1.4 Gestion de l`incertitude
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1.4 Gestion de l`incertitude
CHAPITRE 1. PRINCIPES ET ORIENTATIONS 1.4 Gestion de l’incertitude Le calcul des possibilités forestières, comme toute modélisation, est sujet à l’incertitude; celle-ci se répercute sur les projections de volume de bois, de structure et de composition des forêts. La mise en place de mesures visant à identifier les sources d’incertitude les plus critiques et à en minimiser les conséquences concerne toutes les étapes du processus de détermination des possibilités forestières. Crédit photo : Michel Douville Description À partir des résultats de ce calcul découlent des décisions qui seront déterminantes pour l’industrie forestière, l’intégrité des écosystèmes forestiers et la confiance du 6 public à l’égard de la gestion forestière . Dans le processus de décisions, la reconnaissance de l’incertitude qui se rattache aux projections devient aussi 7 importante que les résultats de ces projections . Des mesures visant à identifier les sources d’incertitude et prévenir les risques sont prises tout au long du processus de détermination des possibilités forestières. Les sources d’incertitude : des exemples Volumes de bois futurs de l’erreur de prédiction est importante en modélisation. Elle renseigne sur les probabilités que les prédictions soient sous-estimées ou surestimées. Le calcul repose désormais sur une nouvelle génération de modèles 8 (ARTÉMIS-2009 et NATURA-2009) dont l’erreur de prédictions est faible. Cependant, la mesure de l’erreur de prédictions est limitée à un horizon de modélisation d’une 9 quarantaine d’années . Au-delà d’une quarantaine d’années, l’évaluation du réalisme des prédictions ne peut 10 être que qualitative . Le raffinement des méthodes pour évaluer la propagation de l’erreur sur un horizon de calcul de l’ordre de 150 ans se poursuit. Accessibilité des volumes de bois et capacité de récolte Les projections de récolte sont réalistes dans la mesure où elles tiennent compte des contraintes opérationnelles. Pour justifier les coûts d’infrastructures et de logistique liés aux activités de récolte, les volumes de bois doivent être suffisamment concentrés dans des secteurs accessibles. Pour tenir compte de cette réalité, le calcul tient compte de certaines contraintes d’organisation 11 spatiale des récoltes (ex. : superficie maximale d’une coupe d’un seul tenant, distance entre deux parterres de coupe, délai entre deux coupes successives). Cependant, d’autres contraintes déterminantes, telles que la configuration du réseau routier ou la distance des usines, restent à être considérées. Principes et orientations Le calcul des possibilités forestières repose sur l’utilisation d’outils et de méthodes développés dans un souci de rigueur et de qualité. Néanmoins, comme tout exercice de modélisation, ses projections sont sujettes à l’incertitude. La raison est simple : le fonctionnement d’un écosystème forestier sera toujours plus complexe que 1 ses représentations mathématiques . D’un calcul à l’autre (cycle de 5 ans), les facteurs d’incertitude sont mieux 2 3 maîtrisés : la précision des intrants , la robustesse des 4 hypothèses et la capacité à prévoir les impacts associés 5 aux facteurs exogènes s’améliorent (ex. : perturbations naturelles, changements climatiques). Les marges d’erreur associées aux résultats du calcul des possibilités forestières sont inconnues. Or, la mesure 1 2 3 4 5 6 7 Doak et al. (2008), Mangel et al. (2001), Council for Regulatory Environmental Modeling (2009). Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise (2004). Par exemple, des données sur les volumes, la composition en essences, les superficies des strates d’aménagement. Se référer au fascicule 2.4 – Évolution des strates. Se référer au fascicule 1.5 – Perturbations naturelles. Bureau du forestier en chef (2010a). Rehmeyer et al. (2011), Kimmins et al. (2010). 8 9 10 11 Auger et al. (2011). Fortin et Langevin (2010), Pothier et Auger (2011). Bureau du forestier en chef (2010b). Se référer au fascicule 2.4 – Évolution des strates. Se référer au fascicule 2.7 – Spatialisation avec STANLEY. Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018 23 Gestion de l’incertitude Seuils critiques pour le maintien de la biodiversité Pour évaluer les effets de l’aménagement sur la biodiversité, la composition et la structure des forêts sont comparées à des seuils de référence. Ces seuils sont 12 définis par le Ministère en se basant sur : • des portraits historiques ; 13 • des avis scientifiques; • la prudence face aux risques environnementaux; • des compromis économiques. Cependant, l’efficacité réelle de ces seuils pour assurer le 14 maintien de la biodiversité reste à vérifier . La démonstration empirique du phénomène de seuil 15 (figure 1) demeure fragmentaire . 