Document 1 de 1 Cour d`appel Paris Pôle 5, chambre 6 18 Octobre

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Document 1 de 1 Cour d`appel Paris Pôle 5, chambre 6 18 Octobre
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Document 1 de 1
Cour d'appel
Paris
Pôle 5, chambre 6
18 Octobre 2012
Confirmation
N° 10/24774
Monsieur Jean-Louis BRAULT
SA BANQUE DE GESTION PRIVEE INDOSUEZ
Contentieux Judiciaire
Numéro JurisData : 2012-025947
Résumé
Le banquier par l'intermédiaire duquel ont été souscrits deux contrats d'assurance-vie et
qui, en l'espèce, est donc intervenu en qualité de courtier, est, à ce titre, tenu à une double obligation légale
d'information et de conseil lors de la conclusion du contrat et pendant l'exécution du contrat, l'étendue des devoirs de conseil et d'information du courtier étant fonction des stipulations contractuelles convenues entre les
parties et du degré de connaissance du client.
En l'espèce, le banquier ne peut être déclaré responsable des pertes financières enregistrées par l'investisseur qui n'avait pas choisi de recourir à un mandat de gestion des produits financiers. La mission de la banque se trouvait contractuellement limitée à la transmission à la compagnie d'assurance des ordres
de modification de la répartition de l'épargne émis par l'investisseur et à la formulation de propositions d'arbitrage que l'investisseur pouvait librement décider d'accepter ou de refuser. Le choix d'une gestion directe des
produits financiers révèle la qualité d'investisseur averti du client qui s'est estimé suffisamment informé et expérimenté pour pouvoir évaluer les mérites et les risques de produits proposés par un intermédiaire financier. Le
banquier n'était pas tenu d'informer mensuellement l'investisseur sur l'état de son placement et il n'est pas prouvé
que ce dernier ait sollicité durant la période de crise de l'année 2008 des informations chiffrées sur l'évolution de
son épargne alors qu'il était en contact régulier avec la banque qui lui a suggéré, en vain, d'alléger ses positions.
L'investisseur ne peut reprocher un défaut d'information liée à l'évolution des marchés d'actions. Cette information publique était aisément accessible pour toute personne et plus encore pour un investisseur averti et expérimenté ayant accès aux publications officielles des cours boursiers mais aussi aux média spécialisés et également
au site internet du banquier qui publie l'évolution des cours des différents produits financiers proposés. Il n'est
pas établi que le banquier ait eu plus d'information que l'investisseur sur l'ampleur, la durée et les conséquences
de la crise boursière dont le caractère soudain et imprévisible ne permet pas de reprocher à la banque de ne pas
l'avoir anticipée.
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
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ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2012
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24774
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09499
APPELANT
Monsieur Jean-Louis BRAULT
Représentant : la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS,
toque : L0044
Assisté de : Me Loïc HENRIOT, plaidant pour la AARPI Henriot Mahassen Avocats, avocat au barreau de PARIS,
toque : C0049
INTIMÉE
SA BANQUE DE GESTION PRIVEE INDOSUEZ, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette
qualité audit siège
Représentant : Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)
Assistée de: Me Thierry DOURDIN de la SCP DOURDIN ASSOCIES SCPA, avocat au barreau de PARIS, toque :
P0236
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FÈVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées
dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
.
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- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du
prononcé.
*************
Vu le jugement rendu le 10/12/2010 par le tribunal de grande instance de Paris qui a dit que les frais d'arbitrage convenus le 18/10/2000 s'appliquent de manière uniforme aux contrats Aster Excellence Universelle et Aster Liberté, a ordonné à la société Banque de Gestion Privée Indosuez de communiquer à Monsieur BRAULT le détail de tous les frais
d'arbitrage et de gestion prélevés depuis le 18/10/2000 en précisant pour chacun d'eux le taux pratiqué, le taux dérogatoire et les montants correspondants, en sorte que le prélèvement indu ressorte par différence, ce dans un délai d'un mois
à compter de la signification de la décision, a dit que la société Banque de Gestion Privée Indosuez est tenue à restitution à Monsieur BRAULT du trop perçu, a rejeté le surplus des demandes et condamné la société Banque de Gestion
Privée Indosuez aux dépens ;
Vu le jugement rectificatif rendu le 21 octobre 2011par le tribunal de grande instance de Paris assortissant la première
décision de l'exécution provisoire.
