Gaël Giraud : « La transition énergétique implique un vrai projet de

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Gaël Giraud : « La transition énergétique implique un vrai projet de
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politique pour Nouvelle
donne ?
Gaël Giraud : « La transition
énergétique implique un vrai
projet de société »
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Entretien, par Jérôme Latta| 19 juin 2014
Européennes 2014 : La
déception du Front de
gauche
Gaël Giraud, directeur de
recherche au CNRS, rattaché au
Centre d’économie de la
Sorbonne, est membre de
l’École d’économie de Paris, de
la Fondation Nicolas Hulot, de
Ce que la gauche
reproche à Piketty
l’ONG Finance Watch et de la
Fondation d’écologie politique.
Il a participé aux travaux du
cc Flickr / zigazou76
Alexis Tsipras, meilleur
espoir européen
Les intermittents vers un
été brûlant
Malgré l’absence de projet de la classe politique, l’incompréhension
des citoyens ou l’obstruction des banques et de Bercy, l’économiste
Gaël Giraud reste optimiste pour l’avenir et explique quels
Trimestriel
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printemps de Regards
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le 15 avril ! Poser un
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bouleversements appelle la transition énergétique.
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|WEB, ENTRETIEN, ENERGIE, ECOLOGIE
Le projet de loi sur la transition énergétique était présenté
ce mercredi en Conseil des ministres. Longtemps retardé
alors que l’urgence énergétique et climatique devient
toujours plus pressante, il recouvre des enjeux politiques
majeurs pour l’environnement, mais aussi pour l’économie
et les modes de vie.
Regards. Quels sont les leviers d’action pour mener la
transition énergétique ?
Gaël Giraud. Il existe trois chantiers principaux. Tous les
experts s’accordent pour dire que la rénovation thermique
des bâtiments en fait partie. L’habitat représente 40% de
notre consommation de fuel en France et 25% des
émissions de gaz à effet de serre. En rénovant
thermiquement les bâtiments, on fait d’une pierre
plusieurs coups : on adresse à la fois la question de la
dépendance à l’énergie et l’enjeu climatique,
conformément aux engagements de notre pays. En outre,
on améliore la balance commerciale française, on résout
en partie le drame de la précarité énergétique et on crée
des emplois... Le deuxième chantier est la mobilité verte et
le troisième, le verdissement des processus industriels et
agricoles. Voilà pour le volet de la demande. Sur le versant
de l’offre, la question est : quel mix énergétique
choisissons-nous ? Si l’on opte pour un mix comportant
beaucoup d’énergies renouvelables, alors l’investissement
dans celles-ci doit devenir une priorité. Mais avons-nous
tranché cette question ? En réalité, il y a eu beaucoup de
discussions au cours des travaux du CNDTE, mais on ne
peut pas dire, aujourd’hui, que la classe politique française
ait mis la question de la transition sur la table du débat
public. Le projet de loi de transition de Mme Royal est une
étape très prometteuse. Il confirme le cap de réduction du
nucléaire à horizon 2025. Il met en avant la rénovation
thermique des logements et de l’habitat. Il accélère le
passage à la voiture électrique.
Pour quelle raison le problème n’est-il pas posé
entièrement ?
Il y a des raisons sociologiques qui expliquent qu’une
partie de la classe politique française ne croie pas en la
nécessité et en l’urgence de cette transition, et préfère
regarder ailleurs. En agissant de la sorte, elle est
Conseil national du débat sur
la transition énergétique
(CNDTE).
Il a notamment dirigé, avec
Cécile Renouard, 20
propositions pour réformer le
capitalisme (Flammarion
2012).
