l`AFSA, mars 2013

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l`AFSA, mars 2013
Compte-rendu du colloque de l’AFSA
(Association Francophone des Soigneurs Animaliers)
26 au 29 mars 2013, parc du CERZA
Par l’équipe d’AVA
L'Association Francophone des Soigneurs Animaliers a été créée dans le
but de faire évoluer les méthodes de soins et de manipulations des
animaux sauvages en captivité. Cette association est un lien entre
professionnels travaillant dans les domaines de l'entraînement, des
présentations au public, de la recherche, des soins, de la conservation et
de l'éducation.
http://www.afsanimalier.org/
Le colloque annuel s’est tenu est parc du CERZA, en mars dernier. Trois jours de conférences
auxquelles intervenaient des soigneurs, éthologues, vétérinaires ou encore des directeurs de parc.
Nous vous résumons quelques unes des conférences qui nous ont particulièrement intéressées.
Gestion des cervidés à la Réserve de la Haute-Touche
Dr Katia Ortiz, vétérinaire et Patrick Roux, éthologue et gestionnaire de collection à la Réserve de la
Haute-Touche (Indre).
La reproduction assistée chez les cervidés :
La réserve de la Haute-Touche est le seul établissement zoologique de France doté d’un laboratoire
de recherche. Elle participe à différents plans de reproduction d’espèce en voie d’extinction.
Les cervidés ont une limite de reproduction et de descendance et ont souvent un petit par an et par
femelle. Les biotechnologies permettent de dépasser ces limites, d’amplifier le nombre d’individu
rare et facilite les programmes de conservation en captivité afin de renforcer la population du milieu
sauvage.
La famille des cervidés compte 40 espèces dont un tiers sont en voie d’extinction. La Réserve de la
Haute-Touche accueille une quinzaine d’espèces. Afin de préserver ces espèces, ils ont mis en place
une technique de fécondation in vitro. En période de rut, les mâles sont anesthésiés afin de récolter
leurs spermatozoïdes. Les femelles sont capturées à l’aide d’un filet ou rabattues dans des couloirs
de contentions. Elles sont ensuite endormies, entravées et entubées pour collecter des ovocytes par
endoscopie. Les gamètes se rencontrent et fusionnent in vitro. Des embryons vont commencer à se
développer jusqu’au stade de quatre cellules où ils sont réimplantés sur des mères porteuses d'une
autre espèce non menacée (par exemple, une biche élaphe peut donner naissance à un faon de cerf
Sika du Japon).
Le rôle de la recherche est primordial dans la conservation et la sauvegarde des espèces animales.
Les programmes de recherches ont pour but de mieux connaître la faune afin de mieux la protéger.
Les cervidés en parc :
La Réserve de la Haute-Touche est composée de 26 espèces et sous espèces de cerf, qui nous ont été
présentées une par une. Le parc est adhérent à l’EAZA (Association Européenne des Zoos et
Aquariums) comme 300 établissements zoologiques européens. Ils doivent répondre à un cahier des
charges qui les engage à respecter des modalités de gestion pour les espèces qui leur sont confiés.
Des animaux sont régulièrement transférés vers d’autres parcs zoologiques européens à titre gratuit,
à des fins de reproduction ou de présentation. La réserve participe également à un ensemble de
plans d’élevages internationaux pour d’éventuels programmes de réintroduction.
Parmi ces plans d’élevages figurent quelques espèces les plus menacées:
- le groupe de cerfs d’Eld: les effectifs sauvages sont pratiquement éteints
- le cerf du père David: jamais rencontré en liberté
- le daim de Mésopotamie: la plus rare des espèces de cervidés.
- les chevaux de Prjevalski, jamais domestiqués. En 1960, il ne restait que 12 individus captifs au
monde.
Un aménagement spécifique est nécessaire pour recevoir toute ces espèces de cervidés. Certains
sont en liberté dans le parc, d’autres sont dans de grand enclos arborés. Tous les parcs sont équipés
de râtelier à foin, de mangeoire et de point d’eau. Pour varier leur quotidien, les cerfs reçoivent
différents items pour les occuper, les nourrir, les faire se dépenser, se gratter, interagir avec des
congénères, etc :
- des substrats sont ajoutés sur les arbres pour leur permettre de se gratter et éviter qu’ils n’abiment
les arbres,
- le feuillage est disposé en hauteur,
- des tubes de PVC contenant des granulés permettent d’augmenter la durée de la prise alimentaire,
- quand cela est possible ils forment des groupes d’espèces mixtes, etc.
