La religion des Perses Hérodote, Histoires ( ), I, 131 s.

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La religion des Perses Hérodote, Histoires ( ), I, 131 s.
La religion des Perses
Hérodote, Histoires
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[1] Les Perses ont, je le sais, les coutumes suivantes!: ils n’élèvent aux dieux ni statues, ni
temples, ni autels et traitent d’insensés ceux qui leur en élèvent! ; c’est, je pense, qu’ils n’ont
jamais attribué de forme humaine à leurs dieux, comme le font les Grecs.
Dans cette section, Hérodote présente quelques éléments de la civilisation
perse!: institution, mode de vie, coutumes.
Il commence par la religion!: panthéon, croyance, usages du culte.
Comme pour d’autres sujets (cf. texte sur les Scythes), les informations sont
données de manière très «!impersonnelle!»!: l’expression )*'% n’implique pas un
point de vue subjectif ou un jugement, mais exprime les limites rencontrées par
Hérodote dans la collecte des documents (entretien avec des membres du
clergé perse, avec les servitudes de la traduction).
[1] Les Perses ont, je le sais, les coutumes suivantes!: ils n’élèvent aux dieux ni statues, ni
temples, ni autels et traitent d’insensés ceux qui leur en élèvent! ; c’est, je pense, qu’ils n’ont
jamais attribué de forme humaine à leurs dieux, comme le font les Grecs.
L’affirmation selon laquelle les Perses n’ont pas de
statues ou de temples doit être nuancée.
Hérodote rapporte en fait ici la doctrine ou
conception officielle de la religion. La pratique est
tout autre.
En fait, la civilisation perse, même à l’époque achéménide, connaissait des lieux de cultes (temples),
où était maintenu le feu sacré.
[1] Les Perses ont, je le sais, les coutumes suivantes!: ils n’élèvent aux dieux ni statues, ni
temples, ni autels et traitent d’insensés ceux qui leur en élèvent! ; c’est, je pense, qu’ils n’ont
jamais attribué de forme humaine à leurs dieux, comme le font les Grecs.
L’Empire perse connaît plusieurs religions, sur
lesquelles nous sommes très mal renseignés. La
doctrine originale la plus ancienne est celle de
Zara"u#tra (Zoroastre) qui devient le mazdéisme,
religion des adorateurs du feu.
Le feu faisait l’objet d’un culte propre (on l’éteignait à
la mort du Grand roi). Dinon, au IVe s. ajoute C0L+
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Certains bâtiment du site de Nakhsh-I-Rustem
(photos) sont interprétés comme étant des temples
ou autels du feu de grande taille
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[2]!Ils ont coutume d’offrir des sacrifices à Zeus au sommet des montagnes les plus élevées —
ils donnent le nom de Zeus à toute l’étendue de la voûte céleste. Ils sacrifient encore au Soleil, à
la Lune, à la Terre, au Feu, à l’Eau et aux Vents!:
Ahura Mazda («!Seigneur Sage!») est le dieu
suprême du zoroastrisme-mazdéisme et est
assimilé par Hérodote et les Grecs en
général à Zeus.
Les autres éléments de la nature (soleil,
lune, feu…) étaient aussi des dieux ayant
chacun un nom.
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[3]!ce sont les seuls dieux auxquels ils aient de tout temps sacrifié!; mais ils ont appris des
Assyriens et des Arabes à sacrifier aussi à l’Aphrodite Céleste!: cette déesse se nomme chez les
Assyriens Mylitta, chez les Arabes Alilat, chez les Perses Mitra.
Quelques confusions dans le panthéon mazdéen!: .\
_=#%+F[ CB0-+!: Ourania («!Céleste!») est en effet un
des noms d’Aphrodite. Mithra (Mi"ra) n’a rien à voir
avec Aphrodite! : il s’agit du dieu des contrats, de
l’amitié, lié en même temps au soleil, avec lequel il est
finalement identifié.
Ce dieu avec connu un culte important dans l’Empire
romain, au même titre que d’autres divinités
exotiques, venues d’Asie. La forme en -a fait
qu’Hérodote l’interprète comme féminin.
Mithra
[3]!ce sont les seuls dieux auxquels ils aient de tout temps sacrifié!; mais ils ont appris des
Assyriens et des Arabes à sacrifier aussi à l’Aphrodite Céleste!: cette déesse se nomme chez les
Assyriens Mylitta, chez les Arabes Alilat, chez les Perses Mitra.
La déesse de la fécondité et des eaux, l’équivalent
d’Aphrodite, Artémis ou Cybèle, s’appelait en fait
Anahita («! Sans tache! »), particulièrement adorée en
Arménie.
