Tourisme fluvial Sur les canaux, l`Ill ou le Rhin, la plaisance a le vent

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Tourisme fluvial Sur les canaux, l`Ill ou le Rhin, la plaisance a le vent
Région
DEF
SAMEDI
AVRIL 2014
MARDI 326
JANVIER
2012 36
32
Tourisme fluvial Sur les canaux, l’Ill
ou le Rhin, la plaisance a le vent en poupe
Alors que le tourisme
fluvial se développe,
notamment du fait
de la multiplication des
offres de location de
bateaux sans permis,
embarquement sur le
canal de la Marne-auRhin, entre Hochfelden
et Strasbourg.
Face aux éléments naturels, la
modestie s’impose en toutes circonstances. Aussi, à l’heure de
louer un bateau pour deux jours
de bonheur paisible en famille au
fil de l’eau, sur le canal de la
Marne-au-Rhin, veillez à choisir
la bonne embarcation. Celle-ci ne
doit être ni trop grande, ni trop
petite, en fonction de l’expérience
du capitaine et de la qualité de
l’équipage. C’est le deuxième élément : choisissez bien vos équipiers ou, à défaut, partez seul ou
en couple. Mais n’oubliez jamais
que les écluses sont un passage
obligé, sans difficulté insurmontable mais d’une étroitesse étonnante quand vous avez opté pour
un bateau de gamme Tarpon 42N
qui approche les 14 m de long.
Avantage : vous tenez à dix, voire
à douze si vous transformez le
carré en chambre à coucher. Inconvénient : les bouées ne sont
pas de trop au passage des écluses avec un bateau qui met une
bonne vingtaine de secondes
pour réagir au coup de barre que
vous venez de donner. Dans ces
circonstances, le capitaine improvisé comprend la détresse et la
solitude qui doivent assaillir le
pilote d’un pétrolier s’échouant
sur une plage de Bretagne…
Bref, à Hochfelden, au départ de
la base des Canalous, premier
constructeur loueur de bateaux
fluviaux français, Stéphane assure au capitaine du week-end une
rapide initiation. Sous sa gouverne, un aller-retour de quelques
centaines de mètres, avec demitour au milieu du canal, est une
partie de plaisir. De toute façon, si
l’on se plante, le pro est à côté
pour vous dire que vous avez
tourné la barre du mauvais côté
au moment de faire demi-tour.
Voilà, plein de confiance, l’heure
du départ qui sonne. Direction
Strasbourg. Il est 13 h et, en théorie, cinq heures plus tard, nous
avons prévu d’accoster dans la
capitale de l’Europe, à une trentaine de kilomètres. Passé les premières minutes, la confiance
gagne le capitaine tandis que la
petite famille prend ses quartiers.
Le soleil brille fort, et c’est là
qu’on se dit que la casquette
n’aurait pas été de trop. C’est surtout une vie hors du temps qui
commence, en pleine nature. Les
paysages défilent au ralenti alors
qu’une heure plus tôt, sur l’autoroute, notre vitesse était 20 fois
plus élevée. Non, décidément, la
vie est un long fleuve tranquille à
la barre d’un tel bateau.
La première écluse approche et
hop !, personne ne remarque que
le sens descendant et l’absence de
vent sont nos plus précieux alliés.
Grisante, cette impression d’être
en phase avec la nature…
Vue d’un bateau, la face
cachée de Strasbourg
S’il faut bien déranger quelques
pêcheurs pour s’amarrer le
temps de déjeuner, la voie (d’eau)
vers Strasbourg est dégagée. Chaque passage d’écluse attire les familles qui s’extasient devant ce
simple jeu de vases communicants qui nous permet de poursuivre l’aventure.
Sauf qu’une écluse, c’est bien
seulement quand ça fonctionne.
À l’instar de des Canalous au départ de Hochfelden, l’Alsace compte six sociétés de location de bateaux
sans permis. Des embarcations qui, en famille ou entre amis, le temps d’un week-end ou durant
les vacances, permettent un dépaysement total.