La nourriture des cervidés est principalement composée de granulés toute l’année, de foin à volonté
l’hiver, de fruit, d’écorce d’arbres, de sels minéraux pendant la période de mue des bois et la
gestation des femelles.
Affections des animaux de zoos: quand les soigneurs font la différence
Florence Ollivet-Courtois est vétérinaire consultante pour plus d'une vingtaine d'institutions
zoologiques françaises et étrangères. Elle forme également du personnel (GIGN, gendarmerie, zoos,
etc) à la capture d'animaux.
Le soigneur animalier en parc zoologique est la première personne à pouvoir surveiller et détecter
toute anomalie pathologique sur un animal dont il a la charge. Il se doit alors d'être l'observateur
d'une situation et de ne surtout pas en faire d'interprétation. Son travail et de repérer les "faits"
anormaux (absence de selles, d'urine, couleur et consistance anormale, absence d’appétit,
gonflement, amaigrissement, …) et d'en informer le praticien. Celui-ci pourra ainsi les interpréter et
faire ressortir un diagnostic. En effet si un soigneur interprète lui-même ses observations, il peut
induire en erreur le praticien lors de son diagnostic.
Le soigneur animalier est le référent pour le vétérinaire praticien en ce qui concerne la connaissance
des individus qu’il a en charge. Il se doit de connaître leurs habitudes, leur état physique et
comportemental « normal ». Il se doit également d’être raisonnable pour eux et de ne pas faire
d’anthropomorphisme. Le vétérinaire praticien, quant à lui, va pouvoir exploiter la relation
particulière qu’a un soigneur animalier avec les animaux dont il s’occupe quotidiennement.
A l’heure où les parcs zoologiques et les soigneurs animaliers tentent de se rapprocher de plus en
plus des conditions naturelles de vie dans la prise en charge de la faune sauvage qu’ils hébergent,
Florence Ollivet-Courtois exploite au maximum les rapports et relations existantes entre l’humain et
l’animal sauvage. Cela pour une prise en charge optimale des cas cliniques qu’elle rencontre.
Lors de son intervention, elle a évoqué des exemples de cas cliniques qu’elle a rencontré, où la
réactivité et l’expertise des soigneurs-animaliers a été déterminante. Vous pouvez retrouver ses
anecdotes dans son livre «Un éléphant dans ma salle d’attente, aventure d’une vétérinaire » aux
éditions Belin.
Gestion d’un programme d’élevage EEP, ESB, ISB :
Frédéric Houssaye, responsable conservation au parc du CERZA, coordinateur européen pour les
hyènes rayées (ESB), assistant coordinateur européen pour les panthères du Sri Lanka et coordinateur
international pour les panthères du Sri Lanka.
Une des missions des parcs zoologiques est la participation à la conservation des espèces menacées.
Les zoos présentent à leur public des espèces emblématiques de divers milieux et ils peuvent être
impliqués dans des programmes de reproduction d’espèces menacées.
Ces programmes sont gérés par l’EAZA en Europe (Association européenne des zoos et des
aquariums) qui a pour objectif de promouvoir la coopération entre les parcs.
- le studbook européen (ESB) contient toutes les informations relatives à toutes les espèces
menacées présentes en parc zoologique (naissances, décès, transferts d’un parc, etc). Chaque
studbook est spécifique à une espèce et est géré par un seul coordinateur. Il collecte et analyse les
données relatives à la population captive et donne des recommandations pour la reproduction et le
transfert des animaux aux zoos européens. Le but étant d’avoir suivi sérieux du pedigree de chaque
individu et de maintenir la population en bonne santé sur le long terme.
Si la population captive doit être suivie de manière plus rigoureuse ou que l’espèce présente un
statut plus menacé, le coordinateur peut demander à ce qu’elle soit gérée comme un programme
EEP.
