HASARD ? HASARD ?

Transcription

HASARD ? HASARD ?
HASARD ? HASARD ?
La petite fille était en colère. Elle marchait vite sur le sentier et
pleurait à chaudes larmes.
Elle n’avait pas peur dans la forêt, non, elle s’y sentait chez elle. Elle
connaissait tous les arbres environnants, les noms des animaux, petits
et grands qui parfois se laissaient approcher lorsqu’ils étaient blessés.
Seulement aujourd’hui elle venait d’être envoyée pour ramasser des
plantes. Sa mère et ses sœurs réalisaient des potions. Il n’y avait
qu’elle qui reconnaissait les plantes que leur mère lui demandait de
ramener. Cette dernière avait perdu la vue suite à un mélange
malheureux de décoctions.
Elle ne supportait pas l’odeur des mixtures préparées à longueur de journée dans la masure en
bois. Elle préférait l’odeur des champs, des fleurs et des arbres.
Sa mère et ses sœurs s’amusaient follement à préparer des fluides ayant des résultats du
genre : faire pousser la poitrine chez le bûcheron voisin qui leur avait refusé des bûches de
bois quand elles étaient sans le sou, ou se couvrir de poils pour la matrone qui avait fait
fouetter Cornaline, sa sœur aînée qui s’était fait prendre en train de lui soutirer sa bourse.
Aujourd’hui elles voulaient faire payer un petit garçon qui s’était moqué d’elles. Elles
voulaient le faire changer en porcelet pour une année entière.
Carry ne savait pas quoi faire pour empêcher cela.
Elle pleurait tellement qu’elle dépassa l’orée du bois sans s’en apercevoir.
Elle n’était jamais allée aussi loin. Elle n’avait que 7 ans et sa mère lui avait toujours interdit
de dépasser le grand chêne.
Elle s’arrêta net et regarda autour d’elle. Elle vit au loin une maison dans un parc et la
curiosité la poussa à s’avancer.
Elle parcourut une cinquantaine de mètres et se trouva face à un muret surmonté d’une jolie
grille. Absorbée par la contemplation des dessins de la grille, elle fit le tour et se retrouva
devant la grande entrée fermée par un portail majestueux.
Un détail attira son attention : au milieu du portail se trouvait la représentation d’un animal.
Cet animal, elle le connaissait, elle en avait déjà vu, mais surtout, elle en portait un en
pendentif : une salamandre. Cette salamandre avait la même couleur bleue et vert que son
pendentif.
Elle était en pleine admiration lorsque le portail s’ouvrit et qu’une calèche déboula vers elle.
Le cocher, furieux lui hurla de s’en aller, mais une petite voix à l’intérieur lui donna l’ordre de
s’arrêter.
Un petit garçon en sortit et Carry reconnut l’enfant à qui un sort devait être jeté.
Le petit garçon devait avoir 5 ou 6 ans et n’était pas seul dans la calèche. Une dame en
descendit également pour savoir ce que son fils voulait à cette gamine en guenilles.
Carry qui n’avait jamais la langue dans sa poche se trouvait cependant muette comme une
carpe car elle ne savait pas comment prévenir cette personne du sort qui attendait son fils.
Elle réfléchissait encore quand la maman lui posa la question de savoir ce qu’elle faisait
devant leur portail : Mendiait-elle ? Voulait-elle manger quelque chose ?
Carry lui expliqua qu’elle s’était trop éloignée de chez elle et que
cette maison et plus particulièrement le portail l’avait intriguée.
Elle porta en même temps la main à son cou pour en sortir la
salamandre qui pendait à une chaîne.
La dame pâlît et lui demanda où elle avait trouvé ce pendentif.
Carry lui répondit qu’elle pensait l’avoir toujours eu. La dame cria
« Ce n’est pas possible !». Carry eut peur et partit en courant. La
dame poussa un autre cri mais Carry courrait et ne comprit pas ce
qu’elle avait dit.
Elle entendit la calèche se rapprocher d’elle et finit par être rattrapée.
Elle tremblait de tous ses membres quand la dame sauta en bas de la calèche et la prit dans ses
bras. Carry était abasourdie, elle allait salir ses beaux vêtements. La dame pleurait et riait à la
fois. Carry se dit qu’elle devait être folle. Elle ne pouvait pas s’échapper, alors elle
s’abandonna à cette étreinte qui d’ailleurs était fort agréable, les beaux atours de la dame
sentaient le lys et c’était une odeur qu’elle aimait particulièrement.
La calèche était repartie en direction de la maison, laissant Dame Laurette et Stéphan, son fils
en compagnie de l’enfant.
Une fois calmée Dame Laurette fit asseoir Carry dans l’herbe et lui raconta l’histoire de sa
petite fille, Vicky, qui avait été enlevée à 8 mois et qui portait le même pendentif, symbole de
leur famille depuis des générations. Elle lui dit aussi que la petite fille portait une tache de
naissance en forme d’étoile sur l’épaule droite. Carry savait qu’elle avait une tâche sur la
même épaule parce que sa mère faisait que lui répéter que c’était le signe du Malin.
La dame l’a vue lorsqu’elle s’est enfuie et a réalisé que cette petite fille ne pouvait être que
son cher bébé disparu il y a si longtemps.
Carry ne comprenait rien et écoutait la voix mélodieuse de Dame Laurette qui lui parlait de
joie et elle pensait à sa mère et ses sœurs qui la puniraient de n’avoir pas ramené les plantes
demandées.
Dame Laurette finit par voir l’air embarrassé de l’enfant et devina une partie de ses soucis.
Carry lui raconta alors ce que faisait « sa mère » et ses sœurs et le méchant projet qu’elles
avaient à l’encontre du petit garçon, Stéphan.
Dame Laurette trouva la solution immédiatement : elle était sûre que Carry était la petite fille
qui lui avait été enlevée et elle demanda donc à l’enfant de venir habiter avec elle et Stephan.
« Sa mère » et ses sœurs ne viendraient sûrement pas la chercher là et encore moins la
réclamer, et comme il n’y a que Carry qui pouvaient ramener les plantes, Stéphan ne serait
pas touché par le mauvais sort qu’elles prévoyaient.
Carry suivit timidement Dame Laurette et Stéphan jusqu’à la maison.
Elle se disait qu’elle avait toujours été punie et mal nourrie et que ses sœurs lui menaient la
vie infernale. L’idée qu’elle ne faisait pas partie de cette famille, dans cette maison de bois,
commençait à prendre forme.
Elle entra et une gouvernante l’amena jusqu’à la chambre de Vicky. Elle prit un bain, trouva
une robe digne d’une princesse sur le lit et redescendit à la salle à manger pour le premier
repas de sa nouvelle vie.
Mady