DR
Plaisance : plus de 20 000 bateaux
Au-delà des 765 000 personnes qui, l’an passé, ont
découvert Strasbourg en
bateau promenade (première activité touristique de la
région), le trafic de plaisance en Alsace est estimé
à 25 000 bateaux, chiffre
imprécis du fait de l’interruption du trafic, depuis
juillet et jusqu’au 2 mai, sur
le canal de la Marne-au-Rhin
à hauteur du plan incliné
de Saint-Louis Arzviller.
En 2013, 9 216 bateaux de plaisance ont été répertoriés en
transit sur l’Ill, 4 302 sur le
Rhin, 2 996 sur le canal de la
Marne-au-Rhin (8 500 en année pleine avec l’accident ayant
entraîné la fermeture du plan
incliné), 2 411 sur celui de la
Sarre, 2870 sur celui du Rhôneau-Rhin (1 441 sur la branche
Nord, 908 sur le canal de Colmar et 521 sur la branche Sud).
« L’Alsace fait partie des premiers
bassins de navigation touristiques. Dès 1985, sont apparues les
premières bases de location de bateaux », souligne Jean-Laurent
Kistler, responsable développement à la direction territoriale
de Strasbourg de Voies Navigables de France (VNF).
VNF Strasbourg, qui compte
450 agents intervenant sur
490 km de voies navigables réparties sur cinq départements
(Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle, Territoire de Belfort et Haute-Saône), est d’ailleurs fortement impliquée dans les
projets de développement du
tourisme fluvial avec, pour corollaire, l’aménagement du territoire. C’est ainsi que VNF a
piloté le schéma d’aménagement du canal de la Marne-auRhin en 2012 ou encore participé à l’étude menée par la Cus
pour la faisabilité d’un port de
plaisance à Strasbourg.
Dans le bassin du Rhin, le tourisme fluvial se décline sous
quatre formes : plaisance privée ; location de bateaux ; péniches-hôtels et paquebots fluviaux. Tandis que le plan
incliné de Saint-Louis Arzviller
accueille 100 000 visiteurs à
l’année, pas moins de six sociétés de location exploitant une
flotte de 165 bateaux sont recensées en Alsace. La région
compte aussi huit sociétés de
bateaux à passagers ou hôtels
(avec ou sans restaurant) exploitant une flotte de 17 bateaux, une société de paquebots
fluviaux (CroisiEurope) exploitant une flotte de 17 bateaux en
Alsace et 13 autres en Europe…
Tout va bien : l’écluse qui doit permettre de quitter Strasbourg ne s’ouvre pas. Mais à part ces incidents
sans gravité, la découverte de l’Alsace en bateau vaut le coup.
Photo L. B.
Sinon, obligation de descendre
du bateau, d’aller à l’interphone et
de faire appel à un agent d’astreinte de Voies Navigables de
France (VNF). À l’aller comme au
retour, il nous faut composer avec
une écluse refusant de s’ouvrir.
Contretemps fâcheux, surtout
quand on ne parvient pas à perdre de vue cette satanée montre.
Laquelle vous rappelle sans cesse
qu’une écluse est infranchissable
à compter de 19 h et jusqu’au
lendemain matin, que vous soyez
ou non arrivé à bon port… Ce que
nous ferons finalement.
À l’arrivée, vue d’un bateau, la
capitale alsacienne offre un panorama très particulier. Pas étonnant que les bateaux promenade
de Strasbourg, qui accueillent
plus de 700 000 passagers par an,
soit la première attraction touristique de la région. Sur notre bateau Canalou, c’est un Palais de
l’Europe inédit qui s’érige devant
nous, alors que nous remontons
tranquillement en direction du
Rhin. Celui-ci étant interdit aux
noliseurs, ces plaisanciers sans
permis navigant sur des bateaux
de location (également appelés
coches d’eau), nous continuons
sur l’Ill, croisant d’imposants navires de croisière venus du Rhin.
La halte nautique apparaît alors
sur notre droite – à tribord, donc.
Concrètement, il ne reste qu’une
place, laquelle convient parfaitement. Contre 21 €, nous voici à
l’abri pour la nuit et à quelques
centaines de mètres de la station
Churchill qui, en tramway, nous
amènera dîner au pied de la cathédrale.
