histoire et perspectives les origines historiques de la logistique

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histoire et perspectives les origines historiques de la logistique
LA LOGISTIQUE :
HISTOIRE ET PERSPECTIVES
Jacques COLIN·
Professeur en sciences de gestion
Université de la Méditerranée (Aix-Marseille Il),
Directeur du CRET-LOG
(Centre de REcherche sur le Transport et la LOGistique)
Cette communication a été présentée lors de la Deuxième rencontre de logistique ARFILOG, Université Blaise
Pascal de Clermont-Ferrand à Montluçon, 25-26 mars 1996
LES ORIGINES HISTORIQUES
Trop souvent la logistique est présentée
comme un enselnble de savoirfaire techniques, disparates et dépourvus d'identité,
qui se consacrent à des améliorations partielles de processus, sans avoir véritablement prise sur eux: dans ce texte, l'auteur
souhaite infléchir cette vision en mettant
l'accent sur les origines de la logistique et
sur les dynamiques qui sont les siennes.
DE LA LOGISTIQUE
Une situation logistique très
moderne: l'organisation de
la marine de guerre française
au XVIII ème siècle
Des faiblesses structurelles certaines
Confrontée à la puissance navale britannique, la Marine royale française souffrait de
handicaps stratégiques majeurs, qu'elle a
réussi à compenser par étapes entre la fin
du XVII ème siècle et la fin du XVIII ème
siècle, au prix d'un gigantesque effort financier et logistique, pour finalement devenir l'acteur décisif d'une guerre qui
s'acheva par le Traité de Versailles (1783),
acte fondateur des Etats-Unis d'Amérique.
Un budget chroniquement insuffisant
Le budget consacré par la France aux dépenses militaires (1) était partagé en trois
fractions: dépenses affectées aux fortifi-
(1) En 1788 le budget français
(629 millions de livres de dépenses
pour 503 millions de recettes) est
consacré à hauteur de 26% (165
millions) aux dépenses militaires et
à hauteur de plus de 50%
(318 millions) au service de la
dette. J. MEYER. M. ACERRA.
"Histoire de la Marine Française"
-Ed. Ouest France- Rennes 1994
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 nO 2 - 1996
-----------------------&dlIII
(2) J. MEYER, M. ACERRA. OP.
CfT. pour la seule année 1778, au
début du conflit, les crédits
accordés à la Marine s'élevait à 74
millions de livres ( in
TAILLEMfTE, "L'histoire ignorée
de la marinefrançaise", Ed.
PERR1N, Paris 1988)
(3) La Marine française,
confrontée de façon pe rmanente à
des difficultés budgétaires liées à
l'immensité de ses dépenses et aux
fluctuations des ressources qui lui
étaient allouées au gré des
priorités stratégiques du pays (pas
forcément maritimes) était réputée
très mauvais payeur
(4) La capitulation de Yorktown, en
1781, fut l'événement décisilqui
scella la délaite anglaise. Ellelut
obtenue grâce à l'action de
l'Amiral de Grasse, qui empêcha la
flotte britannique de débarquer une
armée envoyée au secours du
général anglais Cornwallis,
enfermé dans Yorktown
cations des frontières terrestres et maritimes de la France; dépenses destinées à équiper une armée de terre pour faire face aux
adversaires continentaux; dépenses attribuées à l'équipement et à l'entretien d'une
flotte de guerre, elle même scindée en une
flotte du Ponant (5 escadres à Brest, 2 escadres à Rochefort) et une flotte du Levant (2 escadres à Toulon). Au contraire,
la Grande Bretagne, qui a toujours refusé
de fortifier ses côtes (sauf Jersey) et qui a
toujours entretenu une armée de terre au
format réduit, pouvait consacrer l'essentiel
de ses ressources budgétaires à la marine
de guerre. Elle disposait donc d'une large
supériorité numérique sur sa rivale française (en gros le double de la puissance
française, car elle pouvait mobiliser deux
fois plus de "gens de mer").
L'effort financier de la France fut colossal
de 1777 à 1782, l'activité de la Marine a
consommé 730 millions de livres (contre
532 millions pour l'armée de terre) et en
17891es dettes de la Marine s'élevait à 400
millions de livres (2) ce qui ne fut pas étranger à la crise que connut l'ancien régime...
Une grave pénurie de "munitions navales"
à importer de très loin
(5) CFANNEXEf
(6) Une flotte ne peut-être maintenue
prête à l'action en toutes
circonstances: cela coûterait
extrèmement cher et les pertes
seraient énormes (risques de
détérioration rapide des vaisseaux
et de pourissement des cordages,
des voiles, des approvisionnements.. ). D'ailleurs, les équipages
n'étaient pas permanents - Les
navires étaient donc construits à
l'avance, mais désarmés dans les
arsenaux, quelques autres étaient
en cours de construction. En 1788,
le "compte général des dépenses
ordinaires de la marine et des
colonies" précise: "Dans le
nombre de 81 vaisseaux de ligne,
63 seulement doivent être tenus en
état de tenir la mer au premier
ordre, et les ports doivent être
pourvus de bois, disposés et taillés,
de mâture, de chanvre, etc... , pour
qu'en cas de guerre, les 18
vaisseaux de surplus puissent être
construits avec promptitude et
ajoutés successivement à l'armée
navale. Le même plan est ordonné
pour les frégates et les corvettes".
ln J.MEYER, M. ACERRA, op. cit.
Une telle flotte représentait plus de
8000 canons ...
(7)L' arsenal de Brest regroupe
jusqu'à 10000 ouvriers au plus fort
de la guerre d'indépendance. etc....
De très nombreuses "munitions navales"
(cuivre, bois de mature, goudron, chanvre,
etc...) faisaient défaut à la France, qui devait les importer, essentiellement des pays
riverains de la mer Baltique. La Grande
Bretagne était bien sûr dans une situation
comparable, mais sa puissance et la régularité de ses budgets maritimes (3) lui permettait de se porter acquéreur des meilleurs
approvisionnements. Par ailleurs, en cas de
conflit, forte de sa supériorité, elle pouvait
bloquer facilement les détroits et intercepter les lignes d'approvisionnement des français, avant d'organiser le blocus de leurs
ports...
Les atouts "construits" de la Marine française
C'est au prix d'un effort industriel et logistique réparti sur un siècle que la Marine
française a su et pu transformer ses lourdes
faiblesses en autant de forces, qui lui permirent de jouer le rôle qui fut le sien pen-
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vo14 n° 2 - 1996
dant la guerre d'Indépendance américaine,
en gênant les mouvements de l'adversaire
britannique (4) .
La construction d'un réseau d'arsenaux
d'Etat
Des arsenaux furent agrandis et modernisés (Brest, Toulon), d'autres furent créés de
toutes pièces (Rochefort en 1666; Lorient
en 1666 par la Compagnie des Indes et repris par l'Etat en 1782; Cherbourg à partir
de 1686, mais surtout sous le règne de Louis
XVI). Ces arsenaux avaient dellX fonctions
essentielles (5)
• permettre de stocker dans des entrepôts
ou des fosses de conservation, en fonction
de besoins ultérieurs, toutes sortes de "munitions navales" (bois, goudron, chanvre,
mâts, ancres, canons, nourriture, etc...) acquises à l'avance en période budgétaire
faste, souvent en temps de paix. Mieux encore, les ingénieurs constructeurs des arsenaux parcouraient les forêts françaises et
"martelaient" (marquage au fer rouge) les
arbres propres à la construction navale (cf
figure I).
