Le mythe celtique - L`Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier
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Le mythe celtique - L`Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier
Avec ce nouveau numéro de la Rouelle, vient l’heure des bilans. Sur ce que nous faisons, sur le chemin qu’il nous reste encore à parcourir. La Rouelle rencontre quelque succès et il faut bien avouer que les qualités et l’engagement de la petite équipe qui y travaille y est pour beaucoup. Avec plusieurs centaines de téléchargements par numéro (environ 700 selon nos dernières estimations), elle est un des organes d’expression de la sensibilité druidique. Nous devrons travailler pour qu’elle s’ouvre à d’autres sensibilités que la nôtre et gagne encore en substance et en profondeur. Dans ce numéro, vous trouverez un article qui nous a été confié par un des groupes druidiques avec qui nous entretenons des rapports fraternels et qui a bien voulu collaborer à ce numéro même si sa sensibilité est différente de celle de notre Assemblée. Que différentes sensibilités puissent s’exprimer dans les mêmes lieux et avec les mêmes moyens nous semble pouvoir constituer un idéal. Plus que des mots, des actes ! C’est autour de telles collaborations, autour de travaux communs, autour de projets, d’échanges, de rencontres fraternelles que nous irons vers la reconnaissance. Reconnaissance du druidisme qui passe d’abord par la reconnaissance mutuelle. Les rencontres inter-collèges de cette année vont dans ce sens. Notre Assemblée y est présente ; nous pensons que ces rencontres vont dans le bon sens et pourront à terme produire du beau et du bon. La route est encore longue avec ses embûches et ses impasses, mais les collaborations qui se construisent et aboutissent nous incitent à l’optimisme. Beltane est là avec ses élans et ses dynamiques et nous en profitons pour faire le vœu que nous serons de plus en plus nombreux à nous retrouver autour de projets communs pour que les feux des Druides illuminent à nouveau le sommet des collines. Nous espérons que vous trouverez autant d’intérêt à lire ce numéro de la Rouelle que nous en avons eu à le construire. Eber - Altitona Le Mythe celtique Le mythe celtique page 2 : Le mythe - Eber page 5 : La mythologie celtique - Viviane page 11 : Ceridwen et Taliesin - Kermailune page 13 : Présence des mythes en Provence - Caillin Blaa page 15 : Le conte de Taliesin et Avagonios - Afang page 18 : L’épopée celtique du Roi Arthur - Viviane page 21 : Une approche de la mythologie celtique - Astur page 22 : Dieux, déesses et personnages - Morgane page 28 : Interface entre mythologie et onomastique - Auetos page 47 : Nos coups de cœur sur le sujet - Caillu Brigana Photo de couverture : Astur Logo Rouelle de l’ADCS : Alnoreen Correction et mise en page : Yavanna Arbres de saison page 51 : Chêne, Bouleau, Saule, Aubépine, Sureau - Viviane page 60 : Connexion - Astur page 61 : Bouleau, Saule, Aubépine, Sureau - Earawiel page 66 : Le Bouleau - Kermailune page 1 Le mythe et donc d’une certaine manière de le guérir. BRITT Eber « Les mythes me semblent sous- jacents à toutes nos activités. Ils représentent les fondements, un antidote à notre monde superficiel. Ce qui manque, c’est le sens, non pas les valeurs. Et le mythe peut donner un sens. Le mythe parle à tout le monde. Il suffit d’une bribe du mythe pour qu’il revienne dans son entier. En ce sens, il structure l’inconscient. Le mythe répond toujours à la question du commencement, des origines, car toutes les civilisations s’intéressent à l’origine du monde. Ça peut être un œuf, une création à partir de la boue... Dans les mythologies apparaissent des structures fondamentales qui correspondent profondément à la structure humaine. Le mythe, c’est aussi une hiérophanie, c’est-àdire une levée du sacré. Dans un monde désenchanté comme le nôtre, aucun mythe nouveau ne se crée. Nous avons, disons, quelques centaines de mythes autour desquels s’organise la réalité humaine dans ce qu’elle a de plus fondamental lorsqu’elle se pose la question du « pourquoi ». Le rite, autre véhicule du mythe, a les mêmes vertus. Pour être efficace, il doit reposer sur le mythe, l’actualiser, le mettre en geste, en mots, en chants, en symboles. Pour paraphraser Nuin (Druide fondateur de l’OBOD), le rite est un mythe mis en gestes. Lorsque nous abordons la parole et le rite par le biais du mythe, il devient aisé de comprendre que dans une approche druidique le conte n’est pas n’importe quelle histoire, le rite n’est pas n’importe quel geste. Poétique ou non, artistique ou non. Ce qui caractérise le chemin druidique, c’est son enracinement dans le mythe celtique et rien d’autre. Pour autant, il ne s’agit pas d’aborder le mythe de façon « intellectuelle » comme un collectionneur d’histoires. Le mythe pour être efficace doit susciter des résonances conscientes et inconscientes. Ce qui nous renvoie à la question de l’inconscient collectif et à celle de nos « racines » archétypes. Étudier, actualiser le mythe, nous permet Jean Romain, Pour l’amour des dieux. Voyage d’aborder ce qui constitue une des plus grandes dans les mythologies questions de l’humanité : le sens de la Vie. Sens, fondement, structure. Le mythe véhicule une parole sacrée, fondatrice, guérisseuse. Nos mythes nous parlent de Vie et de Mort, de désir, de puissance, de Dieux, de la nuit et Dans sa forme la plus pure, il évoque la créa- du jour, mais aussi de fécondation, de retourtion du monde et donc sous une forme symbo- nement et d’accession de l’Homme à sa propre lique notre propre création au sein de ce qui va humanité. En nous inscrivant dans le cycle cosconstituer le « réel ». mique, ils donnent du sens au temps, en nous Le mythe n’explique pas le monde, il fonde à inscrivant au centre des quatre directions, ils chaque instant la façon dont nous considérons donnent du sens à l’espace. nos rapports au monde. En ce sens, le mythe est toujours fondateur. Il évoque la naissance de l’Homme ou de notre humanité. Le conte n’est que l’habit du mythe, c’est le mythe sous une forme « actualisée » opportune. Le conte n’est pas le mythe, il est son véhicule. Et lorsqu’il joue son rôle, le conte, expression du mythe, est aussi un modèle qui permet à l’auditeur de se positionner dans la logique de la Vie page 2 Le mythe comme fondateur d’une identité monie, désorientation, incapacité à retrouver les mécanismes de compensation et d’équilibre. Dès lors qu’une « Queste » est structurée par Pour beaucoup de traditions les maladies prole mythe, elle s’inscrit dans l’Histoire (avec une viennent d’une perte d’âme, souvent d’ailleurs majuscule) et permet une certaine continuité l’âme ainsi « perdue » est détenue par des esprits vis-à-vis du passé, vis-à-vis de la « Tradition ». « ancestraux ». La plupart des scientifiques établissent la lignée Le rituel de guérison opérait alors un travail celtique autour de la continuité de langue, de de réconciliation avec l’esprit des ancêtres ou structure sociale, voire dans un espace géogra- les esprits « malveillants » jusqu’à permettre à phique. Il est une autre approche, à nos yeux l’âme de retrouver son chemin vers la personne plus fondamentale encore. Celle qui passe par le malade et ainsi de retrouver la vie et le sens. mythe. Ainsi nous pourrions avancer que ce qui constitue l’identité celtique ce n’est ni le partage La tradition nous parle d’histoires qui guérisd’une langue, ni celle d’un territoire, ni encore sent, ou encore de rituels de guérison. Forts des gènes mais plutôt le partage des mêmes de ce que nous venons d’aborder, il est aisé mythes « fondateurs ». de comprendre que l’accès aux mythes fondaÉtant entendu que ces mythes fondent une lec- teurs nous met en contact avec les éléments qui ture particulière du Monde. Ainsi serait celte étaient présents à l’origine de toute chose, avec celui ou celle qui intègre le mythe celte (loin les modèles de base de notre « programme » et des apparences et des masques). Une fois posée donc nous permet de « réinitialiser » nos mécacette question de l’identité nous pourrions poser nismes d’équilibre et d’harmonisation. Sous cerque plus encore que la langue ou la généalogie, taines conditions, le mythe est donc un outil de c’est le partage d’un même mythe qui permet guérison. aux Druides actuels de résoudre les problèmes de continuité avec les Druides du passé. Le mythe qui fait grandir L’histoire, la langue, les folklores devenant alors eux-mêmes des éléments du mythe. Une conception idéalisée du Druidisme et des Druides. Le mythe qui guérit Un des besoins fondamentaux de l’être humain est de trouver du sens. Non pas tant un sens « extérieur », une explication du monde, qu’un sens « intime » qui à la fois traduit nos perceptions mais aussi résonne avec notre propre constitution. La queste que nous menons à l’extérieur n’étant souvent que le reflet de ce chemin que nous menons vers notre « être essentiel ». L’un reflétant l’autre. Microcosme et macrocosme reflets l’un de l’autre. Lorsqu’on regarde la genèse des mal-êtres et des maladies on s’aperçoit rapidement qu’elles apparaissent à l’occasion d’une rupture, d’une perte de sens, d’un déséquilibre. Comme si, à l’occasion d’un « trauma », il y avait rupture d’har- La plupart des histoires celtiques nous content les faits et gestes de héros confrontés à leur destin, parfois tragique, souvent extraordinaire. Si nous nous référons à la tradition, l’Homme ne naît pas Homme, il se construit dans son humanité. Rien ne semble d’ailleurs plus étranger à la démarche traditionnelle que la notion de l’homme naturellement parfait tel que livré à lui-même. La perfection ou du moins une certaine perfection (la découverte de Soi ? L’individuation ?) naîtrait de notre confrontation au Monde, à notre évolution dans un chemin particulier, selon un ordre particulier. Chemin et ordre que nous pourrions qualifier d’initiatiques puisque propres à mener le cheminant à son but. Bien des chemins, bien des buts. La plupart du temps, et hédonisme actuel aidant, nous croyons que pour être soi il suffit de s’écouter. Autrement dit contempler notre ego dans toute sa suffisance, sans faire le moindre effort et surtout sans s’inscrire dans une quelconque direction si ce n’est celle de notre « bon plaisir ». page 3 La Mythologie celtique fondement de la société celtique et par conséquent du Druidisme. Il ne décline pas seulement le passé, l’histoire mais se rapporte à une structure permanente, actuelle, présente et future. Le mythe est méta-historique. Si le C’est à travers le mythe celtique que nous pouvons réactualiser la Tradition des Druides. Il comble les lacunes que nous pouvons avoir dans la connaissance de cette Tradition et vient nous libérer du complexe de ne pas savoir. À la certitude des historiens, il substitue la certitude de l’âme. C’est par le mythe et à travers le mythe que nous vivons notre religion, l’actualisons dans les rites et en nourrissons nos âmes. Le mythe celtique Le mythe celtique nous est parvenu par diverses sources et modes de transmission. Parmi elles, les littératures insulaires irlandaises ou galloises qui souvent transcrivent de façon à peine voilée des thèmes relativement constants. Le thème du héros, de la quête, les relations amoureuses qui se nouent entre les chevaliers et les Dames, la présence d’animaux ou de personnages chimériques ou encore la référence à d’autres mondes, d’autres royaumes. Tout ceci semble suggérer une conception complexe du Monde, assez peu accessible à une lecture directe. Le mythe n’est pas seulement une allégorie, ni une fable morale, il suppose une certaine vision du Monde exprimée sous une forme symbolique. Propre à éveiller plus qu’à expliquer. Le mythe celtique véhicule un fond spécifique, immédiatement reconnaissable. Il constitue le page 4 Viviane La démarche traditionnelle est autre. Elle présuppose des êtres aux vertus et qualifications diverses, tous en mesure de réaliser un chemin. Chemin lui-même cadré et décrit par le mythe. Ainsi le mythe celtique constitue un modèle initiatique, susceptible de dresser une cartographie des chemins à parcourir pour arriver vers le chaudron du Graal, à la fois vaisseau, contenant, réceptacle et porte vers le Monde de l’esprit. Nombreux sont les mythes celtiques qui peuvent être lus sous cet aspect initiatique. Et même en restant plus modeste, ces mêmes mythes peuvent nous conduire sur les chemins de l’action. Position de vie, position éthique qui participent à la nature du héros. mythe contient de nombreuses données d’ordre social, dans le domaine de la religion nous devons garder à l’esprit que la religion sous-tend toutes les activités des sociétés traditionnelles. L’étude de l’organisation sociale des Celtes nous renseigne donc sur leur doctrine religieuse. Le mythe représente l’image idéale de la société divine, modèle exemplaire dont la société humaine doit être le reflet. Le mythe est comme un voile, et comme tout voile, il sert au voilement et au dévoilement de façon complémentaire et cela en fonction de celui qui le reçoit. Ainsi, l’un verra dans un récit mythique une histoire rocambolesque, l’autre la transmission d’une réalité suprahumaine. Le mythe transmet des données qui sont celles d’une doctrine qui régit l’aspect particulier de la vie, qu’elle soit individuelle ou collective. Le mythe celtique Lorsque, comme c’est le cas pour les Celtes, un peuple ne nous a transmis que ses mythes, nous devons en extraire les spéculations métaphysiques ou simplement religieuses. En effet, la règle druidique qui interdisait de mettre par écrit leurs enseignements a eu pour conséquence de nous priver de la théologie et de la doctrine métaphysique des druides qui furent à l’origine des récits qui nous sont parvenus. L’origine du mythe est inconnue, elle remonte à ce que l’on nomme communément l’aube des temps. Le mythe est donc au cœur même de la Tradition. La mythologie celtique a ceci de particulier qu’émanant d’une civilisation qui s’étendit de la mer du Nord à la mer Caspienne, elle ne nous est parvenue que par le biais d’un seul peuple, celui d’Irlande, néanmoins nous savons et pouvons affirmer que les Celtes, dans leur ensemble, partageait la même religion. Le mythe est une partie intégrante de la Tradition et de la religion, il transmet et relie. En effet, d’une part il transmet un savoir et d’autre part il relie les hommes et les dieux. En définitive, le mythe est l’expression, en termes finis, d’une réalité infinie. Le principal problème reste celui de la transmission. En ce qui concerne la Gaule, nous devons nous contenter des témoignages, souvent douteux, d’auteurs grecs ou romains. Heureusement l’Irlande nous a transmis un certain nombre de textes du plus grand intérêt, le pays de Galles nous a transmis quatre contes qui ne sont pas dépourvus d’intérêt, mais transmis par des moines ou des lettrés chrétiens puisque les druides refusaient de consigner leurs enseignements par écrit. Une grande partie de la Bretagne insulaire ayant été, tout comme la Gaule, soumise à la conquête romaine, on en est réduit à plutôt étudier, là aussi, les textes irlandais. Histoire L’expansion de l’Empire romain, tant en Gaule que dans l’île de Bretagne, a provoqué l’acculturation des sociétés celtiques, à partir du Ier siècle av. J.-C., qui ont progressivement adopté la romanisation. L’Irlande n’a pas été envahie par les Romains et son insularité a préservé sa spécificité. La société se divise en trois classes, obéissant en cela à l’idéologie trifonctionnelle des Indoeuropéens : a la classe sacerdotale, composée des druides, bardes et vates, a l’aristocratie guerrière, dirigée par le roi, a les producteurs-artisans et accessoirement des prisonniers de guerre et des esclaves. Si le roi possède la souveraineté, il ne peut agir sans l’avis des druides, qui ont effectivement le pouvoir absolu sur tous les aspects de la vie des gens. Les druides (« les très savants », selon l’étymologie), sont des théologiens, des juristes, des historiens, des philosophes, etc. Ils ont la charge d’administrer le sacré, donc la religion. Le rôle du roi est de garantir la prospérité et de procéder à la redistribution des richesses. Les producteurs (artisans, agriculteurs et éleveurs) ont la charge de pourvoir aux besoins de l’ensemble de la société. Au Ve siècle, le christianisme va supplanter l’antique religion. Si les relations de l’œuvre de Patrick d’Irlande et de ses disciples sont hagiographiques et non historiques, il n’en demeure page 5 pas moins que la conversion de l’Irlande n’a pu se faire que par celle de la classe dirigeante. Ce qui explique l’originalité du christianisme celtique au Moyen Âge. En ce qui concerne le domaine gaulois, les sources dont on dispose sont très rares et très fragiles. Pour l’essentiel, nous ne savons à peu près rien du monde des dieux gaulois, même s’il est certain qu’ils aient eu une mythologie aussi élaborée que celle rapportée par les textes irlandais. Le peu que nous en sachions, nous le tenons de Lucain (Pharsale) et de César (Commentaires sur la Guerre des Gaules) principalement, de Pline et de Tertulien accessoirement. Ces informations sont largement déformées par l’interpretatio romana, qui cherche systématiquement un équivalent romain aux dieux gaulois. Les deux panthéons semblent largement incompatibles : ainsi Mercure est donné comme équivalent à Lug, à Taranis et à Esus par César et Lucain (lequel Lucain hésite entre deux équivalents), ce qui en dit long sur la fragilité de ce type de raisonnement ; en effet les qualités des dieux gaulois semblent très fluctuantes et en tous cas beaucoup plus sujettes aux variations régionales que les dieux romains. La religion celtique : le druidisme « Religion des druides, qui enseignaient que les âmes ne périssaient pas mais passaient en d’autres personnes, et qui avaient une doctrine sur les astres, leurs mouvements, la grandeur du monde et de la terre, la nature des choses, la force et la puissance des dieux. » Les Celtes sont, avec les Indiens, le peuple qui semble avoir maintenu, durant la période la plus longue, un cadre social typiquement indoeuropéen fondé sur la tripartition fonctionnelle, mais aussi et surtout, à avoir su conserver une classe sacerdotale dominante, les brahmanes en Inde et les druides partout où les Celtes s’implantaient. Dès lors, la religion celtique ne peut être conçue en dehors de la classe sacerdotale des druides. Ceux-ci étaient en quelque sorte la religion ellemême. À la fois prêtres, sacrificateurs, enseignants, devins, médecins, généalogistes, musiciens, poètes, architectes, toutes les fonctions sacrées leur étaient dévolues. Quelle fut l’origine du druidisme ? Il faut d’abord exclure toutes les hypothèses concernant une possible continuation d’un chamanisme néolithique mêlé à un corps de doctrine indo-européen et se pencher vers ce que les druides eux-mêmes nous ont laissé savoir de leur « provenance ». De nombreux auteurs rapportent des récits merveilleux sur des îles, non loin des côtes gauloises et bretonnes, ce que la mythologie irlandaise recoupe en nous apprenant que certains héros allaient perfectionner leur art en Écosse. Il ne faut pas confondre, bien sûr, les îles mythiques et les îles bien réelles qui servirent de sanctuaires sacrés où les druides allaient parfaire leur savoir, néanmoins, lorsqu’on propose d’étudier le mythe, il ne faut pas craindre de reconnaître la pleine réalité de celui-ci. Les Îles au Nord du monde n’appartiennent pas à notre monde et il est vain de vouloir les situer géographiquement. Le panthéon celtique Dès lors que l’on aborde le domaine celtique, que ce soit au niveau de la civilisation, du druidisme ou de la mythologie, on se trouve inévitablement confronté au problème des sources. Les druides, qui représentent la classe sacerdotale, ont systématiquement privilégié une transmission orale de leur savoir, induisant la mémorisation de milliers de vers. On retrouve régulièrement l’argument selon lequel la parole écrite est une parole morte ; peut-être était-ce aussi un moyen d’éviter que leurs idées soient détournées. Notons que les Celtes n’ignoraient pas l’écriture puisque nous possédons des inscriptions utilisant l’alphabet étrusque ou l’alphabet grec et qu’ils ont inventé un système particulier de notation : l’écriture oghamique. En Gaule Dieux principaux (pangaulois ou panceltiques) : Le panthéon gaulois distingue, selon Lucain, une triade Taranis/Ésus/Toutatis. Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre, aucun de ces dieux n’a de rôle clairement défini, et leurs caractéristiques sont souvent interchangeables selon les régions. page 6 a Toutatis (Teutates, Totiourix, Teutanus), peut-être du proto-celtique teuta (tribu) et tato (père), assimilé par Lucain tantôt à Mercure, tantôt à Mars. Toutatis serait peut-être le Dis Pater dont parle César, mais rien ne le prouve de façon explicite. On le considère parfois de façon schématique comme le dieu du ciel. a Taranis : peut-être du gaulois taran (tonnerre), ce qui n’est pas clair car il est aussi le dieu solaire et le dieu céleste. Ses attributs indiquent qu’il est en outre dieu du tonnerre, dieu de la guerre, dieu du feu, dieu des morts, mais aussi dieu du ciel. a Ésus : dieu artisan, dieu des voyages, protecteur des commerçants, défricheur de forêts et charpentier. a Lug : peut-être du proto-indo-européen leuk (lumière). Dieu pan-celtique non attesté en Gaule mais dont le culte est considéré comme probable sur la base de la toponymie (Lyon/ Laon/Lugdunum, etc.). On a souvent pensé que le Mercure dont parle César était Lug. Mais Mercure est aussi associé à Toutatis et à Ésus. a Sucellos : dieu au maillet (qui tue et ressuscite) et au tonnelet (symbole de prospérité), il est l’équivalent du Dagda irlandais, qui possède des talismans aux mêmes fonctions : une massue et un chaudron. Dieu des forêts et de l’agriculture. Dieux totémiques : Par « totémique », on entend « à attributs d’animaux ». Toutefois, contrairement à d’autres civilisations, les Celtes ne vénéraient pas des dieux mi-hommes mi-bêtes : les attributs animaux n’étaient là que pour souligner un aspect symbolique du dieu. a Cernunnos : dieu-cerf, vraisemblablement une divinité du monde souterrain, intermédiaire entre le monde des vivants et celui des morts, mais aussi lié à la nature et aux animaux. a Épona : (du gaulois epos : cheval), protectrice des chevaux, attestée dans l’actuelle Bulgarie, dans les îles Britanniques et en Gaule. a Damona : le théonyme provient du gaulois damos qui signifie « vache ». Déesse des sources, elle apparaît comme la parèdre de plusieurs divinités : Borvo, Albius et Moritasgus. En Irlande Alors que les sociétés celtiques du continent et, dans une moindre mesure, celles de l’île de Bretagne avaient évolué au contact de la civilisation romaine, l’Irlande, protégée par son insularité, n’avait pas été envahie et occupée. Selon l’hagiographie, c’est un Britto-Romain du nom de Maewyn Succat (le saint Patrick des chrétiens) qui aurait converti la classe sacerdotale des Irlandais au Ve siècle. Les « peuples » du Lebor Gabála Érenn : Le Lebor Gabála Érenn (« Livre des conquêtes d’Irlande »), dont la première rédaction remonte au VIIIe siècle, rapporte les invasions mythiques successives de l’île, depuis l’époque du Déluge. Il s’agit « d’un mythe fondateur, une explication de la nature de l’Irlande et de la présence des Celtes ». La référence biblique au déluge est un ajout tardif des clercs du Moyen Âge, qui ont retranscrit la tradition orale. Seuls les derniers arrivants sont humains, ils succèdent au peuple des dieux. a Le peuple de Cesair : fille de Bith, petite-fille de Noé, Césair n’est pas admise dans l’Arche. Ce peuple, composé de cinquante femmes et de trois hommes, s’installe en Irlande 50 jours avant le Déluge. a Les Partholoniens, du nom de Partholon, fils de Sera et de Baath, ils arrivent de Grèce 278 ans après le Déluge et débarquent le jour de Beltaine. Ce sont les inventeurs de l’agriculture, de l’élevage, de la chasse et de la pêche. a Les Fomoires, surnommés les « Géants de la Mer », sont des êtres difformes et affreux. Ennemis de tous les occupants successifs de l’île, « ils représentent essentiellement les forces démoniaques, infernales et obscures » et sont apparentés aux principaux dieux des Tuatha Dé Danann. a Les Nemediens : le « peuple-cerf », dont le chef est Nemed (« sacré »), est finalement obligé de s’enfuir dans le Munster après avoir été battu par les Fomoires. a Les Fir Bolg sont arrivés en trois groupes : celui des Fir Bolg qui viendrait de la Belgique, celui de Fir Domnain qui serait originaire de la Domnonée insulaire, et celui des Galiain. On leur doit l’introduction de la royauté et la division de l’Irlande en cinq royaumes : l’Uls- page 7 ter, Leinster, Munster, Connaught (celles-ci correspondant aux points cardinaux) et Meath. Ils sont vaincus par les Tuatha Dé Danann, lors de la première bataille de Mag Tured (Cath Maighe Tuireadh). a Les Tuatha Dé Danann. a Les Milesiens ou les fils de Mil Espaine sont les premiers humains à avoir débarqué sur l’île, le jour de Beltaine. À l’issue favorable de la guerre qui les oppose aux Tuatha Dé Danann, ils occupent l’île à laquelle ils donnent le nom d’Erin (en l’honneur de la déesse Eriu), tandis que les dieux se réfugient dans les sidh. Les Tuatha Dé Danann : Les dieux des Celtes d’Irlande sont regroupés sous l’appellation de « Tuatha Dé Danann », c’est-à-dire gens de la déesse Dana. Ils s’inscrivent donc dans la succession des invasions. Originaires de quatre îles au nord du Monde (Falias, Gorias, Findias et Murias), ils débarquent un jour de Beltaine emmenés par les druides Morfessa, Esras, Uiscias et Semias. Les Fir Bolg sont vaincus lors de la bataille de Mag Tuireadh (Cath Maighe Tuireadh), mais les dieux seront eux-mêmes supplantés par les Milesiens et devront se réfugier dans les sidh. Dieux principaux : a Lug, l’une des rares divinités pan-celtique, c’est le dieu primordial et suprême des Tuatha Dé Danann. Surnommé samildanach (le « polytechnicien ») ou lamfada (« au long bras »), il maîtrise tous les arts et toutes les techniques, il possède les pouvoirs de tous les autres dieux. Il est le fils de Cian et Eithne, mais est aussi