Vu l'appel interjeté par Monsieur Jean-Louis BRAULT à l'encontre du premier jugement ;
Vu les conclusions signifiées le 26/6/2012 par Monsieur BRAULT qui demande à la cour de dire et juger que la Banque
de Gestion Privée Indosuez a violé ses obligations contractuelles de conseil et d'information à son égard relativement
aux contrats d'assurance-vie souscrit auprès de la Mondiale, et, en conséquence, de condamner la Banque de Gestion
Privée Indosuez à lui payer, en réparation de ces manquements, la somme de 1.000.000 euro à titre de dommages et
intérêts, et celle de 15.000 euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusions signifiées le 22/8/2012 par la société Banque de Gestion Privée Indosuez (BGPI) qui demande qu'il
lui soit donné acte ' de sa bonne foi et de son acceptation du jugement déféré, en ce qu'elle a remis à Monsieur
BRAULT, conformément au jugement (déféré), les pièces demandées ainsi qu'un chèque d'un montant de 44.541,95
euro correspondant au reliquat du trop perçu devant être restitué à Monsieur BRAUL', de confirmer le jugement déféré,
de débouter Monsieur BRAULT de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 15.000euro au
titre de l’article 700 du code de procédure civile;
SUR CE
Considérant que Monsieur BRAULT a souscrit deux contrats d'assurance-vie, le 10/7/1992 et le 17/8/1993, dénommés
respectivement 'ASTER EXPANSION I' et 'ASTER LIBERTE' auprès de la Hénin Vie, devenue La Mondiale Partenaire, par l'intermédiaire de la BGPI ; que par acte extrajudiciaire en date du 9/6/2009, il a assigné la BGPI devant le
tribunal de grande instance de Paris ; qu'il a, d'une part, demandé à cette juridiction de sanctionner les manquements au
défaut de conseil et d'information qu'avait commis la BGPI à son égard et de dire qu'elle devait lui régler, pour indemniser le préjudice qu'elle lui avait causé, la somme de 1.083.461 euro à titre de dommages-intérêts ; qu'il a, d'autre part,
critiqué le montant de frais d'arbitrage et de gestion qui avaient été, selon lui, indûment perçus ; que par la décision
déférée, les premiers juges ont dit que les manquements n'étaient pas établis ; que la BGPI ne pouvait pas être tenue
pour responsable des aléas boursiers imprévisibles lors de leur occurrence pour un professionnel normalement compétent et avisé selon les usages bancaires et boursiers en vigueur dans les mêmes circonstances de temps et de lieu ; qu'il
n'était pas prouvé que la crise financière et boursière survenue en 2008 était prévisible ; que de surcroît, et en tout état
de cause, le préjudice s'analyserait au mieux en un manque à gagner ou une perte de chance ; que le tribunal a débouté
Monsieur BRAULT de sa demande indemnitaire; qu'il a fait droit à la demande relative au remboursement des frais
d'arbitrage et de gestion ;
Considérant que la BGPI a établi le détail de tous les frais d'arbitrage et de gestion prélevés depuis le 18 octobre 2000
en précisant pour chacun d'eux le taux pratiqué, le taux dérogatoire et les montants correspondants, qu'elle a transmis
tous ces renseignements au conseil de Monsieur BRAULT, ainsi qu'un chèque de 44.541,95 euro, correspondant au
remboursement du reliquat du trop perçu par la BGPI au titre des frais d'arbitrage et de gestion prélevés sur les contrats
de Monsieur BRAULT depuis cette date ; que la BGPI sollicite, en sa qualité d'intimée, la totale confirmation du jugement entrepris ; que la question des frais d'arbitrage et de gestion n'est donc plus en litige devant la cour ;
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Considérant, sur la responsabilité de la BGPI, que Monsieur BRAULT qui se décrit comme n'étant pas un investisseur
aguerri à l'égard des produits très spécialisés, nombreux, évolutifs qui figurent dans les contrats d'assurance vie, soutient
que la BGPI est tenue à son égard à un double devoir, de conseil, portant notamment sur la réalisation d'arbitrages entre
supports, et d'information, renforcé, consistant essentiellement dans l'envoi de relevés mensuels récapitulant le niveau
