Chapitre 3 – L`Europe de la maturité

Transcription

Chapitre 3 – L`Europe de la maturité
agasa
L
des
missile
1969 - 1979
L’Europe
de la
maturité
européens
algré le déploiement massif d'hommes et de matériels,
les Etats-Unis doivent quitter le Vietnam, et, en 1973,
Saigon devient Hô Chi Minh-Ville. Après l'échec,
l'heure est à la détente entre Washington et Moscou. Du moins,
jusqu'à l'intervention soviétique en Afghanistan fin 1979. La voie est
donc ouverte à une série de mesures de contrôle de la menace
nucléaire et à un minimum de dialogue entre les deux puissances (le
«téléphone rouge»). La rivalité américano-soviétique n'apparaît plus
La guerre
comme le trait fondamental de la situation internationale. En
Europe, les 5 000 chars soviétiques qui, en 1968, envahissent la
Tchécoslovaquie pour écraser le Printemps de Prague laissent un
goût amer. Résultat, les Deux Grands s'évertuent plus souvent à
calmer leurs alliés qu'à avancer leurs pions respectifs.
Le principe d'équilibre donne toujours le « la » dans les états-majors et
chez les industriels. L'heure n'est pas encore au désarmement mais à
la « guerre fraîche », selon les mots de Brejnev. A chaque nouveau
matériel chez l'ennemi, il faut trouver une parade. A ce jeu, si
Américains et Russes ont une longueur d'avance, l'Europe marque
des points à partir des années 70. Bon nombre de missiles rivaliseront
et dépasseront même en termes de performance ceux des Américains
ou des Russes, et les contrats export le confirmeront.
Le 21 août 1968, les chars soviétiques entrent dans Prague pour mater la rébellion. En pleine guerre froide, les 50 000 chars du Pacte
de Varsovie se tiennent prêts à déferler sur les pays de l'Europe de l'Ouest. (AFP)
Cette course à la technologie sera d'autant plus vive que l'Union
fraîche
soviétique revisite sa doctrine d'emploi à partir de l’année 1976. Sous
l'impulsion du maréchal Ogarkov, chef d'état-major emblématique
de l'armée soviétique, l'utilisation de l'arme nucléaire devient dans
les esprits progressivement dissuasive, laissant la primauté de l'action
aux forces conventionnelles. Le recours à l'arme atomique ne pouvant
conduire qu'à la destruction de l'humanité, son utilisation apparaît
absurde et ne peut avoir d'effet que la menace. En cas de conflit, les
forces conventionnelles soviétiques s'organisent autour du concept
de GMO, le Groupe de Manœuvres opérationnelles, force qui doit
prendre par surprise l'Otan. Pour les Soviétiques, le scénario le plus
probable d'un conflit Est-Ouest se déroulerait exclusivement sur le
théâtre européen et au moyen des seules armes classiques. C'est
pourquoi le « cœur » du GMO est constitué de 50 000 chars tandis
que des missiles SS-20 sont déployés dès 1976-77. De part et d'autre,
les militaires cherchaient donc avant tout une modernisation de leur
arsenal classique.
L'invasion de l'Afghanistan tournera au cauchemar pour l'armée soviétique, et le conflit s'enlisera. Les Moudjahidin afghans
recevront de l'aide de la part des pays occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis. De nombreux missiles seront employés
de part et d'autre pendant ce conflit. (AFP)
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ontraves Italiana puis Sistel n'avaient obtenu que des succès mitigés dans leur tentative
es marines s'étaient attachées, au cours des années 50 et 60, à renforcer la défense des flottes et des
de créer un embryon d'industrie des missiles en Italie. La transformation du même
navires de combat en les dotant de systèmes de missiles capables d'engager des raids aériens à longue
concept de base (un missile guidé sur faisceau radar) en diverses variantes (sol puis surface-air
et moyenne portée. Les images des essaims de kamikazes se jetant sur les groupes de porte-avions américains
et finalement mer-mer, à travers les RSC-50, Indigo, Sea Indigo, Sea Killer Mk1 puis Mk2)
(Task Forces) dans le Pacifique étaient encore présentes dans les esprits. L'ennemi potentiel, la marine soviétique,
n'avait pas réussi à faire adopter en service opérationnel un seul système par les forces armées
si elle ne disposait pas de porte-avions, alignait en revanche une importante force aéronavale composée de
italiennes. Sistel y parviendra finalement avec le dernier-né de cette famille en transformant le
bombardiers à long rayon d'action dotés d'imposants missiles air-surface. La priorité avait donc été donnée aux
mer-mer Sea Killer en Marte, un air-mer lancé d'hélicoptère, qui deviendra l'antinavire léger
moyens d'abattre ces avions ou ces missiles de grande taille. Cette mission étant désormais assurée, la décennie
L'entrée en scène
de Selenia
standard de la Marina Militare italienne.
