À travers l`étude de document, comment donner

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À travers l`étude de document, comment donner
Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne
MEMOIRE PROFESSIONNEL HISTOIRE GEOGRAPHIE
présenté par: PERQUIS Simon
À travers l’étude de document, comment donner du
sens à l’enseignement de l’histoire et motiver les élèves
en classe de seconde
Directeur de mémoire: COMPOS, Annie
Année 2004-2005
Numéro de dossier: 04STA00037
Ce mémoire traite de la difficulté de donner un rôle vraiment essentiel à l’étude de
document au sein de la séquence d’histoire. Il s’agit de concerner l’élève et de
l’impliquer activement dans la construction d’un savoir raisonné. On doit donc éviter
le recours au document prétexte et essayer de varier les situations d’apprentissages
comme les supports utilisés. L’élève doit réussir à entrer dans le programme par le
biais du document de manière efficace.
Mots clés:
- sens
- variété
- problématique
- image
- questionnement
Lycée Stephen Liégeard à Brochon (21220), classe de seconde
générale.
SOMMAIRE
Introduction
I Pratique de départ
1) quels documents pour l’enseignement de l’histoire?
A) qu’est-ce qu’un document en histoire.
B) un support varié et flexible mais un roi: le texte.
2) le document dans le cours d’histoire: un simple auxiliaire?
A) le document simple illustration du cours magistral
B) le document inducteur alibi
C) l’exploitation des documents
Conclusion I
II Tentative de remédiation
1) motiver les élèves en les surprenant
A) le document « réactif »
B) le pouvoir de l’image
2) pour une meilleure exploitation du document
A) varier la trace écrite
B) le choix des documents
3) donner du sens à l’étude de document
A) supprimer le cours magistral
B) définir des objectifs précis
C) la place de l’étude de document dans la séquence
Conclusion II
III Bilan et perspective
1) les échecs
2) les réussites
3) perspectives
Conclusion générale
Bibliographie:
- MEIRIEU, Philippe, Apprendre… oui, mais comment ?, Paris ESF, 1987
- MONIOT, Henri, Didactique de l’histoire, Nathan pédagogie, collection
perspectives didactiques, Paris, 1993
- Documents, des moyens pour quelles fins?, Actes du 7ème colloque, ed. par F.
Audigier, INRP, 1992
- Image et pédagogie en Histoire-Géographie, dir. Gaudin Gilbert et Maréchal Jean,
collection documents, actes et rapports pour l’éducation, CRDP de Bourgogne, 1995
- BAUDRY, Yves, Images de la pédagogie, pédagogie de l’image, Maisonneuve et
Larose, Paris, 1998
- BAISNEE, Paule, Enseigner l’image au lycée, collection perspectives littéraires,
Ellipses, Paris, 2002
INTRODUCTION
À la rentrée de l’année scolaire 2004-2005 j’ai pris connaissance de ma
première nomination dans l’enseignement secondaire, au lycée Stephen Liégeard, à
Brochon, à quelques kilomètres de Dijon, dans un cadre très agréable sur la route
des grands crus de Bourgogne. Lors de la réunion de pré-rentrée, pour mon premier
contact avec l’établissement, j’appris qu’on m’avait confié en responsabilité une
classe de seconde générale, ainsi qu’une terminale littéraire dans le cadre plus
restreint, mais tout aussi intéressant, des TPE, travaux personnels encadrés.
Passés les premiers instants de découverte, je me mis au travail et entrait enfin
en contact avec « ma » classe. Ma première surprise, qui a bien y réfléchir était
plutôt prévisible, vint du lourd effectif de cette division, qui comptait trente-cinq
éléments, dont une grosse majorité de demoiselles, une bonne pincée de
redoublants et un gros contingent d‘option économique et sociale. Ensuite et très
rapidement, je découvris un peu décontenancé que trente-cinq adolescents dans une
même pièce, a fortiori en fin de journée après un cours de sport, cela pouvait
produire un volume sonore respectable. C’était là mon premier apprentissage de ce
qu’on nomme à juste titre la gestion de classe. Cette classe néanmoins
sympathique, bien que rapidement bruyante, me posait d’autres problèmes d’ordre
différents, même si au final tout est lié, ce dont j’eus vite fait de me convaincre.
Mon premier souci était de « faire cours » à mes élèves . Pour moi, rien de plus
facile! Frais émoulu de la faculté de sciences humaines de Dijon, mes diplômes
bien en évidence sur la cheminée, je voyais très précisément ce qu’on entendait par
« cours » et revoyait sans nostalgie mes professeurs à l’université, bien calés dans
leur chaise, me débiter un cours aussi brillant que magistral du haut de tout leur
savoir. Ce que je n’avais pas encore intégré, c’est que contrairement à moi qui
avait choisi depuis longtemps de mener des études d’histoire-géographie et qui
trouvait ces cours très corrects par rapport à mes attentes, mes élèves, bien que
dans une section générale, n’étudiaient l’histoire et la géographie que parmi bien
d’autres matières et ne supporteraient donc pas longtemps de longs monologues
tout intéressants qu’ils soient.
Je devais donc choisir une méthode d’enseignement compatible avec des
adolescents de quinze ans qui n’avaient pas les mêmes attentes que moi sur les
bancs des amphithéâtres.
Les instructions officielles donnaient des pistes assez claires; les programmes
du lycée en histoire, et particulièrement de seconde, ont pour finalité « la
connaissance et la compréhension par les élèves du monde contemporain ». Par
contre l’enseignant est libre de déterminer « librement leurs approches
pédagogiques » même si « une place privilégiée est accordée à l’analyse de
quelques documents fondamentaux ».1 Le document en histoire était donc
considéré comme central ou du moins fondamental dans l’apprentissage du
programme par les élèves . Ce point de vue fut bientôt confirmé par les premières
journées d’IUFM pendant lesquelles nos formateurs insistèrent sur la
prépondérance donnée à la démarche inductive, laquelle démarche était fondée sur
l’étude d’un ou plusieurs documents dits inducteurs.
L’étude de document est un passage obligé pour tout élève de lycée en histoiregéographie. Elle est présente à l’épreuve du baccalauréat et son apprentissage est
entamé dés le collège. En dehors du problème de construire un savoir-faire précis
avec l’élève, de l’amener à disposer des clefs nécessaires pour qu’il puisse en
évaluation et à plus long terme lors de l’examen final répondre aux attentes des
correcteurs, il s’agissait de savoir comment intégrer le document au « cours »
proprement dit.
En géographie, les instructions officielles mettaient clairement en avant le rôle
de l’étude de cas, qui à partir d’un exemple précis, devait amener les élèves à se
poser des questions sur un thème déterminé et de là arriver à une mise en
perspective grâce à un changement d‘échelle. Cependant, même si la démarche à
adopter me semblait plus explicite, elle n’en résolvait pas tous les problèmes pour
autant. En histoire, il n’existait pas d’études de cas si bien délimitées dans les
manuels et les instructions laissaient plus de latitude à l’enseignant, d’où des
tâtonnements au début de l’année, qui m‘amenèrent assez vite à m‘interroger sur la
structuration de mes séquences et particulièrement sur la place à donner à l‘étude
de document en histoire.
De plus, je découvris assez vite que la motivation des élèves pour l’histoire ou la
géographie était une qualité très inégale selon les individus. Pour susciter cette
motivation, il me semblait, en rapport avec ce que j’avais entendu à l’IUFM, que
l’essentiel était de donner du sens à l’enseignement de l’histoire, afin que les élèves
saisissent les finalités et les buts de cet enseignement.
L’objectif majeur était donc de sensibiliser les élèves à l’importance du
document en histoire et en faire une élément vraiment central dans la construction
par eux d’un savoir historique, leur faire comprendre que le document pouvait être
1
B.O., hors-série, numéro 6 du 31 août 2000
autre chose qu’un complément au « cours » traditionnel. Les amener également à
acquérir certains réflexes dans le décryptage des documents historiques, qui
devaient les amener à développer leur sens critique.
Le problème majeur était pour moi d’intéresser les élèves et de donner du sens à
l’enseignement de l’histoire; l’étude de document s’est révélée être un outil
intéressant dans cette optique après quelques hésitations au départ.
I: PRATIQUE DE DEPART
1) quels documents pour l’enseignement de l’histoire?
A) qu’est ce qu’un document en histoire?
Le document en histoire est multiple. Selon Henri Moniot, il est « un élément
de taille modeste, ou fragmentable, discret, mobile et mobilisable à convenance »1 .
Toujours selon Moniot son avantage est de faire contraste avec le cours. C’est à
dire que le document, notamment à travers sa présentation dans les manuels, est
placé vis à vis du texte et introduit une rupture avec ce dernier.
Le propre du document, en histoire comme dans d’autres matières est de porter
en lui une information pour laquelle il est « convoqué ». C’est en cela que, pour
Moniot toujours, il est une « matière première »2, qui attend d’être exploitée par le
professeur et les élèves. Le document en histoire doit apporter systématiquement; il
ne peut exister de document incolore ou neutre. Le contenu peut varier, être plus ou
moins riche, mais le document historique est toujours le fruit d’un contexte
particulier.
Accolée au document on trouve la notion de source historique, fondamentale3.
Le mot de source a un parfum proprement historique. La source est la trace d’un
passé révolu. Or l’intérêt du document réside justement dans le fait de présenter
aux élèves un « témoin » du passé qui leur donne une sorte de prise réelle avec ce
passé. La source est un « reste » qui s’offre à l’étude et à la critique de l’historien.
Ces sources peuvent être classées en deux catégories principales, les sources
« muettes » et les sources « parlantes ». Les sources parlantes portent en elles un
message clair destiné à être entendu; au contraire, les sources muettes fournissent
des indices, des signes parfois ténus mais tout autant utilisables par les historiens.
