individuels attestés que
ceux de deux d’entre eux : Lugouis Arquienos
et Lugouis Tiasos... quant à celui dont le nom
n’est pas identifié, appelons le provisoirement
« Arimos » Lugouis, donc « Lugouis aîné »...
Examinons maintenant ses multiples épithètes
qui évoquent diverses performances de sa carrière mythique.
Outre Lucaios, déjà cité comme épithète
gauloise, on relève aussi Desumiis = « droiturier », dans l’invocation finale de l’inscription de Chamalières, et très probablement
*Trmogontios pouvant être comprise à la fois
comme « supra-grandiose » (Tarmogontios) et
comme « trois fois grandiose » (Trimogontios),
épithète analogue à la grecque τρισμεγιστoς,
trismégistos = « trois fois le plus grand » décernée à Hermès. Cette épithète a engendré le
théonyme cornique Tarmagaunt, et le français
médiéval Tervagant comme une expression
durable du souvenir de Lugus.
Il y avait aussi Uasso = « hypostase », qui
peut faire penser qu’il fut considéré initialement comme une émanation subordonnée de
Toutatis, avant d’en prendre la place plus tard
dans les dévotions gauloises.
Ajoutons des appellations locales comme
Dumias et Aruernoriχs chez les Arvernes, qui
furent probablement celles de « Toutates »
(= dieux de toutai = cités gauloises), avant d’être
reportées sur lui.
En Albion, on peut reconstituer *Lamagejicos
en amont de Llawggyffes = « manuellement
leste ».
En Irlande, on peut de même reconstituer les épithètes suivantes : *Iludanacos >
Ildanach = « polytechnicien » et aussi son
superlatif *Samiludanacos > Samildanach =
« Sympolytechnicien », *Londoandeslucos
> Lonandslech = « violent super-frappeur »,
*Lamouados > Lamfhada = « large de main » et
aussi *Balbos Scalios > Scal Balbh = « le Spectre
muet » et *Laebactis > Laebach = « fruste (?) ».
page 39
Ceci résume ses multiples qualités : solaire pouvant avoir un visage rayonnant comme le soleil,
droit, absolument polyvalent en arts, techniques
et magie, aussi bien excellent harpiste que poète,
que forgeron ou que bâtisseur et « grand chamane » par surcroît, - au reste, bagarreur et efficace au combat où il gagnait tant par son habileté que par magie.
Si l’on met en première position son caractère solaire, on est tenté de le confondre avec
Belenos-Grannos, ce qui permettrait de placer
ce dernier dans la complexe généalogie mythologique conçue par les anciens Celtes, mais
lui vaudrait aussi une parèdre dans la pensée
des insulaires : en effet, les Goidéliques vénéraient la déesse solaire Greina (> Grian) en
gaeilge et les Britonniques lui vouaient un culte
sous le théonyme féminin Sulis (> Soly) bien
plus tard en cornique. Ajoutons qu’une fois
au moins Grannos est attesté avec l’épithète
Amarcolitanos.
On le décrivait avec un visage tantôt aveuglant
de clarté et tantôt pâle mais alors avec un œil
fermé ; en tenue de combat, il portait casque
et cuirasse d’or, une saie de soie « sur sa peau
blanche » et chaussait des sandales d’or.
Les Romains l’assimilèrent surtout à leur
Mercurius équivalent du grec Hermès
Trismégistos, - ces mêmes Romains qui hésitaient pour Toutatis entre Mars et Mercurius au
temps de César et des premiers empereurs. Par
la suite, Toutatis disparut, supplanté par Lugus
devenu seul « Mercure » des Gallo-romains.
Il n’est pas exclu qu’au temps laténien Lugus ait
été considéré comme une hypostase de Toutatis
quand celui-ci était la grande divinité « nationale » gauloise aussi dite celtogalatique. Son
effacement ultérieur coïncidait peut-être avec
la dénationalisation des Gaules et de leurs prolongements danubiens dans le cadre de l’empire
romain et avec la quasi-disparition de l’Ordre
druidique.
Lugus a été à l’origine de nombreux toponymes
celtophones : Lugidunon (> Olden Lügde),
Lugubalion (> Carlisle), Lugudunon (> Laon,
Laons, Laudun, Lauzun, Leijden, Lignica /
Liegnitz, Lion en Sullias, Loudun, Lyon, etc.)
... et aussi Dinlle, Montlahuc, Montlauzun,
Montlezun, St Bertrand (ex Lyon) de
Comminges... et encore Lugubalion (> Cair
Lugualid > Carlisle).
Sa grande fête annuelle était la Luginaissatis
(> Lugnasad) = commémoration de Lug, qui
se tenait à la Pleine Lune, en Gaule du mois
Elembiuos, mois qui chez les Goidéliques portait le nom de cette fête et qui est encore Lúnasa
en gaeilge (irlandais) et Lùnasdal en Gaidhlig
(erse écossais).
Lugnasad n’est au 1er août que depuis la mise
en vigueur sous contrainte du calendrier julien
d’abord en Gaule pour la resituer aux « Calendas
Augusti » en la remplaçant par le culte de Rome
et d’Auguste, puis par le Christianisme en
Irlande.
Extension du culte de Lugus
Ses théonymes en leurs variantes et évolutions démontrent que Lugus était réellement
pan-celtique : Goidélique, Britonnique, Picte,
Celtogalatique = Gaulois au sens large, et aussi
Celtibérique au sens large = tous les Celtophones
péninsulaires. On en n’a pas la preuve seulement
quant aux Lépontiques, les plus anciens Celtes
subalpins.
Il apparaît avoir été très ancien dans le panthéon celtique car il semble avoir aussi fait partie des croyances cimmériennes, pour les raisons
suivantes :
a Lug a fait partie de l’onomastique cimmérienne avec au moins le roi Lügdamids, attesté à
la fois en source grecque et en source assyrienne,
car il fut le roi-guerrier des Cimmériens immigrés en Anatolie.
a Il est aisé de démontrer que les Cimmériens
étaient des Proto-Celtes.
D’autre part, le panthéon germanique avait Loki,
que les mythologues germaniques l’y considèrent comme une incorporation plutôt tardive.
Sachant que « les Celtes ont été les éducateurs
des Germains », un emprunt au panthéon celtique n’aurait rien d’étonnant. Comme Lugus,
Loki était très intelligent et performant, mais
tandis que Lugus était astucieux dans le bon
sens, leur Loki était roublard et même traître. Il
est ainsi devenu ensuite un démon dans le folklore scandinave.
page 40
Essai de généalogie récapitulative Cette proposition « réconcilie » les traditions irlandaises et galloises et s’efforce de rétablir les théonymes à leur niveau « latènien », donc probablement connus à la fois sur le Continent (Litauia) et
chez les Insulaires.
* « Etc. » = Autres divinités majeures des Tuatha de Danann, alias Plant Don de la première
génération issue de Danu et de Belatumaro - En sus de Deniacacteto , Uedion, Giluos Actiuos,
Gobannio ...
Énumération par ordre alphabétique
Déesses : Arduinna (> Penardun), Argantoreta (> Arianrhod), Brigantia, Brigindo (> Brigid) - en
trois personnes homonymes-.
Dieux : Ambacto (> Amaethon), Leucomelios (>Llevelys), Londos (> Ludd ), Nenniauos (>
Nynniaw), Neto (> Neith), Naudons (> Nuada, Nudd), Omedos Ogmios (> Ogme, Efydd), Pibios
(?) (> Peibaw), Qrednos (> Creidhne).
Théonymes multiples et évolutifs
page 41
Ogmios
(Mentionné comme Ogma ou Ogme en
mythologie irlandaise, Efydd en mythologie
galloise et nommé aussi en Gaule Smertrios)
avaient été détachés. Tout cela me semblait être
tout-à-fait déroutant, je n’hésiterai pas à le dire
car le peintre de nature animée n’avait attaché
les départs des liens ni à la main droite ayant
la massue ni à la gauche qui tenait la flèche; la
Commençons par le célèbre texte grec sur langue du dieu ayant été percée, c’est à partir de
l’« Héraklès Celtique ».
celle-ci qu’ils étaient tendus et rayonnaient vers
Ma traduction du texte grec de Lucien de ceux qui étaient joyeusement menés.
Samosate, cité pp. 836 à 838 de l’Altkeltischer
Sprachschatz d’Alfred Holder :
4. Et moi, voyant cela de loin, de me tenir
étonné, embarrassé et irrité. Un Celte qui était
1. Les Celtes nomment Hèraklès Ogmios dans à proximité, non-ignorant des choses de chez
la langue de leur pays et ils dessinent l’aspect de nous, comme c’était évident, s’exprimant avec
ce dieu d’une facon vraiment étrange, c’est pour précision en grec [car parlant cette] langue, eux un vieillard jusqu’à l’extrême [vieillesse], un philosophe connaissant, je pense, les savoirs
devenant chauve et absolument blanchi pour de son pays. «Moi je vais, ô étranger, te livrer
ce qui [lui] reste de poils, la peau ridée et brû- le mot de l’énigme sur cette représentation, car
lée jusqu’au plus noir comme sont les marins- tu parais tout perturbé à son sujet. La Parole,
pêcheurs vieillissants. Plutôt Kharôn ou Iapètos nous les Celtes, nous n’avons pas comme vous
souterrains du Tartare, et tout plutôt que les Grecs l’idée de l’associer à Hermès mais c’est
l’Hèraklès, telles sont ces représentations. Mais Hèraklès lui-même que nous représentons car
il a cependant la même tenue qu’Hèraklès car il Héraklès est beaucoup plus fort qu’Hermès.
est aussi revêtu de la peau du lion et il a la mas- S’il est fait comme un vieillard, ne t’étonne pas:
sue à la main droite et le carquois détaché et il car d’habitude seule la parole apparaît avoir
tient la flèche tendue à sa main gauche, -et çà, atteint la perfection à son plus haut degré dans
c’est tout-à-fait Hèraklès.
la vieillesse, - si toutefois les poètes nous disent
vrai: tandis que les esprits des jeunes papillon2. C’est sans doute une défiguration grossière nent, la vieillesse fait bien attention afin de pardes dieux grecs que les Celtes infligent à l’aspect ler plus sagement que les jeunes. Ainsi donc,
d’Hèraklès en cette représentation du fait qu’il chez vous, le miel sort de la bouche - de la tienne
a jadis parcouru leur pays en y raflant du butin et de celle de Nestor, et les orateurs des Troyens
tandis qu’il était à la poursuite des troupeaux de émettent une parole comme fleurie de lis car, si
bovins de Gèrüôn, il y fit des incursions chez les j’ai bonne mémoire, on appelle lis ces fleurs-là.
nombreux peuples de l’Occident.