On retrouve là l'aptitude à l'anticipation,
caractéristique des préoccupations logistiques actuelles.
• permettre d'assurer la montée en puissance très rapide d'une flotte de guerre
construite, mais désarmée et "mise sous
cocon" dans les arsenaux sous la forme d'un
abandon organisé (6) en s'appuyant sur
l'immensité des ressources accumulées
dans les arsenaux (en matériel en pièces
détachées et en hommes de métier) (7).
Parallèlement, le système bureaucratique
des classes mobilisait les gens de mer dûment répertoriés (marins de commerce,
pêcheurs) nécessaires à la constitution des
équipages des navires de guerre. Ceci correspond au concept de réactivité.
Il est remarquable d'observer que les anglais, forts de leur supériorité, n'avaient pas
développé à une telle échelle les arsenaux
d'Etat: ils faisaient largement confiance à
des constructeurs privés, qui, bien sûr, ne
procédaient à des acquisitions de matières
premières qu'au dernier moment et construisaient des navires hétérogènes d'un
Fig 1 : les stocks de bois charpente"sur pied"
Source: "Encyclopédie Méthodique Marine", Panckoucke, Paris, 1783, tome de planches
chantier à l'autre, et donc aux performances inégales(8). Le résultat semble en être
que la montée en puissance de la flotte britannique se révéla plus lente que celle de la
flotte française. Celle-ci se trouva donc dans
une situation d'équilibre relatif des forces
réelles, malgré son infériorité théorique:
mais toute guerre prolongée jouait en faveur de l'Angleterre.
La construction d'infrastructures de
transport
Des infrastructures de transport de très
grande ampleur furent édifiées, qui permettaient le transport des munitions navales
sans crainte de les voir interceptées par les
forces anglaises, qui n'auraient pas manqué de le faire en cas d'acheminement maritime, compte tenu de leur supériorité en
tout début de conflit (9). Le Port de Sète et
le Canal du Midi (le plus grand chantier de
son époque) furent construits sous Louis
XIV et rendirent possible le transfert sans
risque sur la façade atlantique des munitions navales originaires de la Méditerranée ou importées d'Europe Orientale et
Nordique par la Route du Sud (bassin de la
Volga, mer Noire, mer Méditerranée) (cf
figure 2). Plus tard, sous le Premier Empire, on entreprit la construction d'un canal entre Nantes et Brest, pour garantir l' approvisionnement de l'arsenal de Brest,
même en cas de blocus anglais.
Un tel effort permit d'assumer en toutes
circonstances la continuité et la fiabilité
du ravitaillement des arsenaux: ce sont là
deux concepts clés de la logistique.
LOGISTIQUE
&
(8)Dans une action navale du
XVIII ème siècle, le navire le plus
lent d'une flotte
réglait la marche de cette flotte.
(9)Les anglais ont toujours
manifesté une prédilection pour
localiser leurs bases navales dans
les détroits (Gibraltar à partir de
1704; Malte entre 1800 et 1962;
Singapour entre 1819 et 1959;
Aden de 1839 à 1967) ou dans des
iles (Heligoland de 1807 il 1890,
Minorque de 1708 à 1802 avec
quelques interruptions, les Iles
Malouines depuis 1832 etc... )
MANAGEMENT
vol 4 n° 2 - 1996
utilisent des éléments (de charpente, de
mâture, de voilure, de manoeuvre) et des
équipemenJs (canons, ancres, etc...) identiques et donc largement interchangeables.
Cette conception très moderne, qui préfigure les préconisations de la logistique contemporaine, présentait de multiples avantages:
fig 2 : Les arsenaux européens (XVllè et XVlllè siècles)
in "la grande époque de la marine à voile", M Accerra, J. Meyer,
ed. Ouest France, 1987
La standardisation très poussée des vaisseaux
Un intense effort de standardisation des
navires fut poursuivi tout au long du XVIII
ème siècle. Il aboutit, à la toute fin du siècle, sous l'impulsion de GROIGNARD,
BORDA et SANE, à seulement trois types
de vaisseaux (118 canons, 80 canons, 74
canons) et à deux types de frégates. Ces
navires, construits en série par les arsenaux
royaux sur des plans semblables permirent
d'obtenir non seulement une flotte homogène, mais aussi une flotte dont les navires
- les techniques de construction normées et
stabilisées réduisaient considérablement les
délais et les coûts de la construction comme
de la remise en état des navires
-la disponibilité de pièces interchangeables
réduisait également ces délais et ces coûts.
-la normalisation des pièces, qui correspondait à de véritables nomenclatures, permettait une interchangeabilité qui autorisait à
son tour la possibilité de mobiliser des ressources pour équiper très rapidement tel ou
tel type de navire, selon les besoins du moment. Ceci conférait à l'outil industriel et
logistique qu'était l'arsenal du XVIII ème
siècle une très grande flexibilité.
- chaque type de navire étant précisément
défini, ses besojus en main d'oeuvre de
construction (cf figure 3) comme en fournitures (cf figure 4) étaient connus. Il était
donc aisé de constituer à l'avance les ressources en hommes et en matériels nécessaires à la montée en puissance envisagée,
voire planifiée: l'aptitude à la prévision
avait pour corollaire la stabilisation de la
qualité des vaisseaux construits.
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fig 3 : Les corps de métiers dans la construction navale
"Encyclopédie Méthodique Marine", op. dt.
LOGISTIQUE
&
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vo14 nO 2 - 1996
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fig 4 : nomencalture des pièces nécessaires à la construction navale
in"Encyclopédie Méthodique Marine", op.cit.
- toute l'efficience (les coûts) et l'efficacité (les délais, les quantités produites) de
l'arsenal reposaient sur la rigueur de l'organisation des ateliers et sur la fluidité de
la circulation des matières entre ces différents ateliers, magasins de stockage et cales de construction (cf annexe 2).
L'analyse de l'intense effort de la Marine
française du XVIII ème siècle nous a permis de mettre en évidence les principaux
concepts qui sont à la base de la démarche
logistique actuelle. Elle appelle également
une question que nous ne traitons pas ici:
pourquoi ces conceptions industrielles et
logistiques très modernes ont-elles été ensuite occultées jusqu'au milieu du XXème
siècle?(1 0). Nous voudrions maintenant observer les approches logistiques explicites
qui ont été formulées dans le domaine de
la stratégie (militaire),
Les approches stratégiques
de la logistique
Le "Précis de l'Art de la guerre" de
JOMINI (1837)
A.J. JOMINI, Général d'empire d'origine
suisse au service de NAPOLEON 1er, passé
au service du Tsar de toutes les Russies
NICOLAS 1er fût le premier à expliciter le
rôle de la logistique dans la conduite d' opérations militaires ("Précis de l'Art ,de la
Guerre", publié en 1837, après quelques
versions provisoires)(11).
