Revue de presse - IMAGINE EDUCATION

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Revue de presse - IMAGINE EDUCATION
Revue de presse
Les jeunes et les écoles publiques
sse
où il y a plusieurs jeunes familles », dit
Patrick, père de Félix, 6 ans, Maya, 4 ans
et William, un an et demi.
Photo : Alain
Roberge, La Pre
« Je suis fier de venir de Ville-Émard,
mais aujourd’hui c’est pire que c’était il
y a 20 ans, explique-t-il. Quand j’allais à
la polyvalente [...], la violence était bien
rare. Aujourd’hui, la situation a changé, la
pauvreté s’installe. Il y a pas mal de drogue
dans notre ancien quartier. »
ÇA VA MAL DANS
LES ÉCOLES
PUBLIQUES DE
MONTRÉAL
Marie Allard
La Presse, 11 février 2009
Une chute spectaculaire de 5500 élèves.
C’est ce que le secteur des jeunes de la
Commission scolaire de Montréal (CSDM)
a vécu ces quatre dernières années. Le
primaire (incluant la maternelle) est de loin
le plus touché, avec une perte de 5335
enfants entre 2003-2004 et 2007-2008.
C’est « l’effet conjugué de la diminution du
nombre de naissances et de l’augmentation des déménagements hors du territoire
de la CSDM » qui a entraîné ces baisses
d’effectifs au primaire, selon l’État de la
situation de la CSDM daté de janvier 2009,
que La Presse a obtenu. Cela laisse entrevoir des jours sombres pour le secondaire,
déjà affecté par la concurrence du privé.
Patrick Dufresne et Karine Beaupré sont l’un
des jeunes couples qui ont quitté Montréal
pour la banlieue. Il y a quatre ans, ils ont
vendu leur duplex du quartier Émard pour
acheter une maison à Vaudreuil. « Ici, c’est
beau, c’est un secteur en développement
Élèves en difficulté
et absentéisme élevé
En plus de diminuer, la clientèle s’alourdit
à la CSDM. Plus de 12 000 élèves — soit
20 % du total — sont désormais handicapés
ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Une hausse non négligeable de 3 % (2000 élèves) en quatre ans.
Mince consolation, la proportion d’élèves
HDAA a commencé à diminuer (de 0,7 %
depuis deux ans) si on ne considère que
le primaire.
Autre problème en hausse ?: les absences.
Au secondaire, le taux d’absentéisme quotidien s’élevait à 6,8 % en 2007-2008, soit
1 % de plus que trois ans plus tôt. Plus
rare au début du secondaire, l’absentéisme
« s’intensifie graduellement pour atteindre 8,7 % en 5e secondaire », souligne le
document. Ce n’est pas anodin, puisque
« l’assiduité des élèves constitue un facteur
clé de la réussite scolaire » selon plusieurs
chercheurs, admet la CSDM.
« Hier, j’ai foxé genre deux cours, témoigne
Bianka, une jolie fille de 14 ans, rencontrée
alors qu’elle fumait une cigarette devant le
métro [...]. Je foxe les cours que je n’aime
pas, comme les maths. » Son école téléphone-t-elle à la maison quand elle manque
un cours ?? « Ça dépend, répond son amie
Sophie, 15 ans. Quand il y a trop d’élèves
qui foxent, ils n’appellent pas. »
Faible taux de réussite au secondaire
La réussite du secondaire en cinq ans est
malheureusement le lot d’une minorité.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
Seuls 40,7 % des élèves entrés au secondaire à la CSDM en 2002 ont décroché un
diplôme ou une attestation cinq ans plus
tard, le plus faible taux depuis quatre ans.
« À peine un tiers des garçons de la cohorte
2002-2003 obtient son diplôme en cinq
ans », constate la CSDM. Une catastrophe
que l’ex-premier ministre Jacques Parizeau
avait dénoncée dans une lettre ouverte, en
septembre dernier.
Parmi les élèves qui se rendent en 5e secondaire, 64 % sont sortis avec un diplôme
en 2007, une baisse de près de 4 % en
deux ans. « Comparée à l’ensemble de la
province, la CSDM accuse un retard de
10 % », précise l’État de la situation.
Bonne nouvelle, ça va mieux au primaire.
Les taux de réussite « ont légèrement
progressé » dans l’ensemble des matières en un an (ils ont par exemple bondi
de 6 % au 3e cycle du primaire). Mention
spéciale aux gars, qui ont réduit l’écart les
séparant des filles dans les trois cycles du
primaire. La CSDM précise toutefois que le
système d’évaluation des élèves a changé
(les cotes de 1 à 5 ont été remplacées par
des pourcentages en 2007-2008) et que
« les conclusions des analyses doivent donc
être nuancées ». Les pourcentages auraientils rendu les profs plus généreux ?