17 valeur des autres services écosystémiques procure à la société. que la forêt Perturbations naturelles Les effets des perturbations naturelles futures sur les possibilités forestières sont difficiles à évaluer. La fréquence, la distribution et les effets des perturbations naturelles sont révélés avec une relative exactitude par des analyses rétrospectives. À partir de ces analyses, les probabilités d’occurrences moyennes des épidémies d’insectes et des feux peuvent être établies pour une région. Toutefois, leur localisation précise dans le temps et l’espace est difficile à prévoir à l’échelle d’une unité 18 d’aménagement . Effets des changements climatiques sur la croissance des forêts Malgré leur effet certain à long terme sur la croissance et 19 la succession forestière , la compréhension actuelle des changements climatiques est trop limitée pour en évaluer les impacts. Les modèles actuels de croissance et de succession forestière, basés sur la croissance passée de la forêt, devront être ajustés à la lumière du 20 développement de modèles de couvertures climatiques 21 et de distributions futures des essences . Contexte socio-économique futur Source : Adapté de Muridian (2001) Figure 1. Représentation graphique du concept de seuil écologique. Le seuil représente un niveau de perte d’habitats à partir duquel la biodiversité chute drastiquement. Principes et orientations Rentabilité économique La rentabilité économique des stratégies 16 d’aménagement est encore difficile à évaluer. L’analyse économique intégrée au calcul sert à comparer des stratégies d’aménagement pour identifier celles qui créent le plus de richesse pour la société. La valeur actualisée nette (VAN) est l’indicateur utilisé. La VAN est calculée par la différence entre les revenus et les coûts. Les revenus considérés ne sont pas exhaustifs. Par exemple, les revenus n’intègrent que partiellement l’effet de la qualité des bois. De plus, ils ne tiennent pas compte de la Mesurer l’incertitude Différentes méthodes existent pour évaluer l’incertitude et détecter les sources qui ont une incidence significative sur l’évaluation des possibilités forestières. Ces méthodes permettent de mieux cerner les risques de sous-évaluer ou de surévaluer les possibilités forestières. 17 12 13 14 15 16 24 Le calcul est réalisé en assumant que les besoins de la société future seront les mêmes que ceux de la société actuelle. Les effets d’une stratégie d’aménagement actuelle sont projetés sur 150 ans. Le contexte socioéconomique est changeant, ses interactions avec la nature complexes et, par conséquent, difficiles à prévoir. Les effets possibles de ces changements conjoncturels 22 ne sont pas prévisibles . Grenon et al. (2010). Boucher et al. (2011). Rompré et al. (2010). Muridian (2001), Villard et Jönsson (2009), Andersen et al. (2009). Se référer au fascicule 4.14 – Rentabilité économique. 18 19 20 21 22 Selon le Millenium Ecosystem Assessment (2005), les services écosystémiques se classent en quatre catégories : soutien à la vie, approvisionnement, régulation et culturels. Se référer à Chevassus-auLouis (2009), Chapitre V et OCDE (2002) pour les méthodes de calcul de la valeur des services écosystémiques. Se référer au fascicule 1.5 – Perturbations naturelles. Coulombe et al. (2010). Lo et al. (2010). Périé et al. (2011). Holling (2001). Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018 Gestion de l’incertitude 26 Analyse de sensibilité Une analyse est conduite en vue d’explorer la sensibilité du résultat du calcul à des changements dans la valeur 23 des paramètres intégrés au modèle . L’analyse de sensibilité se fait par l’évaluation de la valeur marginale 24 des paramètres intégrés au modèle , c’est-à-dire l’intervalle de valeurs que peut prendre un paramètre sans modifier le résultat. Les paramètres les plus critiques sont ceux qui ont une forte valeur marginale; un faible changement de valeur modifie grandement le résultat. À l’inverse, si le résultat ne change pas lorsque la valeur d’un paramètre est modifiée substantiellement, c’est que le calcul est insensible à ce paramètre. L’analyse de sensibilité se fait en variant un seul paramètre à la fois (ex. : l’horizon de calcul, une contrainte sur le pourcentage de superficies allouées à un traitement sylvicole, le coût d’un traitement sylvicole). L’analyse de sensibilité a des conséquences sur le