5. La Parole tire ces hommes comme s’ils étaient
3. Quoiqu’il en soit, voici le plus paradoxal jamais attachés par les oreilles à la langue d’Hèraklès
encore dit sur ce tableau : en effet, c’est que cet devenu vieux, ne t’étonne pas du tout de voir
Hèraklès en vieillard tire une grande quantité la relation des oreilles et de la langue et [ne
d’hommes tous attachés par les oreilles. Leur vois] point d’outrage envers lui si celle-ci a été
lien, ce sont les fines chaînes plaquées d’or et percée. D’ailleurs, dit-il, je me rappelle aussi de
d’électrum en guirlandes les plus belles d’aspect. quelques iambes comiques que j’ai appris chez
Et comme s’ils étaient menés sans contrainte, ils vous: «Car aux bavards la langue en son bout à
ne voulaient pas du tout s’échapper, -aisément tous est percée».
consentants, ils ne résistaient aucunement en
s’arc-boutant et se renversant en arrière mais au 6. En somme, pour nous, c’est par la Parole
contraire, suivaient radieux et en se réjouissant qu’Hèraklès lui-même devenu sage a accompli
et louant celui qui les conduisait et en se hâtant, tous ses exploits et c’est par la persuasion que la
ils voulaient arriver les premiers en tirant à eux plupart [de ses adversaires ?] ont été contraints.
leur chaîne; certes ils auraient été contrariés s’ils Aussi, ses paroles sont des traits acérés, je pense,
allant droit au but et pénétrant les âmes. - Ailées, En mythologie insulaire, Ogmios apparaît
dites-vous aussi, sont les paroles.»
comme Ogma ou Ogmé en Irlande, l’un des
Or tout cela [c’est ce qu’a dit] le Celte.
fils d’Etliu, avatar de Danu, mais dont le père
est (bizarrement) Elatha (< Elatio = Moment
Notes.
en coalescence avec Eula = Science) : une union
1. Les mots entre crochets [ ] sont de ceux sou- incestueuse puisqu’Etliu et Elatio ont le même
vent sous-entendus par usage de concision dans père : Delbato (> Delbaith = « la forme indifféles textes grecs anciens.
renciée »**). Un autre élément de la mythologie
2. Les noms propres grecs suivants ont des fran- irlandaise le donne comme fils du Dagodeuos
cisations usuelles, certaines provenant d’inter- (> Dagda). Faut-il alors voir dans cet Elatha un
pretationes latines:
avatar du Dagda (< Dagodeuos) ?
Gèrüôn = « Géryon », Hèraklès = « Hercule », Il est ainsi un « dieu lieur, maître de la guerre,
Hermès = « Mercure », Iapétos = « Japet » (pas de la magie, de l’écriture et de l’éloquence » et
le « Japhet » biblique), Kharôn = « Charon ».
il y passe pour l’inventeur de l’écriture ogha3. Le mot grec filosofoV signifiait à la fois : mique, - si originale puisque uniquement celsavant, érudit, philosophe ; les anciens grecs tique, la seule écriture alphabétique européenne
l’utilisaient pour définir les Druides, bien plus qui ne provienne pas de dérivés des lettres
polyvalents que leurs équivalents approxima- phéniciennes. Cette attribution est forcément
tifs détenant des fonctions sacerdotales dans mythique.
d’autres civilisations de ce temps-là.
Il y est aussi qualifié par les épithètes Labratios >
4. En préambule, Holder a écrit : « l’Heraklès Labraid = « le Parleur », Ulcomaros > Elcmar = «
gaulois, le nom du dieu de l’éloquence, le Grand (méchant) Jaloux », - en mauvaise part Mercure chez César B.G 6.17 »
ou,- plus sympathiquement -, < Aleqomaros,
Pas d’accord : le dieu assimilé à « Mercure » par (« Protecteur, Détourneur » de dangers) ainsi
César était Lugus, alias Lugos, ultérieurement que *Celtiucaros > Celtchar = « Dissimulateur »
Lug puis Lugh dans les manuscrits irlandais ; (donc rusé)...
d’ailleurs l’ancienne mythologie irlandaise dis- La tradition cambrienne a surtout retenu qualitingue bien Lugh et Ogma ou Ogme. La dis- ficatif de « bronzé », qui continuait la description
tinction existe aussi au niveau gaulois où Lugus faite par l’informateur de Lucain : *Omedos =
paraît avoir été tôt confondu avec Toutatis en cuivre > cuivré, qui est devenu Efydd en galtandis que le nom alternatif d’Ogmios était lois en fait Efydd Hen (< Senos Omedos) = « le
Smertrios, alias Smertullios.
vieux bronzé ». Cet Efydd Hen faisait jeu de
mots avec Hevydd Hen (< Senos Suuidios) =
En archéologie celtique continentale, Ogmios a « le vieux sage » et sous ce dernier nom, il fut
une parèdre : Obila.
le père de Rhiannon (<Rigantona), elle-même
En mythologie insulaire, c’est Elcmar alias nommée Rigetain (< Rigetanna ) en mytholoOgmè (= Ogmios), fils du Dagda (Dagodeuos) : gie irlandaise et peut-être une variante d’Etain
encore un jeu de mots.
(?). Une autre étymologie de Hevydd a pu être
Selon les circonstances mythologiques, ce nom une dérivation du nom celtique Segouetis dans
vieil irlandais dérivé d’un probable *Lcomaros lequel Sego- véhicule une notion de hardiesse
pouvait être ressenti soit comme Ulcomaros = victorieuse et -uetis a pu être une élision de
grand méchant, (grand vindicatif, grand jaloux) Uettios, autre nom propre signifiant « Voilé »...
soit comme Aleqomaros = protecteur (détour- Autrement dit notre Ogmios a pu être surnomneur des coups durs) ainsi parallèle à l’adjectif mé à la fois le « vieux cuivré », le « vieux sage »
et théonyme gaulois Alepomaros, donc une épi- et le « vaillant voilé ».
thète d’Ogmios, « Hercule » gaulois.
Marié avec Boanda (> Boand) il est aussi le
Ci-dessous une petite récapitulation sur la père putatif d’Oinogustios > Oengus. En effet
mythologie insulaire autour d’Ogmios que j’ai son épouse le trompa avec son propre beaurédigée il y a quelque temps déjà :
père le Dagodeuos (< Dagda) et devint grâce
page 42
page 43
à une manipulation de l’Espace-Temps la mère
de cet Ogios Maqos Oinogustios (> Mac Oc
Oengus) : « le jeune fils seul choisi ». En Gaule,
ce fils était appelé Maponos tout court, et éventuellement Maponos Arueriiatis = littéralement
le « Filial Dispensateur ».
Pis encore si l’on considère que Boanda était
elle-même un avatar de Brigindu (> Brigid),
fille du Dagodeuos (> Dagda)... Que d’incestes
en cette mythologie !
Toutatis et les Toutates
Toutatis, que les Romains appelèrent Teutates,
était à la fois un nom commun à valeur théologique et aussi le théonyme d’une divinité
majeure des Celtes continentaux à l’époque latènienne. Il était aussi invoqué en Albion, comme
l’indiquent quelques inscriptions des premiers
siècles de notre ère. Par contre rien en Irlande à
part une mention d’un Dia Tait, apparemment
très secondaire dans la littérature mythologique
irlandaise.
Le nom : Toutatis est d’abord un adjectif formé
à partir de touta = communauté (nation ou tribu)
avec le suffixe atis/-ids/-es : il s’entendait donc
généralement comme « le communautaire » et
pouvait aussi bien être perçu comme « national » que comme « tribal ».
Il pouvait donc y avoir théoriquement autant de
Toutates que de tribus ou de mini-royaumes, et
c’est dans cette catégorie que l’on peut classer
les centaines de théonymes vraiment locaux,
souvent devenus épithètes locales d’un Toutatis
promu dieu national, protecteur de toute la
communauté ethno-linguistique, au moins pour
l’ensemble Celtogalatique et Britonnique.
Il y eut peut-être symétriquement un Toutatis
de l’Autre-Monde, s’il faut comprendre le
Toutatis Meduro d’une seule inscription libellée au datif « Toutati Medurini » (WK 1886)
comme un Toutatis-Medros. (?)
Ogmios eut aussi des fils plus légitimes : Namos
> Niam = « Ciel » aussi nommé Neibo > Niab =
« Force vitale », puis Uindonnos > Fintan = «
Blanc-brillant » compris plus tard comme «
le Saint » et aussi de Mapos Cosleni (> Mac
Cuil), époux de Banua (> Banba), de Tittoros
Cactetogenos ( > Theotur mac Cecht), dieu
de l’éloquence, époux de Uotala (> Fotla) et de
Ceturos Greinocnos (> Ceathur mac Greine),
époux d’Eria (> Eriu) déesse éponymique de
l’Eria (> Erin), nommée Iwveriadd en mythologie cambrienne.
Neibo pourrait inviter à chercher une autre
connection avec la mythologie cambrienne dès
lors que nwyf est l’équivalent gallois de niab.
On y relève Nwyvre comme frère de Lug/
Llew, mais il n’était, comme ses frères que
petit-neveu d’Efydd. Certes, ce Nwyvre >
Nwyfre (< Nuberos) s’entend pour « Espace et
Atmosphère » et présente ainsi une proximité
phonétique mais non étymologique avec nwyf
< neibo et encore moins avec Niam < Nemos = Ce « super-Toutatis », dit Toutatis tout court
« ciel » alternatif de Niab.
était ainsi le dieu supérieur de la nation celtogalatique, bien que celle-ci fût hélas incapable de
**Remarque à propos de Delbato < Delbaith = s’unifier politiquement et militairement : elle ne
« la Forme Indiférenciée » :
l’était que culturellement par une cohésion menCe nom bizarre semble issu d’une réminiscence tale assumée par ses druides et ceux-ci n’étaient
décalée, au niveau de la littérature mythologique probablement pas étrangers à la promotion d’un
irlandaise, du concept bien druidique d’une grand Toutatis.
divinité suprême transcendante et sans nom Devant cet état de fait fort perceptible de l’expropre : une notion plus ou moins mal rete- térieur, les observateurs grecs et romains imanue au cours de maintes générations de ‘filid’. ginaient ce dieu national comme le dieu de la
Selon celle-ci les druides utilisaient la para- guerre des Celtes puisqu’en ce temps-là, toute
phrase Guton Uχellimon = Divinité suprême- formation hiérarchique civile avait une responment haute, un terme au neutre puisque cette sabilité militaire, défensive d’abord, offensive
entité théologique pas du tout anthropomorphe aussi quand des pressions démographiques fain’avait pas de sexe défini : ainsi désignée et res- saient naître des projets de migrations à la fois
tant « innommée » en tant que nom propre...
conquérantes et colonisatrices pour les desserrer.
page 44
Cet aspect le fit rattacher par les Romains à
Mars, mais pas à Mars seul car, sur la foi des
observateurs grecs, informateurs de César
qui écrivit (BG.VI, 17 ) « Deum maximum
Mercurium colunt » = « Ils honorent Mercure
comme le plus grand dieu ». Ils crurent que la
principale divinité des Gaulois était Mercure
de sorte qu’il y eut par la suite pour Toutatis
à-peu-près autant de rattachements à Mercure
qu’à Mars, et une majorité de ‘toutates’ locaux et
mineurs aussi raccrochés au-dit Mercure.