Au secondaire, les taux de réussite aux
examens du ministère de l’Éducation ont
aussi augmenté... comme partout dans la
province. Mais quand elle se compare, la
CSDM se désole. Depuis 2000-2001, « les
taux de réussite à la note finale des élèves
du secondaire de la CSDM sont constamment plus faibles que ceux des élèves de
la région francophone de Montréal et ceux
des élèves du secteur public français de la
province », souligne le document.
Seule exception ? : la maîtrise de l’anglais.
Le taux de réussite en anglais est plus élevé
à la CSDM qu’ailleurs, mais l’écart rétrécit
(il n’est plus que de 0,6 % en faveur de la
CSDM).
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Revue
de
presse
Terminus, école publique...
Les jeunes et les écoles publiques
Chaque année, le nombre d’élèves expulsés des collèges privés du Québec et
accueillis par le réseau public varie grandement. La Commission scolaire de Montréal
(CSDM) a accueilli 79 de ces élèves en
2007-2008 et 66 l’année suivante. À la
Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), on en a reçu 45 en 20072008 et 36 l’année dernière.
« On en reçoit en moyenne une quarantaine
par année dans nos 12 écoles secondaires.
L’impact est très faible », assure la porteparole de la CSMB, Brigitte Gauvreau.
Le directeur du service de l’organisation
scolaire à la Commission scolaire des
Patriotes, Claude Sasseville, n’est pas tout
à fait de cet avis: « Si tous mes groupes sont
au maximum dans une école, c’est difficile
de trouver de la place pour un nouvel élève
en milieu d’année. Il faut parfois tout réorganiser. Mais cela arrive assez rarement. »
Selon M. Sasseville, les collèges privés
renvoyaient plus facilement leurs élèves il
y a quelques années. « C’est bien moins
marqué maintenant, dit-il. Les collèges
privés gardent un peu plus leur clientèle. »
M. Sasseville croit que la situation s’explique par le fait que les collèges privés
n’ont plus un aussi grand bassin de jeunes
à aller recruter en première secondaire. « Il
y a une limite à ce que tu peux aller chercher comme élèves dans la région, soutientil. Pour faire de l’argent, les collèges les
gardent tout simplement plus longtemps. »
N’empêche que, dans les écoles secondaires publiques, les enseignants accueillent
régulièrement des élèves expulsés du privé
au milieu de l’année. « Ces jeunes ont principalement eu des problèmes de drogue,
de comportement ou de notes », dit Marc
Hébert, qui enseigne les mathématiques à
l’école secondaire [...], à [...].
En 2007-2008, M. Hébert a reçu deux
élèves expulsés du privé dans une de ses
classes. Pour lui, le plus difficile a été le peu
d’information qu’on lui a transmise sur eux.
« Quand les jeunes arrivent du privé, on ne
sait rien d’eux. Il faut tirer les vers du nez à
tout le monde. Les élèves ne parlent pas de
ça », dit M. Hébert.
« On ne nous tient pas informés, sauf si le
jeune a de graves allergies. Le reste, il faut
aller aux nouvelles, et ce n’est pas toujours
évident », ajoute Philippe Michaud, qui
enseigne au secondaire depuis 1979.
M. Hébert renchérit : « Parfois, le collège privé
n’envoie pas le dossier de l’élève avec les
notes sur son comportement. Si j’ai un jeune
violent, je ne le sais pas. C’est dangereux ! »
L’enseignant déplore ce manque de collaboration du privé. Mais il reconnaît que les
collèges ne sont pas obligés d’envoyer le
dossier de l’élève.
M. Hébert explique toutefois que le principal
problème est que des enseignants apprennent « au bout de deux ou trois semaines »
que le comportement d’un élève ne va pas,
et qu’il est alors « trop tard pour lui accorder
des ressources ».
Le porte-parole de l’Alliance des professeurs de Montréal, Yves Parenteau, est
du même avis. « Ces élèves qui arrivent
en milieu d’année se font le plus souvent
expulser parce qu’ils ont des problèmes
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
Photo : Ivanoh Demers, La
Ariane Lacoursière
La Presse, 10 octobre 2009
Presse
« Le palmarès des écoles secondaires de L’actualité, ce n’est pas une blague. Les collèges font tout pour
avoir de bonnes notes. Ils ne veulent pas des élèves qui abaissent la moyenne », note Philippe Michaud,
enseignant depuis 1979 dans des écoles secondaires privées et publiques de la région de Montréal.
de comportement, dit-il. Ils arrivent et ont
besoin de services. C’est plus dur de les
leur offrir en milieu d’année, les budgets
étant limités. On gère le pire : qui en a le
plus besoin. Les plus grandes difficultés
ont priorité. »
M. Parenteau ajoute que les nouveaux
venus atterrissent souvent dans des classes
ordinaires, qui ne sont pas nécessairement
adaptées à leurs besoins.