qui s'ouvrait (les années 70) allait voir les marines s'intéresser à des missiles à capacité offensive.
Le paysage des missiles en Italie va se trouver bouleversé par l'entrée en
Les trois coups d'une véritable révolution du combat naval allaient être frappés par Nord Aviation. Le constructeur
scène de l'électronicien Selenia. Celui-ci développe, à partir de 1968-69,
acquis une excellente réputation parmi les marines du monde en y introduisant les
L'envol des avait
premiers missiles antinavires légers grâce à la navalisation de ses antichars, avec les SS11M
antinavires puis les SS12M. En coopération avec la Suède, Nord Aviation avait réalisé le premier antinavire
une conduite de tir pour la défense antiaérienne navale de point, baptisée
Albatros. Elle est étudiée à l'origine pour tirer le missile surface-air américain Sea Sparrow,
lourd et longue portée, le M20/Rb08, muni d'un autodirecteur électromagnétique actif mais
produit sous licence en Italie.
(RID)
Mais en italianisant ce missile américain, Selenia allait lui apporter un tel nombre d'améliorations
encore guidé par radio. Les essais satisfaisants de la centrale inertielle AS33 laissaient entrevoir la possibilité de
qu'il se transforma pratiquement en un nouveau missile, baptisé Aspide. Selenia saura
réaliser un missile mer-mer, qui serait à la fois tout temps et « tire et oublie ». Nord Aviation fit une première
intelligemment l'adapter à trois usages : surface-air pour le système Albatros, sol-air avec le système
proposition en ce sens en 1965. Mais la Marine nationale française, faute de budget, repoussa le projet.
Spada et air-air sur le chasseur F-104, pour faire de l'Aspide le premier best-seller italien.
En octobre 1967, le destroyer israélien « Eilat » est coulé en quelques minutes par des missiles antinavires Styx
d'origine soviétique. Cet événement provoque une prise de conscience dans les marines occidentales, qui
ne disposent d'aucun équivalent. Une fiche programme est émise en France à l'été 1968. Elle débouche sur
le lancement, en 1969, du programme MM38 Exocet, qui connaît immédiatement un immense succès.
Le destroyer israélien « Eilat », de retour d'un engagement dans le Sinaï, à quai en juillet 1967. Trois mois plus tard, trois missiles soviétiques Styx
l’enverront par le fond. (AFP)
1968
Albatros
Un grand succès à l'exportation
Le développement de ce missile est conduit par l'électronicien Selenia à
partir de 1968. La société italienne élabore une conduite de tir modulaire
baptisée Albatros qui vient équiper un système de défense navale de point.
L'Albatros Mark 1 est étudié pour le missile surface-air RIM-7 Sea Sparrow
d'origine américaine et subira des expérimentations en 1972-73. Le système
Lanceur octuple
Albatros Mark 2 entre en service à partir de 1977, avec l'emploi du nouPortée : 13 km
veau missile italien Aspide, version modernisée de l'air-air AIM-7H
Altitude : 6 000 mètres
Sparrow, équipé d'un guidage par autodirecPremier grand succès italien à l'exportation, avec 65 systèmes
teur électromagnétique semi-actif.
et plus de 2 000 missiles produits pour 14 marines
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’est la Grèce qui donnera le coup de pouce à l'arrivée de l'Exocet, en commandant le MM38 en
AM39
décembre 1968. Mais en posant une condition : que la Marine française s'en équipe aussi. Ce qui
sera chose faite peu de temps après. Le
programme Exocet est le fruit d'un pari
L'AM39 est né du besoin de l'Aéronavale française d’un missile
air-mer destiné à équiper sa flotte de Super Etendard. Ce besoin
aboutira à la réduction de la masse et de la longueur de l'Exocet
MM38 pour permettre son emport sous les ailes des avions
embarqués sur porte-avions. En parallèle, l'industriel renforce
les équipements pour que le missile soit en mesure d'affronter
les contraintes sévères de l'emport sous avion (variations de
température) et des chocs au catapultage ou appontage. Le
missile sera par la suite adapté à de nombreux avions et
hélicoptères.
