Consulter le dossier sur les grandes tendances de l`évolution des

Transcription

Consulter le dossier sur les grandes tendances de l`évolution des
Article extrait de juris associations n° 384 du 15 septembre 2008. Reproduit avec l’autorisation des éditions Juris associations – Dalloz pour un usage strictement limité.
Do s s i e r
Les grandes tendances
de l’évolution des associations
La période récente a été traversée par de nombreux discours, qui portaient
notamment sur un désengagement de l’État et sur une crise de l’engagement
ou du bénévolat. Des chiffres fantaisistes sur le poids du secteur associatif
et son importance dans la vie économique et sociale de notre pays ont parfois pu
circuler. Il importait donc de tenter de cadrer les grands indicateurs d’activité
et leur évolution comparée, notamment sur la dernière décennie.
> VIVIANE TCHERNONOG*
es données présentées ici s’appuient sur les
résultats de deux enquêtes conduites à six
ans d’intervalle. Chaque fois, la même
méthodologie a été adoptée et les mêmes questions ont
été posées, de manière à rendre possibles quelques
comparaisons. Pour contourner les difficultés entraînées par l’absence de répertoire national des associations vivantes, les enquêtes portant sur les années 1999
et 2005 ont été organisées à partir des communes françaises et en direction des associations : les mairies ont
été, dans un premier temps, destinataires du questionnaire et l’ont, dans un deuxième temps, adressé aux
associations présentes sur leur territoire, que celles-ci
soient ou non subventionnées par la commune. Les
échantillons constitués présentent des qualités suffisantes pour autoriser des extrapolations nationales
sérieuses 1.
L
Une augmentation du poids
des associations dans un contexte
de concurrence accrue
Tous les indicateurs d’activité — qu’il s’agisse des budgets gérés, du volume de l’emploi salarié ou du travail
bénévole — enregistrent une croissance positive et
rapide dans l’espace des six années qui séparent les
deux périodes d’observation (voir tableau 1 ci-contre).
Le poids des associations dans l’économie continue
d’augmenter en France : le budget cumulé du secteur
* Chargée de recherche au CNRS – Centre d’économie de la Sorbonne de l’université
de Paris I Panthéon-Sorbonne.
1. Des informations méthodologiques détaillées et les résultats complets de l’étude
sont disponibles dans l’ouvrage Le paysage associatif français – Mesures et
évolutions, éd. Juris associations – Dalloz, 2007 ; étude réalisée avec le concours de
la fondation Crédit coopératif, la Confédération nationale du Crédit mutuel, le
ministère de la Santé de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative (mission
statistique).
30
associatif a crû, dans la période, à un rythme annuel
de 2,5 % en volume, c’est-à-dire plus rapidement que
le rythme annuel de croissance du PIB, qui est d’environ 2 % durant la période 2. Cette augmentation des
ressources financières des associations est cependant
beaucoup moins rapide que celle du nombre d’associations dans la période, qui a été de l’ordre de 4 % 3 :
le développement du secteur associatif s’est donc
effectué dans un contexte de forte concurrence entre
TABLEAU 1
ÉVOLUTION DES GRANDS INDICATEURS D’ACTIVITÉ DES ASSOCIATIONS
Taux
Taux annuel
d’évolution
moyen
en six ans, d’évolution
en volume en volume
2005
Budget total (en €)
59,4 milliards
15 %
2,5 %
Financement public (en €)
30,2 milliards
9%
1,6 %
Financement privé (en €)
29,2 milliards
19 %
3,1 %
15 %
2,5 %
30 %
5,0 %
1 100 100
25 %
4,2 %
1 717,9
milliards
12 %
2%
22,7 millions
5%
0,9 %
Emploi salarié (en nombre
1,9 million
de postes et en ETP)
1 045 000 ETP
Travail bénévole (en nombre 14,5 millions
de bénévoles et en ETP)
935 300 ETP
Nombre d’associations
PIB français (en €)
Nombre d’emplois salariés
publics et privés en France
Source : V. TCHERNONOG, Le paysage associatif français
– Mesures et évolutions, éd. Juris associations – Dalloz, 2007.
2. Grâce notamment à l’année 2000, qui a été exceptionnelle pour le niveau du PIB.
3. Ce taux reflète la croissance nette du nombre de créations d’associations, et non le
taux d’enregistrement de créations dans les sous-préfectures, beaucoup plus élevé :
selon nos estimations, le nombre d’associations est passé en six ans de 880 000 à
1 100 000 (+ 230 000), soit une augmentation nette (solde des naissances et des
décès) de l’ordre de 37 000 associations, différente du nombre d’enregistrements de
créations.