Dans le cadre de l’enseignement, les sources parlantes sont bien plus utilisées car
elles ont l’avantage de délivrer un message clair et compréhensible à la première
approche. Cela n’empêche pas pour autant le recours à des sources plus implicites,
à propos desquelles on peut faire jouer la sensation de découverte presque
« policière » avec les élèves.
Certains documents historiques, par leur ampleur et leur portée sont même
passés au stade de documents « patrimoniaux », c’est à dire qui font partie
intégrante du patrimoine commun d’un ensemble d’individu et qui participe à
l’élaboration de valeurs communes et identitaires; la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, est un exemple de document patrimonial auquel on peut
avoir recours dans l’enseignement.
La source est donc l’émanation typique du passé, l’objet d’étude privilégié de
l’historien alors que le document peut être une source mais peut aussi être « son
prolongement, son substitut, son équivalent immédiat (…) qui semble garder la
1
Henri Moniot, Didactique de l’histoire, collection Nathan pédagogie, édition Nathan, paris, 1993,
page 171.
2
id.
3
pour ce qui est des sources je renvoie encore à H. Moniot qui a l’avantage de la clarté, id., page 49-50
et 172-173.
nature ou l’aura de la source. »1 Le document est moins restreint que la source et
reste avant tout multiple.
B) un support varié et flexible mais un roi: le texte.
Le document en histoire peut être de nature très variée. On peut distinguer
quelques grandes catégories: le document écrit, le document iconographique, le
document audiovisuel, le document sonore, le monument qui se rapproche de la
source dans certains cas et qui peut être considéré comme un document.
Dans ces catégories, on peut encore affiner les différences de nature entre les
documents. Le document iconographique peut être une photographie de tableau, de
dessin, une carte, un plan, un croquis; comme le texte peut être de nombreuses
natures différentes. La variété du document en histoire est immense, ce qui offre
des possibilités d’exploitation en classe très nombreuses.
L’autre grand avantage du document réside dans sa flexibilité. Pour un historien
de formation comme je le suis, le document a un statut particulier: en tant que
témoin du passé, il jouit d’un statut privilégié, prestigieux même. Pourtant, dans la
pratique de l’enseignement, le document qui est déjà choisi lorsqu’il est présent
dans le manuel a en premier lieu un but pédagogique. Aussi son grand intérêt est de
pouvoir être modelé, « toiletté » d’après le mot d’Henri Moniot2. Le document doit
permettre aux élèves de trouver des informations qui rentrent dans une optique
précise. On doit donc se résoudre, dans l’intérêt pédagogique, à mener l’étude d’un
document historique à partir d’un angle précis. C’est là que se révèle la grande
qualité du document: un texte, un film peuvent être coupés selon les informations
que l’on veut faire trouver aux élèves; un tableau peut-être étudié en partie
seulement.
Le document est donc un outil essentiel pour l’apprentissage de l’histoire. Sa
variété et sa flexibilité en font la ressource principale de l’enseignant.
Pourtant une catégorie de document historique a très largement dominé le début
de ma pratique de professeur d’histoire: le texte. Le stagiaire, au mois de
septembre de sa première rentrée, est encore largement un étudiant universitaire.
Or pendant plusieurs années, on l’a instruit dans la religion du cours magistral. À
côté de cela, dans les rares moments où il était en contact avec des documents, on
1
2
H. Moniot, op. cité, page 171
id., page 172
lui a mis en avant le sacro-saint texte historique, témoin irremplaçable du passé,
qui nous permettait à des siècles de distances de dialoguer avec nos glorieux aînés.
Le résultat dans ma pratique hésitante du début d’année a été une grosse
proportion de textes étudiés sur les deux premières leçons d’histoire.
-Dans le chapitre sur le citoyen à Athènes au Vème siècle avant J.-C., j’ai fait
étudier cinq textes( un texte de Thucydide sur la démocratie à Athènes, un autre
d’Aristophane sur le même sujet, Aristote sur le citoyen, deux décrets sur la vie de
la cité). À côté, la classe n’a étudié que trois documents iconographiques, dont
deux fois en les signalant simplement à titre d’illustration.
- Dans le chapitre sur la Méditerranée au XIIème siècle, je me suis encore appuyé
sur l’étude de trois textes principaux: l’appel du pape Urbain II, tiré de Foucher de
Chartres; un récit de la prise de Constantinople par les croisés par un chroniqueur
byzantin Nicétas Choniatès; un texte d’Ibn Jobaïr sur Palerme au XIIème siècle, un
autre du même auteur sur la situation des Musulmans en Sicile . Pour compléter, la
classe a étudié deux documents iconographiques ( une carte de la Méditerranée au
XIIème siècle, un dessin représentant le mélange des cultures à Palerme à la cour
des rois normands).
Finalement, sur ces deux leçons, la classe aura vu neuf textes pour cinq
documents iconographiques, ce qui équivaut à un proportion d’un peu moins de
deux textes pour un document iconographique. La proportion en elle-même n’est
pas catastrophique il me semble. Ce qui dans l’utilisation que j’en ai fait pose
problème, c’est l’importance respective dans le traitement des documents. Autant
les textes étaient plus ou moins bien utilisés, autant les documents iconographiques
étaient rapidement vus sans en tirer beaucoup d’informations. Fait assez révélateur
mon évaluation sur la Méditerranée était composée de trois textes mis côte à côte.
Le résultat sur les élèves s ‘est assez vite fait ressentir. Tout d’abord certains
textes faisaient un peu double emploi, comme les deux textes d’Ibn Jobair sur la
Sicile normande qui traitaient selon des angles différents les mêmes aspects du
sujet. Après réflexion j’en étais arrivé à la conclusion que j’aurais pu me dispenser
du premier. La lassitude gagne vite la classe quand la lecture devient répétitive,
quand la nouveauté a disparu, je m‘en suis vite aperçu.
Autre handicap pour la motivation et l’intérêt des élèves le rituel de la lecture
collective. Au début d’année je faisais lire à voix haute par un élève chaque texte
étudié. Assez rapidement encore une fois je me suis rendu compte que ce rituel
permettait en fait aux autres élèves de regarder dehors ou de faire autre chose
pendant que leur camarade lisait. Les élèves savaient qu’un texte arrivant, un de
leurs camarades le lirait pendant que eux pourrait plus ou moins « déconnecter ».
2) le document dans le cours d’histoire: un simple
auxiliaire?
a) le document : une simple illustration du cours magistral
Le document peut très bien être considéré comme une simple illustration du
cours. Dans ce cas on sous-entend que tout énoncé a besoin d’une confirmation. À
ce moment le document est cette illustration et par là même perd son statut
indispensable. Tout dépend en définitive de l’élément central que l’on choisit pour
structurer sa séquence ou sa séance. Plus globalement vis à vis de l’élève, il faut
savoir si l’on veut transmettre un savoir historique ( modèle universitaire) ou si
l’on veut contribuer à la construction de ce savoir.
Ma première séquence sur le citoyen à Athènes, s’apparentait plus à un modèle
de transmission du savoir dont les documents auraient pu être absents. En effet à
cette occasion tous les documents sont intervenus pour illustrer le cours magistral.
Mon plan général était le suivant:
- I vers la démocratie
- II le citoyen athénien
- III une démocratie modèle?
- IV Athènes cité religieuse
Au début de la séquence, j’ai distribué une série de cartes et de plans à
différentes échelles ( le monde grec, la Grèce, Athènes). Finalement après un appel
aux représentations des élèves sur la Grèce antique et une phase de cours dialogué,
je me suis lancé dans un cours magistral, que j’essayais d’étayer par un document.
Dans mon I, j’ai fait lire un texte d’Aristote sur Solon pour convaincre mon
auditoire que j’étais un professeur sérieux et que je ne leur mentais pas puisque le
texte répétait mon propos. Dans mon II j’ai répété la même manœuvre avec un
autre texte d’Aristote, avant de me tourner vers Thucydide pour mon III et un
décret et Aristophane pour le IV.
Le résultat vis à vis de l’intérêt et de la motivation de l’élève est assez
facilement identifiable. Dans ce cas le cours d’histoire est véritablement un cours
magistral: c’est à dire qu’on a un cours « principal », sous forme de récit et de
cours dialogué. La formule n’a pas que des mauvais côtés. En insistant sur des
évènements importants, en « racontant » l’histoire, il est possible d’intéresser les
élèves, j’en ai fait l’expérience par exemple sur la vie des femmes à Athènes au
siècle de Périclès.
Par contre, le document devient pour l’élève totalement secondaire dans le cours
et il n’en voit pas l’utilité, ce qui, au final, ne le pousse pas porter grande attention
à l’étude des documents. En fait, cette méthode est très confortable pour
l’enseignant puisque dans les faits, il nie presque la présence d’élèves. Ceux-ci
n’ont aucun impact sur le déroulement de la séance.
Ensuite ce pose le problème de la trace écrite dans le cahier des élèves. Dans le
cas évoqué, ce cours a pris place au mois de septembre. À ce moment les élèves
n’ont encore que peu d’aptitude à la prise de note et même si l’enseignant dicte en
partie son cours, il reste que la trace écrite risque d’être plutôt limitée et peut-être
mal comprise. Après avoir relevé des cahiers et observé la trace écrite de ces
premières séances, je me suis rendu compte que si elle était correcte dans son
contenu, par contre toute trace de l’étude de document avait disparu, à part
évidemment les documents distribués sous forme de photocopie.