apparenté aux Fomoires par son grand-père maternel Balor. Il est associé à la fête religieuse de Lugnasad. a Le Dagda est le dieu-druide (et donc dieu des druides), dont le théonyme signifie « dieu bon » ou « très divin ». Il règne sur le temps, l’éternité et sur les éléments, c’est aussi un guerrier puissant. Il a un côté paternel et nourricier. On le décrit parfois comme un géant hideux et un ogre paillard. Ses accouplements avec les déesses sont nombreux. C’est le père de Brigit et le frère d’Ogme. a Ogme, que l’on retrouve en Gaule sous le théonyme Ogmios, est le dieu de la magie guer- rière, il a le pouvoir de paralyser ses ennemis. Il est aussi l’inventeur de l’écriture et on lui attribue la création des ogams. Il est décrit comme un vieillard dont une chaîne accrochée à sa langue le relie aux hommes. Lors de la bataille de Mag Tuireadh, son habileté guerrière représente le tiers des victoires de la guerre. a Nuada est le « roi » des gens de la déesse Dana, il est la personnification de la royauté et de la souveraineté. Ayant eu le bras droit coupé, infirmité discriminatoire pour l’exercice de la royauté, il doit laisser la place à Bres du peuple des Fomoires dont le règne sera de courte durée. Diancecht, le dieu médecin, lui fabrique une prothèse en argent, ce qui lui permet de recouvrer la souveraineté. a Goibniu, le dieu-forgeron, fils de Brigit et Tuireann, est le chef des artisans métallurgistes, il est responsable de la fabrication des armes magiques. Grâce à son marteau magique, il peut fabriquer une épée ou un javelot parfait en trois coups. Il est le frère de Credne et Luchta. Dans l’Autre Monde, il brasse la bière et sert les autres dieux au Festin d’Immortalité. Son équivalent gallois est Gofannon. a Credne Cerd, le dieu-bronzier, fils de Brigit et Tuireann. Lors de la Bataille de Mag Tuireadh, il fabrique des armes avec ses frères Goibniu et Luchta. a Luchta, le dieu-charpentier, fils de Brigit et Tuireann. Lors de la Bataille de Mag Tuireadh, il est chargé de travailler le bois des lances ; ses frères sont Goibniu et Credne. a Diancecht, dieu-médecin des Tuatha Dé Danann, son nom signifie « prise rapide » tant sa magie est précise et sa médecine efficace ; il soigne et rétablit les blessés, il ressuscite les morts en les immergeant dans la Fontaine de Santé. Grand-père de Lug, il est le père de Cian, Airmed, Miach et Ormiach. a Oengus, également connu sous le nom de Mac Oc, est le fils du Dagda et de Boand. Par ruse, il réussit à déposséder son père de sa résidence. Il représente le temps. a Brigit est la déesse-mère, la grande déesse dont le théonyme signifie « très haute », « très élevée ». Associé à la fête d’Imbolc, ses domaines sont les arts, la guerre, la magie et la médecine. Elle est la patronne des druides, des bardes page 8 (poètes), des vates (divination et médecine) et des forgerons. Unique divinité féminine, les autres déesses ne sont que la personnification de l’un de ses aspects. L’importance de son culte a induit la création d’une sainte catholique homonyme. a Étain est la fille de Diancecht (ou de Riangabair selon certaines sources), l’épouse du roi Eochaid Airem sur terre et du dieu Midir dans l’Autre Monde. a Eithne représente la féminité au niveau divin, elle est une personnification de l’Irlande. Fille de Delbaeth (le chaos primordial), elle est l’épouse de Lug, le dieu suprême. a Boand (ou Boann) représente la prospérité, son théonyme signifie « Vache Blanche », ce qui la rapproche de la Damona gauloise. Épouse d’Elcmar le frère du Dagda, sa relation avec son beau-frère va donner naissance à Mac Oc. Elle est la divinité éponymique de la rivière Boyne. a Mórrígan, épouse du Dagda, c’est une divinité guerrière ou, plus exactement, de l’aspect guerrier de la souveraineté. Présente sur les champs de bataille, elle peut se présenter sous différents aspects, celui de la corneille étant fréquent. Au Pays de Galles Les sources galloises présentent les mythes celtiques de manière affadie et le statut divin de certains personnages n’est pas directement affirmé. Mais la proximité de l’Irlande et la similitude des faits permet de saisir le sens originel de leurs fonctions. Les enfants de Dôn : Math, fils de Mathonwy, est un souverain du Gwynedd, qui a l’obligation, en temps de paix, de demeurer avec les pieds posés dans le giron d’une vierge, sous peine de mort. Il ne peut déroger à cette contrainte que pour aller à la guerre. Sa sœur Dôn, fille de Mathonwy est une mère matriarcale. Son compagnon est Beli Mawr (Beli le Grand). Ses enfants sont : a Arianrhod, assimilée à une déesse de la fécondité, elle est la mère du dieu suprême Llew Llaw Gyffes. Après le viol de Goewin, elle est pressentie pour assumer son rôle de « portepieds » du roi, mais lors de l’épreuve de virginité, elle donne naissance à des jumeaux. a Gwydion, dieu-magicien qui correspond au Dagda irlandais. Par sa magie, il déclenche une guerre contre Pryderi, pour forcer le roi Math à intervenir et ainsi quitter le giron de Goewin. Cette manœuvre permet à Gilfaethwy de violer Goewin, pendant l’absence du roi. Gwydion et Gilfaethwy, par la magie de Math, subissent trois transformations animales, au cours desquelles ils s’accouplent et donnent naissance à Hyddwn, Hychtwn et Bleiddwn. a Gilfaethwy, (Gwydion). a Gofannon, dieu-forgeron équivalent du Goibniu irlandais. Il forge des armes qui tuent à coup sûr. Il brasse aussi une bière qui rend immortel. a Amaethon enseigne la magie à son frère Gwydion. Il transforme les arbres en guerriers pour vaincre Arawn. …auxquels on peut ajouter les fils jumeaux d’Arianrhod, Dylan Eil Ton et Llew Llaw Gyffes. Caswallawn (l’historique Cassivellaunos) est souvent présenté comme un des fils de Beli Mawr. Les enfants de Llyr : Llyr, le patriarche de l’autre famille divine est vraisemblablement un emprunt à la mythologie celtique irlandaise du dieu de l’océan Lir. Sa compagne est Penarddum, leurs enfants sont : a Manawyddan Fab Llyr (fils de la mer), équivalent de l’irlandais Manannan Mac Lir, dieu des Tuatha Dé Danann, le théonyme signifie « le Mannois », en référence à l’île de Man. Son épouse est Rhiannon. Il est le personnage principal de la troisième branche du Mabinogi : « Manawydan fils de Llyr », où il fait l’apprentissage de l’artisanat et de l’agriculture. a Bran le Béni, « le corbeau », est un géant qui ne peut entrer dans aucune maison, à cause de sa taille, ni monter sur aucun bateau. Il règne au pays de Galles et réside à Harddlech (le « bel endroit »). Après avoir consenti au mariage de sa sœur Branwen avec Matholwch, le roi d’Irlande, il est contraint d’intervenir quand elle se trouve déchue de son rang. Il est tué pendant la bataille, mais sa tête coupée continue de vivre et de parler. a Branwen, la « corneille blanche », elle épouse page 9 Autres divinités : a Arawn, est le roi de l’Annwvyn, l’Autremonde, dans le premier conte des Mabinogion, Pwyll, prince de Dived. Pendant une année, il échange son identité et son royaume avec Pwyll. a Avalloc. a Blodeuwedd est une femme-fleur, confectionnée par Math et Gwydion pour qu’elle soit l’épouse de Llew Law Gyffes. Celui-ci est victime d’un interdit de sa mère Arianrhod, qui l’empêche d’avoir une femme humaine. Elle est transformée en hibou par Gwydyon après avoir été infidèle et avoir tenté de tuer Llew Law Gyffes. a Ceridwen est une magicienne qui apparaît dans le mythe du célèbre barde Taliesin. Voulant donner le don de l’inspiration prophétique à son fils le hideux Morvran, elle prépare un bouillon magique, dans un chaudron gardé par un vieil aveugle. Mais c’est le guide de l’aveugle, Gwion Bach qui bénéficie de la recette magique. Après une série de transformations pour échapper à la sorcière, Gwion Bach va être avalé puis enfanté par Ceridwen. Abandonné puis recueilli, l’enfant va devenir Taliesin. a Creiddylad. a Cyhyraeth. a Gwenn Teir Bronn. a Gwynn ap Nudd est un des souverains ou des messagers de l’Annwvyn, au rôle psychopompe puisque l’une de ses fonctions est de guider les âmes des morts vers l’Annwvyn, accompagné d’une meute de chiens. a Llefelys. a Lludd Llaw Eraint. a Mabon ap Modron est le « fils divin » de Modron, la « mère divine », et de Gwynn ap Nudd. Il est l’équivalent du dieu gaulois Maponos et du dieu irlandais Oengus. a Modron est la « mère divine » (terre-mère), la fille d’Avalloc, le roi d’Avalon et mère de Mabon. Similaire à la déesse gauloise Dea Matrona et à la déesse irlandaise Dana, elle est vraisemblablement le prototype de la fée Morgane de la légende arthurienne. a Rhiannon est la divinité celtique féminine, à l’instar de Brigit et Brigantia, son nom signifie « grande reine ». Dans la première branche du Mabinogi, « Pwyll, prince de Dyved », Elle épouse Pwyll et donne naissance à Pryderi, « le mariage de Pwyll et Rhiannon est une représentation mythique de l’hiérogamie entre le principe Masculin et le principe Féminin, entre le roi et son royaume, garantissant sur le plan macrocosmique la pérennité du cycle vital, au niveau microcosmique la fécondité générale du royaume ». Dans la troisième branche « Manawydan fils de Llyr », elle épouse Manawyddan Fab Llyr. Bibliographie : Mythologie celtique, de Thierry Jolif, Les Druides, de Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise Le Roux, Mythes celtiques, de Miranda Green. page 10 Ceridwen et Taliesin Kermailune Matholwch le roi d’Irlande et donne naissance à Gwern. Tombée en disgrâce, elle est déchue de son titre de reine et doit travailler aux cuisines. Prévenu après trois ans, par un étourneau porteur d’un message décrivant la situation, Bran part en guerre contre le roi d’Irlande. Elle est l’un des personnages principaux de la deuxième branche du Mabinogi : « Le Mabinogi de Branwen ». Pernarddun a deux autres fils, Evnissyen et Nissyen, dont le père est Eurosswydd. Caradawg (l’historique Caratacos) est considéré comme le fils de Bran le Béni. la sagesse. Après avoir récolté tous les ingrédients nécessaires, j’ai trouvé un vieil aveugle et Il était une fois, entre les mondes, un enfant pour touiller ma marmite. La recette une femme très belle, une reine demandait que le mélange bouille pendant un magicienne. Comme beaucoup de an et un jour, sans arrêt. ses semblables, elle était colérique et parfois très exigeante. Mais, écoutez plutôt Est arrivé enfin le grand jour. J’ai été cherson histoire. cher mon fils, mais j’ai senti soudainement que quelque chose n’allait pas. C’est comme si tout Je m’appelle Ceridwen. Je suis reine, magicienne s’effondrait autour de moi. Brusquement, j’ai et mère. Et comme toute reine, j’ai offert l’amitié compris. Quelqu’un avait volé les trois gouttes de ma cuisse à un homme, afin de lui permettre magiques du breuvage de mon enfant. Vous de régner. En fait, je l’ai fait pour le plaisir et vous rendez compte ???? Voler ça ??? Mon parce que je voulais des enfants. Et que seule… sang n’a fait qu’un tour et j’ai fait la colère du même avec la meilleure magie, c’est difficile. J’ai siècle. Mon instinct m’a montré qui avait volé choisi un homme souvent absent afin de garder ma magie : l’enfant qui surveillait le feu avec le mon indépendance. Et comme je voulais des vieil aveugle était coupable. On a tenté de m’exenfants dotés du caractère guerrier, j’ai donc pliquer que la marmite bouillait un peu fort et choisi un grand guerrier, Tegid Voel. Seulement, que trois gouttes du breuvage avaient sauté sur il est chauve. Vous vous rendez compte, un la main de l’enfant, que ce dernier avait mise à sa guerrier chauve ? Alors que chez nous la che- bouche. Balivernes !!!!! J’ai donc poursuivi l’envelure est symbole de force masculine... Mais je fant pendant des heures. Utilisant sa connaisl’ai choisi pour pouvoir explorer le pouvoir de sance nouvelle acquise de son odieux vol, il est la magie. J’espérais avoir des enfants chevelus à devenu lièvre, poisson, oiseau puis grain de blé faire pâlir toute ma cour et ainsi démontrer ma au milieu de ses semblables. J’ai donc dû me toute-puissance. métamorphoser en lévrier, loutre, faucon, puis en poule noire pour le rattraper. De rage, je l’ai La première fois, tout s’est bien passé : une mer- avalé. veilleuse fillette blonde est née, encore plus belle que sa mère, mais au caractère bien trempé de Grand mal en a suivi ! Je suis tombée enceinte. son père. C’est ce que je voulais. Pour le second L’enfant était bien mort, je l’avais tué, mais il enfant… tout a été chamboulé. Rien ne s’est allait revenir. Neuf mois plus tard, j’ai accouché passé comme je le voulais. Et je me suis retrou- dans un endroit secret, seule, afin de supprimer vée avec un nouveau-né laid, ridé et chauve… au cet enfant avant qu’il ne pousse son premier cri. point de ne pas oser le montrer. J’ai pensé être Seulement… cet enfant avait la beauté de ma la risée de ma cour. J’ai voulu l’abandonner aux première fille. Je n’avais pas cherché à l’entouflots, sans succès. Cet enfant m’est revenu. J’ai rer de magie, mais elle avait opéré d’elle-même. tenté encore et encore de m’en débarrasser, sans Finalement, ne pouvant me résoudre à le garder, jamais y arriver. Mes servantes se sont occupées j’ai tissé un panier et j’ai confié cet enfant aux de lui. Finalement, lasse de vouloir m’en séparer, flots, espérant m’en débarrasser à tout jamais. j’ai tenté une autre stratégie. J’ai voulu l’aider. C’était quand même mon fils. Il ne m’était pas possible de refaire la recette du grimoire pour mon horrible fils. J’ai cru en J’ai donc été consulter mes grimoires les plus mourir et j’ai passé des mois et des mois au fond anciens et les plus secrets, et j’ai récolté les du trou. Ce dernier a donc grandi, comme il herbes les plus rares et les condiments les plus était… et moi, j’ai dû apprendre à l’accepter. En épicés. Je n’ai pas osé tenter d’en faire un canon grandissant, ses traits se sont adoucis, ses yeux de beauté. J’avais déjà raté une fois avec lui. J’ai enfoncés sont sortis de leurs orbites. Il s’est affidonc choisi de lui offrir la beauté intérieure et né, ses cheveux ont poussé et bientôt, les filles le page 11 La Loutre et le Saumon, dessin original par Alnoreen. page 12 Il est en Provence de nombreux lieux imprégnés par la présence celte, que ce soit par l’étymologie des noms des villes, les sources, les légendes qui y sont contées. On retrouve la présence de héros, de Dieux, de Déesses, de cultes païens attestés qui permettent au voyageur intéressé de s’engouffrer dans les mythes rémanents du pagus. Les noms de Dieux et Déesses mologie des villes de Provence caillin blaa Il était devenu Taliesin, le barde de Elfin et, pour me venger, j’ai fait mettre ce dernier en prison en manipulant Magelwin, puis j’ai tenté de démontrer que la femme de Elfin n’était pas fidèle. Peine perdue… Finalement, Taliesin a rendu riche le fils de son protecteur en lui accordant un trésor. Là, j’en ai perdu les pédales. Un jour, en visite à la cour de Magelwin, je n’en J’étais toujours au fond du trou, tout était vraiai pas cru mes yeux. J’étais toujours au fond du ment terminé pour moi. trou et j’ai cru avoir une hallucination. Il était là… mon enfant abandonné… déjà devenu Taliesin est finalement venu me voir. En fait, adulte accompli et barde si talentueux après si il m’a coincée au fond d’un couloir. Je n’aurais peu de temps. Là, j’ai presque été fière de mon jamais accepté de le recevoir. Et tout ce qu’il m’a enfant, mais aussi jalouse de ce qu’il était deve- dit, c’était merci. Merci de lui avoir accordé la vie nu. C’était LUI qui avait volé mon breuvage. et d’avoir fait de lui ce qu’il était aujourd’hui… C’est mon vrai fils qui aurait dû être ce poète Je ne l’ai plus jamais revu. Mais depuis lors, je magique ! vis en paix, sereine, avec mes deux autres merveilleux enfants. Presence des mythes en Provence regardaient avec une certaine envie. Il semblait que j’étais la seule à trouver qu’il avait autant changé. L’entourage de ma cour disait que ce bébé avait toujours été normal, avait grandi sans problème et était devenu le beau jeune homme auquel on pouvait s’attendre. dans l’éty- génie du voisinage qui finit par lui demander sa main. La fée consentit à la lui accorder, s’il acceptait, de son côté, que le mariage fût célébré sur une table formée de trois pierres dont elle lui fit un portrait minutieux. Le jeune homme reconnut dans la description de sa bien-aimée les pierres qui, depuis dix siècles, avaient dévalé la montagne de Fréjus pour s’entasser au bas de la gorge voisine. Réunissant toutes ses forces physiques et surnaturelles, il parvint à dresser les deux premières pierres, mais fut incapable de déplacer la troisième. Accablé, il crut avoir perdu la main de la bergère. Mais la fée, à qui il n’était pas indifférent, le prit de pitié. La nuit suivante, elle s’approcha de la pierre récalcitrante et traça autour d’elle un cercle magique. Sur le champ, une immense flamme s’éleva et la lourde dalle fut transportée sur les deux autres. À l’aube, la bergère magicienne surveilla son amant pour partager sa joie au moment où il découvrait le prodige. Mais le jeune homme comprit seulement qu’il était un bien modeste génie et qu’il était condamné à mourir parce qu’il aimait une fée plus habile que lui. Il mourut donc, bientôt suivi par la fée folle de désespoir. Abianus : dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône Alauna : dieu à l’alouette, le nourricier mais aussi le nomade, compagnon de Lug (qui a donné son nom à la ville d’Allons (04)) Artio : déesse à l’ours, a donné son nom à Artignosc (83) Belenos : a donné son nom à Bollène (84) Bormanus ou Bormo : dieu des sources minérales et des eaux chaudes, de la guérison, représenté sous la forme d’un serpent à tête de bélier, dieu tutélaire de Bormes-les-Mimosas (83) Brigantia : qui a donné son nom à Briançon (04) Glan : vénéré sur le site de Glanum à SaintRémy-de-Provence (13) Lero : déesse locale d’où est tiré le nom des îles de Lérins (06) Matrae : d’où vient le nom de la ville de Meyronnes (04) L’Aqueduc d’Arles Nemausus : a donné son nom à Nîmes (13) En Arles vivait une belle jeune fille du nom de Citronnelle. Mille amoureux courtisaient sa Quelques légendes clairsemées jeunesse épanouie comme une rose d’or, désiIl existe de nombreuses légendes sur les terres reux d’obtenir sa main. de Provence, alors en voici deux que j’aime par- Chacun de ces amoureux s’ingéniait aux exploits ticulièrement de par leur résonance. les plus rares pour attirer l’attention de la belle et s’efforcer de gagner son cœur. Les projets les La légende de la pierre de la fée (péiro de la plus fantastiques et les plus irréalisables hanfado) : le dolmen de Draguignan taient l’esprit de ces mille amoureux. Pourtant, Il était une fois une fée qui aimait à se déguiser leur cour s’éclipsa quand ils surent que l’Emen bergère. Ainsi travestie, elle s’en allait, sous pereur lui-même avait pris la résolution d’obles bosquets d’orangers et de grenadiers, et jouait tenir la main de la belle récalcitrante. Que faire de la mandoline. La fausse bergère, grâce à sa contre un tel rival ? Les malheureux éconduits beauté et, peut-être, à quelque mélodie magique, se tinrent cois et cachèrent leur déception. parvint à inspirer une grande passion à un jeune Par l’entremise d’un messager secret, l’auguste page 13 Le conte de Taliesin et Avagonios tagne, édifièrent des murs, forgèrent des outils, à tel point qu’un beau matin, après sept années de dur labeur, le large canal était construit. Il épanche une eau si pure et si fraîche que tous les gens du peuple remercièrent l’empereur pour ce cadeau divin. On parlait même de lui dresser un autel afin de l’honorer à l’égal d’un dieu ! Mais ce qui importait à notre Seigneur, c’est la promesse de sa belle qu’il se pressa d’aller rencontrer pour lui présenter son ouvrage. Mais, à sa plus grande déception, ce qu’il entendit de l’effrontée Citronnelle est : « Sept années sont bien longues et je dois vous faire l’aveu que chaque matin, un gentil petit ami, que j’aime de tout mon cœur, vient m’apporter une amphore d’eau délicieuse. Il faut bien que je le récompense en le prenant pour mari ! » La légende ne dit pas ce qu’il advint de l’Empereur par la suite, sinon que l’aqueduc continua longtemps d’apporter l’eau fraîche aux Arlésiens. Il était une fois, et il n’était pas, en pays de Pennlyn, terre du souverain Tegid Voel Le Chauve, une femme d’une grande beauté, pleine de talents et de grands savoirs sur les choses secrètes. Notre résidence était au milieu du lac. Cette femme qui était ma mère avait pour nom Cerridwen et était l’épouse même de Tegid Le Chauve mon père. Afang soupirant combla Citronnelle de cadeaux d’une richesse et d’un art divin. La jeune fille acceptait les présents mais, malgré une douce joie et l’envie qui lui souriait de devenir impératrice, elle ne voulut ni s’engager ni faire de promesse d’avenir et se réservait. Un soir pourtant, pour mettre à l’épreuve son prétendant, elle lui tint ses propos : « Entendu, Seigneur, je serai à vous si à travers plaines, forêts, gorges et rochers des Alpilles vous jurez de m’apporter de l’eau fraîche et dont j’ai si soif, de la fontaine de Vaucluse. Je veux que vous construisiez pour ce faire un canal à ciel ouvert et en pierre dure. » L’empereur éperdu accepta l’offre. Dès le lendemain, il donna des ordres, réunit ses meilleurs architectes et une fourmilière d’ouvriers se mit à pied d’œuvre, dans le calcaire, la pierre et sous un soleil de plomb en été, un mistral glacial en hiver. Ils creusèrent la mon- Ainsi je suis né appelé Morvran Ab Tegid, mes parents eurent aussi ma sœur Creiwyl qui était une enfant magnifiquement belle comme ma maman, finalement on me surnomma Afang Du à cause de ma monstruosité. Ainsi, c’est pour ma laideur que Cerridwen ma mère semble me chérir plus que les autres, c’est pour ma laideur qu’elle cherche les magies les plus fortes, les filtres les plus secrets. Ma laideur lui hante le cœur et son amour pour moi désire me sauver de mon infortune. À force de quête ma mère Cerridwen trouve enfin le moyen de compenser ma laideur par la possibilité d’acquérir le savoir primordial. À cet effet, elle prépare pour moi le chaudron de la connaissance et d’inspiration qui doit bouillir durant une année et un jour. Elle sait que si trois gouttes de ce breuvage me sont données, ils seront pour moi l’inspiration divine, celle qui illumine l’âme, promet tous les savoirs et tous les dons. Je n’aurais alors plus à rougir de ma laideur puisque la beauté de l’âme m’aura été donnée. Le temps passant à faire bouillir le breuvage ma mère la Reine met à sa surveillance un vieil aveugle du nom de Mordra ainsi qu’un jeune homme du nom de Gwyon Bach chargé d’alimenter le feu. Ainsi, ils doivent ensemble veiller à ce qu’il y ait toujours du feu sous le chaudron et que le liquide ne déborde pas. Ainsi font-ils, car Ceridwen ma mère, tout aussi belle soit-elle peut avoir de terribles colères. Une année est passée, le cycle rond du temps a bientôt fermé sa boucle et le temps du breuvage arrive à sa fin pour moi, Afang Du. Ce jour-là, Cerridwen ma mère est en quête page 14 d’herbes et de plantes magiques. Gwydyon et Mordra discutent et discutent tant qu’ils ne voient pas le breuvage gonfler, buller de plus en plus, comme une grosse soupe enfin trop chaude qui pouffe des vapeurs. Trop tard, le liquide jaillit, saute, éclabousse tant et si bien que, surpris, Gwyon n’ayant pas eu le temps de s’écarter s’y brûla la main. La douleur est terrible, le feu, le chaud est là, l’instinct porte sa main à sa bouche, trois gouttes de magie le touchent tout entier, pénètrent par sa bouche. La lumière, la chaleur l’envahit tout entier comme un soleil nouveau, Gwyon est ébahi, choqué : n’a-t-il pas bu là les trois gouttes qui m’était réservées à moi Afang Du ? Et Gwyon, la tête soudain remplie de savoir, sait, voit, comprend la colère de ma mère Cerridwen. Il doit fuir ! La colère de Cerridwen ma mère fut terrible, elle cria, hurla, frappa la terre de ses talons, frappa tous ceux qui passaient à sa portée, elle n’épargna pas Mordra. On l’entendit jusqu’au bout des plaines, en haut des montagnes, le long des rivières du royaume. Ses larmes se mélangeaient à ses cris et tous tremblaient en l’entendant. Ivre de rage et de chagrin, ma mère la Reine parti à la recherche de Gwyon pour le châtier. Terrifié, l’enfant se cachait, entendit les cris, les menaces professées dans la colère. Alors qu’il entendait son pas plus proche, faisant appel à sa sagesse toute neuve, il se transforma en lièvre, espérant courir si vite qu’elle ne pourrait le rattraper. Peine perdue, ma mère Cerridwen était bien savante elle aussi des choses de magie et elle se transforma en lévrier. Ainsi ma mère courrait aussi vite, plus vite et l’approchait toujours plus. Prenant son élan, Gwyon se change en poisson et ma mère Cerridwen devient loutre, Gwyon oiseau, ma mère faucon. Toujours armé de son pouvoir de métamorphose, Gwyon devenant grain se cache dans un tas de blé. Ma mère Cerridwen devint immédiatement poule noire et avale les grains et par là-même Gwyon. À l’aube d’un autre jour ma mère la Reine vit la grosseur de son ventre. Alors que mon père son mari Tegid Le Chauve est parti combattre les pirates Gaëls et établir des fortifications le page 15 long des côtes, elle comprend immédiatement ce qui lui est arrivé. Cet enfant qu’elle attend ne peut être que le jeune Gwyon, la graine qu’il était devenu et qu’elle avait avalée, et se prépare à une deuxième naissance. Keridwen ma mère, le jour venu, va seule mettre au monde cet enfant. Cet enfant est tellement beau que lorsque ses yeux croisent ceux de ma mère, elle ne peut se résoudre à l’éliminer afin de le cacher aux yeux du monde, et lui construit une sorte de couffin tressé en joncs et en mousse qu’elle confie à la bienfaisance des eaux d’une rivière qui, loin de là, va mélanger ses eaux à celles de l’océan… Neuf jours et neuf nuits durant, Gwyon fut ballotté au gré des flots mais sans jamais pleurer. Il n’éprouva ni la faim, ni la soif, car l’eau de la pluie prenait soin de le désaltérer et de tout petits poissons de sauter hors de l’eau pour rejoindre directement sa bouche. Au soir du dixième jour, il arriva en vue d’une terre, celle du roi Gwyddyon, connu pour posséder l’une des treize