atteint par l'épargne investi au travers des deux contrats litigieux et qu'elle a failli à ses obligations dans un contexte de
crise, à un moment où la logique propre à son métier et la nature de la crise imposaient qu'elle soit encore davantage
présente dans le suivi et le conseil ; qu'il expose que ces contrats fonctionnent selon les modalités d'une relation de gestion conseillée instaurée depuis l'origine; qu'il a toujours bénéficié d'un conseiller dédié qui lui suggérait et lui recommandait des arbitrages régulièrement et lui remettait des bulletins d'arbitrage pré-remplis pour qu'il les signe ; qu'il précise que le litige porte sur la période 2008 ; qu'il estime que, compte tenu de la très grande instabilité des marchés, la
BGPI aurait dû lui conseiller de procéder à des arbitrages de prudence, ce qu'elle n'a pas fait, et lui fournir des relevés
mensuels présentant l'évolution de la valorisation de son épargne dans les deux contrats litigieux, comme elle le faisait
habituellement et comme elle a omis de le faire entre le 30 juin et le 14 octobre 2008 ; qu'il soutient que ces manquements sont à l'origine d'une 'perte de valorisation' et que notamment le défaut d'information a aggravé son préjudice, car
en l'absence des états il n'avait aucune chance de se rendre compte des répercussions de la crise financière sur son patrimoine et de pallier la carence de la BGPI, notamment en lui réclamant, dès l'été 2008, les conseils qui faisaient défaut
;
Considérant que la BGPI rappelle le parcours professionnel émérite de Monsieur BRAULT, qui est polytechnicien,
ingénieur des Ponts et Chaussées, homme d'affaires réputé et avisé qui a exercé des fonctions managériales de premier
ordre dans plusieurs 'majors' du Bâtiment et des Travaux Publics, (directeur chez BOUYGUES entre 1977 et 1983,
Président de la société DEGREMONT, Président-Directeur Général de la société DUMEZ, puis de de GTM- Entrepose), avant de prendre sa retraite en 2000 ; qu'elle souligne qu'il investissait depuis plusieurs années sur le marché des
actions, ayant placé une partie de ses avoirs financiers sur un compte titres et un Plan d'Epargne en Actions (PEA), qu'il
gérait lui même de façon dynamique ; qu'elle précise que c'est dans le prolongement de cette stratégie d'investissement,
qu'il a souscrit en 1992 et en 1993, par son intermédiaire, les deux contrats litigieux ; qu'elle prétend que Monsieur
BRAULT, en qualité d'investisseur averti et expérimenté, a conservé, de manière libre et directe, la gestion de son
épargne placée sur deux contrats d'assurance-vie, de sorte qu'il est le seul responsable, en qualité d'unique gestionnaire
de ses placements, des conséquences des choix d'investissement opérés ; qu'elle indique que la crise financière de 2008,
qui a plongé les marchés financiers dans une phase de perturbation sans précédent et de volatilité extrême, dont nul ne
pouvait prévoir l'ampleur ou la durée, a eu une répercussion directe sur la valorisation des contrats d'assurance-vie de
Monsieur BRAULT ; qu'elle note que ce dernier n'ayant toutefois ni liquidé ses contrats d'assurance-vie, ni même arbitré les positions litigieuses, les moins- values latentes constatées à cette période sont demeurées purement virtuelles et
ne permettent aucunement de conclure à une perte financière caractérisée ;
Considérant que la BGPI, qui, en l'espèce, est intervenue en qualité de courtier, est à ce titre, tenue à une double obligation légale d'information et de conseil lors de la conclusion du contrat et pendant l'exécution du contrat ; que l'étendue
des devoirs de conseil et d'information du courtier est fonction des stipulations contractuelles convenues entre les parties
et du degré de connaissance du client ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats
- que le 10 juillet 1992, Monsieur BRAULT a souscrit un contrat d'assurance-vie 'ASTER EXPANSION I' n°57600001,
contrat individuel d'assurance sur la vie à versements libres, pour un montant initial de 15.971.763 Frs ; que le