Pour JOMINI, la logistique n'est pas moins
que la quatrième des "six parties" de l'Art
de la guerre, après la "politique", la "stratégie" et la "grande tactique des batailles"
et avant "l'art de l'ingénieur" et la "tacti-
(10) Un début de réponse
cependant, La marine du XVIlI
représente l'apogée d'un i>ystème
technique stable qui fut bouleversé
au début du XIX ème siècle par une
série d'innovations: la machine cl
vapeur, la construction de navires
en fer, le canon rayé. Tout navire
construit devenait obsolète le jour
même de son lancement...
(Il) Edition définitive en 1855 aux
éditions Ch. TANARRA cl Paris,
récemment réeditée aux édition
IVREA, Parisl994
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol4 n° 2 - 1996
que de détail".
Dans un premier temps, JOMINI envisage
la logistique ou "l'application pratique de
l'art de mouvoir les armées" comme un
point de vue secondaire, avant de lui assigner des ambitions beaucoup plus larges.
Nous préférons lui céder la place et inviter
le lecteur à se reporter à l'article 41 de son
précis (cf Annexe 3).
D'emblée, JOMINI pose le problème que
se posent encore aujourd'hui de très nombreux chercheurs et professionnels qui s'intéressent à la logistique, civile ou militaire
: la logistique est-elle une "science du détail", faite de considérations subalternes et
de rationalisations aussi parcellaires que
disparates ou est elle une "science générale et des plus essentielles"? La vision qu'a
JOMINI de la logistique, et particulièrement de son statut, peut-être transposée sur
le terrain des entreprises. Issue de la recherche d'optimisations de détail (cf la 10 gistique opérationnelle dédiée à la manutention,
au transport et à l'entreposage), la logistique devient une composante de la science
des états-majors (cf la logistique fonctionnelle: élaborer, organiser et gérer des processus) pour peut-être s' autonomiser et
devenir une "science nouvelle", qui ne serait pas celle des états majors mais celle des
génér~ux en chef (cf la direction générale
qui définit des stratégies, dont logistiques).
Les opérations militaires de la seconde
guerre mondiale
(12) Ceci conflrme l'intuition de
lOMINI: la logistique est l'affaire
, au moins, du Chefd'Etat Major.
L'échec stratégique des allemands, dans
leurs velléités d'invasion de la Grande Bretagne en juillet 1940, nous semble devoir
être très largement lié à l'état d' impréparation de l'armée allemande dans l'organisation et la conduite d'une opération de débarquement de grande ampleur et de vive
force. Pourtant, la situation des britanniques
était alors tragique: seul pays à faire face à
la toute puissance allemande, l'Angleterre,
très démoralisée avait perdu son armement
lourd au cours de la Bataille de France
(seuls les hommes avaient pu réembarquer
à Dunkerque); ses côtes, non fortifiées,
étaient faiblement défendues par des troupes dépourvues de matériel lourd; ses plages du Sud (face au Continent) étaient sous
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 nO 2 - 1996
le feu des canons à longue porté allemand
installés au Cap Gris Nez et son aviation de
chasse et surtout de bombardement était
largement surclassée par l'aviation allemande. Seule la Marine Britannique, l'ultime bouclier, aurait pu s'opposer à une
invasion franchissant le Pas de Calais, mais
elle aurait dû le faire face à une flotte allemande, petite mais très moderne, appuyée
par l'aviation d'assaut et l'artillerie côtière
allemandes: la pire situation pour une flotte
de guerre.
Les allemands, quant à eux, dopés par leurs
victoires successives et rapides, avaient
commencé à concentrer une .flotte d'invasion, formée d'environ 2000 navires
réquisitionnnés dans les pays qu'ils contrôlaient, et à embarquer une armée d'invasion.
Si celle-ci ne prit jamais la mer, la raison
principale pourrait bien n'être que (?) logistique : comment débarquer sur une plage
la supériorité militaire écrasante des allemands, en hommes comme en matériels,
avec des navires conventionnels tributaires
de ports équipés et aménagés? L'impossibilité technique de débarquer, à moins de
s'emparer de ports anglais intacts, hypothèse hautement improblable, explique très
vraisemblablement l'abandon de l'opération "See-L6we" par l'Etat Major allemand
et le déclenchement de la bataille d'Angleterre, exclusivement aérienne. Faute de disposer de la logistique adéquate, les allemands durent renoncer à leur stratégie d'invasion.
Tout au contraire, le débarquement des Alliés en Normandie, réussi de justesse en juin
1944, s'explique largement par l'intense
effort de préparation logistique, engagé sous
l'impulsion de Chefd'Etat Major américain,
le général G. MARSHALL (12). Pourtant,
la situation était très difficile: malgré leur
écrasante supériorité aérienne et navale, les
alliés affrontaient une armée allemande redoutable et abritée derrière les fortifications
du Mur de l'Atlantique. Le succès du débarquement fut doublement logistique. Il
fallut d'abord briser les lignes de communication adverses et son potentiel militaire,
en attaquant systématiquement par voie aérienne ses infrastructures (gares, ponts carrefours, dépôts, etc...) et ses concentrations
de troupes, de façon à affaiblir les forces
allemandes et à en ralentir les renforts. Il
fallut ensuite déployer le matériel spécia-
lisé nécessaire à la réussite d'un débarquement de vive force sur une plage très défendue : barges d'assaut à fond plat pour
débarquer le génie d'assaut, dont la mission est de percer le Mur de l'Atlantique et
de constituer des têtes de pont; navires cargos à fond plat et à étrave ouvrante pour
débarquer directement sur la plage le matériel lourd, entièrement monté sur roues
et motorisé, destiné à s'opposer à la contre-attaque adverse; ports artificiels, construits sur une côte dépourvue de ports, et
donc plus faiblement défendue, pour accueillir les navires conventionnels nécessaires à approvisionner massivement le
champ de bataille, qui s'élargit; dérouler
sur le fond de la Manche des oléoducs pour
satisfaire l'énorme consommation de carburants d'une armée totalement mécanisée.
Dés le 6 juin, 7400 navires et engins de
débarquement, soutenus par environ 3000
navires de guerre, permirent de débarquer
150000 hommes, appuyés par 14000 hommes acheminés par avions et par planeurs.
Pendant le second trimestre 1944, les plages de Normandie, en accueillant 150 navires par jour, devinrent le plus grand port
du monde et débarquèrent 3,5 millions
d'hommes (et leur matériel) pour s' opposer à 750000 défenseurs allemands. Il semble indéniable que le succès des Alliés
puisse être largement attribué à leur écrasante supériorité matérielle, autorisée par
l'ampleur des moyens logistiques déployés.
L'anticipation par les Alliés dès 1941, de
toutes les contraintes de la future opération
"Overlord" leur permit de concevoir, puis
de construire à très grande échelle, la logistique qui accompagna leur stratégie de
reconquête et se révéla comme l'une des
composantes majeures de son succès.
LA LOGISTIQUE
D'ENTREPRISE
Les phases de
développement
Les premiers balbutiements
(années 50' et 60')
La logistique d'entreprise est apparue longtemps après la fin de la seconde guerre
mondiale et donc postérieurement à la démobilisation des spécialistes logistiques
militaires. Ceux-ci furent probablement tentés de transposer leurs savoir faire aux problèmes rencontrés par les entreprises, sans
bénéficier de la priorité budgétaire qui était
la leur durant la période du conflit. Cette
phase préparatoire à l'émergence d'une logistique d'entreprise, dominée par J'urgence des tâches de reconstruction (pour
l'Europe) ou d'aide à la reconstruction
(pour les Etats Unis)(l3), fut cependant
marquée par le développement de la recherche opérationnelle et des premières techniques d'optimisation appliquées à la résolution de problèmes de transport et d'entreposage.