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Moralisation de la vie politique :
Copé redouble d’efforts.
elle-même le reflet de l’opinion publique : une partie de
celle-ci ne veut guère en entendre parler, et estime que la
crise économique, sociale et financière est bien plus grave
– et l’on peut difficilement reprocher aux catégories
défavorisées, qui peinent à boucler leurs fins de mois,
d’avoir du mal à entendre parler de la transition
écologique. Il y a d’autres éléments : la catégorie des
Français les moins sensibilisés à la question est
essentiellement constituée d’hommes citadins de plus de
soixante ans, qui composent l’écrasante majorité de la
classe politique française en activité…
« Le problème est que les classes dirigeantes d’Europe de
l’Ouest n’ont pas de projet politique »
Les politiques prennent peut-être en compte
l’impopularité de la fiscalité écologique, comme on l’a
vu dans le contexte de l’écotaxe…
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Il me semble, de manière globale, que le "ras-le-bol fiscal"
dont on a beaucoup parlé indépendamment de l’écotaxe,
est très largement une construction médiatique. Même s’il
est exact que notre système fiscal est opaque et
redistribue la richesse du bas vers le haut, je ne pense pas
que l’on ait beaucoup d’éléments pour étayer la thèse d’un
ras-le-bol fiscal universel, surtout compte tenu de la
nature du système fiscal français qui est troué par des
niches fiscales, et très avantageux pour les plus riches.
Maintenant, on a réussi à faire preuve d’une telle
maladresse sur l’écotaxe qu’elle est aujourd’hui mal vue,
alors que, bien expliquée, avec pédagogie, et surtout
insérée dans un véritable projet politique, elle serait tout à
fait acceptée. Le problème est que les classes dirigeantes
d’Europe de l’Ouest n’ont pas de projet politique.
L’écotaxe est alors vue simplement comme une taxe de
plus dont le corps social français ne voit pas l’intérêt,
puisqu’il ne voit pas à quel projet de longue durée, qui
ferait sens et que l’on pourrait expliquer, l’argent qui lui
est retiré pourra servir. Tant que manquera un vrai projet
ayant du souffle, toute taxe sera perçue comme punitive.
Les résistances résident-elles aussi dans la difficulté à
financer la transition énergétique en raison de la
crise ?
Indépendamment des aspects culturels, psychologiques ou
sociologiques, le véritable obstacle – plus qu’une
résistance – est la question du financement. Selon les
estimations disponibles, si l’on voulait lancer
simultanément tous les chantiers de la transition pour la
France, cela coûterait entre 60 et 100 milliards d’euros par
an pendant au moins dix ans, ce qui semble assez hors de
portée pour l’instant – même si, au fond, je pense qu’il
faudrait le faire. La BCE a créé plusieurs milliers de
milliards pour sauver les banques, ne pourrait-elle pas en
faire autant pour sauver le continent et, avec lui, la
planète ? Concernant la rénovation thermique des
bâtiments, en ne considérant que les bâtiments publics, la
facture s’élèverait à 10 milliards d’euros par an, ce qui est
beaucoup plus atteignable dans la mesure où des
solutions de financement compatibles avec le carcan de
Maastricht existent déjà.
On présente souvent la transition énergétique comme
un gisement d’emplois. L’objectif de 100.000 emplois
sur trois ans, avancé par Ségolène Royal, est-il
réaliste ?
Ce qui me paraît certain, c’est que si l’on avance de
manière volontariste, on créera beaucoup d’emplois.
100.000 en trois ans ? Honnêtement, je n’en sais rien :
cela dépendra entièrement de la nature de la transition
mise en œuvre. La rénovation thermique des bâtiments
devrait créer beaucoup d’emplois – au point que si, on la
lançait brutalement, on aurait rapidement un goulet
d’étranglement au niveau de la main-d’œuvre qualifiée. Il
faut donc la lancer progressivement, pour envoyer le bon
signal aux entreprises du BTP afin qu’elles créent les
filières d’apprentissage qui permettront, d’ici trois ou
quatre ans, de mener la rénovation en grand. Mais il faut
commencer aujourd’hui, et cela dépend, de nouveau,
d’une décision politique qui affiche clairement l’objectif
visé.
« Si l’on consomme moins d’énergie, le rythme de vie va
ralentir – ce qui sera une très bonne chose pour tout le
monde »
L’idée que la transition sera un vecteur de croissance
fait-elle consensus parmi les économistes "dominants"
et les dirigeants politiques ?
