La lettre mensuelle en PDF

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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité scientifique
N°26 : février 2002
Arrêt Perruche, Lois de bioéthique… :
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La fin de la jurisprudence Perruche
Le texte voté en deuxième lecture le 12
février 2002 par l’Assemblée nationale
et le 19 au Sénat
a mis fin
définitivement à la jurisprudence
Perruche. Après des semaines de vives
discussions au sein du Parlement et
malgré de très fortes résistances… un
texte a été enfin adopté, par un vote qui
a dépassé les clivages politiques
habituels. Que dit le texte ?
« Nul ne peut se prévaloir d’un
préjudice du seul fait de sa
naissance. » Cette disposition interdit à
quiconque d’invoquer un « droit à ne
pas naître » pour obtenir (de ses
parents ou du médecin) réparation
d’une vie « dommageable ».
« La personne née avec un handicap
dû à une faute médicale peut obtenir
la réparation de son préjudice
lorsque l’acte fautif a provoqué
directement le handicap ou l’a
aggravé, ou n’a pas permis de
prendre les mesures susceptibles de
l’atténuer. » Ce texte maintient la
responsabilité du médecin en cas de
faute ayant engendré le handicap, selon
les principes de la responsabilité civile.
« Lorsque la responsabilité d’un
professionnel ou d’un établissement
de santé est engagée vis-à-vis des
parents d’un enfant né avec un
handicap non décelé pendant la
grossesse à la suite d’une faute
caractérisée, les parents peuvent
demander une indemnité au titre de
leur seul préjudice. Ce préjudice ne
saurait
inclure
les
charges
particulières découlant, tout au long
de la vie de l’enfant, de ce
handicap. » L’interdiction pour l’enfant
d’invoquer un droit à ne pas naître ne
peut plus être contournée par une
indemnité versée aux parents. La seule
indemnité qui peut leur être versée ne
vise la réparation que de leur seul
préjudice (l’erreur de diagnostic) à
l’exclusion de la naissance de leur
enfant qui n’est jamais considérée
comme un préjudice.
Au cours de la dernière lecture
« La compensation de ce dernier
relève de la Solidarité Nationale. »
C’est à la société de prendre en charge
les personnes handicapées par une
vraie politique sanitaire et sociale. La
responsabilité d’un handicap congénital
n’est pas à rechercher dans la faute du
médecin.
les parents disent à l'enfant
au Sénat Bernard Kouchner,
ministre
de
la
reconnu
la
légitimité
l’action
santé,
des
handicapées
a
de
personnes
dénonçant
cette
jurisprudence : "j'ai découvert
(…) que si nous poursuivions
dans
la
voie
choisie,
nous
créerions
deux
catégories
de
parents d'enfants handicapés.
Je demande aux juristes d'y
réfléchir. La faute du médecin
est d'avoir empêché le recours
à l'interruption volontaire de
grossesse, ce qui signifie que
handicapé
qu'il
soit
qu'ils
là…
regrettent
Je
viens
seulement de le comprendre et
je vous remercie de l'avoir dit
avec tant de clarté."
La loi de bioéthique interdit-elle le clonage ?
L’Assemblée nationale en première
lecture a adopté le 22 janvier 2002 le
projet de loi relatif à la bioéthique.
La recherche sur l’embryon
La loi prévoit notamment d’autoriser la
recherche
sur
les
embryons
surnuméraires actuellement congelés,
(article L.2151-3), « ayant fait l’objet
d’un abandon du projet parental et
dépourvus de couples d’accueil ». Le
gouvernement explique sa décision
« par le souci de ne pas priver des
progrès le traitement des maladies
incurables qui pourraient résulter de
Gènéthique - n°26 – février 2002
recherches menées à partir de cellules
souches embryonnaires ».
Contrairement à ce qui a été parfois dit
ou écrit, ce n’est pas seulement la
recherche sur l’embryon surnuméraire
qui a été autorisée mais aussi la
conception d’embryons en vue de la
recherche, comme en dispose l’article
L.2151-2 : « La conception in vitro
d’embryons humains à des fins de
recherche est interdite, sans préjudice
des dispositions prévues à l’article
L.2141-1 ». Mais l’article L.2141-1, qui
traite de l’évaluation des nouvelles
techniques d’AMP, se termine ainsi :
« A l’issue du processus d’évaluation,
les embryons dont la conception
résulterait de cette évaluation ne
peuvent être ni conservés, ni
transférés, ni entrer dans le cadre d’un
projet de recherche au titre de l’article
L2151-3 ».
On voit donc que si la conception in
vitro d'embryons humains à des fins de
recherche est déclarée interdite, on
autorise néanmoins la création
d’embryons pour évaluer de nouvelles
techniques de procréation médicalement assistée. A partir du moment
où seront autorisées l’expérimentation
sur l’embryon et la création d’embryons
pour la recherche, on est entraîné dans
une dynamique qui conduit au clonage.
Le clonage sera le recours logique en
cas d’insuffisance des techniques
autorisées (par exemple, risque
d’incompatibilité
immunitaire
des
cellules souches prélevées chez les
embryons surnuméraires).
Le rejet du clonage
« Est interdite toute pratique ayant
pour but de faire naître un enfant ou
se développer un embryon qui ne
seraient pas directement issus des
gamètes d'un homme et d'une
femme ». Se trouve ainsi posée
l'interdiction du clonage reproductif,
voire du clonage dit thérapeutique. Une
majorité des parlementaires émerge
dorénavant pour refuser cette pratique.