La phase de démarrage
(années 70 ' en France)
En phase de démarrage, la logistique fut
avant tout une recherche d'optimisations
opérationnelles partielles et disjointes (gestion de parc, gestion de stocks, tournées de
livraison, etc...) et de rationalisation des
structures de la firme. Sa recherche d'effïcience correspondait à une démarche
productiviste classique de réduction des
coûts d'opérations, puis de diminution
drastique du nombre d'emplois et de transferts massifs d'activités vers des transporteurs et des prestataires. La quête de la fluidité, c'est à dire de la réduction des capacités nécessaires àla circulation des flux,
est la caractéristique majeure de la logistique productiviste de cette époque.
La phase de croissance
(années SO' et 90')
En phase de croissance (années 80' et 90')
la logistique change de nature et se préoc-
(l3)Le général G. MARSHALL,
auteur du plan du même nom, fut
pendant le second conflit mondial,
au titre de Chefd'Etat Major de
l'armée américaine, responsable de
la mobilisation de l'économie
américaine, et donc de la mise sur
pied de la gigantesque "machinerie" logistique américaine qui
permit de réussir le débarquement
de Normandie.
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 2 - 1996
cupe prioritairement de coordonner les différentes fonctions de l'entreprise qui concourent à la mise en circulation des flux
(retrait, service après vente, distribution,
production, achat, conception) (cffigure 5),
en procédant à leur décloisonnement. Les
préoccupations du pilotage des flux l'emportent sur celles de production des opérations de circulation des marchandises, souvent externalisées : la recherche de l' efficacité des processus logistiques passe par
la maîtrise des coûts induits de toute défaillance logistique sur les fonctions qu'elle
soutient. La réduction des niveaux de
stocks, le développement des flux tendus
dans l'approvisionnement des sites industriels puis des sites de distribution, les exigences croissantes de marchés qui se saturent et deviennent de plus en plus volatils,
désignent la logistique de service comme
la démarche qui stabilise et garantit la continuité des flux: elle s'oriente alors plus
vers ·le service rendu que vers les réductions des coûts de circulation.
La phase de maturité
(années 90' et 2000')
Parvenue en phase de maturité, la logistique privilégie désormais sa dimension
"transversalité", qui lui permet de mobiliser toutes les ressources internes (celles de
la finne) , mais surtout externes (celles de
ses partenaires), nécessaires à la mise en
oe.uvre d'une. chaîne logistique complexe,
faIte de multlples acteurs étroitement imbriqués et interdépendants les uns des
autres. La logistique devient une culture
organisationnelle de la complexité et de
l'effectivité qui, face aux risques d' entropie et de désagrégation de ses processus
confrontés aux extrêmes turbulences de
l'environnement, recherche l'adhésion· de
tous les acteurs, au delà de leurs rivalités et
antagonismes de court terme. Les systèmes
d'information et de communication logistiques prennent alors une ampleur considérable: en s'assurant de la maîtrise des
interfaces entre acteurs, ils autorisent de
multiples transactions qui conduisent à
leur intégration au sein d'un même processus.
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 nO 2 - 1996
Les mutations de
l'environnement de
l'entreprise
Mutations économiques
En France, jusqu'à la fin des années 60', le
marché était dominé par l'offre qui structurait la demande. Les marchés pouvaient
encore être qualifiés de "marchés de pénurie", ils étaient faiblement segmentés et peu
exigeants: les besoins standards pouvaient
être satisfaits par une offre encore très faiblement différenciée. L'économie de masse
produisait et écoulait sans difficulté ses productions sur un marché qui les absorbait
aussitôt.
Puis la logique s'est complètement inversée: les marchés se saturent et se segmentent, ils deviennent exigeants en termes de
service: la demande, qui peut aller jusqu'au
"sur mesure" (automobile, informatique
professionnelle, etc...) implique une offre
très diversifiée et différenciée de biens dont
l'obsolescence s'accélère. Une économie
de la singularité se développe, elle repose
de plus en plus sur une aptitude logistique
à régler et à piloter les flux d'aval (le marché) à l'amont (le processus de retrait - service après vente - distribution - productionachat- conception).
En outre, la crise financière des années 80'
et 90' et particulièrement le niveau très élevé
des taux d'intérêt à court terme, pénalise
toute organisation gourmande en stocks
qu'il faut financer à grands frais, au mo~
ment même où la différenciation de l'offre
génère d'innombrables références de produits à stocker (450 références de pâtes alimentaires pour RIVOIRE ET CARRET
LUSTUCRU en 1991). La mise en oeuvre
d'une démarche logistique rigoureuse apparaît comme d'autant plus opportune que
la matrice des f1ux origines/ destinations se
simplifie considérablement avec la concentration industrielle (réduction du nombre de
sites de production), rapidement accompagnée d'une intense concentration commerciale (réduction du nombre de sites de consommation) , ce qui se traduit par des massifications.
chaîne logistique; ils se trouvent alors confortés par une conception de plus en plus
"globale" des marchandises mises en circulation: de nombreuses frontières se trouvent abolies.
Mutations techniques
Le développement de l'informatique de
gestion, amorcée dans les années 60', s' accélère avec l'apparition de gros systèmes,
puis, dans les années SO', avec la diffusion
de la micro-informatique, le tout stimulé
par l'essor des télécommunications. Les
Echanges de Données Informatisés (EDI),
qui conjuguent informatique et télécommunications, permettent aux entreprises de
gérer des processus spatialement éclatés et
diffus et de les synchroniser, même s'ils
sont répartis entre de multiples acteurs juridiquement distincts les uns des autres.
La priorité de la logistique:
transgresser les frontières
La logistique, définie comme la technologie (15) de la maîtrise des flux d'informations et de marchandises que l' entreprise expédie vers ses clients, transfert entre ses établissements et reçoit de ses fournisseurs est une démarche globale qui,
pour réussir, transgresse quatre frontières:
entre fonctions internes de la firme; entre
entreprises partenaires, au sein d'une chaîne
logistique; entre secteurs d'activité impliqués dans le même processus logistique;
entre pays qui échangent des marchandises.
Ce phénomène de disponibilité, de réduction des coûts et d'amélioration des performances dans les télécommunications et
dans l'informatique se retrouve également
dans les transports et les techniques d'entreposage, qui peuvent être automatisées.
Ceci confère une grande "liberté de mouvement" aux opérations logistiques qui peuvent se développer sans verrous techniques.
La coordination entre les différentes fonctions qui concourent à la circulation des
marchandises est la priorité de la logistique interne, qui ne doit toutefois pas se
substituer aux différentes fonctions concernées (cf fig 5 et § 213). Sa mission est de
synchroniser les processus assumés par
chacune de ces fonctions de façon à éviter
aux interfaces soit des ruptures (objectif de
continuité), soit des sur-stocks (objectifs de
fluidité). La transversalité de la logistique
pousse à l'intégration des fonctions.