Cela m’a semblé révélateur de la place que j’avais, moi, en tant qu’enseignant,
donné au document dans la structuration de ma séquence, place qui s’est retrouvée
dans le cahier de mes élèves. Au final, l’emploi du document n’était pas
véritablement justifié au sein du cours, ni pour moi, ni pour mes élèves. Dans ces
circonstances, il est difficile de donner du sens à l’étude de document en histoire et
donc de motiver les élèves pour la découverte et l’analyse de documents. En outre,
la situation de l’élève, dans cette situation d’apprentissage, est très secondaire. Son
apport au cours reste minime et surtout, il peut se contenter d’une passivité qui
guette trop souvent les élèves en lycée, d’après ce que j’ai pu constater dans ma
pratique et dans celle d’autres enseignants.
b) le document inducteur alibi
La méthode inductive est aujourd’hui largement privilégiée dans
l’enseignement de l’histoire et géographie, au collège comme au lycée. Elle est
sans aucun doute la plus efficace dans la construction du savoir par l’élève. Il s’agit
en effet, par un questionnement efficace et à partir de documents inducteurs de
faire en sorte que l’apprentissage de l’élève se fasse par l’élève lui-même, qu’il
trouve seul les pistes qui seront exploitées et développées par la classe et
l‘enseignant. Dans cette optique, en histoire, l’utilisation du document est
primordiale puisqu’il est à ce moment un « médiateur »1 avec l’histoire enseignée.
Après ma première pratique malheureuse d’un cours plus magistral et individuel
que réellement collectif, j’ai tenté de modifier la donne en donnant à l’étude de
document une place plus centrale dans la structuration de mes séances. Le résultat
n’a pas été parfais tout de suite, loin s’en faut. J’ai commis en effet des erreurs de
« jeunesse », dont je pris rapidement conscience en analysant ma pratique.
1
H. Moniot, Didactique de l’histoire, page 175
Dans ma pratique débutante et hésitante, j’ai tiré deux exemples de séances où j’ai
commis des erreurs quand à l’utilisation des documents.
-En premier lieu, à la fin de ma séquence sur le citoyen à Athènes, j’avais prévu
une quatrième partie sur « Athènes cité religieuse ». Il m’avait semblé judicieux
d’introduire une sorte d’étude de cas sur les Panathénées, manifestation de la vie
civique et religieuse à Athènes. L’idée était de faire étudier par la classe un
ensemble de documents du manuel constitué d’une représentation du parcours de la
procession dans Athènes, quatre photographies représentants des parties de la frise
des Panathénées située à l’intérieur du Parthénon, un décrets de la cité organisant la
cérémonie. J’avais mis au point un questionnaire, plus ou moins pertinent, qui
devait permettre d’exploiter ces documents:
_ en l’honneur de quel dieu ont lieu les Panathénées?
_ quel est le parcours emprunté par la procession?
_ décrivez les principaux moments de la procession.
_ qui participe à ces fêtes?
_ en quoi ces fêtes peuvent-elles renforcer le sentiment d’appartenance à la cité?
_ quelles sont les limites de cette intégration?
On le voit tout était prévu pour faire travailler la classe sur une vraie « étude de
cas » en histoire. Malheureusement, je souhaitais faire travailler les élèves à ce
sujet en deuxième heure, de 17h à 18h, tranche horaire que je savais être
particulièrement délicate à gérer. C’est pourquoi, j’avais eu l’idée, en préambule de
ce travail sur document de mener un cours mi-magistral, mi-dialogué sur religion
et vie civique à Athènes entre 16h et 17h. Ainsi en une petite heure, nous avons
abordé trois points, illustrés rapidement de quelques petits documents ( une
représentation de l‘Acropole, une photographie du théâtre de Dionysos):
1) religion et vie civique
2) les lieux de la religion à Athènes
3) les fêtes civiques
Le 3) devant me conduire sur la voie royale pour étudier les Panathénées.
Dans les faits ce fut loin d’être aussi simple. Mon idée de départ, qui était de
conclure sur un fait représentatif a en définitive totalement dénaturé mon étude de
documents. Car mon erreur majeure fut de donner aux élèves les réponses avant de
poser les questions ( en schématisant un peu). Aussi, tout l’intérêt de ce travail sur
document fut largement amoindri. Ces documents, même étudiés dans un ensemble
et pour eux-mêmes comme c’était le cas, n’avaient finalement de valeur
qu’illustrative, donc assez réduite.
Pour la classe, le résultat fut immédiat: des élèves dissipés, peu intéressés, au
mieux amorphes; au final, tout ce que j’avais essayé d’éviter à l’origine. Pourtant
leur réaction était plutôt compréhensible: l’étude de document « déflorée », ils
avaient l’impression de refaire le même travail qu’en première heure, une
répétition en fait assez inutile. Globalement, il était donc difficile pour eux de
trouver du sens dans ce déroulement de séance, ce qui eut un impact immédiat sur
leur motivation. Le travail sur les Panathénées, comme je leur avais présenté,
revenait à faire la même chose en un peu plus long et contraignant que ce que nous
avions déjà fait auparavant avec les documents illustratifs et le cours. On voit que
dans ce cas, c’est la place et l’utilisation faite de l’étude de documents qui était très
imparfaite, il s’agissait donc avant tout d’un problème de structure de cours. Le
résultat fut immédiat chez les élèves.
- Dans un second temps, bien conscient de mon lamentable échec sur les
Panathénées et désireux d’éviter un nouveau fiasco du même ordre je tentai de
rectifier rapidement le tir à l’occasion de mon second thème d’histoire: la
Méditerranée au XIIème siècle. Ma séquence était organisée de telle manière:
I un espace divisé
II de la rivalité…
III à la tolérance.
Je tentais une réajustement en entamant chaque partie par l’étude de plusieurs
documents que je souhaitais « inducteurs » et j’étais donc bien décidé à rendre à
l’étude de documents sa place centrale et motivante pour les élèves.
Pour entamer la dernière partie, je commençais, par un ensemble de documents
sur le royaume normand de Sicile, plus particulièrement sur la ville de Palerme. À
cet escient, j’utilisais le manuel des élèves qui comptait un certain nombre de
documents de nature assez variée sur le sujet. Le but était d’introduire dans l’esprit
des élèves les notions de tolérance et de cohabitation entre les différentes cultures.
Je commençais donc ma séance par une évocation rapide à l’oral de l’histoire
des royaumes normands ( que faisaient des Normands en Sicile au XIIème siècle?),
leur expliquant rapidement les origines de cette situation originale.
Ensuite, je partis des documents pour interroger et faire travailler les élèves
dans les directions qui m’intéressaient. À partir d’une carte de la Méditerranée au
XIIème siècle, ils devaient arriver à entrevoir la situation stratégique de l’île au
milieu du bassin méditerranéen.
Une fois cette observation faite, deux textes de l’écrivain musulman Ibn Jobaîr
devaient permettre de montrer l’attitude bienveillante des rois normands envers les
minorités religieuse, islamiques notamment.
Enfin, toujours d’après un de deux textes et m’appuyant en plus sur la
photographie d’un manuscrit représentant les membres de la chancellerie royale,
des Grecs, des Musulmans, des Latins et un Juif, j’essayai d’insister sur les aspects
orientaux de la monarchie normande et sur son rôle dans l‘assimilation des
minorités dans la vie du royaume.
Ce travail dura approximativement quarante minutes, après que les élèves aient
pris connaissances des documents. À la fin de ce travail collectif, nous avions
dégagé un certain nombre d’informations fondamentales: la tolérance, les
différentes influences culturelles, l’originalité du royaume de Sicile. Le tout était
intégré grâce à une problématique classique ( dans quelles conditions les
principales civilisations du bassin méditerranéen arrivent-elles à cohabiter au
XIIème siècle?)
Cependant, l’étude de document montra ses limites dans l’exploitation que j’en
fis par la suite. Après avoir bouclé ce travail avec les élèves, j’ai démarré une sorte
de reprise dans laquelle l’étude de documents était directement intégrée.
Mon cours s’organisait de cette manière:
III …à la tolérance
1) l’exemple de la Sicile normande
2) le commerce
3) la politique
4) les arts et la culture
Dans ce cas les défauts de ma démarche me sont apparus rapidement. En
premier lieu, si le fait d’insérer l’étude de cas dans le cours était défendable, par
contre les idées fortes tirées de cette étude de document étaient insuffisamment
exploitées. Certains documents bien exploités auraient pu introduire et structurer
certaines parties de développement, comme le 4) sur les arts et la culture à partir de
photographies de monuments ou de mosaïques qui se trouvaient dans le manuel, à
disposition. En résumé, le lien entre étude de document et cours était trop ténu pour
être crédible pour les élèves. À la réflexion, il apparaissait que j’avais opéré une
simple superposition entre l’étude de documents et la mise en perspective, plutôt
qu’une réelle articulation entre ces deux éléments de la séquence.
Pour les élèves, l’intérêt de cette étude de documents fut limité, hormis pour
quelques informations, essentielles certes, mais dont le traitement était très
imparfait. Concrètement, et encore une fois, le sens de l’étude de documents, le
pourquoi, n’était pas assez mis en valeur tant dans mon esprit d’enseignant que
dans l’esprit des élèves. Or, pour captiver, ou au moins intéresser, une classe de
trente cinq adolescents à l’origine pas forcément passionnés par l’histoire, il est
indispensable de leur expliquer la raison de chaque démarche, leur montrer que
rien n’est fait gratuitement.
c) exploitation des documents
En début d’année, dans ma pratique vis à vis de l’étude de document, j’avais
beaucoup recours à l’oral au sein de ma classe.
J’y voyais en effet plusieurs avantages. La prise de parole par les élèves
introduisait de la vie dans la classe, permettait des échanges d’opinion. Le tout
étant de maîtriser ces prises de parole, afin de ne pas déborder et de garder à
l’esprit un cadre bien défini. Cependant cette méthode avait l’inconvénient de
favoriser l’activité de quelques éléments bien connus et de permettre aux autres
d’attendre des jours meilleurs.
J’employais à ce moment deux méthodes de manière prioritaire. Je pouvais
dans un premier temps faire effectuer tout le travail d’analyse du document à l’oral.
Pour un texte par exemple, je faisais lire par un élève, en espérant que ses
camarades l’écoutent ou suivent sur leur livre et ensuite je posais, à l’oral, une série
de questions.