La plupart des économistes de Bercy sont très sceptiques,
mais ne le sont-ils pas devant toute innovation qui ne
vient pas du secteur bancaire ? Ce n’est donc pas à eux
qu’il faut demander ce qu’ils en pensent – sachant qu’ils
ont malheureusement le pouvoir de tout bloquer tant que
le politique n’osera pas assumer ses responsabilités
historiques. La charge de la preuve réside dans le camp de
ceux qui sont favorables à la transition, dont je fais partie.
À mon sens, quel que soit le scénario adopté parmi la
douzaine de ceux que le Comité national du débat public a
identifiés pour la France, le principe global est très clair :
la productivité du travail, actuellement très élevée et qui a
considérablement augmenté au cours des dernières
décennies, augmente essentiellement grâce à l’usage de
l’énergie. C’est parce que nous utilisons l’énergie de
manière de plus en plus intelligente que le travail des êtres
humains paraît de plus en plus productif. La transition
signifie que nous allons passer d’une économie encore
essentiellement construite sur le pétrole – qui est l’énergie
la plus productive, surtout pour la mobilité –, à une société
fondée sur d’autres types d’énergie. Quels que soient
ceux-ci, on va très vraisemblablement perdre en
productivité… ce qui n’a rien de dramatique, car
davantage de monde pourra travailler. Ainsi on ne pourra
plus remplacer systématiquement les hommes par des
machines ---lesquelles ont besoin d’énergie pour
fonctionner--- ou par de la chimie, c’est-à-dire du
pétrole. Il nous faudra en particulier beaucoup de bras
dans les champs si nous voulons une agriculture
responsable, sans engrais, ni pesticide. Avec de la
polyagriculture et des circuits courts autour de petits
centres urbains très denses, reliés par du train...
C’est ce genre de choix qu’implique aussi la transition
énergétique ?
Oui, c’est pour cela qu’elle implique un vrai projet de
société, une vraie bifurcation par rapport à toute une série
de lieux communs qui habitent notre imaginaire depuis
une trentaine d’années. Parmi ceux-ci, il y a la
mondialisation tous azimuts, alors que l’on devrait
probablement assister à une re-régionalisation des
échanges internationaux. Dans cet imaginaire, vous avez
aussi le fait que le temps passe de plus en plus vite et que
le stress augmente chaque année pour les salariés au
travail. Ce stress est rendu possible par la productivité de
l’énergie. Si l’on consomme des énergies moins
productives que le pétrole (en particulier pour la mobilité),
le rythme de vie va ralentir – ce qui sera une très bonne
nouvelle pour tout le monde. Une autre image qui hante
notre imaginaire est celle des grandes mégalopoles et
autres monstres périurbains avec lesquels on devrait
normalement en terminer. Les banlieues du type
californien qui s’étendent sur des kilomètres sont des
gouffres à énergie. Cela appelle un bouleversement
considérable.
« Un grand récit dans lequel on puisse s’engager »
On a le sentiment que la société n’est pas du tout prête
pour une telle révolution intellectuelle…
Je suis moins pessimiste. Dans les discussions et les
rencontres que je peux faire en province, le public me
semble au contraire très demandeur d’un grand récit dans
lequel il puisse s’engager, qui nous permette de donner du
sens à la vie – ce que très peu de partis politiques sont en
mesure de faire aujourd’hui : et c’est bien cela qui plonge
la population dans la désespérance. Ne pas avoir la
moindre idée de ce vers quoi on avance. Ne pas entrevoir
la moindre lumière au fond du tunnel. Je perçois, certes,
de la peur mais aussi une grande soif, un grand désir pour
la transition, qui n’est pas forcément partagé dans les
quartiers les plus favorisés de la capitale, surtout chez les
hommes de plus de soixante ans, où l’on observe une très
forte résistance à se laisser toucher et à accepter
d’imaginer que l’on puisse bouger.
Est-ce que les lobbies industriels se mettent
également en travers de ce processus ?