- EEP (Programme européen pour les espèces en danger), est aussi géré par un coordinateur pour
chaque espèce. Le but est de favoriser l’élevage de la population captive, de surveiller son état sur le
long terme et donner des conseils aux parcs présentant l’espèce. Pour cela, le coordinateur gère un
registre contenant toutes les informations de chaque individu. Il réalise des analyses génétiques et
démographiques en planifiant la gestion future de l’espèce. Un des objectifs est de maintenir une
diversité génétique importante : plus de 90% sur 100 ans, en favorisant le brassage génétique afin
d’éviter la consanguinité et les problèmes qui s’ensuivent. Pour une bonne gestion de la
reproduction, les parcs zoologiques procèdent à des échanges de leurs animaux.
Le but ultime serait de réintroduire des individus dans la nature afin de renforcer les populations
sauvages.
A l’échelle mondiale, il existe aussi les studbook internationaux, gérés par le WAZA (Association
mondiale des zoos et aquariums).
Présentation de zoos.pro
Docteur Eric Plouzeau, vétérinaire et fondateur de Biozones Consult.
Le site www.zoos.pro est une plateforme qui a pour objectif la valorisation des parcs zoologiques et
la gestion d’une billetterie. De plus, un espace communautaire est dédié aux professionnels
travaillant en parc zoologique. Venant d’être lancé, ce site est en cours d’élaboration et de
nombreuses fiches commencent à voir le jour.
- Les parcs zoologiques ont la possibilité de créer leur espace pour communiquer les dernières
informations sur leur parc, informer le grand public des derniers évènements et mieux se faire
connaitre.
- Une rubrique dédiée à leurs espèces sauvages, comprendra près de 2000 fiches et seront rédigées
par les professionnels de parcs inscrits sur le site (« ZoOS Community® »)
- Les fournisseurs auront leur espace pour afficher leur catalogue.
- Les visiteurs pourront avoir une page personnelle pour commenter leurs visites de zoos, leurs
souvenirs et échanger leurs impressions. Pour cela, ils doivent avoir acheté leur billet en ligne.
- Les professionnels de parcs auront leur page personnelle pour partager leur passion et leurs
connaissances du milieu zoologique et zootechnique, échanger leurs expériences et compétences
professionnelles, des photos et des vidéos, etc.
Comment travailler avec une otarie agressive ?
Virginie Roy, entraineur-soigneur à Nausicaä.
Les soigneurs et les vétérinaires de Nausicaä ont mis en place une prise en charge de "Training
médical" (entrainement médical) pour pouvoir soigner Algon, une otarie agressive, d'une cataracte
des deux yeux. L'équipe a mis en place un dispositif sécurisé pour faire les soins: à l'aide d'une plaque
de plexiglas trouée, Algon a appris de manière volontaire et à l’aide d’un renforcement positif à
placer sa tête sous cette plaque. Ce qui permettait avec facilité de lui appliquer des gouttes dans les
yeux. Pour faciliter le travail et le bien être d'Algon, l'équipe de soigneurs et de vétérinaires a pensé à
l'opérer et à lui poser un implant sous la paupière pour remplacer les gouttes; cette technique n'a
pas fonctionné et les soigneurs ont dû reprendre l'application des gouttes quotidienne. Algon ayant
eu de nombreux problèmes de santé (cataracte, abcès dentaire …), il a fallu envisager une grosse
intervention chirurgicale. Pour cela, il a été placé dans une cage de contention, de manière
volontaire, à l’aide de la méthode positive du médical training et avec l'aide des soigneurs.
Cette cage est composée de tuyaux de pompier avec de la mousse pour les barreaux et d'un fond
métallique. Malheureusement lors de la fermeture de celle-ci, Algon s'est débattu et s'est fracturé la
mâchoire. Le personnel pense qu'il y avait trop de monde présent que Algon ne connaissait pas, ainsi
que des personnes non qualifiées sur l'utilisation de cette cage… Ce qui explique l'état de stress de
l'animal et le mauvais déroulement de la contention. Algon a tout de même été anesthésié et opéré
et tout c'est bien passé. Suite à cette opération Algon a garder une cécité visuelle, il a donc fallu que
les soigneurs s'adaptent et qu’ils créent pour cela, un nouveau moyen de travail : target (cible) et
cible sonore en l’entrainement à cette technique. Aujourd'hui Algon reste un animal avec qui les
soigneurs doivent prendre des précautions et rester vigilant sur son niveau de bien être mais c'est
une otarie qui travaille volontairement.
Nourrissage sur carcasses
Dr François-Pierre Huyghe, vétérinaire et directeur zoologique au CERZA.