Pour aborder les croisades, je choisis par exemple d’utiliser le texte de l’appel
lancé par Urbain II en 1095 à Clermont. Ce texte était en partie disponible dans le
manuel des élèves. Après la lecture, je posais une série de questions ( que fait le
pape dans ce texte? Pour quelles raisons?). En me replongeant dans mes cours, je
me suis aperçu qu’au moment de mettre en forme ma séance, j’avais hésité sur le
travail des élèves par rapport à ces questions et que finalement j’avais tranché de
cette manière: « répondre à l’oral suffit peut-être. ».
Cette façon de faire présente néanmoins quelques inconvénients. En opérant de
cette manière, on peut avoir tendance à se reposer sur quelques élèves intéressés et
curieux, en laissant de côté une grosse partie de la classe plus passive, qui peut
profiter de ce moment de flottement pour se déconcentrer. Ensuite cette manière de
faire décompose le travail de manière dommageable. Le système question/ réponse,
question/réponse, nuit à la fluidité du travail de l’élève et rend le procédé trop
mécanique, répétitif. La classe sait exactement ce qui va se passer et s’enferme
dans la routine. Souvent également, même si en cours dialogué, le travail et
l’analyse sont approfondis, le résultat reste très différent selon les élèves et leur
degré d’implication dans la séance.
Dans un second temps, je pouvais aussi écrire au tableau mes questions, en
donnant comme consigne de ne pas recopier la question et d’écrire seulement la
réponse. Par cette méthode, je voulais m’assurer que la trace écrite de l’étude de
document serait plus consistante. Mais là aussi, je vis que tout n’était pas réglé
pour autant; les élèves avaient tendance à considérer ce travail comme une simple
introduction à la suite vraiment « consistante » du cours. Je dus donc insister pour
qu’ils notent leurs réponses sur leur cahiers et non sur une feuille de brouillon
comme c’était souvent le cas. Il existait encore dans leur esprit cette rupture entre
étude de document et « cours », qui faisait de la première un travail rébarbatif et
sans intérêt.
Conclusion du I
Au début d’année, ma pratique était mal assurée, prise dans une période de
transition entre statut d’étudiant et statut d’enseignant. Le principal défaut de mon
utilisation de l’étude de documents en histoire résidait je crois dans le manque de
sens. D’une part, cette étude de document était assez mal intégrée dans mes
séquences, c’est à dire qu’elle avait un rôle très secondaire, voire annexe; d’autre
part, l’exploitation en était très insuffisante. Ces défauts induirent un résultat
concret: les élèves ne voyaient pas l’intérêt de l’étude de document en histoire et à
quels objectifs elle s’attachait. Pour eux, l’étude de document restait un exercice
classique, un peu répétitif, un « pensum » inutile et sans intérêt, sinon de se
préparer au baccalauréat, qui en seconde semble encore bien lointain.
II: TENTATIVE DE
REMEDIATION
Mon analyse de pratique, mes observations des réactions de la classe m’ont donc
amené à introduire des changements notables afin de motiver les élèves pour
l’étude de document en histoire.
1) motiver les élèves en les surprenant
a) le document « réactif »
Le premier moyen de motiver les élèves pour l’étude de document en histoire
est de les faire réagir. Dans une séance de module consacrée à l’étude de textes
historiques, dans l’optique d’introduire un début de raisonnement critique chez les
élèves dans leur analyse des documents, j’ai fait comparer à la classe deux textes.
L’un était extrait de l’Histoire anonyme de la première croisade et l’autre de
l’Histoire de Damas de Ibn al-Qalanasi. Le but était de comparer deux visions
différentes d’un même événement, la prise de Jérusalem par les croisés en 1099.
En classe, à partir du constat que les deux documents traitaient le même sujet,
on a d’abord mis en avant les différences de traitement de l’événement. D’un côté,
un auteur croisé, franc,, donc plutôt « agresseur » et de l’autre un auteur musulman,
donc plutôt « agressé ». Les élèves ont vite compris les enjeux de la séance et les
différences de perceptions entre deux auteurs que tout séparaient. On a donc
procédé en trois étapes. Dans un premier temps, on a présenté les documents (
nature du texte, source, auteur, contexte); puis, on a comparé ces deux textes, en
insistant sur le vocabulaire employé, en relevant les points communs et les
différences; enfin, on a terminé par l’analyse proprement dite en tentant
d’expliquer, au vu du cours ou en s’aidant du manuel, la raison de ces différences
et de ces points communs.
Dans les deux groupes, la séance a été fructueuse. Les élèves ont été intéressés,
et leur participation s’en est ressentie. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord,
le contenu des textes était évocateur, les auteurs racontaient assez crûment les
évènements, les massacres et le sang « jusqu’au chevilles ». Les élèves ont été
interloqués par la violence de la description. Ensuite, en mettant en parallèle ces
deux documents, la classe a été obligée de « désacraliser » le document historique.
C’est à dire que les élèves ont pris conscience que très souvent, dans un document
historique, et ce quelque soit sa nature, on trouve un message, plus ou moins
explicite, mais rarement absent. En fait à cette occasion les élèves ont pris contact
avec la démarche de l’historien, qui consiste, à travers l’information, à chercher la
signification, d’un document. Lors de cette séance, les élèves ont eu cette
démarche.
Enfin, ce texte a éveillé une réflexion sur la situation au Proche-Orient, surtout
dans un groupe. Les élèves y ont vu les germes de la situation actuelle, la
cohabitation parfois difficile entre plusieurs religions ou cultures. La fin de séance
s’est alors orientée vers un débat entre plusieurs élèves, situation inattendue mais
que je n’ai pas souhaité interrompre tant il me semblait que le document avait
amené une vraie réflexion au sein du groupe, d‘autant plus que ce débat dura cinq
minutes en fin de séances. Néanmoins, si je devais le refaire, j’essaierais de mieux
cadrer ce débat qui aurait pu être plus fructueux encore.
b) le pouvoir de l’image
Comme je l’ai dit, aux débuts de ma pratique j’avais tendance à favoriser
l’étude de textes historiques. Or, il est vrai que actuellement nous vivons dans une
« civilisation de l’image »1, c’est pourquoi il me semblait important de montrer aux
1
BAISNEE Paule, Enseigner l’image au lycée, collection pratiques littéraires, ellipses, Paris, 2002
élèves que l’image était porteuse de sens et d’informations au moins autant qu’un
texte. Néanmoins l’image est un champ d’étude très complexe, qui nécessite
l’apprentissage de codes et de clefs de compréhension multiples.
L’image est multiple; on peut distinguer le tableau, du dessin ou de l’esquisse,
le film, le monument. Sans oublier, pour les documents iconographiques présents
dans nos manuels, le recours systématique et obligatoire à la reproduction: l’élève
n’est pas en contact avec l’œuvre en elle-même mais à un fac-similé, le plus
souvent une photographie. Cette nuance est importante à faire en présence de la
classe car trop systématiquement lorsqu’on demande à un élève de présenter un
document iconographique, il se contente de nous dire qu’il s’agit d’un tableau ou
d’un dessin.
Il est pourtant essentiel que l’élève se rende compte que cette image n’est qu’une
représentation du réel et pas le réel lui-même.
En géographie, l’utilisation de l’image est très courante, même indispensable.
Quand on pense à une image géographique, on peut penser à une photographie de
paysage dont l’étude est essentielle dans l’apprentissage géographique, mais aussi
à une image satellite ou autre. Mais en histoire comme en géographie, on doit
différencier image fixe et image animée, les deux n’obéissant pas aux mêmes
critères d’analyse2.
La richesse de l’image est indéniable. Son analyse pose quelques problèmes.
Toute image possède un langage propre qui peut plus ou moins être décrypté, sa
composition, sa symbolique, sont autant de thèmes d’étude. Cependant dans notre
cas précis, on ne doit pas oublier le rôle pédagogique que l’on demande à cette
image. Si cette image est convoquée par l’enseignant, ce n’est pas vraiment pour
elle-même mais plutôt pour sa représentativité. Tout analyse faite en classe, plus ou
moins poussée, doit être entreprise dans un but bien précis, un projet pédagogique.
C’est pourquoi le document iconographique doit être un outil plus qu’une fin en
soi. L’usage de l’image doit être « raisonné »1.
* analyse de l’image en classe
Comme je l’ai déjà évoqué dans la première partie, le document iconographique
n’était pas totalement absent de mes séquences. Cependant il avait un rôle très
secondaire. J’ai donc décidé, afin d’introduire un peu de diversité dans ma pratique
et dans l’activité de la classe, de m’appliquer à faire de l’analyse de l’image un
élément fondamental de mes cours quand cela me semblait opportun.
La première occasion est arrivée avec la séquence sur « Humanisme et
Renaissance ». Ma séquence était organisée de cette manière:
I l’individu au centre du monde
2
Image et pédagogie en Histoire-Géographie, dir. G. GAUDIN, J. MARECHAL, col Actes et
Rapports pour l’éducation, CRDP de Bourgogne, 1995, page 3
1
id.
II la Chrétienté en plein doute
III un monde nouveau
IV la Renaissance artistique
Le tout était organisé autour de la problématique suivante: « de quelle manière la
perception de l’homme et du monde change-t-elle à ce moment? ».
Dans cette séquence, la quatrième partie, qui s’attachait particulièrement aux
arts était propice à une première approche d’analyse d’image. À l’occasion d’un
module, la classe et moi avons utilisé une double page du manuel d’histoire qui
permettait de mettre en place les prémices de l’analyse de tableau. Pages 146-147,
de leur manuel, il existe en effet un point méthode sur « lire et commenter un
tableau » à partir d’une reproduction d’un tableau de Véronèse, « Les noces de
Cana », peint entre 1562 et 1563.
Le but de cette séance était d’introduire les clefs de compréhension de
composition d’un tableau, notamment les lignes de fuite, la place des personnages,
les symboles, notamment religieux (catholique précisément); mais aussi les
techniques utilisées: dessin au crayon ou au fusain, peinture à l’huile ou à l’eau. Ce
travail était à effectuer dans le cadre d’un module, c’est à dire en demi-effectif,
condition plus favorable à un suivi personnalisé des élèves.
