Un civet de canard aux airelles me rappelle Fernand Raynaud, l

Transcription

Un civet de canard aux airelles me rappelle Fernand Raynaud, l
11.
Un civet de canard aux airelles
me rappelle
Fernand Raynaud,
l’ancienne Fnac de l’avenue de Wagram,
le coût de la vie en 1974
et les villes de grande solitude
Je prends ces notes dans un restaurant. À la carte, un civet de canard aux airelles. Les airelles… « Vous ne savez pas ce que c’est, vous, { Paris, les airelles… Forcément… ça ne supporte
pas le voyage. » C’est un écho de Fernand Raynaud qui me revient en mémoire. Dans ce sketch, il
est cantonnier et « Heu-reux ! »
J’avais demandé pour mon douzième anniversaire un magnétophone à cassettes. Ma mère
m’avait emmené { la Fnac de l’avenue de Wagram pour acheter l’appareil, et Jean-Michel — ingénieur du son — nous accompagnait pour nous aider à faire le bon choix. C’est un magnétophone de la marque Philips, conseillé par le vendeur, qui fut retenu ; il était noir, large (près de
trente centimètres ! je le trouvais énorme), et cher (plus de sept cents francs ! je le trouvais
luxueux).
Ma mère proposa ensuite d’acheter mes premières cassettes. Je me rappelle avoir choisi :
— trois cassettes des Beatles ; deux compilations, (les albums bleu et rouge) et « Magical
Mystery Tour » ; tout le monde écoutait alors les Beatles5 ;
— une de Michel Sardou ; Jean-Michel l’avait connu dans son enfance, ça
m’impressionnait ; j’ai aimé Michel Sardou avant Led Zeppelin, Charlie Mingus et Franz Schubert ;
— une d’Alan Stivell, « Chemins de terre » ; Jean-Michel avait été son ingénieur su son à
Bobino.
— une de Fernand Raynaud, que Jean-Michel avait connu { l’Olympia et qui venait de mourir.
Pendant longtemps, je n’ai écouté que ces cassettes-là. Je pense me souvenir de chaque
chansons et de chaque sketch. Depuis l’enfance, je me demande quel goût ont les airelles, j’envie
Fernand Raynaud, mais je ne peux pas connaître : « ça ne supporte pas le voyage ». Aujourd’hui,
dans ce restaurant, je vais choisir le civet de canard aux airelles et je vais savoir.
Quelques jours s’écoulent. Je relis mes notes, je rédige ce chapitre de « ça me rappelle ».
J’ai oublié le goût des airelles ; même le souvenir des airelles ne supporte pas le voyage. Je me
souviens de Fernand Raynaud.
… et les Rubettes, heureusement oubliés, qui chantaient alors Sugar Baby Love sur toutes les radios. Je
n’ai pas acheté de cassette des Rubettes.
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