TD.4 – Capitalisme actionnarial et organisation du travail

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TD.4 – Capitalisme actionnarial et organisation du travail
TD.4 – Capitalisme actionnarial et organisation du travail
1- L'émergence du capitalisme actionnarial
Notre hypothèse est que [...] le capitalisme est en train de se transformer et connaît une nouvelle étape dans son évolution
historique : c'est le passage du « capitalisme fordiste », qui a prévalu dans l'après-guerre, au nouveau «capitalisme
actionnarial». [ ... ]
À partir de la fin des années 1970, en réaction à la crise du régime fordiste, les politiques économiques changent de cap
dans les principaux pays industrialisés [ ... ]. Un nouveau régime de croissance se met progressivement en place : le «
capitalisme actionnarial », dans lequel la finance de marché joue un rôle central. La création de richesse financière par les
entreprises en constitue le cœur. [ ... ] Ses principales caractéristiques sont : un nouveau partage des richesses au sein
des entreprises ; le rôle primordial des marchés d'actions et des investisseurs institutionnels ; la prépondérance du pouvoir
des actionnaires induisant de nouvelles formes de gouvernement d’entreprise ; de nouveaux comportements financiers de
la part des entreprises et des particuliers ; enfin, la perte, d’autonomie des politiques économiques face aux marches
financiers.
Dominique PLIHON, Le Nouveau Capitalisme, coll. Dominos, Flammarion, 2001.
2- Les effets du « capitalisme actionnarial »
Soumises à l'exigence d'une norme de rentabilité [de 12 à 15 %] qui excède souvent leurs possibilités objectives de profit,
les entreprises sont conduites à un certain nombre de contorsions financières. [ ... ]
Ainsi, confrontées aux exigences de la rentabilité financière, les entreprises sont dans l'incertitude et l'indétermination, et
elles n'en sortent qu'en se raccrochant collectivement à une « norme de gouvernance », résumé de ce qui doit être tenu en
une période donnée pour les « bonnes pratiques » managériales. Loin d'être l'incarnation d'une rationalité économique
universelle, cette norme de gouvernance procède de la croyance et de la reconnaissance collective. Le downsizing [ ...]
constitue, chronologiquement, la première de ces normes, et oriente les stratégies de création de valeur dans le sens de la
réduction généralisée des coûts. Comme son nom l'indique, le downsizing procède d'un modèle de contraction de
l'entreprise où l'externalisation, la diminution des frais de structure, la suppression de certains niveaux d'encadrement et la
succession ininterrompue des plans de réduction d'effectifs contribuent à l'extraction de la rentabilité.
Frédéric LORDON. Fonds de pensions et piège à cons, Editions Raison d'agir, 2000.
3- Du modèle stakeholder au modèle shareholder
Une des conséquences majeures du rôle prépondérant acquis par les fonds propres dans le financement des entreprises
a été de modifier les relations entre les trois principaux partenaires des entreprises - actionnaires, dirigeants et salariés au profit des premiers, propriétaires des fonds propres. On a assisté à une remise en question du modèle traditionnel de
l'entreprise, qualifié de « capitalisme managérial », dans lequel la réalité du pouvoir dans l'entreprise était détenue par les
dirigeants.
Pendant l'ère du fordisme, les dirigeants d'une entreprise concluaient des accords avec les salariés, organisant un partage
des gains de productivité au sein de l'entreprise, ce qui permettait de préserver une stabilité relative du partage de la
valeur ajoutée. L'avènement du « capitalisme actionnarial » met fin à ce régime. Le modèle traditionnel, qualifié de
stakeholder, qui considère l'entreprise comme une communauté d'intérêts entre ses trois partenaires (actionnaires,
dirigeants et salariés), a cédé la place à un nouveau modèle, appelé shareholder, qui donne la primauté absolue aux
intérêts des actionnaires détenteurs du capital-actions, c'est-à-dire des fonds propres des entreprises.
Dominique PLIHON, Le Nouveau Capitalisme, coll. Dominos, Flammarion, 2001.
Exercice 1
Objectif : Introduire à la compréhension du « capitalisme actionnarial».
1 Qu'est-ce que le « capitalisme actionnarial » ?
2 Quelles en sont les principales caractéristiques?
Exercice 2
Objectif : Opposer les différentes formes de gestion des entreprises.
1 Quelles différences peut-on faire entre « capitalisme managérial » et « capitalisme actionnarial » ?
Exercice 3
Objectif: Comprendre les conséquences des changements dans le management des entreprises.