Le résultat sur les élèves fut révélateur. Tout d’abord ce tableau, très classique,
représentatif de la Renaissance artistique, a, je m’en suis aperçu, assez peu
d’impact sur les élèves. Pour eux, cette œuvre était au départ un vieux tableau, sans
grand intérêt. Cependant, rapidement lorsque le groupe classe a pris conscience de
la richesse de cette représentation, l’attention a été bien plus soutenue et surtout,
active. Le travail sur l‘œuvre s‘est transformé en une sorte de chasse au trésor des
élèves, à la recherche des symboles, ce qui a introduit un côté ludique dans le
travail de groupe très bénéfique. Ce module était une forme d’introduction à ce
savoir-faire, mais il fut globalement un succès. Là où j’ai pu noter des faiblesses
dans ma séance, c’est quand j’ai insisté, un peu trop sans doute, sur les aspects
spécifiquement techniques du travail du peintre. J’estimais que cette étape était
indispensable, mais la manière dont je l’ai amené était certainement trop
rébarbative. Malgré tout, le résultat global fut plutôt positif, puisque la classe a
travaillé notamment sur la notion de perspective, essentielle pour les arts à la
Renaissance.
Dans une séance de cours en classe complète, en introduction de mon IV, je
décidais de m’appuyer sur un ensemble de documents situés pages 138-139 du
manuel des élèves. Parmi ces quatre documents, la classe pouvait observer trois
documents iconographiques: une photographie d’une sculpture de Michel-Ange,
L’esclave enchaîné; une photographie d’une œuvre de Raphaël, Le mariage de la
Vierge; enfin la photographie de la Villa Rotonda, due à l’architecte Palladio. Le
but de la séance était, en accord avec la problématique, d’établir la relation entre
humanisme et renaissance artistique. Les trois œuvres sont clairement d’inspiration
antique. Dans le questionnaire distribué à la classe, les réponses devaient permettre
aux élèves de répondre à la problématique. En outre, ces documents ont permis de
faire connaissance avec trois « genres » artistique, la sculpture, la peinture et
l ’architecture. Dans ce cas , l’étude des documents iconographiques était
étroitement subordonnée à un objectif précis dans la progression générale.
Après ces premières tentatives plus ou moins maîtrisées, je décidais de passer à
un nouveau stade dans l’analyse de l’image à l’occasion d’un travail sur un dessin
représentant le serment du jeu de paume. Cette étude arrivait au sein du quatrième
thème du programme, « La Révolution et les expériences politiques en France
jusqu’en 1851 ». La séquence est très longue et était décomposée par mes soins en
quatre grandes parties:
I Un régime fragilisé
II La France dans la Révolution
III La France napoléonienne
IV Un héritage lourd à porter
L’étude du dessin de David, effectué en 1791, était positionnée à l’entame du II
et devait introduire certaines notions fondamentales, pouvoir au peuple, révolte des
députés entre autres. La séance a débuté par un transparent sur lequel était
représenté l’ouverture des états généraux, le 5 mai 1789 à Versailles, d‘après une
reconstitution d‘A. Couder datée de 1870. Rapidement, à l’oral avec l’ensemble de
la classe, on a insisté sur la composition du tableau, la présidence du roi et le
grand ordre dans lequel se déroulait les débats, avec les trois ordres soigneusement
répartis par rapport au roi. Ce document avait déjà été utilisé en document
d’accompagnement au cours de la séance précédente, il était donc connu des
élèves. Ce travail à l’oral a duré quelques minutes.
Ensuite, j’en suis arrivé à mon document principal, la représentation de l’œuvre
de David sur transparent également. Les élèves ne disposaient pas dans leur
manuel de document selon moi satisfaisant, j’ai donc décidé de leur distribuer à
chacun une copie en noir et blanc du dessin, copies auxquelles j’ai ajouté un
transparent en couleur. En plus de cela, afin de rendre l’analyse du document plus
aisée pour les élèves, je leur ai distribué également un schéma d’interprétation, que
j’avais trouvé dans une fiche d’activité d’un autre manuel. Ce schéma insistait sur
deux choses: la composition du dessin et les personnages identifiés. Il permettait en
plus de reconnaître certains protagonistes essentiels.
L’exploitation du document était faite à partir d’un questionnaire précis:
1- quelle est la nature de ce document? Est-il contemporain des faits?
2- quels personnages trouve-t-on dans ce tableau? Comment pourriez-vous les
situer politiquement? Connaissez-vous de nom certains des protagonistes?
3- quelles absences significatives pouvez-vous relevez?
4- la composition du dessin met en avant certains personnages. Lesquels?
Pourquoi?
5- quel message politique ressort de ce dessin? Comparez avec la DDHC.
Le travail avait été auparavant préparé par un questionnement oral sur la forme
et le contenu du tableau et les autres documents vus en classe ( réunion des états
généraux, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen). Le but recherché
était d’arriver à amener l’élève aux trois étapes fondamentales de l’analyse
d’image: la présentation, la lecture, la critique1. Il me semblait en effet que ces
trois étapes représentaient un objectif raisonnable pour les élèves contrairement
aux préceptes de Paule Baisnée, trop ambitieux selon moi et qui se décomposait en
dix questions fondamentales à se poser devant une image ( identification, contexte,
description, impressions, composition, espace, point de vue, éclairage, couleur,
manière)2. L’ensemble me paraissait trop complexe et trop orienté vers les
considérations « matérielles » qui risquaient finalement de nous éloigner du sujet.
Par oral, on avait abordé certains thèmes de cet ordre, notamment on avait expliqué
pourquoi ce dessin était un dessin et non pas une peinture.
Le résultat pour la classe fut positif. Le document était évocateur d’un événement
fondateur et amenait le spectateur, ici l’élève, « à en imaginer le déroulement »1.
De ce document la classe tira beaucoup d’informations. Tout d’abord, on découvrit
que le tableau était postérieur de deux ans à l’événement, ce qui impliquait un
traitement particulier, un peu lyrique, du sujet. Le tiers-état, la petite noblesse et le
clergé étaient réunis dans un même mouvement, alors que le roi, omniprésent et
dominateur lors des états-généraux, était absent de la composition, tout comme la
haute noblesse et le haut clergé. Par contre, le peuple, bien qu’encore spectateur,
était présent en ce moment décisif. Enfin les élèves parvinrent à mettre en évidence
le statut particulier de deux personnages au sein de la composition, grâce au
schéma d’interprétation: Bailly qui prête le serment du jeu de paume et qui marque
la volonté de donner une constitution à la France; mais aussi Dubois-Crancé, qui
occupe une position flatteuse du seul fait qu’il est le commanditaire du tableau.
Cela leur permit de prendre conscience d’une dimension essentielle inhérente aux
œuvres d’art:le commanditaire.
Ce travail motiva les élèves. Ils avaient la possibilité de travailler en groupes de
deux pour répondre aux questions, mais devaient rédiger leurs réponses sur chaque
cahier. Cette réussite était dues à différents facteurs. Le schéma d’interprétation
leur donnait des clefs suffisantes pour favoriser leur travail. La force évocatrice du
dessin ensuite était suffisamment efficace pour leur donner envie de connaître les
raisons de cet événement et ses suites. Les questions posées enfin, même si a
posteriori je pense que j’aurais pu encore les affiner, leur livraient des
renseignements sans toutefois dévoiler tout le mystère et les implications futures
du serment du jeu de paume. C’était donc une assez bonne base de départ pour
étudier la France dans la Révolution.
* l’utilisation du rétroprojecteur
1
dir. Gaudin et Maréchal, Image et Pédagogie en Histoire-Géographie, p.111-112
P. Baisnée, Enseigner l’image au lycée, p.18
1
P. Baisnée, Enseigner l’image au lycée, p.11
2
Le document iconographique, l’image, est certes d’analyse délicate, souvent
plus complexe qu’un texte, mais possède un immense avantage, elle est beaucoup
plus directe dans son effet sur la classe2. Au début de ma pratique, j’utilisais
beaucoup les documents se trouvant dans les manuels me fiant à l’intérêt naturel
des élèves pour suivre eux-mêmes.
Rapidement, j’ai eu l’impression que ce travail pouvait être rébarbatif et surtout
très individuel. Chaque élève était le nez dans son livre et travaillait ( ou faisait
semblant) seul. Le rétroprojecteur a pour moi plusieurs avantages. En premier lieu,
il fait lever la tête à la classe. En second lieu, il brise un peu la routine: un
document présent dans le livre, lorsqu’il passe au rétroprojecteur, prend une
nouvelle dimension. Enfin le document ainsi livré à toute la classe permet la mise
en place d’un dialogue dans le groupe et d’une participation générale.
J’ai utilisé le rétroprojecteur à plusieurs reprises mais une séance me semble
révélatrice.
En fin de première partie sur la Révolution et les expériences politiques en
France, alors que nous essayions de montrer que la société d’Ancien Régime était
fortement remise en cause à la veille de la Révolution, j’eus recours à des
caricatures pour montrer les difficultés rencontrées par la monarchie et l’état de
l’opinion publique. J’utilisais trois caricatures, dont une qui figurait dans le
manuel. Ces trois caricatures mettaient en scène le clergé et la noblesse qui
opprimaient ensemble le tiers-état. Ces caricatures étaient présentées sous forme de
transparent. Le résultat fut très intéressant. Les élèves se prirent au jeu, se
détendirent (la séance était de 17h à 18h) et le résultat fut une participation très
active, parfois même un peu trop. Le côté comique trouva un écho favorable au
sein du groupe classe.
Le rétroprojecteur permit un vrai travail interactif. Sur les transparents les
élèves identifiaient les attributs de chacun; tout cela sous le contrôle avisé des
autres membres de la classe, ce qui permettait de concerner l‘ensemble du groupe.