C’est peut-être le patronage des druides pour la
croyance en un Toutatis concrétisant un sentiment national gaulois qui a pu causer ensuite
un braquage romain contre le culte de cette
divinité symbole de l’indépendance parallèlement à la persécution exercée contre les druides
et amener peu à peu son oubli par les Galloromains ou plus exactement son report sur un
autre « Mercure » : Lugus (uasso de Toutatis).
Autrement dit, le culte de Lug = « Mercure »
aurait fini par supplanter celui de Toutatis, autre « Mercure » chez les Gallo-Romains.
La mythologie attachée à Toutatis serait pratiquement nulle sans l’étude approfondie de
J.-J. Hatt qui le mentionne comme protecteur
d’Esus dans sa jeunesse, puis prenant parti pour
Esus contre Taranis lors des fugues de Rigu.
L’archéologie, à défaut de davantage de données
mythologiques, nous indique que les animaux
associés à Toutatis étaient le sanglier, d’ailleurs
le véritable symbole national gaulois coiffant les
enseignes militaires, le bélier et aussi le serpent
à tête de bélier.
Le « scoliaste » anonyme annotateur de la
Pharsale indique que les sacrifices humains
offerts à Toutatis consistaient en noyade des
victimes dans une cuve, ce qui semble aussi
illustré sur le chaudron de Gundestrup, bien
qu’une autre explication puisse en être proposée : l’immersion des guerriers défunts dans le
chaudron magique du Dagodeuos dont ils ressortaient ressuscités.
Certains celtologues ont pensé qu’à l’origine
Toutatis était une épithète d’Esus, - simple supposition. En fait, on ne relève aucune mention
de ses ascendants mythologiques, et c’est somme
toute normal puisque c’était essentiellement un
« égrégore », une concrétisation de l’âme collec-
tive de la Celticité. Par conséquent, s’il lui fallait
à tout prix un géniteur de sa substance divine,
pour le situer en mythologie, il ne pourrait être
proposé que par le Druidisme comme une émanation du Gutton Uχellimon lui-même.
Quant à Esus-Cernunnos, il pouvait avoir été
considéré comme une hypostase (en gaulois
‘uasso’) de Toutatis, sans préjudice à la filiation
qu’on peut lui entrevoir dans l’analyse de la
mythologie insulaire. De la même façon, Lugus
Uasso en serait une autre.
Ceci « réconcilierait » les diverses conjectures
celtologiques au sujet de cette croyance antique :
une triade de plus, évidemment différente
de celle envisagée quant à Taranis. Taranis et
Toutatis apparaissent concurrents voire antagonistes en mythologie celtique, et des spécialistes
du comparatisme voient un « caractère Varuna »
au premier, ce qui d’ailleurs se trouve corroboré
par l’étymologie Taranis < To-Ueranos, et un
« caractère Mithra » au second.
Proposition de paragraphe de conclusion.
Ces quelques pages peuvent donner une idée de
ce qu’une application du comparatisme « dumézilien » peut offrir quand on cherche à clarifier
la mythologie celtique en confrontant avec
esprit critique les bribes de données antiques, la
masse onomastique livrée par l’épigraphie et les
évolutions divergentes identifiables dans les traditions et littératures médiévales de la Celticité.
Celle-ci apparaît éclatée en nations distinctes
ayant des auteurs poétiques dont la riche imagination n’hésitait pas à broder toutes sortes
d’incompatibilités avec l’ancien fond commun
et d’invraisemblances flagrantes.
Une laborieuse interface avec les données de
la proto-histoire aide à identifier les greffes
apportées aux vieux fonds préhistoriques tant
« hyperboréen » (non-IE) que « aryen » (IE)
par la mythification et le mixage de souvenirs
de personnages et d’évènements d’un passé
protohistorique.
Le résultat de ce travail permet d’entrevoir une
mythologie originelle relativement cohérente.
Texte original de M. Joseph Monard, proposé ici
par Auetos, druide du Celtiacon Certocredaron
Credima.
page 45
Présentation de la Celtiacon Certocredaron Credima
Fondée le mið elembiu VIII, 3877 M.T. (21 juillet 2005 è.v.), la Celtiacon Certocredaron Credima
(Croyance Celtique Orthodoxe) est une association cultuelle.
Elle est structurée en un cercle intérieur regroupant ses adeptes initiés nommé Adasta Druuidica
Comardiia (Confraternité Druidique Régulière) et formé de Nemeta (Sanctuaires) rassemblant
sous leurs auspices les credimari (croyants).
Site : http://www.everyoneweb.fr/Croyance-Celtique-Orthodoxe/
Mail : [email protected]
page 46
La version roman...
Excalibur ou l’aurore du Royaume (tome 1)
Lancelot ou l’âge d’or de la Table Ronde (tome 2)
Auteurs : Claudine Glot et Marc Nagels
Éditions le Pré aux Clercs
Caillu Brigana
Le but de la C.C.C. est de faire vivre et de développer la sapience, l’érudition et la rituélie druidique. De véhiculer la Tradition vivante des druides. D’être un lieu de recherche, d’étude et de
mise en commun de ce qui subsiste de la mémoire de notre ethnie, mais aussi d’être un centre de
formation pour les futurs druides…
Le premier niveau de cette action consiste à discerner les plus sensibles des fils de Celtie, c’est-àdire les plus à l’écoute des frémissements de l’univers et donc des dieux et, en même temps, recouvrer, maintenir, puis développer notre tradition sacrée.
L’un de mes coups de cœur lecture de ces derniers mois est certainement
la version du mythe arthurien écrite par Claudine Glot et Marc Nagels :
à ce jour deux tomes sont parus, nous sommes en attente du troisième et dernier.
J’avoue que j’avais un peu décroché du sujet après de cuisantes déceptions
littéraires telles que la série de Lawhead que je n’ai même pas réussi à finir…
Il y a bien sûr les éternels Marion Zimmer Bradley, ou à l’opposé Bernard
Cornwell et sa vision on ne peut plus sauvage et rude de la naissance de la
légende… Mais je m’en étais tenue là.
Voici donc enfin un roman qui colle au plus près des différentes sources,
prenant le temps de les dépoussiérer de leur vernis chrétien ! Les auteurs nous
emmènent d’aventures en aventures sans nous perdre, dans un foisonnement
de détails et d’expressions qui donnent une vraie vivacité au récit. Le côté
parfois un peu désuet des anciennes expressions m’a complètement conquise et
embarquée dans cette atmosphère… Les ouvrages sont en plus très jolis, chaque
chapitre étant régulièrement orné de gravures anciennes et d’illustrations.
Présentation de l’éditeur :
« Le cycle arthurien, appelé couramment Matière de Bretagne, se fonde sur une série de romans, tant français qu’anglosaxons, rédigés entre le IXe et le XVe siècle. Depuis lors, d’innombrables réécritures des aventures du roi Arthur et des
Chevaliers de la Table Ronde ont vu le jour, tant cet univers à la fois épique et merveilleux fait écho à chaque époque.
En France, dans le courant du XXe siècle, on recense au moins trois de ces réécritures personnelles du roman arthurien.
Jacques Boulenger, dans Les Romans de la Table Ronde, publiés à partir de 1923. Xavier de Langlais a rédigé dans
les années 60 les quatre volumes du Roman du Roi Arthur. Enfin, Jean Markale publia dans les années 90 Le Cycle
du Graal en huit tomes.
L’ensemble de ces réécritures contemporaines puisent toutes à la même source : la suite de cinq romans en prose du XIIIe
siècle français connue sous le nom de Lancelot Graal.
Claudine Glot et Marc Nagels ont décidé de donner une nouvelle vision de ce monde chevaleresque, résolument moderne
et inédite, en puisant dans l’intégralité des sources précitées, en les synthétisant et les romançant à leur manière. Ils ont
redonné à tous les personnages de l’aventure arthurienne leur fraîcheur et leur humanité, en privilégiant les aventures
humaines, guerrières, amoureuses ou merveilleuses aux orientations religieuses des romanciers médiévaux, notamment
cisterciens. Cela rend leur écriture plus vivante et romanesque, à la façon d’un authentique roman de fantasy médiéval.
Ils ont repris le flambeau, dans une langue et sur un rythme d’aujourd’hui pour nous plonger à nouveau dans ces
aventures fabuleuses et immortelles ponctuées de noms qui à eux seuls sonnent comme des oriflammes : Arthur,
Guenièvre, Lancelot, Merlin, Morgane, Perceval…
L’aventure continue et n’est pas près de s’éteindre. »
page 47
La version in english...
Maiden, mother, crone : voices of the goddess
La version « à la source »...
Patrimoine littéraire européen : racines celtiques et germaniques
Auteur : Claire Hamilton
Éditions O Books, 2005 - ISBN : 1-905047-39-8
Anthologie en langue française, sous la direction de Jean Claude Polet
Éditions De Boeck Université, 1992
Claire Hamilton, harpiste celtique et conteuse, nous fait partager une vision profonde
et nouvelle des mythes... en les écrivant à la première personne du singulier, du point
de vue de la déesse ou de l’héroïne qui les vit. On plonge sans réserve dans cette écriture
revisitée des épopées de Deirdre, Arianrhod, Blodeuwedd... dont les paroles nous
imprégneront encore longtemps et inspireront tous les bardes d’aujourd’hui !
La version illustrée...
Fées et Déesses
Auteurs : Erlé Ferronnière et Aurélie Brunel
Éditions Daniel Maghen, 2009
Ce livre m’a vraiment touchée : les textes sont très réussis
et les illustrations sont à couper le souffle ! Ces regards
qui nous happent au détour d’une page, ces femmes aux
formes pleines, si belles…
Aurélie Brunel a écrit un très beau texte expliquant sa
démarche pour l’ouvrage :
« À travers les différentes histoires présentes dans Fées &
Déesses, nous avons voulu montrer comment les déesses
avaient survécu dans les fées. Il ne s’agit pas d’une régression
dans le sens où les fées auraient perdu leur force. Bien au
contraire… Si les différentes idéologies qui ont marqué le
temps ont œuvré dans ce sens, décrédibilisant cette figure
petit à petit – à défaut de pouvoir tout simplement la faire
disparaître –, celle-ci a survécu. La rendre petite, anonyme,
la reléguer au rang de personnage de contes pour enfants ne
lui a pas enlevé sa force… Parce que malgré tout la Femme reste un mystère, un être multiple et puissant, capable de
donner rien de moins que la Vie !
