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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit des Servitudes
Abus de droit : vues droites n° 28
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal civil de Namur, Jugement du 17 mai 1983
En réclamant la suppression des vues et de l’auvent rédigés en violation des articles 678 et 552
du code civil, le propriétaire du fonds voisin ne commet pas un abus de droit.
Sa demande est la seule compatible avec le prescrit de la loi dont elle respecte parfaitement la
finalité ; le rejet de l’abus de droit s’impose d’autant plus que celui qui s’en prévaut à lui-même
a commis une faute en construisant son bâtiment au mépris complet des droits de son voisin et
en toute connaissance de cause (RRD 1983, Jugement du 17 mai 1983).
Jugement du 17 mai 1983
Attendu que l'appelant base sa requête:
Le Tribunal,
1. En ce qui concerne l'auvent litigieux
(…)
Attendu que l'action originaire mue par une
comparution volontaire des parties trouve sa
cause dans le désaccord survenu entre elles au
sujet de la haie divisant leurs propriétés
respectives;
Que le demandeur originaire, actuel intimé, a
postulé finalement devant le premier juge après
vue des lieux:
- la suppression de deux fenêtres dans la
propriété de Monsieur Louis;
- l'enlèvement de la partie de l'auvent qui
surplombait son fonds;
- la remise en état de la limite séparative
des fonds;
- la condamnation du défendeur originaire,
actuel appelant au paiement d'une
astreinte par jour de retard;
Attendu que le premier juge, après avoir ordonné
une expertise, laquelle fut réalisée par l'ingénieurarchitecte expert Ph. Lecomte le 14 août 1981, a
fait droit à la demande de l'actuel intimé et a
ordonné la suppression de l'auvent constituant
saillie, a ordonné d'autre part la suppression des
fenêtres litigieuses ou le placement de fenêtres à
fer maillé et verre dormant, condamnant le
défendeur originaire à se conformer au prescrit du
jugement pour le 30 mai 1982 au plus tard, et
remettant la cause à une date ultérieure pour
statuer sur le surplus de la demande;
sur le fait que l'article 678 ne visant que les
saillies permettant de jeter la vue sur le terrain
voisin, ne s'applique pas en l'espèce et que
l'application des articles 552 et 555 du code civil
est tempérée par une jurisprudence récente, les
prétentions de l'intimé devant être analysées
suivant les notions de l'abus de droit;
2. En ce qui concerne les vues litigieuses
sur le fait qu'admettre le bien fondé de la position
de l'intimé serait consacrer dans son chef un abus
de droit aux motifs:
- que le non-respect par lui de la distance prescrite
est de minime importance et pourrait résulter
d'une erreur de mesurage effectué par l'expert;
- que le regard jeté de la vue litigieuse ne peut
incommoder l'intimé puisqu'il ne peut atteindre
que l'extrémité du jardin;
Attendu qu'à titre subsidiaire, l'appelant offre de
solutionner le problème par le placement de
volets ou d'un système d'obturation sur 23 cm, à
titre tout à fait subsidiaire, par la construction d'un
mur ou l'érection d'un panneau à la limite des
deux propriétés, et à titre encore subsidiaire, il
demande qu'un délai de six mois lui soit accordé
pour réaliser les travaux réclamés par l'intimé;
Attendu que l'intimé maintient ses réc1amations
basées sur l'article 678, les saillies (en l'espèce
l'auvent) étant assimilées aux vues ouvertes dans
les murs mitoyens ou séparatifs-privatifs, les vues
litigieuses étant en l'espèce des vues droites d'un
côté et obliques de l'autre,
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Vues droites : abus de droit n° 28
les prescriptions du Code civil étant en la matière
extrêmement précises en ce qui concerne les
conséquences de telles situations et ses
réclamations étant tout à fait conformes à ces
prescriptions ;
- qu'il invoque à titre subsidiaire en ce qui concerne l'auvent, les articles 555 et 552 du code