processus d’amélioration continue du calcul des possibilités forestières. Elle permet de cibler les paramètres qui ont le plus d’effet sur le calcul et, par conséquent, ceux sur lesquels plus d’efforts doivent être 25 déployés pour en améliorer la robustesse . la détermination, tel que les perturbations naturelles . Cette analyse implique d’évaluer les probabilités d’occurrence, l’ampleur de leur incidence sur le résultat du calcul et l’effet de mesures de prévention pour réduire le risque. À l’étape de la détermination des possibilités forestières, le Forestier en chef se base sur cette analyse pour définir, au besoin, un fonds de réserve en prévention des effets des perturbations naturelles. Figure 2. Représentation graphique des résultats d’une analyse d’impacts. Dans cet exemple, quatre scénarios d’aménagement différents sont comparés sur la base de leurs effets à long terme sur les volumes de bois récoltables. Analyse d’impact Analyse de risque Une analyse de risque est nécessaire lorsque les probabilités sont élevées qu’une situation ayant des effets sur la possibilité forestière puisse survenir a posteriori de 23 24 25 L'analyse de sensibilité peut être programmée directement dans MOSEK (MOSEK Aps 2010). Biongiorno et Gilles (2003). Kimmins et al. (2010). Prévenir les risques Des mesures pour réduire les risques de sous-évaluer ou de surévaluer les possibilités forestières sont prises à différentes étapes : dans le développement des modèles, en parallèle au calcul et lors de la détermination. Elles reposent sur l’application des principes de prévention et de précaution (encadré 1). Encadré 1. La gestion de l’incertitude et les principes de développement durable Les mesures pour gérer l’incertitude dans le calcul des possibilités forestières s’appuient sur les principes suivants de la Loi sur le développement durable : Principes et orientations Le recours à cette analyse est spécifiquement requis en cas d’incertitude quant aux décisions d’aménagement. Cette analyse sert à comparer des scénarios alternatifs d’aménagement dans lesquels un ou plusieurs éléments de décisions varient en même temps. Par exemple, différentes combinaisons de moyens peuvent avoir un effet différent ou similaire sur l’atteinte d’un objectif (figure 2). Des analyses d’impact sont nécessaires pour faire des recommandations au ministre quant aux orientations stratégiques d’aménagement forestier (ex. : Stratégie d’aménagement durable des forêts, Plan de rétablissement du caribou des bois). Les analystes responsables du calcul des possibilités forestières y ont recours pour interagir avec les aménagistes responsables de l’élaboration des stratégies d’aménagement territoriales. • i) « prévention » : en présence d'un risque connu, des actions de prévention, d'atténuation et de correction doivent être mises en place, en priorité à la source; • j) « précaution » : lorsqu'il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l'absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l'environnement. 26 Se référer au fascicule 1.5 – Perturbations naturelles. Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018 25 Gestion de l’incertitude Intégrer des hypothèses conservatrices Lorsque l’évaluation des rendements repose sur peu de données de suivi ou d’études scientifiques, les hypothèses intégrées au calcul des possibilités forestières doivent refléter une certaine prudence (ex. : rendements des plantations, rendements des strates susceptibles à l’envahissement par les éricacées). Néanmoins, l’absence de données de suivi à long terme sur la croissance ne doit pas empêcher la prise en considération au calcul de nouvelles pratiques d’aménagement. Intégrer les objectifs d’aménagement durable des forêts dans les modèles Afin de déterminer un niveau de récolte des bois qui soit durable, les objectifs d’ordre économique, environnemental et social sont intégrés le plus possible 27 au modèle de calcul . Une simple validation sous forme de suivi d’indicateurs peut être suffisante, mais les objectifs dont les seuils sont plus difficiles à atteindre seront intégrés sous forme de contraintes à 28 l’optimisation . Dans certains cas, une cible supérieure aux seuils peut être fixée. Appliquer un fonds de réserve Principes et orientations L’application d’un fonds de réserve consiste, lors de la détermination, à retrancher un pourcentage de la possibilité forestière calculée afin de pallier les 29 incertitudes (figure 3) qui n’ont pu être prises en compte dans le modèle de calcul. Le niveau de réduction repose sur le jugement du Forestier en chef et peut être fixé en considérant