Oui, ces déesses, ces fées, qui sont tout à la fois mères, amantes, guerrières, guérisseuses, souveraines, savantes… c’est
vous ! Je voulais vous rendre hommage, vous rendre – en toute humilité – cette place que les siècles ont voulu vous ôter
par peur de votre potentiel ! Je pense à vous, mes nombreuses amies qui ces dernières années avez enfanté, vous dont le
ventre s’arrondit en ce moment-même, vous encore dont la progéniture grandit à vue d’œil… Mais ne vous y trompez
pas : je pense également à celles qui ne connaîtront pas la maternité, car elles portent elles aussi l’héritage de la Grande
Déesse. Leur don à la vie se jouera ailleurs et leur légitimité n’en est pas moins grande. Quel plus bel exemple que la
Reine Guenièvre qui jamais n’eut d’enfant et qui pourtant assurait la fertilité du royaume par sa simple présence ?! Ce
message est pour vous toutes.
Que la vie vous soit douce et qu’elle révèle votre force !
Aurélie
PS : Merci Erlé d’avoir si bien rendu la douceur et la force qui cohabitent en toutes ces femmes… »
page 48
C’est un sacré pavé, il fait presque 800 pages, ce qui justifie la trentaine d’euros de son prix… Mais il y a tellement de textes à l’intérieur introuvables ailleurs ! Toutes les sources, c’est-à-dire les textes irlandais, gallois,
nordiques… mais aussi tous les styles : poésie, prose… De nombreux textes sont traduits par Guyonvarc’h, issus
de son ouvrage Textes mythologiques irlandais, mais pas seulement. J’insiste, c’est une mine d’or !
« Ô Bé Find viendras-tu avec moi
au pays merveilleux où il y a de la musique ?
La chevelure y est comme la couronne
de la primevère ;
le corps lisse y est de la couleur de la neige. Là il n’y a plus rien ni à moi ni à toi,
les dents y sont
blanches, les sourcils noirs ;
la foule nombreuse est le plaisir des yeux.
Chaque joue a la couleur de la digitale. Le cou de
chacun a le pourpre de la giroflée ;
les œufs du merle sont le plaisir des yeux.
Quelque belle que soit la pierre de Fal,
elle
est désolée en comparaison de la Grande Plaine. Si bonne que soit la bière de l’île de Fal,
plus enivrante encore est la
bière de la Grande Terre.
C’est un pays merveilleux que je parle.
La jeunesse ne s’en va pas avant la vieillesse. »
La version CD...
Tristan et Yseult
Auteur : Alain Le Goff
Disponible auprès de l’auteur
Je ne suis habituellement pas convaincue par les textes mis en CD...
mais après avoir vu Alain Le Goff conter en Bretagne, j’ai souhaité
continuer de découvrir son don en lui achetant la légende de Tristan
et Yseult, qu’il n’avait pas présenté ce soir-là.
Si vous avez l’occasion de croiser sa route, courrez le rencontrer !
C’est le meilleur conteur que j’ai vu à ce jour... mais si vous ne le
pouvez pas, essayez de vous procurer ses CD : vous y retrouverez sa
voix incomparable, l’ambiance qui s’en dégage et tout le talent d’un
conteur ancré dans la tradition Bretonne.
La version bardique...
Mythologie celtique
Auteur : Ella Young
Éditions Triades, 1996
L’un de mes ouvrages préférés sur le sujet... L’auteur a écrit ce livre à partir des conteurs
qu’elle a entendu en Irlande et sur l’île d’Aran, d’où sans doute cette force et cette
poésie qui se dégagent à chaque page.
« Les Fianna descendaient à travers le crépuscule. Et la lune, qui était un lac, devint plus claire, s’arrondit et scintilla
d’un feu glacé, jusqu’à en éblouir leurs yeux. Et tout à coup Fionn s’écria : ce n’est pas un lac qui brille ici, c’est un palais !
Nous sommes vraiment parvenus au pays-sous-les-eaux, au pays de Manannân ! De toute la vigueur de leurs yeux, ils
regardaient tous, et virent le palais, formé d’un seul immense cristal. À peine avaient-ils commencé à l’admirer qu’ils se
trouvaient déjà sur le seuil. »
page 49
Periode claire :
Le Chene
Viviane
Arbres de Saison
Le combat entre le Roi Chêne
et le Roi Houx
L’année se partage entre deux
périodes : la période sombre et la période
claire, les deux rois se combattent à tour de rôle,
le vainqueur sera celui qui prédominera la saison sombre pour le Roi Houx et la saison claire
pour le Roi Chêne.
Le Roi Chêne règne sur la période claire, son
règne est basé sur la lumière, de Beltaine à
Samain, période « d’été et d’automne », ensuite
il laisse la place au Roi Houx dont le règne est
basé sur l’obscurité de Samain à Beltaine, comportant deux mois « d’hiver », puis deux mois de
« frimas » et deux mois de « printemps ».
Le Roi Chêne représente l’expansion et la
croissance.
Son arbre, le chêne, symbolise
la force et la longévité, son fruit,
le gland, est évidemment phallique, et ses racines s’étendent
aussi loin sous terre que s’élèvent
ses branches, montrant ainsi
qu’il règne à la fois sur le Ciel,
la Terre, et le Monde Souterrain.
Le Roi Chêne représente la
force active du Soleil, il apporte
la force nouvelle, la résistance,
la créativité, la persévérance
qui mène à la récompense, la
protection.
souterrains et le ciel.
Il est étroitement lié aux dieux majeurs des panthéons. Zeus à Dodone avec le Chêne oraculaire. Jupiter capitolin à Rome.
En Prusse, c’est le Chêne de Ramowe, et celui
de Perun pour les Slaves.
Chez les peuples du Nord il est consacré à Esus,
au Dagda, à Teutatès, à Wotan, à Thor...
Le Chêne est l’arbre du bois sacré. Il tenait une
place centrale dans les rites celtes. Pendant longtemps ces Chênes sacrés, qui portaient un nom
spécifique qui les personnifiait, reçurent des
offrandes diverses et furent l’objet de dévotions
particulières dont certaines perdurent encore.
Usages
Le bois est noble. Il allie la dureté, la résistance, la permanence. Utilisé dans les constructions navales, charpentes, meubles, tonnelleries,
Symboles, mythes et légendes
De tous temps et dans toutes les
civilisations le Chêne est le symbole de la force, de la majesté et
de la sagesse.
S’y ajoutent la solidité, la puissance, la longévité, l’élévation
(au sens matériel mais aussi
spirituel).
Par ses accointances avec la
foudre et par la profondeur de
ses racines il est souvent axe du
monde et instrument de communication entre les mondes
page 50
page 51
voies ferrées, portes d’écluses et autres ouvrages
massifs.
Le tanin provient de l’écorce et des galles.
Les meilleurs fûts sont en bois de chêne.
Les truffes renommées sont associées au chêne
noir.
C’est un puissant astringent très utilisé contre
les diarrhées, la dysenterie, les hémoptysies, les hémorragies, les fièvres, hémorroïdes,
angine… et aussi comme tonique. C’est aussi
un contre-poison.
De toutes les parties de l’arbre, c’est l’écorce qui
est la plus utilisée. Depuis toujours, pulvérisée,
elle sert à tanner les peaux.
Le bois sacré
Le Chêne correspond à l’ogham Duir (lettre D).
Réputé pour son endurance et sa longévité, le
chêne a toujours été synonyme de force et de
stabilité. Appelé dans l’Irlande ancienne le
« Tara des forêts », il est associé à Lugh, qui était
un protecteur des rois. L’homologue de Lugh
dans la mythologie galloise est le héros Llew
Llaw Gyffes « le Beau à la Main Ferme », dont
les aventures sont relatées dans la quatrième
branche du Mabinogi.
Comme un bon roi, le chêne soutient ceux qui
ont besoin de protection.
Une légende populaire du pays de l’ouest parle
d’un chêne qui a aidé une fille à échapper à un
roi cruel, en faisant tomber une de ses branches
sur la tête de celui-ci. Les hommes du roi vinrent
l’abattre, mais ils connurent un destin tragique.
« Oh ! Ils chevauchèrent dans les bois, où le
chêne se dressait
Pour abattre l’arbre, le chêne altier
Alors l’arbre gémit et appela les siens,
Et les arbres se refermèrent et ils ne purent
jamais sortir
De la forêt, la forêt merveilleuse. »
Si vous avez besoin de prendre des forces, de
restaurer votre énergie, appuyez-vous de tout
votre corps contre un chêne et imprégnez-vous
de l’énergie calme et roborative du monarque
des forêts.
À l’époque préchrétienne, le culte du chêne était
répandu dans toute l’Europe.
Il était tellement ancré dans les mœurs de certains peuples qu’il a chez eux longtemps survécu
à leur conversion au christianisme. Ces chênes
sacrés étaient certainement de très vieux arbres,
ils étaient plus gros que les chênes actuels.
Le tribunal des anciens siégeait toujours à
l’ombre d’un vieux chêne.
Le culte du chêne, était, chez les Celtes, très
ancien. Ils l’avaient apporté au cours de leur
longue migration.
Les Druides n’avaient rien de plus sacré que le
gui et l’arbre qui le porte, pourvu que ce soit un
« robur ». Le « robur » était déjà par lui-même
l’arbre qu’ils choisissaient pour les bois sacrés
et ils n’accomplissaient aucune cérémonie religieuse sans son feuillage.
On trouve très rarement du gui sur le chêne et
quand on en a découvert, on le cueille en grande
pompe religieuse. Ce doit être avant le sixième
jour de la lune, qui marque chez eux le début
des mois, des années et des siècles, qui durent
trente ans.
des premiers à pousser sur la terre nue, donnant
ainsi naissance à toute la forêt.
En Écosse, « le bouleau des cascades » faisait
partie des neuf bois sacrés qui allumaient les
feux festifs. En Irlande, il était l’un des « sept
nobles » du bois très sacré.
Le bouleau donne son nom, « Beth », à la première lettre de l’alphabet oghamique, qui était
gravé dans le bois et la pierre. Selon la légende,
la première inscription oghamique fut gravée
dans une baguette de bouleau.
L’écorce blanche évoque la purification, et
comme elle est renouvelée périodiquement, elle
symbolise aussi le renouveau et la régénération.
Le bouleau était la première espèce du calendrier des arbres, emblème de la remontée du
soleil après le solstice au cours du premier mois
de l’année (du 24 décembre au 21 janvier), c’était
aussi l’arbre de la renaissance printanière.
Printemps : Le Bouleau
Légendes et traditions
Dans la mythologie romaine, les verges de bouleau ont été utilisées pour la flagellation et la
« purification » des condamnés ; elles entouraient la hache symbolique des licteurs. Dans
l’astrologie celtique, le bouleau est « l’inspiration ».
Vénéré en Europe du nord, le Bouleau symbolise la purification.