15/6/1999, alors que les supports d'investissement de son contrat arrivaient à échéance en février 2000, il a signé un
avenant de transformation, par lequel la totalité de son épargne investie sur ce contrat, soit la somme de 27.640.834,40
Frs, (4.201.133,40 euro) a été transférée sans novation sur le contrat 'ASTER EXCELLENCE UNIVERSELLE'
n°900000001, nouveau contrat investi en actions, afin de bénéficier du dispositif dit « DSK » prévu par l'article 21 de la
loi de finances pour l'année 1998, et la totalité de l'épargne a été affectée sur le support ' INDOSUEZ CROISSANCE
2004" (soit 27.640.834,40 Frs) ; que ce fonds commun de placement était totalement exposé aux marchés actions tant
françaises qu'internationales, dont l'objectif suivi est un rendement performant ; qu'à l'échéance de ce fonds, le
17/6/2004, Monsieur Brault a demandé, par lettre adressée à la Mondiale Partenairs, que l'intégralité du fonds Croissance 2004 soit arbitré vers le support 'fonds en euros minimal garanti', investissement plus sécuritaire ;
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- que le 14 août 1993, Monsieur BRAULT a souscrit un second contrat d'assurance-vie 'ASTER LIBERTE'
n°61000012, contrat collectif d'assurance-vie à adhésion facultative à capital variable libellé en unités de compte, pour
une prime initiale de 14.500.000 Frs ; que selon le bulletin d'adhésion correspondant, Monsieur BRAULT a choisi, sur
les 18 supports proposés, la ventilation de son placement selon la répartition suivante :
20 % SICAV GESTION PIBOR, 10 % SICAV INDOSUEZ LONG TERME, 20% GESTION FRANCE INDEX, 10 %
GESTION SELECTION FRANCE, 20 % GESTION FRANCE EUROPE, 10 % GESTION ORIENT, 10 % SICAV
GESTION SICAVIMMO ; qu'il a ensuite diversifié ses placements vers des actifs de type obligations, gestion alternative ou même fonds en euros avec toujours une orientation majoritaire d'investissements dans des supports en actions
françaises ou internationales; que par avenant prenant effet le 2/8/2000, Monsieur BRAULT a transféré ses supports
d'investissements vers une 'unité de compte gérée profil croissance' ; par un avenant en date du 2/2/2004 et prenant effet
le 9 janvier 2004, il a décidé de transférer à nouveau les supports, et de retourner à une gestion dite 'directe' ou ' libre'de
l'épargne qu'il a investie sur divers supports dynamiques (actions, obligations, ' Hedge Funds');
Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur BRAULT n'a pas choisi, ainsi qu'il en avait la possibilité, une gestion
déléguée ; que celle-ci est définie, aux termes de l'article 8 du contrat ASTER EXCELLENCE UNIVERSELLE, ainsi :
' Le contrat propose également au Souscripteur qui a choisi d'investir sur les supports à capital variable collectifs
(OPCVM dont la liste figure en annexe) la possibilité de choisir une gestion déléguée de son épargne. Cette gestion,
proposée, par Indosuez Finance Gestion en accord avec l'Assureur, consiste en une ventilation, de l'épargne entre les
différents supports à capital variable, conformément à un objectif choisi par le Souscripteur et à la mise à jour périodique de la répartition de l'épargne en fonction de l'évolution de l'environnement économique et financier. Quatre objectifs de gestion sont proposés dans le cadre des gestions déléguées :
Prudence : l'objectif 'prudence' propose une allocation de l'épargne dans laquelle la part des O.P.C.V.M. actions sera
inférieure à 20 % du total, sans minimum.
Équilibre : l'objectif 'équilibre' autorise une allocation dans laquelle la part des O.P.C.V.M. actions sera comprise entre
20 % et à 60 % du total.
Croissance : l'objectif 'croissance' alloue aux O.P.C.V.M. actions une proportion comprise entre 30 % et 80 % du total.
Dynamisme : L'objectif 'dynamisme' alloue aux O.P.C.V.M. actions une proportion comprise entre 60 % et 100 % du
total.
En optant pour, une gestion déléguée, le Souscripteur donne plein mandat à l'Assureur pour procéder à tout moment à
l'allocation de l'épargne entre les supports- d'investissement selon la répartition arrêtée par Indosuez Finance Gestion.
