Article Générosité - Anne Jamin
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Article Générosité - Anne Jamin
LA GENEROSITE OU L’ART DE SAVOIR GARDER La générosité, qu’on a tendance à décliner sur le mode « donner », aime aussi s‘exprimer par le verbe « garder ». Il est parfois bon de s’en rappeler… Moi qui suis une fille généreuse (si, si !), douée dans le fait de savoir ce qui peut faire plaisir à l’autre, qui aime rendre service, une fille qui n’est jamais avare pour donner un avis ou mieux, un conseil, qui excelle dans l’étayage explicatif (puisque je sais ce qui est bon pour vous !) et qui a souvent raison (il faut bien l’avouer… ), lorsque j’ai appris à lire le Tarot, j’ai dû me résoudre à me taire. « Basta, Jamin ! Tais-toi, arrête de penser, de juger, de vouloir, de savoir… Ouvre tes yeux et regarde… Puis écoute les mots venir.» Vous voyez le tableau ? J’étais tombée sur mon maître. On dit « merci Monsieur Jodorowsky ». Car lire le Tarot demande au lecteur de devenir traducteur-interprète. Vous avez certainement déjà vu à la télévision ces assemblées de politiciens qui sont traduits dans toutes les langues par des hommes et des femmes qui deviennent, le temps du discours, leur propre voix, parlant en « je », se fondant ainsi avec la personne qui s’exprime. Hors de question pour ces interprètes qui reçoivent le message par l’oreillette d’intervenir pour donner leur avis, avertir les citoyens de la pertinence ou de la sottise de telle ou telle remarque, ou même de signifier leur fatigue ou leur humeur. Quelqu’un qui lit le tarot pour quelqu’un d’autre doit adopter grosso modo la même attitude : se mettre en retrait, disparaître en tant que personnalité, s’effacer en tant qu’égo pour que puisse émerger le langage du Tarot. Afin que les mots et le sens apparaissent (rappelons que le Tarot n’est fait que de petits dessins sur des cartons colorés, et que le lecteur n’est pas pourvu d’oreillette comme dans l’exemple ci-dessus), il est nécessaire de créer un silence intérieur, une page blanche, pour que l’acuité visuelle s’exerce et que viennent s’imprimer et danser sur cet écran ainsi disponible la ronde des symboles, les répétitions porteuses de sens et les intuitions conséquentes. Bref, il faut savoir se taire pour que le Tarot parle ! Bien sûr, il est préférable de ne pas venir avec son propre avis sur la question posée, ses connaissances sur le sujet et son envie de bien faire, de plaire, de rassurer, ou toute autre projection personnelle qui serait totalement intrusive dans la conversation qui se déroule sous nos yeux. Tout cela brouillerait à coup sûr le dialogue en présence. Un avis sur la question posée ? Un bon conseil à donner… ? Peut-être (et encore, avec précaution), mais après avoir donné la réponse du Tarot. Savoir lire, c’est donc baisser le son de notre poste de radio interne pour que l’on n’entende plus cette petite voix si familière qui nous commente sans cesse la météo extérieure au profit d’une ouverture au plus vaste. C’est se laisser s’oublier. Pour permettre au sens de s’exprimer. Pour laisser surgir la réponse. La laisser être. Et faire son travail... Lire, c’est ainsi abandonner toute idée qu’on a de soi pour permettre à l’autre de recevoir ce qui lui est dit, par le Tarot, à travers nos mots, puisqu’on traduit à son intention, mais pas à travers nos pensées, aussi bienveillantes et bien intentionnées soient-elles. Lire, c’est abandonner l’idée de tout pouvoir sur l’autre ou sur la vie, c’est se mettre gentiment au service de plus grand que soi au profit de l’autre, au moins aussi grand que soi. Voici où réside, à mon avis, une part importante de la générosité. Alors qu’on l’évalue généralement à travers le fait de « donner » et qu’on pourrait bien souvent, en fait, remplacer ce mot par « se vider » (combien d’entre nous n’ont pas ressenti un jour ce sentiment d’avoir trop donné au point de s’être perdus, vidés de toute énergie, voire de toute substance, car nous n’avons pas reçu en retour ce que nous avions si gentiment, si affectueusement, si gratuitement, si intensément offert de nous-mêmes, par amour de surcroît), on a tendance à négliger un autre sens de la générosité, celui de savoir se garder, se retenir, de ne pas « s’exporter ». Etre dans l’abandon du « soi » pour permettre à l’autre de se voir, se rencontrer à travers nous, nos mots, notre regard, comme un miroir. Donner ainsi à l’autre JUSTE ce dont il a besoin : cette part de lui-même qu’il ne perçoit pas encore. Pas cette part de nous dont nous voulons si souvent et si absolument lui faire cadeau… Alors, quand l’envie me reprend d’intervenir dans la vie des gens qui partagent la mienne, je pense à la sagesse de mon Tarot et j’évite de me précipiter pour aller les sauver en me disant que MES solutions ne sont peut-être pas LEURS solutions. Et j’accueille ce qui vient. Enfin, j’essaie… ;-) Anne Jamin Psycho-tarologue [email protected]