Même s’il est plus difficile d’offrir des services en milieu d’année, « nous, au moins,
on a les services », mentionne M. Michaud.
« Par exemple, les jeunes qui consomment
peuvent aller voir un intervenant en toxicomanie, illustre-t-il. Mais au fil des ans,
le secteur public s’appauvrit et les coupes
budgétaires se font presque tout le temps
dans les services. »
Pour M. Hébert, il est frustrant de voir que
les écoles privées peuvent « balayer leurs
problèmes ailleurs », mais pas les établissements publics. « Nos classes sont déjà
difficiles. Les gens du privé qui arrivent en
milieu d’année, c’est un problème de plus.
C’est parfois difficile d’accepter que le privé
se débarrasse de ses problèmes au lieu de
les corriger », dit-il.
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Le calvaire
Revue
de
presse
des profs en 2010
Les jeunes et les écoles publiques
Notre journaliste spécialisé en éducation,
Sébastien Ménard, a enseigné incognito aux élèves
d’une polyvalente située en région.
Sébastien Ménard
Le Journal de Montréal,
21 décembre 2011
En plus de devoir composer avec des élèves
qui les envoient régulièrement promener et
des parents qui accordent peu d’importance à l’école, les enseignants québécois
sont constamment sur le qui-vive, en 2010,
craignant à tout moment d’être filmés à
leur insu et de se retrouver sans le savoir
sur le Web.
Pour être prof, ces temps-ci, il faut beaucoup plus que de la patience.
Il est aussi utile d’avoir des yeux tout le
tour de la tête, a constaté le Journal, en se
glissant dans la peau d’un suppléant durant
11 périodes d’enseignement, la semaine
dernière, soit l’équivalent d’une semaine de
travail complète pour bien des profs.
Six ans après avoir mené une enquête
similaire dans une polyvalente de la RiveNord, le Journal s’est rendu dans une école
secondaire située en région et qui incarne
bien la moyenne québécoise.
L’auteur de ces lignes a enseigné incognito à des élèves de 3e et 5e secondaires.
On lui a demandé de donner des cours de
français, de superviser des périodes du
nouveau cours « projet personnel d’orientation » (PPO), et de donner quelques
leçons du fameux programme d’éthique
et culture religieuse.
DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE
Premier constat : qu’ils habitent en région
ou près de Montréal, les élèves sont tout
aussi irrespectueux envers les profs qu’il y
a six ans. Sinon davantage.
Le représentant du Journal ne compte
d’ailleurs plus les fois où des élèves ont failli
le faire sortir de ses gonds en lui servant des
blasphèmes en guise de réponse.
« Coudon, câl... As-tu rien que ça à faire
surveiller ce qu’on fait », a lancé une élève du
cours de PPO à qui notre journaliste demandait de faire son travail.
« Ben là, qu’est-ce ça fait, câl... », d’ajouter
un autre élève au même moment.
Photo : Le Journal de Montréal
Le règne des enfants-rois s’est aussi poursuivi dans les écoles, ces dernières années.
Des élèves de 14 ou 15 ans refusent systématiquement de faire ce qui est demandé
sous prétexte que « ça ne leur tente pas ».
« J’ai pas rien que ça à faire, écrire comme
tu veux », a lancé une adolescente à notre
suppléant-reporter.
À l’heure où 20 % des profs souffrent de
détresse psychologique, selon une étude
rendue publique récemment, les parents
ne sont pas toujours d’un grand secours,
déplore un enseignant expérimenté.
UN STRESS DE PLUS
« Il y en a qui motivent n’importe quelle sorte
d’absence, que ce soit pour aller magasiner
ou pour suivre leurs cours de conduite au
lieu d’aller à l’école », dit-il En accueillant
notre journaliste à l’école, le prof lui a fait
la même mise en garde qu’il sert « à tous
ceux » qui y travaillent, cette année. « Fais
attention aux cellulaires, aux iPod et aux
iPod Nano. Et garde toujours ton sangfroid : tu ne sais jamais quand tu peux être
filmé », a-t-il expliqué. « C’est un stress de
plus sur nos épaules », confie-t-il.