merveilles du royaume, un filet qui, chaque soir qu’il est mis à l’eau, rapportait suffisamment de poisson pour nourrir toutes les bouches du clan, et même plus. Gwyddyon avait un fils, Elfin, un des garçons les plus malheureux et infortunés qui soient, et qui, ce soir-là, avait par son père été chargé de relever le filet, afin de lui porter chance. Habitué à son infortune, il ne fut pas surpris lorsqu’il releva le filet et qu’il n’y trouva que le couffin tressé et aucun poisson. Dans ce couffin, il y vit Gwyon, et Elfin fut si ébloui par sa beauté qu’il le nomma Taliesin et repris courage et ardeur en revenant chez lui. Son père, s’il commença par se lamenter de ce qu’Elfin n’avait rien pêché pour nourrir le clan, fut lui aussi sous le charme quand il vit le bébé, et il le fut plus encore lorsque rassasié et réchauffé, le bébé entreprit de leur conter son histoire, celle de Gwyon Bach et de ma mère Keridwen, et ce, sous la forme d’un chant aux sonorités parfaites. Puis Taliesin prit la parole : « Grand merci à toi, Elfin, de m’avoir ainsi recueilli et accueilli. Entend maintenant que tu ne le regretteras pas, car je suis Taliesin et si bientôt mon nom brûle parmi les innombrables étoiles du ciel, crois bien que je ne serai pas ingrat et que tu trouveras avec moi une récompense à la hauteur de ta gentillesse. » Taliesin passa quatre années dans la maison d’Eflin, quatre années qui le virent passer d’enfant au jeune homme qu’il est aujourd’hui au grand émerveillement des gens du roi Gwyddyon. Tout ce temps, il s’appliqua à égayer son bienfaiteur qui, de timoré et voûté qu’il était, devint peu à peu un homme de compagnie page 16 agréable et de bonne conversation. Vint un jour d’automne où Elfin les quitta, ayant été invité par son oncle Maelgwin Gwynedd à séjourner sur ses terres, à Degawny. Alors qu’il se trouvait là-bas, en compagnie des hommes de son oncle, à recevoir le boire et le manger, tout en écoutant les bardes chanter la gloire de ce dernier, Elfin, à qui la boisson avait fait perdre un peu la tête, se vanta d’avoir barde plus talentueux et femme plus fidèle que quiconque à Degawny. Son oncle, entra dans une colère rouge, le fit jeter en prison, puis envoya Rhun, son fils illégitime, un jeune homme d’une beauté à laquelle aucune femme ne résistait, avec pour mission d’aller séduire la femme d’Elfin. Mis au courant de tout le stratagème, Taliesin alla trouver sa protectrice pour tout lui raconter et lui proposer de la remplacer par une servante qui endosserait ses vêtements et ses bijoux. Rhun coucha donc avec la servante et, au petit matin, lui trancha le doigt qui portait l’anneau d’Eflin, avant de s’enfuir en direction de Degawny. Là, on fit sortir Elfin de prison pour lui montrer la preuve de l’infidélité de son épouse. Il répondit : « Ah !! Ce doigt est trop petit, son ongle est sale, et il porte encore les traces du pétrissage du seigle, ce ne peut être celui de ma femme !! » Maelgwin, furieux, fit remettre Elfin en prison, sous les yeux de Taliesin, car il avait suivi Rhun en secret lorsqu’il s’était enfui. Plus tard dans la soirée, et sous la conduite d’Heinin leur chef, les trois bardes de Maelgwin se préparèrent à chanter pour apaiser le courroux de leur roi. Mais Taliesin leur avait joué un tour à sa manière, et ne sortirent de leurs bouches graisseuses que des « bleub bleub » maladroits et autres sons grotesques. Puis Taliesin s’avança, fit connaître à tous sa présence, et, pour mieux confondre les bardes de Maelgwin, se mit à chanter avec une telle force que son chant déclencha une tempête qui s’apaisa aussitôt les dernières notes retombées. Maelgwin, reconnaissant alors qu’il surpassait tous ses bardes et probablement tous ceux du royaume, fit amener Elfin dont il fit tomber les chaînes. L’oncle et le neveu désormais réconciliés, Taliesin conseilla à Elfin de prétendre qu’en plus de la femme la plus fidèle et du barde le plus talentueux, il avait également le cheval le plus rapide, ce qu’il fit. Trois jours plus tard, une course était organisée et Taliesin alla trouver le coureur de Elfin et le muni de 24 branches de houx brûlées en lui donnant pour instruction d’en frapper chaque cheval qu’il dépasserait avant de jeter son manteau là où le sien ferait un faux pas. Ainsi fut fait et après qu’Elfin eut remporté la course, Taliesin l’emmena là où était tombé le manteau en lui conseillant de creuser à cet endroit précis. Il y trouva un chaudron remplit d’or et, s’étant acquitté de sa dette, lui ayant établi considération et richesse, Taliesin quitta Elfin. C’est ainsi que Taliesin parcouru les terres du monde pour y trouver le sujet de nouvelles chansons et parfaire sa connaissance en toute chose. De mon côté, moi Afang Du laissé pour compte à côté du chaudron qui m’explosait proche du visage et me défigura une nouvelle fois. Enfin ce n’était pas grand-chose pour moi qui était déjà le plus laid des hommes. Tout ce que je vis, entendis et ressentis en racontant la vie de mon frère m’indiquait que ma vie aussi et mon exemple était une richesse pour notre tribu. Ainsi du fond de mes apparences fort repoussantes se cachait un joyau que mes gardiens avaient bien pris soin de cacher à l’endroit où personne ô grand jamais n’oserait venir chercher trésor. Malgré mon ignorance, ma laideur, ma noirceur, au fond de mon cœur vivait une énergie héritée des mémoires intemporelles depuis ma naissance. L’intelligence que ma mère souhaitait tant m’offrir était déjà présente, mais tout indiquait que la magie réside dans les yeux au travers duquel on regarde. Que de lumière il n’est question que d’obscurité et de front lumineux une noirceur repoussante. Ô grands inspirateurs de légendes, délivrez le message que le chemin parcouru aux grandes frasques de ce monde semble très valorisant, mais parfois le plus gros du travail ne réside-t-il simplement dans la manière de voir les choses ? Mais alors osons-nous regarder le plus sombre et le plus hideux en nous-même et chez nos congénères ?? Ainsi je devins Avagonios, maître des Bardes à l’égal de mon frère. page 17 L’epopee celtique du roi Arthur Viviane il était passionnément épris. Le prix qu’exigea Merlin pour ce « service » magique, ne fit même pas hésiter Uther : l’enfant à naître devrait être L’univers arthurien est indisso- remis, sans question, ni condition, aux soins et ciable de la mythologie celtique. à l’éducation du druide. Neuf mois plus tard, Arthur voyait le jour et était confié à une famille de paysans en qui Merlin avait une totale confiance. L’éducation d’Arthur devait être celle du peuple celte. En outre, il pourrait éventuellement bénéficier d’un enseignement guerrier réservé aux jeunes hommes les plus prometteurs de la société celtique. Quand le moment serait venu, Merlin reviendrait chercher son protégé pour le conduire vers sa destinée royale et l’informer quant à la nature exacte du rôle qu’il aurait désormais à assumer. La conception et la naissance d’Arthur sont très représentatives de l’esprit celtique au moment de la christianisation du druidisme en Irlande. À l’époque mythique où se déroule la légende, la Grande Bretagne est divisée tant sur les plans géographique et politique que religieux. Le père d’Arthur, le roi Uther Pendragon, est un valeureux guerrier. Il avait, paraît-il, des serpents tatoués sur ses poignets, ce qui dénonce son appartenance aux anciennes croyances druidiques. Le véritable défi d’Uther consiste à lutter contre les dissensions du peuple celte : d’un côté, les tenants de la nouvelle doctrine chrétienne et, de l’autre, les disciples druidiques. Il lui manque la diplomatie nécessaire pour rallier ses troupes, condition sine qua non pour espérer vaincre les Saxons. Le druide Merlin prophétise la venue prochaine d’un grand roi qui permettra à l’Angleterre de retrouver son homogénéité politique et religieuse et ainsi d’augmenter la puissance du royaume de Grande Bretagne. Grâce à la magie druidique de Merlin, Uther Pendragon a conçu ce futur roi avec une ancienne druidesse de l’île d’Avalon, Ygerne, convertie au christianisme par son mariage avec le duc Gorlois de Cornouailles. Le druide avait donné l’apparence de Gorlois à Uther afin que ce dernier puisse s’introduire dans le château du duc et visiter, sur sa couche, la femme dont Sur le plan mythologique, le personnage d’Arthur incarne donc l’ensemble des classes et fonctions que l’on reconnaît à la civilisation celtique : royale par Uther, sacerdotale par Ygerne, guerrière et paysanne par sa famille adoptive. Merlin joue d’abord un rôle dans la conception d’Arthur, plus tard il décidera de son éducation et fera partie de son conseil. Ainsi se tisse symboliquement la trame mythique de la légende. Que ce soit par l’utilisation de la magie ou par l’enseignement de la sagesse religieuse, le personnage de Merlin incarne le principe masculin dans le grand processus de la fécondité, clef de voûte de la philosophie druidique. Pour pouvoir être intronisé, Arthur devra retirer l’épée Excalibur d’une pierre, symbole de l’ascension à la souveraineté celtique. Or cette épée a été fabriquée par les druidesses de l’île d’Avalon et est donc investie d’un pouvoir magique et druidique. Ensuite, elle sera transmise à Merlin par Viviane, la Dame du lac et grande druidesse d’Avalon. À l’aide d’un sort, le druide a planté l’épée sacrée dans une pierre. Seul Arthur pourra l’en extraire. Non seulement ce rituel d’intronisation est typiquement celtique dans son déroulement, mais encore il démontre la véritable origine du pouvoir souverain du roi Arthur, la religion druidique et son fondement féminin. Par Excalibur, le règne d’Arthur devrait être empreint de la philosophie du druidisme qui préconise, entre autres lois, l’équilibre, l’harmo- page 18 nie, le respect de la continuité des cycles de la vie et le principe de la complémentarité conceptuelle. Grâce à Excalibur, le roi Arthur devient tributaire de l’alliance entre les chrétiens et les disciples druidiques, ceux-ci constituant désormais le peuple celte. Il rallie ses troupes avec brio et gagne plusieurs combats contre les Saxons sous l’étendard des deux bannières : le dragon druidique d’Uther Pendragon et la croix chrétienne. C’est l’apogée du règne arthurien. Le roi Arthur épouse Guenièvre, une chrétienne convaincue qui voit dans les anciennes croyances druidiques une menace satanique constante planant sur la Grande Bretagne. À force d’insistance, elle finit par convaincre Arthur de n’afficher que la bannière chrétienne. Dès lors, ses troupes se divisent et s’affaiblissent. Le mécontentement atteint son paroxysme lorsque, dans une ultime tentative pour sauver son peuple, le roi Arthur demande à ses chevaliers de lui rapporter le Graal, symbole d’immortalité et d’abondance tant pour le christianisme que pour le druidisme. Sur le plan mythologique, Arthur est né de l’espoir de survie du druidisme et il devint un roi légendaire grâce à la volonté druidique d’harmoniser les différentes croyances religieuses en territoire celte. La déchéance du royaume arthurien tient de la trahison d’Arthur envers les anciennes croyances. Le christianisme montant favorisera la disparition des valeurs druidiques. À sa mort, Arthur remettra Excalibur à Morgane, sa demi-sœur, amante et druidesse, qui la rapportera sur l’île sacrée d’Avalon, ultime lieu de culte de la Grande Déesse. Comme le démontre ce bref résumé de l’épopée arthurienne, quelques femmes ont tenu des rôles-clefs dans le développement de la légende. Fille d’Ygerne et de Gorlois de Cornouailles, Morgane est née cinq ou six ans avant Arthur. Déjà à cet âge elle manifeste des dons pour la divination et la magie que l’on associe à ses origines matrilinéaires, traditionnellement druidiques et sacerdotales. Sa physionomie la rapproche étrangement d’un peuple beaucoup plus ancien de la Tradition celtique, le Monde des Fées. Tout comme la Morrigane irlandaise, Morgane possède une petite constitution et elle a les cheveux et les yeux de la couleur du corbeau. En outre, sa beauté réside dans le profond mystère qu’elle exhale. Issus de la même origine matrilinéaire et druidique, les personnages de Morgane et d’Arthur incarnent la nécessité de la complémentarité du féminin et du masculin dans la création de tout processus fécond chez les Celtes. Contrairement à la dualité conceptuelle du christianisme, dans la perspective druidique, ces deux polarités ne s’opposent pas, elles se complètent pour ainsi rappeler la véritable origine religieuse de la souveraineté celtique. Pour Thibaud, Morgane ne porte pas qu’une partie de l’essence arthurienne, elle est la reine du royaume mythique et typiquement religieux de son demi-frère. Née de la mer (mori-gena), personnage essentiel de la mythologie des peuples d’Armorique et du Pays de Galles, Morgane est une des manifestations de la Déesse-Mère primordiale d’où émane toute vie. Elle est la Reine de la Terre des Fées et de l’Eternelle Jeunesse, de l’île d’Avalon et de l’Autre Monde. C’est dans ces lieux interdits aux vivants que demeurent les dieux, les héros et certains hommes après leur passage terrestre. Morgane possède son propre royaume, beaucoup plus imprégné des valeurs mythiques du druidisme que de l’organisation politique de la civilisation celtique. Parce que druidesse, Morgane est aussi une initiatrice sexuelle. D’ailleurs, c’est elle qui, lors d’une fête de Beltaine, a incarné la Grande Déesse pour s’unir au représentant du dieu cornu, son demi-frère Arthur. Tous deux inconscients de leur véritable identité lors de ce rituel sacré, un fils est né de leur union, Mordred. Tel un justicier spirituel, et devant la trahison religieuse du roi Arthur face au druidisme, Mordred, éduqué dans les anciennes croyances et devenu adulte, assassinera consciemment son père au terme de l’épopée arthurienne. Morgane ramènera le corps d’Arthur sur la terre mythique d’Avalon, démontrant ainsi les véritables origines et appartenances religieuses du défunt. Morgane est présente à la conception, à la naissance, au règne et à la mort d’Arthur. De plus, elle enfante le seul et unique descendant du roi. page 19 le roi Arthur. Or, nous avons constaté que l’alliance druidique ne revêt pas ce caractère existentiel pour le féminin celtique. De plus, les préoccupations particulièrement culpabilisantes pour Guenièvre, face à l’adultère (l’amour secret que porte Guenièvre à Lancelot est bien connu) et à la stérilité par exemple, soulignent son attachement à des valeurs typiquement chrétiennes et essentiellement féminines à l’intérieur de cette pensée religieuse. À l’image des principaux archétypes féminins du christianisme, Guenièvre accède à la souveraineté par le masculin et règne sur un royaume, qui bien que mythique dans la légende, demeure sociopolitique, c’est-à-dire plus près de la condition humaine que du religieux et du divin. Dans l’épopée légendaire, Guenièvre incarne la plus juste représentation archétypale du féminin chrétien. Dans la légende, cette incarnation du féminin n’est pas féconde et, symboliquement, la stérilité de la reine, se manifeste par le manque de prospérité du royaume, du peuple et de la souveraineté. Quant au personnage de Guenièvre, l’épouse C’est à ce moment que débute l’ultime croisade du roi Arthur, il apparaît impossible de nier du roi Arthur, la Quête du Graal. son attachement aux valeurs chrétiennes et son aversion pour les croyances druidiques. Elle se Texte tiré du livre de Manon B. Dufour, La méfie tout particulièrement de Morgane et de magie de la Femme celte. Viviane, qu’elle associe volontiers à des sorcières mandatées par Satan pour détruire le royaume d’Arthur. Sa conversion au christianisme est totale et sans équivoque. Guenièvre est le seul personnage féminin de la légende arthurienne à ne présenter aucune ambiguïté quant à son appartenance aux valeurs chrétiennes. Par ailleurs, tout au long du mythe, elle manifestera des préoccupations propres à cette idéologie religieuse et se verra aux prises avec des situations qui relèvent surtout de la perception chrétienne du féminin. Contrairement aux protagonistes féminines druidiques de la légende, Guenièvre n’existe sur le plan mythologique et ne participe au déroulement de l’histoire que par son mariage avec page 20 Une approche de la mythologie celtique « D’autres peuples ont élevé à leurs dieux des temples et leurs mythologies mêmes sont des temples, dont l’architecture reproduit la symétrie d’un ordre cosmique et social… à la fois cosmique et social. C’est dans la solitude sauvage du nemeton, du bois sacré, que la tribu celtique rencontre ses dieux, et son monde mythique est une forêt sacrée, sans routes et sans limites. » Marie-Louise Sjoetedt Astur BRITT Elle féconde en quelque sorte le destin du personnage d’Arthur, justifiant ainsi l’existence même de la légende arthurienne. Le personnage de Viviane, bien que plus subtil que celui de Morgane dans ses interventions auprès du royaume d’Arthur, n’en est pas moins fondamental à la trame mythique de la légende. En effet, Viviane est la Grande Druidesse de l’île d’Avalon. Dernier refuge pour les anciennes croyances, cette île offre l’enseignement de la doctrine druidique, la formation de druidesses et un ressourcement religieux pour les druides intervenant dans la légende arthurienne. Nulle part dans l’épopée mythique il n’est fait mention de l’origine ou du lieu de formation sacerdotale des druides. Mais le haut lieu des connaissances druidiques demeure sans contredit l’île d’Avalon où Viviane règne en Grande Druidesse aux pouvoirs magiques et absolus. À ce titre, elle incarne l’archétype sacral par excellence du druidisme, soit la Grande Déesse-Mère. Elle représente l’essence et le fondement de la philosophie religieuse du druidisme. « Tout comme la langue, la mythologie commune des indo-européens des origines a évolué en se diversifiant. Il n’a guère subsisté de points communs entre la mythologie fantastique des Celtes, et celle, rationalisée, de leurs voisins, les peuples méditerranéens. On sait que ce qui caractérise la religion grecque et ses mythes, c’est l’idéalisation de l’ordre, de l’équilibre, de la mesure. La sacralité s’y puise dans la perfection des formes. Et la société des dieux y est étroitement hiérarchisée. Ils ont un chef qui est garant de l’ordre universel, le gardien des lois, l’incarnation même de la Loi. Sous ces ordres, chaque dieu, chaque déesse exerce une fonction bien déterminée, possède ses attributions propres : il y a le dieu de la forge, la déesse de l’amour et celle de la chasse…. Toute la vie céleste est bien réglée, bien policée. On ne trouve rien de semblable dans la mythologie celtique, qui est beaucoup plus bouillonnante et échevelée. Les dieux n’y sont ni hiérarchisés ni spécialisés. Ils peuvent avoir des caractères très accusés, vivre des aventures époustouflantes, mais ils ne sont jamais cantonnés dans une fonction définie et ont de tout autres préoccupations que de maintenir dans l’univers l’ordre et l’équilibre. Ils sont conscients qu’un harmonieux désordre est un effet de l’art. Loin d’incarner la mesure, ils font éclater, au contraire, la fantaisie et la démesure. On ne les imagine pas comme des parangons de beauté : ce qui importe, ce n’est pas la perfection des formes, c’est l’étrangeté… Mais là où la mythologie celtique se différencie le plus radicalement, c’est en ce qui concerne le séjour des immortels. Les divinités grécoromaines constituent une petite société très structurée, semblable aux sociétés humaines, mais vivant à l’écart des hommes sur le sommet du mont Olympe. Au contraire, les dieux celtes vivent en tribus nombreuses sur terre, dans les airs et se mêlent volontiers aux vivants. Les deux mondes s’interpénètrent… » La mythologie Celtique, de Yann Brekilien (extraits) Cernunnos « Suis le chemin jusqu’à une grande clairière unie ; au milieu s’élève un tertre sur le haut duquel tu verras un grand homme noir, aussi grand au moins que deux hommes de ce monde-ci ; il n’a qu’un seul pied, et un seul œil au milieu du front ; à la main il porte une massue de fer, et je te réponds qu’il n’y a pas deux hommes au monde qui ne trouvassent leur faix. Ce n’est pas qu’il soit un homme méchant, mais il est laid. C’est lui qui garde la forêt et tu verras mille animaux sauvages paissant autour de lui. Demande-lui la route qui conduit hors de la clairière. Il se montrera bourru à ton égard, mais il t’indiquera un chemin qui te permette de trouver ce que tu cherches. » Les Mabinogion, traduction de J. Loth. page 21 Dieux, Deesses & Personnages Quand la mythologie celtique inspire les artistes… Nombreux Morgane BRITT sont ceux qui sont inspirés par la mythologie celtique : historiens, romanciers, poètes, musiciens… C’est également le cas pour les peintres et dessinateurs qui illustrent les divers mythes et surtout les Dieux et Déesses à l’aide de couleurs et symboles. C’est vers ces artistes que nous allons nous pencher et qui vont nous faire voyager à travers des personnages et des divinités qui se révèlent toujours aussi passionnants. J’ai choisi de me concentrer uniquement sur certains artistes que je connais bien afin de délimiter un peu mon champ de travail. le 1er février. Ici, elle est représentée avec une lumière dans les mains, rappelant le renouveau qu’elle apporte. À ses côtés, nous trouvons un petit veau, symbole de la renaissance de la vie au mois de février, la sortie de la période de l’Hiver. La nature environnante derrière elle nous montre également cet aspect de saison, avec des arbres et une végétation comme endormie et dans l’attente de la lumière. On note également que Brigit est souvent associée à Rhiannon et Epona, deux Déesses semblables. On trouve l’illustration de la Divinité très séduisante, mais à la fois imprévisible et menaçante. Pour continuer dans les Dames du Mabinogi, nous trouvons également des illustrations d’Arianhrod, mère du Dieu Llew Llaw Gyffes. Elle est présente dans la quatrième branche du Mabinogion et son nom signifie « Roue d’Argent ». En effet, cette Déesse nous apprend l’aspect cyclique de la vie, la roue qui tourne, la vie et donc la mort. Jessica Galbreth nous montre bien cette notion en illustrant une roue juste derrière la Déesse. Epona - Briar Déesses, Dames et Créatures de la mythologie celtique Un autre aspect de Brigit, beaucoup plus guerrier et vindicatif est la Déesse Morrigan. Elle peut à la fois encourager les guerriers ou leur inspirer la peur. Détentrice des savoirs, elle est illustrée ici dans la couleur de la mort, en noir. Elle est accompagnée d’une corneille en référence au Táin Bó Cúailnge, lorsque celle-ci regarde l’agonie de Cúchulainn, sous la forme de cet oiseau. Rhiannon - Jessica Galbreth Brigit - Jessica Galbreth Brigit ou Brigantia, Grande Déesse celte, est une figure importante dans la mythologie celtique. Déesse Mère, elle apporte le renouveau, la lumière dans nos cœurs, lors de la fête d’Imbolc En effet, on remarque que dans les deux cas, les deux artistes les ont accompagnées de chevaux. Lorsqu’on connait le mythe de Rhiannon, dans le Mabinogi, nous comprenons mieux pourquoi ce symbole apparait : dans la première branche, elle est la cavalière inconnue qui intrigue Pwyll, prince de Dyved et deviendra par la suite l’épouse de celui-ci. Quand à Epona, son nom signifiant « Grande Jument » en gaulois, rien d’étonnant de trouver aux côtés de cette Dame, un magnifique cheval, illustrée par Briar. Tout comme Brigit, ce sont des Déesses associées à la féminité et à la fécondité, elles sont donc dessinées d’une manière plus féminine que Blodeuwedd par exemple. page 22 Arianhrod - Jessica Galbreth Morrigan - Jessica Galbreth On remarque également une chouette à ses côté, peut-être une référence à sa belle-fille Blodeuwedd ? N’oublions pas pour autant des Déesses beaucoup plus sombres et mystérieuses comme Ceridwen, Déesse magicienne aux grands pouvoirs, pouvant à la fois donner la vie ou la retirer. En effet, dans la mythologie celtique, cette Divinité cherche à rendre Morvan, son fils monstrueux, un homme sage et respectable. Elle fit mijoter une potion de connaissance pendant un an et un jour mais celle-ci fut goûtée d’abord par Gwion Bach. Après plusieurs transformations, celui-ci devint Taliesin. On retrouve dans page 23 l’illustration de Jessica Galbreth le chaudron, le symbole le plus important de la Déesse. On remarque aussi qu’elle est accompagnée d’une chouette dans les deux œuvres mentionnées. C’est une façon pour les deux dessinatrices de montrer le destin assez tragique de ce personnage qui, après sa trahison envers le Dieu Llew, est transformée en chouette afin que celle-ci demeure dans les ténèbres et la nuit. Il est également à noter que Blodeuwedd est toujours représentée jeune et pure. Elle pourrait représenter le tout début du Printemps, jeune et fragile. les contrées, mais celui-ci excelle dans de nombreux arts : magicien, guerrier, guérisseur… Il assure protection et conseil. Il est représenté ici par le soleil et une nature au sommet de ses possibilités : en effet, ce Dieu est associé à la fête de Lugnasad, le 1er août, qui symbolise les récoltes, l’abondance et la prospérité. On note que cette divinité pourrait être associée à un arcane de tarot, le Soleil, qui symbolise l’apogée dans tous les domaines. Et les Dieux alors ? Dans mes recherches, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des illustrations convenables des Dieux peuplant la mythologie celtique. Peut-être estce dû au fait que les artistes que je connais se concentrent davantage sur les Déesses, étant donné qu’il s’agit de femmes. Cependant, voici quelques personnages que j’ai pu trouver. Ceridwen - Jessica Galbreth On pourrait également l’associer à l’Hiver, Blodeuwedd – Selina Fenech comme le montre la nature environnante derrière elle. Selina Fenech a choisi de la représenter avec de nombreuses fleurs autour d’elle, sachant que son nom signifie : « Visage de Fleurs » En effet, cette jeune femme fut conçue à partir de fleurs de genêt, de chêne et de reines-des-prés. Du coup celle-ci est généralement représentée avec de nombreuses fleurs, comme c’est le cas avec Jessica Galbreth qui orne ses cheveux de fleurs printanières. Cernunnos – Mickie Mueller Blodeuwedd - Jessica Galbreth Pour terminer en douceur, Blodeuwedd est une créature créée pour être l’épouse de Llew Llaw Gyffes. page 24 Blodeuwedd - Jessica Galbreth De cet artiste, Mickie Mueller, nous trouvons également une illustration de Cernunnos, Dieu gaulois symbolisant les cycles de la vie, la nature et la virilité. Comme sur le chaudron de Gundestrup, il est représenté avec des bois de cerf, référence à son nom « Cornu », d’où l’apLugh – Mickie Mueller pellation du Dieu Cornu. Il porte également un torque, bijoux emblémaVoici une très belle illustration du dieu Lugh, tique des Gaulois. On retrouve sa posture, en divinité très importante et complexe de la tailleur, tels que sont représentés les héros et mythologie celtique. Ses noms sont divers selon Dieux celtes. page 25 Derrière lui, la nature est verdoyante et abondante, on peut donc considérer qu’il s’agit de l’Été et donc associée à la fertilité et aux récoltes. Arthur Lancelot Viviane Taliesin – Mickie Mueller Pour terminer, voici une illustration de Taliesin que nous avons évoqué tout à l’heure avec Ceridwen, par Selina Fenech. On retrouve derrière lui le Tribann, symbole druidique, et il porte la couleur bleue, qu’on peut associer aux Bardes. En effet, Taliesin est la réincarnation de Gwion Bach, celui qui reçut sans le vouloir la potion de connaissance de Ceridwen. Après de multiples transformations, il devint Taliesin et fut abandonné par la Déesse. Le Cycle Arthurien Même s’il ne s’agit pas d’illustrations directement liées à la mythologie celtique, nous pouvons malgré tout nous pencher sur le cycle arthurien, qui est étroitement lié à notre thème. Nous pouvons donc découvrir le travail de Zéphir d’Elph, qui a illustré différents personnages importants. page 26 Merlin Guenièvre Afin de continuer ce voyage, je vous propose de visiter les sites internet de ces artistes pour admirer leurs autres œuvres : Selina Fenech : http://selinafenech.com/ ; Jessica Galbreth : http://www.enchanted-art.com/ ; Mickie Mueller : http://www.mickiemuellerart.com/ ; Zéphir d’Elph : http://www.lechantdestoiles. com/28zephir.html Morgane Ces œuvres ne sont que le reflet de mes errances sur Internet et ce texte n’est en aucun cas complet. C’est donc un article à poursuivre et à compléter au fil du temps, l’inspiration de ces artistes restant inépuisable. page 27 Auetos BRITT Interface entre mythologie et onomastique Approfondissements onomas- Les bois de cerfs étaient bien faits pour symboliser le cycle de renouvellement annuel. En effet, - citons ici Paul-Marie Duval à propos du cerf : « Cet hôte des forêts a ... l’étonnant privitiques et mythologiques sur lège de perdre chaque année et de voir repousquelques divinités marquantes ser ... sa ramure, signe du renouveau ... Les bois de la celticité antique du cervidé symbole de force ... mais d’une force qui vit, meurt et renaît au rythme de la nature Esus et Cernunnos végétale. » Deux avatars cycliques de la même entité, collectivement nommée Eberrios. Le mythe : 1. Rigu, (alias Cantismerta), déesse faisant partie Le mérite de l’élucidation de cette importante d’une triade « céleste » de « mères » est l’épouse donnée de la mythologie celtique revient au de Taranis, dieu du Ciel. Cependant, elle désire regretté J.