affiches guerre algérie

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affiches guerre algérie
La Guerre d’Algérie dans le fonds d’affiches de la
BDIC
Un fonds complet d’affiches
Dans les années 50, concurrencée par les médias audiovisuels et la presse, l’affiche reste un outil privilégié de
propagande que sa large diffusion dans l’espace public rend efficace et populaire.
Constitué de près de 200 affiches textes et illustrées, le fonds conservé par la BDIC est représentatif de cette
période dominée par la production du Parti communiste français (PCF) mais également marquée par les affiches
sérigraphiées, plus rares, de l’Organisation armée secrète (OAS).
La plupart des affiches de la BDIC proviennent de dons d’institutions ou de particuliers, faits dans les années
1980 accompagnant ainsi l’essor des recherches des historiens français.
Une guerre qui ne dit pas son nom
Le discours officiel définit la protection des populations comme objectif majeur à la présence de l’armée
française en Algérie. C’est ce que vient souligner la série d’affiches éditées par la Fondation Maréchal de Lattre
appelant aux souscriptions pour la « campagne nationale d’aide aux soldats d’Algérie et d’outre-mer et à leurs
familles ». Inspirées par l’appel radiodiffusé du 26 juin 1956 de René Coty qui incite les Français à se mobiliser
pour les soldats occupés à une « tâche magnifique de sauvegarde et de pacification », elles mettent en scène des
militaires au chevet des populations algériennes sous le slogan surligné des couleurs du drapeau français « notre
armée protège les populations et les richesses françaises ».
Dans cette « guerre sans nom », les images officielles limitent de fait les représentations de l’armée à la figure du
soldat protecteur et bienveillant, défenseur des populations locales. Les affiches de M. Audras prônent ainsi le
« respect des personnes, des croyances et des biens » et rappellent la mission de l’armée française : « vous êtes
venus les protéger ».
Dans cette logique de négation de la guerre, l’ennemi n’est pas montré mais seulement envisagé à travers les
actes qu’il commet. Ainsi diabolisé, il incarne le Mal et justifie l’intervention française. L’affiche éditée par
l’armée après le massacre de Melouza, le 28 mai 1957, est ponctuée de vues photographiques de charniers qui
viennent illustrer le propos qui barre l’affiche : « la rébellion n’a qu’un seul moyen de persuasion : le
massacre ».
Nombre de ces affiches sont construites autour de photographies, censées garantir la réalité des faits.
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L’Algérie française
Une partie des affiches sur l’Algérie française s’appuie sur le thème de l’unité du territoire et de la nation,
rassemblée par le Général de Gaulle. Ainsi la croix de Lorraine réunit, sur l’affiche de Charles Raux, la France et
Algérie en « 55 millions de Français ». L’Union pour le Salut et le renouveau de l’Algérie française joue du
même ressort graphique, en associant par un survol cartographique France et Algérie mais le ton se fait plus vif :
« Plus d’Algérie française, plus de France ! »
55 millions de Français. Charles RAUX. Coll. BDIC, D.R.
Dès sa création en avril 1961, l’OAS, dans son « Avis de mobilisation » bilingue placardé sur les murs d’Algérie,
cible son discours en décidant « la mobilisation de tous les Algériens ». Pastiche d’un avis officiel, ce placard
encadré d’un ruban tricolore revendique sa légitimité.
Plus tard, accusant le Général de Gaulle de « chef des barbouzes », l’organisation appelle les Européens
d’Algérie à s’engager à ses côtés. Déjà, les slogans deviennent plus vigoureux et menaçants. Le célèbre :
« L’OAS frappe où elle veut, quand elle veut, qui elle veut » conclut l’affiche construite comme un avis de
recherche.
Bientôt, la sérigraphie s’impose comme la technique de prédilection de l’organisation terroriste et clandestine.
Elle permet la production d’affichettes au graphisme simple mais efficace qui détournent, une nouvelle fois, les
codes républicains telle cette affichette représentant deux combattants brandissant le drapeau tricolore sous
l’hymne national.
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Aux armes citoyens. OAS. Coll. BDIC, D.R.
Face à l’imposture, l’OAS. OAS. Coll. BDIC, D.R.
Le silence du FLN ?
La BDIC ne conserve aucune affiche du Front de libération nationale (FLN) et il semble qu’il n’y ait pas eu, au
moment de la Guerre d’Algérie, de production d’affiches de ce parti.
C’est davantage du côté des tracts et des documents de petits formats, lesquels ont d’ailleurs pu être affichés,
qu’il faut chercher des traces écrites ou imprimées de la propagande pour l’indépendance de l’Algérie.
La production d’affiches nécessite un minimum de moyens et les pratiques d’affichage dans l’espace public
restent risquées pour une organisation clandestine.
Pacifisme
Dès le début du conflit, le Parti communiste produit plusieurs affiches marquées par l’aspiration à la paix,
thématique déjà présente dans la propagande communiste de l’entre-deux guerres et qui demeure au cœur des
affiches éditées par le parti jusqu’en 1962.