En parc zoologique, il est fréquent de nourrir certains animaux avec de gros morceaux de viande plus
ou moins débités voire avec la proie entière. Ce mode d'alimentation est choisi pour des carnivores
sociaux tels que les canidés, les félidés, les oiseaux et les poissons. Cette technique est discutée pour
des questions d'ordre pratique, sanitaire, réglementaire et éthique. Les deux directives européennes
de 2009 et 2011 autorisent cette méthode avec différentes catégories de sous produits animaux. Au
niveau sanitaire, les carcasses viennent généralement d'abattoirs ou d'élevages. Elles se donnent
après décongélation. Elles peuvent aussi être issues d’auto-approvisionnement. Dans ce cas, les
proies seront obligatoirement inspectées par un vétérinaire afin de détecter toutes traces de plaies,
d'abcès ou de lésions évocatrices de maladie. Si elles ne sont pas distribuées directement, elles
devront être évidées.
L'intérêt de nourrir un groupe avec des carcasses est d’observer des comportements naturels et voir
apparaître l'expression de leur hiérarchie (s'il y en a une). Cela peut également aider à l'introduction
de nouveaux individus ou à la formation d'un nouveau groupe. De plus cette méthode permet une
réelle diversification alimentaire grâce aux poils, os, plumes, abats, viscères... ce qui est bien pour
une bonne santé bucco-dentaire entre autre.
Le nourrissage sur carcasse a aussi une réelle valeur pédagogique car elle illustre le rôle des
carnivores sociaux et peut être expliqué aux visiteurs.
La question éthique se pose surtout quant au choix de la proie (domestique, sauvage, espèce en
surnombre, mâle en surplus, vieillissement...). Ce type de nourrissage est un outil d'aménagement
alimentaire. La notion d'"autoconsomation" est de plus en plus émergente.
Communication entre professionnels et scientifiques: exemple du refuge AVA
Maud Lefevre, responsable soigneurs, et Brunilde Ract-Madoux éthologue, au refuge AVA.
Situé en Haute-Normandie, le refuge AVA (Aide aux Vieux Animaux) est une structure accueillant
près de 500 animaux: une soixantaine de daims, plusieurs dizaines de lapins, un peu plus de 50
équidés, une dizaine de bovins, plusieurs milliers de pigeons vivant en liberté, ainsi que 120 chats et
150 chiens. Le refuge a été fondé il y a une vingtaine d’années par Maxime et Jenny Légier.
L’association AVA a, quant à elle, été créé en 2003 par le Dr Thierry Bedossa et 4 de ses
collaborateurs lorsque ces derniers se sont vu confier la gestion du refuge.
La mission d’AVA est de fournir une alternative à l’euthanasie pour les animaux vieillissant
présentant des modifications physiologiques et comportementales. Mais également pour les
animaux présentant des comportements gênants, qui sont souvent des signes de mal être lorsqu’ils
sont hébergés dans un environnement ne répondant pas à leurs besoins.
Afin de prendre en charge tous ces animaux, différentes équipes avec des compétences diverses
travaillent en collaboration pour veiller à leur santé et à leur bien être.
Une équipe de vétérinaires, supervisée par le Dr Bedossa, comprend une dizaine d’autres
vétérinaires. Il dirige chaque jour en collaboration, avec l’équipe de soigneurs, la prise en charge des
soins et le suivi sanitaire des populations. Grâce à un système de « télémédecine », l’équipe
vétérinaire est informée en direct de l’évolution de l’état de santé des animaux, par mails (photos et
vidéos) et téléphone. Ils effectuent également chaque semaine une visite sanitaire, qui consiste en
un contrôle du bien-être physique et comportemental de chaque individu, mais aussi de l’ensemble
de la population. Sur le site, une équipe de supervision est présente en permanence. Kosma Brijattof
est le manager général. Fanette Barraya et Maud Lefevre sont responsables du refuge et de la
gestion des soigneurs.
L’équipe de soigneurs est composée de 11 personnes (ASV et soigneurs animaliers), qui pour la
plupart sont titulaires du CETAC. La prise en charge comportementale des chiens est effectuée par
nos éducateurs canins. Ils s’occupent chaque jour de l’éducation et la rééducation de nos chiens en
utilisant exclusivement les méthodes dites amicales et positives. Enfin l’équipe recherche, Séverine
Belkhir, Brunilde Ract Madoux et Anaïs Racca travaillent sur plusieurs thématiques de recherche et
collaborent avec des professeurs et chercheurs de plusieurs universités. Elles accueillent chaque
année des stagiaires de Master 1.