-J. Hatt. chroniquement le quitter pour rejoindre Esus, Son raisonnement est basé sur diverses bribes une divinité terrestre (parmi d’autres). Elle veut de données mythologiques extraites de sources fuguer pour le retrouver même sous terre et diverses dont la synthèse critique se trouve assez l’épouser. corroborée par l’archéologie décryptant l’ima- 2. Rigu s’échappe et accompagnée des autres gerie retrouvée dont les sources sont diverses Mères, (de sa triade poly-unitaire) va retrouelles aussi : ver Esus sous terre mais c’est Cernunnos a Les chaudrons trouvés à Brå, Rinkeby qu’elles rencontrent puis tombent vite sous sa et Gundestrup, respectivement estimés du souveraineté. 3e siècle, du 2e et des environs de - 60 avant notre 3. Smertrios sacrifie un cerf, ce qui permet à ère - ce dernier étant le seul retrouvé complet : Cernunnos et aux déesses de remonter à la sursource cimbrique dans l’actuel Danemark, chez face. Cernunnos perdant ses bois peut redevenir un peuple germanique avec classes dirigeantes Esus, - un Esus qui sort à la lumière (aveuglante celtisantes. pour lui) par une source mais se trouve alors a Le pilier des Nautes et diverses autres repré- frappé de cécité. sentations d’Esus, de Cernunnos, du Taruos 4. Courroucé par la fugue de Rigu, Taranis la Trigaranos et de leurs entourages retrouvées en transforme en grue ainsi que ses deux « assoGaule et dans la Celtogalatie Danubienne. ciées » dès qu’elles ont refait surface ; - ces trois grues voltigent désormais au dessus du Taureau Ce qui suit consiste en un résumé de sa présen- d’Esus, et comme des pique-bœufs (en Afrique), tation dans son ouvrage précité, complémenté elles se posent même familièrement sur son par des éléments de référence au calendrier gau- dos : c’est l’origine du groupe mythique du lois, notamment. Taruos Trigaranos, le Taureau aux trois Grues. Ces deux divinités n’en faisaient qu’une : deux L’astronymie celtique les identifie alors aux facettes saisonnières de la même entité. Pléïades, au-dessus du Taureau proprement dit Esus était « actif » durant Samorotlio, demie dans la constellation de ce nom ; dans celle-ci année « claire » : c’était Cernunnos dépouillé l’Œil du Taureau (Sul Tarui) est l’étoile α Tauri, de ses bois. Cernunnos, le dieu aux bois de cerf, notre Aldébaran. l’était au long de Giamorotlio, demie année 5. Beleinos redonne la santé à Esus sorti affai« sombre ». bli par son séjour souterrain et le guérit de sa Autrement dit, leur alternance symbolisait cécité temporaire, mais celui-ci ne peut épouser le changement alternatif d’hémisphère du Rigu déjà transformée en grue. Il lui faut alors Sonnocinχs (Sonnocingos au génitif sg), c’est- se cacher en forêt dense où, habillé comme un à-dire de la « marche » apparente du Soleil sur travailleur, il doit se frayer un chemin à coups l’écliptique. de serpe. page 28 6. Situation conflictuelle au panthéon car Toutatis, Smertrios, Belenos, Loucetios et aussi les Emni, gémeaux fils de Rigu, prennent parti pour elle et Esus contre Taranis ; péripétie du conflit, le combat singulier du sanglier de Toutatis contre le lion de Taranis. 7. Smertrios sacrifie un taureau dont le sang met fin à la métamorphose de la triple déesse. 8. Rigu épouse enfin Esus et a tôt fait de le dominer mais leurs amours conjugaux ne dureront pas deux lunes... 9. Taranis a tôt fait de la récupérer (« Assomption » de Rigu). Tandis que sa ramure commence à repousser, Esus entre en mutation et se retrouve tôt contraint à se réfugier sous terre où il redevient tout-à-fait Cernunnos. ... et ainsi de suite selon le cycle calendaire celtique ... Noter au passage une transposition astronymique de ce mythe : Esus pour Véga, Taruos pour la constellation du Taureau dans laquelle Aldebaran est Sul Tarui = l’œil du Taureau et les Trois Grues, Tris Garanai, sont les Pléïades. Noter encore que la plus brillante étoile des Pléïades (Alcyone, η Tauri) fut nommée Maiia en astronymie celtique ancienne. Cette Maiia, malgré sa paronymie n’était pas vraiment parallèle aux Maea latine et Maia grecque, mère de Mercure/Hermès. Par un syllogisme bien hasardeux, basé sur l’astronymie, il faudrait alors poser Maiia = Rigu, autre nom de la Maira Dagodeua Matrona Anna. Cependant, l’assimilation de Maiia à ladite Maea // Maia hellénique se heurte à plusieurs difficultés : 1. Généalogie mythologique : du côté celtique Matrona, etc., alias Rigu, est la grande déesse Terre-Mère épouse tumultueuse du dieu du Ciel, le *To-Ueranos > Taranos > Taranis parallèle à l’Uranus latin, à l’Ουραnoς grec et au Varuna aryen. Du côté mythologique grécolatin, Maea // Μaia est la fille d’Atlas, donc au mieux la petite-fille d’Uranus. 2. Si l’on pose l’équation mythologique grécolatine / celtique généralement admise Mercure/ Hermès = Lug, on se heurte à une complication supplémentaire : Lug a pour mère Etliu en mythologie goidélique et Argantoreta > Arhianrhod selon la britonnique ; le rapprochement entre Etliu et Argantoreta pose déjà des difficultés au niveau inter-celtique ; le tour de passe-passe permettant seul une telle identification serait d’en faire un même avatar de la Matrona Anna, sans égard à leurs « parents » mythologiques respectifs. 3. En astronymie celtique ancienne, si Maiia est la plus belle étoile des Garanai (Pléïades), Argantoreta, « Roue d’Argent » y est la constellation de la Couronne Boréale. 4. En astronomie moderne, et dans l’ignorance apparente de la Maiia celtique, le nom de Maïa a été attribué à une autre étoile des Pléïades : 20 Tauri, moins brillante qu’Alcyone. En fait, les sept filles d’Atlas et de Pleïone sont nommées dans ce groupe ainsi que leurs parents : c’étaient en mythologie grecque Alkyonè, Astéropè, Èlektra, Kélainè, Maya, Méropè et Taügétè. - Différence donc avec la mythologie celtique où Rigu était un avatar de la Matrona Anna et où les « Mères » transformées en grues constituaient assez probablement les deux autres facettes de sa triade poly-unitaire, puisque les Celtes ne situaient que trois Grues dans les Pléïades. Celles nommées collectivement les Annaneptiai, « nièces (ou petites-filles) d’Anna », des « mères » de seconde voire troisième génération, ne peuvent pas logiquement avoir été impliquées dans ce cycle… Si l’on totalise les aspects soit communs soit particuliers d’Esus et de Cernunnos, on conçoit que cette entité divine avait pour domaines la Nature et son cycle, les richesses forestières et souterraines et, dans une moindre mesure, la mort, peut-être en fonction d’accompagnement ; somme toute, selon une formule proposée par Alain le Goff : « le très ancien dieu celtique de la prospérité sans cesse renouvelée, et du temps que la nature accorde aux humains. » Cycle calendaire gaulois quant aux noms de mois : Cantli (PL de la Balance) : Esus commence à se muer en Cernunnos, Samoni (PL du Scorpion) : Cernunnos est rentré sous terre, Atenoux Riuri (NL du Capricorne) : Rigu et les page 29 Mères descendent sous terre, Ogroni (PL des Poissons) : Sacrifice du cerf, Cuti (PL du Bélier) : Sacrifice du taureau, Giamoni (PL du Taureau) : Mariage Esus-Rigu, Atenoux Elembiui (NL du Lion) : Assomption de Rigu. Position en organigramme mythologique Reste le problème de la position généalogique d’Esus-Cernunnos dans l’organigramme d’une mythologie pan-celtique. Une solution plausible est l’intégration dans la descendance de Miletos (> Miled), lui-même fils de Belatumaros (> Bile/Belimawr) et de Danu (> Danu/Don). Voici pourquoi : la théonymie gauloise comprenait un Eberrios sans indication de position généalogique et qui réapparaît dédoublé en mythologie médiévale irlandaise comme Eber Donn (< Donnos Eberrios) = Eberrios le sombre et Eber Finn (< Uindos Eberrios) = Eberrios le Clair, tous deux fils de Miled. Or ce dédoublement goidélique fait forcément penser à l’alternance gauloise Cernunnos-Esus. Ceci permet donc de compléter ce point de théonymie : une alternance Eberrios-Esus / Eberrios-Cernunnos. Davantage sur Cernunnos Le dieu à la large ramure de cerf est nommé Cernunnos en Gaule proprement dite et Cernenos en son prolongement oriental, la Celtie Danubienne, - des noms signifiant « le Cornu » - (encore Kernon en breton actuel). Plus tard, on le retrouve même à Rome, où les Romains toujours en mal d’interpretatio se le sont appropriés comme Iuppiter Cernenus. Cette assimilation était erronée car contraire au caractère chtonien de Cernunnos, considéré par extension comme d’une part associé au monde souterrain des morts et d’autre part paraissant commander au monde animal ; le serpent à tête de bélier (peut-être appelé Segomo) est parfois représenté auprès de lui. Ce dieu aux bois de cerf est souvent représenté assis les jambes croisées en tailleur dans la position du lotus. Il porte généralement un torque autour du cou, parfois un autre à la main et même deux torques de rechange dans ses bois. Son visage large et plutôt aplati évoque probablement le soleil couchant dont le disque apparaît déformé dans les basses couches de l’atmosphère, comme écrasé au-dessus de l’horizon. Dans la dizaine de témoignages archéologiques retrouvés et conservés, c’est un homme âgé, le plus souvent représenté chauve : c’est ainsi que les Celtes symbolisaient la sagesse acquise avec l’âge (comme aussi pour Ogmios)... Un caractère crépusculaire puis nocturne ressenti dans la pensée celtique où le changement de date était à la tombée de la nuit, la nuit précédant donc le jour dans le nycthémère « latis » celtique. De même pour ceux des druides qui pensaient « réincarnation », la mort précédait normalement la vie. En Albion, il pourrait se trouver rapproché d’un *Sidodunios = homme-cerf ou cerf-homme, qui paraît à l’origine du Hyddon de la mythologie galloise, mais ce dernier se trouve placé plus bas que l’Esus/Cernunnos gaulois dans la hiérarchie des déités brittoniques en l’état où le livre la littérature médiévale : il y était petit-fils de Don = Danu par une étrange filiation, car issu des frères Gwydion et Gilvaethwy temporairement transformés en cerf et en biche en punition infligée à eux par leur oncle Math (un aspect du Dagodeuos) dont Gilvaethwy avait violé la vierge « porte-pied », Goewin grâce à la complicité de Gwydion. Cet Hyddon médiéval pouvait en outre faire jeu de mots avec Hyd Dwn = Cerf Sombre en construction médiévale où l’adjectif passe après le nom, donc contrairement au celtique ancien où l’adjectif précédait toujours le nom et le précédait naturellement dans la formation des mots composés. Y eut-il aussi un *Donnosidos en Albion antique ? En mythologie irlandaise, certains caractères de Cernunnos sont perceptibles dans le personnage d’Eber Donn = Eber le « sombre » ; or la riche théonymie gauloise avait un Eberrios qui permettrait de reconstituer au niveau onomastique antique un Eberrios Donnos en Iueriu (Erin), donc symétriquement Eberrios Cernunnos en Celtogalatia (Gaules + Celtie danubienne). D’autre part, Donnos est attesté comme nom page 30 d’homme dans l’aire de langue gauloise et pas seulement en Gaule proprement dite : (donnos <*ðusnos, d’une racine IE qui a aussi donné semble-t-il - le latin fuscus). Cette couleur sombre était justement celle attribuée au monde souterrain... Eberrios Donnos était réputé pouvoir se métamorphoser en cerf, ce qui le rapproche de Cernunnos. Ce dieu « sombre » a été rétrogradé comme tant d’autres dans la mythologie irlandaise mise par écrit seulement au Moyen Âge : à peine un demi-dieu petit-fils de Danu (comme Hyddon en mythologie cambrienne) ; il meurt noyé et a sa tombe sur une petite île proche de la rive sud de la Baie (ou « River ») de Kenmare/Ceann Mara : Tech Duinn < Tegos Donni = Maison de Donnos qui passera pour l’une des portes que l’on crut donnant accès au monde souterrain. Ch.-J. Guyonvarc’h précise : « La légende veut que ce soit une halte des morts dans leur passage vers l’Autre Monde. » Ceci recoupe une attribution peut-être tardive faisant aussi de Cernunnos un « dieu d’outretombe » (cf. Albert Grenier). Pour en terminer avec cet aperçu sur Cernunnos, il faut préciser que son passage cyclique sous terre n’en fait pas le permanent « dieu des enfers », un analogue à l’Hadès grec ou à l’étrusque AitéMantus, tous deux rattachés par les Latins à leur Pluton. Cette fonction chez les Celtes était tenue par Medros (plus tard nommé Mider en gaélique et Medyr en gallois), dit aussi Toutatis Medros, - semble-t-il -, ce qui en ferait un symétrique souterrain du Toutatis Toutioriχs terrestre. Tout ceci se trouve encore confirmé dans le contexte mythologique goidélique : Eber Donn est fils de Miled (Miletos) et petitfils de Bile // Beli (Belos) : donc Eberrios Cernunnos est bien différent de Medros et, compte tenu de la contradiction entre les ascendances respectives, cet Hyddon (Sidodunios) ne serait - au pis aller - qu’un avatar du dieu aux bois de cerf. Eber Donn « le Sombre » a un frère Eber Finn « le Blanc-lumière » ; ceci semble un dédoublement insulaire apparemment tardif qui aurait été inspiré de l’entité alternante gauloise Cernunnos-Esus ; subsidiairement, cet Eberrios Uindos pouvait passer pour une autre hypostase insulaire d’Esus, non repérée autrement que par une identification (discutée) de Setanta < Setantios dit Cu Chulainn dans cette situation. Notons enfin une épithète décernée à Cernunnos : Uoldanos signifiant « abondamment doué » , assez analogue donc à l’Iludanacos goidélique au sens de « poly-compétent », d’où l’ancien irlandais Ildanach et son superlatif Samildanach attribués à Lug - et non à Eber Donn. Davantage sur Esus Plusieurs historiens et archéologues se basant sur un passage de la Pharsale du poète latin Lucanius = « Lucain » I, 444 à 446, qui mettait Taranis, Esus et Toutatis sur le même niveau ont pensé que c’étaient les trois éléments d’une triade représentée par le dieu à trois visages, sorte de Trimourti de la statuaire gallo-romaine. Il est probablement vrai que sous le régime impérial romain ces trois divinités celtiques ont pu avoir été mises sur le même rang. Il n’en reste pas moins que leur assimilation respective au panthéon romain posait problème. En effet, si Taranis, à la suite de son amalgame avec Tanaros (analogue au Donnar germanique), était surtout rattaché à Jupiter Tonnant et moins souvent au Dispater latin, Esus le fut surtout à Mars mais aussi à Mercure - comme fut le cas ou le lapsus de l’annotateur anonyme de la Pharsale (Scholies Bernoises), indiquant coup sur coup les deux interpretationes ; quant à Toutatis, c’était aussi tantôt Mars et tantôt Mercure. Ceci reflète la perplexité des Romains devant des divinités typiquement celtiques. Tout ceci n’était pas sérieux et par conséquent, ce ne peut être un élément pour identifier la position d’Esus dans un panthéon celtique à la fois touffu et évolutif. C’est pourquoi il faut considérer soigneusement la thèse de J.J. Hatt et examiner comment diverses autres données lui sont compatibles. D’abord le nom celtique Esus (avec variantes Aisus et Aesus), estropié au surplus en latin par un H parasite : Hesus. Des adjectifs dérivés en Esuuios, Aisuuios et latinisés en Esuvius et Aesuvius, contribuent à un éclairage sur son page 31 étymologie. On peut poser *Aisuos > Aesus > Esus ; ceci évoque quasi irrésistiblement le théonyme catégoriel étrusque Ais = dieu avec aiser comme pluriel = dieux tout simplement sauf appellation complémentaire. Dans la même notion, on avait ahsu en vénétique : dieu en effigie, as en sanskrit avec son dérivé asura parallèle à l’avestique ahura, au sens complexe d’esprit et de puissance. Probablement aussi Is en théonymie hittite. Dans les langues italiques, le sabin aisos, - et en adjectifs esunu en ombrien, aisusis en osque et esono en marse étaient des adjectifs signifiant « divin ». Le germanique avait as, au pluriel asur en écriture runique, encore représenté par æsir en islandais, mais peut-être dérivait-il d’un *ans d’où l’adjectif *ansuz, (comme l’a proposé Kluge : nom francisé actuel : les Ases). Au niveau conjectural de l’IE, il semble que la notion primitive était à la fois « puissance » et par conséquent seulement : divinité. Quant au grec Aισα = aîsa < aitia = volonté divine > sort, destin - d’une part, et - d’autre part - aux noms celtiques dérivant tous deux d’aiuestus comme aes, irlandais ancien = âge, puis gens d’une certaine époque et oes, gallois signifiant âge et aussi durée, ce sont des mots qui n’ont rien à voir avec Aisus > Esus. Comme les Celtes pratiquaient le sport intellectuel des jeux de mots, il semble bien que le nom divin Esus était riche en connotations qui nous ont été proposées comme étymologies alternatives : a D’abord le préfixe esu- ancienne forme possible de su = bien, identifiée déjà au niveau de l’IE et ayant donné parallèlement en grec le préfixe ευ- (eu-) = bien et l’adjectif εuς (eus) = bon ainsi qu’assus en hittite. Noter que ce qualificatif fut aussi donné à Beleinos alias Belenos Grannos quand on le retrouve dans le théonyme préfixé Esubeleinos. a Aussi uesus = bien, excellence et en adjectif = « enjoué » : « une forme issue de *vesos / *vesus par mutation du [v-] préceltique initial, selon un phénomène courant en phonétique celtique » (cf Ch.-J. Guyonvarc’h). a Et même eisu = désir, objet de voeu : « celui dont on désire obtenir la faveur » (cf. d’Arbois de Jubainville), un terme confirmé par l’épithète théonymique eisutos, documentant ainsi une variante callaïque aux adjectifs gaulois aisuuios et esuuios. ... Autrement dit, c’était un nom « parlant » sans grande originalité et qui ne permet pas d’en faire un « Dieu de la Guerre » ou « Kriegsgott » comme ceci a été écrit et répété jusqu’en définition de mots croisés. Juste un nom quasi catégoriel : un dieu « bon » et « invoqué », une appellation séant bien à un dieu de la Nature, et justifiant la tentative romaine de l’identifier lui aussi à Mercure. Cette étymologie multiple du nom d’Esus en fait un exemple typique de la mode druidique pratiquant le sport des paronymies phonétiques afin d’offrir des entendements multiples au même nom : c’est si vrai que divers proposants d’étymologies différentes ont chacun raison. Somme toute c’était encore une fois le même jeu intellectuel que celui pratiqué par les brahmanes et appelé chez eux çlesha. Les Irlandais médiévaux poursuivirent cette gymnastique et en ont écrit un recueil intitulé Cóir Anmann = « Justesse / convenance des noms ». D’autre part, des latinisants, en l’affublant d’un inutile h initial, ont pu comparer « Hesus » (sic) avec leur herus = seigneur. Ajoutons que les formes de déclinaison attestées et plus ou moins estropiées en latin font conjecturer les paradigmes suivants : Aesus ou Esus au nominatif, Aesi ou Esi au génitif (irrégulier), Aesu ou Esu au datif (attesté en celtique), Aesum ou Esum à l’accusatif (irrégulier aussi). Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, on peut considérer l’antique théonyme celtique Eberrios, ayant évolué en Eber puis Eibhir chez les Gaéliques, comme un nom propre dont le sens reste encore obscur, s’appliquant à la fois à Cernunnos et à Esus : tantôt Donnos = le sombre, tantôt Uindos = le blanc lumineux, qui devinrent respectivement Eber Donn et Eber Find en irlandais médiéval. Passons aux indications complémentaires jetant quelques lueurs sur la mythologie afférente à Esus proprement-dit, c’est-à-dire en sus de son alternance d’apparence tantôt en Esus et tantôt en Cernunnos et aussi ses hypostases (non comprises, pour commencer). page 32 Premier temps : Esus enfant est choyé par Toutatis qui le prend sous sa protection. Second temps : Esus s’initie au chamanisme, en meurt et en ressuscite. Le principal trait connu du culte d’Esus est la commémoration sacrificielle de son passé chamanistique. Les sacrifices humains jadis offerts à Esus étaient, à en croire l’annotation du « scholiaste » anonyme en marge du poème de Lucain, très particuliers quant à leur forme d’exécution : « homo in arbore suspenditur usque donec per cruorem membra digesserit » = « un homme est suspendu dans un arbre jusqu’à ce qu’à travers l’hémorragie il se défasse de ses membres ». C’est ce qui aurait pu aussi advenir à Lugus blessé par un épieu empoisonné puis métamorphosé en aigle blessé et perché en haut d’un arbre, s’y décharnant avec des hémorragies purulentes si son tuteur Uedion-Artaios (> Gwydion) ne l’y avait retrouvé et tiré d’affaire in extrémis. L’historien Gerhard Herm a repris à son compte la note du scholiaste en la développant ainsi : « Vor seinen Altären erschlug man die Opfer jedoch nicht, sie würden an Bäumen auf gehängt wie die Adepten bei manchen schamanischen Initiationsriten. Dabei erfuhren sie den Tod freilich nicht als Vision, sie starben wirklich. Im übrigen wird er gelegentlich mit jenen Cernunnos gleichgesetzt, welcher auf dem Kessel von Gundestrup im Buddhasitz thront. » (Die Kelten pp.240-241). = « Devant son autel on ne tuait pas les victimes ; elles étaient pendues à des arbres comme les adeptes de divers rites initiatiques chamanistes. De plus, elles éprouvaient la mort non comme une vision, elles mouraient effectivement. Au reste, il (Esus) se trouvait circonstantiellement en même position que ce Cernunnos, lequel, sur le chaudron de Gundestrup, trône assis en position bouddhique. » Outre l’allusion à la parité Esus/Cernunnos, ceci converge avec la thèse de Bernard Sergent « l’Arbre au Pourri » présentée dans la revue d’Etudes Celtiques. Sous ce titre macabre, B. Sergent analyse le passage des Scolies Bernoises et en conclut à l’évocation du mythe d’une sorte d’exercice chamanique extrême à la limite de l’auto-sacrifice par Esus : il se pend à un arbre fourchu, tombe en catalepsie, meurt puis ressuscite. Des sacrifices dont les victimes (volontaires ou non) étaient crucifiées à des arbres en forêt et y restaient jusqu’à décomposition cadavérique auraient commémoré cette péripétie du mythe d’Esus. Ceci a été ainsi résumé et commenté par P. de la Crau : « Au paroxysme de l’expérience chamanistique, il se pend par les pieds dans un arbre bifide et y reste jusqu’au-delà de la mort physique. D’où son association à l’idée de « résurrection » - mystique ou réelle suivant les écoles ». C’est donc en un troisième temps que RiguCantismerta s’amourache d’Esus ressuscité et ayant atteint sa maturité et que démarre l’interminable cycle des permutations Esus-Cernunnos. Tout ceci ne faisait donc pas d’Esus un spécifique « Dieu de la Guerre » et encore moins « le Dieu de la Guerre » de mots croisés... L’explication de cette autre mais quasi certaine attribution se trouve dans ce qui suit. Les avatars et/ou hypostases d’Esus D’abord un rappel pour bien comprendre le phénomène mythologique intégrant ces données apparemment contradictoires voire déroutantes au premier abord. Les mythologies celtiques, bien plus que les germaniques et presque autant que les brahmaniques, puis hindouistes à l’autre bout de l’ancien monde IE, jouaient avec quelque virtuosité sur deux concepts dont voici les appellations théologiques. a Les avatars, - du sanskrit avatâra : incarnation terrestre d’une divinité souvent sous des aspects variables (donc avec des noms pouvant varier aussi) à chacune de ces incarnations plus ou moins durables et assez souvent mortelles. a Les hypostases, du grec uπoστασις = hupostasis : concrétisation d’une manifestation subordonnée et en principe dotée d’une personnalité différente de celle de la divinité dont elle émane, et généralement mortelle. a Noter dans les deux cas de figure une possibilité d’ubiquité théoriquement attachée à une divinité « de plein exercice ». Faut-il parler de « tour de passe-passe » intellectuel des Druides quand ils s’efforçaient de rendre mieux compréhensible ainsi à leurs page 33 contemporains celtes ce que nous-autres trouvons irrationnel dans cette mythologie ? C’était déjà l’opinion de l’irlandais Toland, promoteur anticlérical d’un Néo-Druidisme plutôt maçonnique au XVIIIe siècle, pour qui les Druides s’y entendaient comme des efficaces manipulateurs : « ... their skill not only in juggling but in sophistry ... the art of managing the mob, which is vulgarly called leading the people by the nose » (History of the Druids, 1726). Autrement dit : « leur dextérité non seulement en tours de passe-passe mais aussi en sophistique ... l’art de manipuler la foule, qui est appelé vulgairement mener les gens par (le bout du) nez ». Cette description sardonique étant signalée, on peut tout autant penser que les Druides s’étaient honnêtement efforcés de réduire les incohérences entre les versions mythologiques, afin de leur donner une relative crédibilité à des fins didactiques. Quoiqu’il en soit, les Druides n’avaient pas inventé seules ces formules, puisqu’elles étaient très courantes chez les Brahmanes, leurs homologues védiques indo-aryens. Dans le cadre de l’origine de ces croyances, il est pratiquement établi qu’il s’agit de la déification de personnages mythifiés auteurs de faits réels dans la protohistoire, conservés dans la mémoire collective, puis retravaillés et amplifiés par l’imagination débordante des bardes et vélèdes conservateurs et développeurs des traditions orales. C’est donc seulement à travers ces hypostases, résultant de la mythification d’un mélange d’évènements de la proto-histoire que de dieu de la prospérité Esus a pu passer aussi comme un dieu de la guerre. Cette explication me paraît plausible. Concernant donc Esus, on peut considérer quatre cas mythologiques : Camulos, Eberrios Uindos, Sentontios et Oesus Catarnos, respectivement un gaulois, un goidélique, un goidélique - et - calédonien et un belgo-britonnique en leurs champs d’action respectifs sinon en l’origine de ce qui a été attribué à chacun. Voici le résultat mythologique issu de tel mélange d’évènements réels survenus au cours de la proto-histoire et que nous pouvons maintenant faire mieux qu’entrevoir. 