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CONCRÉTISER LA
TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE
Notre contribution thématique propose
d'accompagner la transition énergétique en
impliquant davantage et de manière plus
automatique les collectivités territoriales et
les corps intermédiaires. C'est ainsi que
concrétisons l'éco-sociliasme.
Contribution Thématique présentée par :
Wolf Romain
LES PREMIERS SIGNATAIRES:
Olivia Polski (CN), Benoit Joseph Onambélé (CN)
LES SIGNATAIRES:
Assad Aït Chekdhidh, Julien Bargeton (Adjoint au maire de Paris), Abdoulaye Bathily,
Frederique Calandra (Maire du 20eme arrondissement de Paris), Philippe Carrion,
Thomas Chevandier, Guy Deballe, Karine Gautreau, Guillaume Gouffier-Cha,
Mohamad Lamine Gassama, Mickael Laurent, Alexandre Le Bars, Joelle Lellouche,
Sophie Millot, Olivier Nasso, Gregoire Odou, Benoit Joseph Onambélé (CN), Julien
Parelon, Sylvestre Piriot, Olivia Polski (CN - adjointe au maire de Paris), Gérard Rispal,
Julien Samak, Marc Trigo, David Vaillant, Francine Vincent-Dard, Martin Weiming,
Romain Wolf
TEXTE DE LA CONTRIBUTION
Depuis quelques décennies maintenant, le rapport du GIEC, un groupe d’experts en
matière d’environnement démontre, chiffres à l’appui, l’étendue du changement
climatique. Ainsi en 2007, il prévoyait que la montée du niveau de la mer serait
comprise entre 18 et 59 cm d’ici la fin du siècle. Six ans plus tard, lors de la
publication du 5ème rapport du GIEC en 2013, cette prévision est passée à une
fourchette de 26 à 82 cm. C’est dire si les données et prévisions, faisant désormais
largement consensus, s’aggravent au fil des ans et mettent en lumière les enjeux
environnementaux qui entrent, de fait, peu à peu dans les consciences.
Si la pollution de l’environnement est nocive pour la santé de tous, toutes les
populations ne sont cependant pas touchées de manière égale. Ainsi, la feuille de
route de la Stratégie Nationale de santé publiée en septembre 2013 précisait que : «
la part attribuable aux facteurs sociaux et environnementaux pèserait pour 80% dans
la constitution des inégalités de santé » elle précisait également que l’augmentation
des dépenses sociales a plus d’impact sur la santé que l’augmentation des
dépenses de soins. Il est donc primordial de tout mettre en œuvre afin de mieux
cerner les inégalités environnementales et leurs conséquences sur la santé des plus
exposés.
Or la France a une responsabilité particulière car nous accueillons cette année la
conférence sur le climat, la COP21. L’impératif est clair, il faut absolument des
résultats concrets et donc réussir cette conférence en aboutissant à un accord
respecté par les plus gros pollueurs.
***
1. Des constats amers au vu des nombreuses mises en garde
a. Une dégradation rapide et dangereuse
« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années
1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des
décennies voire des millénaires. L'atmosphère et l'océan se sont réchauffés, la
couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s'est élevé et les
concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté. » (5ème rapport du GIEC,
novembre 2014).
Les constats sont en effet accablants :
De 2002 à 2011, Les émissions annuelles de CO2 au niveau mondial étaient de 54
% au-dessus de celles des années 1990. Si la situation s’améliore en Europe, la
France demeure en retard par rapport à ses voisins. Alors qu’en 2011 l'Union
Européenne était parvenue à diminuer ses émissions de 12,6 % depuis 1990, en
moyenne la France n’avait baissé les siennes que de 6,9 %.
Les émissions de gaz à effet de serre augmentent également au niveau global
depuis le début des années 1990 (34% d’augmentation). Ici encore, l’UE a fait
preuve d’initiative en diminuant les siennes de près de 18%, ce qui prouve que les
efforts consentis sont payants et doivent nous pousser à poursuivre cette politique. Il
faut toutefois se garder de se réjouir trop vite, le temps est bien au renforcement de
notre action.
Ces chiffres sont éloquents quant à l’aspect mondial du problème, d’où l’importance
de la conférence de décembre 2015. En effet, la pollution ne connait pas de
frontières. Le nuage de Tchernobyl n’a pas stoppé sa course à la lisière du territoire
Français. La pollution du fleuve Colorado par les agriculteurs du sud-ouest des EtatsUnis ne disparait pas miraculeusement une fois passée la frontière mexicaine. Il est
nécessaire de prendre conscience de l’interconnexion de nos comportements.