Les chiens sont hébergés dans des enclos extérieurs d’une superficie allant de 100m² à 1500m².
Chaque parc contient suffisamment de lieux de couchage, comme des niches, des chalets ou des
bâtiments. Ainsi que des abris à ombre, des points d’eau et différents objets à mâchonner. Les chiens
sont hébergés pour la plupart en groupe ou en dyade, le plus grand groupe étant constitué de 17
chiens. Mais certains, présentant des comportements agressifs envers leurs congénères ou envers
l’humain sont hébergés seuls. Enfin, nous disposons d’un parc de détente qui comporte un parcours
d’agility, nous permettant de fournir au chien de la dépense physique et des contacts privilégiés avec
l’humain au calme. Il nous permet aussi de présenter les chiens avant de les regrouper dans un
même parc.
Nous accueillons environ 120 chats répartis dans 3 enclos de plus de 2000 m², agrémentés de
végétation. Des niches et sites de nourrissage sont largement répartis dans l’enclos ainsi qu’un grand
chalet avec plein de couchages et chauffé l’hiver. La vie en collectivité n’est pas forcément facile pour
le chat qui est une espèce solitaire. Mais la taille des enclos leur permet de se regrouper ou de
s’espacer selon leur tolérance avec leurs congénères. Un enclos « infirmerie » accueille les chats
malades occasionnels ou chroniques à qui nous prodiguons les soins nécessaires. Le tour complet des
enclos est réalisé tous les jours pour un suivi quotidien de tous les chats.
Chaque journée commence et fini par une réunion, puis les soigneurs partent sur les différents pôles
pour le nourrissage, l'entretien des parcs, le nettoyage, la distribution des traitements, la vérification
des stocks de nourriture et la surveillance de l’ensemble des populations.
Les après-midi sont consacrés aux sorties, aux regroupements, au travail d’éducation, à l’installation
d’aménagements et aux soins qui nécessitent plus de temps pour tous les animaux. Nous établissons
également une liste de recommandations et de surveillance pour le lendemain, ainsi qu'un compte
rendu quotidien envoyé par mail à toutes les équipes.
Nous essayons de diffuser au maximum notre travail via notre site internet et facebook. Nous
communiquons les actualités mensuelles du refuge, les comptes-rendus sur les regroupements de
chiens et le suivi comportemental, ainsi que des articles présentant le travail effectué au
refuge. Notre équipe de scientifiques rédige des articles vulgarisés pour le magazine Trente millions
d’amis. Nous participons aussi à la rédaction de revues scientifiques en éthologie sur des thèmes
variés, destinées aux professionnels du monde canin, mis en ligne sur les sites de l’AVA et de la SFC.
Depuis 2007 plusieurs études en éthologie fondamentale et appliquée sont menées à AVA. Les
principales thématiques sont l’organisation sociale et spatiale (ex : formation de groupe et
coopération chez le chien domestique), la cognition sociale (ex : le comportement du chien face au
miroir), la communication inter et intraspécifique ou encore l’aménagement de l’environnement.
Mais même avec toutes les études en éthologie possibles, si les soigneurs qui prennent en charge au
quotidien les animaux, ne sont pas formés à la détection des signes de mal être, à leur objectivation
et aux aménagements de l’environnement, cela ne marche pas de manière optimale. C’est pourquoi
nos différentes équipes échanges au quotidien et des présentations scientifiques (revues
bibliographiques) ont été mises en place. Les soigneurs savent qu’ils peuvent solliciter les éthologues
et les éthologues alertent les soigneurs sur ce qu’ils voient.
Il existe peu de connaissances scientifiques sur le chat vivant en collectivité et en captivité. Mais nous
savons que le chat domestique est une espèce solitaire et non territoriale. Les études sur les chats
libres ou les chats sauvages montrent que les regroupements seraient ressources-dépendants et que
la tolérance entre les individus augmente en fonction de l’abondance et de la large répartition de ces
ressources. La vie en collectivité est possible selon certains critères : un aménagement de
l’environnement avec de l’espace, de nombreux lieux de repos et sites de nourriture, et donner la
possibilité aux chats de se tenir à distance de leurs congénères. Par nos études, nous essayons de
mieux comprendre le comportement du chat en collectivité et le mode de vie captif pour aménager
au mieux nos enclos. Et nous pourrons donner des recommandations aux refuges SPA qui n’ont pas
la possibilité de faire des études scientifiques.