1. Plutôt avatar : Camulos Un véritable « dieu de la guerre » des Gaulois, Camulos « celui qui s’évertue », ayant notamment comme noms-épithètes régionaux Beladon = « Massacreur » et Caturiχs = « Roi du Combat », peut-être aussi Belatucadros au prix d’un jeu de mots sur sa signification et Dunatis comme identifications avec Camulos proposées par G. Roth et F. Guirand (Mythologie Celtique), - tous théonymes rattachés à Mars dans l’interpretatio. (Noter quand même que ce Beladon est quasi homonyme probable avec l’étymon Belos du nom donné plus tard au dieu de la mort d’où Bile en gaélique et Beli en gallois, cf. adjectif belo = meurtrier.) En mythologie irlandaise on le retrouve sous le même nom de Camulos évolué en Cumhal, (génitif Cumhail), dit fils de Trenmor (<*Trecnomaros), époux de Muirne Findguala (< Murna Uindogouloua), ainsi gendre de Ler/Llyr (<Lero) et père entre autres de Find Demné (< Uindos Damonios, théonyme attesté en Gaule comme Damonios tout court). Camulos, différemment de Setantios et d’Oesus, n’est pas illustré par des péripéties mythologiques qui nous soient parvenues ; - par contre, chose curieuse, c’est sur son fils Uindos (> Finn) que sont souvent reportés « sous une autre forme ou sous une forme voisine » des exploits de Setantios (> Setanta Cu Chulainn) et aussi de Lugus (>Lug), ainsi que l’ont perspicacement observé F. Le Roux et Ch.-J. Guyonvarc’h (Les Druides). 2. Plutôt hypostase : Eberrios Uindos Il apparaît dans le Lebor Gabala Erenn « Livre des Conquêtes de l’Irlande » comme Eber Find = Eber Blanc-Lumineux, par contraste avec son frère Eber Donn, mentionné plus haut comme un aspect irlandais de Cernunnos. Eber Finn est un guerrier, fils de Miled (Miletos en épigraphie continentale). Après divers succès qui contribuèrent à la victoire des Clan Miled sur les Tuatha dè Danann, il sera tué par son frère aîné Eremon (Ariomanos), dont il refusait la suzeraineté. Dans un premier temps, les page 34 deux frères s’en étaient remis au druide et juge Amorgen pour définir leurs droits respectifs : Amorgen avait jugé que la souveraineté sur l’Irlande reviendrait à l’aîné, puis après la mort de celui-ci, au cadet. Eber refusa de se soumettre à cette sentence et exigea un partage immédiat. Une nouvelle sentence arbitrale attribua à Eber la moitié Sud de l’ile et à Eremon la moitié Nord. La paix ne dura pas et une guerre fratricide éclata. Eber fut tué et Eremon devint seul roi avec sa capitale à Tara. Bien entendu ceci n’a rien d’historique, mais peut contenir diverses bribes de souvenirs mythifiés de vieux conflits ayant eu divers acteurs. 3. Plutôt hypostase : Sentontios Surabondant en légendes mythologiques, il y a eu Sentontios > Setanta. Ses aventures font l’objet de « soixante-seize types de récits, dont chacun est comme un thème qui s’est prêté à de multiples variations. À ne présenter qu’une seule version de chacun de ces récits, on remplirait un volume imprimé de 2000 pages in-8. » (G. Roth & F. Guirand). Notons que ce colossal et indigeste recueil a été condensé sous la forme d’un « digest » en un anglo-irlandais aux tournures volontairement archaïques par Lady Gregory sous le titre : « Cuchulainn of Murthemne ». Son fond initial est partiellement basé sur des réminiscences proto-historiques continentales et remonte peut-être au second siècle avant notre ère, alors que la mise en écrit des traditions orales évoluées entre temps n’a commencé qu’un demi-millénaire plus tard. Le nom de Sentontios = « le cheminant » est documenté par une variante Sentonos de même signification de théonymie gauloise, ayant d’ailleurs une déesse Sentona, peut-être celtique et illyrique à la fois, comme symétrique onomastique sinon comme parèdre. La mutation de Sentontios à Setantos en goidélique puis à Setanta en gaëlique d’Irlande procède de deux mécanismes convergeant en leur résultat. Chute du n de biconsonnes nt en goidélique, - d’une part et, - d’autre part, coalescence avec le nom ethnique d’une petite « touta » britonnique, les Setantioi, qui occupaient un territoire correspondant grosso-modo au Merseyside actuel, la Mersey (sinon la Ribble) étant alors nommée Seteia = « à loutres ». Ceci fait donc penser que le personnage mythifié et quasi-déifié comme un demi-dieu a pu exister en Albiu (Albion) d’où il serait passé en Iueriu (Eire), et qu’on aurait accumulé sur lui à la fois des souvenirs continentaux et probablement aussi des évènements relativement plus récents de conflits entre l’Ultonia (Ulster) et ses voisins, dont la Connacia (Connaught) notamment : le contexte proto-historique de ces conflits nus apparaît comme l’antagonisme entre les Ulates, des Quretenoi > Cruithni, c’est-à-dire des Pictes occupant le Nord-Est de l’île et les autres royaumes d’Iueriu, goidéliques ou dominés par des Goidels. Setanta, surnommé Cú Chulainn (< Cu Culanti), pour avoir tué dans son enfance le molosse de Culan[d], représente une personnalité extraordinaire, un modèle du futur esprit chevaleresque, suprêmement intelligent, mais aussi capable et coupable de folle sauvagerie dans ses crises de « uergio » - fureur guerrière - attisée par un sens exacerbé de l’honneur, qui en font un tueur de premier ordre et dont le paroxysme, - selon la légende - fut de tuer son meilleur ami Ferdiad et même son seul fils Connla, - quitte à déplorer ces meurtres ensuite mais trop tard. Dans le domaine du paranormal la légende lui attribue des contorsions changeant d’apparences *riχtustrctiones > riastrad, - assurément impossibles à des humains - qui en font un contorsionniste, le « riastrata » ; quand on le fait baigner dans des cuves d’eau froide pour calmer sa fureur, son contact en fait bouillir l’eau, etc., et pour finir une sorte d’ascension post-mortem dans un char magique (le siaburcarpad < soibrocarpantos). De quoi lui imputer des capacités divines ; d’ailleurs - selon la légende -, son vrai père (secret) est Lugus (Lug) en cette mythologie insulaire. Relevons parmi ses péripéties légendaires, une sorte d’ubiquité pendant une maladie le mettant en état de sommeil cataleptique, le fait aller séjourner dans l’Autre Monde où il devient l’amant de Uadnalo (>Fand), alors épouse de Manannanos (>Manannan). Cette présentation assurément romancée du séjour momentané dans l’Autre Monde est page 35 l’un des arguments invitant à le situer dans la mythologie pan-celtique comme une hypostase d’Esus / Cernunnos, alias Smertullos, épithète gauloise d’Esus, (parfois confondu avec Smertrios (alias Ogmios) ; une telle assimilation fut envisagée par des chercheurs celtisants, dont d’Arbois de Jubainville : « Smertullos avec une fausse barbe » puisque Holder a retenue « Smertullos = Cúchullain, mit falschen Barte ». Remarquons qu’un de ses exploits, la récupération du Taureau Brun de Cooley « Tarbh Donn Cualnge » semble avoir eu une source irlandaise tout en y incorporant des réminiscences d’aventures continentales, puisque Donnotaruos faisait partie de l’onomastique continentale = « Brun Taureau » ; ce nom fut notamment celui d’un Gaulois Helvien mentionné par César. 4. Plutôt hypostase : Oesus ou Oisus Celui-ci fait surtout partie de la mythologie britonnique. C’est le nom envisagé d’un roi chef de guerre celtique d’origine cimmérienne situable dans la protohistoire, vers - 600. Le fait réel et scientifiquement reconstitué : un coup son emprise à haute mer. La crise précédente avait eu lieu vers -1250, celle qui entraîna la migration des « Peuples de la Mer », vidant partiellement les futurs Danemark, Schleswig-Holstein et Basse Saxe inondés, - cf. thèse (controversée) de Jürgen Spanuth : Die Enträtselte Atlantis Or cet épisode catastrophique vient se recouper positivement avec les données offertes par la paléogéographie et la recherche préhistorique évoquant le départ d’une partie des populations sinistrées tenues pour les ancêtres de la première vague proto-celtique vers les îles dites ensuite Albiu et Iueriu > « Albion » et « Erin ». Il y a tout lieu d’y reconnaître ceux mythifiés plus tard comme Tuatha dé Danann ; en effet une grande partie des populations riveraines de la mer du Nord et sinistrées à cette époque forma une coalition nommée « Peuples de la Mer » ; émigrant en une autre direction et passant en Méditerranée elle se heurta aux Égyptiens et aux Hittites. Parmi ces migrants ainsi nettement historisés il y avait un important contingent nommé Denen en égyptien et Danauna en Hittite. Ceci nous livre donc l’origine de l’appellation des Tuatha de Danann. (<*Toutai dèuas Danunas). Mais ceci est une autre histoire. Quelques siècles plus tard, une partie des Cimmériens chassés de leur habitat pontique par les Scythes vinrent occuper ces pays restés dépeuplés et y furent à l’origine des Cimri, plus tard appelés Cimbri par les auteurs latins. D’autres Cimmériens réfugiés dans le Bassin Danubien furent parmi les moteurs de l’ethnogenèse celtique et de la civilisation hallstattienne. Vers la fin de l’ère hallstattienne, le domaine celtophone continu s’étendait jusqu’à l’Albis = Elbe. Les transgressions de la Mer du Nord continuaient par soubresauts et les énormes inondations causées par le blocage (dû aux raz de marées) des écoulements des fleuves des plaines provoquèrent l’évacuation par les Celtes de l’espace entre l’Elbe et l’Ijsel, et ces populations déplacées et talonnées par les Germains envahirent la future Gaule jusqu’à la Loire et passèrent aussi en Albion ; ce fut l’origine des Belges et des Britonniques de seconde vague. Les traditions celtiques à ce sujet, d’ailleurs résumées en latin, indiquant qu’une partie des Gaulois descend de ceux chassés de leur habitat antérieur par de graves inondations. Ainsi Ammien Marcellin, traduisant en latin un texte de Timagène (XV,9,4) : « Drasidae (sic) memorant reuera fuisse populi (Gallorum) partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis confluisse et tractibus Trans- rhenanis, crebritate bellorum et adluuione feruidi maris sedibus suis expulsos » = « Les Druides mentionnent en effet qu’une partie du peuple [des Gaulois] a été originaire, mais que d’autres aussi ont afflué d’iles éloignées et d’espaces Transrhénans, expulsés de leurs habitats par la fréquence des guerres et le débordement d’une mer en furie. » D’anciennes traditions bardiques indiquent Hu Cadarn < *Oisuos Catarnos comme le leader de la migration conquérante situable au début de l’ère latènienne. Le contrecoup de cette migration en force fut un tassement en Gaule centrale, amenant à son tour une partie de sa population à aller chercher leur espace vital dans le sud-est en deçà et au-delà des Alpes. Simultanément, les Germains s’infiltrèrent puis s’établirent dans la zone sinistrée évacuée par les Celtes sur lesquels ils maintenaient déjà une pression constante. Des éléments belges passè- page 36 rent même en Irlande : des Uolcai, « Volces » où ils furent mythifiés comme Fir Bolg, puis insérés anachroniquement dans l’enchaînement du Lebor Gabala Erenn écrit bien plus tard. Une fraction de ces Belges, détachée des Menapioi « Ménapiens » qui se fixèrent en futures Flandres, vint s’établir en Lagenia (le futur Leinster ou Laighin) où Manapiu > Manapin, ancien nom de Wexford / Loch Garman, nous rappelle leur implantation. Les Belges, par la suite - en fin de l’ère laténienne allaient aussi conquérir le sud-est d’Albion, ce qui y a certainement conforté le souvenir de leur héros *Oisuos, latinisé en « Oesus ». En Albion, le souvenir de cet Oisuos Catarnos conquérant fut mythifié et l’évolution linguistique transforma son nom pour aboutir en Hu Cadarn au Haut Moyen Age tandis que les Bardes ajoutaient au personnage d’invraisemblables imputations en matière de cosmogonie par l’incorporation de bribes de mythologie antique. Or ce nom de Hu en gallois reflétait aussi l’évolution normale d’un Esuuios// Esus dans la filière philologique britonnique. Coïncidence ne pouvant que corroborer une mythification d’Oisuos > Hu comme hypostase d’Esus. Une confusion tardive ... Pour en terminer avec cet aide-mémoire sur Esus, il n’est pas inutile de mentionner la paronymie entre Esus et Iesus, source fort probable de quelque confusion initiale. Les évangélistes avaient été amenés à traduire en grec le nom hébreu de Yehšuah afin de le rendre déclinable en cette langue : il devint ainsi Iησoυς = Ièsous et les évangélisateurs occidentaux le prononcèrent Iesus en latin et probablement en celtique. Cette paronymie Iesus//Esus ne pouvait manquer de faire dresser l’oreille aux Celtes, latinisés ou non, ainsi un peu plus réceptifs aux prêches des missionnaires chrétiens. Ceux-ci étaient majoritairement de culture hellénistique comme leurs noms en livrent l’indication, et probablement ignares et incurieux en matière de mythologie celtique pour la plupart d’entre eux, n’insistèrent pas sur le distinguo, me semble-t-il. Lugus ou Lugos Bien que non positionné dans les trois premières générations mythologiques des dieux, Lugus a pris une place prépondérante dans les dévotions des Celtes, au point d’être assimilé à Toutatis en fin d’ère laténienne puis de le remplacer tour à fait chez les Gaulois. Son nom d’abord : Lugus ou Lugos a pour étymologie la plus probable une notion de « serment » (lugion) : voir la formule celtique de serment : « tongo do Lugu lugion... » = « je jure par Lugus le serment... » et le terme « lugio tongoito » désignant le serment solennel. Selon la propension celtique aux jeux de mots dans leur onomastique, ce théonyme comportait plusieurs connotations : a « Lumineux, splendide » cf. lugos = éclat, splendeur et lugos/-a-on // lucos/-a-on, adjectif < radical luc-, variante de leuc- et louc- d’où Loucaios comme épithète théonymique et les variantes gauloise Lucoues et celtibérique Lucobes pour la dénomination collective Lugoues alias Lougouies qui qualifiait ses descendants ou ses hypostases imaginées. Tout ceci était en rapport avec ses imputations solaires. a « Désiré », cf. adjectif lugios/-a/-on a « Corbeau cf. lugus/luogos < *plugos, ce qui faisait des corbeaux son escorte mythologique. L’évolution de ce nom dans les langues celtiques ultérieures a donné Lug puis Lugh en gaëlique irlandais, Leo en picte, Lleu en gallois et Loh en breton. Ce Lleu, aussi écrit Llew et ce Leo semblent résulter d’une coalescence au cours de leur évolution britonnique, le second étymon par attraction étant leuo = lion. Sa généalogie mythique a posé un problème car les schémas médiévaux issus de traditions respectivement goidéliques et cambriennes se superposent passablement mais avec des « plus » et des « moins » dans les nomenclatures des fils et filles du Dagodeuos (Dagda = Math) et de Danu (Dana = Don). En mythologie irlandaise, Lugh est fils de Cian (< Cenos) et d’Etliu donc petit-fils de Diancecht (< Deniacacteto), lui-même fils de Danu et de Bile (alias Beli),- Beladon pour les Celtes conti- page 37 nentaux -du côté paternel- et du côté, maternel, petit-fils du fomoréen Balor (< Balaros), luimême petit-fils de Delbaeth (alias Manogan) et de Dumnu. En mythologie galloise, Lleu est tantôt fils naturel et tantôt adoptif de Gwydion, - dieu particulièrement magicien - et d’Arianrhod < Argantoreta qui, - contrairement à son mari -, le détestait. Ce Gwydion < Uedion était frère (entre autres) de Gilwaethwy, dont il avait été complice pour le viol de Goewin <*Coxsas Meina (??). Ce Lleu avait un frère jumeau Dylan (> Dliganos) et à eux deux ils constituaient les Lugoui Emni, une paire dans laquelle Dliganos était l’élément « mortel ». Il avait aussi eu un frère aîné Nwyfré (< Nuberos). C’est ce genre de duo de « gémeaux », qui devint collectivement l’un des noms celtiques anciens de jumeaux, confondus dans l’appellation celtique de la constellation des Gémeaux : Emni Magosias > Emain Macha en gaeilge d’Irlande : « les jumeaux de Magosia ». En mythologie irlandaise, Lug a eu plusieurs tuteurs masculins et une seule nourrice : Tailtiu > Talantio, fille hypostase de Matrona et aussi donnée en tant qu’avatare comme fille de « Mag Mor » (*Maros Magesos) et épouse d’Eochu mac Erc (< Iuocatuos mapos Erci). Compte tenu de ce que la mythologie galloise est encore plus incohérente que l’irlandaise, la solution est de retenir pour Lug alias Lleu, une généalogie qui concilie la généalogie irlandaise et une variante de la cambrienne. Lug fils de Cenos (> Cian) et pupille de Uedion (> Gwydion). Cenos, étant fils de Deniacactetos (> Diancecht), Lugus avait comme oncles Miacos (> Miach) et Auromiacos (> Oirmiach) et comme tante Armedto (> Airmed), et surtout d’assez nombreux grands-oncles formant - comme l’écrivait Ch.-J. Guyonvarc’h l‘état-major des Tuatha de Danann alias Plant Don, notamment Gobannio (> Goibniu, alias Govannon) et Uedion (> Gwydion ) et quelques grands-tantes aussi : Argantoreta (> Arianrhod), Arduinna (> Penardun) et « la triple » Brigantia. Lugus avait un frère aîné : Nuberos (> Nwyvre) (dieu de l’atmosphère et de l’espace) et un frère jumeau Dliganos (>Dylan) comme indiqué ci-avant. Lugus, selon la mythologie irlandaise, se trouva tôt quasi-orphelin, sa mère étant séquestrée par Balor, et son père, accaparé par ses fonctions royales, probablement dans l’impossibilité de s’occuper de lui. C’est pourquoi le Dagodeuos (> Dagda) lui avait assigné plusieurs tuteurs dont Uedion. Il fut alors élevé par Talantio (>Tailtiu) qui fut de facto une mère adoptive pour lui. Uedion (> Gwydion) avait pour compagne sa propre sœur Argantoreta (> Arianrhod), détestant Lugus (>Lug // Llew) et usant de sorcellerie pour le brimer. Son premier mariage tourna mal : sa marâtre Argantoreta (> Arianrhod) avait prononcé une malédiction qui le « condamnait à ne pas avoir d’épouse de la race qui peuple la terre ». Son tuteur Uedion (> Gwydion) fit appel à l’aide de l’oncle Matos (> Math) - un avatar du Dagodeuos (> Dagd) - frère de Danuna (> Danu) ; ils concoctèrent par magie une femme synthétique à partir de fleurs de chêne, de genêt et reine des prés : ce fut la « femme fleur », « la plus belle du monde » Blotiaueido (> Blodeuwed = aspect de fleur), Blatnath en mythologie irlandaise. Les amours de Lugus (> Lug /Llew) ne durèrent qu’une saison. Pendant l’absence de Lugus (> Lug/Llew) , parti en tournée de visite avec Matos (> Math), elle s’acoquina avec Cronuos (> Gronw Pebyr) qui devint son amant. Elle complota avec ce dernier de se débarrasser définitivement de son mari pourtant quasi invulnérable. Un an passa en préparation du meurtre mais l’attentat rata : blessé par un jet d’épieu empoisonné, Lugus (> Lug/Llew) se transforma en aigle et s’envola. Matos (> Math) et Uedion (> Gwydion) ayant appris ce qui s’était passé entreprirent une recherche et ce fut Uedion (> Gwydion) qui finit par retrouver l’aigle en piteux état perché sur un arbre isolé. Uedion (> Gwydion) chanta trois refrains espacés et l’aigle blessé descendit de son arbre précautionneusement en trois temps : après chaque chant de son tuteur, ainsi entrecoupés d’arrêts. Ceci dura jusqu’à ce qu’il fut à portée de la baguette magique de Uedion (> Gwydion) qui put alors lui rendre son apparence anthropomorphique. Après quoi il soigna son pupille jusqu’à ce qu’il eut récupéré sa page 38 vigueur. Math se chargea de punir Blotiaueido (> Blodeuwed) en la transformant en chouette et Lugus (> Lug) revigoré tua Cronuos (> Gronw). (Cette péripétie fait l’objet d’un Mabinogi). Désormais tout à fait adulte, Lugus se révéla impressionnant par son excellence en tous domaines, d’où ses divers surnoms. Dans ses prouesses mythologiques, on notera surtout qu’il fit tourner en faveur des Toutai dèuas Danunas (> Tuatha des Danann) la décisive bataille du Mages Turatiom (> Mag Tured) contre les Fomoréens ; c’est alors qu’il y tua avec sa fronde son grand-père maternel le géant *Balaros (> Balor), vengeant ainsi la séquestration et la maltraitance de sa mère. Quelque temps après, son père Cenos (> Cian) fut traîtreusement assassiné par les trois fils de Tourenos (> Tuireann). C’est plus tard que, de passage sur les lieux du crime, Lugus connut la vérité. Il astreignit en réparation les trois meurtriers : Brennos, Iuocaros et Iuocarobos (> Brian, Iuchar et Iucharba) à une quête leur imposant des épreuves quasi impossibles qu’ils surmontèrent. C’est à l’issue de celles-ci que Tourenos et ses trois fils trouvèrent leur mort. Ainsi donc Lugus avait tiré vengeance pour ses parents par la mort de Balaros, grand-père indigne, puis par celles des fils de Tourenos meurtriers de son père et celle aussi de leur père, comme responsable de ses enfants. En sus des prouesses de Lugus dans la guerre contre les Fomoréens et de ses vengeances, la mythologie irlandaise ne narre pas de conte similaire au mabinogi. Il est fait seulement mention d’un mariage de Lugus avec un avatar d’Etiona (> Eithne), - son arrière-grand-mère ! On est en pleine distorsion du Temps dont bénéficiaient les dieux... et ce n’est pas le seul cas en cette mythologie. Parmi ses paternités mythologiques, retenons qu’il fut le père caché de Sentantios (> Setanta Cuchulainn), par adultère avec Deχsiutera (> Deichtire) épouse de Sualtamos (> Sualtam = bon père-nourricier). Les aventures de ce dernier héros, élevé par son père putatif Sualtamos, fait l’objet d’une riche mythologie. Nonobstant la paternité de Lugus, Sentantios a néanmoins pu être tenu pour une hypostase pensable d’Esus, ainsi qu’envisagé par le cher- cheur druidisant Pierre de la Crau. Lugus fut aussi le père d’un trio de divinités mineures “les trois cordonniers dorés” nommés « Lugiens » : Lugoues, alias Lucobes, tenus pour tutélaires des confréries de cordonniers celtiques, tant en Gaule qu’en Celtibérie. Parmi ce trio, on ne relève comme noms individuels attestés que ceux de deux d’entre eux : Lugouis Arquienos et Lugouis Tiasos... quant à celui dont le nom n’est pas identifié, appelons le provisoirement « Arimos » Lugouis, donc « Lugouis aîné »... Examinons maintenant ses multiples épithètes qui évoquent diverses performances de sa carrière mythique. Outre Lucaios, déjà cité comme épithète gauloise, on relève aussi Desumiis = « droiturier », dans l’invocation finale de l’inscription de Chamalières, et très probablement *Trmogontios pouvant être comprise à la fois comme « supra-grandiose » (Tarmogontios) et comme « trois fois grandiose » (Trimogontios), épithète analogue à la grecque τρισμεγιστoς, trismégistos = « trois fois le plus grand » décernée à Hermès. Cette épithète a engendré le théonyme cornique Tarmagaunt, et le français médiéval Tervagant comme une expression durable du souvenir de Lugus. Il y avait aussi Uasso = « hypostase », qui peut faire penser qu’il fut considéré initialement comme une émanation subordonnée de Toutatis, avant d’en prendre la place plus tard dans les dévotions gauloises. Ajoutons des appellations locales comme Dumias et Aruernoriχs chez les Arvernes, qui furent probablement celles de « Toutates » (= dieux de toutai = cités gauloises), avant d’être reportées sur lui. En Albion, on peut reconstituer *Lamagejicos en amont de Llawggyffes = « manuellement leste ». En Irlande, on peut de même reconstituer les épithètes suivantes : *Iludanacos > Ildanach = « polytechnicien » et aussi son superlatif *Samiludanacos > Samildanach = « Sympolytechnicien », *Londoandeslucos > Lonandslech = « violent super-frappeur », *Lamouados > Lamfhada = « large de main » et aussi *Balbos Scalios > Scal Balbh = « le Spectre muet » et *Laebactis > Laebach = « fruste (?) ». page 39 Ceci résume ses multiples