La formidable aventure de l’Exocet
audacieux, le développement d'un nouveau missile en à peine trois ans. Pari tenu, grâce à la combinaison
d'éléments préexistants et assemblés à la manière d'un Meccano.
Le missile qui révolutionne
le combat naval
1969
MM38
Les performances du MM38 sont si révolutionnaires
que le succès est fulgurant. L'Exocet sera commandé
par la Grèce, le Pérou, la Malaisie et l'Allemagne,
avant même d’avoir volé ! La révolution qu'apporte le
MM38 se mesure en termes de capacités. Il est à la
fois tout temps ; « tire et oublie » (totalement autonome en vol) ; à vol rasant au-dessus des vagues,
avec une vitesse de Mach 0.9 et affiche une portée de
40 à 42 km. Baptisé Exocet, le MM38 s'implante dans
les marines en Europe, Amérique du Sud, Afrique et
Asie (16 pays) et provoque la mise au point d'urgence
du Harpoon, son concurrent américain.
Le punch des aéronavales
Portée de 50 à 70 km
selon l'altitude de
lancement
1er tir autoguidé en
1976
Fin des essais en 1978
1974
Le Meccano Exocet :
- Centrale inertielle dérivée de celle du Pluton, elle-même
issue de l'AS33
- Propulseur à poudre de longue durée étudié pour cible
supersonique C30, elle-même dérivée de l'AS30
- Charge militaire dérivée de l'AS30
Enorme commande par
la Royal Navy en juin 1971
(300 missiles,
37 installations de tir)
1er tir complet en juin 1971
1er tir en Grèce
en janvier 1972
Livraison de série
dès mars 1972
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SM39
Déjà une deuxième génération
Livraisons à partir de 1982
Portée de 70 km
Une vingtaine de pays
export
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C'est en coopération que le projet de
missile tiré d'un sous-marin devait être
lancé, objet, entre 1969 et 1977, de longues discussions entre la France et la
Grande-Bretagne. Le programme a initialement réuni deux équipes binationales :
Nord Aviation et BAC, d'un côté, pour un
SM38, Matra et Hawker Siddeley
Dynamics, de l'autre, pour un Sea Martel.
Au final, le projet ne sera lancé que par la
France, qui fera le choix de l'Exocet de
Nord Aviation, devenu entre-temps
SNIAS. Le SM39 (Sub-surface-Mer) est
en fait un missile AM39 installé dans une
capsule en forme de torpille. Tout comme
cette dernière, la capsule est lancée par
un des tubes du sous-marin, propulsée et
guidée vers la surface. Après l'émersion,
le missile s'éjecte de sa capsule et son
propulseur s'allume pour entamer son vol.
1978
Dérivé de l'AM39, le MM40 adopte des ailes repliables pour
réduire l'encombrement du conteneur de lancement. Résultat,
quatre MM40 occupent le même volume qu'un seul conteneur
de MM38. La résistance de l'autodirecteur au brouillage est
améliorée. Ce programme donne lieu aux premières applications de l'électronique numérisée, permettant la naissance
d’une véritable deuxième génération d'Exocet. Comme ses
prédécesseurs, le MM40 rencontrera un franc succès à
l'export, particulièrement au Moyen-Orient et en Amérique
du Sud.
1975
MM40
Le premier missile à
changement de milieu
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1er tir depuis un sous-marin
en plongée en 1982
Equipe depuis 1985
5 SNLE, 4 SNA et
4 Agosta français
Exporté au Pakistan
atra ne pouvait laisser Nord Aviation seul sur le créneau prometteur des antinavires à vol rasant.
Des contacts sont noués au printemps 1970 avec la société italienne OTO Melara. Cette dernière
venait de se voir attribuer par le gouvernement italien
le contrat de développement d'un missile mer-mer à
longue portée appelé Teseo par la marine italienne.