Ci-dessous quelques exemples de prise en charge impliquant notre approche pluridisciplinaire :
1/ Une vétérinaire a réalisé sa thèse sur la répartition spatiale d’une population de chats captifs. Elle
a montré que les chats avaient tendance à se disperser dans l’enclos en été et à se regrouper autour
et dans le chalet principal chauffé, en hiver. A l’issue de l’étude, de nombreuses niches et lieux de
nourrissage ont été ajoutés et répartis dans l’enclos. Les observations de terrain l’année suivante ont
montré que le nombre d’affections respiratoires des chats avait diminué (diminution du stress,
système immunitaire plus résistant).
2/ Une seconde étude tout juste terminée par Brunilde RM, confirme que les chats utilisent toutes
les niches et tous les lieux de nourrissage de l’enclos. Ils utilisent bien les litières extérieures, mises
en place pour réduire le nombre de déjections près des chalets. Les chats ont tendance à se répartir
dans le temps et dans l’espace, leurs comportements varient en fonction des saisons et ils exploitent
la surface totale de l’enclos. Cela nous montre que l’enclos est bien aménagé puisque tout est utilisé
et qu’il n’y a pas ou peu de compétition pour les ressources entre les chats. Les soigneurs adaptent le
mode de nourrissage, les soins et l’entretien en fonction des saisons. (ex : en hiver, jusqu’à 25 chats
peuvent se regrouper dans le chalet chauffé. Avec cette densité élevée de chats, les soigneurs
doivent donc adapter la gestion de la nourriture et l’entretien).
3/ Une autre étude a permis de mettre en évidence qu’il y avait une organisation spatiale des
comportements dans un enclos hébergeant une dizaine de chiens. Une zone qui ne comportait pas
d’abris était préférentiellement utilisée pour le repos. A l’issue de cette étude, les soigneurs ont
ajouté des niches dans cette partie de l’enclos qui ont très vite été utilisées par les chiens.
4/ Nous avons également testé l’utilisation d’une balle distributrice de nourriture par les chiens
hébergés seuls. Pour certains, il s’agit d’un réel enrichissement, pour d’autres d’un stimulus aversif,
d’où l’importance d’effectuer des observations comportementales. Nous avons émis des
recommandations et des conseils quant aux distributions de cette balle. Aujourd’hui les soigneurs les
distribuent régulièrement et savent apprécier si elles constituent un enrichissement ou non.
Récemment un programme Kibble Nibble a été mis en place par Laura, notre éducateur canin. Elle a
longuement discuté avec les éthologues sur les résultats de l’étude scientifique pour pouvoir ajuster
ses recommandations. L’intérêt des observations faites précédemment a permis de déceler
différents profils comportementaux des chiens. Certains réagissent très positivement, d’autres
nettement moins. Ils peuvent avoir des réactions de peur, de frustration (ex : Conan qui se léchait les
pattes de manière compulsive), etc. Ce genre de comportements peuvent passer inaperçus si nous
ne prenons pas suffisamment le temps d’observer le chien et sont néfastes à l’animal. Les soigneurs
distribuent les kibble l’après midi, passent un peu de temps avec le chien et reviennent observer en
fin de journée si le chien interagit bien avec la kibble.
La plupart de nos chiens sont des chiens de compagnie, les interactions et les contacts réguliers et
positifs avec l’humain constituent un des meilleurs aménagements possibles. Il en est de même pour
la dépense mentale (ex : résoudre un problème) et physique (ex : promenade). Mais répondre aux
besoins de nos chiens dangereux est parfois plus compliqué. En effet, les contacts et la dépense
physique sont très difficiles, voire impossible pour certains qui présentent de grands risques
d’agression et pour qui l'humain est un stimulus aversif. Il nous faut donc trouver un juste milieu
entre les besoins du chien et notre sécurité. Nous mettons donc en place des exercices de
« shapping » au grillage. Cette technique implique l’utilisation du clicker. Par exemple, en
récompensant des comportements locomoteurs simples, nous amenons le chien à produire un
comportement plus complexe. Cette technique induit donc une dépense mentale et est
accompagnée d’interactions positives, puisque les comportements sont spontanés et aucune
contrainte n’est utilisée. Nous utilisons aussi le medical training dont l’objectif est de pouvoir faire
les soins en toute sécurité et par la même occasion de modifier la valence de l’humain pour ces
chiens.
