Injection de drogues (« Slam ») chez les gays : épiphénomène ou
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Injection de drogues (« Slam ») chez les gays : épiphénomène ou
Le Rapid Assesment Process, une méthode ethnographique permettant de qualifier un phénomène émergent à travers une approche pluridisciplinaire. Illustration à partir de la pratique du slam. Marie Jauffret-Roustide Sandrine Fournier Nicolas Foureur Vincent Labrouve Guillemette Quatremère Xavier Pascal Daniela Rojas Castro Contexte (1) • La population des HSH (Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) est particulièrement concernée par l’épidémie de VIH. Incidence du VIH de 4%. • En 2010, évocation au sein du milieu gay du Slam : nouvelle pratique - injection de drogues chez les HSH dans un contexte sexuel augmentant l’exposition au risque VIH et à l’hépatite C chez les HSH. • Emballement médiatique et descriptions détaillées des prises de risques sexuelles sous l’emprise des drogues. • Légende urbaine ou phénomène émergent ? Expérience du crystal début 2000. Contexte (2) • Contexte d’incertitude : Définition et contours de la pratique : Injection uniquement ? Quel type de drogues ? • Phénomène qui interpelle les chercheurs car cloisonnement de la recherche sur ces deux thématiques (HSH et drogues) en France. • Tabou de la sexualité dans les dispositifs de prise en charge des usagers de drogues en France, et tabou de l’injection chez les HSH : « Je suis tombé sur un site « junky » je sais plus trop quoi. Sur le coup ça nous avait amusés tous les deux en disant, on est des junkies. Mais ça nous avait fait beaucoup rire. […] Et d’un seul coup c’est là où il s’est bloqué il a dit, mais je suis devenu un junky. Ben je lui dis oui ! » (Jean, 48 ans, VIH+, Paris) • Phénomène qui interpelle différents acteurs de santé et associatifs : – quelles sont les conséquences du slam sur la santé ? – dans quelle mesure et comment intervenir ? Besoin de connaissances Mise en place d’une étude dont les objectifs sont : • Fournir une connaissance plus précise du slam et définir les contours du phénomène, • Mettre à distance les descriptions sensationnalistes sur le sujet, • Appréhender le sens attribué à la pratique par les slameurs, • Identifier d’éventuels besoins liés à cette pratique afin de proposer des moyens d’actions pour y répondre, • Identifier des questions de recherche à explorer, par la suite, • Définir des méthodes de recherche pour approfondir le phénomène. Rapid Assessment Process • Les principes du RAP : Une approche inductive, « on sait rien » sur le sujet, nécessité de partir des données empiriques pour construire l’objet de recherche. Entretiens/Focus groupes/observations ethnographiques. Recrutement boule de neige par le biais des réseaux sociaux internet et via réseaux associatifs. Echantillon diversifié mais non représentatif • Comprendre la situation du point de vue des insiders. • Bilan complet dans un temps court • Comité de pilotage. Rapid Assessment Process (1) L’équipe RAP : minimum de 2 personnes, mais si possible 4 ou 5 afin de faciliter la connaissance des thématique et la confrontation des regards. Multidisciplinaire : une anthropologue, un médecin, deux sociologues, un démographe et une psychologue de la santé. Individus impliqués dans l’équipe de recherche choisis pour leurs compétences mais en veillant à une forme de diversité / caractéristiques de chacun (sexe, âge, sexualité). Implication de plusieurs associations et institutions, avec des regards et des objectifs différents. Aides et Sidaction : associations de lutte contre le VIH, AMG : association des médecins gays, Inserm : organisme de recherche. Rapid Assessment Process (2) Cette diversité avait pour objectifs de croiser les regards et les compétences mais également de « réguler » les présupposés de chaque membre de l’équipe sur la pratique du slam. Implication d’un insider dans l’équipe de recherche. L’équipe mène toute l’enquête de manière collective. Des règles doivent être mises en place pour assurer le bon fonctionnement de l’équipe. Pas