Si de nombreuses affiches typographiques, traditionnelles par leur forme, appellent inlassablement à la « paix en
Algérie », ce sont les affiches dessinées qui caractérisent le mieux la propagande communiste pendant la Guerre
d’Algérie.
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Ces affiches, centrées sur la colombe dessinée en 1949 par Picasso pour le Mouvement de la Paix lancé par le
PCF, reprennent l’iconographie conventionnelle de la paix.
Pour la paix en Algérie… PCF. Coll. BDIC, D.R.
Plus tard, s’inspirant de modèles soviétiques, des affiches récapitulatives compilent la production du parti depuis
1955, soulignant ainsi son engagement ancien en faveur des négociations et de la paix.
Face aux attentats des partisans de l’Algérie française, le discours du PCF se concentre également sur la
dénonciation des « crimes de l’OAS », assimilant l’organisation aux mouvements fascistes, en scandant ses
affiches de : « il faut mettre hors d’état de nuire les criminels fascistes de l’OAS ». Ces raccourcis qui opposent
Bien et Mal sont anciens dans la propagande communiste et ont déjà été utilisés, dans un contexte différent, au
cours de la Guerre froide.
Comme le PCF, le Parti socialiste unifié (PSU), fondé le 3 avril 1960, milite activement en faveur de la paix en
Algérie et cible directement les jeunes dans ses affiches. Cette action contre la guerre d’Algérie, ciment du jeune
parti, se prolonge dans les appels au « Non » pour le référendum de janvier 1961.
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Le Général de Gaulle
Dès son retour au pouvoir, en juin 1958, le Général de Gaulle qui personnalise alors le pouvoir occupe une place
privilégiée dans les affiches.
Celles éditées lors des différentes campagnes référendaires accélèrent la surreprésentation de la figure du chef de
l’Etat associée aux allégories nationales.
Lors du référendum du 4 septembre 1958, les affiches pour le « Oui » misent sur les valeurs traditionnelles
françaises1 mais aussi sur des figures populaires issues de la publicité. Ainsi, le duo de graphistes Lefor et
Openo2 déjà sollicité par de Gaulle pour ses affiches de campagne, produit deux affiches pour le « Oui » au
référendum, marquées par le personnage de Marianne, tantôt mariée tantôt votante, au sourire confiant, garant
d’un avenir radieux.
Derrière ces symboles nationaux, c’est la figure du chef de l’Etat qui se dessine. L’exemple le plus évident de
cette rhétorique reste l’affiche pour le « Oui à la Constitution » qui esquisse, derrière la Marianne libérée,
l’ombre victorieuse du Général de Gaulle.
Oui à la Constitution. Comité ouvrier et professionnel pour le soutien de l’action du Général de Gaulle.
Coll. BDIC, D.R.
1. Voir notamment la série d’affiches éditée par le Comité d’Action Commune pour le Référendum qui décline l’appel au
« Oui » sur des photos de jeunes, de cultivateurs, de personnes âgées, d’ouvriers…
2. Marie-Claire Lefort et Marie-Francine Oppeneau
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Du côté du « Non », le Parti communiste construit son discours autour d’une iconographie plus radicale en
transperçant le bonnet phrygien du poignard du « pouvoir personnel ». Le Général de Gaulle est également
présent, mais dans une mise en scène caricaturale et grimaçante, notamment lorsqu’il s’agit de dénoncer « la
dictature des Massu »3.
A nouveau, lors du référendum du 8 janvier 1961, sur l’autodétermination en Algérie, c’est la figure du Général
de Gaulle qui occupe le centre des affiches.
La plus marquante, mais aussi la plus largement diffusée, est celle de l’Association nationale pour le soutien de
l’Action du Général de Gaulle qui présente un chef libérateur, enthousiaste et dynamique, ouvrant sur un signe
de victoire, le drapeau français.
Oui pour l’Algérie nouvelle, oui pour l’amitié, oui pour De Gaulle. Association nationale de soutien de l’action du Général
De Gaulle. Coll. BDIC, D.R.
3. Plusieurs affiches du PCF ont été éditées sur ce thème. La plus illustre est celle qui figure De Gaulle bâillonnant
Marianne, en réaction à la nomination, en juin 1958, du général Massu comme préfet d’Alger.
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Prolongements
A bien des égards, la liberté de ton de certaines affiches, notamment celles du Parti communiste, mais aussi
l’utilisation de la sérigraphie, préfigurent la production graphique des ateliers de Mai 68.
Magali Gouiran.
Musée d’histoire contemporaine/BDIC
Bibliographie sommaire:
•
Lucie Fougeron. « Propagande et création picturale. L’exemple du PCF dans la guerre froide ».
Publications de la Sorbonne. Sociétés et représentations. 2001/2, n°12, pp269-284
•
Laurent Gervereau « Des bruits et des silences. Cartographie des représentations de la Guerre
d’Algérie » in La France en guerre d’Algérie. Sous la direction de Laurent Gervereau, Jean-Pierre Rioux
et Benjamin Stora. La découverte (Collection des publications de la BDIC), Paris, 1992.
•
Laurent Gervereau. La propagande par l’affiche. Syros-Alternatives, Paris, 1991.
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