Là où l’expérience fut vraiment intéressante, c’est au niveau de ma place, en tant
qu’enseignant dans le déroulement de ce cours. Je n’avais plus alors qu’un rôle
d’ « aiguillon », qui guidait simplement les élèves vers les réponses. Les élèves
trouvèrent beaucoup de choses par eux-mêmes, liées aux symboles et codes
inhérents aux représentations caricaturales. Pourtant, en fin de séance, il me fallut
revenir sur l’importance de la signification et de la portée de ces caricatures,
montrer finalement que rien n’est innocent dans ces dessins apparemment naïfs, et
que comme dans un tableau qui pourrait sembler plus abouti, l’iconographie est
riche et lourde de sens.
Dans ce cas l’effet de surprise joua à plein et en surprenant les élèves, j’eus la
satisfaction d’éveiller, bien qu’à des degrés différents , leur intérêt. Suprême
satisfaction, à la fin de la séance j’entendis clairement un élève redoublant dire à
2
id., page 9
son voisin: « c’était bien ça, j‘ai bien aimé! ».
2) pour une meilleure exploitation du document
Il est donc indispensable pour susciter l’intérêt des élèves de varier les plaisirs,
de rompre avec une routine rapidement lénifiante. En corollaire, il faut s’assurer
que le document en histoire est mieux exploité. On a vu dans la première partie que
le document était souvent étudié en coup de vent, trop rapidement pour que cette
étude soit significative. Dans la seconde partie de l’année, j’ai donc essayé
d’arriver à une étude de document en histoire plus performante et plus pertinente.
a) varier la trace écrite
Le recours à l’oral était trop systématique au début de l’année. La prise de note
était souvent aléatoire, comme on a pu le constater sur les cahiers des élèves. Le
document était vu au cours de la séance mais finalement il en restait peu de trace.
C’est pourquoi, notamment après avoir assisté à mes premiers cours de collège,
où la trace écrite est fondamentale, j’ai décidé de revenir à des méthodes plus
proches de celle du collège qui assuraient une trace écrite plus correcte. Le but était
de permettre à l’élève, lorsqu’il devrait reprendre son cours pour réviser, d’avoir
une trace écrite nette et consistante.
J’ai donc eu recours à des questionnaires écrits s’inspirant de ce que je faisait
déjà en géographie et de ce que j’avais vu faire au collège. Le plus souvent je
distribuais un questionnaire sous forme de photocopie. Je faisais attention à ne pas
multiplier les questions: pour la séance à partir de trois œuvres d’art de la
Renaissance, je posais trois questions plus ou moins complexes:
1) documents 2 et 3. Quelle influence architecturale pouvez-vous distinguer dans
les deux monuments représentés?
2) documents 1,2, 3 et 4. Quel est le caractère principal de la sculpture et du
tableau?
Avec la page 138. Quelle technique est utilisée dans le tableau pour renforcer
l’impression de réalité?
Quel est le but recherché par le peintre?
3) que pouvez déduire sur l’origine de ces œuvres?
On voit que le questionnaire était décomposé en trois questions principales,
dont une à plusieurs entrées. Le tout était couplé avec la problématique qui devait
amener les élèves à faire le lien entre humanisme et renaissance artistique. Les
élèves devaient répondre aux questions posées par des phrases complètes et non
par de simples mots ou idées désordonnées. En définitive, le cahier doit être le
témoin des recherches des élèves pendant la séance, recherches qui doivent être
réutilisables. Concrètement on devait aboutir à une trace écrite qui récapitulerait
l’influence antique omniprésente, les trois genres majeurs (peinture, sculpture,
architecture), l’utilisation de la perspective, l’imitation de la nature, la filiation
directe avec l’humanisme au final, à partir de la troisième question qui avait valeur
de synthèse.
Voilà un exemple de ce que j’ai pu faire pour assurer une trace écrite correcte
qui éviterait un oubli total de l’étude de document après la séance. J’ai répété cette
technique régulièrement jusqu’à maintenant. Cette manière de faire peut être
l’objet de variations afin d’éviter la répétition ennuyeuse; travail en groupe, par
deux( comme pour l‘étude du serment du jeu de paume), individuel. L’immense
avantage est de mettre les élèves en activité tout en leur assurant une trace écrite
correcte.
Pour varier encore le travail des élèves, toujours d’après ce que j’ai vu au
collège, j’ai aussi eu recours au tableau. Il y a plusieurs avantages à cette méthode.
La trace écrite de l’élève est claire et déjà organisée. De plus cette méthode a le
mérite de gagner du temps globalement. Par exemple, pour étudier les fondements
du pouvoir monarchique, j’avais pris l ‘exemple d’un document du manuel
représentant Louis XVI en costume de sacre( tableau de Duplessis datant de 1778).
Afin d’exploiter ce document, j’ai distribué à la classe un tableau à remplir qui se
présentait sous cette forme:
Document 5 page 157: « Louis XVI(1754-1793) en costume de sacre »
Analyse d’une peinture
Symbole du pouvoir royal
signification
En priorité, les élèves devaient remplir la première colonne d’après leurs
souvenirs et tenter avec le texte de leur manuel de compléter la seconde colonne.
Les élèves ont été dans leur majorité intrigués. Avec le nombre de lignes, ils
savaient combien de symboles il leur fallait trouver ce qui a introduit cette
dimension ludique très intéressante et toujours motivante. La séance a été réussie,
et l’activité des élèves assez spontanée, ce qui m’a semblé très positif. En outre, le
résultat au niveau de la trace écrite m’a semblé satisfaisant, d’après ce que j’ai pu
voir dans les cahiers ou classeurs que j’ai relevé.
b) le choix des documents
Il est également très important de bien limiter l’étude de documents afin de ne
pas la noyer dans le nombre. Outre que le choix des documents doit être pertinent
et représentatif de ce qu’on veut atteindre, il faut faire attention à ne pas utiliser
trop de documents. C’est pourquoi sur la deuxième partie de ma pratique, j’ai
essayé de limiter sérieusement le nombre de documents employés. Pour la
séquence sur la Révolution et les expériences politiques en France, j’ai ainsi centré
le travail sur un document principal, la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen, parfois complété par un autre document comme le dessin de David
représentant le serment du jeu de paume. Il m’a semblé en effet que l’étude
approfondie d’un seul document ou d’un nombre limité de documents permettait
une meilleure étude par la classe. En multipliant les documents, on risque de
réduire leur impact.
3) donner du sens à l’étude de document
Pour motiver les élèves, il est essentiel de leur montrer l’intérêt de ce qu’ils
font. Dans ma courte expérience de professeur en lycée, j’ai tiré comme
enseignement majeur que les élèves détestent ne pas savoir où ils vont. Il est
absolument essentiel de montrer à la classe l’intérêt de ce qu’elle fait, lui montrer
que chaque travail a un but précis, qui s‘insère dans une démarche à plus long
terme.
a) supprimer le cours magistral
Afin de donner du sens à l’étude de document, de montrer que l’on peut
construire une séance à partir de ce matériau, j’ai tenté de supprimer le schéma
classique questions => réponses => reprise du professeur.
À l’occasion d’une séance sur la France assiégée (1793-1794), j’ai pris le parti
de baser ma séance sur deux documents particuliers: une carte du manuel intitulée
« la France assiégée (été 1793) » et d’une frise chronologique situant les
principaux événements survenus entre 1788 et 1799. Les documents étaient
exploités par les élèves à partir de sept questions, certaines très faciles, d’autres
moins. Le questionnement devait permettre à la classe de mettre en évidence
certains faits historiques: la succession des gouvernements entre 1792 et 1794; les
menaces extérieures et intérieures, les débuts militaires difficiles puis le
redressement des armées républicaines, l’exécution du roi. Dans ce cas de figure,
j’ai supprimé la reprise en bonne et due forme. J’ai précisé aux élèves que les
informations complémentaires se trouvaient dans tel chapitre du manuel et que
l’étude de document ferait ici office de « cours ». J’ai tout de même procédé à une
correction des questions en cours dialogué, pendant laquelle j’ai au besoin
développé et explicité certains points fondamentaux comme pour les circonstances
de la mort de Louis XVI. Par contre je n’ai pas refait de synthèse qui aurait repris
l’ensemble des idées déjà utilisées.
La réaction des élèves a été assez compréhensible. Un élève m’a demandé: « on
n’aura pas de cours alors? ». Au demeurant, cette réaction était assez prévisible:
depuis le début de l’année, les élèves avaient été habitués à bénéficier d’une reprise
générale après chaque étude de document. Ce système, si parfois il reste
nécessaire, avait pour désavantage d’habituer la classe à se reposer sur cette
reprise. En la supprimant, j’avais en tête un objectif précis, il s’agissait de faire
comprendre aux élèves que l’étude de document pouvait avoir une vie sans un
cours magistral qui viendrait la chapeauter. L’inconvénient majeur de cette
méthode réside dans la grande différence d’appropriation de l’étude de documents
selon les élèves. Selon le sérieux du travail effectué ou la qualité de la prise de
note, l’assimilation par les élèves est très diverse. Du reste ce problème est
commun à n’importe quelle situation d’apprentissage et donc selon moi ne réduit
pas l’intérêt de l’expérience.
b) définir des objectifs précis
Afin que l’étude de document ait un sens pour les élèves, afin qu’ils en voient
l’utilité, il est nécessaire de fixer des objectifs précis à ce travail.
Tout d’abord, il est important selon moi de montrer que le document étudié
s’insère parfaitement dans la mise en place globale du cours. Dans ce cas, la
problématique joue un rôle fondamental. Dans la première partie de ma pratique de
l’étude de document en histoire, il est symptomatique que jamais la problématique
n’ait été mise en rapport avec le document. Il y a à cela une explication: la
problématique était alors élaborée de manière totalement indépendante d’une
quelconque étude de document. Ainsi ma première problématique était « comment
est née la démocratie en Grèce ?». Problématique classique, un peu passe-partout,
qui je pense était valable du point de vue scientifique et didactique, mais qui
n’avait aucun lien avec un document historique que les élèves auraient étudiés en
cours.