Il y a quelques semaines, une enseignante de
l’école où a travaillé le Journal s’est retrouvée, sans le savoir, sur Facebook, où une
page avait été créée pour se moquer d’elle.
Depuis, tout le personnel est sur les dents.
« Je ne sais pas comment on va régler ce
problème-là », indique le directeur, visiblement désemparé.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
REVUE DE PRESSE - PAGE 3
L’intimidation
L’intimidation
féminin
auau
féminin
Sarah-Maude Lefebvre
Le Journal de Montréal,
21 décembre 2011
Alors qu’elle dévoilera cette semaine des
capsules troublantes sur « l’enfer » vécu par
des adolescentes à l’école, la Fondation
Jasmin-Roy lance une offensive pour sensibiliser la population à la violence chez les
filles, un phénomène méconnu, mais qui
prend de plus en plus de place dans l’univers scolaire.
Photo courtoisie
« T’es laide, méchante, menteuse et pas
bonne. On t’haït. F... you ! »
Ces mots, entendus pendant des semaines,
hantent toujours la petite Éloyse, 7 ans. Dès
son entrée en deuxième année, la fillette a
été prise en grippe par une camarade. Le
harcèlement a eu un impact sur ses notes,
son humeur, sa joie de vivre. Aujourd’hui,
elle ne veut plus aller à l’école.
Ce n’est plus la petite fille que j’ai connue.
On lui a enlevé sa joie de vivre », soupire sa
mère, Valérie.
Comme beaucoup d’autres filles du primaire
et du secondaire, Éloyse a été victime d’intimidation par des filles. Depuis quelques
années, les cas se multiplient à un point
tel que la Fondation Jasmin-Roy a décidé
de lancer une offensive cet automne pour
sensibiliser parents et enfants.
« ÇA VA TROP LOIN »
« Nous n’avons pas le choix. Il faut faire
quelque chose », dit Jasmin Roy, dont la
fondation lutte contre l’intimidation en
milieu scolaire.
L’intimidatio
au féminin
Ça se parle à coups de bitch et de salope
entre filles à l’école. On a un problème.
L’héritage féministe de nos mères et de
nos grands-mères ne s’est pas rendu à
nos filles. »
« Les filles s’intimident entre elles couramment, poursuit-il. Ça ouvre la porte à des
agressions sexuelles quand on banalise
certains mots. Certains gars finissent par
se dire que ce n’est pas grave de tripoter
telle fille si elle est considérée comme une
salope de toute façon. »
Pour « réveiller les consciences », la Fondation lance une série de mesures, dont des
capsules Web relatant des histoires d’intimidation entre filles.
« JE SOUHAITE QUE TU CRÈVES, SALOPE »
Josée Roy espère de tout coeur qu’une telle
initiative évitera à d’autres adolescentes de
vivre le « calvaire » subi l’an dernier par sa
fille Catherine-Alexandra.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
La pré-adolescente de 13 ans a subi les
foudres de son ancienne meilleure amie
pendant des mois. Elle s’est fait traiter de
tous les noms. Même Josée, sa mère, n’a
pas été épargnée, l’intimidatrice se chargeant de répandre la rumeur voulant qu’elle
soit une « pute ».
Un jour, les choses sont allées trop loin.
Sur Facebook, Catherine-Alexandra lit ce
message: « Je souhaite juste une chose,
c’est que tu crèves, salope. »
« On a porté plainte, mais les policiers n’ont
pu rien faire, étant donné qu’il s’agissait
d’un souhait et non d’une menace. Mais ç’a
été terrible, ma fille avait toujours peur et
ses notes ont baissé. Aujourd’hui, des mois
plus tard, elle voit encore un psychologue.
Jusqu’où allons-nous laisser les choses
aller ? »
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Photo : Ivanoh Demers, archives La Presse
Le melting-pot
des écoles lavalloises
Un après-midi glacial de février dernier, environ 200 élèves ont participé
à des échauffourées à l’école secondaire [...].
Hugo Meunier et Katia Gagnon
La Presse, 4 janvier 2011
Le portrait a bien changé dans les écoles
de Laval au cours des dernières années.
La commission scolaire est débordée par
la vague d’immigration qui déferle sur l’île
Jésus depuis 10 ans. La pauvreté et les
tensions raciales font désormais partie du
paysage scolaire. Six enseignants témoignent de leur réalité.