La conjonction des mutations économiques
et techniques que connait l'entreprise (14)
se traduit par la mondialisation croissante'
des processus logistiques. Ceux-ci se déploient maintenant à l'échelle de la planète
en s'affranchissant des discontinuités spatiales et temporelles qui, autrefois, isolaient
les uns des autres les partenaires de la
(14) En ceci, l'extrême instabilité
de l'environnement de l'entreprise
actuelle, qui favorise
le développement rapide de la
logistique, se distingue
jàndamentalement de la stabilité
de celui que connut la Marine de
guerre du XVIII ème siècle,
lorsqu'elle mit en place son
organisation logistique.
(15 )La technologie au sens de
J.K. GALBRAITH,
"Le nouvel Etat industriel",
Ed. Gallimard, Paris 1968:
"La technologie est l'application
systématique de la science, et de
toutes les autres connaissances
organisées, à des tâches pratiques".
Processus opérationnels
~
Conception!
Achat
1
Logistique
de distribution
Logistique
intégrée
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Retrait
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Soutien
logistique
intélITé
Logistique
totale
Production jDistribution
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j
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-....:
\
....,
~
~
...
j
j
fig 5 : Evolution du champ d'action de la logistique,
traduction du chapître 3
"Formulating logistics strategy", J. Colin, N. Fabbe-Costes, Kogan Page, London, 1994
LOGISTIQUE
&
MANAGEMENT
vol 4 n° 2
1996
La mobilisation des acteurs externes, partenaires de la firme au sein d'une chaîne
logistique complexe, est l'objet de la logistique externe. Cette mobilisation implique aussi bien les prestataires que les fournisseurs et même les clients, qui détiennent
l'information initiale déclenchant l'ensemble du processus logistique. A cet égard, le
cas de l'industrie automobile est remarquable : une fraction croissante des opérations
industrielles est prise en charge par des
équipementiers qui doivent alors fabriquer
"au plus juste", souvent en juste à temps,
les pièces destinées à la chaîne d'assemblage. Les fournisseurs doivent livrer "bon
du premier coup" et assumer les opérations
logistiques antérieurement réalisées par le
destinataire à la réception des livraisons
(contrôles qualitatifs et quantitatifs répartis à la source). Toute erreur, tout retard risque d'entraîner le chômage technique des
lignes d'assemblage: les constructeurs développent des EDI qui les mettent en relation instantanée avec les fournisseurs, dont
ils lancent les processus (en synchrone ?);
ils mènent parallèlement des audits perma-
~
L'INTEGRATION LOGISTIQUE
..,. RESEAUX GENERICUES
D'INGENIERIE LOGISTIQUE
CREATEURS DE VAlEUR
nents (audits techniques, de qualité, logistique, informatique, etc...) pour s'assurer du
reespect absolu des normes qu'ils édictent.
La logistique externe est le plus souvent
mise en place à l'initiative d'une entreprise
pivot qui s'appuie sur un réseau étendu de
fournisseurs, de la PME locale, à la grande
entreprise qui détient une technologie particulière.
Parfois, cette dynamique s'étend au delà
d'un secteur donné pour se ramifier à de
très nombreux autres secteurs et peut être
qualifiée alors de logistique interprofessionnelle. C'est le cas de la grande distribution, qui a développé avec l'ensemble de
ses fournisseurs des relations logistiques,
qui passent par une EDI très développée
(GENCOD ALLEGRO en France) (cf figure 6).
Enfin, lorsque les dispositifs logistiques
mettent en oeuvre des sites et des acteurs
répartis sur plusieurs pays, on peut parler
de logistique internationale (cf figure 7).
Bien sûr, au fur et à mesure que la démar-
INTEGRATION LOGISTIQUE TOTALE
~~" ...., """""'"......' ''''........''' '''''''''''......' '' ''''.....'''''~"''''''''''''''''''""""",~"
. ~,'\............., ",.....,"~"""", ,""""', ,""""""'" ....., ",...., "",......, """""'"
AJOUTEE
CHAINE
DE
PRODUCTION
~
LA COORDINATION LOGISTIQUE
=> RESEAUX CCMMUNAUTAIRES
DE GESTJONNAIRES DE
CHAINE
"""""""" .....,~""~
""""~""""', ...., ...., ....,
CHAINE DE TRANSPORT
ET DE
PRESTATIONS LOGISTIQUES
",....,',...., """""'
CHAINE
DE
DISTRIBUTION
"""''''
~"'~" ...., "", , ....,...., ',........
'\
'\.. . . ,. 'tl.,...." '\.,."
. ~"'~
,,'~""""""'''' ......
(en moyens propres, en sous
traitanca, an moyens affilies)
~>
RESEAUX PRN AnFS
D'œEBATEURS PHYSIQUES
SPECIALISES
LEGENDE
---....
FLUX PHYSlJUE
~""",,~,
FLUX D'INFORMATIONS LOOISTIOUES
-.-
LIEN DE SUBORDINATION
1-----eN
,
V1:NTE PAR
CCA
fig 6 : Hiérarchisation et stratification des réseaux d'échange de données
logistiques J. Colin, N; Fabbe-Costes in "Synergie et compétitivité logistique"-5è conférence
mondiale sur la recherche dans les transports, Yokohama, 1989
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 2 - 1996
che logistique s'affirme, ses quatre dimensions (interne, externe, interprofessionnelle
et internationale) se combinent.
Conclusion
L'évolution de la logistique, de l'opérationnel (une "science de détail") vers la
transversalité (une "science générale") se
confirme, aussi bien dans la sphère militaire que dans celle des entreprises, voire
même dans de nouveaux domaines: l'aménagement du territoire (multiplications des
sites logistiques émetteurs et/ou récepteurs
de flux), management public (la gestion
hospitalière, où les flux sont loin d'être optimisés), etc...
.. 7usineSspécialiséesdeprQduilsfinIS
-lpointcentrald'importation
lcentnlSWetdocumentation
Cl 7centresdedistnbution
o
LOGISTIQUE
DE
DISTRIBUTION
Une seconde caractéristique de la démarche logistique est qu'elle comporte deux
types de compétences: celle des spécialistes de la logistique et celle, plus légère, de
ceux qui, s'appuyant sur des ressources et
des processus logistiques, ont besoin d'une
initiation pour pouvoir en mesurer les apports et pour dialoguer avec les spécialistes qui les conçoivent et avec ceux qui les
mettent en oeuvre.
500.000 CLIENTS
Source: IBM, 1993,
fig 7 La logistique IBM Europe
ANNEXE 1
Article "Arcenal" , "Encyclopédie Méthodique Marine", 1783,T.l, op.cit.
ARCENAL ou ARSENAL de marine, c'dl un endos où dl: compris un POrt de mer appartenant
i"U gouvernement , où il tient Ces vaitTeaux, ${
M..zrjn,c.