Surtout, les scientifiques du GIEC insistent désormais sur la non-réversibilité des
phénomènes de pollution et s’interrogent sur les solutions pour réduire l’ampleur du
changement climatique. Il est avéré que les causes de ces pollutions sont
structurelles. Elles reposent sur un système de production occidental qui a longtemps
négligé les problématiques environnementales. En outre, le modèle économique initié
par l’occident ne saurait raisonnablement être répliqué par les autres pays, faute de
quoi nous ne parviendrons pas à rétablir un équilibre écologique viable. Notre
responsabilité en tant que pays industrialisé est indéniable. A présent, il ne s’agit pas
de blâmer les Etats qui souhaitent se développer, mais bien de les accompagner
vers un modèle durable pour tous. Ce combat commence dès maintenant en
montrant l’exemple mais aussi en produisant des modèles de développement viable
écologiquement et économiquement.
b. Les inégalités environnementales vont de pair avec les inégalités sociales
Les populations les plus concernées sont généralement celles qui sont déjà victimes
des inégalités sociales. Ce constat est valable au niveau international - car ce sont
les Etats les plus pauvres qui subissent de plein fouet les premières retombées
écologiques - comme au niveau local.
Ainsi, dans le pacifique sud, Les îles Kiribati ont déjà commencé à disparaître. Les
105 000 habitants de cet archipel seront les premiers à voir leur pays englouti sous
l’effet de la montée du niveau de la mer. Le président n’a pu cacher sa frustration
face à un problème essentiellement causé par les grands pollueurs. “Les Etats
puissants envoient aux pays pauvres des aides financières qui ne seraient pas
nécessaires s’ils réduisaient leurs émissions de gaz à effet de serre”, lance-t-il. Le
chef de l’Etat insiste sur le fait que même si les petits archipels du Pacifique Sud ne
produisent que 0,6 % de la pollution mondiale, ce sont eux qui subissent le plus
sévèrement les effets du changement climatique.
Au niveau local, les inégalités sont également patentes. A Paris, il est établi que la
proximité des habitations par rapport au périphérique joue directement sur la qualité
de l’air. Les particules fines émises par les véhicules provoquent en effet des troubles
respiratoires particulièrement alarmants sur les populations les plus fragiles comme
les enfants et les personnes âgées. Encore récemment, une étude faisait le parallèle
entre la nocivité de l’air pollué et le tabagisme passif.
Bien entendu, les premiers affectés sont les plus démunis. Les logements de luxe ne
se trouvent pas au bord du périphérique! Ainsi, un arrondissement comme le 20ème
arrondissement est particulièrement touché par ce phénomène. La problématique
environnementale est donc extrêmement prégnante dans nos quartiers où
équipements sportifs et établissements scolaires se trouvent fatalement exposés.
**
2. Conscientiser les comportements : des réponses locales à un comportement
mondial
a. Des réponses internationales doivent être développées pour faire face aux enjeux
Si par le passé, les grands rendez-vous n’ont pas toujours donné les résultats
escomptés, aujourd’hui, tous les acteurs ont conscience de l’urgence de la situation.
La Chine et les Etats-Unis, frappés par des pics records de pollution, en prennent
désormais la mesure et veulent s’investir davantage dans les différents programmes
environnementaux. Certaines entreprises ont également compris l’intérêt de
s’engager sur ce terrain et amorcent de plus en plus souvent des changements de
comportement.
Il est nécessaire d’obtenir la signature d’un accord international cette année.
La France, en tant que pays assurant la présidence de la COP21, aura un rôle
central dans les négociations. Il est en effet primordial d’obtenir la signature d’un
accord international, à l’unanimité des 195 pays présents. Cet accord, que l’on
souhaite historique, aura pour but de limiter le réchauffement climatique en deçà de
2°C.