Dans la lignée de l’Exocet
Mais OTO Melara, spécialisée dans l'artillerie navale, n'avait aucune expérience en matière de missiles, une
lacune que viendra combler Matra. De leur côté, les Britanniques lanceront un programme pour remplacer
l'AS12, qui sera utilisé durant le conflit des Malouines, avant même son entrée opérationnelle. Résultat, le
missile touchera deux navires !
Otomat
La longue portée offerte
à l’antinavire
1er tir autoguidé en 1973
1ères livraisons en 1978
Le missile réalisé en commun est alors baptisé
Otomat, pour OTO Melara/MATra. Sa longue portée
(180 km) offerte par une propulsion à turboréacteur
en fera plus un pendant du Harpoon, ce missile
américain, qui apparaît à cette époque, et qui affiche
une portée supérieure à celle de l'Exocet.
1 080 missiles livrés
100 navires équipés dans
11 marines
1971
Sea Skua
L’antinavire léger du Lynx
Les études du missile air-mer Sea Skua sont lancées pour
remplacer l'AS12. Devant armer les nouveaux hélicoptères Lynx
de la Royal Navy, le Sea Skua entre en service officiellement en
1983. Mais des missiles de fin de développement seront utilisés
au combat dès 1982, durant le conflit des Malouines. Le guidage
s'effectue par autodirecteur électromagnétique semi-actif et le
missile attaque en vol rasant. A noter qu'il a bénéficié du succès
commercial à l'exportation de son
hélicoptère porteur, le Lynx.
Portée : 15 km
1er essai de tir fin 1979
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1975
orsque la première génération de missiles air-air est
utilisée au combat au Moyen-Orient (guerre des
Six-Jours, 1967) puis au dessus du Nord-Vietnam, elle déçoit
les pilotes de chasse. Tant de choses avaient été écrites dans
ces années-là sur une guerre automatisée à coup de missiles,
que les pilotes attribuaient à leurs missiles des possibilités
que les techniques de l'époque ne pouvaient permettre.
Cette première génération avait en effet été conçue pour
Dans les airs
intercepter
des
bombardiers
lourds volant en ligne droite et à
vitesse stabilisée. On prévoyait en
fait de disloquer les formations de bombardiers en leur
MiG 21 (AFP)
envoyant une salve de missiles air-air pour, une fois dispersés, les descendre un à un au canon. Or, les combats
aériens des années 60 se déroulent en fait entre des chasseurs d'une toute nouvelle génération (Mirage III, MiG 21,
Phantom…) qui ont en commun d'être supersoniques, manœuvrants et de taille réduite. Pris dans la tourmente, les
pilotes oublient les scénarios très précis d'engagement de leurs missiles et les tirent hors domaine. Les combats
aériens se terminent alors en mêlée tournoyante et au canon.
La réponse de l'industrie ne se fait pas attendre. L'effort est porté sur une ouverture beaucoup plus large du
domaine de vol des air-air et sur l'amélioration de leur manœuvrabilité. Comme il n'est pas encore possible de
(Crown Copyright)
réunir toutes ces performances à bord du même missile, deux catégories d'air-air font leur apparition. D'une part,
le missile de combat rapproché (« dog-fight », en anglais, c'est-à-dire combat de chiens), ultramanœuvrant et équipé
Sea Eagle
Le missile du strike maritime
Successeur du Martel, le Sea Eagle a été conçu pour armer
les Buccaneer et les Sea Harrier britanniques avec un air-mer
longue portée (110 km) pour les opérations antinavires. La
cellule comme la propulsion par turboréacteur sont dérivées
du Martel, avec l'adoption d'un autodirecteur radar actif
(Marconi) et d'une nouvelle charge militaire.
d'un autodirecteur infrarouge pour se diriger vers la tuyère du chasseur ennemi. Pour répondre à ce besoin, Matra
développe le R550 Magic et l'industrie britannique, le SRAAM, malheureusement abandonné. D'autre part, le
missile d'interception à grande distance (plusieurs dizaines de kilomètres) est largement perfectionné. Matra met
au point successivement les Super 530F et Super 530D dans cette catégorie. La Grande-Bretagne réalise le Skyflash
sur la base du missile américain Sparrow.