Après une nuit calme, seulement
perturbée quelques secondes par
le retour au bercail du dernier
Batorama sur les coups de 23 h,
Strasbourg se réveille doucement
tandis que nous larguons les
amarres en sens inverse. Là encore, les bateaux de croisière venant
du Rhin sont nombreux tandis
que les berges de l’Ill accueillent
un important trafic de joggeurs et
de cyclistes du dimanche.
Le retour est plus compliqué que
la veille en raison du sens ascen-
dant et d’un vent de trois-quarts
qui rend les manœuvres délicates à l’entrée et à la sortie des
écluses. C’est là que le capitaine
se dit qu’il aurait mieux fait
d’écouter plus attentivement les
explications données par Stéphane lors de l’initiation… Mais ces
petites difficultés s’estompent vite dans la quiétude environnante.
L’expérience est donc plus que
concluante. On comprend mieux
alors comment et pourquoi le
tourisme fluvial est en vogue en
Alsace.
Textes : Laurent Bodin
Quel coût ?
Les coûts varient selon la durée de location, la période saisonnière et, bien sûr, la taille
du bateau. Hors promotions
et réductions, les prix chez
Canalous s’étendent de 395 €
pour un week-end à 3 450 €
par semaine l’été.
FSURFER
www.canalous-alsace.com
Passion partagée à Neuf-Brisach
Antilles l’hiver.
Des petits hors-bord ou puissants
bateaux de belle taille, en passant
par les péniches et le nolisage
(nom donné à la navigation de
bateaux de location sans permis),
Claude s’intéresse à tout ce qui
navigue : « Les noliseurs n’ont pas
le droit de naviguer sur le Rhin mais
par principe, ils ne nous dérangent
pas du tout. Pour rigoler, le temps
d’un week-end, et découvrir la plaisance, c’est super ! », estime Claude, insatiable sur les règles de
« libre » navigation sur le Rhin
édictées par la convention de
Mannheim en 1868 et complétées par le Traité de Versailles.
À Neuf-Brisach,
l’association Rhin
Nautisme rassemble
200 plaisanciers.
Entre sorties loisirs
et formations, l’agenda
du club est bien rempli.
Sérieux et bonne humeur n’étant
pas antinomiques, ça plaisante
dur sur les pontons du port de
plaisance de Neuf-Brisach.
Claude Issenmann n’est d’ailleurs jamais le dernier, lui qui a la
responsabilité de la formation
dispensée à Rhin Passion, l’association de tourisme fluvial qui
compte 200 membres. Dont
beaucoup ont décroché, qui le
permis fluvial, qui le permis hauturier, qui le permis péniche,
sous l’égide de Claude, capitaine
de navigation hors pair.
Au fait, pourquoi la plaisance a-telle ainsi le vent en poupe actuellement ? « Certains des adhérents
viennent seulement pour passer le
permis puis voler de leurs propres
ailes, mais ce qui plaît c’est à la fois
la liberté offerte par l’activité et, en
même temps, le partage d’une passion », raconte Claude Issen-
« La plaisance
s’est démocratisée »
Claude Issenmann à la barre du bateau école de Rhin Nautisme
à Neuf-Brisach : « La plaisance, c’est avant tout la liberté. »
Photo Darek Szuster
mann, pour qui « l’esprit d’équipe
compte dans l’association ». « Cela
passe par de nombreuses sorties en
commun, notamment lorsque les
membres viennent d’obtenir leur bateau. Une balade à 15 ou 20 bateaux, c’est génial ! C’est aussi une
occasion d’apprendre à passer les
écluses, non obligatoire dans les formations, mais pas si simples quand
on débute », explique le formateur. Lequel navigue toute l’année, sur le Rhin au printemps et à
l’automne, en Croatie l’été et aux
« Ce que nous demandons, nous,
association Rhin Nautisme, c’est
l’ouverture du canal entre Kunheim
et Neuf-Brisach, et la réhabilitation
du port de Neuf-Brisach », indique
Claude Issenmann pour qui « la
plaisance s’est démocratisée ».
« C’est moins cher que par le passé.
On trouve d’abord de beaux bateaux pour 3 000 ou 4 000 €. Ensuite, c’est une branche qui embauche », conclut le capitaine de
navigation.

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