Com., 2 juin 2004.

Transcription

Com., 2 juin 2004.
COMM.
I.K
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 juin 2004
Rejet
M. TRICOT, président
Arrêt n° 879 F P+B
Pourvoi n° W 02 21.394
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE
ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Weill boutique, société anonyme, dont le
siège est 74, avenue des Champs Elysées, 75008 Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 octobre 2002 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre,
2e section), au profit de la Chambre syndicale départementale de l'habillement et accessoires
de la Haute Garonne, dont le siège est 11, boulevard des Récollets, 31078 Toulouse Cedex,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de
cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131 6 1 du Code de
l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 avril 2004, où étaient présents : M.
Tricot, président, M. de Monteynard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert,
conseiller doyen, Mmes Vigneron, Besançon, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, M.
Soury, Mme Graff, M. Delmotte, Mmes Belaval, Orsini, Vaissette, M. Chaise, conseillers
référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Molle de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Monteynard, conseiller référendaire, les observations
de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Weill boutique, les conclusions de M.
Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt déféré (Toulouse, 3 octobre 2002), que la société Weill
boutique (société Weill), qui exploite un magasin d’habillement commercialisant la marque
Weill, a organisé des ventes appelées “journées privilège” en faisant bénéficier de rabais sur
le prix de certains articles, des personnes qui y ont été invités par courrier, en dehors des
périodes de solde ; que la Chambre syndicale de l’habillement de la Haute Garonne a
poursuivi la société Weill devant le tribunal de commerce pour avoir pratiqué des soldes
déguisées ; que la cour d’appel a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Weill reproche à l’arrêt d’avoir ainsi statué alors, selon
le moyen :
1°/ que la décision pénale est revêtue au civil d’une autorité absolue de chose
jugée ; que par jugement en date du 28 mars 2002, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé
la société Weill du chef de l’infraction de vente en solde hors périodes autorisées au titre de
laquelle elle était poursuivie pour l'opération promotionnelle litigieuse menée du 11 au 24
décembre 1999 à Laon et sur tout le territoire national ; que le juge pénal a retenu que l'action
promotionnelle litigieuse ne pouvait être qualifiée de solde au sens de l'article L. 310 3 du
Code de commerce ; que cette décision était revêtue, en ce qui concerne l'absence de
constitution de l'infraction, d'une autorité absolue ; que pour écarter cette décision, qui se
rapportait aux mêmes faits, la cour d'appel a retenu que la période de solde considérée n'était
pas la même, ayant été fixée par le Préfet de Paris dans un cas et par celui de Toulouse dans le
second ; que cette circonstance, tenant à la période de soldes était indifférente en l'état d'une
décision ayant retenu que l'opération litigieuse ne constituait pas une "solde" ; qu'en refusant
de reconnaître au jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2002 l'autorité
absolue de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ensemble le
principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant le juge civil ;
2°/ que le caractère définitif d'une décision de justice s'établit par la production
d'un certificat de non appel ou de non pourvoi ; que pour écarter le jugement du tribunal de
grande instance de Paris du 28 mars 2002 et refuser de lui reconnaître une autorité de chose
jugée, la cour d'appel a énoncé qu'il "ne comportait aucune mention permettant de considérer
qu'il était devenu définitif", ce dont elle a déduit qu'il n'était pas justifié de son caractère
définitif ; qu'en se prononçant au vu de cette circonstance insusceptible d'établir le caractère
définitif de la décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1351 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant souverainement relevé que la poursuite afférente au
jugement du 28 mars 2002 concernait des faits commis par la société Weill en contravention
avec des périodes de soldes fixées par un arrêté du préfet de Paris tandis que les faits de la
présente espèce sont relatifs à des périodes de soldes réalisées en contravention avec un arrêté
du préfet de Haute Garonne, la cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir que le jugement du
tribunal correctionnel de Paris n’avait pas trait aux même faits que ceux relatifs à l’arrêt
déféré, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches
;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Weill fait encore le même reproche à l’arrêt alors, selon
le moyen :
1°/ que sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées
de publicité et annoncées comme tendant par une réduction de prix, à l’écoulement accéléré
de marchandises en stock ; que pour retenir que la société Weill avait entendu écouler de
façon accélérée son stock, la cour d’appel s’est bornée à relever que la promotion avait été
organisée en fin de saison, trois semaines avant l’ouverture des soldes à Toulouse, sans
autrement caractériser la volonté qui aurait été celle de la société Weill d’accélérer
l’écoulement de son stock, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L.
310 3 du Code de commerce ;
2°/ que la volonté d’écouler le stock, propre aux soldes, suppose une absence
de réapprovisionnement ; qu’en retenant, pour considérer que le réassort auquel avait procédé
la société Weill n’était pas exclusif de la qualification de soldes, qu’il avait été effectué auprès
d’une société qui lui était étroitement liée, ce dont il serait résulté que, bien que
matériellement distincts, les stocks des deux sociétés devaient être considérés comme n’en
formant qu’un seul, de sorte que la société Weill ne pouvait se prévaloir d’aucun réassort, la
cour d’appel a violé l’article L. 310 3 du Code de commerce ;
Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que les ventes litigieuses avaient été
réalisées du 11 au 24 décembre en fin de saison, trois semaines avant la période des soldes
ouverte à Toulouse le 15 janvier, la cour d’appel a pu en déduire que ces circonstances
manifestaient la volonté de la société Weill d’écouler de façon accélérée son stock de
marchandises ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé, par une décision motivée, que le
réassortiment dont se prévaut la société Weill ne provient pas de commandes passées à un
fournisseur extérieur mais constitue seulement l’écoulement du stock de la société à laquelle
elle est étroitement liée, l’arrêt n’encourt pas le grief de la seconde branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Weill boutique aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière
et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille
quatre.