Il est également signe de renouveau, ce qui l’associe à toutes les fêtes de printemps.
L’amanite tue-mouche pousse préférentiellement à son voisinage. Elle contient une substance hallucinogène, la muscarine, qui provoque des transes que les chamans de Sibérie
utilisaient pour communiquer avec les dieux.
Ils montaient à l’Arbre sacré dont le tronc était
marqué de neuf entailles (étapes initiatiques).
Ils parvenaient au cours de leurs transes à pénétrer dans le séjour des dieux dont ils obtenaient
la guérison des malades et la prospérité pour
leur tribu.
Curiosités diverses
C’est un arbre vénéré en Russie. De nos jours
encore vers la Pentecôte, les villageois vont cou-
page 52
per un jeune bouleau dans la forêt. Au milieu
de la liesse, ils l’habillent en femme, le décorent puis le plantent sur la place du village. À la
même période les transports publics sont décorés de feuilles de bouleau.
La symbolique du bouleau est tellement affirmée que même les magies les plus fantaisistes
ne sortent guère des idées mentionnées ci-dessus (renouveau - lumière - féminité - jeunesse
- purification...)
Arbre des époux, des amoureux...
Au début du XXe siècle, en France, les instituteurs des écoles publiques étaient dotés d’une
baguette de bouleau spécifiquement utilisée
pour taper sur les doigts des élèves qui faisaient
trop de fautes d’orthographe. Après ce rite, l’idée
de faute était effacée.
Le bois sacré
Le bouleau correspond à l’ogham Beth (lettre
B).
Les troncs pâles et tendres des bouleaux contrastent avec les troncs sombres des autres arbres,
brillant comme des cierges dans les ténèbres de
l’hiver.
Le bouleau est l’arbre des commencements, l’un
La sève de bouleau
La sève de bouleau, encore appelée eau de bouleau, est un liquide très clair, voire incolore,
semblable à l’eau à l’état frais et très légèrement
sucré.
La période de récolte de la sève de bouleau est
le début du printemps : soit entre mi-février et
mi-avril, selon la météo. La montée de sève dure
en moyenne de 4 à 5 semaines. Un hiver rigoureux est signe de forte montée de sève.
La récolte se fait principalement sur des arbres
d’âge moyen (entre 20 et 50 ans). Plus l’arbre
possède de branches, donc de feuilles à sortir,
plus l’arbre pompe l’eau du sous-sol à l’aide de
ses racines pour se nourrir.
La sève de bouleau est un des meilleurs draineur
naturel existant.
C’est en effet un diurétique et un dépuratif efficace. Utile au printemps pour nettoyer le sang
et préparer l’organisme au changement de saison. D’ailleurs, on dit que l’arbre donne d’autant
plus de sève que l’hiver a été rude. La Nature est
bien faite…
Par son effet diurétique et dépuratif, elle libère
tout en douceur l’organisme de toutes les substances et dépôts qui l’encombrent pour une véritable régénérescence du corps. Mais ce n’est pas
tout, la sève de bouleau aide aussi à combattre
les douleurs rhumatismales, elle purifie les tissus
page 53
cutanés, combat l’eczéma sec, favorise l’amincissement (si le corps en a besoin), elle est également employée en usage externe pour soigner
les brûlures.
À cause du sucre qu’elle contient, l’eau de bouleau fermente et devient acidulée et doit être
conservée au réfrigérateur pour rester fraîche.
Pour éviter cette fermentation trop rapide, on
peut y ajouter quelques clous de girofle.
La sève de bouleau se consomme le plus rapidement possible ou on la conserve au réfrigérateur
3 semaines maximum (le temps de la cure !).
Il est conseillé des cures printanières de sève
fraîche sur une période de 2 à 3 semaines (15
à 21 jours). Boire environ 250 ml par jour, le
matin à jeun et avant chaque repas. Une cure
complète nécessite à peu près 5 litres.
a Récolte de la sève de bouleau
La récolte se fait au moment de la montée de
sève, avant l’apparition des feuilles. Après avoir
percé un trou horizontal dans le tronc, il s’agit
de laisser couler la sève goutte à goutte dans une
bouteille grâce à un tuyau, en évitant l’intrusion
de poussières et de salissures dans l’arbre. Un
arbre fournira facilement un à deux litres de
sève par jour, voire jusqu’à dix litres en deux
jours pour un arbre de grande taille.
Une fois la récolte achevée, il faut boucher les
trous à l’aide de chevilles de bois ou du mastic végétal pour protéger l’arbre contre les
infections.
Plus vous récoltez la sève près du sol (à 0,50 m),
plus elle est « dite » minérale et sera plus trouble
que celle récoltée à 2 m ou à une branche. Mais
plus elle sera bienfaisante. Le meilleur moment
pour la récolter c’est après la nouvelle lune de
Mars.
Ne pas oublier de remercier l’arbre et Dame
Nature pour son don !
Mars : Le Saule
Légendes et traditions
Dans la mythologie grecque, le Saule est dédié
à Hécate (comme l’If ), déesse de la Lune et
des Enfers. Dans la Bible, il est écrit que ses
branches servirent à fabriquer des thyrses pour
la fête des Tabernacles. Dans l’astrologie celtique, le saule est l’arbre des mélancoliques.
« Le saule est prudent au combat. »
« J’ai la ruse de l’oiseau de proie juché en haut
de la falaise. »
Le saule pleureur était, pour les romantiques, l’arbre de la mélancolie et du souvenir
nostalgique.
Extrait du poème Le Saule, d’Alfred de Musset :
« Mes chers amis, quand je mourrai, - Plantez un
saule au cimetière. - J’aime son feuillage éploré
; - La pâleur m’en est douce et chère, - Et son
ombre sera légère - À la terre où je dormirai. »
Usages
Vivant sans dommage les pieds dans l’eau, le
Saule vient au secours de ceux qui souffrent des
maux engendrés par l’humidité.
L’écorce du saule blanc contient un glucoside
nommé salicine, qui a des propriétés analgésiques, fébrifuges et anti-rhumatismales : additionné d’alcool, ce principe se dilue en alcool
salicylique, qui est oxydé pour produire l’acide
salicylique, lequel entre dans la préparation de
l’aspirine. Les feuilles et bourgeons contiennent
un principe sédatif et rééquilibrant.
La feuille du saule blanc était utilisée par les
gens du voyage comme leurre pour la pêche aux
carnassiers (brochets, perches, sandre).
Fixée à un hameçon plombé, la feuille du saule
blanc réagit dans l’eau comme un petit poisson, fourrage dont se nourrissent les poissons
carnassiers.
Le bois flexible mais résistant sert à fabriquer
des battes de cricket et des cageots.
L’Osier blanc est taillé court, en têtard. Ses
branches ou osiers servent en vannerie.
page 54
Bois sacré
Le saule correspond à l’ogham Saille (lettre S).
Le saule est un arbre du début du printemps,
à l’époque où la pluie gonfle les rivières. En
Écosse il était l’un des neuf bois sacrés utilisés
pour allumer les feux de Beltaine.
Arbre aquatique féminin, le « saule des rivières »
est gouverné par la lune et est ainsi naturellement
associé aux cérémonies féminines d’Imbolc.
Comme Brigit elle-même, le saule porte chance
pour l’accouchement.
En Irlande c’était un arbre de protection : les
voyageurs portaient une baguette de saule et les
fermiers entouraient la baratte de saule pour
tenir les esprits mauvais à l’écart.
Le Saule est l’arbre de la Lune, de la Femme, et
de l’Eau.
Pour les Grecs anciens, il est l’arbre auquel était
suspendu le berceau de Zeus sous la surveillance
de sa nourrice Itéa (Itéa signifie « le Saule »).
Dans l’Antiquité, le Saule passait généralement
pour maléfique, étant voué à Hécate, la Déesse
Lune. D’abord favorable, car elle donnait aux
hommes la richesse, veillait à la prospérité des
troupeaux et présidait à la navigation, Hécate
devint redoutable du jour où, coupable d’impureté, elle fut précipitée dans les enfers et y devint
la maîtresse des enchantements.
Il est également associé à Circé la magicienne,
Héra et Perséphone, toutes représentantes de la
mort et de la triple déesse Lune.
En Lituanie, où le culte des arbres a perduré
jusqu’aux temps modernes, on vénérait une
Déesse au Saule, Blinda (c’est le nom de l’arbre
en Lituanien).
Elle possédait une fécondité telle qu’il lui était
possible d’accoucher non seulement par les
voies normales, mais aussi par les pieds, par
les mains, la tête ou toute autre partie de son
corps. La Terre en conçut de la jalousie. Un jour
que Blinda marchait dans une prairie marécageuse, ses pieds s’enfoncèrent dans la terre qui
les emprisonna et la déesse, immobilisée, fut
métamorphosée en saule. Blinda fut adorée
jusqu’au début du XIXe siècle. On voyait encore
des paysannes qui priaient pour le bonheur et la
multiplication des enfants devant un saule orné
de couronnes de fleurs, le clergé catholique de
la région, incapable de faire cesser ce rite païen,
dut se résigner à placer un crucifix sur l’arbre…
En Extrême-Orient, directement lié au fait
qu’un rameau de Saule planté en terre renaît à
la vie, il est le symbole de l’immortalité.
La cité des Saules, le Mou-yang-tchen, en
Chine, est le lieu même de l’immortalité.
À Lhassa, au Tibet, le sanctuaire principal est au
milieu d’une plantation de saules. Cet arbre est
l’Arbre de Vie ou l’Arbre central. On sait que
Lao Tseu méditait à l’ombre de son feuillage où
il fonda le Taoïsme et y rencontra Confucius, au
Ve siècle av. J.-C.
En anglais deux mots désignent le saule : willow
ou withe, alors que l’osier se dit wicker. La même
racine se retrouve dans le mot witch, la sorcière. C’est avec un brin d’osier que les sorcières
nouaient les ramilles de bouleau de leur balai au
manche de frêne.
En Bretagne on pouvait prédire la date de sa
mort en posant une croix de deux brins de saule
sur la surface de l’eau d’une source sacrée. Si la
croix flottait, la mort était prochaine, si elle coulait rapidement, la vie serait encore longue.
La forme « en feuille de saule » de très nombreux silex préhistoriques taillés, avait peut-être
un sens magique.
Les sorcières de l’île de Sein, partant faire leur
inquiétante tournée nocturne, s’embarquaient
dans une sorte de manne d’osier qui les conduisait en pleine mer, là où elles pratiquaient les
envoûtements.
Avril : l’Aubepine
Légendes et traditions
Dans la mythologie romaine, l’aubépine est
dédiée à Maïa, mère d’Hermès, fêtée en Mai
(de « Maïa »). C’est en mai que fleurissent en
général les aubépines. Mai est devenu le mois
de Marie, la Vierge, par identification. Mai est
le mois du renouveau.
En Bretagne : arbre des sorcières car il n’est pas
touché par la foudre.