1979
lors que les missiles d'interception visent à abattre des aéronefs à moyenne et longue
distance (une dizaine de kilomètres) et à assurer la supériorité aérienne de son porteur,
Essais en vol
à partir de 1981
les missiles courte portée ont pour mission l'autoprotection de l'avion. Opérationnellement,
Production lancée en 1984
l'idée est de lancer d'abord une salve de missiles
Entré en service en 1986
d'interception à longue portée, puis d'engager un
Exporté en Inde
duel tournoyant avec les appareils ennemis survivants à coup de missiles de combat rapproché.
Le combat de chiens
Ainsi le canon ne sert-il qu'en dernier ressort, ou est-il relégué pour d'autres missions comme
pour l'attaque sol-air.
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Magic
Un missile pour le combat tournoyant
Les enseignements des combats aériens
entre Israéliens et Arabes (guerre de
1967) ont montré le besoin d'un missile
pour le combat tournoyant, une situation
dans laquelle le R530 n'était pas adapté.
L'idée est de concevoir un missile avec
un diamètre réduit, de le munir d'un propulseur à très forte accélération au
départ ainsi que d'une formule aérodynamique originale (double canard à l'avant).
Le Magic est ainsi un concentré de nouveautés, et le premier air-air français « tire
et oublie ». Son succès à l'exportation est
immédiat.
1969
1er tir guidé en 1971
1ères livraisons en série
en 1975
Skyflash
15 clients déjà en 1981
7 000 Magic 1 livrés
de 1975 à 1984
(ECPAD)
Le début d’une longue histoire
L'adoption du chasseur américain F-4K
Phantom britannisé par la RAF et la Fleet
Air Arm posait le problème de l'absence
d'un missile air-air britannique à autodirecteur électromagnétique. La solution
viendra de la modernisation de l'AIM-7E2
Sparrow américain, que les Britanniques
doteront d'un autodirecteur développé
par Marconi et de divers autres équipements (fusée de proximité EMI…).
1969
Exporté en Suède pour armer les
chasseurs Saab JA37 Viggen (Rb71)
94
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Trop en avance sur
son temps
L'apparition au Vietnam d'un besoin
de missile air-air de combat rapproché
poussera Hawker Siddeley à lancer à titre
privé le projet Taildog, qui a pour but
l'étude d'un air-air courte portée, avec
l'objectif de dépasser en performance
une modernisation supplémentaire de
l'AIM-9 Sidewinder. Le contrat est signé
en 1970 pour l'étude d'un Short Range
Air to Air Missile (SRAAM). Annulé en
1974, il sera remplacé par un programme
de démonstration technologique comprenant des tirs depuis le sol et un seul
depuis un avion. La campagne d'essais
révélera une agilité sans égal grâce à
des déviateurs de jet et des excellentes
performances de l'autodirecteur IR en
combat rapproché. Mais le choix en août
1977 de l'AIM-9L Sidewinder américain
sonnera le glas du programme.
1970
Magic 2
1er tir en 1977
Gros plan sur le lancement d’un SRAAM. (D.R.)
Un as du combat tournoyant
De très nombreuses améliorations sont
apportées à la nouvelle mouture du célèbre
missile Magic : un nouvel autodirecteur
infrarouge pour l'engagement de cibles
dans leur secteur avant, un propulseur plus
performant et une résistance accrue aux
contre-mesures. Le Magic 2 bénéficie d'une
extraordinaire agilité pour contrer les
manœuvres évasives des avions modernes.
Le trio Mirage 2000 - Super 530D - Magic 2
démontre des qualités exceptionnelles en
combat aérien simulé entre aviations
alliées.
1978
SRAAM
Entré en service
en 1982
3 500 Magic 2
produits à ce jour
Exporté dans 9 pays
(ECPAD)
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(D.R.)
l'été 1970, apparaît au Moyen-Orient le dernier-né de la
recherche aéronautique soviétique : le MiG 25 Foxbat.
Ce chasseur de reconnaissance avait la particularité de pouvoir
voler à très haute altitude, à plus de 20 000 mètres, et d'atteindre
la vitesse impressionnante de Mach 3. Face
au MiG 25, les chasseurs israéliens Phantom
se trouvaient fort démunis, incapables de
l'intercepter avec le missile américain
air-air Sparrow, techniquement étudié pour
l'interception de cibles évoluant plutôt
à basse altitude. Les armées occidentales
Des missiles
pour intercepter
les chasseurs
bombardiers russes
réagissent et lanceront une nouvelle génération de missiles air-air
d'interception plus performants. Tandis que le Sparrow américain
sera modernisé, en Europe, Matra confirmera sa place de numéro
un dans le domaine des air-air, avec la famille Super 530.