À l’école primaire [...], au coeur du quartier [...], les classes de maternelle sont
remplies, parfois aux trois quarts, d’enfants
d’immigrés qui ne parlent pas un mot de
français. La tâche est titanesque pour les
enseignants, qui se plaignent d’une décision qu’a prise la commission scolaire il y a
huit ans : supprimer les classes d’accueil à
la maternelle.
Selon les enseignants, la Commission
scolaire de Laval est submergée par la
vague d’immigration qui déferle sur l’île
Jésus depuis 10 ans. « Ça augmente continuellement. Et avec le métro, les démé-
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
nagements Montréal-Laval sont devenus
plus fréquents que l’inverse », souligne
une enseignante, qui travaille en classe
d’accueil à [...], et qui a préféré conserver
l’anonymat.
Selon des chiffres du ministère de l’Immigration du Québec, entre 1998 et 2007,
21 000 nouveaux arrivants ont posé leurs
valises à Laval. « Pas nécessairement des
gens qui débarquent au pays : il y a aussi un
exode vers la banlieue d’immigrés installés
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melting-pot
à Montréal depuis quelques années », explique le porte-parole Claude Fradette.
Ils sont d’origine roumaine, libanaise, marocaine, algérienne, haïtienne. « Il y a beaucoup de jeunes familles : le quart d’entre eux
ont moins de 14 ans », souligne M. Fradette.
Environ 15 % de ces Lavallois d’adoption
ont le statut de réfugié. La majorité des
enfants sont scolarisés et leurs parents
gagnent généralement de bons salaires,
note Claude Fradette.
L’école [...] reflète cette nouvelle réalité
et ressemble donc beaucoup à certaines
écoles de Montréal. « Quand je dis à des
gens de Montréal que je travaille à Laval,
les gens disent: « Ah, une belle petite école
tranquille. » Mais non ! C’est comme à
Montréal dans certains quartiers difficiles »,
raconte notre enseignante.
Et c’est d’autant plus difficile que la
Commission scolaire de Laval ne semble
pas avoir pris acte de ce changement.
« Chaque année, on commence avec cinq
ou six classes d’accueil et on augmente à
une douzaine en cours de route. Chaque
année, on commence au minimum et il faut
réinventer la roue », dit une autre enseignante de [...], qui travaille elle aussi en
classe d’accueil depuis des années.
Il y a quelques années, la Commission
scolaire a même songé à fermer toutes
les classes d’accueil. On voulait intégrer
les enfants au secteur ordinaire en ajoutant un volet francisation. Une aberration, disent les profs. « Il a fallu se battre,
monter des dossiers ?. Les enfants qui
ne connaissent pas le français seraient
un boulet dans les classes régulières »,
souligne une enseignante.
Les enseignants notent également un changement de mentalité chez les immigrés qui
s’établissent à Laval. « Il y a 10 ans, nos
enfants étaient motivés, ils voulaient apprendre. Le prof était vu comme une figure
d’autorité. Aujourd’hui, on a des enfants
différents, qui ont un rapport différent avec
l’autorité, dit l’une des deux profs. On a
beaucoup plus de problèmes de discipline. »
Une école sous tension
Un vent sec et glacial souffle en cet aprèsmidi de février 2010. Ce jour-là, le terrain
de l’école secondaire [...] a l’air d’un champ
de bataille. Environ 200 élèves et des dizaines de policiers de l’escouade anti-émeute,
matraques à la main, se font face. Quelques
policiers sont atteints par des morceaux de
glace et des pierres.
Les élèves interrogés ce jour-là sont unanimes : un conflit entre Québécois de souche
et jeunes d’origine arabe est à l’origine de
cette escalade de violence. « La tension
monte, il va y avoir de la grosse marde
dans les prochaines semaines », prévient
l’un d’eux.
Les choses n’ont finalement pas dégénéré
entre les murs de la polyvalente de [...],
mouton noir de la Commission scolaire.
S’ils entendent fréquemment résonner
toutes sortes de rumeurs dans les corridors, deux enseignants de l’école [...]
sont convaincus qu’aucune guerre raciale
ouverte ne fait rage. « Nos jeunes sont très
bons pour partir des affaires. Une simple
dispute au sujet d’une fille peut se transformer en affrontement ethnique », croit Julie
Bossé, qui enseigne les mathématiques.
« L’affrontement avec les policiers était un
jeu, pour eux », enchaîne son collègue, qui
préfère garder l’anonymat. Les élèves ont
avant tout un problème avec l’autorité, et
d’abord avec les policiers, ajoute-t-il.
Malgré ce dérapage, les deux enseignants
brossent un portrait positif de leur école.
« Les élèves de [...] sont d’ordinaire très
respectueux », souligne Mme Bossé.
