De Gaulle, la pilule, et l`avenir de la France

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De Gaulle, la pilule, et l`avenir de la France
De Gaulle, la pilule, et l’avenir de la France
Acte 1. De Gaulle, 1965.
« Nous n’allons pas sacrifier la France à la bagatelle ! »
De Gaulle parlait peu des femmes. Et quand il s’en occupait, c’était en leur qualité de mères de
familles. Dans son esprit, le droit de vote obtenu en avril 1944, à son initiative, la réforme des
régimes matrimoniaux, l’âge de la retraite en fonction du nombre d’enfants, les congés maternité
suffisaient à leur émancipation. Mais en même temps, il considérait que la femme est supérieure à
l’homme. « Il y aura toujours assez d’hommes. Une seule giclée suffirait à féconder des milliers de
femmes. C’est sur les femmes que repose le destin de la nation », dit-il en 1965 à Alain Peyrefitte,
en lui expliquant pourquoi il accorde systématiquement sa grâce aux femmes condamnées à mort.
C’est pourquoi il s’oppose à la pilule contraceptive : « La pilule ? Jamais ! (…) On ne peut pas réduire la
femme à une machine à faire l’amour ! (…) Si on tolère la pilule, on ne tiendra plus rien ! Le sexe va tout envahir
! (…) C’est bien joli de favoriser l’émancipation des femmes, mais il ne faut pas pousser à leur dissipation (…)
Introduire la pilule, c’est préférer quelques satisfactions immédiates à des bienfaits à long terme ! Nous n’allons
pas sacrifier la France à la bagatelle ! »
Acte 2. Lucien Neuwirth, 1967.
L’homme qui s’est battu pour imposer la pilule contraceptive
Dans ce contexte, peu misent sur le succès de cette nouvelle proposition de loi. Notamment depuis
que François Mitterrand, dans sa campagne présidentielle en 1965, s'est déclaré favorable à la
légalisation de la contraception orale.
Mais c'était compter sans l'opiniâtreté de son promoteur, appuyé par sa collègue de gauche
Jacqueline Thome-Patenôtre. Rapidement, le combat remonte jusqu'aux oreilles de Charles de
Gaulle, très réticent à « sacrifier la France à la bagatelle ».
« Au cours d'un déjeuner privé à l'Élysée, il m'avait dit: “Dites donc Neuwirth, vous viendrez me
parler de votre affaire” », a raconté le député. La rencontre a lieu quelques jours plus tard. Le
président de la République écoute pendant près de 50 minutes les arguments du parlementaire.
Sans dire un mot. « C'est difficile de plaider un dossier quand on ne vous relance pas », se souviendra
Neuwirth des années plus tard. Alors que l'entretien s'achève, le député joue le tout pour le tout.
«Mon général, à la Libération vous avez donné le droit de vote aux femmes, elles l'avaient bien
gagné pendant la Résistance, lance-t-il. Les temps sont venus de leur donner le droit de maîtriser
leur fécondité, elles représentent la moitié de notre peuple, elles ne peuvent pas être des demicitoyennes. » « C'est vrai, transmettre la vie, c'est important, lui répond de Gaulle après un moment
de silence. Il faut que ce soit un acte lucide, continuez ! »
Le mercredi suivant, à la plus grande surprise de son premier ministre Georges Pompidou, le
président demande que la proposition de loi soit mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Au conseil des ministres du 7 juin 1967, De Gaulle dit, selon Alain Peyrefitte : « Les mœurs se
modifient, nous n’y pouvons à peu près rien. » Mais « il ne faut pas faire payer les pilules par la Sécurité sociale.
Ce ne sont pas des remèdes ! Les Français veulent une plus grande liberté de mœurs. Nous n’allons quand
même pas leur rembourser la bagatelle ! » La loi autorisant la vente de la pilule contraceptive
sera adoptée en décembre 1967.
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Acte 3. Yvonne de Gaulle.
Il n’aura fallu que deux ans au Général pour céder à la pression du médecin et député (gaulliste)
Lucien Neuwirth.
Comment une telle défaite spirituelle a-t-elle pu être possible ?
Il faut compter avec l’influence d’Yvonne de Gaulle. Achab ne va jamais sans Jézabel.
Pendant la présidence de son mari, de 1959 à 1969, Yvonne de Gaulle mène au palais de l'Élysée,
avec son époux, un train de vie simple et mesuré. Discrète sur la scène publique, elle est surnommée
par les journalistes « Tante Yvonne ». Catholique pratiquante, elle influe sur le conservatisme de
son mari en matière de morale, et veille même à ce l'on tienne à l'écart des gouvernements les
personnes divorcées ou coupables d'adultère. Une des premières choses qu'elle demande après être
arrivée au palais est une pietà, que lui fournit le musée du Louvre. Le Général, qui invita l'actrice
Brigitte Bardot, faillit décommander après les protestations de sa femme : en effet, elle refusait de
recevoir au palais des personnes divorcées. Selon Bertrand Meyer-Stabley, elle « incarne la tradition,
le respect des valeurs morales et le sens du devoir ». Ceci ne l'empêchera pas, cependant, d'intervenir
auprès de son époux en faveur de la future loi Neuwirth, autorisant la contraception orale (la pilule).