Ce genre de mise en place ne permet pas de mettre en valeur l’étude de
document, au contraire même. On annonce aux élèves une problématique qui doit
structurer la séance et finalement, on les oblige à étudier des documents dont on ne
voit pas bien le rapport avec le problème posé.
À ce sujet, ma première prise de conscience a eu lieu pendant une journée
IUFM, pendant laquelle la problématique a été abordée. À partir de ce moment, j’ai
tenté au maximum de coupler problématique et étude de document, afin
d’expliciter le lien entre les deux, autant pour moi que pour les élèves finalement.
Par exemple, pour ma séance sur « la Chrétienté en plein doute », dans la séquence
sur « Humanisme et Renaissance », la classe est partie de trois documents: deux
textes de Luther( un extrait des 95 thèses, et un extrait du De la liberté du chrétien)
et une carte représentant les religions en Europe à la fin du XVIème siècle. En
partant de ces documents, après une lecture collective et un travail d’analyse fait à
l’oral, la classe a trouvé elle-même la problématique de la séance, que je n’ai pas
modifiée pour ne pas dévaloriser leur travail, qui était simple mais valable:
« comment est-on arrivé à la fin du XVIème siècle à la séparation entre catholiques
et protestants? ». Par la suite j’ai essayé de lier en permanence étude de document
et problématique, pour que le lien soit considéré comme automatique. Toutes les
fois où je pensais que c’était possible, j’ai donc réitéré cette méthode et finalement,
c’est devenu une sorte de rituel au sein de la classe, que celle-ci aurait presque
tendance à réclamer.
L’étude de document doit être un « levier »1, qui ouvre la porte vers un
apprentissage bien ciblé. C’est pourquoi, avant chaque étude de document, j’essaie
de faire l’effort de bien mettre au clair avec la classe, à l’oral, les objectifs de ce
travail, tout en essayant de ne pas déflorer le mystère. Lorsqu’il étudie un
document, l’élève doit apercevoir une finalité, une idée maîtresse. Dans cet ordre
d’idées le choix des consignes est primordial. Elles doivent guider l’élève
exactement là où l’enseignant veut l’amener. Cet exercice est plus difficile qu’il
n’en a l’air. J’ai fait une première tentative, mal exploitée par la suite avec
Palerme: les élèves devaient répondre à trois questions:
1
MEIRIEU Philippe, Apprendre… oui mais comment?, Paris, ESF, 1987, page 22
- d’après les documents 4 page 93 et 1 page 94, quelle est l’attitude des rois
normands envers les Musulmans?
- en quoi peut-on dire que la royauté normande est une monarchie orientalisée (
document 4 page94)
- sur le document 5, à quoi reconnaît-on l’origine des notaires?
À la fin les élèves devaient expliquer en quoi la Sicile et Palerme étaient un lieu
exceptionnel en Méditerranée.
Outre que la troisième question me semble aujourd’hui bien inutile, j’avais tenté
d’orienter mon questionnement là où je le souhaitais.
De la même manière pour l’étude de la Déclaration des Droits de l’Homme et
du Citoyen ( DDHC), mes consignes ont limité l’étude à certains articles dont je
comptais faire tirer des renseignements précis sur la société d’Ancien Régime.
L’étude de l’ensemble du document aurait été beaucoup trop longue et fastidieuse
et finalement les élèves auraient eu des difficultés à en garder l’essentiel. Il est
donc essentiel, par le biais des consignes, de hiérarchiser les informations
recherchées. Plus les consignes sont claires, plus la classe a de chances de saisir les
objectifs de l’étude de documents. L’exercice est difficile et plus d’une fois j’ai du
expliciter les objectifs après-coup, même si je pense avoir progressé dans ce
domaine.
c) la place du document dans la séquence
On a vu auparavant que la place de l’étude de document dans la structuration
de mes séquences m’avait posé quelques problèmes au début de ma pratique.
Finalement, j’en étais arrivé à la conclusion que le document, pour être considéré
par l’élève, devait faire corps avec l’ensemble de la séquence pédagogique.
J’opérais déjà de cette manière en géographie où la séquence était décomposée
autour d’étude de cas qui permettaient d’entrer dans le programme et les thèmes à
aborder. Mon expérience en collège, ainsi que ma première visite conseil me
confortèrent dans l’idée de mettre en place de manière systématique la même
structure pour l’histoire.
Pour le thème sur la Révolution et les expériences politiques en France, je
décidais ainsi de rentrer dans le programme grâce à un document historique
incontournable: la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le texte était
présent dans le manuel des élèves mais je leur donnais malgré tout un exemplaire
photocopié tiré d’un autre manuel, qui me semblait plus propice à l’étude de
document. Il s’agissait en outre de m’assurer que chaque élève en aurait un
exemplaire dans son cahier ou classeur. La DDHC est un document d’une très
grande richesse, il me sembla donc opportun de l’étudier en plusieurs fois selon le
thème que je souhaitais traiter avec la classe. Dans cette optique il me semblait
raisonnable de m’autoriser à compléter l’approche du sujet par une autre étude de
document complémentaire, comme le dessin de David sur le serment du jeu de
paume.
J’entrais donc dans mon thème sur la Révolution et les expériences politiques
par une étude de ce texte patrimonial. Pour introduire ce travail, je commençai par
une période de cours dialogué au cours de laquelle, avec la classe, nous avons
délimité le cadre chronologique du thème et décomposé les termes du sujet.
Toujours à l’oral, nous avons ensuite évoqué le régime politique ayant cours
actuellement en France, pour arriver aux symboles de la république française. Les
élèves ont trouvé la Marseillaise, le drapeau tricolore et la DDHC ( à laquelle je
n’avais pas encore fait allusion); j’ai rajouté Marianne.
Arrivés à ce point, j’ai distribué une copie du texte de la DDHC aux élèves, en
la situant chronologiquement ( 26/08/1789). Dans un premier temps, je voulais que
les élèves aient du texte une vision d’ensemble, c’est pourquoi je leur posais ces
quatre questions générales:
1) quelles notions communes avec Athènes au Vème siècle avant J-C et
l’humanisme pouvez-vous trouvez dans ce texte?citoyen, individu
2) quelles sont les valeurs principales développées dans ce texte?liberté, égalité,
justice
3) sur quelle base repose ce nouveau régime?le droit
4) à quel type de régime la DDHC s’oppose-t-elle clairement?la monarchie
J’ai indiqué en italique les réponses attendues. Après cette approche très
générale, je voulais, toujours à partir de ce texte introduire mon I: un régime
fragilisé. J’ai donc fait chercher aux élèves dans les articles du texte, les références
plus ou moins explicites au régime politique antérieur à la Révolution. La classe a
réussi à ressortir les idées de privilèges, d’oppression, d’arbitraire, de société
inégalitaire. Dans la suite de ma séquence, j’ai repris ces idées dans 1) une société
inégalitaire et 2) de la contestation à la crise.
Ensuite, pour introduire mon II: la France dans la Révolution, je suis revenu à la
DDHC, au préambule notamment. Cette fois les élèves devaient relever les mots ou
expressions qui montrent qu’il s’est produit un changement politique et trouver
quel organe semblait avoir pris le pouvoir (assemblée nationale). Ce travail était
relativement rapide et devait introduire l’étude de document sur le dessin de David,
ce qui me permettait de présenter à la classe un corpus documentaire cohérent, tout
en gardant une continuité intéressante.
Enfin, lors d’une séance sur la mise en place d’une nouvelle société, à partir
d’un transparent, j’ai fait étudié à la classe la richesse iconographique et
symbolique de l’exemplaire distribué du texte( une peinture sur bois venant du
musée Carnavalet à Paris). On y a discerné les symboles de la liberté, de la raison,
de la loi, du peuple en armes, de l’unité indivisible de la nation.
Au final , le document a été mobilisé selon les besoins de l’enseignant à des fins
bien précises. Pour les élèves, ce document « inducteur » est apparu comme un vrai
fil directeur qui a permis d’entrer dans les faits de manière systématique, une sorte
de seuil indispensable. Enfin, la trace écrite tirée du document donnait les clefs
pour comprendre un développement ultérieur.
Conclusion II
Pour motiver mes élèves et donner du sens à l’étude de document en histoire,
deux choses me sont apparues primordiales: surprendre les élèves en variant les
situations d’apprentissages ou les documents employés; donner du sens à l’étude
de document en lui donnant une place à part entière au sein de mes séquences, une
place indispensable même, réellement inductrice.
III: BILAN ET PERSPECTIVES
Ce mémoire professionnel est le résultat d’une analyse de pratique de quelques
mois seulement, de septembre à février globalement. Il est donc difficile d’en tirer
un bilan vraiment complet, tout en sachant bien que d’autres expériences sont déjà
menées et que d’autres encore viendront compléter mon analyse de pratique sur
cette année.
1) les échecs
L’intérêt des élèves est encore difficile à assurer. Sur certaines séances pendant
lesquelles je pensais obtenir l’attention de la classe grâce à une étude de document
en histoire, le résultat a été au final assez peu convaincant. Les raisons de ces
échecs peuvent être multiples: une étude trop ambitieuse, ou trop facile, des
consignes pas assez claires, un document trop peu intéressant aux yeux des élèves.
J’avais par exemple introduit mon chapitre sur l’humanisme par un texte du
philosophe Pic de La Mirandole sur la place de l’homme dans la création ( De la
dignité de l’homme, 1483). Le texte expliquait que l’homme avait été placé au
centre du monde par Dieu, et quelques questions devaient amener la classe à
formuler une problématique. Le texte était sans doute trop difficile et rapidement
l’intérêt de la classe a faibli, les bavardages reprenant le flambeau. J’ai donc été
obligé d’abréger le travail sur le document et d’enchaîner sur du cours dialogué.
Voici un exemple qui je pense montre la difficulté de la pratique et surtout
l’indispensable remise en question permanente de l‘enseignant.