Non. La très bonne nouvelle, c’est que les industriels que
je rencontre sont très désireux de lancer la transition. Ils
ont compris que, de toute façon, ce qui fera la
compétitivité d’une entreprise dans dix ans, ce sera son
indépendance à l’égard du pétrole. Et que la décarbonation
sera leur business dans dix ans. C’est-à-dire que c’est
cela qui leur permettra de continuer d’exister à cette
échéance. Ce sont certains fonctionnaires de Bercy et les
banques qui n’ont pas cet allant, parce que cela ne les
intéresse pas. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de les
retrouver du même côté dans la mesure où, au fond, ce
sont les mêmes personnes. Il y a entre eux une alliance
objective d’intérêts qui vise à utiliser le plus longtemps
possible la rente bancaire, due à l’existence de grandes
banques mixtes et qui permet de gagner beaucoup
d’argent sur le dos du contribuable. Le jour où cela ne sera
plus possible, ou lorsque ce sera moins rentable, ils feront
autre chose… et se mettront à financer les investissements
dans les infrastructures vertes dont nous avons besoin.
Comment faire en sorte que les citoyens soient assez
impliqués pour peser sur les pouvoirs économiques et
politiques ?
On n’a jamais transmis aux citoyens les éléments du
dossier, le débat n’a guère été organisé publiquement, au
niveau national, même si, l’an dernier, le comité national
s’est démené pour conscientiser. Les médias, de ce point
de vue, ne font pas leur travail, n’instruisent pas le
dossier. L’opinion publique n’a pas les moyens d’y
réfléchir toute seule. Pourquoi ne pas organiser un
référendum, qui obligerait à débattre ensemble ?
Actuellement, le grand public ne trouve pas de grand récit,
de grande utopie, de vrai projet politique dans la socialdémocratie au pouvoir. Encore moins dans l’eurolibéralisme financiarisé. C’est ce qui explique qu’une
partie des Européens se réfugient dans les promesses
frelatées de l’extrême droite. Alors qu’historiquement,
l’extrême droite s’est toujours montrée très conciliante
avec le secteur bancaire. Tandis qu’elle ne croit nullement
à l’écologie. D’où la tragique méprise que révèlent les
résultats issus des dernières élections européennes.
Bonjour M. Giraud,
Et merci pour cet éclairage donné avec un brin d’optimisme.
L’absence d’information fiable est certainement une des difficultés majeures
rencontrées par le commun des mortels qui voudrait se construire une opinion
solide.
Trop souvent les communications ou débats accessibles à tout un chacun sont
partisans et défendent des intérêts particuliers évidents. Ils se contredisent
sans qu’il y ait à la base de l’argumentation les indispensables données
vérifiables, complexifient les problèmes à loisir ou à dessein, et incitent à une
prise de position idéologique ou sentimentale.
Peut-être pourriez vous nous conseiller quelques sources d’information
accessibles et fiables ? Les problèmes posés par la transition énergétique sont
d’abord techniques et économiques, et non politiques ou idéologiques, deux
domaines dans lesquels on pourrait espérer quelques données chiffrées
irréfutables.
Antoine Pourquery
Le 20 juin à 16:16
"Les problèmes posés par la transition énergétique sont d’abord
techniques et économiques, et non politiques ou idéologiques"
Drôle de conception...
Michel E.
Le 21 juin à 10:39
M Giraud, oui les citoyens et les élus ne s’intéressent pas vraiment à la
transition énergétique, mais les médias et les responsables se contentent
d’entonner les sempiternelles rengaines distillées par les lobies pétroliers (
nécessité d’exploiter les gaz de schistes, à plus forte raison avec les menaces
sur le gaz russe !) ou nucléaire ( vous voulez ré-ouvrir les centrales à charbon
comme en Allemagne).
Pourtant, l’an dernier, la France a eu un débat national sur la transition
énergétique, et l’une des mesures préconisée par les citoyens était le
développement de la filière hydrogène.
En effet peu de citoyen le savent, et les grands médias ne font rien pour le faire
savoir, mais notre pays est en pointe au niveau mondial sur cette technologie
qui est LA solution d’avenir pour stocker les énergies renouvelables et
développer la production d’électricité propre.
Ci joint un rapide tour d’horizon dans mon blog
http://levejeveux.blogspot.fr/2014/... [http://levejeveux.blogspot.fr/2014/04
/hydrogenes-par-quoi-les-francais.html]
LE MAIRE
Le 20 juin à 17:26