Tome L
-
tout ce qui ell propre à les c9ntlruir~, .'~ les con-,
f1:rver, à les armér, les d6fai'rner" 1~ raqouber.
l! y a, dans un amruzl;un' magafiil.général qui'
avec fes dependances , contient tous- les effets du
roi: ces dépendances font' un 'magafin particulier
de cordages, des emplacemens pour y conferve!'
les bois de conf1:ruél:ion ou de mâture, foit fous
l'eau, foit fous des hangars, une falle d'armes, &e.
l! ya des atteliers , tels que voilerie, garniture,
corderie, tonnellerie, forges grandes & petites,
manufacture de toiles à voiles, menuiferie, fculptllrerie , peinturerie. On y trouve des baffins ou
formes 'Dour les conf1:ructions , refontes, radoubs»
ou care'nage des vaitTeaux ; des cales, auffi pour
conftruétions de vaitTeaux, ou de chaloupes i canots , pomons, chalans , &c. pour atTemblage de
mâmre.. Le port y efi bien à l'abri , & a une
très-<rrande profondeur d'eau; ilefi couvert de
vai{feaux de touS rangs, de frégates, corvettes;
de toute forte de b<Î.timens pour leur {ervice. foit
pour les abattre en carène, foit pour leurs armemens, tels que pontons , gabares, chalans, citernes,
allèges de toute efpèce; d'autres bâtimens, ou machines flottantes, pour fon entretien & fa confervation, comme machines à curer, gabares à vafe"
bateaux à pompe; il Y a auffi à terre des pompes
d'incendie, une machine à mâter • des magafins
à poudre. Il y a un parc en particulier pour les
vivres, ·où l'on conferVe les vins, eaux-de-vie»
farines, légumes, ainû" que je pain & les {alaifons qu'on y fabrique, où l'on tient les beitiaux,.
le bois de chauffage, &e.
Nous avons en France pluÎleurs arcmaux de
marine, particuliérement ceux de Breft, Toulon»
Rochefort, dans lefquels ef1: departie toute la marine compofée d'officiers de marine, proprement
dits, qui montent les vaitTeaux, d'officiers chargés
de la direction des détails des opérations, & de
tOUS les mouvemens du port ; d'autres qui commandent les troupes , & d'autres charges particu-.
liérement de la comptabilité ; d'une quantité prodigieuCe de commis , maîtres, matelots; foldats,
ouvriers de toute efpèce.
LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 nO 2 - 1996
.,.
ANNEXE 1 (suite)
On (ent que la regie de toutes les opérations
d'un arwzal, [on adminii1:ration, la' comptabilité
des riche/fes immen[es qu'il renferme, [om ùn objet d'une extrême importance. La direêlion des
opérations & la comptabilité forment d::ux panies
très-difhnêles: les officiers du port & les ingé~
nieurs-confiruéteurs [Ont rame des opérations: la
comptabilité appartient naturellement aux intendans
& commitiaires : ceux- ~ ont eu long-tamps l'adminiilration générale , avec la quaiité d'Qfficiers
d'J.dmini(lration: aujourd'hui la direélion des travaux dt entre les mains des officiers militaires de
la marine,
Au terme de l'ordonnance du 27 feptembr~ 1776,
pour chaque département de Breil, Toulon, Rochefort , il Y a , fous les ordres du commandant:'
Un direéteur-général de l'iJrcenat: " --- - .Un direéteur &. (ous·direé1:eur des con!Îruêtions;
capitaines de vaitieaux : à cette direŒon des con[-
truêlions [ont encore attachés quatre Iieutenans,
'quatre en(eignes à Breit; troi~ lieuten~rls,'. trois
enCeignes a Toulon & Rochefort; les mgemeursconflrué1:eurs en chef, ordinaires, fous-ingénieurs
& élèves-confuuéteurs:
Un direéteur du POrt, capiuine de vaitieau; un
(o\.ls-direéteur, capitaine de port: à cette direétion
font attachés, les lieutenans , enfeignes & aides
de POrt:
'
Un direéteur & un [ous-direéteur d'artillerie,
capitaines de vai/feaux: à cette direétion [ont attachés des officiers d'artillerie, touS officiers de la
marine.
Ces officiers dirigent les opérations; mais l'intendant & , fous [es ordres, les commitiaires des
portS & arcmaux les [uivent, relativement à l'emploi des matières & du temps des ouvriers, qui
ne peuvent fe trouver fur les chamiers & atteliers,
que [ur billets lignes d'eux, ( V"" )
ANNEXE 2
Extrait de "Histoire de la marine française", J. MEYER, M. ACERRA,
ed. Ouest France, Rennes 1994, p. 133-135
A partir de 1770, la définition des principaux modèles de navires
occupe les ingénieurs-constructeurs. Fondée sur la notion de performance
des vaisseaux - en vitesse, én stabilité, en unité de manœuvre à la mer -, .
cette définition s'accompagne d'une réflexion parallèle sur la production
de ces vaisseaux, menée également dans une perspective de performance.
Donner la même figure à tous les vaisseaux d'une même force « ajouterait
alors à la plus grande économie et la plus grande simplicité dans le
service des ports ., écrit l'ingénieur-constructeur Groignard, en 1773. Il
faut, par tous les moyens, diminuer le coût de production des vaisseaux.
Mais il faut aussi augmenter la vitesse des réparations, prévoir la
fourniture et le stockage des approvisionnements nécessaires.
De surcroît, la guerre d'Indépendance américaine a mis en lumière
les limites des arsenaux et leur inadéquation à l'effort de guerre prolongé.
Brest a été engorgé par les tâches à accomplir: assurer la subsistance
des escadres et des matelots; réparer en trois mois d'hiver une armée
de vingt-cinq vaisseaux; armer plus de trois cents voiles. On s'est aperçu
qu'aucun bassin de radoub de Brest ne pouvait recevoir les vaisseaux à
trois-ponts, voire ceux de 80 canons, sauf aux marées exceptionIl.elles.
La répartition interne de l'arsenal n'est pas commode. Les magasins
touchent à la montagne. Les quais sont trop étroits, les cales mal aérées
et trop proches les unes des autres. Les services réciproques des ateliers
SOnt constamment mêlés. Plus que jamais, et dans la perspective d'un
futur nouveau conflit, il convient d'adapter les arsenaux à leurs missions.
La guerre à peine achevée, le maréchal de Castries s'attaque à cette
redéfinition territoriale nécessaire. Ses ordres du 9 août 1783 et 20 mars
1784, envoyés aux commandants et intendants de chaque arsenal, exigent
d'eux la confection d'un plan d'aménagement réglé sur les forces navales
destinées à chaque grande base. Ainsi Brest se voit attribuer trente-trois
vaisseaux de ligne de 118, 80 et 74 canons, autant de frégates, treize
corvettes et quarante grandes gabarres et autres bâtiments pour le service
d~ ,port. Les plans d'aménagement et les textes qui les accompagnent
revelent une redistribution spatiale, imposée par la rationalisation des
p~océdés de fabrication et de stockage, ainsi que par un meilleur
decoupage des phases de production et de montage. Le sol de l'arsenal
devle~t une surface de gestion des mouvements, un espace de répartition,
en meme temps qu'un instrument de découpage des activités, L'arsenal
est modelé, organisé en aires, terrasses, rampes, bassins, où s'effectuent
des types précis de travaux.
Lonvergent vers l'arsenal ces nux de matières premières, d'objets
fabri::Iu~s, .d'hommes qualifiés. L'accumulation des stocks oblige à la
multIplicatIOn d~s structures de conservation: magasins, halles, hangars,
fosses. ~es fonctions OG construction et d'entretien développent le nombre
de baSSInS, de cales, d'amarrages. La circulation entre les ateliers de
fa?ri~ation, les lieux de réserve, les pôles de construction, entraîne la
cr~at~on de zones de passage, génère des flux internes, dont la finalité
pnnclpale est la naissance du vaisseau sur sa cale ou dans son bassin.