1 Pourquoi les entreprises pratiquent-elles le downsizing ?
2 Quelles en sont les conséquences ?
Terminale SES – TD – PMF – P. Savoye
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4- Néomanagement et savoir être
Plus généralement, en mettant l'accent sur la polyvalence, la flexibilité de l'emploi, l'aptitude à apprendre et à s'adapter à
de nouvelles fonctions plutôt que sur la \possession d'un métier et sur les qualifications acquises, mais aussi sur les
capacités d'engagement, de communication, sur les qualités relationnelles, le néomanagement se tourne vers ce que l'on
appelle de plus en plus souvent le « savoir être », par opposition au « savoir » et au «savoir- faire ». Les recrutements se
fondant sur une évaluation des qualités les plus génériques de la personne - celles qui valent aussi bien pour justifier les
appariements de la vie privée, qu'ils soient d'ordre amical ou affectif - plutôt que sur des qualifications objectivées, il devient
difficile de faire la distinction entre l'opération consistant à engager des collaborateurs pour accomplir une tâche
déterminée et celle qui consiste à s'attacher des êtres humains parce qu'ils vous conviennent, à titre personnel. Ces
orientations du néomanagement sont souvent présentées, comme un effort pour orienter le monde du travail dans un sens
« plus humain ». [ ... ] Remarquons seulement pour l'instant que ceux d'entre ces nouveaux dispositifs qui sont justifiés
non seulement par la diminution des coûts salariaux et par les gains de productivité qu'ils procurent, mais aussi par
l'intention de rompre avec les formes taylorisées du travail, considérées à juste titre comme inhumaines (enrichissement
des tâches, amélioration des conditions de travail), sont, sous ce rapport, particulièrement ambigus.
Luc BOLTANSKI et Eve CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard,1999.
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5- La contrainte à mal travailler
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Alors même que celui qui travaille sait ce qu'il doit faire, il ne peut pas le faire, parce qu'il en est empêché par les
contraintes sociales du travail. Des collègues lui mettent des bâtons dans les roues, le climat social est désastreux, chacun
travaille seul, cependant que tous pratiquent la rétention d'informations qui ruine la coopération, etc. Les tâches dites
d'exécution fourmillent de ce type de contradictions où l'on empêche, en quelque sorte, le travailleur de faire correctement
son travail, parce qu'on le coince dans des procédures et des réglementations incompatibles entre elles. […]
Ainsi un technicien de maintenance dans une centrale nucléaire est chargé d'effectuer le contrôle technique des tâches
accomplies par une entreprise sous-traitante de ' mécanique. Il s'agit d'énormes chantiers et de gros travaux engageant la
sûreté des installations, qui sont accomplis par des équipes d'ouvriers se succédant jour et nuit. Mais le technicien
responsable du contrôle, qui est statutairement rattaché à l'entreprise donneuse d'ordres (celle qui signe le contrat avec
l'entreprise sous-traitante), est seul. Il ne peut pas surveiller le chantier vingt-quatre heures sur vingt-quatre, car il doit aussi
se reposer et dormir. Mais il est tenu, cependant, de signer les bordereaux et d'engager sa responsabilité sur la qualité du
service accompli par l'entreprise de mécanique.
Malgré ses demandes réitérées, il reste seul responsable et doit, pour éviter de nuire aux travailleurs en statut précaire de
l'entreprise sous-traitante, signer les bordereaux et accepter de croire sur parole le chef d'équipe de nuit sur la qualité du
service fait. Cette situation psychologique est difficilement acceptable pour un technicien qui connaît bien les métiers de la
mécanique qu'il a pratiqués pendant vingt ans et qui sait combien ils recèlent de chausse-trappes. Les conditions qui lui
sont faites, désormais dans la nouvelle organisation du travail, après les dernières réformes de structure, le placent dans
une situation psychologique extrêmement pénible, qui le met en porte-à-faux avec les valeurs du travail bien fait, le sens
de la responsabilité et l'éthique professionnelle.
Christophe DEJOURS, Souffrance en France, coll. Points, Le Seuil, 1998.
6- La pénibilité du travail
La pénibilité du travail (en %)
Proportion de salariés qui déclarent…
- rester longtemps debout
- porter ou déplacer des charges lourdes
- effectuer des déplacements longs ou fréquents
- ne.pas quitter son travail des yeux
Proportion
1984
49,0
21,5
16,8
15,5
Proportion
1998
53,7
37,6
35,2
31,9
Source. INSEE, Données Sociales 2002.
Exercice 4
Objectif : Comprendre les caractéristiques du « nouvel esprit du capitalisme »
1 Quelles sont les causes de la mise en place du néomanagement? .
2 Expliquez le titre du document 4.
Exercice 5
Objectif : Analyser les conséquences du néomanagement sur les conditions de travail des salariés en sachant
utiliser les données statistiques pertinentes.
1 Peut-on dire que les conditions de travail se sont améliorées depuis 1984? Justifiez votre réponse en vous
aidant du document 5.
2 Quelles 'sont les conséquences pour les salariés ?
Synthèse
QuelIe relation peut-on établir entre le « capitalisme actionnarial » et la nouvelle organisation du travail ?
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