Le roi pacificateur
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Le roi pacificateur
Champ disciplinaire (s) HISTOIRE, MUSIQUE, Le roi pacificateur HISTOIRE DES ARTS Niveau (x) PRIMAIRE, SECONDAIRE Présentation Cette œuvre musicale d’Eustache Du Caurroy et cette huile sur bois témoignent du retentissement de l'œuvre politique d'Henri IV. Document « Henri IV s'appuyant sur la Religion pour donner la paix à Eustache Du Caurroy : Vincinqiesme la France », Anonyme (huile sur bois, (0,33x0,255m, vers Fantasie, « Sur : Le Seigneur dès 1590) qu’on nous offense » Plage n° 15 1 Commentaire Dans les représentations d'Henri IV, la référence à l’Antiquité est omniprésente. Toutes les figures mythologiques, historiques ou héroïques sont convoquées pour brosser un portrait du roi : Hercule, Mars, Apollon, César ou Alexandre. Dans ce tableau, Henri IV, dont les traits sont caractéristiques des canons de beauté définis par l’école de peinture de Fontainebleau (nez pointu, front bombé et sourcils arqués), est revêtu d’une cuirasse romaine et couvert d'un manteau fleurdelisé. Il est entouré de deux femmes, l’une inclinée devant lui, l’autre assise à sa gauche. La première reçoit des mains du roi un rameau d'olivier, symbole de paix. Le roi s'appuie sur la seconde, qui tient un crucifix, un calice surmonté d’une hostie et un livre, vraisemblablement la Bible, posé sur ses genoux. Les deux femmes sont les figures allégoriques de la France et de la Religion. Offrant la paix, Henri IV est cependant prêt à prendre à nouveau les armes pour imposer son autorité, comme en témoignent, dans la partie supérieure de l’image, les angelots portant les éléments d'une armure (bouclier, jambière, casque, plastron), de part et d'autre d'une épée. C’est bien l’image d’un roi pacificateur qui est magnifiée ici. La politique d’Henri IV est naturellement relayée par tous les arts du temps, et notamment la musique. L’un des échos les plus significatifs se manifeste certainement dans les quarante-deux « fantaisies » instrumentales d’un des compositeurs favoris d’Henri IV : Eustache Du Caurroy. Genre contrapuntique savant, la fantaisie (ou « fantasie ») est le fleuron de la musique instrumentale de la Renaissance française. Symbole du développement d’un répertoire instrumental spécifique, le genre est longtemps resté assujetti à des modèles vocaux. D’abord copie plus ou moins stricte et ornée d’un contrepoint vocal préexistant, la fantaisie devient, à la fin de la Renaissance et le début du XVIIe siècle, un véritable lieu d’expérimentations visant à libérer peu à peu la musique instrumentale des contraintes structurelles, métriques et sémantiques d’un modèle littéraire. Sur la base d’un sujet musical donné – encore généralement une citation vocale – et selon les règles du contrepoint, le musicien peut prendre « la liberté d’employer tout ce qui lui vient dans l’esprit sans y exprimer la passion d’aucune parole » (Marin Mersenne, Harmonie universelle, 1636). Les citations, puisées dans les répertoires vocaux profanes ou religieux, ne sont plus que de simples prétextes à d’amples et savantes « recherches » contrapuntiques. Bien que particulièrement convenables aux violes, ces fantaisies offrent toute liberté d’instrumentation, n’étant elle-même généralement pas précisée par les compositeurs. Publiées à Paris en 1610, les quarante-deux Fantasies instrumentales d’Eustache Du Caurroy, constituent certainement le corpus le plus vaste et le plus abouti du genre, tant par sa qualité que par son projet même : fondé sur l’utilisation de citations vocales profanes (chansons polyphoniques) ou religieuses, catholiques (mélodies de plain-chant) ou protestants (mélodies du Psautier de Genève qui, depuis 1563, est le 2 répertoire musical du culte calviniste), l’important corpus légué par le catholique « Maître de la Musique de la Chapelle » d’Henri IV laisse en effet percer une intention œcuménique et de réconciliation. Composée sur la mélodie protestante du psaume 46, « Dès qu’adversité nous offense » – l’incipit poétique indiqué par Du Caurroy, « Le Seigneur, dès qu’on nous offense », est un peu différent de celui du Psautier huguenot de 1563 –, la Vingtcinquiesme Fantasie à quatre parties de Du Caurroy illustre parfaitement cette aspiration. Calme et apaisante, la mélodie protestante est placée intégralement et quasiment sans modification à la partie supérieure ; elle sert de « sujet » à un contrepoint qui se déploie aux trois