qualités : solaire pouvant avoir un visage rayonnant comme le soleil, droit, absolument polyvalent en arts, techniques et magie, aussi bien excellent harpiste que poète, que forgeron ou que bâtisseur et « grand chamane » par surcroît, - au reste, bagarreur et efficace au combat où il gagnait tant par son habileté que par magie. Si l’on met en première position son caractère solaire, on est tenté de le confondre avec Belenos-Grannos, ce qui permettrait de placer ce dernier dans la complexe généalogie mythologique conçue par les anciens Celtes, mais lui vaudrait aussi une parèdre dans la pensée des insulaires : en effet, les Goidéliques vénéraient la déesse solaire Greina (> Grian) en gaeilge et les Britonniques lui vouaient un culte sous le théonyme féminin Sulis (> Soly) bien plus tard en cornique. Ajoutons qu’une fois au moins Grannos est attesté avec l’épithète Amarcolitanos. On le décrivait avec un visage tantôt aveuglant de clarté et tantôt pâle mais alors avec un œil fermé ; en tenue de combat, il portait casque et cuirasse d’or, une saie de soie « sur sa peau blanche » et chaussait des sandales d’or. Les Romains l’assimilèrent surtout à leur Mercurius équivalent du grec Hermès Trismégistos, - ces mêmes Romains qui hésitaient pour Toutatis entre Mars et Mercurius au temps de César et des premiers empereurs. Par la suite, Toutatis disparut, supplanté par Lugus devenu seul « Mercure » des Gallo-romains. Il n’est pas exclu qu’au temps laténien Lugus ait été considéré comme une hypostase de Toutatis quand celui-ci était la grande divinité « nationale » gauloise aussi dite celtogalatique. Son effacement ultérieur coïncidait peut-être avec la dénationalisation des Gaules et de leurs prolongements danubiens dans le cadre de l’empire romain et avec la quasi-disparition de l’Ordre druidique. Lugus a été à l’origine de nombreux toponymes celtophones : Lugidunon (> Olden Lügde), Lugubalion (> Carlisle), Lugudunon (> Laon, Laons, Laudun, Lauzun, Leijden, Lignica / Liegnitz, Lion en Sullias, Loudun, Lyon, etc.) ... et aussi Dinlle, Montlahuc, Montlauzun, Montlezun, St Bertrand (ex Lyon) de Comminges... et encore Lugubalion (> Cair Lugualid > Carlisle). Sa grande fête annuelle était la Luginaissatis (> Lugnasad) = commémoration de Lug, qui se tenait à la Pleine Lune, en Gaule du mois Elembiuos, mois qui chez les Goidéliques portait le nom de cette fête et qui est encore Lúnasa en gaeilge (irlandais) et Lùnasdal en Gaidhlig (erse écossais). Lugnasad n’est au 1er août que depuis la mise en vigueur sous contrainte du calendrier julien d’abord en Gaule pour la resituer aux « Calendas Augusti » en la remplaçant par le culte de Rome et d’Auguste, puis par le Christianisme en Irlande. Extension du culte de Lugus Ses théonymes en leurs variantes et évolutions démontrent que Lugus était réellement pan-celtique : Goidélique, Britonnique, Picte, Celtogalatique = Gaulois au sens large, et aussi Celtibérique au sens large = tous les Celtophones péninsulaires. On en n’a pas la preuve seulement quant aux Lépontiques, les plus anciens Celtes subalpins. Il apparaît avoir été très ancien dans le panthéon celtique car il semble avoir aussi fait partie des croyances cimmériennes, pour les raisons suivantes : a Lug a fait partie de l’onomastique cimmérienne avec au moins le roi Lügdamids, attesté à la fois en source grecque et en source assyrienne, car il fut le roi-guerrier des Cimmériens immigrés en Anatolie. a Il est aisé de démontrer que les Cimmériens étaient des Proto-Celtes. D’autre part, le panthéon germanique avait Loki, que les mythologues germaniques l’y considèrent comme une incorporation plutôt tardive. Sachant que « les Celtes ont été les éducateurs des Germains », un emprunt au panthéon celtique n’aurait rien d’étonnant. Comme Lugus, Loki était très intelligent et performant, mais tandis que Lugus était astucieux dans le bon sens, leur Loki était roublard et même traître. Il est ainsi devenu ensuite un démon dans le folklore scandinave. page 40 Essai de généalogie récapitulative Cette proposition « réconcilie » les traditions irlandaises et galloises et s’efforce de rétablir les théonymes à leur niveau « latènien », donc probablement connus à la fois sur le Continent (Litauia) et chez les Insulaires. * « Etc. » = Autres divinités majeures des Tuatha de Danann, alias Plant Don de la première génération issue de Danu et de Belatumaro - En sus de Deniacacteto , Uedion, Giluos Actiuos, Gobannio ... Énumération par ordre alphabétique Déesses : Arduinna (> Penardun), Argantoreta (> Arianrhod), Brigantia, Brigindo (> Brigid) - en trois personnes homonymes-. Dieux : Ambacto (> Amaethon), Leucomelios (>Llevelys), Londos (> Ludd ), Nenniauos (> Nynniaw), Neto (> Neith), Naudons (> Nuada, Nudd), Omedos Ogmios (> Ogme, Efydd), Pibios (?) (> Peibaw), Qrednos (> Creidhne). Théonymes multiples et évolutifs page 41 Ogmios (Mentionné comme Ogma ou Ogme en mythologie irlandaise, Efydd en mythologie galloise et nommé aussi en Gaule Smertrios) avaient été détachés. Tout cela me semblait être tout-à-fait déroutant, je n’hésiterai pas à le dire car le peintre de nature animée n’avait attaché les départs des liens ni à la main droite ayant la massue ni à la gauche qui tenait la flèche; la Commençons par le célèbre texte grec sur langue du dieu ayant été percée, c’est à partir de l’« Héraklès Celtique ». celle-ci qu’ils étaient tendus et rayonnaient vers Ma traduction du texte grec de Lucien de ceux qui étaient joyeusement menés. Samosate, cité pp. 836 à 838 de l’Altkeltischer Sprachschatz d’Alfred Holder : 4. Et moi, voyant cela de loin, de me tenir étonné, embarrassé et irrité. Un Celte qui était 1. Les Celtes nomment Hèraklès Ogmios dans à proximité, non-ignorant des choses de chez la langue de leur pays et ils dessinent l’aspect de nous, comme c’était évident, s’exprimant avec ce dieu d’une facon vraiment étrange, c’est pour précision en grec [car parlant cette] langue, eux un vieillard jusqu’à l’extrême [vieillesse], un philosophe connaissant, je pense, les savoirs devenant chauve et absolument blanchi pour de son pays. «Moi je vais, ô étranger, te livrer ce qui [lui] reste de poils, la peau ridée et brû- le mot de l’énigme sur cette représentation, car lée jusqu’au plus noir comme sont les marins- tu parais tout perturbé à son sujet. La Parole, pêcheurs vieillissants. Plutôt Kharôn ou Iapètos nous les Celtes, nous n’avons pas comme vous souterrains du Tartare, et tout plutôt que les Grecs l’idée de l’associer à Hermès mais c’est l’Hèraklès, telles sont ces représentations. Mais Hèraklès lui-même que nous représentons car il a cependant la même tenue qu’Hèraklès car il Héraklès est beaucoup plus fort qu’Hermès. est aussi revêtu de la peau du lion et il a la mas- S’il est fait comme un vieillard, ne t’étonne pas: sue à la main droite et le carquois détaché et il car d’habitude seule la parole apparaît avoir tient la flèche tendue à sa main gauche, -et çà, atteint la perfection à son plus haut degré dans c’est tout-à-fait Hèraklès. la vieillesse, - si toutefois les poètes nous disent vrai: tandis que les esprits des jeunes papillon2. C’est sans doute une défiguration grossière nent, la vieillesse fait bien attention afin de pardes dieux grecs que les Celtes infligent à l’aspect ler plus sagement que les jeunes. Ainsi donc, d’Hèraklès en cette représentation du fait qu’il chez vous, le miel sort de la bouche - de la tienne a jadis parcouru leur pays en y raflant du butin et de celle de Nestor, et les orateurs des Troyens tandis qu’il était à la poursuite des troupeaux de émettent une parole comme fleurie de lis car, si bovins de Gèrüôn, il y fit des incursions chez les j’ai bonne mémoire, on appelle lis ces fleurs-là. nombreux peuples de l’Occident. 5. La Parole tire ces hommes comme s’ils étaient 3. Quoiqu’il en soit, voici le plus paradoxal jamais attachés par les oreilles à la langue d’Hèraklès encore dit sur ce tableau : en effet, c’est que cet devenu vieux, ne t’étonne pas du tout de voir Hèraklès en vieillard tire une grande quantité la relation des oreilles et de la langue et [ne d’hommes tous attachés par les oreilles. Leur vois] point d’outrage envers lui si celle-ci a été lien, ce sont les fines chaînes plaquées d’or et percée. D’ailleurs, dit-il, je me rappelle aussi de d’électrum en guirlandes les plus belles d’aspect. quelques iambes comiques que j’ai appris chez Et comme s’ils étaient menés sans contrainte, ils vous: «Car aux bavards la langue en son bout à ne voulaient pas du tout s’échapper, -aisément tous est percée». consentants, ils ne résistaient aucunement en s’arc-boutant et se renversant en arrière mais au 6. En somme, pour nous, c’est par la Parole contraire, suivaient radieux et en se réjouissant qu’Hèraklès lui-même devenu sage a accompli et louant celui qui les conduisait et en se hâtant, tous ses exploits et c’est par la persuasion que la ils voulaient arriver les premiers en tirant à eux plupart [de ses adversaires ?] ont été contraints. leur chaîne; certes ils auraient été contrariés s’ils Aussi, ses paroles sont des traits acérés, je pense, allant droit au but et pénétrant les âmes. - Ailées, En mythologie insulaire, Ogmios apparaît dites-vous aussi, sont les paroles.» comme Ogma ou Ogmé en Irlande, l’un des Or tout cela [c’est ce qu’a dit] le Celte. fils d’Etliu, avatar de Danu, mais dont le père est (bizarrement) Elatha (< Elatio = Moment Notes. en coalescence avec Eula = Science) : une union 1. Les mots entre crochets [ ] sont de ceux sou- incestueuse puisqu’Etliu et Elatio ont le même vent sous-entendus par usage de concision dans père : Delbato (> Delbaith = « la forme indifféles textes grecs anciens. renciée »**). Un autre élément de la mythologie 2. Les noms propres grecs suivants ont des fran- irlandaise le donne comme fils du Dagodeuos cisations usuelles, certaines provenant d’inter- (> Dagda). Faut-il alors voir dans cet Elatha un pretationes latines: avatar du Dagda (< Dagodeuos) ? Gèrüôn = « Géryon », Hèraklès = « Hercule », Il est ainsi un « dieu lieur, maître de la guerre, Hermès = « Mercure », Iapétos = « Japet » (pas de la magie, de l’écriture et de l’éloquence » et le « Japhet » biblique), Kharôn = « Charon ». il y passe pour l’inventeur de l’écriture ogha3. Le mot grec filosofoV signifiait à la fois : mique, - si originale puisque uniquement celsavant, érudit, philosophe ; les anciens grecs tique, la seule écriture alphabétique européenne l’utilisaient pour définir les Druides, bien plus qui ne provienne pas de dérivés des lettres polyvalents que leurs équivalents approxima- phéniciennes. Cette attribution est forcément tifs détenant des fonctions sacerdotales dans mythique. d’autres civilisations de ce temps-là. Il y est aussi qualifié par les épithètes Labratios > 4. En préambule, Holder a écrit : « l’Heraklès Labraid = « le Parleur », Ulcomaros > Elcmar = « gaulois, le nom du dieu de l’éloquence, le Grand (méchant) Jaloux », - en mauvaise part Mercure chez César B.G 6.17 » ou,- plus sympathiquement -, < Aleqomaros, Pas d’accord : le dieu assimilé à « Mercure » par (« Protecteur, Détourneur » de dangers) ainsi César était Lugus, alias Lugos, ultérieurement que *Celtiucaros > Celtchar = « Dissimulateur » Lug puis Lugh dans les manuscrits irlandais ; (donc rusé)... d’ailleurs l’ancienne mythologie irlandaise dis- La tradition cambrienne a surtout retenu qualitingue bien Lugh et Ogma ou Ogme. La dis- ficatif de « bronzé », qui continuait la description tinction existe aussi au niveau gaulois où Lugus faite par l’informateur de Lucain : *Omedos = paraît avoir été tôt confondu avec Toutatis en cuivre > cuivré, qui est devenu Efydd en galtandis que le nom alternatif d’Ogmios était lois en fait Efydd Hen (< Senos Omedos) = « le Smertrios, alias Smertullios. vieux bronzé ». Cet Efydd Hen faisait jeu de mots avec Hevydd Hen (< Senos Suuidios) = En archéologie celtique continentale, Ogmios a « le vieux sage » et sous ce dernier nom, il fut une parèdre : Obila. le père de Rhiannon (<Rigantona), elle-même En mythologie insulaire, c’est Elcmar alias nommée Rigetain (< Rigetanna ) en mytholoOgmè (= Ogmios), fils du Dagda (Dagodeuos) : gie irlandaise et peut-être une variante d’Etain encore un jeu de mots. (?). Une autre étymologie de Hevydd a pu être Selon les circonstances mythologiques, ce nom une dérivation du nom celtique Segouetis dans vieil irlandais dérivé d’un probable *Lcomaros lequel Sego- véhicule une notion de hardiesse pouvait être ressenti soit comme Ulcomaros = victorieuse et -uetis a pu être une élision de grand méchant, (grand vindicatif, grand jaloux) Uettios, autre nom propre signifiant « Voilé »... soit comme Aleqomaros = protecteur (détour- Autrement dit notre Ogmios a pu être surnomneur des coups durs) ainsi parallèle à l’adjectif mé à la fois le « vieux cuivré », le « vieux sage » et théonyme gaulois Alepomaros, donc une épi- et le « vaillant voilé ». thète d’Ogmios, « Hercule » gaulois. Marié avec Boanda (> Boand) il est aussi le Ci-dessous une petite récapitulation sur la père putatif d’Oinogustios > Oengus. En effet mythologie insulaire autour d’Ogmios que j’ai son épouse le trompa avec son propre beaurédigée il y a quelque temps déjà : père le Dagodeuos (< Dagda) et devint grâce page 42 page 43 à une manipulation de l’Espace-Temps la mère de cet Ogios Maqos Oinogustios (> Mac Oc Oengus) : « le jeune fils seul choisi ». En Gaule, ce fils était appelé Maponos tout court, et éventuellement Maponos Arueriiatis = littéralement le « Filial Dispensateur ». Pis encore si l’on considère que Boanda était elle-même un avatar de Brigindu (> Brigid), fille du Dagodeuos (> Dagda)... Que d’incestes en cette mythologie ! Toutatis et les Toutates Toutatis, que les Romains appelèrent Teutates, était à la fois un nom commun à valeur théologique et aussi le théonyme d’une divinité majeure des Celtes continentaux à l’époque latènienne. Il était aussi invoqué en Albion, comme l’indiquent quelques inscriptions des premiers siècles de notre ère. Par contre rien en Irlande à part une mention d’un Dia Tait, apparemment très secondaire dans la littérature mythologique irlandaise. Le nom : Toutatis est d’abord un adjectif formé à partir de touta = communauté (nation ou tribu) avec le suffixe atis/-ids/-es : il s’entendait donc généralement comme « le communautaire » et pouvait aussi bien être perçu comme « national » que comme « tribal ». Il pouvait donc y avoir théoriquement autant de Toutates que de tribus ou de mini-royaumes, et c’est dans cette catégorie que l’on peut classer les centaines de théonymes vraiment locaux, souvent devenus épithètes locales d’un Toutatis promu dieu national, protecteur de toute la communauté ethno-linguistique, au moins pour l’ensemble Celtogalatique et Britonnique. Il y eut peut-être symétriquement un Toutatis de l’Autre-Monde, s’il faut comprendre le Toutatis Meduro d’une seule inscription libellée au datif « Toutati Medurini » (WK 1886) comme un Toutatis-Medros. (?) Ogmios eut aussi des fils plus légitimes : Namos > Niam = « Ciel » aussi nommé Neibo > Niab = « Force vitale », puis Uindonnos > Fintan = « Blanc-brillant » compris plus tard comme « le Saint » et aussi de Mapos Cosleni (> Mac Cuil), époux de Banua (> Banba), de Tittoros Cactetogenos ( > Theotur mac Cecht), dieu de l’éloquence, époux de Uotala (> Fotla) et de Ceturos Greinocnos (> Ceathur mac Greine), époux d’Eria (> Eriu) déesse éponymique de l’Eria (> Erin), nommée Iwveriadd en mythologie cambrienne. Neibo pourrait inviter à chercher une autre connection avec la mythologie cambrienne dès lors que nwyf est l’équivalent gallois de niab. On y relève Nwyvre comme frère de Lug/ Llew, mais il n’était, comme ses frères que petit-neveu d’Efydd. Certes, ce Nwyvre > Nwyfre (< Nuberos) s’entend pour « Espace et Atmosphère » et présente ainsi une proximité phonétique mais non étymologique avec nwyf < neibo et encore moins avec Niam < Nemos = Ce « super-Toutatis », dit Toutatis tout court « ciel » alternatif de Niab. était ainsi le dieu supérieur de la nation celtogalatique, bien que celle-ci fût hélas incapable de **Remarque à propos de Delbato < Delbaith = s’unifier politiquement et militairement : elle ne « la Forme Indiférenciée » : l’était que culturellement par une cohésion menCe nom bizarre semble issu d’une réminiscence tale assumée par ses druides et ceux-ci n’étaient décalée, au niveau de la littérature mythologique probablement pas étrangers à la promotion d’un irlandaise, du concept bien druidique d’une grand Toutatis. divinité suprême transcendante et sans nom Devant cet état de fait fort perceptible de l’expropre : une notion plus ou moins mal rete- térieur, les observateurs grecs et romains imanue au cours de maintes générations de ‘filid’. ginaient ce dieu national comme le dieu de la Selon celle-ci les druides utilisaient la para- guerre des Celtes puisqu’en ce temps-là, toute phrase Guton Uχellimon = Divinité suprême- formation hiérarchique civile avait une responment haute, un terme au neutre puisque cette sabilité militaire, défensive d’abord, offensive entité théologique pas du tout anthropomorphe aussi quand des pressions démographiques fain’avait pas de sexe défini : ainsi désignée et res- saient naître des projets de migrations à la fois tant « innommée » en tant que nom propre... conquérantes et colonisatrices pour les desserrer. page 44 Cet aspect le fit rattacher par les Romains à Mars, mais pas à Mars seul car, sur la foi des observateurs grecs, informateurs de César qui écrivit (BG.VI, 17 ) « Deum maximum Mercurium colunt » = « Ils honorent Mercure comme le plus grand dieu ». Ils crurent que la principale divinité des Gaulois était Mercure de sorte qu’il y eut par la suite pour Toutatis à-peu-près autant de rattachements à Mercure qu’à Mars, et une majorité de ‘toutates’ locaux et mineurs aussi raccrochés au-dit Mercure. C’est peut-être le patronage des druides pour la croyance en un Toutatis concrétisant un sentiment national gaulois qui a pu causer ensuite un braquage romain contre le culte de cette divinité symbole de l’indépendance parallèlement à la persécution exercée contre les druides et amener peu à peu son oubli par les Galloromains ou plus exactement son report sur un autre « Mercure » : Lugus (uasso de Toutatis). Autrement dit, le culte de Lug = « Mercure » aurait fini par supplanter celui de Toutatis, autre « Mercure » chez les Gallo-Romains. La mythologie attachée à Toutatis serait pratiquement nulle sans l’étude approfondie de J.-J. Hatt qui le mentionne comme protecteur d’Esus dans sa jeunesse, puis prenant parti pour Esus contre Taranis lors des fugues de Rigu. L’archéologie, à défaut de davantage de données mythologiques, nous indique que les animaux associés à Toutatis étaient le sanglier, d’ailleurs le véritable symbole national gaulois coiffant les enseignes militaires, le bélier et aussi le serpent à tête de bélier. Le « scoliaste » anonyme annotateur de la Pharsale indique que les sacrifices humains offerts à Toutatis consistaient en noyade des victimes dans une cuve, ce qui semble aussi illustré sur le chaudron de Gundestrup, bien qu’une autre explication puisse en être proposée : l’immersion des guerriers défunts dans le chaudron magique du Dagodeuos dont ils ressortaient ressuscités. Certains celtologues ont pensé qu’à l’origine Toutatis était une épithète d’Esus, - simple supposition. En fait, on ne relève aucune mention de ses ascendants mythologiques, et c’est somme toute normal puisque c’était essentiellement un « égrégore », une concrétisation de l’âme collec- tive de la Celticité. Par conséquent, s’il lui fallait à tout prix un géniteur de sa substance divine, pour le situer en mythologie, il ne pourrait être proposé que par le Druidisme comme une émanation du Gutton Uχellimon lui-même. Quant à Esus-Cernunnos, il pouvait avoir été considéré comme une hypostase (en gaulois ‘uasso’) de Toutatis, sans préjudice à la filiation qu’on peut lui entrevoir dans l’analyse de la mythologie insulaire. De la même façon, Lugus Uasso en serait une autre. Ceci « réconcilierait » les diverses conjectures celtologiques au sujet de cette croyance antique : une triade de plus, évidemment différente de celle envisagée quant à Taranis. Taranis et Toutatis apparaissent concurrents voire antagonistes en mythologie celtique, et des spécialistes du comparatisme voient un « caractère Varuna » au premier, ce qui d’ailleurs se trouve corroboré par l’étymologie Taranis < To-Ueranos, et un « caractère Mithra » au second. Proposition de paragraphe de conclusion. Ces quelques pages peuvent donner une idée de ce qu’une application du comparatisme « dumézilien » peut offrir quand on cherche à clarifier la mythologie celtique en confrontant avec esprit critique les bribes de données antiques, la masse onomastique livrée par l’épigraphie et les évolutions divergentes identifiables dans les traditions et littératures médiévales de la Celticité. Celle-ci apparaît éclatée en nations distinctes ayant des auteurs poétiques dont la riche imagination n’hésitait pas à broder toutes sortes d’incompatibilités avec l’ancien fond commun et d’invraisemblances flagrantes. Une laborieuse interface avec les données de la proto-histoire aide à identifier les greffes apportées aux vieux fonds préhistoriques tant « hyperboréen » (non-IE) que « aryen » (IE) par la mythification et le mixage de souvenirs de personnages et d’évènements d’un passé protohistorique. Le résultat de ce travail permet d’entrevoir une mythologie originelle relativement cohérente. Texte original de M. Joseph Monard, proposé ici par Auetos, druide du Celtiacon Certocredaron Credima. page 45 Présentation de la Celtiacon Certocredaron Credima Fondée le mið elembiu VIII, 3877 M.T. (21 juillet 2005 è.v.), la Celtiacon Certocredaron Credima (Croyance Celtique Orthodoxe) est une association cultuelle. Elle est structurée en un cercle intérieur regroupant ses adeptes initiés nommé Adasta Druuidica Comardiia (Confraternité Druidique Régulière) et formé de Nemeta (Sanctuaires) rassemblant sous leurs auspices les credimari (croyants). Site : http://www.everyoneweb.fr/Croyance-Celtique-Orthodoxe/ Mail : [email protected] page 46 La version roman... Excalibur ou l’aurore du Royaume (tome 1) Lancelot ou l’âge d’or de la Table Ronde (tome 2) Auteurs : Claudine Glot et Marc Nagels Éditions le Pré aux Clercs Caillu Brigana Le but de la C.C.C. est de faire vivre et de développer la sapience, l’érudition et la rituélie druidique. De véhiculer la Tradition vivante des druides. D’être un lieu de recherche, d’étude et de mise en commun de ce qui subsiste de la mémoire de notre ethnie, mais aussi d’être un centre de formation pour les futurs druides… Le premier niveau de cette action consiste à discerner les plus sensibles des fils de Celtie, c’est-àdire les plus à l’écoute des frémissements de l’univers et donc des dieux et, en même temps, recouvrer, maintenir, puis développer notre tradition sacrée. L’un de mes coups de cœur lecture de ces derniers mois est certainement la version du mythe arthurien écrite par Claudine Glot et Marc Nagels : à ce jour deux tomes sont parus, nous sommes en attente du troisième et dernier. J’avoue que j’avais un peu décroché du sujet après de cuisantes déceptions littéraires telles que la série de Lawhead que je n’ai même pas réussi à finir… Il y a bien sûr les éternels Marion Zimmer Bradley, ou à l’opposé Bernard Cornwell et sa vision on ne peut plus sauvage et rude de la naissance de la légende… Mais je m’en étais tenue là. Voici donc enfin un roman qui colle au plus près des différentes sources, prenant le temps de les dépoussiérer de leur vernis chrétien ! Les auteurs nous emmènent d’aventures en aventures sans nous perdre, dans un foisonnement de détails et d’expressions qui donnent une vraie vivacité au récit. Le côté parfois un peu désuet des anciennes expressions m’a complètement conquise et embarquée dans cette atmosphère… Les ouvrages sont en plus très jolis, chaque chapitre étant régulièrement orné de gravures anciennes et d’illustrations. Présentation de l’éditeur : « Le cycle arthurien, appelé couramment Matière de Bretagne, se fonde sur une série de romans, tant français qu’anglosaxons, rédigés entre le IXe et le XVe siècle. Depuis lors, d’innombrables réécritures des aventures du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde ont vu le jour, tant cet univers à la fois épique et merveilleux fait écho à chaque époque. En France, dans le courant du XXe siècle, on recense au moins trois de ces réécritures personnelles du roman arthurien. Jacques Boulenger, dans Les Romans de la Table Ronde, publiés à partir de 1923. Xavier de Langlais a rédigé dans les années 60 les quatre volumes du Roman du Roi Arthur. Enfin, Jean Markale publia dans les années 90 Le Cycle du Graal en huit tomes. L’ensemble de ces réécritures contemporaines puisent toutes à la même source : la suite de cinq romans en prose du XIIIe siècle français connue sous le nom de Lancelot Graal. Claudine Glot et Marc Nagels ont décidé de donner une nouvelle vision de ce monde chevaleresque, résolument moderne et inédite, en puisant dans l’intégralité des sources précitées, en les synthétisant et les romançant à leur manière. Ils ont redonné à tous les personnages de l’aventure arthurienne leur fraîcheur et leur humanité, en privilégiant les aventures humaines, guerrières, amoureuses ou merveilleuses aux orientations religieuses des romanciers médiévaux, notamment cisterciens. Cela rend leur écriture plus vivante et romanesque, à la façon d’un authentique roman de fantasy médiéval. Ils ont repris le flambeau, dans une langue et sur un rythme d’aujourd’hui pour nous plonger à nouveau dans ces aventures fabuleuses et immortelles ponctuées de noms qui à eux seuls sonnent comme des oriflammes : Arthur, Guenièvre, Lancelot, Merlin, Morgane, Perceval… L’aventure continue et n’est pas près de s’éteindre. » page 47 La version in english... Maiden, mother, crone : voices of the goddess La version « à la source »... Patrimoine littéraire européen : racines celtiques et germaniques Auteur : Claire Hamilton Éditions O Books, 2005 - ISBN : 1-905047-39-8 Anthologie en langue française, sous la direction de Jean Claude Polet Éditions