LOGISTIQUE
&
MANAGEMENT
vol 4 n° 2 - 1996
L'arsenal est lentement redessiné en fonction de la rapidité et de l'aisance
du service, ainsi qu'en fonction du nombre de navires à traiter simultanément. L'arsenal n'est plus conçu comme un espace figé et statique,
mais comme une immense zone de communications et de mouvements,
où hommes, matériaux et vaisseaux doivent passer d'un point à un autre,
selon un ordre et un sens de circulation précis.
Bien sûr, les plans élaborés ne sont pas immédiatement appliqués sur
le terrain. Les arsenaux s'améliorent, mais il faudra encore des années
pour les rendre commodes au service. Le passé, les habitudes, la géographie et les infrastructures existantes ralentissent l'évolution. Seul
Cherbourg, arsenal neuf, jouit d'une « dispersion réglée,. de ses éléments,
qui annule toute trace de l'espace antérieur. Tout est fondé sur la division
absolue des bâtiments et des phases de travail. L'arsenal, dont la lente
installation inaugurée par Louis XVI lors de son voyage de 1786, et
reprise par Napoléon, bénéficiera à la marine à vapeur. Cherbourg
s'inspire dans son ordonnancement du modèle de l'arsenal de Karlskrona,
qui fascina tant l'Europe maritime du XVIII' siècle. L'arsenal suédois,
conçu comme un réceptacle de forces concentrées prêtes à l'intervention
éventuelle, est le premier exemple de ce que l'on peut appeler les
arsenaux de la dissuasion. Anvers, sous l'Empire, sera aussi conçu dans
cet esprit. La multiplication de ses cales de construction destinées à
contenir des vaisseaux presque terminés permet, à l'aide de quelques
travaux d'achèvement, de les faire fondre sur l'ennemi en un rapide
mouvement de riposte. Cette politique de force concentrée suppose, pour
paraître redoutable, une maîtrise totale de l'espace productif. C'est le
but vers lequel tend la marine française de la .fin du XYIW siècle.
Régler les arsenaux en fonction des vaisseaux à construire est l'aboutissement d'une réflexion centenaire.
Mais la réalisation en est rendue possible grâce à la fixation de modèles
de navires, qui seront désormais construits en série, selon un plan type.
La lente uniformisation de la marine, commencée sous Maurepas avec
l'apparition de vaisseaux à deux ponts ayant leur artillerie réglée, aboutit,
après quarante ans de recherches et de tâtonnements, au choix des trois
plans types de vaisseaux dus au tandem technique Borda-Sané.
De longue date. les commandants de marine et les ingénieurs-constructeurs se soucient d'obtenir une flotte de guerre homogène et performante,
La possession d'escadres composées de vaisseaux ayant la même marche
et les mêmes qualités nautiques garantit des évolutions promptes et
concertées en cas de combat: des traversées courtes, puisqu'il faut
toujours régler le déplacement d'une escadre sur le vaisseau le plus
mauvais marcheur; des opérations sûres, puisque l'on peut compter sur
la fia bili té des na vires.
ANNEXE 3
Extrait de "L'Art de la guerre", A.H. JOMINI, réédité par IVREA,
Paris, 1994, p. 271-275.
VI. Sur la logistique ou art pratique
de mouvoir les armées
Article 41
Quelques mots sur la
~ogistique
en général
La logistique est-elle uniquement une science de détail? Est-ce
au contraire une science générale, formant une des parties les plus
essentielles de l'art de la guerre, ou bien errfin ne serait-ce qu'une
expression consacrée par l'usage, pour désigner vaguement les
diverses branches du service de l'état-major, c'est-à-dire les divers
moyens d'appliquer les combinaisons spéculatives de l'art aux
opérations effectives?
Ces questions paraîtront singulières à ceux qui sont dans
la ferme persuasion qu'il n'y a plus rien à dire sur la guerre
et qu'on a tort de chercher de nouvelles définitions lorsque tout
leur semble si bien définÎ.Pour moi, qui suis persuadé que de
bonnes définitions amènent la clarté des conceptions, j'avoue que
je suis presque embarrassé de résoudre ces questions en apparence
si simples.
Dans les premières éditions de cet ouvrage, j'ai, à l'exemple de
bien des militaires, rangé la logistique dans la classe des détails
d'exécution du service de l'état-major, qui font l'objet du règlement sur le service de campagne et de quelques instructions spéciales sur le corps des quartiers-maîtres. Cette opinion était le
résultat de préjugés consacrés par le temps; le mot de logistique
dérive, comme on sait, de celui de major général des logis (traduit en allemand par celui de Quartiermeister), espèce d'officiers
qui avaient jadis la fonction de loger ou camper les troupes, de
diriger les colonnes, de les placer sur le terrain. Là se bornait toute
la logistique qui, comme on le voit, embrassait néanmoins la castramétation ordinaire. Mais d'après la nouvelle manière de faire la
guerre sans camps, les mouvements furent plus compliqués et l'étatmajor eut aussi des attributions plus étendues. Le chef de l'étatmajor fut chargé de transmettre la pensée du généralissime sur les
points les plus éloignés du théâtre de la guerre, de lui procurer les
documents pour asseoir ses opérations. Associé à toutes ces combinaisons, appelé à les transmettre, à les expliquer, et même à en
surveiller l'exécution dans leur ensemble ainsi que dans les
moindres détails, ses fonctions s'étendirent ;]écessairement à toutes
les opérations d'une campagne.
Dès lors la science d'un chef d'état-major dut embrasser
aussi les différentes parties de l'art de la guerre, et si c'est elle que
l'on désigne sous le nom de logistique, il suffirait à peine des deux
ouvrages de l'archiduc Charles, des volumineux traités de Guibert,
de Laroche-Aymon, de Bousmard et du marquis de Ternay, pour
esquisser le cours incomplet d'une logistique pareille, car elle ne
serait rien moins que la science d'application de toutes les sciences
militaires.
De ce qui précède il semble résulter naturellement que l'ancienne logistique ne saurait plus suffire pour désigner la science des
états-majors, et que les fonctions actuelles de ce corps, si l'on
tenait à lui donner une instruction qui répondît pleinement à son
but, demanderaient encore à être formulées, partie en corps de
doctrines, partie en dispositions réglementaires. Ce serait aux g~u­
vernements à prendre l'initiative en publiant des règlements bIen
mûris qui, après avoir tracé tous les devoirs et les attributions
des chefs et officiers de l'état-major, seraient suivis d'une instruction
claire et précise pour leur tracer aussi les méthodes les plus propres
à bien remplir ces devoirs.
L'état-major autrichien avait jadis une pareille instruction
réglementaire, mais un peu surannée, elle se trouvait plus appropriée aux vieilles méthodes qu'au système nouveau. Cet ouvrage
est du reste le seul de ce genre qui soit parvenu jusqu'à moi; je ne
doute pas qu'il en existe d'autres, soit publics, soit secrets; mais
j'avoue franchement l'ignorance où je suis à ce sujet. Quelques
généraux, comme Grimoard et Thiébault, ont mis à jour des
manuels d'état-major; le nouveau corps royal de France a fait
imprimer plusieurs instructions partielles, mais un ensemble
satisfaisant n'existe encore nulle part. Je crois que M. le général
Boutourlin a le projet de publier bientôt une instruction adressée
à ses officiers, alors qu'il était quartier-maître général, et l'on ne
peut que former des vœux pour qu'il le réalise sans délai, car il
ne manquera pas de jeter une vive lumière sur cet intéressant
sujet, sur lequel il reste encore beaucoup à dire.