La définition initiale de l'allocation, ainsi que les transferts effectués dans le cadre de la modification des allocations de
supports propres à chaque gestion déléguée sont à la seule initiative de Indosuez Finance Gestion.
Les frais administratifs occasionnés par les transferts d'un support vers un autre, au titre d'une gestion déléguée, sont
fixés dans l'Annexe aux Conditions Générales' ; qu'il est spécifié que ' le bénéfice d'une gestion déléguée ne peut se
cumuler avec la possibilité d'arbitrages entre supports à capital variable collectifs initiés par le Souscripteur. Par contre,
le Souscripteur peut opter à la fois pour une des gestions déléguées et l'investissement du solde de son épargne sur le
support en Francs et/ou sur le support "Aster Privilège' ;
Considérant que Monsieur BRAULT déclare lui même que la BGPI a agi comme gestionnaire conseil à son
égard ; qu'il relève que la BGPI décrit elle même ce rôle dans la publicité que l'on trouve sur son site internet :
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fonction des tendances du marché et de votre profil d'investisseur';
Considérant, en conséquence, et compte tenu du cadre contractuel déterminé par les parties, qu'il est manifeste que la
BGPI n'est pas investie d'un mandat d'arbitrage en vertu duquel la gestion des contrats lui aurait été déléguée par Monsieur BRAULT et que la BGPI, et plus particulièrement les conseillers avec lesquels il a été en relation, ont pour mission de transmettre à la compagnie d'assurance la Mondiale Partenaire les ordres de modification de la répartition de
l'épargne investie dans ses deux contrats d'assurance-vie, émis par Monsieur BRAULT sous forme d'arbitrages, et, le
cas échéant, de formuler des propositions d'arbitrage que Monsieur BRAULT est libre d'accepter ou non ; que l'assistance due par la BGPI , limitée à l'exécution des ordres transmis et aux indications ponctuelles pouvant être données, ne
s'étend donc pas à la gestion des placements, à la stratégie d'investissement mise en 'uvre ou à l'opportunité des opérations décidées ; que l'épargne placée dans ces contrats d'assurances-vie obéit à une 'orientation libre' de la part du souscripteur, ce dernier ayant souhaité conserver la gestion directe de ses investissements ;
Considérant que le choix de gestion opéré par Monsieur BRAULT exclut que lui soit déniée la qualité d'investisseur
aguerri et d'investisseur averti, puisque l'option choisie suppose que lui-même s'estime suffisamment informé et expérimenté dans le domaine financier pour pouvoir évaluer les mérites et les risques de produits proposés par un intermédiaire financier ;
Considérant que la cour retient que Monsieur BRAULT fait une critique très ciblée à la BGPI puisqu'il lui reproche, '
dans un contexte bancaire exceptionnellement perturbé, où ses conseils bien dispensés auraient été cruciaux, de n'avoir
pas, comme dans le passé, fait preuve d'initiative et ( de ne lui avoir pas) suggéré des arbitrages de nature à préserver la
valorisation atteinte par son épargne au fil des années' ; qu'il incrimine très spécifiquement l'absence de 'conseils très
simples et habituels pour un professionnel de la finance (qui) lui auraient permis de transférer ses actifs sur un compte
en euros', 'd'éliminer les deux lignes de Hedge Funds présentes dans le contrat ASTER EXCELLENCE' seul foyer de la
baisse de l'épargne investie dans ce contrat, d' adopter un profil défensif sur le contrat ASTER LIBERTE', ce qui lui
aurait permis de conserver la valorisation de son épargne atteinte au 30/6/2008 ; qu'il stigmatise le défaut d'envoi, pendant cette période des documents d'information mensuels ;
Considérant qu'aucune stipulation contractuelle n'impose à la BGPI la remise d'états mensuels détaillés ; que seule la
compagnie d'assurances, ainsi que les conditions générales le prévoient, ( ASTER LIBERTE. Information des adhérents
'Une fois par an, au minimum, l'Adhérent recevra un document, nominatif, sur lequel figurera notamment le montant de
l'épargne acquise au 31 décembre de l'année précédente' ASTER EXCELLENCE UNIVERSELLE Article 18 - Information du Souscripteur 'Chaque année, le Souscripteur recevra un document récapitulatif mentionnant notamment le
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nombre d'Unités de Compte attribué et leur valorisation à la fin de l'année précédente, le rendement du support sur l'année écoulée, le Capital Décès Garanti, les frais prélevés au titre de l'année écoulée') est tenue à une obligation d'information ;