En effet, la foudre n’atteignait jamais l’Aubépine, aussi pouvait on s’abriter sous elle en toute
sûreté pendant un orage.
Les branches d’aubépine conservaient la viande
et empêchaient le lait de tourner. Elle protégeait
même le bétail contre les serpents.
page 55
Mais surtout l’Aubépine était souveraine contre
l’enfer et ses suppôts, particulièrement contre les
envoûtements des sorcières, avec qui elle présentait d’ailleurs quelque affinité, mais les pouvoirs néfastes de l’ Épine blanche, par suite de sa
consécration à la Vierge, étaient passés à l’Épine
noire, autrement dit au Prunellier utilisé par les
magiciennes dans leurs maléfices.
Il ne fallait sous aucun prétexte offenser le buisson blanc, ni l’employer à des fins profanes, sous
peine de malheur.
Tout cela n’était que la christianisation de
croyances bien antérieures.
Chez les Celtes païens, l’Aubépine jouissait d’un
redoutable prestige, selon le Livre de Ballymote
lorsqu’un barde voulait châtier un roi qui s’était
mal conduit, par exemple, en ne récompensant
pas suffisamment ses services, il pouvait recourir
à un terrible rite incantatoire. Au lever du soleil
l’imprécateur se tenait au sommet d’une colline sur laquelle se dressait un buisson d’Aubépine. Appuyé du dos à l’Aubépine, tenant dans
la main un de ses rameaux ainsi qu’une pierre
de fronde, celui-ci chantait une incantation sur
l’épine et sur la pierre, puis déposait celle-ci sur
les racines de l’arbuste, s’il était dans son tort, le
sol de la colline l’engloutissait mais si son pouvoir magique était le plus fort, la terre avalait le
roi et sa famille, ses animaux, ses armes et ses
vêtements… Telle était la puissance de la parole
lorsqu’elle s’appuyait sur la pierre et sur l’arbre.
La destruction de l’Aubépine pouvait entrainer les pires catastrophes. Encore aujourd’hui,
en Irlande et au Pays de Galles, si les services
publics veulent déterrer une aubépine gênante,
la population s’y oppose.
Le bois est quelquefois utilisé par les tourneurs
en raison du poli remarquable qu’il prend.
En pharmacologie, les fleurs ont des pouvoirs
avérés dans les affections cardiaques (arythmie,
tachycardie, hyper ou hypotension) et diminue aussi l’excitabilité du système nerveux. Ces
propriétés ont été découvertes au XIXe siècle.
Antérieurement l’aubépine n’était pas considérée comme un remède majeur. Elle était utilisée
toutefois comme fébrifuge ou astringent.
page 56
Une meute de loups.
L’Aubépine a une odeur marquée que d’au« L’aubépine, le mal aimé est un chef solide qui cuns décrivent comme « l’odeur puissante de la
porte les mêmes habits que le prunellier. »
femme ». Il est probable que la symbolique de
chasteté exagérée masque imparfaitement une
Bois sacré
connotation plus ancienne de sexualité débriL’Aubépine correspond à l’ogham Haute dée. Les diverses interdictions de mariages et
(Huath) (lettre H).
recommandations de chasteté durant le mois de
L’aubépine était un arbuste sacré chez les Celtes. mai gravitent autour de cette dualité.
L’aubépine que l’on appelait autrefois simple- La révolution française, qui avait en exécration
ment « Mai », est naturellement l’arbre le plus les usages anciens, ne ressuscita pas moins celuiassocié avec le mois de mai dans de nombreuses ci, enfaisan de l’aubépine l’Arbre de la Liberté.
régions des Îles britanniques et d’Irlande. En ce On en planta 60 000 en France de 1789 à 1792.
jour de 1er mai, fête de Beltaine, les bois et les Comme pour les arbres sacrés d’autrefois, leur
haies scintillent de ses fleurs blanches.
destruction fit l’objet d’interdits.
L’aubépine est souvent associée à l’acte sexuel. Pendant la Terreur, le village de Bédouin, situé
On plantait l’arbre déraciné sur la place du au pied du mont Ventoux, dans le Vaucluse, fut
village, on le décorait d’objets représentant la férocement châtié pour n’avoir point protégé
fécondité puis on dansait autour de lui afin d’at- son Arbre de la Liberté, qui fut abattu au cours
tirer la prospérité.
d’une nuit. Le coupable n’ayant pas été découAu cours du mois de mai, à Rome, on ne célé- vert, soixante-trois habitants furent guillotinés,
brait pas de mariages ou alors on allumait cinq les autres chassés et le village incendié.
torches d’aubépine fleurie afin de désarmer la Dans la tradition celtique, la fille du roi d’Irredoutable Maïa, mère d’Hermès. La chasteté lande Cormac s’appelle Ailbe, son nom signifie
devait être observée durant le mois de mai, le Aubépine. Les Celtes utilisait son pouvoir afin
mois des purifications, aussi n’est-il pas éton- d’obtenir l’aide de l’Autre Monde. Et c’est aussi
nant que l’aubépine ait été consacrée à la Vierge sous une Aubépine de la forêt de Brocéliande
et que mai soit devenu finalement le mois de que Viviane ensorcela Merlin.
Marie…
Dans la Grèce antique son bois était utilisé pour Le Chant pour Viviane (extrait)
la torche nuptiale et les filles portaient aux noces Merlin saisit sa harpe, et le cœur des vieux
des couronnes d’aubépine.
chênes
Se fendit à pitié d’écouter ses sanglots ;
Symboles /mythes/légende
Merlin saisit sa harpe, et ruisseaux et fontaines
L’aubépine est sacrée aussi pour les esprits qui D’apaiser aussitôt la rumeur de leurs flots...
font irruption dans le monde humain quand Ainsi chanta Merlin, tandis que ses mains fines
s’ouvrent les portes de Beltaine.
Glissaient négligemment sur les cordes
Beltaine est en Irlande l’une des trois nuits des d’argent ;
esprits de l’année (les deux autres étant les veilles Ainsi chanta Merlin, et, sur chaque aubépine,
du solstice d’été et de Samain). En Irlande les Les yeux profonds des fleurs s’ouvrirent à l’insaubépines étaient appelées « arbres des rendez- tant :
vous amoureux » des esprits et elles poussaient - Voici mon chant d’amour ! C’est un chant de
souvent sur des tertres funéraires, ou à des car- détresse
refours et autres seuils de l’Autre Monde.
Que j’offre, en cet Avril, à Celle qui trahit...
« À travers la plante immaculée se manifes- Sois satisfaite, enfin, briseuse de promesses,
tent la Femme triomphatrice du Serpent et la Plus cruelle, cent fois, que Mève-aux-beauxDéméter païenne, maîtresse des germinations et Sourcils !
des renaissances. » (Lieutaghi)
Mais cette candeur cache mal des croyances André Savoret
moins innocentes et antérieures.
page 57
Mai : le Sureau
On le trouve souvent associé aux bâtons de sorciers, et ces bâtons, vidés de leur moelle, cachent
Légendes
de secrets maléfices. Ces mêmes tubes creux
Le symbolisme du sureau est sous le signe de servent également à la fabrication de flûtes aux
l’ambiguïté.
propriétés magiques.
Il est l’arbre du nombre 13 car dans le calendrier
des arbres, il est le treizième mois, l’odeur forte Légende
du sureau pouvait provoquer des malaises qui Une brûlure intense.
entraînaient parfois la mort, ce qui expliquerait « Le sureau, long à brûler, se montre, avec l’if, au
que ce treizième mois, mois du sureau au pou- milieu des feux de la bataille. »
voir néfaste, aurait rendu néfaste le chiffre 13.
J’ai la puissance des vagues de la mer.
Les pouvoirs du sureau étaient ambigus, s’il
écartait les démons, il pouvait aussi les attirer. Usage
Une explication simpliste pourrait rattacher ses En juin/juillet les grandes corymbes de ses fleurs
tendances porte-bonheur au fait qu’il était un d’un blanc d’ivoire répandent une senteur âpre
arbre dispensateur de nourriture ; et le cortège mais revigorante. Leur succèdent en septembre
de maléfices qu’il traîne dans son sillage au fait d’abondantes grappes de baies noires et lustrées
que son odeur est peu appréciée.
quand elles sont mûres.
En Sicile, il protège des serpents, comme en Les baies de sureau auraient été un aliment pour
Angleterre, où cependant brûler du sureau les hommes de l’âge d’or qui ne connaissaient
« amène le diable dans la maison ». Il est pro- pas les céréales. Nous savons, par ailleurs, que
tecteur des habitations au Danemark et en les fruits du sureau étaient ramassés et consomBretagne ; en Russie il chasse les mauvais esprits. més par les populations du néolithique.
Quant à dendrôdès, il signifie « de la nature des
arbres » et s’appliquait surtout à leurs nymphes,
en particulier aux Hamadryades du chêne. Il est
donc vraisemblable que dans un très lointain
passé, le Sureau fut considéré comme un don
des dieux, sinon comme divin lui-même.
Le bois très homogène, assez lourd, d’un jaune
clair à grain fin, est recherché des tourneurs et
des tabletiers.
La moelle des jeunes rameaux était utilisée pour
maintenir en place sur l’établi des petites pièces
fragiles (horlogerie, micromécanique, biologie.
Elle est remplacée de nos jours par le polystyrène expansé qui a la même consistance.
C’est un arbre médicinal aux nombreuses vertus.
L’écorce est diurétique, analgésique et sédative.
Les fleurs sèches sont sudorifiques, adoucissantes et résolutives.
Curiosités
J’ai souvenir de certaines nuits de débuts d’été
où les bosquets de sureaux proches de la maison
dispensaient une odeur remarquable.
Les fleurs à peine formées exhalaient un parfum
encore léger qui équilibrait parfaitement celui
des feuilles, qu’on dit fétide. Le mélange complexe des deux ouvrait des horizons magiques...
maléfices les maisons près desquelles il était
planté (c’est sans doute la raison pour laquelle
on en trouve souvent contre les habitations) et
en écartait les serpents.
Au XVIIe siècle les sorciers ne craignaient rien
tant que d’être battus avec un bâton de sureau.
« Le sureau, à l’entrée du village,
Bruisse du doux murmure,
Des fées cachées en son feuillage.
Du renouveau de la nature,
Les enfants, disent-elles, sont heureux,
Car l’air léger du printemps
Résonne du cri joyeux de leurs jeux,
Et de leurs chants innocents.
Bientôt ils viendront au sureau,
Choisir quelques magiques rameaux
Pour en faire de jolis flûtiaux,
Qui répondront aux trilles des oiseaux. »
Patrick Courtois
Bibliographie : Vivre la Tradition celtique de
Mara Freeman, Dictionnaire des arbres de France
(histoire et légendes) et Mythologie des arbres de
Jacques Brosse.