parties inférieures, en un véritable écrin. De plus, le choix du psaume 46, mis en vers français par le poète Clément Marot, n’est pas fortuit. La première strophe traduit à elle seule tout le bien que chacun, quelle que soit sa confession, doit attendre d’une confiance fervente et sincère en Dieu, et les deux premiers vers peuvent être interprétés comme une référence aux troubles religieux qui ont divisé le royaume et ont ému tout autant les tenants des deux confessions, catholiques et protestants : « Dès qu’adversité nous offense, Dieu nous est appuy et défense : Au besoin l’avons esprouvé, Et grand secours en luy trouvé ; Dont plus n’aurons crainte ne doute, Et deust trembler la terre toute, Et les montagnes abysmer Au milieu de la haute mer. » Un genre et une technique musicale sont donc ici utilisés par un compositeur officiel, qui relaie parfaitement le dessein politique d’apaisement et d’entente de son roi, et sans doute aussi exprime là ses convictions les plus intimes. Suggestion d’utilisation avec les élèves En séance d’éducation musicale, l’élève identifie deux principales familles d’instruments utilisées à la Renaissance : les instruments à cordes frottées, qui se jouent avec un archet, et les instruments à cordes pincées, qui se jouent par pincement des cordes avec les doigts (harpe, luth, guitare) ou un mécanisme qui reproduit ce pincement naturel, et qui est actionné par un clavier (épinette, clavecin, virginal). L’identification des ces instruments lui permet d’isoler les deux composantes structurelles de cette pièce – la mélodie et l’accompagnement polyphonique –, de mieux comprendre comment elles s’imbriquent afin de former une seule et même œuvre, et par là même de saisir l’intention unificatrice, 3 symbolique, du compositeur : - la mélodie du psaume, placée par Du Caurroy à la voix la partie la plus aigue de la polyphonie, est jouée au dessus de viole (instrument à cordes frottées, le plus petit et donc le plus aigu de la famille des violes de gambe) ; - le développement contrapuntique, concentré dans les trois parties inférieures de la polyphonie, est constitué à partir du « sujet » donné par la mélodie; il est ici joué aux luths et aux harpes (instruments à cordes pincées). On peut également faire un travail plus pratique à partir de la notation légèrement modernisée de la mélodie huguenote du psaume 46, par exemple en la chantant ou en la jouant sur un instrument mélodique, ou en se familiarisant à la scansion d’un texte poétique à travers son rythme musical, ici très simple. En histoire et en histoire des arts, la démarche permet de définir l'allégorie, expression d’une idée par un personnage doté d’attributs. Les différents éléments de la peinture sont isolés pour être interprétés. On pourra, sous forme d’un tableau, isoler chacun des symboles, en donner l’origine et sa signification. La composition du tableau, classique, se prête aisément à l’analyse : les personnages s’inscrivent dans l’espace selon un ordre parfaitement géométrique, dans un rapport de proportions jugé idéal pour atteindre une composition harmonieuse. La lecture et l’analyse d'une transcription - adaptée au jeunes lecteurs- de quelques extraits de l'édit de Nantes permet de cerner l'action du roi. Edit de Nantes 1598 « Henri, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir salut. Entre les grâces infinie qu'il a plu à Dieu de nous accorder, l'une des meilleures (...) est de nous avoir donné (...) la force de ne pas avoir cédé aux effroyables troubles, confusions et désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce royaume qui était divisé en tant de parts et de factions (...). Art. 2 Défendons à tous nos sujets (…) d’en renouveler la mémoire (...), mais de vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d’être punis comme (...) perturbateurs du repos public. Art. 3 Ordonnons que la Religion catholique (...) sera remise et rétablie en tous les lieux et endroits de (…) notre royaume (…) pour y être paisiblement et librement exercée sans aucun trouble ou empêchement. Art. 6 Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différents entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite Religion prétendue reformée [de] vivre et demeurer par toutes les villes et lieux (…) sans être (...) vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience (...) » 4 DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE mélodie huguenote du Psaume 46, Psautier de Genève, 1563 5