15 septembre 2008 - no 384
1983-2008 : les faits marquants du droit des associations
les associations pour l’accès aux ressources, aux subventions publiques, aux dons, au mécénat, au travail
bénévole. Ceci explique sans doute, pour une part, le
sentiment très fort d’une raréfaction croissante des ressources dans les associations et le pessimisme des
responsables d’association mis en évidence par l’étude
de la CPCA sur le financement des associations 4.
TABLEAU 2
ÉVOLUTION DE LA NATURE ET DE L’ORIGINE DES RESSOURCES
1999
2005
Taux annuel
moyen
d’évolution
en volume
Financements privés
46 %
49 %
3,1 %
Cotisations
10 %
12 %
7,0 %
Dons des particuliers
et mécénat
5%
5%
2,8 %
Recettes d’activité privées
31 %
32 %
3,1 %
Contrairement à de nombreux discours tenus dans la
période sur le désengagement de la puissance publique,
le volume des financements publics en direction des
associations a augmenté, dans les dernières années, à
un rythme annuel de 1,6 % en volume, assez proche
de celui du financement total du secteur.
La période récente a cependant été marquée par un
important mouvement de restructuration des financements publics, en partie lié à la décentralisation, avec
une baisse des financements de l’État qui a été compensée par une croissance importante des régions et des
départements (voir tableau 2 ci-contre).
Financements publics
(subventions et prestations)
54 %
51 %
1,6 %
Communes
15 %
14 %
1,1 %
Départements
9%
10 %
3,4 %
Régions
3%
4%
6,7 %
État
15 %
12 %
- 0,9 %
Europe
1%
1%
ns*
Organismes sociaux
9%
7%
- 3,1 %
Autres financements publics
2%
3%
2,0 %
Une privatisation croissante et en voie
d’accélération des financements
associatifs
Total en %
100 %
100 %
2,5 %
Une restructuration des financements
publics en partie liée à la décentralisation
Mais le financement public n’a pas non plus accompagné la montée en puissance des associations : le développement du secteur associatif s’est appuyé essentiellement sur une croissance des financements privés
(cotisations, dons des particuliers, mécénat, ventes et
participation), qui a été deux fois plus rapide que celle
des financements publics puisqu’elle atteint, sur la
période, un rythme annuel de croissance de 3,1 % (voir
tableau 1 page précédente).
On peut donc conclure à une tendance à la privatisation des ressources des associations.
Une croissance importante du travail
salarié liée aux formes particulières
de l’emploi dans les associations
*ns : non significatif.
Source : V. TCHERNONOG, Le paysage associatif français
– Mesures et évolutions, éd. Juris associations – Dalloz, 2007.
par l’importance du travail à temps partiel, occasionnel ou saisonnier, très marqué par la fonction d’insertion du monde associatif ; ce qui explique pour une
grande part l’importance des emplois de type CDD et
la proportion très élevée d’emplois de statut précaire
(stagiaires, etc.).
L’emploi salarié dans les associations a poursuivi sa
croissance, s’avérant deux fois et demie plus rapide que
celle du nombre d’emplois salariés dans le pays. Cette
évolution est toutefois fortement liée à la croissance
importante de certains emplois tertiaires, et particulièrement de celle des emplois de services à la personne,
dont les associations sont les principales prestataires.
Un travail bénévole en plein essor
mais en profonde mutation
L’enquête a pu mettre en évidence les fortes spécificités du travail salarié dans les associations, qui ont fait
l’objet, par ailleurs, de travaux importants 5. Le travail
salarié dans les associations est notamment caractérisé
Le travail bénévole a connu un rythme de croissance
annuel de l’ordre de 5 %, donc particulièrement rapide
entre les deux périodes ; non seulement il n’y a pas eu
4. CPCA, « Le financement (public) des associations : une nouvelle donne, de
nouveaux besoins », Études et documents no 6, juillet 2008.