Le bois sacré
Le sureau correspond à l’ogham Ruis (lettre R).
Il est associé à la Déesse sous son aspect de vieille
sorcière et dans de nombreuses régions des îles
britanniques, on appelait « vieille dame » l’esprit
de l’arbre.
Se faire un bain d’yeux avec le jus vert du bois
confère la capacité de voir les êtres invisibles,
et si vous restez sous un sureau à Samain, en
Écosse, vous pouvez voir l’armée des esprits
chevaucher.
On peut faire traditionnellement une amulette
protectrice en coupant une branche de sureau
juste avant la pleine lune d’octobre. Le bois
entre les nœuds doit être coupé en neuf morceaux attachés par une étoffe de lin. On le porte
au cou, de façon que les morceaux de bois touchent le cœur. On doit le porter jusqu’à ce que le
fil se rompe ; alors l’amulette doit être enterrée
dans un endroit où on ne la découvrira pas.
En Haute-Bretagne le sureau préservait des
page 58
page 59
Connexion
Au bouleau, j’ai tendu mes bras,
Le Bouleau
Les sommets du bouleau nous ont
Fusion, légèreté, pureté.
Comme un doux balancement, une oscillation.
J’ai oublié et je suis arbre.
Berceuse éternelle qui rappelle l’union,
la symbiose des vivants,
Lorsque leurs cœurs battent à l’unisson.
Au bouleau j’ai remercié pour la sève prélevée,
pour le doux nectar de veines qui coule en ce
tronc et ses mille racines.
couverts de feuilles ; il transforme et
change notre dépérissement.
Après la vie, la mort enviable.
Les feuilles sont un linceul, un nouvel habit
pour le défunt, il se pare d’un aspect pour accéder à l’autre monde. Extrait du Câd goddeu
Afang
astur
Earawiel
ouvert mon cœur.
Parti dans mille méandres,
senti bouillir cette sève qui monte.
Communion avec le grand blanc.
Filant dans l’arbre, des racines vers le ciel.
Tendu les bras, senti l’immensité.
Homme debout aux racines et branches qui
vont au gré du vent.
Et comme une étrange impression de ne faire
qu’un.
page 60
Nommé aussi « l’arbre de la sagesse », il est l’un
des sept bois sacrés et symbolise la connaissance
druidique. Il vit en symbiose avec l’Amanite
Muscaria, ce champignon magique que l’on
nommait aussi nourriture des Dieux et particulièrement prisé par les chamanes. Son écorce
blanche et lisse, rehaussée de quelques taches
noires, se détache en fines lamelles horizontales.
L’opposition du noir et du blanc de son écorce
est un symbole évident, rappelant les oppositions perpétuelles du monde terrestre.
L’écorce du bouleau blanc contient surtout de
l’acide bétulinique et ses feuilles renferment des
acides phénols, des tanins, des triterpènes et des
flavonoïdes dont le rutoside. C’est un arbre de
20 à 25 m, dont la cime est peu développée. Ses
feuilles alternes, parfois opposées, sont triangulaires à pointe longue et finement dentées. Il
fleurit vers 20-30 ans, ses fleurs sont des chatons,
les chatons mâles (10 cm env.) sont pendants et
situés en bout de rameau de manière à disperser
au mieux leur pollen, les chatons femelles sont
dressés et ne mesurent que 3 cm. Les chatons
arrivent à maturité en mars.
Le bouleau est une espèce pionnière, il accepte
les sols pauvres toutefois humides et aime l’ensoleillement. Il absorbe et évapore beaucoup
d’eau et vit une centaine d’années au maximum.
Son nom signifie « briller » car son écorce
blanche reflète la lumière dans la noirceur de la
nuit. Dans la tradition celtique, le bouleau symbolisait l’inspiration et l’élévation spirituelle.
Il est l’arbre de la lumière, de la naissance, du
commencement et l’impatience du printemps
par ses feuilles sortant très tôt. Doux et fort,
son bois était traditionnellement utilisé dans
la confection des berceaux et la création de
baguettes magiques. Il possède de grandes propriétés purificatrices.
Propriétés Médicinales
Le bouleau possède nombre de propriétés médicinales. Il est principalement un excellent diurétique. L’écorce en est d’ailleurs un mais elle est
aussi un fébrifuge et un stimulant pour la digestion. De plus elle est très utile contre les problèmes de peau, en particulier contre les dartres.
Les bourgeons et les feuilles sont utilisés contre
les inflammations, les infections des voies urinaires, contre les calculs rénaux et parfois en
complément pour un traitement antirhumatismal. Mais les bourgeons sont aussi recommandés contre les engorgements des ganglions lymphatiques. Quant à la sève, elle est diurétique
mais aussi dépurative. Elle est généralement
utilisée contre l’arthrite et les calculs urinaires.
Sa sève se récolte au printemps (une grosse
branche peut fournir entre 4 à 5 litres de sève
par jour). Pour éviter la fermentation de la sève,
une fois récoltée ajouter 4 à 5 clous de Girofle
par litre de sève et conserver au frais.
Utilisation externe
Décoction de bouleau (à utiliser en lavage ou
application avec compresses) : faire bouillir
10 min deux poignées de feuilles ou 40 g
d’écorce dans un litre d’eau.
Utilisation interne
En infusion, il faut 30 à 40 g de feuilles pour
un litre d’eau. Faites bouillir l’eau et versez-y
les feuilles. Laissez ensuite refroidir jusqu’à
une température d’environ 40°C. Il est alors
conseillé d’ajouter 1 g de bicarbonate de soude
pour dissoudre le principe résineux. Prendre 2 à
3 tasses par jour.
Le vin de bouleau : tonique et fébrifuge, il est
constitué de 50 g d’écorce de bouleau qu’on
laisse macérer pendant une semaine dans un
litre de vin rouge. Ce breuvage est à consommer,
à raison d’un verre, avant les repas.
L’Ogham Beth
Première lettre de l’alphabet celtique.
Pris entre chien et loup, l’honorable bouleau se
dresse tel un axe immaculé. Une atmosphère
mystique flotte dans l’air sous ses feuilles s’agitant en murmure incessant, essence au parfum
de sérénité solennel, nourrissant la paix intérieure.
page 61
Sa blancheur nous éclaire sur la véritable
constance des choses, leur nature profonde.
Le bouleau incarne la pureté, sa sève est purificatrice, l’ogham Beth nous invite à nous libérer
des manifestations polluant notre être, à nous
libérer des énergies négatives, des désirs inconscients et superficiels. Se purifier de ses futilités
est l’avancement sur le chemin du renouveau, le
développement de ses aspirations, l’aboutissement à une renaissance.
Le Saule
Cinquième lettre de l’alphabet oghamique et
arbre sacré du bosquet des druides.
Le saule établit sa demeure près de l’eau, son
écorce gris foncé est facilement reconnaissable
à ses profondes fissures. Il peut atteindre 25 m
de haut. C’est un arbre à feuilles caduques. Ses
feuilles lancéolées sont vertes sur le dessus mais
velues et argentées sur le dessous et sont disposées en spirale sur les branches. Au printemps,
il se couvre de chatons. Chez la femelle, les
chatons qui sont argentés libèrent les graines
cotonneuses en juin/juillet. Chez le mâle courant mars, les chatons argentés libèrent, en
s’épanouissant, leurs lumineuses étamines
jaunes et virent à la couleur or. Il est dit que les
druides coupaient leurs baguettes sur les Saules
Marsault mâles, car ce passage de l’argent à l’or
était une symbolique magique. La poussière d’or
surgissant de l’argent est un puissant symbole
de l’art alchimique.
C’est un arbre de protection, de guérison et de
fertilité. Il est le symbole de la nuit et des cycles
lunaires. Il est l’arbre de la Lune, de la Femme,
de l’Eau, il est un cycle, un rythme, un équilibre.
Il est la « Sagesse primordiale ». Il manifeste la
vie au-delà de la mort et la connaissance, l’éternité des lois célestes en évoquant l’espérance de
la renaissance. Son essence nous porte sur le
chemin du rêve et de la mélancolie.
Son enchantement et ses mystères inspiraient
les poètes et prêtresses, leur offrant le don des
prophéties, l’inspiration et l’éloquence.
Propriétés magiques
En magie, le Saule est habituellement réservé
aux rituels lunaires et de guérison. Certaines
légendes mentionnent que des saules déracinés pourchassaient la nuit les voyageurs, par ces
contes cet arbre fût craint et respecté, devenant
l’arbre des mystères et de la sorcellerie.
Le saule pleureur est signe de désespoir et de
page 62
nostalgie. Mais c’est aussi un arbre très magique,
celui des fées et des sorcières qui se dissimulent entre ses interstices. En Grande-Bretagne,
les tumulus mortuaires placés près des marais
et des lacs étaient alignés de saules. Ils représentaient la continuité de la vie au-delà de la
matière. Son bois était utilisé pour façonner des
baguettes magiques principalement dédiées à la
magie lunaire. Les feuilles de saule portées sur
soi ou utilisées dans des mélanges visaient à attirer l’amour. Pour conjurer les sorts, on broyait
et mélangeait de l’écorce de saule blanc avec du
bois de santal pour le brûler en lune décroissante. Les balais magiques de saule étaient traditionnellement mélangés à une branche de
bouleau, liés ensemble avec des brins d’osier
tressés en l’honneur des Déesses.
trouve déjà enfouie au cœur de notre chaudron,
c’est l’intuition qui la fait naître. Saille nous
invite à cultiver cette face intuitive de notre
nature intérieure. Il incite à la compréhension
et à la prudence.
Dans le monde des âmes, Saille, l’arbre des
poètes, nous encourage à laisser l’intuition
suivre le cours du courant pour se développer,
de laisser l’inspiration se mettre à chanter et
l’éloquence briller.
L’Aubepine
« Sous
son linceul impénétrable, Viviane
emprisonna Merlin. »
L’aubépine est telle une rose protégeant sa fragile beauté sous l’armée de ses épines.
Elle est reflet de l’enchantement et de la douleur.
Propriétés Médicinales (On utilise les La beauté et le plaisir ne sont qu’un ravissement
feuilles, les chatons et principalement l’écorce) éphémère,
En usage interne
Telle la rose lorsque sa beauté se meurt,
L’angoisse/l’anxiété/insomnies/ règles doulou- Mais reste toujours son enveloppe d’épine.
reuses et les névralgies rhumatismales/états
fébriles (l’écorce de saule contient de l’acide sali- L’aubépine est le sixième arbre de l’alphabet
cylique, base de l’aspirine)
oghamique et l’un des arbres sacrés des druides.
a En infusion : une cuillerée à dessert de Arbre mystique de protection, il symbolise l’éléchatons ou de feuilles pour une tasse d’eau ment du feu et porte avec lui le renouveau de
bouillante, infuser 10 min. Consommer à raison la vie, le printemps et la fertilité. Cet arbuste,
de 3 tasses par jour avant ou entre les repas.
parfois arbre, croit très lentement et n’a rien à
a En décoction : 20 à 35 g d’écorce sèche et envier à l’if, car fidèle allié à la longévité, il vit
concassée pour un litre d’eau, laisser bouillir en moyenne 500 ans, parfois plus pour certains
5 min, puis infuser 10 min. 2 ou 3 tasses par sujets (l’aubépine de Saint-Mars-la-Futaie en
jour.