civil, et repousse l'objection tirée de la théorie de
l'abus de droit, les vues querellées portant
immédiatement sur son héritage en sa partie
jardin d'agrément;
Attendu que l'actuel intimé fait appel incident du
jugement en ce qu'il offre à l'actuel appelant une
alternative, soit la suppression pure et simple des
jour et de la saillie, soit l'opacification et le
ferraillage desdits jours et que cette alternative
n’est pas conforme au prescrit de la loi duquel ne
peut se déduire qu'un ordre de remise en état
originaire et postule, en plus de la suppression
pure et simple des jours et de la saillie litigieux, la
condamnation de l'actuel appelant à une astreinte
de 5.000 francs par jour de retard dans l'exécution
des travaux et la remise en parfait état
d'occupation des abords de la limite séparative
des deux fonds, à défaut de laquelle il serait
autorisé à faire procéder lui-même aux travaux
nécessaires et à en réclamer le coût à l'appelant ;
1. En ce qui concerne les vues litigieuses
Attendu que la non-conformité de ces vues avec
le prescrit de la loi n'est pas contestée; que les
deux fenêtres litigieuses situées au rez-dechaussée et à l'étage sont ouvertes dans un mur
privatif appartenant à l'appelant, sont qualifiées
par 1'expert de vues droites sur l'héritage de
l'intimé et ne peuvent exister selon l'article 678 du
Code civil, s'il n'y a 190 cm de distance entre le
mur où on les pratique et ledit héritage ;
Attendu que l'appelant sur incident, intimé au
principal, en demande la suppression pure et
simple; « que lorsqu'une vue ouverte a été
pratiquée dans un mur ou non sans que soient
respectées les dispositions des articles 675 à 679
du code civil, le propriétaire du fonds voisin peut
en demander la suppression ou exiger qu’elle soit
modifiée conformément à la loi » (Cass., 21
octobre 1909, Pas., 1909, 1, 414) ;
Attendu que l'appelant propose des solutions qui
ne sont pas conforme au prescrit de la loi et que le
premier juge dans l'alternative qu'il lui offre, perd
de vue que l'article 676 du code civil ne peut
s'appliquer que si les vues ou jours prévus à cet
article sont conformes aux hauteurs prescrites par
l'article 677, ce qui n'est pas l'espèce, suivant les
données du rapport d'expertise;
Attendu dès lors que la seule solution à ce litige
réside incontestablement suppression des
ouvrages litigieux;
2. En ce qui concerne l'auvent
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'auvent
litigieux ne constitue en aucun cas une possibilité
d'accès, ni une possibilité de vue; qu'il a été jugé
en France que les terrasses sans accès n'étaient
pas soumises aux prescriptions légales ayant trait
sur la propriété de son voisin (Cass. fr., 5
décembre 1938, Pas., 1939,2,97) ;
Qu’il est de bon sens que la loi, en son article 678
vise des ouvrages « faisant partie de la
construction par le moyen desquels la vue peut
s'exercer sur le fonds voisin » (Novelles, Droit
civil, t. Ill, n° 1158, p. 350) ;
Attendu cependant que l'article 552 du code civil
attribue au propriétaire du sol la propriété du
dessus et du dessous;
que seul le propriétaire a le droit de faire des
travaux visés à l'article 552 et qu'il peut exiger la
démolition des ouvrages qui, à une hauteur
quelconque, empiètent sur l'espace au-dessus de
son sol (Civ. Charleroi, 7 npvembre 1941, Revue
des Ass. et des Resp., 1942, n° 3672);
3. Abus de droit
Attendu qu'il échet de relever dans la
jurisprudence actuelle les différent qui définissent
l'abus de droit et qui peuvent être résumés comme
suit: (Aspect nouveaux du droit des obligations,
Mme Verheyden-Jeanmart, session de recyclage
81-82, Faculté de droit, Namur, p. 18);
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Vues droites : abus de droit n° 28
Abuse de son droit:
- celui qui l'exerce dans l'intention de nuire à
autrui;
- celui qui entre diverses manières d'exercer un
droit qui présentent le même intérêt, ne choisit