l’ampleur de l’incertitude (associée aux perturbations naturelles, aux aires protégées futures, aux politiques et règlements à venir) et la tolérance à la fluctuation. Amélioration continue et gestion adaptative Révision quinquennale Les calculs sont révisés aux cinq ans afin d’ajuster la possibilité forestière selon la réalité opérationnelle, les nouvelles connaissances, les plus récentes hypothèses et modèles de croissance, l’évolution des objectifs d’aménagement et les perturbations naturelles survenues mesure de précaution à laquelle le Forestier en chef peut recourir lors de la détermination des possibilités forestières. Il consiste en une réduction du niveau de récolte à rendement soutenu. depuis le dernier calcul. Cette révision périodique vise aussi à atténuer les écarts entre les résultats prévus et ceux observés, d’un calcul à l’autre. Qualifier l’information Le fait de qualifier l’information disponible permet de bien apprécier la fiabilité des résultats du calcul des 30 possibilités forestières . La qualité et la rigueur de l’information disponible pour appuyer les décisions à chacune des étapes du calcul doivent être établies et diffusées. Qualifier cette information implique : • de faire état de la qualité des intrants utilisés – précision des données d’inventaires, robustesse des hypothèses et 31 validité des modèles de croissance ; • d’évaluer le niveau des connaissances sur les effets des 32 traitements sylvicoles sur les essences à produire ou autres ressources à mettre en valeur; • de connaître les limites technologiques et de connaissances pour la prise en considération des objectifs d’aménagement durable des forêts dans le 33 calcul des possibilités forestières . Communiquer l’incertitude Les rapports accompagnant les analyses de sensibilité, d’impact et de risque constituent des documents utiles pour comprendre la nature et les sources d’incertitude ainsi que leurs conséquences sur les résultats du calcul des possibilités forestières. Le Forestier en chef s’appuie sur ces rapports pour justifier les mesures de prévention et de précaution qu’il entend appliquer lors de la 30 27 28 29 26 Figure 3. Fonds de réserve. Le fonds de réserve est une Se référer aux fascicules du chapitre 4 sur les objectifs d’aménagement. Se référer au fascicule 2.6 – Optimisation et aux fascicules du chapitre 2 sur les étapes du calcul. CERFO (2004a, 2004b). 31 32 33 Council for Regulatory Environmental Modeling (2009). Se référer aux fascicules du chapitre 1 sur les principes et les orientations et du chapitre 2 sur les étapes du calcul. Se référer aux fascicules du chapitre 3 sur les traitements sylvicoles. Se référer aux fascicules du chapitre 4 sur les objectifs d’aménagement. Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018 Gestion de l’incertitude Références Andersen, T., J. Carstensen, E. Hernández-Garcia et C.M. Duarte. 2009. 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Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de la recherche forestière, Mémoire de recherche forestière, n° 163, Québec, Qc, 56 p. Rehmeyer, J., M.B. Cozzens et F.S. Roberts. 2011. Mathematical and statistical challenges for sustainability: Report of a workshop. http://dimacs.rutgers.edu/SustainabilityReport/SustainabilityReport_Fin al08-02.pdf (consulté le 2 mai 2012) Rompré, G., Boucher, Y., Bélanger, L., Côté, S. et W. Douglas Robinson. 2010. Conservation de la biodiversité dans les paysages forestiers aménagés : utilisation des seuils critiques d’habitat. The Forestry Chronicle, 86 : 572-579. Villard, M.-A. et B.G. Jonsson. 2009. Designing studies to develop conservation targets: a review of challenges. Dans Villard, M.-A. et B.G. Jonsson. Setting Conservation Targets for Managed Forest Landscapes. Cambridge University Press, pp. 30-49. Principes et orientations détermination des possibilités forestières et pour étayer ses recommandations relatives à la mise en œuvre des stratégies d’aménagement. Rédaction : Héloïse Rheault, biol., Ph.D. Collaboration : Marie-Josée Blais, ing.f., M.Sc. (BFEC), Jean-François Carle, ing.f., M.Sc. (BFEC), Jean Girard, ing.f., M.G.P. (BFEC), Simon Guay, ing.f. (BFEC), Simon Legris, ing.f. (BFEC), Philippe Marcotte, ing.f., M.Sc. (BFEC), Daniel Pelletier, ing.f. (BFEC), François Plante, ing.f. (BFEC) et Gordon Weber, ing.f. (BFEC). Référence à citer : Rheault, H. 2013. Gestion de l’incertitude. Fascicule 1.4. Dans Bureau du forestier en chef. Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018. Gouvernement du Québec, Roberval, Qc, pp. 23-27. Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018 27