Ces discussions doivent dépasser les intérêts particuliers de chaque Etat, ceux-ci
empêchant bien souvent toutes avancées significatives. Nous devrons faire preuve
d'une volonté politique forte afin de faire émerger des résolutions globales,
impliquant non seulement les acteurs économiques mais également les acteurs
institutionnels : Etats, collectivités territoriales, autorités administratives
indépendantes, corps intermédiaires. Ces résolutions doivent modifier la donne en
privilégiant par exemple le circuit court dans les échanges commerciaux, ou encore
en incitant les plus grands émetteurs de carbone à changer leur manière de
produire. Sur ce point, des dispositifs existent déjà, tels que les marchés carbone,
mais il serait certainement intéressant de les adapter pour les rendre plus efficaces
encore.
En outre, il est temps que la communauté internationale prenne en compte la
complexité du problème environnemental. Il ne s’agit plus de se focaliser uniquement
sur les émissions de gaz à effet de serre et le dérèglement climatique (ce qui ne
revient pas à minimiser ces enjeux), mais d’envisager le problème dans son
ensemble, de la pollution de l’air à celle de l’eau, des déchets toxiques aux déchets
nucléaires, de la dégradation de la faune et de la flore, du saccage des sous-sols et
des nappes phréatiques.
Enfin, il est urgent d’organiser un cadre international permanent de discussions sur
les problématiques environnementales, sous l’autorité de l’ONU (à l’image de l’OMS
pour la santé) et non de se contenter de réunions périodiques et sans suivi.
Si le niveau international est essentiel dans la mobilisation pour lutter contre la
pollution, les solutions concrètes viennent bien souvent d’échelon inférieurs. Aussi
faut il également intégrer le niveau national.
b. Des solutions nationales à développer
Le gouvernement et la majorité parlementaire agissent d’ores et déjà en matière
environnementale. Une loi ambitieuse a ainsi été adoptée en 2014. Cette loi fixe les
grands objectifs de la transition énergétique et a pour finalité de réduire de 40 % les
émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030,de les diviser par quatre en 2050, mais
aussi de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation
énergétique finale en 2030 et de diviser par deux la consommation d’énergie finale à
horizon 2050.
En outre, le texte introduit des dispositions permettant d’accélérer et d’amplifier les
travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser l’énergie, faire
baisser les factures et créer des emplois. Les nouvelles constructions des bâtiments
publics seront autant que possible à énergie positive, c’est-à-dire disposer de
moyens d’isolation performants et de la capacité de produire de l’énergie (panneaux
solaires, éoliennes, etc). Elle vise également à développer les transports propres, la
mobilité économe en énergie et encourage la lutte contre le gaspillage.
Enfin, cette loi vise à favoriser le développement des énergies renouvelables pour
diversifier la production et renforcer l’indépendance énergétique de la France. L’Etat
modernise le soutien aux énergies renouvelables et renforce la sûreté nucléaire en
fixant une part du nucléaire dans l’électricité de 50 % à l’horizon 2025.
La mise en place des ces objectifs était nécessaire ! Il nous incombe désormais de
les faire respecter et d’aller au-devant d’autres difficultés. Il est ainsi fondamental que
nous revoyions à la baisse le soutien français au diesel, extrêmement polluant et
trouvions un mécanisme progressif de mutation de nos filières automobile vers les
technologies pauvres en émissions nocives telles que l’électrique ou l’hydrogène.
L’investissement dans la recherche est assurément le meilleur moyen de préserver
l’emploi en préparant dès maintenant les innovations dont la planète entière aura
besoin demain.
Ces problématiques nouvelles, apparaissent souvent au travers de la mobilisation de
collectivités qui se saisissent de problèmes locaux (comme la pollution aux particules
fines). C’est que la plupart du temps, les solutions aux problèmes émergent « sur le
terrain », ie au niveau local.
c. les enjeux locaux
La nature doit reprendre place dans les villes. La création d’éco-quartier doit devenir
une priorité tout en y développant la mixité sociale. Il faut augmenter sensiblement la
végétalisation des toits. Il est frappant de noter notre retard : un million de M² par an
en France contre 13 millions en Allemagne. En Suisse 25% des toits sont
végétalisés. Cette technique permet d’augmenter sensiblement les espaces verts
sans le surcoût lié au prix du terrain et son impact sur l’environnement urbain est
incontestable (lutte contre les GES, amélioration du taux d’humidité de l’air,
atténuation des variations thermiques…).
Les agglomérations peuvent agir concrètement sur la consommation, en favorisant
par exemple les circuits courts. Encourager aussi l'agriculture urbaine pour faire
émerger de nouveaux intérêts économiques locaux. D'autres idées font leur chemin
comme l'économie circulaire.