Dans une des biographies les plus sérieuses consacrée à Yvonne de Gaulle, Frédérique NeauDufour nous rappelle que Lucien Neuwirth n'eut pas de meilleur soutien que cette femme plaidant
en faveur de la contraception auprès de son mari hésitant, voire réticent sur le sujet.
On a là la parfaite illustration d’une personne religieuse et morale dominée par une culture de mort.
Dans ce parfait jeu de Cluedo qui se déroule à l’Elysée où tous sont coupables, on ne peut qu’être
stupéfait.
Acte 4. Quel avenir pour la France ?
La réponse se trouve dans les travaux sur le comportement sexuel des peuples et les
conséquences sur leur avenir du professeur d’anthropologie sociale à l’université d’Oxford et de
Cambridge, Joseph Daniel Unwin (1895-1936).
Dans son étude magistrale de 1934, Sex and Culture, fruit de sept années de travail à étudier les
naissances et morts de 86 civilisations réparties sur 5000 ans d'histoire, J.D. Unwin a mis en
évidence pour la première fois le lien de cause à effet entre le comportement sexuel des peuples et
leur avenir.
Unwin s'est intéressé à leurs comportements prénuptiaux et postnuptiaux. Il a mis ainsi en lumière
une corrélation (un lien statistique) significative entre ces coutumes et la capacité d'une société à
développer et maintenir une énergie expansive au-delà de son territoire, l'énergie expansive pouvant
être définie en tant que capacité à rayonner et exercer une influence chez les autres nations. Unwin
a affirmé qu'aucune des sociétés ayant exercé une telle influence pendant une nouvelle génération
complète, n'avait hérité d'une tradition qui n'insiste pas en même temps sur la continence
prénuptiale et postnuptiale.
Il a rapporté, de sa recherche exhaustive, que chaque culture connue dans l'histoire du monde a
suivi le même schéma de sexualité sociale. Durant les premiers jours de son existence les relations
sexuelles prémaritales et extra-maritales étaient strictement prohibées. Un haut niveau d'énergie
créative émergeait de cette inhibition de l'expression sexuelle, amenant la culture concernée à
prospérer. Plus tard dans la vie de la société, ses individus commençaient à se révolter contre les
interdits, demandant la liberté d'exprimer leurs pulsions intérieures. En même temps que les mœurs
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se relâchaient, l'énergie (globale) s'estompait, entrainant éventuellement le déclin de la destruction
de la civilisation.
Unwin a conclu que
l'énergie qui maintient une
société
ensemble
est
sexuelle par nature. Quand
un
homme
est
exclusivement réservé à une
femme et une famille, il est
motivé à construire, sauver,
protéger,
planifier
et
prospérer pour leur bienêtre. Cependant, quand les
intérêts sexuels mâles et
femelles sont dispersés
d'une façon généralisée
(dans une culture ou un
empire), leur effort est
investi dans la gratification
des désirs sensuels. Unwin a
écrit:
"Toute
société
humaine est libre, soit de
s'investir beaucoup, soit de
profiter d'une grande liberté
sexuelle; ce qui ressort étant
qu'ils ne peuvent se donner
aux deux pour plus d'une
génération".
Ce qui est intéressant dans la démarche d’Unwin, c’est qu’il est parti avec une idée très différente
au départ de sa recherche de celle à laquelle il aboutira à la fin de son étude.
Influencé par le Freudisme, il imagine que la morale judéo-chrétienne est un facteur d’inhibition de
l’énergie vitale des peuples, de l’esprit dionysiaque pour reprendre un précurseur de Freud.
Les remarques de Freud sur certains cas d’hystérie l’aiguillant sur cette voie.
Il arrivera, par l’objectivité d’un travail universitaire remarquable, à la conclusion strictement
inverse. Les sociétés performantes convertissent leur énergie sexuelle en énergie sociale.
On ne peut que regretter que ses travaux, très connus dans les milieux anglo-saxons, soit toujours
inconnus et non traduits en français.
Conclusion
Serons-nous capable de proposer à la lecture au prochain président de la République une version
française de cette étude magistrale ?
Liens utiles :
http://www.lefigaro.fr/politique/2013/11/26/01002-20131126ARTFIG00359-lucien-neuwirthl-homme-qui-s-est-battu-pour-imposer-la-pilule-contraceptive.php
http://www.lesmotsdelavrepublique.fr/nous-nallons-pas-sacrifier-la-france-a-la-bagatelle-degaulle-1965/
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