Nous présentons les chiens avant de les grouper en parc. Educateurs canins, soigneurs et éthologues
sont présents lors de ces rencontres qui se font en longes ou en libres selon les chiens. La
constitution des groupes se fait en fonction de la tolérance d’un individu à ses congénères, de ses
capacités de communication et d’ajustement, de son tempérament et de son histoire de vie en
prenant en compte la taille, le poids et la puissance des chiens.
Nous laissons les chiens interagir librement sans intervenir sauf en cas de dangerosité extrême. Ce
qui veut donc dire que nous les laissons parfois entrer en conflit, car cela nous permet de connaître
les contextes pouvant le générer et aussi les capacités d’ajustement et de communication des chiens.
Lorsque les groupements sont effectués, nous donnons des recommandations aux soigneurs pour la
gestion du nourrissage et des périodes d’excitation. Les comportements agressifs et affiliatifs nous
sont rapportés, ainsi que leur contexte d’apparition.
Pour les chats, une prise en charge particulière des nouveaux arrivants est mise en place. Leur santé
et état général sont bien surveillés. Nous vérifions leur bonne adaptation dans cet environnement
tout nouveau pour eux. Si ça n’est pas le cas, nous essayons de les placer en famille d’accueil
rapidement ou de les faire adopter. Pour certains, ce nouvel environnement est bénéfique, par
exemple, des comportements jugés gênants par les propriétaires (agressivité, malpropreté) à la
maison disparaissent lorsque le chat peut mieux exprimer son répertoire comportemental
(comportements naturels) dans un environnement qui parait mieux lui convenir.
Pour tous nos animaux, nous demandons à ce que chaque changement de comportement nous soit
signalé, car ils peuvent traduire d’un problème de santé ou de mal être.
En conclusion, notre équipe possède des compétences variées que nous mettons tous en commun
pour la gestion de notre population canine/féline.
Pour que l’éthologue puisse fournir des conseils et des recommandations adaptés, il lui faut avant
tout comprendre le fonctionnement de la structure et les difficultés du terrain.
Les soigneurs ont quant à eux besoin d’être le plus objectif possible dans leur prise en charge et dans
la détection des modifications comportementales.
Présentation de Kalaweit
Chanee, fondateur de Kalaweit.
Aurélien Brulé, dit « Chanee », a toujours été un grand passionné de primates. Il passe 5 ans de sa
jeunesse à observer, le mercredi après-midi, les gibbons à mains blanches d'un parc zoologique. A 16
ans, il publie un livre sur cette espèce afin d'aider à améliorer les conditions de vie des gibbons en
captivité. Grâce à cet ouvrage il est repéré par Muriel Robin qui l'aide à faire un premier séjour en
Thaïlande à ses 18 ans. Le confortant dans son objectif de venir en aide aux gibbons, il crée
l'association "Kalaweit" qui signifie « gibbon » en indonésien.
En 1999, il signe un protocole d'accord avec le gouvernement indonésien incluant : - la réhabilitation
des gibbons prisés par les populations et les braconniers comme animaux de compagnie ; l'information ; - la sensibilisation et l'éducation des populations locales ; - la protection des forêts sur
l'île Bornéo.
Depuis, Kalaweit ne cesse de s'agrandir et d'accueillir de nouveaux individus (singes, félins,
reptiles...). Chanee continue de lutter tous les jours pour la sauvegarde du milieu naturel contre les
grandes multinationales, le gouvernement, les braconniers, les mentalités...
Aujourd'hui Kalaweit, c'est plus de 280 gibbons, 32000 hectares de forêts protégées, 48 employés
locaux, une radio "Kalaweit FM" à Bornéo et 1 coordinatrice en France. Mais encore beaucoup de
travail reste à faire pour atteindre leur objectif. Malgré la notoriété acquise depuis des années,
Chanee reste quelqu’un de très simple et de très accessible. L’entendre parler et le rencontrer ne
laisse pas indifférent…

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