pas celle qui est la moins dommageable pour le
tiers;
- celui qui dans l'exercice de son droit, cause à
autrui un dommage disproportionné à l'intérêt
qu'il en retire;
- celui qui, dans l'exercice de son droit, ne
respecte pas la finalité qui lui a été assignée par le
législateur ;
Attendu en l'espèce qu'il n'existe au dossier aucun
élément de nature à démontrer une quelconque
intention de nuire dans le chef du demandeur
originaire; que d'autre part, les solutions
proposées par le demandeur originaire sont les
seules compatibles avec le prescrit de la loi en ce
qui concerne les vues et avec la réalité de son
droit de propriétaire en ce qui concerne l'auvent;
Que l'exercice de son droit par le demandeur originaire respecte parfaitement la finalité qui lui a
été assignée par le législateur;
Attendu dès lors que le seul terrain de discussion
serait en l'espèce l'éventuelle disproportion entre
le dommage causé à l'appelant, par l'exercice de
son droit par l'intimé et l'intérêt que celui-ci en
retire;
Attendu cependant que le seul caractère excessif
du dommage, à supposer qu'il existât, ne peut
suffire à définir l'abus de droit, la faute résidant «
dans le fait de causer un dommage important à
l'occasion de l'exercice d'un droit lorsque
l'avantage qu'on en retire ne le justifie pas»
(Dalcq, Traité, n° 596 et note W.G., Pas., 1972, 1,
28) ;
.
Attendu que toute la législation sur les distances à
observer pour l'ouverture de jours et de vues sur
la propriété du voisin vise à limiter le droit des
propriétaires à faire leurs constructions comme
bon leur semble par l'atténuation de l'inconvénient
admis unanimement que représente, pour le
propriétaire d'un bien, le regard des voisins pouvant plonger chez lui aisément et librement ;
Attendu d'autre
part
qu'une abondante
jurisprudence refuse d'appliquer la théorie de
l'abus de droit quand celui qui s'en prévaut a luimême commis une faute en dépassant les limites
de ses propres droits sans se préoccuper d'autrui
(Cass., 29 mai 1959, R.C.J.B., 1960,31, note
Dekkers; Bruxelles, 10 juin 1966, Pas., 1,159;
Cass., 6 octobre 1966, Pas., 1967,1, 147);
Attendu en l'espèce que l'appelant est assez mal
venu d'invoquer l'abus de droit quand l'intimé
entend simplement le faire retourner à une
situation compatible avec la loi, alors que luimême a érigé son bâtiment au mépris complet des
droits de son voisin et en toute connaissance de
cause;
Attendu dans ces conditions, qu'on ne peut retenir
la théorie de l'abus de droit;
Attendu que le dispositif du jugement;~ quo
prévoit une remise de la cause à une date
ultérieure afin que le tribunal « soit fi};é sur la
situation à cette date et afin qu'il puisse ainsi
statuer sur le surplus de la demande et sur les
dépens» ;
Attendu que ce « surplus» consiste dans la remise
en état des abords de la limite séparative des deux
fonds en parfait état d'occupation, l'autorisation
éventuelle au demandeur originaire de faire
procéder lui-même aux travaux de remise en état
et le paiement de l'astreinte;
Attendu que cette remise de la cause visant à
éclairer le tribunal sur la situation concrète, à une
date déterminée en ce qui concerne la remise en
état des abords de la limite séparative des deux
fonds se justifie simplement par la totale
discrétion des parties à ce sujet et qu'il échet de
confirmer le jugement a quo à ce sujet;
Attendu, en ce qui concerne les travaux visant à la
suppression des vues et de l'auvent et dont
l'exécution avait été ordonnée pour le 30 mai
1982, que la mesure de remise édictée par le
premier juge est périmée actuellement; qu'il échet
de fixer la finition des travaux à la date du 1 er
août 1983 après quoi il sera fait droit à la
demande incidente de l'intimé de fixer une
astreinte de 5.000 francs par jour de retard après
août 1983 ;
PAR CES MOTIFS, le TRIBUNAL statuant
contradictoirement et en degré
(Dispositif conforme aux motifs)