Super 530F
Un missile pour abattre le MiG 25 Foxbat
MiG 25 Foxbat. (D.R.)
98
1972
Le ministre français de la Défense, Michel Debré, s'émeut de la
possibilité pour les MiG 25 soviétiques de pouvoir violer impunément
l'espace aérien français. En résulte le lancement du Super 530F, optimisé pour l'interception à haute altitude, avec une portée et un dénivelé
vers le haut doublés.
1ère interception réussie en
essai en 1975
Livraison à partir de fin 1979
1 300 missiles produits
Armement du Mirage F1
dans 5 pays étrangers
En France armement du F1
et Mirage 2000 DA
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Une cible aérienne
à la hauteur
1978
C22
Dans la perspective de la mise au point
des nouveaux missiles lancés en développement entre 1977 et 1980 (Super 530 D,
Magic 2, Mistral), il fallait une cible plus
performante que le CT20 pour simuler
avec réalisme à la fois des avions de
combat modernes et des missiles
tactiques. L'étude est donc lancée pour
un tel engin ayant un domaine de vol
étendu (de 5 mètres pour simuler un antinavire à vol rasant, jusqu'à 15 000 mètres),
offrant à la fois une grande manœuvrabilité
(6,5 g) et une vitesse élevée (Mach 0,92).
A noter aussi la possibilité pour plusieurs
C22 d'évoluer en patrouille.
Présérie C22T livrée
à partir de 1984
Version C22L en 1992
Production de 140 unités
Grand dénivelé vers le bas
Le développement du Mirage 2000 à radar
Doppler à impulsions (RDI), technologie
nécessaire pour tirer un missiles air-air
vers le bas, va provoquer l'apparition
d'un dérivé du Super 530. Cette nouvelle
version va ajouter à un grand dénivelé
vers le haut du Super 530 F une capacité
nouvelle de tirer vers le bas sur des cibles
volant à très basse altitude. Le domaine
de vol du missile va considérablement
s'ouvrir, allant de 60 à 24 000 mètres.
Le missile est équipé d'un nouvel autodirecteur Doppler et d'une allonge accrue
par propulseur à impulsion augmentée.
1977
Super 530D
1er tir en 1984
1ères livraisons en 1987
1 000 exemplaires
produits jusqu'en 1997
Exporté dans 4 pays
100
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Aspide
Un excellent multirôle
vec la technique, la menace se transforme. Les avions devenant très manoeuvrants et les missiles longue
portée efficaces, dorénavant tout bombardier évoluant à haute altitude devient vulnérable. Les missions
L'Aspide est un missile air-air moyenne portée, étudié
pour équiper également le système surface-air
Albatros Mk2 et le système sol-air Spada.
1971
de bombardement dans les années 70 privilégieront les attaques à basse altitude. L’avion utilisant à vive allure le
relief géographique peut ainsi surprendre les systèmes de défenses aériennes, mal préparés à ce nouveau type
d'engagement. De nouveaux systèmes de missiles antiaériens seront donc
développés, à courte, voire très courte portée, capables d'un temps de réaction
très bref pour répondre à une menace débouchant derrière une colline.
Autre évolution, la défense devient mobile. Les systèmes de plus en plus légers
Quand la défense
aérienne devient mobile
peuvent être emportés en opération, soit dans des shelters et réinstallés en très peu de temps, soit montés sur des
véhicules (AMX 30 pour le système Roland français, ou sur une remorque pour le Spada). Cette mobilité permet
d'assurer la défense aérienne d'une position, d'une base aérienne ou même de zones de haute valeur.
Essais de tir entre 1975 et 1977
Opérationnel en surface-air avec Albatros
Mk2 en 1979, en sol-air avec Spada en 1983
et en air-air sur F-104S en 1988
Spada
L'Aspide sol-air
Fin des essais en 1977
Evaluation opérationnelle en
1982-1983
Le Spada est un système sol-air mobile
pour la protection des bases aériennes.