Les députés semblent reconnaître que
le clonage dit thérapeutique est la porte
ouverte au clonage reproductif
(rappelons que c’est la même technique) et craignent la naissance d’un
trafic d’ovocytes. Il reste que le rejet du
clonage dit thérapeutique n’est pas un
rejet de principe mais est conjoncturel.
Il n’est pas fondé sur un principe de
respect absolu de l’embryon mais sur
des incertitudes techniques provisoires.
L’ouverture au clonage
La rédaction de l’article 15 n’est pas
inintéressante. Son titre mentionne :
« Interdiction du clonage reproductif ».
Pour éviter un pléonasme, il eût été
souhaitable de supprimer le mot
« reproductif ». On peut y lire non
seulement l’interdiction du clonage
reproductif mais aussi l’interdiction de
l’exploitation du clonage à finalité
thérapeutique.
En effet, le rapport de la Commission
spéciale sur le projet de loi, en date du
10 janvier, aux pages 153-154, apporte
les précisions suivantes :
- « s’agissant de la finalité, sont visés
non seulement la naissance d’un être
humain, mais aussi le développement
d’un embryon, ce qui permet d’interdire
le clonage qui aurait pour but de créer
des clones aux seules fins de constituer
des réserves de cellules voire
d’organes en vue de greffes, les
premières étant mises en culture et les
seconds étant isolés après interruption
du développement embryonnaire ;
- s’agissant de la méthode du clonage
(…) elle permet en effet de prohiber à la
fois le transfert de noyau d’une cellule
somatique (adulte) et le transfert d’une
cellule embryonnaire totipotente au
premier stade du développement
embryonnaire,
dans
un
ovule
énucléé (…)
L’interdiction proposée viserait « toute
intervention » ayant pour finalité la
naissance d’un enfant ou le
développement d’un embryon, sans
préciser la nature de celle-ci. Il s’agirait
donc de tous les actes qui rendraient
possible cette naissance ou qui
permettraient que se développe un
embryon, que ce soit in vitro ou in vivo.
Cela viserait donc tant le biologiste qui
procéderait in vitro à la création d’un
embryon à partir d’un ovule énucléé,
dans le cas du recours à la technique
du clonage, ou d’un ovule dans le cas
d’une parthénogenèse, mais également
le médecin qui procéderait à
l’implantation in utero de l’embryon
obtenu, ainsi que le médecin ou la
sage-femme qui permettrait la
naissance de l’enfant si la grossesse
était menée à son terme ».
Au cours des débats du 17 janvier, un
amendement 74 a été présenté par le
rapporteur de la Commission spéciale.
Il visait à proposer une nouvelle
rédaction de l’interdiction du clonage
reproductif afin de prohiber plus
explicitement encore que dans le texte
du Gouvernement la conception
d’embryons issus de cette technique. Il
a ainsi été proposé d’affirmer qu’est
interdite toute intervention ayant pour
but ou pour effet de concevoir ou
implanter un embryon humain qui ne
serait pas directement issu des
gamètes d’un homme et d’une femme.
Le ministre délégué a répondu que, sur
le fond, il était entièrement d’accord :
« votre amendement tend à affirmer
que toutes les étapes susceptibles de
conduire à un éventuel clonage
reproductif doivent être interdites et
cela correspond parfaitement à notre
intention (…) Les articles 21 et 22 du
projet de loi prévoient de réprimer, dans
le code pénal et dans le code de la
santé publique, toute infraction aux
dispositions du projet et en particulier le
clonage reproductif et thérapeutique ».
Le Gouvernement n’ayant pas souhaité
revenir sur la rédaction initiale,
l’amendement 74 a été retiré par le
rapporteur, avant d’être repris par M.
Mattéi, et finalement rejeté. La
rédaction adoptée est donc celle qui
interdit seulement le « développement »
d’un embryon issu du clonage. Quant
aux articles 21 et 22, ils ne répriment
aussi que le « développement » d’un
embryon humain issu du clonage.
En conséquence, la loi interdit le
clonage reproductif et l’exploitation
du clonage à finalité thérapeutique
(cultures de cellules ou réserves
d’organes,
considérées
comme
prématurées), mais n’interdit pas
stricto sensu de concevoir un
embryon, c’est à dire de mettre au
point la technique du clonage, sans
développement ultérieur de l’embryon.
Par ailleurs, le rapporteur avoue ne pas
être hostile à la technique dite du
« clonage thérapeutique » mais il
estime que plusieurs éléments
conduisent à ne pas l’introduire dans le
présent projet. « En revanche, ce sera
le rôle de l’agence de la procréation, de
l’embryologie et de la génétique
humaines d’aider et d’éclairer le
législateur et l’exécutif en analysant
l’évolution scientifique afin, éventuellement, de faire une proposition de
révision du cadre légal ou réglementaire de la recherche sur l’embryon (…) »
Conclusion
En ne fermant qu’à moitié la porte au
clonage, pour des raisons techniques,
provisoires, et en autorisant le principe
de la création d’embryons pour la
Gènéthique - n°26 – février 2002
recherche,
les
évolutions
des
prochaines années sont annoncées.
Les techniques déclarées insuffisantes,
et coupables de freiner la recherche,
puis les transgressions assumées et
rendues publiques par des « autorités
morales », constitueront les facteurs
déclenchant de cette évolution.
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Gènéthique - n°26 – février 2002

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