D’autres dimensions, capitales dans la lutte contre le réchauffement, seront prises en
considération par les Etats lors de la conférence : il s’agit des initiatives développées
au niveau infra-étatique, autrement dit, la part que peuvent jouer les collectivités
locales, les organisations de la société civile et les entreprises.
L’urbanisation est un processus géographique indéniable. Il importe alors de mettre
en place des dispositifs permettant de garantir un mode de vie soutenable pour les
habitants des villes et des campagnes et de limiter les impacts négatifs sur
l’environnement. L'écologie urbaine est un concept qui se propose de définir les
problématiques de la ville durable. Les transformations urbanistiques intelligentes
sont les solutions pour faire face au grand défi de la lutte contre la pollution, mais
également d’assurer à chacun un cadre de vie humain et agréable. Transports,
habitats et aménagements d’espaces verts sont autant d’éléments avec lesquels
composer pour bâtir une ville durable.
Au niveau mondial et européen, des réseaux de villes durables ("sustainable cities")
se sont constitués, notamment autour de l'ICLEI (Conseil international pour les
initiatives environnementales locales fondé en 1990), qui réunit en 2006 près de 500
gouvernements, villes ou collectivités régionales engagées dans la voie du
développement soutenable.
Pour cela, nous avons déjà fait beaucoup à Paris.
Paris s’est engagé depuis plusieurs années sur ce chemin. La ville a développé de
nombreux projets pour répondre aux défis de la ville durable. Début février est
d’ailleurs présenté le plan antipollution au Conseil de Paris. Il vise à aller plus loin que
ce qui a déjà été fait : réduire la vitesse en ville, interdire la circulation aux véhicules
les plus polluants, suppression du diesel à l’horizon 2020, voie à « ultra basse
émissions »…
Par ailleurs, le Plan-Climat de lutte contre le dérèglement climatique a mis Paris à la
pointe dans la réduction des gaz à effet de serre sur son territoire. Le Plan Climat
dépasse les objectifs européens (20% à échéance 2020), et fixe pour objectif une
réduction de 75% des gaz à effet de serre d’ici 2050.
Les initiatives locales ont par conséquent leur importance. Elles permettent
notamment d’éduquer les jeunes et les moins jeunes aux problématiques
environnementales. La Maison du Jardinage propose par exemple aux jardiniers
urbains, qu’ils soient débutants ou avertis, des pratiques de jardinage biologique. A
la Ferme de Paris, dans le bois de Vincennes, une exploitation agricole à vocation
pédagogique, pratique l'agriculture biologique.
C’est aussi sur des projets prenant en compte les inégalités sociales que nous
devons nous appuyer : la rénovation de logements pour mettre fin aux « passoires
énergétiques », les premiers travaux du Grand Projet de Renouvellement Urbain
(GPRU).
Les seuils de pollution aux particules atteignent des niveaux d’alerte, même en hiver.
Il importe alors d’encourager une mobilité plus saine, plus écologique. L’arrivée du
tramway en est une belle expression. Encourager la circulation à vélo est aussi à
poursuivre. Le vélib, bientôt électrique, permet une mobilité à moindre coût sans
émission de CO2.
***
Si on peut d’ores et déjà constater que l’activité humaine impacte directement et de
façon négative notre environnement, et si les prévisions écologiques du GIEC sont
alarmistes, rien n’est encore irrévocable.
La France se doit de devenir un exemple. Elle doit d’abord impulser une dynamique
au niveau européen, puis réussir à mobiliser la communauté internationale. La
conférence environnementale (la COP21) qui aura lieu à Paris en décembre 2015
pourrait en être le point de départs. Dans ce même effort, nous avons tous la
responsabilité de continuer et d’amplifier les initiatives locales : des plus personnelles
comme les choix domestiques de tri ou d’usage de l’eau, à ceux des collectivités au
travers de la création d’éco-quartiers ou de rénovation urbaine.
Il est toutefois urgent que nous nous saisissions de façon plus automatique,
notamment en associant davantage les collectivités locales et les corps
intermédiaires, de façon à ce que les problématiques environnementales soient
encore plus intégrées à la gestion de la vie publique. C’est ainsi que nous
concrétiserons la transition énergétique. C’est là notre devoir de citoyens militants.
Contacter les auteurs de la
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