Assurance décès: comment les banques surfacturent

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Assurance décès: comment les banques surfacturent
Assurance décès: comment les banques surfacturent des milliards
d’euros aux emprunteurs !
Pendant des années, les tarifs des assurances décès étaient gonflés pour détrousser
clandestinement les emprunteurs de plusieurs milliards d’euros, reversés aux banques. Une
pratique condamnée, qui dure probablement encore. (photo © GPouzin)
Payez-vous l’assurance décès de votre crédit trop cher ? Certainement, vu l’incroyable
montage des assureurs pour surfacturer leurs tarifs et détrousser des milliards d’euros aux
emprunteurs afin d’arroser les banques. Deontofi.com revient sur ce scandale, enfin jugé
par la Cour d’appel de Paris, mais qui perdure probablement.
La lenteur de la justice profite aux institutions, face aux individus ne vivant pas toujours
assez longtemps pour faire valoir leurs droits, et surtout face à l’amnésie de l’opinion et des
médias, si prompts à oublier les scandales passés pour se nourrir de l’air du temps. Cette
malédiction est valable pour la plupart des grandes escroqueries d’hier et d’aujourd’hui :
l’arnaque aux placements bidons d’Aristophil, la faillite frauduleuse du complément de
retraite des fonctionnaires Cref, l’escroquerie immobilière et bancaire d’Apollonia, ou les
comptes falsifiés d’Altran, parmi moult naufrages ayant englouti les économies de plusieurs
vies pour engraisser des crapules, et dont les procès durent rarement moins de dix ans.
Le détournement de la « participation bénéficiaire » des assurances emprunteur fait partie
de ces obscures scandales un peu vite enterrés par l’avalanche d’actualité, dont les procès
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durent des années, et dont le verdict passerait presque inaperçu, si aucun média n’osait
s’écarter du troupeau pour revenir sur le fond. De quoi s’agit-il ?
Quand vous souscrivez un contrat d’assurance décès, incapacité-invalidité (« incap-inval »
dans le jargon des assureurs) quasi-obligatoire avec un crédit, c’est souvent un contrat
« collectif », choisi par la banque pour ses clients. En théorie, si l’assureur verse moins
d’indemnisations par rapport aux primes d’assurance payées par les assurés (on parle alors
de « bénéfice technique »), ou s’il engrange des gains financiers en plaçant les primes des
assurés jusqu’à leur éventuelle indemnisation (on parle alors de « bénéfices financiers »), on
dit que le contrat est « bénéficiaire », c’est-à-dire qu’il rapporte plus à l’assureur que ce que
payent les assurés. Dans ce cas, la loi prévoit que l’assureur redistribue une part de ces
bénéfices aux assurés, sous forme de « participation bénéficiaire ». C’est la théorie.
En réalité, aucun assuré n’a jamais vu la couleur de cette « participation aux bénéfices » de
son assurance emprunteur, dont la plupart des gens ignorent encore totalement l’existence.
Et pour cause !
Les tarifs gonflés des assurances emprunteurs permettent d’engraisser
clandestinement les banques !
Un détournement
repéré par La Lettre
de l’Assurance dès
juin 2003.
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d’euros aux emprunteurs !
En pratique, la participation aux bénéfices était détournée par les assureurs aux profit des
banques distribuant leurs contrats collectifs d’assurance-emprunteurs. C’est bien connu, les
banques ont le pouvoir, pas les assureurs. Tout au plus le partagent-ils au sein des quelques
mastodontes de la bancassurance qui gouvernent la France.
Dès 2003, notre confrère Jacques de Baudus avait découvert le pot aux roses, qu’il révélait
dans La Lettre de l’Assurance, à propos d’un contrat d’assurance emprunteur de la CNP
Assurances distribué par Cofidis. « On peut s’étonner que la clause de participation aux
bénéfices ne profite pas aux clients de la banque mais à la banque elle-même », observait-il
en substance en juin 2003 (LdA n°730 p.2 ci-contre).
« Sous la pression des banques et des établissements financiers, les assureurs s’obligent à
ristourner à leurs clients des sommes considérables sur les primes d’assurances décès liées
à ces contrats emprunteurs », expliquait notre confrère trois semaines plus tard (LdA n°733
p.1), sous le titre « Marge arrière ! Toute ! », en comparant ce système aux « rétrocommissions » versées par les industriels pour que leurs produits soient référencés par les
hypermarchés.
« Pourquoi ? Officiellement pour permettre aux banques de rester compétitives sur les
emprunts », décryptait La Lettre de l’Assurance. Faire payer aux fournisseurs le
référencement de produits vendus plus chers afin de subventionner le distributeur en rétrocommissions pour qu’il soit compétitif sur ses propres produits ? Les mafias de la grande
distribution s’étaient déjà fait épingler par l’autorité de la concurrence pour ces pratiques
douteuses, déloyales et préjudiciables aux consommateurs.
Une pratique digne des
rétrocommissions
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interdites dans la
grande distribution.
Or, mine de rien, ces petits bénéfices piqués à chaque assuré étaient une vraie mine d’or
clandestine pour les banques et leurs assureurs. En gonflant les tarifs de leurs assurances,
ils auraient ainsi escamoté plus de 16 milliards d’euros aux consommateurs-emprunteurs en
une douzaine d’années, selon l’UFC Que Choisir, dont 11,5 milliards de bénéfices détournés
sur des assurances liées aux emprunts immobilier (de 1996 à 2005), et 4,5 milliards de plus
boulottés sur les gains des assurances de prêts à la consommation (de 1997 à 2007).
Une fois découverte, cette embrouille ne pouvait pas perdurer bien longtemps dans la
clandestinité. L’Union fédérale des consommateurs UFC Que Choisir s’emparait de la
cause. engageant un procès contre les promoteurs de ce même contrat, Cofidis et la CNP
Assurances, avec l’aide d’un avocat redouté des institutions financières pour sa ténacité à
voir la vérité mise à nue par la justice, Maître Nicolas Lecoq Vallon.
« Nous souhaitons seulement attirer l’attention de nos abonnés (…) du danger à laisser
perdurer des systèmes qui, tôt ou tard, finiront par exploser », prévenait Jacques de Baudus
dans son édito de La Lettre de l’Assurance du 10 juillet 2003. Treize ans plus tard, c’est
chose faite : le détournement de la participation bénéficiaire des assurances emprunteur a
été condamné sans équivoque par la justice, dans un arrêt de la Cour d’appel du 17 mai
2016, auquel Deontofi.com consacre un article suivant. Mais cette histoire est loin d’être
terminée, si l’on en croit notre confrère Jacques de Baudus, car les détournements de
participation bénéficiaire des assurances emprunteurs demeurent monnaie courante dans
les coulisses feutrées de la finance, comme il l’a révélé il y a quelques jours sur son nouveau
site : Le Pavé de l’Assurance !
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