Mais l’établissement du boulevard [...] traîne
sa mauvaise réputation comme un boulet.
Plusieurs élèves et enseignants l’évitent
d’ailleurs comme la peste. « Il y a un nuage
au-dessus de l’école depuis au moins
10 ans », reconnaît Julie Bossé.
Pour les deux profs, le plus grave problème
des élèves de [...] ne se trouve pas dans la
cour d’école ou dans les corridors, mais
bien dans les salles de classe. « Nos élèves
sont extrêmement faibles en général »,
résume Julie Bossé.
Dans son palmarès annuel publié par le
magazine L’actualité, l’école [...] était classée au 423e rang provincial sur 477 en 2008.
« En fait, notre plus grande difficulté, c’est la
langue. Pour au moins 50 % de la clientèle,
le français n’est pas la langue maternelle, ni
même la deuxième ou la troisième langue,
dit l’autre enseignant. On observe alors qu’il
n’y a pas de bagage culturel commun. Pour
une élève afghane qui ne sait pas lire ou
écrire en français, les fables de La Fontaine
ne veulent pas dire grand-chose. »
Au lendemain de cette mini-émeute, la
direction de l’école avait demandé aux
profs de resserrer l’étau autour des élèves.
« Les jeunes ont l’impression qu’ils sont
capables de faire la loi à l’école. Honnêtement, ça fonctionne un peu », constate
Mme Bossé.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
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Revue
de
presse
La pauvreté au détour
Les jeunes et les écoles publiques
de chaque corridor
Caroline Touzin
La Presse, 25 janvier 2009
[...] est l’école secondaire de l’autre
« Bronx » de [...]. Le genre d’école où des
élèves disent tout haut devant la classe
qu’ils veulent devenir proxénètes. Où des
parents n’ont plus d’argent pour l’épicerie
après avoir payé l’uniforme scolaire. Où
des ados fraîchement débarqués d’Haïti
ne savent même pas comment tenir un
crayon. Et où, malgré tout, les enseignants
ont [...] tatoué sur le coeur. Hier, La Presse
vous a décrit le quotidien des enfants du
quartier; voici aujourd’hui ce qui leur arrive
à l’adolescence.
La rencontre de remise des bulletins est
commencée. On est en début d’année
scolaire à l’école secondaire [...]. Au beau
milieu du gymnase, une mère éclate en
sanglots devant la directrice, Sylvie Beaupré. Les regards de dizaines de parents sont
soudainement tournés vers les deux
femmes. « Dix dollars, c’est trop cher »,
explique péniblement la mère de deux
ados. Dix dollars par mois, c’est ce qu’on
demande aux élèves démunis contre un
repas chaud tous les midis à la cafétéria.
Pour la maman, cette somme dérisoire est
la goutte qui fait déborder le vase. Elle a fait
d’énormes sacrifices pour payer l’uniforme
de ses deux ados (environ 120 $ par enfant).
Elle n’a plus d’argent pour les nourrir.
« J’ai passé toute ma carrière en milieu
défavorisé, mais on ne peut pas devenir
insensible à des scènes comme celle-là »,
raconte la directrice de cette école secondaire publique de [...].
La pauvreté n’est pas subtile, ici. Elle
vous saute au visage au détour de chaque
corridor.
L’uniforme, obligatoire depuis deux ans,
ne masque pas le problème. Un élève est
expulsé de sa classe parce
qu’il n’a pas son polo réglementaire. Il est gêné d’expliquer au surveillant qu’il en a
seulement deux. Les deux
sont au lavage.
« Je connais des gens qui
Photo : La Presse
portent le polo de l’école
la fin de semaine. Ils n’ont
pas d’autre linge », souligne un élève. L’adolescent en est
à sa première année à [...]. Il arrive d’une
école privée. Le choc est grand. « J’ai donné Dans le gymnase au plancher usé, les 12
beaucoup de nourriture à la guignolée. Je joueurs de basket de [...] n’ont pas l’air
sais que ça va servir à des élèves de ma de former une équipe. Le premier match
classe », ajoute-t-il.
à domicile de la saison est sur le point de
commencer, et plusieurs ne se sont même
Dans chaque conversation à l’apparence pas encore changés. Les jeunes Noirs de
anodine, on sent à quel point des jeunes 13-14 ans n’écoutent pas leur entraîneur.
en arrachent. Comme dans cette classe Ils ont les yeux rivés sur leurs adversaires.
réservée aux élèves aux prises avec Certains ont l’air terrorisé. Et il y a de quoi.
des problèmes de langage. Que voulezvous faire plus tard ? leur demande-t- Les joueurs de l’équipe des visiteurs, l’école
on. « Pimp », répond Louis. La classe de [...], viennent de faire leur entrée dans le
18 élèves rigole. L’enseignant, Denis gymnase, gonflés à bloc. Ils sont plus
Nadeau, ne rit pas.
costauds et plus forts. Ils ont une routine
d’échauffement et un cri de ralliement.