5. M. HÉLY, « À travail égal, salaire inégal : ce que travailler dans le secteur associatif veut
dire », Sociétés contemporaines no 69, Les Presses de Sciences-Po, 2008 (p. 125-148).
no 384 - 15 septembre 2008
31
Do s s i e r
de crise du bénévolat, contrairement à un certain
nombre de discours tenus, mais au contraire on a assisté,
durant la période, à une montée en puissance du bénévolat. L’augmentation du volume du travail bénévole
tient à l’augmentation du nombre total d’associations,
et non à une augmentation des indicateurs moyens de
travail bénévole par association. Ces derniers ont
stagné, voire légèrement baissé dans les grandes associations, et se sont maintenus dans les associations sans
salarié ou de petite taille.
Les difficultés rencontrées par les associations en
matière de travail bénévole tiennent, pour l’essentiel,
à un double phénomène de modification du comportement des bénévoles et à des questions de formation
et de qualification des candidats au travail bénévole :
– les bénévoles sont aujourd’hui plus sélectifs que leurs
prédécesseurs ; certains secteurs, comme l’action
humanitaire et la culture, apparaissent plus attractifs
(voir tableau 3 ci-contre) ; les nouveaux bénévoles
souhaitent être davantage impliqués dans la définition et la conduite du projet de l’association ; c’est
de cette manière que l’on peut interpréter les différences entre grandes et petites associations ;
– le secteur associatif se professionnalise, et si le souhait d’engagement existe, comme le montrent les sondages auprès des Français 6, les associations ne parviennent pas à trouver des bénévoles ayant les
qualifications et les compétences qui leur sont nécessaires : le besoin de compétences observé pour les
salariés se pose dans des termes relativement semblables pour les bénévoles, et notamment de façon
très aiguë pour les dirigeants.
Une évolution vers une plus grande
mixité des dirigeants d’association
Le profil des dirigeants associatifs, qui apparaît très
marqué et peu représentatif de la population française
— avec une quasi-absence des jeunes et des ouvriers,
une faible représentation des femmes, une forte représentation des catégories socioprofessionnelles supérieures et moyennes et des enseignants et une présence
massive des seniors — évolue lentement dans le sens
d’une plus grande mixité sociale.
L’évolution dans le temps des structures dirigeantes des
associations apparaît favorable aux femmes, aux jeunes
et à la diversité sociale. Toutefois, cette évolution est
6. « Les Français et le financement des associations », novembre 2007, sondage
réalisé par l’institut CSA pour le Crédit coopératif, Deloitte – In extenso.
7. TABARIÉS M., « Les dirigeants associatifs à la loupe », in JA no 378/2008, p. 36.
32
TABLEAU 3
LE BÉNÉVOLAT DANS LES ASSOCIATIONS SELON LE SECTEUR
(en équivalents temps plein)
Action humanitaire
Action sociale – Santé
1999
2005
Évolution
annuelle
moyenne
38 700
94 700
+ 24 %
123 800
122 700
ns*
Défense des droits
et des causes
77 300
93 600
+4%
Éducation – Formation – Insertion
45 800
35 200
-3%
Sports
201 200
275 400
+6%
Culture
96 700
153 000
+9%
114 600
115 400
ns*
12 900
33 100
+ 32 %
7 000
12 300
+ 14 %
718 000
935 400
+5%
Loisirs et vie sociale
Développement local,
défense des intérêts économiques
Autres
Total
*ns : non significatif.
Source : V. TCHERNONOG, Le paysage associatif français
– Mesures et évolutions, éd. Juris associations – Dalloz, 2007.
davantage due à l’arrivée des jeunes associations qu’à
un renouvellement des structures en place : les résistances individuelles au renouvellement des structures
dirigeantes sont importantes, même si elles ne peuvent
■
expliquer l’entièreté du phénomène 7.
Bibliographie
– CPCA, « Le financement (public) des associations :
une nouvelle donne, de nouveaux besoins »,
Études et documents no 6, juillet 2008.
– HÉLY M., « À travail égal, salaire inégal : ce que
travailler dans le secteur associatif veut dire »,
Sociétés contemporaines no 69, Les Presses de
Sciences-Po, 2008.
– PROUTEAU L. et WOLFF F.-C. , « Donner son temps :
les bénévoles dans la vie associative », in Économie et Statistique no 372, 2004, p. 3-39.
– TABARIÉS M., « Les dirigeants associatifs à la
loupe », in JA no 378/2008.
– TCHERNONOG V., Le paysage associatif français –
Mesures et évolutions, éd. Juris associations –
Dalloz 2007.
– TCHERNONOG V., « Ressources, financements
publics et logiques d’action des associations »,
in RECMA (Revue internationale de l’économie
sociale), no 282, 2001.
15 septembre 2008 - no 384