De Boeck Université, 1992 Claire Hamilton, harpiste celtique et conteuse, nous fait partager une vision profonde et nouvelle des mythes... en les écrivant à la première personne du singulier, du point de vue de la déesse ou de l’héroïne qui les vit. On plonge sans réserve dans cette écriture revisitée des épopées de Deirdre, Arianrhod, Blodeuwedd... dont les paroles nous imprégneront encore longtemps et inspireront tous les bardes d’aujourd’hui ! La version illustrée... Fées et Déesses Auteurs : Erlé Ferronnière et Aurélie Brunel Éditions Daniel Maghen, 2009 Ce livre m’a vraiment touchée : les textes sont très réussis et les illustrations sont à couper le souffle ! Ces regards qui nous happent au détour d’une page, ces femmes aux formes pleines, si belles… Aurélie Brunel a écrit un très beau texte expliquant sa démarche pour l’ouvrage : « À travers les différentes histoires présentes dans Fées & Déesses, nous avons voulu montrer comment les déesses avaient survécu dans les fées. Il ne s’agit pas d’une régression dans le sens où les fées auraient perdu leur force. Bien au contraire… Si les différentes idéologies qui ont marqué le temps ont œuvré dans ce sens, décrédibilisant cette figure petit à petit – à défaut de pouvoir tout simplement la faire disparaître –, celle-ci a survécu. La rendre petite, anonyme, la reléguer au rang de personnage de contes pour enfants ne lui a pas enlevé sa force… Parce que malgré tout la Femme reste un mystère, un être multiple et puissant, capable de donner rien de moins que la Vie ! Oui, ces déesses, ces fées, qui sont tout à la fois mères, amantes, guerrières, guérisseuses, souveraines, savantes… c’est vous ! Je voulais vous rendre hommage, vous rendre – en toute humilité – cette place que les siècles ont voulu vous ôter par peur de votre potentiel ! Je pense à vous, mes nombreuses amies qui ces dernières années avez enfanté, vous dont le ventre s’arrondit en ce moment-même, vous encore dont la progéniture grandit à vue d’œil… Mais ne vous y trompez pas : je pense également à celles qui ne connaîtront pas la maternité, car elles portent elles aussi l’héritage de la Grande Déesse. Leur don à la vie se jouera ailleurs et leur légitimité n’en est pas moins grande. Quel plus bel exemple que la Reine Guenièvre qui jamais n’eut d’enfant et qui pourtant assurait la fertilité du royaume par sa simple présence ?! Ce message est pour vous toutes. Que la vie vous soit douce et qu’elle révèle votre force ! Aurélie PS : Merci Erlé d’avoir si bien rendu la douceur et la force qui cohabitent en toutes ces femmes… » page 48 C’est un sacré pavé, il fait presque 800 pages, ce qui justifie la trentaine d’euros de son prix… Mais il y a tellement de textes à l’intérieur introuvables ailleurs ! Toutes les sources, c’est-à-dire les textes irlandais, gallois, nordiques… mais aussi tous les styles : poésie, prose… De nombreux textes sont traduits par Guyonvarc’h, issus de son ouvrage Textes mythologiques irlandais, mais pas seulement. J’insiste, c’est une mine d’or ! « Ô Bé Find viendras-tu avec moi au pays merveilleux où il y a de la musique ? La chevelure y est comme la couronne de la primevère ; le corps lisse y est de la couleur de la neige. Là il n’y a plus rien ni à moi ni à toi, les dents y sont blanches, les sourcils noirs ; la foule nombreuse est le plaisir des yeux. Chaque joue a la couleur de la digitale. Le cou de chacun a le pourpre de la giroflée ; les œufs du merle sont le plaisir des yeux. Quelque belle que soit la pierre de Fal, elle est désolée en comparaison de la Grande Plaine. Si bonne que soit la bière de l’île de Fal, plus enivrante encore est la bière de la Grande Terre. C’est un pays merveilleux que je parle. La jeunesse ne s’en va pas avant la vieillesse. » La version CD... Tristan et Yseult Auteur : Alain Le Goff Disponible auprès de l’auteur Je ne suis habituellement pas convaincue par les textes mis en CD... mais après avoir vu Alain Le Goff conter en Bretagne, j’ai souhaité continuer de découvrir son don en lui achetant la légende de Tristan et Yseult, qu’il n’avait pas présenté ce soir-là. Si vous avez l’occasion de croiser sa route, courrez le rencontrer ! C’est le meilleur conteur que j’ai vu à ce jour... mais si vous ne le pouvez pas, essayez de vous procurer ses CD : vous y retrouverez sa voix incomparable, l’ambiance qui s’en dégage et tout le talent d’un conteur ancré dans la tradition Bretonne. La version bardique... Mythologie celtique Auteur : Ella Young Éditions Triades, 1996 L’un de mes ouvrages préférés sur le sujet... L’auteur a écrit ce livre à partir des conteurs qu’elle a entendu en Irlande et sur l’île d’Aran, d’où sans doute cette force et cette poésie qui se dégagent à chaque page. « Les Fianna descendaient à travers le crépuscule. Et la lune, qui était un lac, devint plus claire, s’arrondit et scintilla d’un feu glacé, jusqu’à en éblouir leurs yeux. Et tout à coup Fionn s’écria : ce n’est pas un lac qui brille ici, c’est un palais ! Nous sommes vraiment parvenus au pays-sous-les-eaux, au pays de Manannân ! De toute la vigueur de leurs yeux, ils regardaient tous, et virent le palais, formé d’un seul immense cristal. À peine avaient-ils commencé à l’admirer qu’ils se trouvaient déjà sur le seuil. » page 49 Periode claire : Le Chene Viviane Arbres de Saison Le combat entre le Roi Chêne et le Roi Houx L’année se partage entre deux périodes : la période sombre et la période claire, les deux rois se combattent à tour de rôle, le vainqueur sera celui qui prédominera la saison sombre pour le Roi Houx et la saison claire pour le Roi Chêne. Le Roi Chêne règne sur la période claire, son règne est basé sur la lumière, de Beltaine à Samain, période « d’été et d’automne », ensuite il laisse la place au Roi Houx dont le règne est basé sur l’obscurité de Samain à Beltaine, comportant deux mois « d’hiver », puis deux mois de « frimas » et deux mois de « printemps ». Le Roi Chêne représente l’expansion et la croissance. Son arbre, le chêne, symbolise la force et la longévité, son fruit, le gland, est évidemment phallique, et ses racines s’étendent aussi loin sous terre que s’élèvent ses branches, montrant ainsi qu’il règne à la fois sur le Ciel, la Terre, et le Monde Souterrain. Le Roi Chêne représente la force active du Soleil, il apporte la force nouvelle, la résistance, la créativité, la persévérance qui mène à la récompense, la protection. souterrains et le ciel. Il est étroitement lié aux dieux majeurs des panthéons. Zeus à Dodone avec le Chêne oraculaire. Jupiter capitolin à Rome. En Prusse, c’est le Chêne de Ramowe, et celui de Perun pour les Slaves. Chez les peuples du Nord il est consacré à Esus, au Dagda, à Teutatès, à Wotan, à Thor... Le Chêne est l’arbre du bois sacré. Il tenait une place centrale dans les rites celtes. Pendant longtemps ces Chênes sacrés, qui portaient un nom spécifique qui les personnifiait, reçurent des offrandes diverses et furent l’objet de dévotions particulières dont certaines perdurent encore. Usages Le bois est noble. Il allie la dureté, la résistance, la permanence. Utilisé dans les constructions navales, charpentes, meubles, tonnelleries, Symboles, mythes et légendes De tous temps et dans toutes les civilisations le Chêne est le symbole de la force, de la majesté et de la sagesse. S’y ajoutent la solidité, la puissance, la longévité, l’élévation (au sens matériel mais aussi spirituel). Par ses accointances avec la foudre et par la profondeur de ses racines il est souvent axe du monde et instrument de communication entre les mondes page 50 page 51 voies ferrées, portes d’écluses et autres ouvrages massifs. Le tanin provient de l’écorce et des galles. Les meilleurs fûts sont en bois de chêne. Les truffes renommées sont associées au chêne noir. C’est un puissant astringent très utilisé contre les diarrhées, la dysenterie, les hémoptysies, les hémorragies, les fièvres, hémorroïdes, angine… et aussi comme tonique. C’est aussi un contre-poison. De toutes les parties de l’arbre, c’est l’écorce qui est la plus utilisée. Depuis toujours, pulvérisée, elle sert à tanner les peaux. Le bois sacré Le Chêne correspond à l’ogham Duir (lettre D). Réputé pour son endurance et sa longévité, le chêne a toujours été synonyme de force et de stabilité. Appelé dans l’Irlande ancienne le « Tara des forêts », il est associé à Lugh, qui était un protecteur des rois. L’homologue de Lugh dans la mythologie galloise est le héros Llew Llaw Gyffes « le Beau à la Main Ferme », dont les aventures sont relatées dans la quatrième branche du Mabinogi. Comme un bon roi, le chêne soutient ceux qui ont besoin de protection. Une légende populaire du pays de l’ouest parle d’un chêne qui a aidé une fille à échapper à un roi cruel, en faisant tomber une de ses branches sur la tête de celui-ci. Les hommes du roi vinrent l’abattre, mais ils connurent un destin tragique. « Oh ! Ils chevauchèrent dans les bois, où le chêne se dressait Pour abattre l’arbre, le chêne altier Alors l’arbre gémit et appela les siens, Et les arbres se refermèrent et ils ne purent jamais sortir De la forêt, la forêt merveilleuse. » Si vous avez besoin de prendre des forces, de restaurer votre énergie, appuyez-vous de tout votre corps contre un chêne et imprégnez-vous de l’énergie calme et roborative du monarque des forêts. À l’époque préchrétienne, le culte du chêne était répandu dans toute l’Europe. Il était tellement ancré dans les mœurs de certains peuples qu’il a chez eux longtemps survécu à leur conversion au christianisme. Ces chênes sacrés étaient certainement de très vieux arbres, ils étaient plus gros que les chênes actuels. Le tribunal des anciens siégeait toujours à l’ombre d’un vieux chêne. Le culte du chêne, était, chez les Celtes, très ancien. Ils l’avaient apporté au cours de leur longue migration. Les Druides n’avaient rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, pourvu que ce soit un « robur ». Le « robur » était déjà par lui-même l’arbre qu’ils choisissaient pour les bois sacrés et ils n’accomplissaient aucune cérémonie religieuse sans son feuillage. On trouve très rarement du gui sur le chêne et quand on en a découvert, on le cueille en grande pompe religieuse. Ce doit être avant le sixième jour de la lune, qui marque chez eux le début des mois, des années et des siècles, qui durent trente ans. des premiers à pousser sur la terre nue, donnant ainsi naissance à toute la forêt. En Écosse, « le bouleau des cascades » faisait partie des neuf bois sacrés qui allumaient les feux festifs. En Irlande, il était l’un des « sept nobles » du bois très sacré. Le bouleau donne son nom, « Beth », à la première lettre de l’alphabet oghamique, qui était gravé dans le bois et la pierre. Selon la légende, la première inscription oghamique fut gravée dans une baguette de bouleau. L’écorce blanche évoque la purification, et comme elle est renouvelée périodiquement, elle symbolise aussi le renouveau et la régénération. Le bouleau était la première espèce du calendrier des arbres, emblème de la remontée du soleil après le solstice au cours du premier mois de l’année (du 24 décembre au 21 janvier), c’était aussi l’arbre de la renaissance printanière. Printemps : Le Bouleau Légendes et traditions Dans la mythologie romaine, les verges de bouleau ont été utilisées pour la flagellation et la « purification » des condamnés ; elles entouraient la hache symbolique des licteurs. Dans l’astrologie celtique, le bouleau est « l’inspiration ». Vénéré en Europe du nord, le Bouleau symbolise la purification. Il est également signe de renouveau, ce qui l’associe à toutes les fêtes de printemps. L’amanite tue-mouche pousse préférentiellement à son voisinage. Elle contient une substance hallucinogène, la muscarine, qui provoque des transes que les chamans de Sibérie utilisaient pour communiquer avec les dieux. Ils montaient à l’Arbre sacré dont le tronc était marqué de neuf entailles (étapes initiatiques). Ils parvenaient au cours de leurs transes à pénétrer dans le séjour des dieux dont ils obtenaient la guérison des malades et la prospérité pour leur tribu. Curiosités diverses C’est un arbre vénéré en Russie. De nos jours encore vers la Pentecôte, les villageois vont cou- page 52 per un jeune bouleau dans la forêt. Au milieu de la liesse, ils l’habillent en femme, le décorent puis le plantent sur la place du village. À la même période les transports publics sont décorés de feuilles de bouleau. La symbolique du bouleau est tellement affirmée que même les magies les plus fantaisistes ne sortent guère des idées mentionnées ci-dessus (renouveau - lumière - féminité - jeunesse - purification...) Arbre des époux, des amoureux... Au début du XXe siècle, en France, les instituteurs des écoles publiques étaient dotés d’une baguette de bouleau spécifiquement utilisée pour taper sur les doigts des élèves qui faisaient trop de fautes d’orthographe. Après ce rite, l’idée de faute était effacée. Le bois sacré Le bouleau correspond à l’ogham Beth (lettre B). Les troncs pâles et tendres des bouleaux contrastent avec les troncs sombres des autres arbres, brillant comme des cierges dans les ténèbres de l’hiver. Le bouleau est l’arbre des commencements, l’un La sève de bouleau La sève de bouleau, encore appelée eau de bouleau, est un liquide très clair, voire incolore, semblable à l’eau à l’état frais et très légèrement sucré. La période de récolte de la sève de bouleau est le début du printemps : soit entre mi-février et mi-avril, selon la météo. La montée de sève dure en moyenne de 4 à 5 semaines. Un hiver rigoureux est signe de forte montée de sève. La récolte se fait principalement sur des arbres d’âge moyen (entre 20 et 50 ans). Plus l’arbre possède de branches, donc de feuilles à sortir, plus l’arbre pompe l’eau du sous-sol à l’aide de ses racines pour se nourrir. La sève de bouleau est un des meilleurs draineur naturel existant. C’est en effet un diurétique et un dépuratif efficace. Utile au printemps pour nettoyer le sang et préparer l’organisme au changement de saison. D’ailleurs, on dit que l’arbre donne d’autant plus de sève que l’hiver a été rude. La Nature est bien faite… Par son effet diurétique et dépuratif, elle libère tout en douceur l’organisme de toutes les substances et dépôts qui l’encombrent pour une véritable régénérescence du corps. Mais ce n’est pas tout, la sève de bouleau aide aussi à combattre les douleurs rhumatismales, elle purifie les tissus page 53 cutanés, combat l’eczéma sec, favorise l’amincissement (si le corps en a besoin), elle est également employée en usage externe pour soigner les brûlures. À cause du sucre qu’elle contient, l’eau de bouleau fermente et devient acidulée et doit être conservée au réfrigérateur pour rester fraîche. Pour éviter cette fermentation trop rapide, on peut y ajouter quelques clous de girofle. La sève de bouleau se consomme le plus rapidement possible ou on la conserve au réfrigérateur 3 semaines maximum (le temps de la cure !). Il est conseillé des cures printanières de sève fraîche sur une période de 2 à 3 semaines (15 à 21 jours). Boire environ 250 ml par jour, le matin à jeun et avant chaque repas. Une cure complète nécessite à peu près 5 litres. a Récolte de la sève de bouleau La récolte se fait au moment de la montée de sève, avant l’apparition des feuilles. Après avoir percé un trou horizontal dans le tronc, il s’agit de laisser couler la sève goutte à goutte dans une bouteille grâce à un tuyau, en évitant l’intrusion de poussières et de salissures dans l’arbre. Un arbre fournira facilement un à deux litres de sève par jour, voire jusqu’à dix litres en deux jours pour un arbre de grande taille. Une fois la récolte achevée, il faut boucher les trous à l’aide de chevilles de bois ou du mastic végétal pour protéger l’arbre contre les infections. Plus vous récoltez la sève près du sol (à 0,50 m), plus elle est « dite » minérale et sera plus trouble que celle récoltée à 2 m ou à une branche. Mais plus elle sera bienfaisante. Le meilleur moment pour la récolter c’est après la nouvelle lune de Mars. Ne pas oublier de remercier l’arbre et Dame Nature pour son don ! Mars : Le Saule Légendes et traditions Dans la mythologie grecque, le Saule est dédié à Hécate (comme l’If ), déesse de la Lune et des Enfers. Dans la Bible, il est écrit que ses branches servirent à fabriquer des thyrses pour la fête des Tabernacles. Dans l’astrologie celtique, le saule est l’arbre des mélancoliques. « Le saule est prudent au combat. » « J’ai la ruse de l’oiseau de proie juché en haut de la falaise. » Le saule pleureur était, pour les romantiques, l’arbre de la mélancolie et du souvenir nostalgique. Extrait du poème Le Saule, d’Alfred de Musset : « Mes chers amis, quand je mourrai, - Plantez un saule au cimetière. - J’aime son feuillage éploré ; - La pâleur m’en est douce et chère, - Et son ombre sera légère - À la terre où je dormirai. » Usages Vivant sans dommage les pieds dans l’eau, le Saule vient au secours de ceux qui souffrent des maux engendrés par l’humidité. L’écorce du saule blanc contient un glucoside nommé salicine, qui a des propriétés analgésiques, fébrifuges et anti-rhumatismales : additionné d’alcool, ce principe se dilue en alcool salicylique, qui est oxydé pour produire l’acide salicylique, lequel entre dans la préparation de l’aspirine. Les feuilles et bourgeons contiennent un principe sédatif et rééquilibrant. La feuille du saule blanc était utilisée par les gens du voyage comme leurre pour la pêche aux carnassiers (brochets, perches, sandre). Fixée à un hameçon plombé, la feuille du saule blanc réagit dans l’eau comme un petit poisson, fourrage dont se nourrissent les poissons carnassiers. Le bois flexible mais résistant sert à fabriquer des battes de cricket et des cageots. L’Osier blanc est taillé court, en têtard. Ses branches ou osiers servent en vannerie. page 54 Bois sacré Le saule correspond à l’ogham Saille (lettre S). Le saule est un arbre du début du printemps, à l’époque où la pluie gonfle les rivières. En Écosse il était l’un des neuf bois sacrés utilisés pour allumer les feux de Beltaine. Arbre aquatique féminin, le « saule des rivières » est gouverné par la lune et est ainsi naturellement associé aux cérémonies féminines d’Imbolc. Comme Brigit elle-même, le saule porte chance pour l’accouchement. En Irlande c’était un arbre de protection : les voyageurs portaient une baguette de saule et les fermiers entouraient la baratte de saule pour tenir les esprits mauvais à l’écart. Le Saule est l’arbre de la Lune, de la Femme, et de l’Eau. Pour les Grecs anciens, il est l’arbre auquel était suspendu le berceau de Zeus sous la surveillance de sa nourrice Itéa (Itéa signifie « le Saule »). Dans l’Antiquité, le Saule passait généralement pour maléfique, étant voué à Hécate, la Déesse Lune. D’abord favorable, car elle donnait aux hommes la richesse, veillait à la prospérité des troupeaux et présidait à la navigation, Hécate devint redoutable du jour où, coupable d’impureté, elle fut précipitée dans les enfers et y devint la maîtresse des enchantements. Il est également associé à Circé la magicienne, Héra et Perséphone, toutes représentantes de la mort et de la triple déesse Lune. En Lituanie, où le culte des arbres a perduré jusqu’aux temps modernes, on vénérait une Déesse au Saule, Blinda (c’est le nom de l’arbre en Lituanien). Elle possédait une fécondité telle qu’il lui était possible d’accoucher non seulement par les voies normales, mais aussi par les pieds, par les mains, la tête ou toute autre partie de son corps. La Terre en conçut de la jalousie. Un jour que Blinda marchait dans une prairie marécageuse, ses pieds s’enfoncèrent dans la terre qui les emprisonna et la déesse, immobilisée, fut métamorphosée en saule. Blinda fut adorée jusqu’au début du XIXe siècle. On voyait encore des paysannes qui priaient pour le bonheur et la multiplication des enfants devant un saule orné de couronnes de fleurs, le clergé catholique de la région, incapable de faire cesser ce rite païen, dut se résigner à placer un crucifix sur l’arbre… En Extrême-Orient, directement lié au fait qu’un rameau de Saule planté en terre renaît à la vie, il est le symbole de l’immortalité. La cité des Saules, le Mou-yang-tchen, en Chine, est le lieu même de l’immortalité. À Lhassa, au Tibet, le sanctuaire principal est au milieu d’une plantation de saules. Cet arbre est l’Arbre de Vie ou l’Arbre central. On sait que Lao Tseu méditait à l’ombre de son feuillage où il fonda le Taoïsme et y rencontra Confucius, au Ve siècle av. J.-C. En anglais deux mots désignent le saule : willow ou withe, alors que l’osier se dit wicker. La même racine se retrouve dans le mot witch, la sorcière. C’est avec un brin d’osier que les sorcières nouaient les ramilles de bouleau de leur balai au manche de frêne. En Bretagne on pouvait prédire la date de sa mort en posant une croix de deux brins de saule sur la surface de l’eau d’une source sacrée. Si la croix flottait, la mort était prochaine, si elle coulait rapidement, la vie serait encore longue. La forme « en feuille de saule » de très nombreux silex préhistoriques taillés, avait peut-être un sens magique. Les sorcières de l’île de Sein, partant faire leur inquiétante tournée nocturne, s’embarquaient dans une sorte de manne d’osier qui les conduisait en pleine mer, là où elles pratiquaient les envoûtements. Avril : l’Aubepine Légendes et traditions Dans la mythologie romaine, l’aubépine est dédiée à Maïa, mère d’Hermès, fêtée en Mai (de « Maïa »). C’est en mai que fleurissent en général les aubépines. Mai est devenu le mois de Marie, la Vierge, par identification. Mai est le mois du renouveau. En Bretagne : arbre des sorcières car il n’est pas touché par la foudre. En effet, la foudre n’atteignait jamais l’Aubépine, aussi pouvait on s’abriter sous elle en toute sûreté pendant un orage. Les branches d’aubépine conservaient la viande et empêchaient le lait de tourner. Elle protégeait même le bétail contre les serpents. page 55 Mais surtout l’Aubépine était souveraine contre l’enfer et ses suppôts, particulièrement contre les envoûtements des sorcières, avec qui elle présentait d’ailleurs quelque affinité, mais les pouvoirs néfastes de l’ Épine blanche, par suite de sa consécration à la Vierge, étaient passés à l’Épine noire, autrement dit au Prunellier utilisé par les magiciennes dans leurs maléfices. Il ne fallait sous aucun prétexte offenser le buisson blanc, ni l’employer à des fins profanes, sous peine de malheur. Tout cela n’était que la christianisation de croyances bien antérieures. Chez les Celtes païens, l’Aubépine jouissait d’un redoutable prestige, selon le Livre de Ballymote lorsqu’un barde voulait châtier un roi qui s’était mal conduit, par exemple, en ne récompensant pas suffisamment ses services, il pouvait recourir à un terrible rite incantatoire. Au lever du soleil l’imprécateur se tenait au sommet d’une colline sur laquelle se dressait un buisson d’Aubépine. Appuyé du dos à l’Aubépine, tenant dans la main un de ses rameaux ainsi qu’une pierre de fronde, celui-ci chantait une incantation sur l’épine et sur la pierre, puis déposait celle-ci sur les racines de l’arbuste, s’il était dans son tort, le sol de la colline l’engloutissait mais si son pouvoir magique était le plus fort, la terre avalait le roi et sa famille, ses animaux, ses armes et ses vêtements… Telle était la puissance de la parole lorsqu’elle s’appuyait sur la pierre et sur l’arbre. La destruction de l’Aubépine pouvait entrainer les pires catastrophes. Encore aujourd’hui, en Irlande et au Pays de Galles, si les services publics veulent déterrer une aubépine gênante, la population s’y oppose. Le bois est quelquefois utilisé par les tourneurs en raison du poli remarquable qu’il prend. En pharmacologie, les fleurs ont des pouvoirs avérés dans les affections cardiaques (arythmie, tachycardie, hyper ou hypotension) et diminue aussi l’excitabilité du système nerveux. Ces propriétés ont été découvertes au XIXe siècle. Antérieurement l’aubépine n’était pas considérée comme un remède majeur. Elle était utilisée toutefois comme fébrifuge ou astringent. page 56 Une meute de loups. L’Aubépine a une odeur marquée que d’au« L’aubépine, le mal aimé est un chef solide qui cuns décrivent comme « l’odeur puissante de la porte les mêmes habits que le prunellier. » femme ». Il est probable que la symbolique de chasteté exagérée masque imparfaitement une Bois sacré connotation plus ancienne de sexualité débriL’Aubépine correspond à l’ogham Haute dée. Les diverses interdictions de mariages et (Huath) (lettre H). recommandations de chasteté durant le mois de L’aubépine était un arbuste sacré chez les Celtes. mai gravitent autour de cette dualité. L’aubépine que l’on appelait autrefois simple- La révolution française, qui avait en exécration ment « Mai », est naturellement l’arbre le plus les usages anciens, ne ressuscita pas moins celuiassocié avec le mois de mai dans de nombreuses ci, enfaisan de l’aubépine l’Arbre de la Liberté. régions des Îles britanniques et d’Irlande. En ce On en planta 60 000 en France de 1789 à 1792. jour de 1er mai, fête de Beltaine, les bois et les Comme pour les arbres sacrés d’autrefois, leur haies scintillent de ses fleurs blanches. destruction fit l’objet d’interdits. L’aubépine est souvent associée à l’acte sexuel. Pendant la Terreur, le village de Bédouin, situé On plantait l’arbre déraciné sur la place du au pied du mont Ventoux, dans le Vaucluse, fut village, on le décorait d’objets représentant la férocement châtié pour n’avoir point protégé fécondité puis on dansait autour de lui afin d’at- son Arbre de la Liberté, qui fut abattu au cours tirer la prospérité. d’une nuit. Le coupable n’ayant pas été découAu cours du mois de mai, à Rome, on ne célé- vert, soixante-trois habitants furent guillotinés, brait pas de mariages ou alors on allumait cinq les autres chassés et le village incendié. torches d’aubépine fleurie afin de désarmer la Dans la tradition celtique, la fille du roi d’Irredoutable Maïa, mère d’Hermès. La chasteté lande Cormac s’appelle Ailbe, son nom signifie devait être observée durant le mois de mai, le Aubépine. Les Celtes utilisait son pouvoir afin mois des purifications, aussi n’est-il pas éton- d’obtenir