Le système extrêmement mobile est
muni de radars de surveillance et de
conduite de tir prenant place dans des
shelters et d'un lanceur de missiles
Aspide sur remorque. Il fut exporté dans
l'armée de l'air thaïlandaise.
1974
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103
Entré en service en 1983 dans
l'armée de l'air italienne
n France, deux voies technologiques seront particulièrement explorées dans
les années 70 : la renaissance des statoréacteurs et le guidage laser. La révolution de la microélectronique au début des années 70 laisse entrevoir la possibilité de
piloter et de guider un missile propulsé par statoréacteur. Les études en France seront
donc reprises sur les « stato » par l'ONERA, après leur arrêt
Des missiles vers 1960. Un premier développement exploratoire est lancé en
en coopération entre l'ONERA et la SNIAS, avec le
haut de gamme 1973
MPAN (missile probatoire antinavire), qui préfigurait l'ANS.
Une campagne d'essais réalisera cinq vols réussis entre 1976 et 1979, à des vitesses comprises entre Mach 2 à Mach 2,5.
Concernant le guidage laser, il a pour la première fois été utilisé sur des bombes par
les Américains au Vietnam. Un de ses plus hauts faits d'armes a été l'attaque du pont
Than Toa en 1972. Un seul raid de bombardiers Phantom aura suffi pour en venir à
bout, sans aucune perte, alors que l'objectif avait été bombardé pendant près de quatre
ans sans aucun résultat et avait provoqué la perte d'une dizaine d'avions.
AS30 Laser
Sica (Shahine)
Une défense pour l’Arabie Saoudite
Système de défense sol-air courte portée, le
Shahine développé par Thomson-CSF est embarqué sur le char de conception française AMX 30,
pour la défense mobile des unités blindées de
l'Armée de terre saoudienne. Tout comme le R440
du système Crotale, la réalisation du missile,
baptisé R460 SICA, est confiée à Matra. Le système est déclaré opérationnel après une série de tirs
d'essais brillamment réussis.
1977
Les progrès réalisés dans le laser au
début des années 1970 vont permettre
de l'embarquer dans des pods aériens
pour la désignation d'objectifs. La
conception d'une version de l'AS30 à
guidage laser, avec une précision d'un
mètre par rapport au point visé par le
faisceau laser, est donc lancée et les évaluations auront lieu entre 1984 et 1988,
année d'entrée en service sur Jaguar en
France. Mais le missile sera, avant
d'équiper le Jaguar, déjà adapté dès
1986 sur le Mirage F1.
1975
Crotale naval. (Yves Debay)
La précision au mètre près
1er tir en 1979
Près de 1 000 missiles produits
Deux pays export
Système opérationnel
en 1980
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a particularité des missiles par
rapport aux obus tient à leur fort
potentiel de modernisation et de croissance.
Et pour rester à la pointe de la compétition, il
faut anticiper. En l'espèce s'adapter à l'évolution de nouveaux blindages soviétiques qui
font leur apparition au même moment. Les
plaques de blindage additionnelles et composites développées sont multicouches, afin de
désorganiser l'action
des charges creuses,
et équipent alors les
chars
soviétiques
Percer le
surblindage
T54, T55 puis T72 et T80. L'armée française
décide donc du lancement d'un programme
Char russe T72 en Tchétchénie, muni de plaques de blindage additionnelles. Le surblindage,
puis blindage réactif obligeront les industries à augmenter le pouvoir perforant des missiles
antichars. (AFP)
Milan.
Un missile d’avant-garde
L'ASMP est issu du besoin de l'armée de l'air de se
munir d'un vecteur air-sol moyenne portée (ASMP).
La portée devait atteindre plusieurs centaines de
kilomètres avec une charge nucléaire tactique, tandis
que le vecteur devait offrir une garantie de pénétration
de défenses aériennes sophistiquées et denses. Les
performances requises (haute vitesse à basse altitude
sur longue portée) impliquaient une propulsion par
statoréacteur. La mise au point a nécessité d'énormes
efforts et moyens d'essais, en raison du trop long arrêt
des recherches entre 1960 et 1973 et de spécifications
très ambitieuses. Le résultat fut à la mesure des
espérances : l'ASMP devint le premier statoréacteur
moderne doté d'un accélérateur intégré (fusée à poudre
logée dans la chambre de combustion du statoréacteur), ce qui permit de supprimer les fusées d'appoint
latérales. Le missile fut aussi le premier vecteur capable
de voler à plus de Mach 3 à haute altitude et à plus de
Mach 2 à basse altitude. Résultat, un missile quasiment
impossible à intercepter.
