MATHIEu MATéGOT, HOMME DE FER AuX DOIGTS DE FéE

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MATHIEu MATéGOT, HOMME DE FER AuX DOIGTS DE FéE
en direct des galeries
page
08
le quotidien de l’art / numéro 172 / mardi 19 juin 2012
Mathieu Matégot,
homme de fer aux doigts de fée
p a r a l e x a n d r e c r o che t
Si Mathieu Matégot, designer né en Hongrie en
1910 et disparu en France en 2001, devait être résumé à
une seule expression, une seule pratique, ce serait celle
du métal. L’homme a créé plusieurs pièces dans d’autres
matériaux – du rotin au formica – et parfois en a employé
plusieurs à la fois, mais c’est bien dans celui-ci qu’il
excellait, au point d’être parfois surnommé « le couturier
du fer ». Dans les années 1940 et 1950, il n’est pas le
seul à employer l’acier, à s’intéresser aux possibilités
techniques nouvelles de ce métal à la robustesse éprouvée.
Jean Prouvé, Le Corbusier, Jean Royère en France, pour ne
citer qu’eux, s’y intéressent aussi. Mais l’inspiration de
Matégot découle moins des formes et usages de l’industrie
aéronautique et de la production de masse que d’un
regard plus large, teinté d’exotisme et de poésie, qui le
rattacherait également à la grande famille des designers
nordiques, celle du Finlandais Paavo Tynell ou du Danois
Poul Henningsen...
La galerie Jousse Entreprise, à Paris, rend hommage à
sa carrière, qui culmine dans les années 1950. Le parcours
à la scénographie sobre, agrémenté d’esquisses d’époque,
embrasse à la fois la production de mobilier pratique et
fonctionnel destiné aux
intérieurs étriqués de
l’après-guerre, « prêt-àporter » souvent produit
à 200 exemplaires,
parfois dans leur jus, et
une poignée de modèles
cultes « haute couture »,
cette fois édités en
6 à 8 exemplaires, voire
moins. Rue de Seine,
on redécouvre ainsi une
rare chaise Papillon (vers
1950). « Tout porte à
croire qu’il n’a réalisé que
deux ou trois exemplaires
de cette chaise, commente
Mathieu Matégot, Satellites, 1953,
rigitulle, tôle perforée et plissée,
Philippe Jousse. Je n’ai
Jousse Entreprise. © Adrien Dirand.
personnellement jamais vu
d’autre que celle-ci passer
sur le marché. » Non loin d’un long bar fait pour le Sénégal,
on trouvera encore les très japonisants lustres Satellites de
1953, en rigitulle, l’une des inventions de ce chercheur
dans l’âme qui n’aimait rien tant que plier et plisser le
fer. Parmi les pièces rares figure une lampe pyramidale en
laiton dont il n’existerait peut-être, selon le galeriste, qu’un
Mathieu Matégot, Chaise Papillon, 1950, 77 x 50 x 52 cm,
Jousse Entreprise. © Adrien Dirand.
seul autre exemplaire, et une table Kyoto de 1954 en métal
et en verre. Celle-ci est affichée pour 80 000 euros, les prix
des pièces les plus simples débutant à 2 300 euros pour une
étagère. « On peut encore trouver des pièces historiques à des
prix corrects », estime le galeriste. Surtout si on les compare
à ceux de Jean Prouvé ou de Le Corbusier...
La perforation, en forme de trèfle puis de carré ou
de rond, est la signature principale de ce designer « qui
travaillait autour des concepts intérieur-extérieur et ombrelumière », résume Philippe Jousse. Sa production, légère et
aérienne – mais résistante – tranche avec l’aspect un peu
massif de certaines pièces des designers contemporains.
Depuis sept ou huit ans, ses fils rééditent certains modèles.
« Ils l’ont fait un peu trop tôt, ils auraient dû attendre
un peu la reconnaissance qu’il connaît actuellement »,
juge Philippe Jousse. Dans les années 1960, la pratique
artisanale de Matégot ne résiste pas devant l’émergence
de la standardisation et de la production de masse : il
retourne alors à ses premiers amours, la tapisserie, genre
dans lequel il se tissera aussi un nom. Mais ceci est une
autre histoire... ❚
Mathieu Matégot, jusqu’au 30 juin, Jousse Entreprise, 18, rue de
Seine, 75006 Paris, tél. 01 53 82 13 60, www.jousse-entreprise.com