Ses élèves n’obtiendront jamais leur L’équipe de [...] n’a rien de tout ça. Elle
diplôme d’études secondaires. Au mieux, ils n’a même pas suffisamment de dossards
termineront une formation pour se trouver de la même couleur. Ceux de [...] ont un
un métier semi-spécialisé. « Moi je veux être bel uniforme blanc. Ceux de [...], de vieux
médecin. Si un membre de ma famille est dossards troués. Des bleus et des verts.
malade, je pourrai le soigner gratuitement », « Ouache, il pue. Je ne veux pas jouer avec
articule difficilement Justin.
ça », s’exclame un joueur en enfilant le sien.
L’adolescent a 10 frères et soeurs.
Les parents de Justin, comme plusieurs
immigrés, ont de grands rêves pour leurs
enfants. Et refusent parfois de voir leurs limites. « On a des jeunes de 16 ans avec une
scolarité de première secondaire, mais leurs
parents continuent de croire qu’ils vont devenir médecins. C’est très difficile de valoriser
la formation professionnelle », explique la
conseillère pédagogique Lucille Buist.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
On se croirait dans le film de Walt Disney
Mighty Ducks. Une équipe sportive partie
de loin, de très loin se frotte à un adversaire plus imposant, plus riche, plus agressif. Plus TOUT.
Plusieurs joueurs de [...] n’ont pas mangé
avant le match. Et ils ne se sont pas apporté
de bouteille d’eau. Ils n’ont pas écouté les
conseils de leur entraîneur, qui est aussi le
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responsable des loisirs de l’école, Marco
Trottier. Rien d’étonnant, dit ce dernier. « Au
début de l’année, j’ai des joueurs qui arrivent avec des vieux Converse aux pieds. Je
dois faire des ententes de paiement avec
eux pour qu’ils arrivent à payer l’inscription
de 90 $ », raconte-t-il.
Le match commence. Il est 17 h 30. L’équipe
de [...] prend l’avance. Même s’ils communiquent moins sur le terrain, les jeunes ont
des années de pratique dans les parcs de
Montréal-Nord derrière le dossard. Et cela
paraît. Un joueur qui ne mesure pas cinq
pieds fait un panier de la lointaine ligne
de trois points. Un autre, connu pour ses
graves problèmes de comportement en
classe, fait une superbe passe. « Wow, avezvous vu ça ? demande le coach aux jeunes
restés sur le banc. Il a passé le ballon. C’est
ça qu’il faut faire. »
Quelques spectateurs au look hip-hop,
âgés dans la vingtaine, se tiennent debout,
le long des murs du gymnase. Ils n’ont pas
le choix. Il n’y a pas de gradins dans ce
complexe sportif, qui aurait bien besoin de
rénovations. Ils encouragent bruyamment
[...]. « Les grands frères et les amis sont
souvent là. Les parents, eux, ne viennent
jamais », ajoute l’entraîneur.
Il n’y a pas qu’au basket que les parents
brillent par leur absence. L’école a énormément de difficultés à les rejoindre. Même
quand il est question des absences répétées de leur enfant. Un fléau, ici, de l’aveu
même de la direction. Mme Beaupré a donc
invité par lettre les parents des 1400 élèves
à une conférence sur la motivation scolaire,
en plus de les relancer au téléphone. Résultat : 25 parents se sont déplacés.
Et impossible de tenir une réunion au tout
début du mois. Avec un chèque d’aide
sociale dans les poches, les parents ont
autre chose à faire que de venir à l’école. Le
président du conseil d’établissement, André
Morin, a déjà vu des assemblées générales
où ils étaient sept ou huit parents.
Aux grands maux, les grands remèdes.
Cet hiver, l’école fera venir d’Haïti un
conteur-vedette là-bas, Tonton Bicha,
pour faire passer des messages de base
aux parents. Des messages qui semblent
pourtant aller de soi du genre : un jeune a
besoin d’encouragement.
Les rares parents impliqués ont un enfant
inscrit au programme omnisports de l’école,
le projet Ose. C’est le cas de M. Morin, du
conseil d’établissement, dont les quatre filles
ont étudié à [...]. Les élèves qui participent à
Ose sont la crème de l’école. Ils ont réussi une
épreuve d’habileté physique et n’ont pas de
difficultés scolaires, grâce à quoi ils ont droit
à davantage de périodes d’éducation physique. Or, le projet n’est pas très populaire.