Considérant qu'il n'est pas prouvé ni même allégué que pendant la période de crise Monsieur BRAULT ait réclamé des
informations chiffrées sur l'évolution de son épargne ; que la cour relève qu'à cette époque, il était en contact étroit avec
la BGPI à propos des frais de gestion et d'arbitrage et qu'une réunion a été organisée le 5/5/2008 ; que la cour ne peut
concevoir que, compte tenu de sa date et du contexte, les participants à cette réunion se soient bornés à évoquer le problème des frais de gestion administrative et d'arbitrage, comme le soutient Monsieur BRAULT ; qu'elle note que Monsieur Jean-Luc CHAMPETIER de RIBES expose qu'il a, à cette occasion, attiré son attention sur la part significative
des produits en gestion alternative au sein des contrats d'assurance-vie et lui a suggéré d'alléger ses positions, préconisation qu'il n'a pas suivie ; qu'il est significatif de constater que Monsieur BRAULT a procédé à 4 arbitrages sur le contrat
ASTER LIBERTE et à un arbitrage sur le contrat ASTYER EXCELLENCE entre le mois d'octobre 2007 et le mois de
mai 2008 et que le dernier en date a été effectué le 5/5/2008, jour de la réunion organisée par la BGPI, et qu'il ne reprend pas les préconisations de la BGPI ;
Considérant, ainsi que le relève la BGPI, que l'appelant déplore un défaut d'information qui ne saurait être caractérisé
compte tenu du fait que l'évolution des marchés d'actions est une information publique aisément accessible pour toute
personne et plus encore pour un investisseur aussi averti et expérimenté que Monsieur BRAULT, qui non seulement a
accès aux publications officielles des cours boursiers, mais aussi aux médias spécialisés et également au site internet de
la BGPI qui publie l'évolution des cours des différents produits financiers qu'elle propose ;
Considérant que Monsieur BRAULT n'établit pas que la BGPI avait plus d'information que lui sur l'ampleur, la durée et
les conséquences, pendant la période litigieuse, de la crise boursière survenue en 2008 et initiée par la crise des « subprimes » durant l'été 2007 ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'elle aurait pu prévoir la survenance d'une crise boursière et économique majeure qui, aussi soudaine qu'imprévisible, a pris de court tous les acteurs du marché et a nécessité l'intervention à grande échelle des pouvoirs publics et des banques centrales mondiales ;
Considérant dès lors que la faute de la BGPI, dont la responsabilité ne peut être engagée à l'égard de Monsieur
BRAULT, n'est pas caractérisée ;
Considérant en définitive que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que Monsieur BRAULT, qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de
sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; que l'équité commande au contraire qu'il soit
condamné à verser, à ce titre, la somme de 10.000euro ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur BRAULT à payer la somme de 10.000euro à la BANQUE DE GESTION PRIVÉE INDOSUEZ
au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne Monsieur BRAULT aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile
.
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Le Greffier Le Président
Décision Antérieure
Tribunal de grande instance
décembre 2010
Paris du
10
n° 09/09499
La rédaction JurisData vous signale :
Législation :
C. civ., art. 1134
C. civ., art. 1147
;
Note de la Rédaction :
Critère(s) de sélection : décision très motivée
Abstract
Droit bancaire, responsabilité civile du banquier, service d'investissement,
qualité d'intermédiaire, rôle de la banque, courtier, responsabilité du banquier en matière de placement financier (non), produit d'assurance, assurance vie, contrat de capitalisation, recherche de performance financière, domaine de la mission contractuelle du banquier, mandat de gestion (non), gestion directe des
produits financiers par l'investisseur, investisseur averti (oui), transmission des ordres d'arbitrage à l'assureur,
formulation de propositions d'arbitrage, obligations contractuelles du courtier, obligation d'information,
obligation de conseil, manquement de la banque (non), crise financière de 2008, subprimes, nécessité d'une
information spécifique de l'investisseur (non), information à la connaissance du grand public (oui), preuve de
la connaissance par le banquier d'informations financières ignorées de l'investisseur (non), caractère prévisible
de la crise financière (non), aléa boursier.
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