Milan 2
1978
106
L’antiblindage composite
Par rapport à son prédécesseur, la
charge à calibre du Milan 2 est largement
augmentée, tandis que la tête est munie
d'un explosif plus puissant. Le missile
sera aussi équipé d'un système de vision
nocturne, appelé Mira. La livraison du
Milan 2 en 1984 permet de contrer les
chars T-72B et T-80 apparus en 1983. Par
sa simplicité d'utilisation, puisqu'il suffit
de maintenir l'axe de la lunette de visée
sur la cible, le système est particulièrement apprécié des fantassins.
1975
ASMP
d'amélioration de son missile antichar
(MBDA/Michel Hans)
1er tir d'avion en 1983
Entré en service en 1986
Capable de perforer 880 mm
de blindage
Rénovation à mi-vie démarrée
en 1999
Diamètre de la charge : 115 mm
contre 103 pour le Milan 1
107
n raison de leurs performances, les missiles français conçus dans les années 60 obtiennent
à leur arrivée sur le marché au début des années 70 des succès sans précédent, qu'il
s'agisse des R530, Milan, Hot, Roland, Crotale, Exocet, Magic, ou Super 530. Matra se hisse dès
1975 au rang de numéro deux mondial des air-air. La SNIAS fait de même avec l'Exocet dans les
antinavires. L'industrie aéronautique française apparaît de plus en plus comme une « troisième
voie » alternative à l'achat de missiles aux Etats-Unis ou en Union soviétique, ce qui assure son
succès auprès des pays nouvellement indépendants. Outre le partage des frais de développements,
les coopérations entre Européens lancées de 1963 à 1971 augmentèrent les effets de série. Cette
période montra aussi que les succès des missiles
étaient très liés à celui de leurs porteurs : Mirage de
L'Europe de la troisième voie
chez Dassault pour les air-air de Matra, vedette
« La Combattante II » pour l'Exocet. Phénomène identique en Italie, dans le secteur naval
surtout, où les succès à l'exportation remportés par les navires de combat italiens, notamment
la classe Lupo, dope les ventes d'Albatros chez Selenia et d'Otomat chez Oto Melara. En
Grande-Bretagne, l'absence d'un chasseur national réduit les possibilités d'exporter les missiles
aéroportés Skyflash ou Sea Eagle. Il en est de même dans le secteur naval pour le Sea Wolf. Ces
missiles ne trouveront tous qu'un seul client à l'étranger. En revanche, le Sea Skua profite à plein
du succès commercial de l'hélicoptère Lynx.
Le missile antichar Milan est utilisé durant l'interminable guerre civile libanaise de 1976 à 1982. En 1976, il s'oppose à l'entrée des
chars syriens dans la ville de Beyrouth. Il est ensuite couramment utilisé comme arme antisnipers pour tuer les tireurs d'élite
opérant le long de la “ligne verte” qui divise la ville en deux parties. (AFP)
En 1982, l'armée israélienne pénètre au Sud-Liban dans le cadre de l'opération « Paix en Galilée ». Cette photo prise le 4 août
montre Beyrouth en flammes. Peu de temps après, dans la plaine de la Beqaa, l'armée syrienne engage une trentaine d'hélicoptères
Gazelle armés de missiles Hot. Ce baptême du feu coûte aux Israéliens de nombreux chars et blindés, dans ce qui reste l’un des plus
grands engagements au combat d'hélicoptères d'attaque contre une unité blindée. (AFP)
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Pour dissuader les Libyens qui ont pris le nord du Tchad de continuer leur avancée, les troupes françaises s'installent le long du
15e parallèle Nord. Le 25 janvier 1984 a lieu le premier tir français d'un missile Hot au combat, lorsqu'un hélicoptère Gazelle du
5e Régiment d'hélicoptères de combat (RHC) détruit un bitube antiaérien de 14,5 mm à Toro-Doum. (AFP)
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