S'il est reconnu que l'ancienne logistique n'était qu'une
science de détails pour régler le matériel des marches; s'il est avéré
que les fonctions de l'état-major embrassent aujourd'hui les combinaisons les plus élevées de la stratégie, il faudra admettre aussi
que la logistique n'est plus qu'une parcelle de la science des
états-majors, ou bien qu'il faut lui donner un autre développement
et en faire une science nouvelle, qui ne sera pas seulement celle
des états-majors, mais encore celle des généraux en chef.
Afin de nous en convaincre, énumérons les points principaux
qu'elle devra embrasser pour comprendre tout ce qui se rapporte
aux mouvements des armées et aux entreprises qui en résultent:
1° Faire préparer d'avance tous les objets matériels nécessaires pour mettre l'armée en mouvement, c'est-à-dire pour ouvrir
la campagne. Tracer les ordres, instructions et itinéraires (Marschroute) pour la rassembler et la mettre ensuite en action.
2° Bien rédiger tous les ordres du général en chef pour les
diverses entreprises, de même que les projets d'attaque pour les
combats prévus ou prémédités.
3° Concerter avec les chefs du génie et de l'artillerie les
mesures à prendre pour mettre à l'abri les différents postes nécessaires à l'établissement des dépôts, comme aussi ceux qu'il conviendrait de fortifier à l'effet de faciliter les opérations de l'armée.
4 ° Ordonner et diriger les reconnaissances de toute espèce, et
procurer, tant par ce moyen que par l'espionnage, les renseignements
aussi exacts que possible des positions et mouvements de l'ennemi.
5° Prendre toutes les mesures afin de bien combiner les
mouvements ordonnés par le général en chef. Concerter la marche
des diverses colonnes, afin qu'elle se fasse avec ordre et ensemble;
s'assurer que tous les moyens usités pour rendre cette marche à la
fois aisée et sûre soient préparés à cet effet; régler le mode et le
moment des haltes.
6° Bien composer, et diriger par de bonnes instructions, les
avant-gardes ou arrière-gardes, 'ainsi que les corps détachés, soit
comme flanqueurs, soit avec d'autres destinations. Munir ces différents corps de tous les objets nécessaires pour remplir leur mission.
7° Arrêter les formules et instructions aux chefs de corps ou
à leurs états-majors, pour diverses méthodes de répartir les troupes
dans les colonnes à portée de l'ennemi, de même que pour les former le plus convenablement lorsqu'il faudra se mettre en ligne
pour combattre, selon la nature de terrain, et l'espèce d'ennemi à
laquelle on aura à faire *.
go Indiquer aux avant-gardes et autres corps détachés, des
points de rassemblement bien choisis, pour le cas où ils seraient
attaqués par des forces supérieures, et leur faire connaître quel
appui ils peuvent se flatter de trouver au besoin.
9° Ordonner et surveiller la marche des parcs d'équipages,
• TI s'agit ici d'instructions et fonnules générales et non répétées pour
chaque mouvement journalier; ce qui serait impraticable.
273
LOGISTIQUE
&
MANAGEMENT
vol 4 n° 2 - 1996
•
ANNEXE 3 (suite)
CHAPITRE VI, ARTICLE 41
QUELQUES MOTS SUR LA LOGISTIQUE
de munitions, de vivres et d'ambulances, tant dans les colonnes que
sur les derrières, de manière qu'ils ne gênent point les troupes
tout en restant à leur proximité; prendre les mesures d'ordre et de
sûreté soit en marche soit dans les gîtes et Wagenburg (barricades
de chariots).
10° Tenir la main à l'arrivage successif des convois destinés
à remplacer les vivres ou munitions consommées. Assurer la réunion
de tous les moyens de transport tant du pays que de l'armée, et
en régler l'emploi.
Il ° Diriger l'établissement des camps et régler le service pour
leur sûreté, l'ordre et la police.
12° Etablir et organiser les lignes d'opérations et lignes
d'étapes de l'armée, ainsi que les communications des corps
détachés avec cette ligne. Désigner des officiers capables pour organiser et commander les derrières de l'armée; y veiller à la sûreté
des détachements et convois; les munir de bonnes instructions,
veiller aussi à l'entretien des moyens de communication entre
l'armée et sa base.
13 ° Organiser sur cette ligne les dépôts de convalescents,
d'éclopés, de malingres; les hôpitaux mobiles, les ateliers de confection; pourvoir à leur sûreté.
14° Tenir note exacte de tous les détachements formés soit
sur les flancs, soit sur les derrières; veiller à leur sort et à leur
rentrée aussitôt qu'ils ne seraient plus nécessaires; leur donner
au besoin un centre d'action et en former des réserves stratégiques.
15° Organiser les bataillons ou compagnies de marche pour
réunir en faisceau les hommes isolés ou petits détachements allant
de l'armée à la base d'opérations, ou de cette base à l'armée.
16° En cas de sièges, ordonner et surveiller le service des
troupes dans les tranchées, se concerter avec les chefs du génie sur
tous les travaux à prescrire à ces troupes, et sur leur conduite
dans les sorties comme dans les assauts.
17° Prendre, dans les retraites, les mesures de précaution
nécessaires pour en assurer l'ordre; placer les troupes de relai qui
devront soutenir et relever celles de l'arrière-garde; charger des
officiers d'état-major intelligents de la reconnaissance de tous les
points où les· arrière-gardes pourraient tenir avec succès pour,
gagner du temps; pourvoir d'avance à la marche des Impedimenta,
afin de ne rien abandonner du matériel; y maintenir sévèrement
l'ordre et prendre les précautions pour veiller à leur sûreté.
18° Pour les cantonnements, en faire la répartition entre
les différents corps, indiquer à chacun des corps d'armée la place
d'alarme générale, leur prescrire les mesures de surveillance et
tenir la main à ce que les règlements s'exécutent ponctuellement.
A l'examen de cette vaste nomenclature, que l'on pourrait
encore grossir de bien des articles minutieux, chacun se récriera
que tous ces devoirs sont autant ceux du généralissime que ceux
de l'état-major: c'est une vérité que nous venons de proclamer
tout à l'heure, mais il est incontestable aussi que c'est précisément
pour que le général en chef puisse vouer tous ses soins à la direction suprême des opérations, qu'on lui a donné un état-major
chargé des détails d'exécution; dès lors toutes leurs attributions
sont nécessairement en communauté, et malheur à l'armée quand ces
autorités cessent de n'en faire qu'une; cela n'arrive cependant que
trop fréquemment, d'abord parce que les généraux sont hommes
et qu'ils en ont tous les défauts; ensuite, parce qu'il ne manque pas
dans l'armée d'intérêts ou de prétentions en rivalité avec les chefs
d'état-rnajor* .
LOGISTIQUE
&
MANAGEMENT
vol 4 n° 2 - 1996

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