En outre d’après les cahiers ou classeurs que j’ai relevé, je me suis aperçu que
l’étude de documents gardait souvent un statut incertain dans la trace écrite des
élèves. L’échantillon portait sur un panel d’élèves que j’avais voulu représentatif,
avec des bons et des moins bons. Hors de manière régulière, les documents étaient
rangés de manière significative, comme des « annexes » qui viendraient juste
enrichir le sacro-saint cours. Par exemple, Mathilde M., une bonne élève, a pris
l’habitude de placer ses études de documents en fin de classeur avec les modules (
qui eux aussi d’ailleurs devraient être à une autre place). Je l’ai fait venir à la fin
d’un cours et interrogée sur la raison de ce rangement et elle m’a dit que pour elle
c’était « plus pratique pour réviser ». On voit dans ce cas que le statut du document
était encore mal défini. Je crois que la justification en vient en grande partie de ma
pratique du début d’année; alors le document était un simple support annexe et
sans doute n’ai-je pas assez communiquer à ce sujet avec les élèves pour leur faire
prendre conscience de l’importance de l’étude de document dans le déroulement de
la séance et de la séquence.
2) les réussites
Néanmoins, les ajustements effectués m’ont semblé bénéfiques à plus d’un titre.
L’étude de document a pris une place beaucoup plus importante dans la
structuration du cours. Dorénavant, le document est à l’origine du questionnement
de l’élève de manière systématique. Les élèves ont aussi été amenés à se poser des
questions sur l’utilité et les raisons qui nous amènent à employer un document
précis à tel instant de la séquence et pas à un autre. Le document reste le
témoignage d’un passé révolu mais ce témoignage peut amener une réflexion de
l’élève et donc donner du sens à l’enseignement du professeur au sein d’une
séquence. De ce que j’ai pu observer au long de ma courte pratique d’enseignant, il
est indispensable d’amener l’élève à la réflexion. Une fois que l’élève est
interloqué, c’est déjà une victoire pour l’enseignant-pédagogue.
Un autre enseignement essentiel pour moi a été de réaliser, heureusement assez
rapidement, qu’en classe de seconde, on peut responsabiliser les élèves sans trop de
risques. Il ne s’agit pas de leur confier l’ensemble des séquences pédagogiques
bien sûr, mais il est certain que la motivation de l’élève dépend en grande partie de
son degré d’implication dans le cours. Or, par l’étude de document, il est facile de
laisser à la classe une part essentielle dans la construction d’un savoir historique.
En faisant de l’étude de document un élément central de la séquence, le professeur
valorise le travail de l’élève et logiquement, sa motivation. En définitive, l’élève
doit prendre conscience qu’il contribue personnellement à la construction du savoir
de la classe. Si on arrive un tant soit peu à cette dynamique, la participation orale
est meilleure, l’investissement des élèves aussi, bref les séances plus dynamiques
et vivantes.
3) perspectives
Certes, j’ai noté des progrès intéressants dans ma pratique vis à vis de
l’utilisation du document, mais le chemin à parcourir est encore long.
Cette année, la prise de conscience, la mienne puis celle des élèves a été trop
tardive. Il me semble essentielle d’insister dés le début de l’année, dés les
premières séances, sur l’importance à donner au document, sur son rôle inducteur.
À cet effet, le dialogue avec la classe me semble essentiel. Les élèves de seconde
arrive du collège où généralement leur pratique est très encadrée alors qu’au lycée
ils bénéficient d’une plus grande indépendance. C’est pourquoi je pense que pour
être sûr de bien faire passer le message, on pourrait, dans les premières séances,
guider la prise de note et l’élaboration de la classe de manière assez directive, afin
de mettre en place certains réflexes quant à la place de l’étude de document en
histoire en particulier. Quitte dans ce cas à délaisser un type de cours plus
« classique », plus magistral, qui est en outre difficile à adopter avec des élèves
dont la qualification pour la prise de note reste minime. La prise de conscience doit
être la plus rapide possible, de la part du professeur comme de la part de la classe.
Il ne faut surtout pas hésiter à expliquer et justifier ce que l’on veut mettre en
place, de cette manière, grâce au dialogue , l’élève aura le sentiment d’être associé
à un projet global.
De la même manière, on doit absolument tenter d’éviter la routine dans le
travail des élèves. J’ai essayé au fil de cette année de déjouer les habitudes des
élèves, de les surprendre, mais dans ce domaine, on peut encore faire plus. La
variété des documents historiques est immense, on peut donc en jouer à loisir. Pour
ma part, d’ici à la fin d’année, j’ai prévu deux actions dans ce sens. Tout d’abord
un module sur une étude de monument, le château de Brochon, prévue au
printemps. Il s’agit de montrer aux élèves la signification et la richesse historique
de chaque monument, d’autant plus que dans ce cas cela pourrait se faire à
l’intérieur même du lycée. Ensuite, j’ai également prévu, en toute fin d’année, une
séance consacrée à l’analyse d’un film vidéo, je pense à des extraits d’une émission
de la chaîne Arte sur la révolution industrielle en Allemagne ou alors à des
séquences sélectionnées auparavant du film Germinal, sur la condition des mineurs
au XIXème siècle. Avec un vidéo projecteur, on pourrait également introduire une
part d’interactivité dans ce travail, tout comme avec l’utilisation des TICE, qui m’a
semblé un peu périlleuse cette année avec une classe de trente cinq adolescents.
Sans oublier les documents sonores, notamment en histoire contemporaine (
discours, informations à la radio)
Enfin, j’ajouterai l’opportunité de travailler en interdisciplinarité avec certains
collègues, comme ceux de lettres et de traiter de manière transversale un thème
commun, comme cela se fait beaucoup au collège notamment. Cette démarche à
deux avantages. D’abord montrer à l’élève qu’il existe une vraie équipe
pédagogique, unie autour d’un projet de classe; ensuite inciter l’élève à faire
tomber ces barrières hermétiques qui cloisonnent trop souvent les attributions
respectives des différentes disciplines enseignées.
CONCLUSION
Dans les six mois qu’a duré ma pratique, j’ai été confronté à des choses que je
n’aurais même pas imaginées. Rien de grave, mais j’ai tout simplement pris
conscience de ce qu’était le métier d’enseignant. Parfois je me suis senti
incompétent, d’autres fois je me suis dit que je n’étais pas si mauvais. Parmi les
nombreuses interrogations qui m’ont occupées l’esprit, la mise en œuvre et la
construction de mes séquences a sans doute été la principale. En histoire
notamment, j’hésitais sur la marche à suivre. La place de l’étude de document dans
mes séquences d’histoire a focalisé mon attention. Le but était de rendre mes
séquences cohérentes et donc porteuses de sens pour les élèves. Comme je pense
l’avoir montré, j’ai tâtonné un certain temps avant d’apporter des remédiations qui
ne sont toujours pas parfaites, j‘en ai conscience.
Le document est essentiel en histoire comme en géographie. Longtemps on a
opposé le document au cours, en faisant bien la différence entre un auxiliaire zélé (
le document) et la vraie poutre du savoir historique (le cours). Toutes les
tendances étant vouées à disparaître, on a vu ensuite poindre « le fantasme d’un
enseignement tout bâti sur l’exploitation des documents »1 et des manuels desquels
le cours aurait disparu. Il me semble finalement que l’étude de document doit être
un élément central de la séance ou de la séquence d’histoire mais qu’il est sans
doute dangereux de se diriger vers un des deux extrêmes évoqués.
Ce que je retiendrai de cette analyse de pratique relativement courte, c’est que
l’étude de document en histoire a l’immense avantage de rendre l’élève acteur de
sa formation et non plus simple spectateur. L’étude de document en histoire, si elle
est bien utilisée et justifiée, peut éveiller l’élève, le surprendre, enfin donner du
sens à un apprentissage pour lequel il n’est pas forcément prédestiné ni
enthousiaste. Au départ de ce mémoire, je posais la question de savoir comment, à
travers l’étude de document en histoire, donner du sens à l’enseignement et
motiver les élèves. Pour être honnête, je n’ai pas de réponse catégorique et
définitive à fournir, tout au plus des pistes à explorer, encore et encore. Ce dont je
suis maintenant profondément convaincu, c’est qu’un élève apprend mieux par lui
même que par le biais d’intermédiaires, si compétents soient-ils, et que l’étude de
document est un outil essentiel dans cette optique.
1
H. Moniot, p.172
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES:
1) extrait d’un cours d’élève de tout début d’année sur le citoyen à Athènes: deux
textes ont été vus avec les 2 et 3; il n’y en a aucune trace dans le cours.
2) travail sur ensemble documentaire sur les Normands en Sicile. Les documents sont
mentionnés mais la trace écrite est surtout basée sur un travail de reprise à l’oral. Le
tout est écrit au crayon de papier.
3) suite du travail précédent où l’on peut observer le manque de lien entre étude de
document et « cours ».
4) extrait d’un de mes cours, dans lequel questionnement est incertain: « répondre à
l’oral suffit peut-être »
5) exemples de tableau et de questionnaire distribués et complétés par les élèves. La
trace écrite est déjà plus régulière.
6) exemple de caricatures utilisées en transparent avec la classe.
7) transparent de la DDHC sur lequel les élèves ont recherché les symboles de la
république, les ajouts (liberté, loi, nation) sont de moi, mais le repérage vient des
élèves venus au tableau. Tous les élèves disposent de la même chose sur un
exemplaire distribué.
8) schéma d’interprétation distribué avec le dessin de David sur le serment du jeu de
paume. L’élève a répondu aux questions sur sa feuille plutôt que sur son cahier,
néanmoins elle fait bien ressortir les notions recherchées ( nation, égalité)
9) exemple de travail sans synthèse du professeur; le résultat est plutôt positif selon
moi. Les idées principales sont là.
10) exemple de cours d’élève dans lequel l’étude de document (DDHC) introduit
clairement la suite de la séance. Par contre, l’élève a oublié de noter la problématique.