Ce passage nous renseigne sur le fait que les Perses, à la
tête d’un Empire multinational, empruntaient facilement
aux panthéons non iraniens.
Aphrodite est une divinité proche de ses homologues
babylonien (Mylitta), assyrien (Ishtar) et phénicien
(Astarte).
Alilat doit être interprété comme un nom commun
(arabe al-ilat «!la déesse!»)
Anahita
CXXXII. [1] b3$F: '( .)/$- !"#$[$- @0#9 .);& 0c#:µ"+)3& C0);& d'0 8%."$.:80K
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CXXXII [1]! Voici comment les Perses sacrifient aux divinités indiquées ci-dessus. Ils
n’élèvent pas d’autels et n’allument pas de feu pour leurs sacrifices! ; ils n’emploient ni
libations, ni flûte, ni bandelettes, ni grains d’orge. Qui veut sacrifier à l’un de ces dieux,
conduit la victime dans un lieu pur et invoque le dieu, après avoir posé sur sa tiare une
couronne, faite de myrte en général.
Présentation du rite sacrificiel (pratique
religieuse la plus importante pour les
Anciens)! : Hérodote a certainement eu
l’occasion de voir un vrai sacrifice et
nous offre un témoignage direct.
Plusieurs siècles plus tard, reprenant
Hérodote, Strabon nous donne un
descriptif plus détaillé (Arménie).
Remarquons qu’il commence par dire ce que n’est pas le sacrifice perse (à
parir des éléments du rite grec)! : il oriente sa description par rapport à la
curiosité et la culture de son public. Ces éléments familiers pour l’époque nous
fournissent un rapide résumé de ce qu’était un sacrifice grec.
CXXXII [1]! Voici comment les Perses sacrifient aux divinités indiquées ci-dessus. Ils
n’élèvent pas d’autels et n’allument pas de feu pour leurs sacrifices! ; ils n’emploient ni
libations, ni flûte, ni bandelettes, ni grains d’orge. Qui veut sacrifier à l’un de ces dieux,
conduit la victime dans un lieu pur et invoque le dieu, après avoir posé sur sa tiare une
couronne, faite de myrte en général.
Nous avons vu que les Perses pouvaient
utiliser des autels.
Feu! : De même, ils allumaient un feu de
bois.
Libation! : On répandait non pas du vin,
mais de l’eau sacrée (zaothra), dans les deux
cas, comme acte de purification. Les libations
dans le monde grec pouvaient aussi être de
lait ou de miel (offrandes).
Grains d’orge! : on les faisait griller avant de les répandre sur la tête de la
victime. Ces céréales accompagnent la viande de la victime, brûlée, comme le
pain le repas consommé par les hommes.
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[2]! Il ne lui est pas permis, au cours du sacrifice, d’invoquer la protection divine pour lui
seul!: il prie pour la prospérité de tous les Perses et celle du roi, car il est lui-même compris
dans leur nombre. Quand il a découpé la victime et fait cuire les chairs, il prépare un lit
d’herbe la plus tendre, du trèfle en général, sur lequel il dépose toutes les viandes!;
L’exemple de sacrifice pris par Hérodote ne correspond pas à un rite officiel,
pratiqué au non de l’État, mais bien à une initiative personnelle.
La pratique religieuse nous est présentée comme l’acte d’un individu pour le
bien commun. Si l’on fait le rapprochement avec d’autres pratiques religieuses,
cela revient à dire que l’on n’invoque pas (prière) les divinités à titre privé dans
la société perse.
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[3] il les étale soigneusement, puis un Mage debout près de lui chante une théogonie (tel est,
disent-ils, le sens de leur chant)!; sans Mage, ils n’ont pas le droit de faire de sacrifices. L’on
attend un moment!; ensuite l’homme qui a offert le sacrifice emporte les viandes et en dispose à
son gré.
Les Mages!(vieux-perse!: maku!) sont une tribu mède,
liée au pouvoir achéménide et constituant une caste de
prêtres. Leurs fonctions sacerdotales sont variées, allant
de l’interprétation des songes, des rôles de conseillers,
éducateurs à la déclamation de textes sacrés (hymnes
théogoniques).
La théogonie en question, qu’Hérodote a certainement
entendu chanter par le Mage sans la comprendre, n’a
rien à voir avec l’œuvre d’Hésiode. Selon certains
spécialistes du monde perse, il peut s’agir d’hymnes
invoquant Ahura-Mazda comme chef des esprits.
Mage portant le barsom, constitué
de branches de grenadier ou de
tamaris, employé dans le cule à
Ahura-Mazda