de leadership. Analyse des données collective. Échantillon • 40 personnes différentes contactées au total pour la recherche Recrutement des usagers via une adresse gmail non rattachée à une institution. • 23 personnes interrogés entre juin et juillet 2012 : – 10 slameurs – 4 ex-slameurs – 3 « proches » de slameurs – 6 personnes ressources (3 associatifs, 1 médecin et 2 addictologues). • 16 Entretiens individuels ou collectifs (focus groups) : _ 12 entretiens individuels (1h-1h30) _ 2 focus groupes informateurs clefs (2h30) _ 2 focus groupes usagers (2h) Les résultats Motivations à participer à l’enquête 1. Prendre du recul sur leur pratique, 2. Echanger sur le slam en l’absence d’autres interlocuteurs, 3. Alerter sur les risques, notamment d’addiction, associés au slam. « Une inquiétude je pense par rapport à des amis que j ’ ai vus commencer à slamer, et des besoins en termes d’approvisionnement du matériel, autour de l’habileté à s’injecter. J’ai vu des gens très rapidement se retrouver avec des abcès, se charcuter devant moi à l’hôtel, et aussi la vitesse à laquelle ça se propageait. Je me suis retrouvé dans des situations où plusieurs n’avaient jamais slamé et commençaient par prendre des slams pour accompagner très rapidement, et ont accroché pour certains. » (Marc, 45 ans, VIH+, Hérault .) Le phénomène slam, sa définition par les usagers • Définition du slam par les usagers : quelque soit la relation des usagers avec le slam, il est défini comme suit : une injection intraveineuse… … dans un contexte sexuel … de produits divers de type psychostimulants « Maintenant c’est… trouver beaucoup plus de sensations, je sais pas comment s’exprimer quoi, c’est un petit plus, un jeu, je sais pas. Voilà quoi c’est un jeu sexuel en fait, je définis ça comme ça. » (Bruno, 46 ans, VHC+, Paris). Le parcours du slameur • Le slam = recrutement par réseaux • La difficulté à contrôler sa consommation évoquée par tous les slameurs (dès 4 à 8 semaines après le 1er slam), sentiment d’engrenage dans les sphères des drogues et de la sexualité. • Des stratégies profanes de réduction des risques mises en œuvre telles qu’une réticence à l’apprentissage de l’injection/maintien dans le statut d’initié pour se prémunir de la dépendance mais qui entraîne une exposition accrue au risque de transmission du VIH et hépatite C) : « J’ai toujours refusé de me piquer, je me pique jamais. Je me fais toujours piquer, ou je ne fais pas. J’ai toujours refusé de, de, de me piquer moi-même, pour ne pas tomber dans la facilité de le faire tout seul.. » (Nathan) • L’arrêt se produit dans certains cas après la survenue de plusieurs épisodes indésirables (problèmes médicaux, arrêts de travail, ruptures, désocialisation). Le phénomène slam, difficile de connaître son extension • Ce n’était par notre objectif. • Les cliniciens et les slameurs reportent une accélération du nombre de slameurs… …mais « à partir du moment où on a commencé à les voir, on a commencé à les chercher, et donc on les a trouvés » (médecin) • D’après les informateurs de l’étude, si le nombre de slameurs semble augmenter, le slam concerne une population qui reste limitée… « On aura bientôt plus de gens qui vont bosser sur le slam, que de gens qui slament. » (Informateur associatif). Une facilité importante à recruter des slameurs pour l’enquête. Le phénomène slam, difficile de connaître son extension • Ce n’est pas un phénomène exclusivement parisien, car recrutement de slameurs de différentes villes de province sans difficulté via les réseaux sociaux. • Une diversité de milieux sociaux et de générations (25 à 57 ans) sont également concernés. • Mais impossible d’estimer réellement le phénomène à partir du RAP. • Mise en œuvre de recherches complémentaires en cours : 1) Une enquête quantitative auprès des sites gays. 2) Une enquête quantitative auprès des structures d’accueil pour usagers de drogues. Slam. Mot anglais qui signifie « claquer ». Il désigne l'injection de produits divers de type psychostimulant, dans un contexte sexuel. Le terme est utilisé par des hommes gays.