l’aide de l’Autre Monde. Et c’est aussi nant que l’aubépine ait été consacrée à la Vierge sous une Aubépine de la forêt de Brocéliande et que mai soit devenu finalement le mois de que Viviane ensorcela Merlin. Marie… Dans la Grèce antique son bois était utilisé pour Le Chant pour Viviane (extrait) la torche nuptiale et les filles portaient aux noces Merlin saisit sa harpe, et le cœur des vieux des couronnes d’aubépine. chênes Se fendit à pitié d’écouter ses sanglots ; Symboles /mythes/légende Merlin saisit sa harpe, et ruisseaux et fontaines L’aubépine est sacrée aussi pour les esprits qui D’apaiser aussitôt la rumeur de leurs flots... font irruption dans le monde humain quand Ainsi chanta Merlin, tandis que ses mains fines s’ouvrent les portes de Beltaine. Glissaient négligemment sur les cordes Beltaine est en Irlande l’une des trois nuits des d’argent ; esprits de l’année (les deux autres étant les veilles Ainsi chanta Merlin, et, sur chaque aubépine, du solstice d’été et de Samain). En Irlande les Les yeux profonds des fleurs s’ouvrirent à l’insaubépines étaient appelées « arbres des rendez- tant : vous amoureux » des esprits et elles poussaient - Voici mon chant d’amour ! C’est un chant de souvent sur des tertres funéraires, ou à des car- détresse refours et autres seuils de l’Autre Monde. Que j’offre, en cet Avril, à Celle qui trahit... « À travers la plante immaculée se manifes- Sois satisfaite, enfin, briseuse de promesses, tent la Femme triomphatrice du Serpent et la Plus cruelle, cent fois, que Mève-aux-beauxDéméter païenne, maîtresse des germinations et Sourcils ! des renaissances. » (Lieutaghi) Mais cette candeur cache mal des croyances André Savoret moins innocentes et antérieures. page 57 Mai : le Sureau On le trouve souvent associé aux bâtons de sorciers, et ces bâtons, vidés de leur moelle, cachent Légendes de secrets maléfices. Ces mêmes tubes creux Le symbolisme du sureau est sous le signe de servent également à la fabrication de flûtes aux l’ambiguïté. propriétés magiques. Il est l’arbre du nombre 13 car dans le calendrier des arbres, il est le treizième mois, l’odeur forte Légende du sureau pouvait provoquer des malaises qui Une brûlure intense. entraînaient parfois la mort, ce qui expliquerait « Le sureau, long à brûler, se montre, avec l’if, au que ce treizième mois, mois du sureau au pou- milieu des feux de la bataille. » voir néfaste, aurait rendu néfaste le chiffre 13. J’ai la puissance des vagues de la mer. Les pouvoirs du sureau étaient ambigus, s’il écartait les démons, il pouvait aussi les attirer. Usage Une explication simpliste pourrait rattacher ses En juin/juillet les grandes corymbes de ses fleurs tendances porte-bonheur au fait qu’il était un d’un blanc d’ivoire répandent une senteur âpre arbre dispensateur de nourriture ; et le cortège mais revigorante. Leur succèdent en septembre de maléfices qu’il traîne dans son sillage au fait d’abondantes grappes de baies noires et lustrées que son odeur est peu appréciée. quand elles sont mûres. En Sicile, il protège des serpents, comme en Les baies de sureau auraient été un aliment pour Angleterre, où cependant brûler du sureau les hommes de l’âge d’or qui ne connaissaient « amène le diable dans la maison ». Il est pro- pas les céréales. Nous savons, par ailleurs, que tecteur des habitations au Danemark et en les fruits du sureau étaient ramassés et consomBretagne ; en Russie il chasse les mauvais esprits. més par les populations du néolithique. Quant à dendrôdès, il signifie « de la nature des arbres » et s’appliquait surtout à leurs nymphes, en particulier aux Hamadryades du chêne. Il est donc vraisemblable que dans un très lointain passé, le Sureau fut considéré comme un don des dieux, sinon comme divin lui-même. Le bois très homogène, assez lourd, d’un jaune clair à grain fin, est recherché des tourneurs et des tabletiers. La moelle des jeunes rameaux était utilisée pour maintenir en place sur l’établi des petites pièces fragiles (horlogerie, micromécanique, biologie. Elle est remplacée de nos jours par le polystyrène expansé qui a la même consistance. C’est un arbre médicinal aux nombreuses vertus. L’écorce est diurétique, analgésique et sédative. Les fleurs sèches sont sudorifiques, adoucissantes et résolutives. Curiosités J’ai souvenir de certaines nuits de débuts d’été où les bosquets de sureaux proches de la maison dispensaient une odeur remarquable. Les fleurs à peine formées exhalaient un parfum encore léger qui équilibrait parfaitement celui des feuilles, qu’on dit fétide. Le mélange complexe des deux ouvrait des horizons magiques... maléfices les maisons près desquelles il était planté (c’est sans doute la raison pour laquelle on en trouve souvent contre les habitations) et en écartait les serpents. Au XVIIe siècle les sorciers ne craignaient rien tant que d’être battus avec un bâton de sureau. « Le sureau, à l’entrée du village, Bruisse du doux murmure, Des fées cachées en son feuillage. Du renouveau de la nature, Les enfants, disent-elles, sont heureux, Car l’air léger du printemps Résonne du cri joyeux de leurs jeux, Et de leurs chants innocents. Bientôt ils viendront au sureau, Choisir quelques magiques rameaux Pour en faire de jolis flûtiaux, Qui répondront aux trilles des oiseaux. » Patrick Courtois Bibliographie : Vivre la Tradition celtique de Mara Freeman, Dictionnaire des arbres de France (histoire et légendes) et Mythologie des arbres de Jacques Brosse. Le bois sacré Le sureau correspond à l’ogham Ruis (lettre R). Il est associé à la Déesse sous son aspect de vieille sorcière et dans de nombreuses régions des îles britanniques, on appelait « vieille dame » l’esprit de l’arbre. Se faire un bain d’yeux avec le jus vert du bois confère la capacité de voir les êtres invisibles, et si vous restez sous un sureau à Samain, en Écosse, vous pouvez voir l’armée des esprits chevaucher. On peut faire traditionnellement une amulette protectrice en coupant une branche de sureau juste avant la pleine lune d’octobre. Le bois entre les nœuds doit être coupé en neuf morceaux attachés par une étoffe de lin. On le porte au cou, de façon que les morceaux de bois touchent le cœur. On doit le porter jusqu’à ce que le fil se rompe ; alors l’amulette doit être enterrée dans un endroit où on ne la découvrira pas. En Haute-Bretagne le sureau préservait des page 58 page 59 Connexion Au bouleau, j’ai tendu mes bras, Le Bouleau Les sommets du bouleau nous ont Fusion, légèreté, pureté. Comme un doux balancement, une oscillation. J’ai oublié et je suis arbre. Berceuse éternelle qui rappelle l’union, la symbiose des vivants, Lorsque leurs cœurs battent à l’unisson. Au bouleau j’ai remercié pour la sève prélevée, pour le doux nectar de veines qui coule en ce tronc et ses mille racines. couverts de feuilles ; il transforme et change notre dépérissement. Après la vie, la mort enviable. Les feuilles sont un linceul, un nouvel habit pour le défunt, il se pare d’un aspect pour accéder à l’autre monde. Extrait du Câd goddeu Afang astur Earawiel ouvert mon cœur. Parti dans mille méandres, senti bouillir cette sève qui monte. Communion avec le grand blanc. Filant dans l’arbre, des racines vers le ciel. Tendu les bras, senti l’immensité. Homme debout aux racines et branches qui vont au gré du vent. Et comme une étrange impression de ne faire qu’un. page 60 Nommé aussi « l’arbre de la sagesse », il est l’un des sept bois sacrés et symbolise la connaissance druidique. Il vit en symbiose avec l’Amanite Muscaria, ce champignon magique que l’on nommait aussi nourriture des Dieux et particulièrement prisé par les chamanes. Son écorce blanche et lisse, rehaussée de quelques taches noires, se détache en fines lamelles horizontales. L’opposition du noir et du blanc de son écorce est un symbole évident, rappelant les oppositions perpétuelles du monde terrestre. L’écorce du bouleau blanc contient surtout de l’acide bétulinique et ses feuilles renferment des acides phénols, des tanins, des triterpènes et des flavonoïdes dont le rutoside. C’est un arbre de 20 à 25 m, dont la cime est peu développée. Ses feuilles alternes, parfois opposées, sont triangulaires à pointe longue et finement dentées. Il fleurit vers 20-30 ans, ses fleurs sont des chatons, les chatons mâles (10 cm env.) sont pendants et situés en bout de rameau de manière à disperser au mieux leur pollen, les chatons femelles sont dressés et ne mesurent que 3 cm. Les chatons arrivent à maturité en mars. Le bouleau est une espèce pionnière, il accepte les sols pauvres toutefois humides et aime l’ensoleillement. Il absorbe et évapore beaucoup d’eau et vit une centaine d’années au maximum. Son nom signifie « briller » car son écorce blanche reflète la lumière dans la noirceur de la nuit. Dans la tradition celtique, le bouleau symbolisait l’inspiration et l’élévation spirituelle. Il est l’arbre de la lumière, de la naissance, du commencement et l’impatience du printemps par ses feuilles sortant très tôt. Doux et fort, son bois était traditionnellement utilisé dans la confection des berceaux et la création de baguettes magiques. Il possède de grandes propriétés purificatrices. Propriétés Médicinales Le bouleau possède nombre de propriétés médicinales. Il est principalement un excellent diurétique. L’écorce en est d’ailleurs un mais elle est aussi un fébrifuge et un stimulant pour la digestion. De plus elle est très utile contre les problèmes de peau, en particulier contre les dartres. Les bourgeons et les feuilles sont utilisés contre les inflammations, les infections des voies urinaires, contre les calculs rénaux et parfois en complément pour un traitement antirhumatismal. Mais les bourgeons sont aussi recommandés contre les engorgements des ganglions lymphatiques. Quant à la sève, elle est diurétique mais aussi dépurative. Elle est généralement utilisée contre l’arthrite et les calculs urinaires. Sa sève se récolte au printemps (une grosse branche peut fournir entre 4 à 5 litres de sève par jour). Pour éviter la fermentation de la sève, une fois récoltée ajouter 4 à 5 clous de Girofle par litre de sève et conserver au frais. Utilisation externe Décoction de bouleau (à utiliser en lavage ou application avec compresses) : faire bouillir 10 min deux poignées de feuilles ou 40 g d’écorce dans un litre d’eau. Utilisation interne En infusion, il faut 30 à 40 g de feuilles pour un litre d’eau. Faites bouillir l’eau et versez-y les feuilles. Laissez ensuite refroidir jusqu’à une température d’environ 40°C. Il est alors conseillé d’ajouter 1 g de bicarbonate de soude pour dissoudre le principe résineux. Prendre 2 à 3 tasses par jour. Le vin de bouleau : tonique et fébrifuge, il est constitué de 50 g d’écorce de bouleau qu’on laisse macérer pendant une semaine dans un litre de vin rouge. Ce breuvage est à consommer, à raison d’un verre, avant les repas. L’Ogham Beth Première lettre de l’alphabet celtique. Pris entre chien et loup, l’honorable bouleau se dresse tel un axe immaculé. Une atmosphère mystique flotte dans l’air sous ses feuilles s’agitant en murmure incessant, essence au parfum de sérénité solennel, nourrissant la paix intérieure. page 61 Sa blancheur nous éclaire sur la véritable constance des choses, leur nature profonde. Le bouleau incarne la pureté, sa sève est purificatrice, l’ogham Beth nous invite à nous libérer des manifestations polluant notre être, à nous libérer des énergies négatives, des désirs inconscients et superficiels. Se purifier de ses futilités est l’avancement sur le chemin du renouveau, le développement de ses aspirations, l’aboutissement à une renaissance. Le Saule Cinquième lettre de l’alphabet oghamique et arbre sacré du bosquet des druides. Le saule établit sa demeure près de l’eau, son écorce gris foncé est facilement reconnaissable à ses profondes fissures. Il peut atteindre 25 m de haut. C’est un arbre à feuilles caduques. Ses feuilles lancéolées sont vertes sur le dessus mais velues et argentées sur le dessous et sont disposées en spirale sur les branches. Au printemps, il se couvre de chatons. Chez la femelle, les chatons qui sont argentés libèrent les graines cotonneuses en juin/juillet. Chez le mâle courant mars, les chatons argentés libèrent, en s’épanouissant, leurs lumineuses étamines jaunes et virent à la couleur or. Il est dit que les druides coupaient leurs baguettes sur les Saules Marsault mâles, car ce passage de l’argent à l’or était une symbolique magique. La poussière d’or surgissant de l’argent est un puissant symbole de l’art alchimique. C’est un arbre de protection, de guérison et de fertilité. Il est le symbole de la nuit et des cycles lunaires. Il est l’arbre de la Lune, de la Femme, de l’Eau, il est un cycle, un rythme, un équilibre. Il est la « Sagesse primordiale ». Il manifeste la vie au-delà de la mort et la connaissance, l’éternité des lois célestes en évoquant l’espérance de la renaissance. Son essence nous porte sur le chemin du rêve et de la mélancolie. Son enchantement et ses mystères inspiraient les poètes et prêtresses, leur offrant le don des prophéties, l’inspiration et l’éloquence. Propriétés magiques En magie, le Saule est habituellement réservé aux rituels lunaires et de guérison. Certaines légendes mentionnent que des saules déracinés pourchassaient la nuit les voyageurs, par ces contes cet arbre fût craint et respecté, devenant l’arbre des mystères et de la sorcellerie. Le saule pleureur est signe de désespoir et de page 62 nostalgie. Mais c’est aussi un arbre très magique, celui des fées et des sorcières qui se dissimulent entre ses interstices. En Grande-Bretagne, les tumulus mortuaires placés près des marais et des lacs étaient alignés de saules. Ils représentaient la continuité de la vie au-delà de la matière. Son bois était utilisé pour façonner des baguettes magiques principalement dédiées à la magie lunaire. Les feuilles de saule portées sur soi ou utilisées dans des mélanges visaient à attirer l’amour. Pour conjurer les sorts, on broyait et mélangeait de l’écorce de saule blanc avec du bois de santal pour le brûler en lune décroissante. Les balais magiques de saule étaient traditionnellement mélangés à une branche de bouleau, liés ensemble avec des brins d’osier tressés en l’honneur des Déesses. trouve déjà enfouie au cœur de notre chaudron, c’est l’intuition qui la fait naître. Saille nous invite à cultiver cette face intuitive de notre nature intérieure. Il incite à la compréhension et à la prudence. Dans le monde des âmes, Saille, l’arbre des poètes, nous encourage à laisser l’intuition suivre le cours du courant pour se développer, de laisser l’inspiration se mettre à chanter et l’éloquence briller. L’Aubepine « Sous son linceul impénétrable, Viviane emprisonna Merlin. » L’aubépine est telle une rose protégeant sa fragile beauté sous l’armée de ses épines. Elle est reflet de l’enchantement et de la douleur. Propriétés Médicinales (On utilise les La beauté et le plaisir ne sont qu’un ravissement feuilles, les chatons et principalement l’écorce) éphémère, En usage interne Telle la rose lorsque sa beauté se meurt, L’angoisse/l’anxiété/insomnies/ règles doulou- Mais reste toujours son enveloppe d’épine. reuses et les névralgies rhumatismales/états fébriles (l’écorce de saule contient de l’acide sali- L’aubépine est le sixième arbre de l’alphabet cylique, base de l’aspirine) oghamique et l’un des arbres sacrés des druides. a En infusion : une cuillerée à dessert de Arbre mystique de protection, il symbolise l’éléchatons ou de feuilles pour une tasse d’eau ment du feu et porte avec lui le renouveau de bouillante, infuser 10 min. Consommer à raison la vie, le printemps et la fertilité. Cet arbuste, de 3 tasses par jour avant ou entre les repas. parfois arbre, croit très lentement et n’a rien à a En décoction : 20 à 35 g d’écorce sèche et envier à l’if, car fidèle allié à la longévité, il vit concassée pour un litre d’eau, laisser bouillir en moyenne 500 ans, parfois plus pour certains 5 min, puis infuser 10 min. 2 ou 3 tasses par sujets (l’aubépine de Saint-Mars-la-Futaie en jour. Mayenne daterait des premiers siècles de notre ère). L’aubépine possède des similitudes avec le Ogham Saille prunellier sauvage ou épine noire mais, contrairement à lui, ses racines ne sont pas traçantes. « L’aune se jette en la bagarre. Son bois prend une belle teinte rougeâtre une Il est au premier rang. fois coupé, et brûle plus chaudement que le Mais le saule et le sorbier chêne lui-même, les bosquets d’aubépines sont Sont bien plus prudents. » un refuge pour les petits mammifères et oiseaux, Extrait du Câd Goddeu leur offrant protection et nourriture, leurs branchages couverts d’épines formant une barrière Intiment lié à la lune et à l’élément eau, le saule défensive. Lorsqu’il perd ses nuances tendres et révèle à la lumière nos émotions et aspirations variées du renouveau, ses feuilles alors d’un vert les plus profondes. Saille nous enseigne d’accep- profond se parent d’une cascade de fleurs vigouter les changements, les cycles et rythmes tout reuses à la blancheur immaculée, et s’agrémenen préservant une constance spirituelle face aux teront par la suite d’un collier de baies rouges, bouleversements pouvant être rencontrés. les cenelles (réduites en poudre après séchage La réponse aux questions que l’on se pose se au four, elles procuraient une farine de remplapage 63 cement, permettant la confection de pain de sèches pour une tasse d’eau froide. Laisser tremdisette). per 12 heures puis amener à ébullition et tamiser. Deux à quatre tasses par jour. Mythes et traditions L’aubépine se consomme également en sirop et L’aubépine est la demeure des esprits de la liqueur. nature, notamment les fées. Son énergie particulièrement élevée permet d’établir un contact L’Ogham Huath entre les deux mondes. Il est le songe portant le rêve au-delà des frontières du visible en nous L’aubépine possède des propriétés sédatives, débarrassant des flux négatifs. Son énergie à la elle apaise les esprits troublés et tonifie le cœur. fois protectrice et purificatrice nous invite sur le Dans le monde du milieu, l’ogham Huath invite chemin de l’équilibre spirituel et physique. au calme et à la patience, à faire du temps un Le chevalier partant en croisade offrait à sa allié, tel une mer de patience et de tranquillité dame, en gage de fidélité, trois branchettes sur laquelle on voguerait lentement en levant un d’aubépines liées d’un ruban incarnat. Dans un regard clairvoyant sur l’horizon à atteindre pour cadre moins romantique, son bois très dur ser- l’aborder sans heurts. La construction de son vait de billot recueillant la tête des condamnés. propre édifice par la prudence, la sagesse et la L’aubépine est censée protéger la demeure patience. contre l’orage et la foudre, on en suspendait Le rouge et le blanc ! L’arbre des fées est une également au-dessus des berceaux. Dans les porte pour l’autre monde, il évoque la pureté croyances populaires, l’aubépine était associée par ses névés de fleurs blanches le couvrant au aux sorcières et à la magie. On l’utilisait dans printemps et l’ardeur solaire avec ses cenelles les rituels de prospérité et charmes de fertilité. pourpres. Les baguettes en bois d’aubépine sont réputées Dans le monde des âmes, l’équilibre des polapour être particulièrement puissantes, toutefois rités nous ouvre à une vision plus claire et limcouper de l’aubépine appellerait la malchance. pide. Huath nous convie à cultiver cet équilibre qui n’est accessible qu’avec la pureté de ses actes Propriétés thérapeutiques et de son cœur. L’aubépine est la plante-mère pour tous les soins du système cardio-vasculaire. Ce tonique vascu- Le Sureau laire a des effets non immédiats ni radicaux mais durables à long terme. Elle est cardiotonique, En avril, le sureau doit fleurir, antioxydante, vasodilatatrice, anti-inflamma- Sinon, le paysan va souffrir. toire circulatoire, tonique vasculaire (baies), Dicton relaxante et sédative pour les sujets nerveux et fébriles, astringente et diurétique. L’écorce est Le sureau est un arbuste magique, l’arbre à détachée en lambeaux au printemps lors de la fée. Dans les légendes anciennes, le sureau en montée de la sève, peut être utilisée fraîche ou fleur abritaient les fées et nombreux sont les séchée. Les fruits sont à cueillir bien rouges à contes de campagne évoquant sa magie. Le l’automne. Les fleurs blanches sont à ramasser, sureau noir est un don de la nature aux mulsoit en boutons soit en fleurs, mais avant leur tiples vertus, utilisé dès l’Antiquité tant pour complet épanouissement entre avril et juin. ses vertus médicinales, culinaires que magiques. Infusion chaude Les baies de sureau constituent également des Faire bouillir deux cuillérées à café de plantes colorants bleus et violets pouvant être utilisés sèches (fleurs, feuilles ou baies) pour une tasse en encre. Les gaulois s’en servaient pour teindre d’eau. Laisser infuser au minimum 30 minutes leurs tissus. Son bois servait à réaliser des sifet tamiser. Deux à quatre tasses par jour. flets et bâtons magiques. Les feuilles de sureau Infusion froide séchées peuvent être consommées en tabac et Faire tremper deux cuillérées à café de baies fumées avec une pipe taillée dans le bois de page 64 sureau, duquel il est facile d’extraire la partie spongieuse. Les fleurs de sureau, nommées « la vanille du pauvre » parfumaient les plats et les baies entraient dans la composition de confitures, sirops, tisanes et pâtisseries. Le sureau noir fleurit en juin, ses fleurs se récoltent à ce moment, et ses baies noires se cueillent au début de l’automne, lorsqu’elles sont à maturité. Propriétés thérapeutiques Anti-inflammatoire, purgatif, sudatif, laxatif Les baies : il est conseillé de les consommer cuites car elles contiennent de la sambucine, une substance légèrement toxique se neutralisant à la cuisson. Dans la tradition populaire Dans nos campagnes, cet arbuste était craint pour son aspect « double », réputé bénéfique tant que son bois ne pénétrait pas au sein de la demeure ou que l’on brûlait son bois car cela portait malheur et attirait les esprits. Boucher les trous de serrures avec des feuilles de sureau ou en porter une sur soi en talisman éloignerait les mauvais esprits et préserverait des sortilèges d’amour. Planté à proximité d’une demeure, il était une protection contre la foudre. son essence dynamique régénère et équilibre. » Le sureau fut longtemps utilisé pour la crémation des défunts, une branche de ce bois accompagnait ces derniers pour les protéger et les guider. L’arbre des fées est un passage entre les mondes, de la vie à la mort, il est un équilibre naturel. Ruis invite à visionner l’univers dans sa globalité pour se fondre dans la vibration frénétique de la grande danse de la vie. L’amulette du Sureau L’Ogahm Ruis « Gardien des initiations et des engagements, Son service spirituel « Le changement est une évolution qu’il faut éviter de refuser. » page 65 Le Bouleau l’assemblée druidique du chêne et du sanglier fédère quelques clairières et bosquets druidiques autour de principes et de valeurs communs. Autonomes quant à leur fonctionnement, ces clairières et bosquets se rencontrent sur ce qui les lie. Si vous allez aux pieds d’un bouleau Kermailune un jour de brise de petit printemps, vous verrez sa robe de branchettes frémir au moindre souffle. Si vous allez aux pieds d’un bouleau un jour de brise de petit printemps, vous verrez ses chatons frémir au moindre souffle. Si vous allez aux pieds d’un bouleau un jour de brise de petit printemps, vous entendrez l’arbre chanter lorsque le vent lui rend une petite visite amicale. Cet ami du vent lui donnera ce que vous lui confiez. Et le vent dispersera vos soucis dans l’atmosphère de la terre. Il ne gardera peut-être pas votre secret mais saura à qui le confier. Chatons de Bouleau Ils s’entendent ainsi sur : - Le respect des ancêtres et une pratique adaptée de l’ancienne spiritualité druidique. Pratique qui puise aux sources anciennes tout en respectant l’esprit du temps. Double mouvement entre Tradition et Inspiration. - Le respect de la Terre et de la Nature. - Le polythéisme celtique vécu comme une religion naturelle, qui puise ses symboles au cœur de la Vie, dans les traditions dont on trouve trace dans les coutumes, le folklore de nos pays. Religion naturelle aussi parce qu’accessible à chacun, immédiatement. Religion naturelle enfin parce qu’inscrivant ses rites et ses célébrations dans les grands rythmes de la Nature. Vous pouvez retrouver l’intégralité de nos publications et la présentation de l’Assemblée sur notre site : http://www.druides.org Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez du blanc, couleur éblouissante. Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez du gris, couleur apaisante. Si vous allez voir l’écorce du bouleau, vous verrez ses fissures, cicatrisées. Cet ami entouré d’écorce vous aveuglera, vous apaisera et vous soignera. Et son écorce prendra ce que vous lui confierez. Et il dispersera vos soucis et son écorce en fera une nouvelle belle fissure. Il ne gardera peut-être pas votre secret, mais saura à qui le montrer. Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles vous transperceront. Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles draineront vos abcès. Si vous allez voir les feuilles du bouleau, elles apaiseront votre douleur. Cet ami feuillu et vibrant guérira vos soucis. Il en fera l’histoire du barde, le mythe qui se renouvelle à chaque lecture. Il ne gardera peutêtre pas votre secret, mais saura à qui le conter. page 66 page 67 Coordonnées des bosquets, clairières et foyers membres de l’adcs : Altitona Localisation : Alsace-Lorraine. [email protected] , www.druides.fr Responsable : Eber, [email protected] Edobola Localisation : Poitou-Charentes. Responsable : Astur, [email protected] Etin Localisation : Sud-Est, basée entre Avignon et Cavaillon. Responsable : Caillin Blaa, [email protected] Gabalia Localisation : Lozère, Cévennes. Responsable : Viviane, [email protected] Helvétia Localisation : Suisse romande. Responsable : Kermailune, [email protected] Le Chêne Localisation: Gironde. Responsable: Aodhfin Eoghan, [email protected] Sequana Localisation : Bourgogne et Île-de-France. Responsable : Deruos, [email protected] page 68