« Les jeunes d’un quartier défavorisé comme
ici auraient intérêt à bouger plus. Malheureusement, on en attire de moins en moins », se
désole un prof d’éducation physique, Sandy
Fournier.
Tatoués [ le nom de l’école ]
Être enseignant à [...], c’est devoir expliquer à des élèves de cinquième secondaire le chemin pour se rendre au métro
Berri-UQAM lors d’une sortie de classe au
centre-ville. « Certains ont 17 ans et ne sont
jamais sortis de Montréal-Nord », dit Michel
Thouin, prof de français.
C’est aussi faire le tour de son quartier avec
son cutter pour décrocher les pancartes
électorales au lendemain d’un scrutin,
comme le professeur de sciences, Benoît
Lalande. Son radar de prof dans une école
publique y voit du matériel gratuit pour des
activités scientifiques.
Les profs ont [ le nom de l’école ] tatoué sur
le coeur, comme ils disent. Jérôme Vanier
y enseigne l’anglais depuis 30 ans. Mais
ce qui l’allume le plus, ce sont les deux
midis par semaine qu’il passe à enseigner
bénévolement la guitare dans l’auditorium
de l’école. L’un avec des débutants à qui
il prête des guitares bas de gamme pour
répéter à la maison. L’autre avec un orchestre, des élèves plus âgés passionnés de
musique.
Ce midi-là, le groupe répète du Rancid, du
Linkin Park et du Ariane Moffatt. « L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du
crâne », chante une adolescente noire. Un
jeune Libanais l’accompagne au piano.
« C’est mon prodige », dit le prof d’anglais
en montrant le frêle adolescent. « J’ai rarement vu un talent comme ça en 30 ans
d’enseignement. »
Ce prodige n’a jamais pris de cours de
musique. Il ne sait pas lire une partition.
Mais il peut jouer n’importe quelle chan-
son au piano après l’avoir entendue une
fois. L’ado vient d’une famille nombreuse.
Et comme plusieurs autres élèves de [...],
il a vu la guerre de près. Il était au Liban
quand le conflit a éclaté à l’été 2006. « J’ai
cru que j’allais mourir », raconte le garçon
au regard vif.
M. Vanier tentera de convaincre ses parents
de lui payer des cours. Sans se faire d’illusion. La priorité des nouveaux arrivants,
c’est de payer le loyer et l’épicerie. Pas des
cours de piano.
L’enseignant d’anglais n’échangerait pas sa
place avec quiconque. « Je n’irais pas au
privé. C’est une classe de jeunes privilégiés
avec des attentes très liées au capitalisme.
Ici, papa et maman ne sont pas souvent
derrière leur jeune, mais les enfants ont
beaucoup de gratitude. »
Mauvaise note de 10 sur 10
[...] est dans le lot des 200 écoles secondaires en milieu défavorisé financées par le
ministère de l’Éducation avec le programme
Agir autrement. Elle a obtenu l’indice de
pauvreté le plus élevé : 10 sur 10.
La bonne nouvelle ? Cette mauvaise note
s’accompagne de ressources supplémentaires. Il y a un éducateur spécialisé
pour chaque niveau. Un travailleur social
du CLSC à temps plein dans l’école. Une
travailleuse communautaire chaque midi
pour faire de l’animation dans un local
réservé aux élèves de première secondaire.
Chaque jour, trois enseignants de l’école –
c’est chacun leur tour – restent une heure
de plus pour donner un coup de main aux
élèves dans leurs devoirs. Pour motiver les
jeunes à venir chercher de l’aide, chaque
présence leur donne des points échangeables contre des sorties gratuites (La Ronde,
par exemple). Une collation santé leur est
servie. Et malgré toutes ces « conditions
gagnantes », le programme n’attire vraiment
pas beaucoup de jeunes.
Qu’à cela ne tienne, la direction et le
personnel de [...] ne se découragent pas.
Ils en ont vu d’autres. L’équipe de basket
benjamin garçon, aussi. Comme dans le film
de Walt Disney Mighty Ducks, c’est l’équipe
partie de loin, de très loin, qui a remporté la
victoire au basket. Score : 74 contre 52 en
faveur de [...].
Le nom des écoles de même que les informations permettant de les reconnaître ont été
remplacés par [...] pour éviter l’identification des élèves qui les fréquentent.
la troisième avenue — IIIII IIIII IIIII IMAGINE éducation
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