Mayenne daterait des premiers siècles de notre
ère). L’aubépine possède des similitudes avec le
Ogham Saille
prunellier sauvage ou épine noire mais, contrairement à lui, ses racines ne sont pas traçantes.
« L’aune se jette en la bagarre.
Son bois prend une belle teinte rougeâtre une
Il est au premier rang.
fois coupé, et brûle plus chaudement que le
Mais le saule et le sorbier
chêne lui-même, les bosquets d’aubépines sont
Sont bien plus prudents. »
un refuge pour les petits mammifères et oiseaux,
Extrait du Câd Goddeu
leur offrant protection et nourriture, leurs branchages couverts d’épines formant une barrière
Intiment lié à la lune et à l’élément eau, le saule défensive. Lorsqu’il perd ses nuances tendres et
révèle à la lumière nos émotions et aspirations variées du renouveau, ses feuilles alors d’un vert
les plus profondes. Saille nous enseigne d’accep- profond se parent d’une cascade de fleurs vigouter les changements, les cycles et rythmes tout reuses à la blancheur immaculée, et s’agrémenen préservant une constance spirituelle face aux teront par la suite d’un collier de baies rouges,
bouleversements pouvant être rencontrés.
les cenelles (réduites en poudre après séchage
La réponse aux questions que l’on se pose se au four, elles procuraient une farine de remplapage 63
cement, permettant la confection de pain de sèches pour une tasse d’eau froide. Laisser tremdisette).
per 12 heures puis amener à ébullition et tamiser. Deux à quatre tasses par jour.
Mythes et traditions
L’aubépine se consomme également en sirop et
L’aubépine est la demeure des esprits de la liqueur.
nature, notamment les fées. Son énergie particulièrement élevée permet d’établir un contact L’Ogham Huath
entre les deux mondes. Il est le songe portant
le rêve au-delà des frontières du visible en nous L’aubépine possède des propriétés sédatives,
débarrassant des flux négatifs. Son énergie à la elle apaise les esprits troublés et tonifie le cœur.
fois protectrice et purificatrice nous invite sur le Dans le monde du milieu, l’ogham Huath invite
chemin de l’équilibre spirituel et physique.
au calme et à la patience, à faire du temps un
Le chevalier partant en croisade offrait à sa allié, tel une mer de patience et de tranquillité
dame, en gage de fidélité, trois branchettes sur laquelle on voguerait lentement en levant un
d’aubépines liées d’un ruban incarnat. Dans un regard clairvoyant sur l’horizon à atteindre pour
cadre moins romantique, son bois très dur ser- l’aborder sans heurts. La construction de son
vait de billot recueillant la tête des condamnés. propre édifice par la prudence, la sagesse et la
L’aubépine est censée protéger la demeure patience.
contre l’orage et la foudre, on en suspendait Le rouge et le blanc ! L’arbre des fées est une
également au-dessus des berceaux. Dans les porte pour l’autre monde, il évoque la pureté
croyances populaires, l’aubépine était associée par ses névés de fleurs blanches le couvrant au
aux sorcières et à la magie. On l’utilisait dans printemps et l’ardeur solaire avec ses cenelles
les rituels de prospérité et charmes de fertilité. pourpres.
Les baguettes en bois d’aubépine sont réputées Dans le monde des âmes, l’équilibre des polapour être particulièrement puissantes, toutefois rités nous ouvre à une vision plus claire et limcouper de l’aubépine appellerait la malchance.
pide. Huath nous convie à cultiver cet équilibre
qui n’est accessible qu’avec la pureté de ses actes
Propriétés thérapeutiques
et de son cœur.
L’aubépine est la plante-mère pour tous les soins
du système cardio-vasculaire. Ce tonique vascu- Le Sureau
laire a des effets non immédiats ni radicaux mais
durables à long terme. Elle est cardiotonique, En avril, le sureau doit fleurir,
antioxydante, vasodilatatrice, anti-inflamma- Sinon, le paysan va souffrir.
toire circulatoire, tonique vasculaire (baies), Dicton
relaxante et sédative pour les sujets nerveux et
fébriles, astringente et diurétique. L’écorce est Le sureau est un arbuste magique, l’arbre à
détachée en lambeaux au printemps lors de la fée. Dans les légendes anciennes, le sureau en
montée de la sève, peut être utilisée fraîche ou fleur abritaient les fées et nombreux sont les
séchée. Les fruits sont à cueillir bien rouges à contes de campagne évoquant sa magie. Le
l’automne. Les fleurs blanches sont à ramasser, sureau noir est un don de la nature aux mulsoit en boutons soit en fleurs, mais avant leur tiples vertus, utilisé dès l’Antiquité tant pour
complet épanouissement entre avril et juin.
ses vertus médicinales, culinaires que magiques.
Infusion chaude
Les baies de sureau constituent également des
Faire bouillir deux cuillérées à café de plantes colorants bleus et violets pouvant être utilisés
sèches (fleurs, feuilles ou baies) pour une tasse en encre. Les gaulois s’en servaient pour teindre
d’eau. Laisser infuser au minimum 30 minutes leurs tissus. Son bois servait à réaliser des sifet tamiser. Deux à quatre tasses par jour.
flets et bâtons magiques. Les feuilles de sureau
Infusion froide
séchées peuvent être consommées en tabac et
Faire tremper deux cuillérées à café de baies fumées avec une pipe taillée dans le bois de
page 64
sureau, duquel il est facile d’extraire la partie
spongieuse. Les fleurs de sureau, nommées « la
vanille du pauvre » parfumaient les plats et les
baies entraient dans la composition de confitures, sirops, tisanes et pâtisseries.
Le sureau noir fleurit en juin, ses fleurs se récoltent à ce moment, et ses baies noires se cueillent
au début de l’automne, lorsqu’elles sont à
maturité.
Propriétés thérapeutiques
Anti-inflammatoire, purgatif, sudatif, laxatif
Les baies : il est conseillé de les consommer
cuites car elles contiennent de la sambucine,
une substance légèrement toxique se neutralisant à la cuisson.
Dans la tradition populaire
Dans nos campagnes, cet arbuste était craint
pour son aspect « double », réputé bénéfique
tant que son bois ne pénétrait pas au sein de
la demeure ou que l’on brûlait son bois car cela
portait malheur et attirait les esprits. Boucher
les trous de serrures avec des feuilles de sureau
ou en porter une sur soi en talisman éloignerait
les mauvais esprits et préserverait des sortilèges
d’amour. Planté à proximité d’une demeure, il
était une protection contre la foudre.
son essence dynamique régénère et équilibre. »
Le sureau fut longtemps utilisé pour la crémation des défunts, une branche de ce bois accompagnait ces derniers pour les protéger et les
guider. L’arbre des fées est un passage entre les
mondes, de la vie à la mort, il est un équilibre
naturel. Ruis invite à visionner l’univers dans sa
globalité pour se fondre dans la vibration frénétique de la grande danse de la vie.
L’amulette du Sureau
L’Ogahm Ruis
« Gardien des initiations et des engagements,
Son service spirituel
« Le changement est une évolution qu’il faut
éviter de refuser. »
page 65
Le Bouleau
l’assemblée druidique du chêne et du sanglier fédère quelques clairières et bosquets druidiques autour de principes et de valeurs communs. Autonomes quant à leur fonctionnement, ces
clairières et bosquets se rencontrent sur ce qui les lie.
Si vous allez aux pieds d’un bouleau
Kermailune
un jour de brise de petit printemps,
vous verrez sa robe de branchettes
frémir au moindre souffle.
Si vous allez aux pieds d’un bouleau un jour
de brise de petit printemps, vous verrez ses chatons frémir au moindre souffle.
Si vous allez aux pieds d’un bouleau un jour de
brise de petit printemps, vous entendrez l’arbre
chanter lorsque le vent lui rend une petite visite
amicale.
Cet ami du vent lui donnera ce que vous lui
confiez. Et le vent dispersera vos soucis dans
l’atmosphère de la terre. Il ne gardera peut-être
pas votre secret mais saura à qui le confier.
Chatons de Bouleau
Ils s’entendent ainsi sur :
- Le respect des ancêtres et une pratique adaptée de l’ancienne spiritualité druidique. Pratique
qui puise aux sources anciennes tout en respectant l’esprit du temps. Double mouvement entre
Tradition et Inspiration.
- Le respect de la Terre et de la Nature.
- Le polythéisme celtique vécu comme une religion naturelle, qui puise ses symboles au cœur de la
Vie, dans les traditions dont on trouve trace dans les coutumes, le folklore de nos pays.
Religion naturelle aussi parce qu’accessible à chacun, immédiatement.
Religion naturelle enfin parce qu’inscrivant ses rites et ses célébrations dans les grands rythmes de
la Nature.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de nos publications et la présentation de l’Assemblée sur notre
site : http://www.druides.org
Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez du blanc, couleur éblouissante.
Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez du gris, couleur apaisante.
Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez ses fissures, cicatrisées.
Cet ami entouré d’écorce vous aveuglera, vous
apaisera et vous soignera. Et son écorce prendra
ce que vous lui confierez. Et il dispersera vos
soucis et son écorce en fera une nouvelle belle
fissure. Il ne gardera peut-être pas votre secret,
mais saura à qui le montrer.
Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles
vous transperceront.
Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles
draineront vos abcès.
Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles
apaiseront votre douleur.
Cet ami feuillu et vibrant guérira vos soucis.
Il en fera l’histoire du barde, le mythe qui se
renouvelle à chaque lecture. Il ne gardera peutêtre pas votre secret, mais saura à qui le conter.
page 66
page 67
Coordonnées des bosquets, clairières et foyers membres de l’adcs :
Altitona
Localisation : Alsace-Lorraine.
[email protected] , www.druides.fr
Responsable : Eber, [email protected]
Edobola
Localisation : Poitou-Charentes.
Responsable : Astur, [email protected]
Etin
Localisation : Sud-Est, basée entre Avignon et Cavaillon.
Responsable : Caillin Blaa, [email protected]
Gabalia
Localisation : Lozère, Cévennes.
Responsable : Viviane, [email protected]
Helvétia
Localisation : Suisse romande.
Responsable : Kermailune, [email protected]
Le Chêne
Localisation: Gironde.
Responsable: Aodhfin Eoghan, [email protected]
Sequana
Localisation : Bourgogne et Île-de-France.
Responsable : Deruos, [email protected]
page 68

Documents pareils