Professions et activités particulières

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Professions et activités particulières
Jurisprudence RELATIONS INDIVIDUELLES
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Professions et activités particulières
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Le journaliste stagiaire a droit au bénéfice du 13e mois
Le journaliste stagiaire, s’il satisfait aux conditions d’exercice de sa profession à titre régulier et en tire le principal
de ses ressources, est un journaliste professionnel. Dès
lors, le journaliste non encore titularisé, embauché en
contrat de professionnalisation, a droit au paiement du
13e mois prévu à l’article 25 de la convention collective
des journalistes.
Cass. soc., 12 juin 2014, n° 12-29.751, FS-P+B, Mme G. c/ SCP BrouardDaudé, mandataire liquidateur de la SARL Africa Publishing Company : JurisData n° 2014-012829
LA COUR – (...)
Sur le moyen unique :
Vu l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes du
1er novembre 1976 ;
‰ Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme G. a
été engagée selon contrat de professionnalisation du 16 janvier 2008 par la
société Africa Publishing Company en qualité de journaliste stagiaire ; que
cette société a été placée en liquidation judiciaire, la société Brouard-Daudé
étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ; que, licenciée pour motif
économique le 19 juin 2009, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de
demandes en paiement du treizième mois et de dommages-intérêts ;
‰ Attendu que pour rejeter ces demandes, le jugement énonce que la salariée,
embauchée en contrat de professionnalisation, ne possédait pas le diplôme
de journaliste et avait moins de deux années d’ancienneté à la date de la
rupture du contrat de travail ; que la prime de treizième mois prévue par
l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes étant réservée aux journalistes professionnels, la salariée ne peut en bénéficier ;
‰ Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte d’aucune disposition de la convention collective que le treizième mois prévu par son article 25 est réservé aux
journalistes professionnels titulaires, le conseil de prud’hommes a violé le
texte susvisé ;
Par ces motifs :
‰ Casse et annule (...)
NOTE
Une journaliste stagiaire est engagée par contrat de professionnalisation à compter du 16 janvier 2008 par la société Africa Publishing
Company. Cette dernière, placée en liquidation judiciaire, est
contrainte de procéder à son licenciement pour motif économique le
19 juin 2009. La salariée saisit alors le conseil de prud’hommes de
Paris aux fins d’obtenir notamment le paiement du 13e mois prévu à
l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes et de
dommages et intérêts. Le 7 décembre 2011, le conseil de
prud’hommes rejette les demandes de l’intéressée aux motifs qu’embauchée en contrat de professionnalisation, elle ne possédait pas le
diplôme de journaliste et qu’elle avait moins de deux années d’ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail.La prime conventionnelle de 13e mois ne lui était en conséquence pas due, celle-ci
étant réservée aux journalistes professionnels. La Cour de cassation,
par une interprétation stricte de l’article 25 de la convention collective des journalistes du 1er novembre 1976, décide au contraire qu’il
« ne résulte d’aucune disposition de la convention collective que le
treizième mois prévu par son article 25 est réservé aux journalistes
titulaires ».
La présente espèce illustre l’adage selon lequel « là où la loi ne
distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer ». En effet, l’article 25 de la
convention collective des journalistes stipule simplement que : « à la
fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre
de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au
salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre
occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra au douzième des salaires perçus au cours de
l’année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l’année
suivante ». La Cour de cassation rappelle utilement que la disposition
conventionnelle en cause n’excluant pas de son bénéfice les journalistes non titularisés, les juges du fond ne pouvaient, sauf à la méconnaître, écarter son application.
Les journalistes stagiaires sont des journalistes professionnels ;
leur embauche sous contrat de professionnalisation ne les distingue
pas des journalistes de droit commun.
Le journaliste stagiaire est un journaliste professionnel. – Aux
termes de l’article L. 7111-3 du Code du travail, « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une plusieurs entreprises de
presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et
qui en tire le principal de ses ressources (...) ».
Le critère déterminant, maintes fois rappelé par la Cour de cassation, tient à l’exercice de la profession à titre principal et de façon
régulière ; peu importe que l’intéressé soit titulaire ou stagiaire (Cass.
soc., 27 mars 2007, n° 06-40.371).
La période de stage est imposée par l’article 13 de la convention
collective des journalistes : « sauf cas prévu à l’article 10, la titularisation comme journaliste professionnel est acquise à l’expiration d’un
stage effectif de 2 ans (...) ». Elle n’est qu’un préalable obligatoire à la
titularisation du journaliste professionnel ; elle ne détermine pas sa
qualité.
La Cour de cassation avait retenu une solution identique concernant l’article 36 de la CCN ouvrant aux journalistes professionnels le
bénéfice du maintien du salaire en cas d’absence pour maladie : « il ne
résulte d’aucune disposition de la convention collective que le maintien du salaire prévu par son article 36 en cas d’absence pour cause de
maladie est réservé aux journalistes professionnels titulaires » (Cass.
soc., 8 avr. 2009, n° 07-41.345 : Bull. civ. 2009, V, n° 113 ; RJS 2009,
n° 586).
Le journaliste professionnel embauché sous contrat de professionnalisation bénéfice des mêmes droits que les journalistes sous
contrat de droit commun. – La Cour de cassation fait une stricte
application du principe énoncé à l’article L. 6325-6 du Code du travail aux termes duquel « le titulaire d’un contrat de professionnalisation bénéficie de l’ensemble des dispositions applicables aux autres
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salariés de l’entreprise dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles
avec les exigences de la formation ».Tel est le cas en l’espèce.L’article 25
de la convention collective des journalistes, au demeurant, décide :
« Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire
mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra au douzième des salaires perçus au cours de l’année civile ; il sera versé dans le
courant du mois de janvier de l’année suivante ».
La Cour avait déjà admis que les collaborateurs salariés, employés
à titre occasionnel,par opposition aux journalistes professionnels qui
ont pour activité principale et régulière l’exercice de leur profession
dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quoti-
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diennes et périodiques ou agences de presse et qui en tirent le principal de leurs ressources, devaient bénéficier du versement de la prime
de treizième mois (Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 03-42.058).
Nathalie Dauxerre,
docteur en droit, avocat associé, cabinet Eunomie Avocats
Mots-Clés : Professions et activités particulières - Journalistes Journaliste stagiaire - Droit au bénéfice du 13e mois
Textes : CCN, journalistes, 1er nov. 1976, art. 25. – C. trav.,
art. L. 7111-3
JurisClasseur : Travail Traité, Fasc. 5-30, par Nathalie Dauxerre